NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/KOR/CO/225 juillet 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente-sixième session1er-19 mai 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

RÉPUBLIQUE DE CORÉE

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la République de Corée (CAT/C/53/Add.2) à ses 711e et 714e séances, les 11 et 12 mai 2006 (CAT/C/SR.711 et CAT/C/SR.714), et a adopté les conclusions et recommandations ci-après à sa 722e séance, le 18 mai 2006.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique de la République de Corée, qui a été élaboré conformément à ses directives mais a été soumis avec quatre ans de retard. Il prend acte avec satisfaction des réponses écrites complètes qui ont été apportées à la liste des points à traiter (CAT/C/KOR/Q/2), ainsi que des informations orales et audiovisuelles qui lui ont été données lors de l’examen du rapport. Il se félicite, en outre, du dialogue franc et constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie.

B. Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction les progrès importants accomplis vers une meilleure protection des droits de l’homme depuis l’examen du rapport initial. Il note également les efforts que déploie actuellement l’État partie pour revoir sa législation et prendre d’autres mesures nécessaires pour appliquer les recommandations du Comité et améliorer la mise en œuvre de la Convention, notamment:

a)L’application plus rigoureuse de la loi sur la sécurité nationale et les mesures visant à libérer et à gracier des personnes condamnées pour avoir violé cette loi;

b)Les mesures prises pour enquêter sur les violations passées des droits de l’homme et offrir des recours aux victimes, comme l’adoption en 2000 de la loi spéciale sur la recherche de la vérité dans les cas de morts suspectes, qui a débouché sur la création de la Commission présidentielle de la vérité sur les morts suspectes, et l’adoption de la loi sur la restitution de l’honneur et l’indemnisation des militants des mouvements pour la démocratie en 2000;

c)La création en 2001 de la Commission nationale des droits de l’homme qui a pour mandat d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et d’offrir des recours et, dans certaines circonstances, de mener des inspections dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires;

d)Les mesures visant à faire en sorte que les garanties juridiques fondamentales dont jouissent les personnes détenues par la police soient respectées, notamment la révision en 1997 du Code de procédure pénale pour permettre (sur demande) aux juges d’interroger les personnes avant qu’elles ne soient placées en détention; l’adoption de la directive pour la protection des droits de l’homme durant les procédures d’enquête en 2002, ainsi que l’adoption des mesures générales pour renforcer la protection des droits de l’homme au cours des procédures d’enquête en 2005;

e)La création de groupes ou de départements des droits de l’homme au Ministère de la justice et au Ministère de la défense nationale, ainsi que dans les bureaux des procureurs de district; et

f)La mise en place d’organes civils de surveillance des centres de détention et des établissements pénitentiaires, comme le comité de surveillance de la violence sexuelle et le comité consultatif de l’administration pénitentiaire.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

4.Tout en se félicitant des assurances verbales de la délégation tendant à faire des recommandations en vue de modifier le droit national relatif à la torture, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas incorporé de définition expresse du crime de torture dans son droit pénal comme celle figurant à l’article premier de la Convention.

Comme l’a précédemment recommandé le Comité (A/52/44, par. 62), l’État partie devrait incorporer dans son Code pénal une définition du crime de torture conforme à celle que contient l’article premier de la Convention.

5.Le Comité note avec préoccupation que l’article 125 du Code pénal concernant la violence et les actes de cruauté ne s’applique qu’à certains individus dans le cadre d’une enquête et/ou d’un procès, alors que d’autres actes constitutifs de torture, qui ne relèvent pas de cet article, sont traités en vertu d’autres dispositions du Code pénal et donnent lieu à des peines moins sévères.

L’État partie devrait revoir et, au besoin, modifier son Code pénal pour garantir que tous les actes de torture soient érigés en infraction pénale et punis conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

6.Tout en prenant acte des mesures prises récemment pour limiter l’application de la loi sur la sécurité nationale et montrer plus de clémence à l’égard des personnes condamnées, le Comité demeure préoccupé par le fait que les dispositions de la loi restent imprécises et que les règles régissant l’arrestation et la détention continuent d’être appliquées de façon arbitraire.

Comme l’a précédemment recommandé le Comité (A/52/44, par. 59), l’État partie devrait poursuivre la révision de la loi sur la sécurité nationale pour faire en sorte qu’elle soit pleinement conforme à la Convention et que les arrestations et les mises en détention effectuées au titre de cette loi ne créent pas de nouvelles possibilités de violations des droits de l’homme. L’État partie devrait également fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les progrès et les résultats des débats à l’Assemblée nationale en vue de l’abrogation ou de la modification de cette loi.

7.Nonobstant les mesures législatives et administratives visant à prévenir et à interdire la torture et autres formes de mauvais traitements, le Comité demeure préoccupé par les allégations persistantes faisant état d’intimidations et d’actes de torture commis par des membres des forces de l’ordre, revêtant notamment la forme d’un recours excessif à la force et à d’autres types de mauvais traitements, au cours des arrestations et des enquêtes, ainsi que dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires.

