NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/MKD/CO/217 avril 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑douzième sessionNew York, 17 mars‑4 avril 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L ’ ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l ’ homme

EX ‑ RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le deuxième rapport périodique de l’ex‑République yougoslave de Macédoine (CCPR/C/MKD/2) à ses 2525e et 2526e séances (CCPR/C/SR.2525 et 2526), le 26 mars 2008, et adopté les observations finales suivantes à sa 2537e séance (CCPR/C/SR.2537), le 3 avril 2008.

A. Introduction

2.Le Comité note que l’État partie a soumis son deuxième rapport périodique, élaboré conformément aux directives pour la présentation des rapports, six ans après la date prévue, et accueille avec satisfaction les renseignements sur les faits nouveaux qui se sont produits depuis l’examen du rapport initial ainsi que les réponses écrites qui lui ont été communiquées à l’avance.

3.Le Comité se félicite du dialogue positif qu’il a eu avec la délégation composée d’experts compétents dans différents domaines pertinents pour l’application du Pacte et lui sait gré des efforts qu’elle a faits pour répondre à ses questions écrites et orales pendant l’examen du rapport de l’État partie.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que d’importantes réformes législatives et institutionnelles de grande ampleur ont été menées dans l’État partie au cours de la période couverte par le deuxième rapport périodique en vue d’améliorer le système judiciaire.

5.Le Comité se félicite de l’adoption de la nouvelle loi sur le statut juridique des Églises, communautés et groupes religieux, qui créé une plus grande égalité entre les Églises et groupes religieux.

6.Le Comité se félicite des modifications du Code pénal portant dépénalisation des infractions de diffamation (art. 172), d’injure (art. 173) et d’évocation de circonstances personnelles ou familiales (art. 174) qui sont autant de pas dans la bonne direction en vue de garantir la liberté d’opinion et d’expression, en particulier celle des journalistes et des éditeurs.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité se félicite de la création du Bureau du Médiateur de la République mais note que celui‑ci n’est pas pleinement conforme aux principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris) adoptés par l’Assemblée générale dans sa résolution 48/134 (art. 2).

L ’ État partie devrait veiller à ce que le Bureau du M édiateur de la République soit pleinement conforme aux Principes de Paris et à ce qu ’ il soit complètement indépendant, y compris sur le plan financier. Le Comité invite également l ’ État partie à envisager de créer une institution nationale pour la protection et la promotion des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales dans l ’ ex ‑ République yougoslave de Macédoine dotée d ’ un mandat plus large.

8.Le Comité, tout en saluant les nombreux efforts faits par l’État partie pour lutter contre la corruption, qu’elle soit à un haut niveau ou à petite échelle, en vue d’atteindre son objectif de «tolérance zéro» à l’égard de la corruption, reste préoccupé par la persistance de ce phénomène et par ses incidences néfastes sur la pleine jouissance des droits garantis par le Pacte (art. 2).

L ’ État partie devrait continuer à lutter co ntre la corruption afin que les comportements changent dans la société et que la corruption ne soit pas perçue comme inévitable.

9.Le Comité, tout en se félicitant de l’adoption de la loi sur l’égalité des chances pour les hommes et les femmes et du nombre croissant de femmes qui occupent des postes élevés dans le secteur privé, est toujours préoccupé par le niveau de la participation et de la représentation des femmes dans les institutions de l’État ainsi que par la façon dont elles sont perçues dans la société (art. 3, 25 et 26).

L ’ État partie devrait continuer à pr omouvoir la participation et la représentation des femmes dans les secteurs publi c et privé et appliquer à cette  fin des mesures positives conformément à l ’ article 6 de la loi sur l ’ égalité des  chances pour les  hommes et les femmes. Il devrait également mener des  campagnes d ’ éducation afin que la société ne ca ntonne plus les femmes dans des  rôles stéréotypés.

10.Le Comité est préoccupé par la charge de la preuve excessive, préjudiciable à la protection des victimes, imposée pour établir un viol conformément à la définition qu’en donne le Code pénal de l’État partie (art. 2 1), 3, 7 et 26 du Pacte). Il se félicite que l’État partie soit prêt à tenir compte de ses préoccupations et de sa recommandation à ce sujet dans les modifications qu’il s’emploie à apporter au Code pénal.

