Nations Unies

CRC/C/CAF/CO/2

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

8 mars 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de la République centrafricaine *

I.Introduction

Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la République centrafricaine (CRC/C/CAF/2) à ses 2171e et 2172e séances (CRC/C/SR.2171 et CRC/C/SR.2172), le 20 janvier 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 2193e séance, le 3 février 2017.

Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de la République centrafricaine, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/CAF/Q/2/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

Le Comité salue la ratification, en 2012, du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, l’adoption, en 2016, de la nouvelle Constitution et la création, en 2015, de la Cour pénale spéciale chargée de juger les auteurs des violations graves des droits de l’homme commises depuis 2003.

III.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

Le Comité prend note des graves répercussions de la crise politique et sécuritaire qui touche l’État partie, en particulier depuis 2012, et des difficultés rencontrées pour mettre un terme aux actes de violence extrême entre les groupes armés. Ces facteurs ont entraîné et continuent d’entraîner des violations graves des droits de l’enfant et constituent un obstacle majeur à la réalisation des droits consacrés par la Convention. Le Comité relève que les importants mouvements de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays ainsi que les graves problèmes économiques rencontrés par l’État partie nuisent aussi à la réalisation des droits de l’enfant. En outre, il constate que la situation d’instabilité et d’insécurité justifie la nécessité de conserver une présence de maintien de la paix des Nations Unies.

IV.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

Le Comité regrette que la mise en œuvre des recommandations qu ’ il a formulées en 2000 ait été limitée (CRC/C/15/Add.138) et recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite à ses recommandations antérieures, en particulier celles qui concernent la politique et la c oordination (par.  17), le suivi (pa r. 21), la discrimination (par.  29), le droit à un nom et à une nationalité (par. 37), la santé (par.  55), le niveau de vie (par. 69), l ’ enseignement (par.  71), le travail des enfants (par. 79) et les enfants touchés par des conflits armés (par. 83).

Législation

Le Comité prend note du projet de loi portant protection de l’enfant, mais est préoccupé par certaines dispositions qui ne sont pas pleinement conformes à la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que le projet de loi portant protection de l ’ enfant soit rapidement adopté et mis en pleine conformité avec les dispositions de la Convention. En particulier, il lui recommande de veiller à ce que le langage utilisé intègre une perspective de genre, que l ’ interdiction de la discrimination englobe tous les motifs prohibés, que l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant préside à toute adoption, que les châtiments corporels soient expressément interdits dans tous les contextes, que les filles ne soient pas poursuivies en justice pour leurs choix en matière de santé sexuelle et procréative et que les enfants victimes aient accès à des moyens de réadaptation physique et psychologique et aux services de santé.

Politique et stratégie globales

Le Comité relève que la politique de 2011 relative à la protection des droits de l’enfant devait être revue et actualisée en décembre 2016, mais regrette qu’aucun calendrier n’ait été clairement défini pour l’élaboration et l’adoption de celle-ci.

Le Comité encourage l’État partie à définir un calendrier précis pour l’élaboration d’une politique globale visant à remédier aux problèmes les plus pressants relatifs aux droits de l’ enfant , ainsi qu’à concevoir une stratégie de mise en œuvre qui soit assortie de ressources humaines, techniques et financières suffisantes. À cet égard, il recommande à l ’ État partie de solliciter une assistance, en particulier auprès du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF).

Coordination

Le Comité relève l’absence d’information sur le rôle et le mandat du Conseil national de la protection de l’enfant chargé, au sein du Cabinet du Premier Ministre, de coordonner les questions relatives aux droits de l’enfant.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le Conseil national de la protection de l ’ enfant relevant du Cabinet du Premier Ministre dispose des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement et qu ’ il soit doté d ’ un mandat clair et investi de pouvoirs suffisants pour coordonner l ’ ensemble des activités liées à la mise en œuvre de la Convention aux niveaux intersectoriel, national, régional et local. À cet égard, le Comité recommande à l ’ État partie de solliciter l ’ assistance de l ’ UNICEF.

Allocation de ressources

Le Comité prend note de la précarité de la situation économique de l’État partie, mais constate avec préoccupation que :

a)Les ressources allouées pour remplir les obligations relatives aux droits de l’enfant sont insuffisantes ;

b)L’enfance ne constitue pas une priorité, ce qui s’est traduit par une diminution des ressources qui y sont allouées entre 2014 et 2016 ;

c)L’État partie dépend trop des donateurs internationaux ;

d)Le Ministère de l’économie, du plan et de la coopération n’effectue pas d’analyse budgétaire fondée sur les droits de l’homme, en dépit de la disponibilité des données.