L’État partie devrait s’attacher bien d’avantage à promouvoir une culture des droits de l’homme en veillant à l’adoption et à l’application d’une politique de tolérance zéro vis ‑à-vis de tous les membres des forces de l’ordre, ainsi que de tous les personnels des centres de détention et des établissements pénitentiaires. Il devrait également redoubler d’efforts pour renforcer les activités d’éducation, de sensibilisation et de formation dans le domaine des droits de l’homme en général, et concernant l’interdiction de la torture en particulier.

8.Compte tenu du nombre d’allégations faisant état de torture et d’autres actes cruels, inhumains ou dégradants et de plaintes pour violation des droits de l’homme en général, le Comité s’inquiète du nombre relativement faible de mises en accusation, de condamnations et de mesures disciplinaires dont font l’objet des membres des forces de l’ordre. À cet égard, il craint également que la prescription des infractions de torture, tant en droit pénal qu’en droit civil, ne rende impossibles des enquêtes, des poursuites et des sanctions contre leurs auteurs, et ne prive les victimes d’une indemnisation et d’autres recours. En outre, le Comité s’inquiète de l’absence de programmes spécifiques de traitement ou de réadaptation des victimes de torture.

a) L’État partie devrait garantir que dans son système juridique toutes les allégations de torture et de mauvais traitements soient examinées rapidement et de manière approfondie, et que toutes les victimes obtiennent réparation et jouissent d’un droit exécutoire d’être indemnisées équitablement et de manière adéquate;

b) À cet égard, le Comité recommande instamment l’adoption du projet de loi visant à exclure ou suspendre l’application de la prescription pour les crimes contre l’humanité (y compris la torture), qui est actuellement à l’examen à l’Assemblée nationale;

c) De plus, le Comité exhorte l’État partie à mettre en place des programmes complets pour le traitement et la réadaptation (tant physique que mentale) des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, y compris pour assurer leur droit d’être indemnisées équitablement et de manière adéquate.

9.Le Comité note avec préoccupation que le droit d’un suspect à la présence de son avocat lors des interrogatoires et de l’enquête n’est pas garanti actuellement par le Code de procédure pénale et qu’il n’existe que dans le cadre des directives des bureaux des procureurs publics.

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que les garanties juridiques fondamentales dont jouissent les personnes détenues par la police soient respectées. À cet égard, il recommande l’adoption des modifications pertinentes au Code de procédure pénale, actuellement à l’examen à l’Assemblée nationale, qui garantissent le droit d’un suspect à la présence de son avocat lors des interrogatoires et de l’enquête.

10.Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie sur l’indépendance de son système judiciaire, le Comité demeure préoccupé par l’absence de garanties suffisantes de cette indépendance, en particulier par le fait que le processus d’évaluation des juges puisse nuire à la stabilité de leurs fonctions.

L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir l’inamovibilité des juges et prévenir toute interférence dans leurs fonctions judiciaires.

11.Le Comité s’inquiète d’informations indiquant un recours excessif à la procédure d’arrestation pour des motifs urgents, permettant de détenir une personne sans mandat d’arrêt pour une période maximale de 48 heures, ce qui constitue un abus de procédure.

L’État partie devrait continuer à prendre toutes les mesures juridiques et administratives nécessaires pour réglementer strictement le recours à la procédure d’arrestation pour des motifs urgents et empêcher qu’il n’en soit fait un usage abusif, et pour garantir le respect des droits des personnes ainsi détenues. En particulier, le Comité préconise instamment l’adoption rapide des modifications pertinentes au Code de procédure pénale actuellement à l’examen à l’Assemblée nationale.

12.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance de la protection juridique des personnes, en particulier des demandeurs d’asile, contre leur expulsion ou leur renvoi vers des pays où elles pourraient être soumises à la torture.

Le Comité se félicite des assurances verbales données par la délégation quant à sa volonté d’étudier les cas des personnes refoulées ou renvoyées vers des pays où elles courent le risque d’être soumises à la torture. L’État partie devrait garantir que les prescriptions de l’article 3 de la Convention s’appliquent lors de la décision d’expulsion, de renvoi ou d’extradition de chaque non-ressortissant ou personne de nationalité coréenne susceptible d’être renvoyé dans des zones situées hors de la juridiction de la République de Corée.

13.Le Comité est préoccupé par le nombre de personnes détenues dans des «cellules de substitution» (cellules de détention des postes de police) qui sont réputées être surpeuplées et en mauvais état.

L’État partie devrait limiter le recours à des «cellules de substitution», clarifier leur fonction, veiller à ce qu’elles offrent des conditions humaines pour ceux qui y sont détenus, et achever la construction proposée de nouveaux lieux de détention. En outre, le Comité prie instamment l’État partie de veiller à ce que tous les lieux de détention soient conformes aux normes minimales internationales.