L ’ État partie devrait modifier la loi afin de ne pas imposer une charge de la preuve excessive aux victimes de viol et de ne pas créer un environnement favorable à l ’ impunité pour les auteurs de ces crimes.

11.Le Comité note que le comportement de certains policiers, notamment les mauvais traitements infligés à des détenus, suscite des préoccupations depuis longtemps et que des dysfonctionnements ont été signalés dans les mécanismes de contrôle interne de la police qui sont en place. Il est, en particulier, préoccupé par les informations sur les violences policières commises contre les membres de groupes minoritaires, et spécialement les Roms, et l’absence d’enquête effective sur ces affaires (art. 2, 7, 9, 10 et 26).

L ’ État partie devrait renforcer la formati on des forces de police dans le domaine des droits de l ’ homme et continuer à les sensibiliser à la vulnérabilité particulière des groupes minoritaires, notamment les Roms. Il devrait également veiller à ce que des enquêtes soient menées sur toutes les allégations de mauvais traitements et que les responsables soient punis. Il devrait en outre mettre en place un organe indépendant de surveillance de la police.

12.Le Comité est préoccupé par la portée de la loi d’amnistie et par le nombre de personnes qui en ont bénéficié. Il fait observer que la volonté politique d’amnistier des crimes commis dans des périodes de guerre civile peut également conduire à une forme d’impunité incompatible avec le Pacte. Il réaffirme, comme il l’a indiqué dans son Observation générale no 20 (1992) sur l’interdiction de la torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que les lois d’amnistie sont généralement incompatibles avec le devoir qu’ont les États parties d’enquêter sur de tels actes, de garantir la protection contre de tels actes dans leur juridiction et de veiller à ce qu’ils ne se reproduisent pas à l’avenir. Il est également préoccupé par le fait que les organisations de victimes n’ont pas été consultées dans le processus de rédaction de la loi en question (art. 2, 6 et 7).

L ’ État partie devrait veiller à ce que la loi d ’ amn istie ne soit pas appliquée aux  plus graves violations des droits de l ’ homme ni aux violations qui constituent des crimes contre l ’ humanité ou des crimes de guerre. Il devrait également veiller à ce que les  violations des droits de l ’ homme fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, que les  responsables soient traduits en justice et que les victimes et leur famille reçoivent une réparation adéquate.

13.Le Comité, tout en se félicitant des efforts faits par l’État partie pour prendre en considération et combattre la traite des femmes et des enfants, reste préoccupé par ce phénomène et en particulier par le faible nombre d’affaires où une indemnisation pour dommage moral a été accordée (art. 3, 8 et 24).

L ’ État partie devrait continuer à appliquer et à faire exécuter les mesures qu ’ il a prises pour combattre la traite des femmes et d es enfants et pour traduire les responsables en justice. Les policiers, gardes front ière , juges, avocats et autres personnels concernés devraient bénéficier d ’ une formation afin de prendre conscience du caractère sensible de la question de la traite et des droits des victimes. Des mesures devraient être prises pour améliorer le niveau d ’ indemnisation des victimes de la traite et pour que les dispositifs d ’ aide ne soient pas appliqués de manière sélective. L ’ État partie devrait également e ntreprendre de faire évoluer la perception qu ’ a le public de la question de la traite, afin notamment que les personnes qui font l ’ objet de la traite soient reconnues comme des victimes.

14.Le Comité prend note de l’enquête menée par l’État partie et du fait qu’il nie toute implication dans la remise de Khaled al‑Masri, en dépit des allégations très détaillées ainsi que des préoccupations exprimées, notamment, par la Commission temporaire du Parlement européen sur l’utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, dans le rapport établi par Dick Marty pour le Conseil de l’Europe et dans les observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/MKD/CO/7) (art. 2, 7, 9 et 10 du Pacte).

L ’ État partie devrait envisager d ’ entreprendre une nouvelle enquête approfondie sur les allégations de M. al ‑ Masri. Cette enquête d evrait tenir compte de tous les  éléments de preuve disponibles et être menée en coopération avec l ’ intéressé. Si  elle conclut que l ’ État partie a violé les droits de M. al ‑ M asri protégés par le  Pacte, l ’ État partie devrait accorder à l ’ intéressé u ne indemnisation appropriée. Il  devrait également revoir ses pratiques et procédures afin de ne jamais commettre d ’ actes tels que ceux que dont M. al ‑ Masri a fait état.