À la lumière de son observation générale n o 19 (2016) sur l ’ élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ allouer des crédits budgétaires suffisants, conformément à l ’ article 4 de la Convention, pour la réalisation des droits de l ’ enfant, en particulier en ce qui concerne la santé, l’ éducation et le minimum vital, ainsi que d ’ augmenter progressivement la part des ressources nationales allouées à ces postes budgétaires par rapport aux contributions des donateurs ;

b) De veiller à ce que les fonds nécessaires soient disponibles pour mettre en œuvre la politique et la stratégie de protection des droits de l ’ enfan t, une fois celles-ci adoptées ;

c) D ’ effectuer régulièrement des analyses des budgets des ministères chargés des affaires sociales, notamment en utilisant des indicateurs relatifs à l ’ enfant et en mettant en place un système de suivi, et d ’ en publier les résultats ;

d) De définir des lignes budgétaires en faveur des enfants vulnérables et de veiller à ce que ces ressources soient préservées même en cas de crise économique, politique ou sécuritaire, de catastrophe naturelle ou d ’ autre situation d ’ urgence.

Collecte de données

Le Comité accueille avec satisfaction les enquêtes menées récemment, qui ont aidé à mettre à jour les indicateurs relatifs à l’enfant, mais il constate avec préoccupation que les systèmes de gestion de l’information des ministères concernés comportent des faiblesses qui ne permettent pas la collecte systématique de données actualisées sur les droits de l’enfant, et que les données disponibles sont peu exploitées.

À la lumière de son observation générale n° 5 (2003) sur les mesures d ’ application générales de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’État partie :

a) De renforcer les systèmes de gestion de l ’ information des ministères concernés afin de collecter, d ’ analyser et de diffuser régulièrement des données sur les droits de l ’ enfant ;

b) De collecter des données couvrant tous les domaines visés par la Convention et ventilées selon l ’ âge, le sexe, le handicap, l ’ emplacement géographique et l ’ origine ethnique ;

c) De communiquer les données aux ministères concernés et de veiller à ce qu ’ elles soient utilisées pour formuler, suivre et évaluer les politiques, programmes et projets aux fins de l ’ applicat ion effective de la Convention ;

d) De tenir compte du cadre conceptuel et méthodologique établi dans le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’homme (HCDH) intitulé «  Indicateurs des droits de l ’ homme : Guide pour mesurer et mettre en œuvre  » lorsqu ’ il définit, recueille et diffuse des données statistiques.

Mécanisme de suivi indépendant

Le Comité regrette que le Comité national de suivi de l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant, créé en 1993, ne soit plus opérationnel depuis 2003 en raison des crises politiques et militaires successives. Il constate avec préoccupation que les dossiers concernant 1 422 cas de violations présumées des droits de l’enfant qui ont été signalés à la Direction générale des affaires sociales et de la justice entre 2008 et 2009 ont été égarés ou détruits, et qu’aucune information n’a été fournie sur les mesures prises pour traiter ces affaires.

À la lumière de son observation générale n o  2 (2002) sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l ’ homme dans la protection et la promotion des droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’État partie :

a) De prendre rapidement des mesures pour créer une entité nationale indépendante chargée de surveiller le respect des droits des enfants, et d ’ allouer les ressources nécessaires à son fonctionnement aux niveaux national et local ;

b) De mettre en place une procédure permettant de recevoir et de traiter les plaintes pour violation des droits de l ’ enfant de manière confidentielle et adaptée aux enfants ainsi que dans le respect de leur sensibilité, et de veiller à ce que les données relatives aux plaintes soient protégées contre la destruction ;

c) De solliciter à cet égard l ’ assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH), de l ’ UNICEF et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), entre autres.

Diffusion, sensibilisation et formation

Le Comité accueille avec satisfaction les différents programmes de formation et de sensibilisation, y compris les campagnes, qui ont été menés avec des responsables politiques, des parlementaires, des magistrats, des membres des forces de l’ordre et des travailleurs sociaux, ainsi que l’intégration de la Convention dans les programmes d’enseignement de l’école primaire par le Ministère de l’éducation et la traduction de la Convention en sango, la langue nationale. Il constate toutefois que ces activités n’ont pas été menées de manière régulière et prévisible, ce qui les rend moins efficaces, et note que les ressources consacrées à leur organisation sont insuffisantes.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer une stratégie permettant de mener à bien les programmes de diffusion, de sensibilisation et de formation relatifs à la Convention afin de maintenir durablement l ’ attention prêtée aux droits de l ’ enfant, et de faire en sorte que les ressources nécessaires soient disponibles à cet effet.