14.Le Comité s’inquiète du nombre élevé de suicides et de morts subites dans les centres de détention. Il note qu’il n’y a pas eu d’enquête détaillée sur les liens existant entre le nombre de décès et la violence, la torture et d’autres formes de mauvais traitements dans les centres de détention.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les décès dans les centres de détention et en réduire le nombre. La fourniture adéquate de soins médicaux et l’accès comme il convient à ces soins devraient être assurés et des programmes de prévention des suicides élaborés dans ces centres. Le Comité recommande également à l’État partie de procéder à une analyse complète des liens existant, le cas échéant, entre le nombre de morts subites et la pratique de la torture et autres formes de mauvais traitements dans les centres de détention.

15.Le Comité est préoccupé par le nombre de suicides dans l’armée et l’absence d’informations précises sur le nombre de suicides dus à des mauvais traitements et à des actes de violence, notamment le bizutage, perpétrés par le personnel militaire.

L’État partie devrait empêcher les mauvais traitements et les actes de violence dans l’armée. Il est invité à rechercher systématiquement les causes des suicides au sein de l’armée et à évaluer l’efficacité des mesures et programmes actuels, comme le recours à un médiateur, pour prévenir ces décès. Des programmes complets de prévention des suicides dans l’armée devraient comprendre, entre autres, des activités de sensibilisation, de formation et d’éducation pour l’ensemble du personnel militaire.

16.Le Comité s’inquiète d’informations indiquant que dans les procès pénaux on se fonde dans une large mesure sur les résultats de l’enquête, pratique qui incite souvent les enquêteurs à contraindre les suspects à faire des aveux. Le Comité note également avec préoccupation que le nombre de condamnations fondées sur des aveux obtenus dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale ne lui a pas été communiqué.

L’État partie devrait veiller à ce que les déclarations faites sous la torture ne puissent pas servir de preuve dans les procédures. À cet égard, il recommande l’adoption des modifications pertinentes du Code de procédure pénale actuellement à l’examen à l’Assemblée nationale, qui rendrait les conditions de recevabilité de la preuve écrite dans les procédures juridiques beaucoup plus strictes. Le Comité recommande également à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur toute jurisprudence spécifique excluant la prise en compte de déclarations faites sous la torture, ainsi que des données précises sur le nombre de condamnations au titre de la loi sur la sécurité nationale fondées sur des aveux, et d’indiquer si des enquêtes sont menées pour déterminer si ces aveux ont été obtenus sous la contrainte et si des personnes ont été reconnues coupables de torture dans ce contexte.

17.Le Comité est préoccupé de l’existence de cas de violences familiales et autres fondées sur le sexe, y compris le viol conjugal, et note le faible nombre de mises en accusation, qui résulte en partie de règlements et d’arrangements conclus lors de l’enquête. Le Comité note également que le viol conjugal ne constitue pas une infraction pénale au regard la loi.

L’État partie devrait veiller à ce que les victimes de viol conjugal et de violence fondée sur le sexe aient un accès immédiat à des moyens de recours et de protection, à ce que les mesures visant à parvenir à des règlements et des arrangements en cours d’enquête ne nuisent pas aux femmes victimes de violence, et à ce que les auteurs soient poursuivis et punis. Le Comité prie instamment l’État partie de poursuivre ses activités de sensibilisation et de formation à la question destinées au grand public en général, et en particulier aux législateurs, aux membres de l’appareil judiciaire, au personnel des forces de l’ordre et aux fournisseurs de services de santé. Le Comité exhorte également l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour ériger le viol conjugal en infraction pénale.

18.Le Comité regrette l’absence de données ventilées par âge et par sexe sur les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements qui auraient été commis par des agents des forces de l’ordre, ainsi que sur les enquêtes, les poursuites et les sanctions pénales ou disciplinaires, de même que l’absence de données statistiques sur le nombre de femmes et d’enfants victimes de la traite à des fins de prostitution. Il demande également à l’État partie de fournir des renseignements sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation offerts aux victimes, ainsi que sur les résultats des études recommandées aux paragraphes 14 et 15 ci‑dessus.

19.L’État partie devrait diffuser largement son rapport au Comité, ses réponses à la liste des points à traiter ainsi que les conclusions et recommandations du Comité, dans toutes les langues voulues, par le biais de ses sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

20.Le Comité demande à l’État partie de lui adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations contenues aux paragraphes 7, 9, 13, 14 et 15.

21.L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui englobera ses troisième, quatrième et cinquième rapports, au plus tard le 7 février 2012, date à laquelle le cinquième rapport périodique doit être soumis.

22.Le Comité note que l’État partie songe à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il note également qu’il envisage de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, et que le Ministère de la justice a déjà émis un avis dans ce sens. Il invite l’État partie à accélérer ses démarches à cet effet.

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