15.Le Comité prend note du petit nombre de personnes déplacées et des efforts faits par l’État partie pour trouver une solution à leur situation tragique mais s’inquiète de ce que nombre de ces personnes vivent toujours dans des foyers collectifs tant d’années après les événements qui ont entraîné leur déplacement (art. 12).

L ’ État partie devrait trouver sans plus tarder des sol utions durables pour toutes les  personnes déplacées en consultation avec celles qui le sont toujours et conformément aux Principes directeurs relatif s au déplacement de personnes à l ’ intérieur de leur propre pays (E/CN.4/1998/53/Add. 2).

16.Le Comité note que l’État partie s’est engagé à ne pas renvoyer de force au Kosovo les demandeurs d’asile déboutés et à coopérer pleinement avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin d’assurer un retour dans la sécurité et la dignité, mais reste préoccupé par le système d’appel, en particulier en ce qui concerne l’indépendance de l’instance d’appel (art. 7, 12 et 13).

L ’ État partie devrait veiller à ce que le retour soit to ujours pleinement volontaire et  non forcé dans les cas où il ne peut pas assurer u n retour dans la sécurité et la  dignité. À cette fin, il devrait veiller en particulier à ce qu ’ un système d ’ appel efficace soit en place.

17.Le Comité, tout en saluant les mesures prises et les progrès sensibles accomplis par l’État partie pour accroître l’efficacité du système judiciaire, reste préoccupé par l’important arriéré judiciaire et les retards dans les procédures, ainsi que par le manque de traducteurs et d’interprètes judiciaires de langue albanaise, rom, turque et d’autres langues minoritaires (art. 14).

L ’ État partie devrait poursuivre les efforts qu ’ il fait pour résorber l ’ arriéré judiciaire et réduire les retards dans les procédures. Il devrait former davantage de traducteurs et d ’ interprètes dans les langues minoritaires.

18.Le Comité note avec préoccupation que les élections de 2005 auraient été entachées d’irrégularités, en particulier que certains groupes minoritaires n’auraient pas disposé d’un nombre suffisant de bulletins de vote, mais relève que l’État partie fait des efforts pour régler ces problèmes (art. 25).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour que les futures élections se déroulent d ’ une manière garantissant pleinement la libre expression de la volonté des électeurs.

19.Le Comité, tout en saluant les efforts faits par l’État partie pour améliorer la situation des minorités, y compris la population rom, s’inquiète toujours de ce que les membres des groupes minoritaires, en particulier les Roms, n’aient pas de possibilités suffisantes de recevoir un enseignement dans leur langue dans le premier et le second degré, ainsi que du niveau élevé de déscolarisation prématurée chez les enfants roms. Il est toujours préoccupé par les tendances ségrégationnistes et le harcèlement des enfants roms dans les écoles (art. 26 et 27).

L ’ État partie devrait continuer à redoubler d ’ efforts pour offrir aux enfants des minorités des possibilités suffisantes de recevoir un enseignement dans leur propre langue et prendre des mesures pour prévenir la déscolarisation prématurée de ces enfants . Il devrait également prendre toutes les mesures possibles pour prévenir la ségrégation des enfants roms dans les écoles et instaurer un climat de respect mutuel afin que les enfants de groupes minoritaires ne soient pas harcelés. La formation des enseignants devrait notamment prévoir une sensibilisation renforcée à l ’ égard des problèmes des minorités.

20.Le Comité fixe au 1er avril 2012 la date à laquelle le troisième rapport périodique de l’ex‑République yougoslave de Macédoine devra lui être soumis. Il demande que le texte du deuxième rapport périodique de l’État partie et des présentes observations finales soit rendu public et largement diffusé dans l’État partie, auprès de la population et auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives. Des exemplaires de ces documents devraient être distribués dans les universités, les bibliothèques publiques, la bibliothèque parlementaire et d’autres lieux appropriés. Il serait souhaitable de distribuer un résumé du rapport et des observations finales aux minorités dans leur propre langue. En outre, le troisième rapport périodique devrait être porté à la connaissance des organisations non gouvernementales présentes dans le pays.

21.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 12, 14 et 15. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements concernant ses autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble, ainsi que sur les difficultés rencontrées à cet égard.

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