Droits de l’enfant et entreprises

Le Comité est préoccupé par l’absence de plan ou de réglementation au niveau national sur les entreprises et les droits de l’homme ainsi que par les incidences du secteur des entreprises, en particulier l’exploitation minière et l’agriculture, sur les droits de l’enfant.

À la lumière de son observation générale n o 16 (2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l ’ enfant et des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l ’ homme : mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter et d ’ appliquer des dispositions réglementaires propres à assurer le respect par les entreprises, en particulier dans les secteurs de l ’ exploitation minière et de l ’ agriculture, des n ormes internationales relatives aux droits de l ’ homme, au travail et à l ’ environnement en ce qui concerne les droits de l ’ enfant.

B.Définition de l’enfant (art. 1er)

Tout en notant que l’âge du mariage est fixé à 18 ans, le Comité est préoccupé par les pratiques coutumières qui permettent de marier des enfants de moins de 16 ans avec le consentement des parents, ce qui se traduit par un pourcentage très élevé de mariage d’enfants.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire respecter la disposition fixant l ’âge minimum du mariage à 18  ans, sans exception.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

Le Comité note que la discrimination est interdite dans l’État partie mais est préoccupé par les discriminations persistantes dont sont victimes dans la pratique les enfants en raison de leur l’appartenance religieuse ainsi que les filles, les enfants pygmées, les enfants albinos (peuls), les enfants foulbés, les enfants handicapés, les enfants issus de milieux socioéconomiques défavorisés, les orphelins, les enfants vivant avec le VIH/sida et les enfants accusés de sorcellerie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mener des programmes de sensibilisation et des programmes éducatifs, notamment des campagnes visant les enfants, les familles, les communautés et les chefs coutumiers et religieux, sur l ’ élimination de ces formes de discrimination.

Intérêt supérieur de l’enfant

Le Comité constate avec préoccupation que le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale n’est guère connu des fonctionnaires, des magistrats et des personnes travaillant pour et avec les enfants.

À la lumière de son observation générale n o 14 (2013) sur le droit de l ’ enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intégrer ce droit dans la législation, les politiques et les programmes concernant les enfants et ayant des effets sur eux, ainsi que d ’ aider les fonctionnaires, les magistrats et les personnes travaillant pour et avec les enfants à déterminer l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et à en faire une considération primordiale.

Droit à la vie, à la survie et au développement

Le Comité est vivement préoccupé par le taux très élevé de mortalité infantile, la mort et la mutilation de centaines d’enfants victimes des membres de l’ex-Séléka, des groupes armés qui lui sont associés et des éléments anti-balaka, ainsi que par le déplacement de milliers d’enfants en raison du conflit armé.

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ accorder la priorité aux mesures visant à réduire la mortalité infantile, de faire en sorte que les allégations de violations graves et systématiques commises à l ’ égard d ’ enfants par l ’ une quelconque des parties au conflit fassent l ’ objet d ’ enquêtes en temps voulu et que les auteurs soient traduits en justice, et d ’ apporter une aide aux enfants déplacés en raison du conflit armé.

Respect de l’opinion de l’enfant

Le Comité salue la participation d’enfants au Forum de Bangui, mais est préoccupé par les attitudes traditionnelles qui limitent la possibilité qu’ont les enfants d’exprimer leurs points de vue sur les questions les concernant et empêchent que leurs opinions soient dûment prises en compte au sein de la famille, à l’école et dans la communauté.

À la lumière de son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l ’ enfant d ’ être entendu, le Comité encourage l ’ État partie à mettre en œuvre des programmes et des activités de sensibilisation pour promouvoir la participation effective de tous les enfants dans la famille, dans la communauté et à l ’ école, notamment par la formation de professionnels et la mise en place d ’ activités spécifiques à l ’ école, en accordant une attention particulière aux filles et aux enfants vulnérables.

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances, nom et nationalité

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’enregistrement des naissances, en particulier le décret no 14.228 de 2014 qui prévoit l’enregistrement gratuit des naissances ayant eu lieu pendant le conflit qui s’est déroulé de 2012 à 2014, et la remise sur pied de son administration civile, qui a permis l’enregistrement de plus de 35 000 enfants. Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)La faiblesse persistante du taux d’enregistrement des naissances et les disparités importantes entre zones urbaines et rurales ;

b)L’absence d’enregistrement universel gratuit des naissances ;

c)La durée limitée pendant laquelle l’enregistrement d’une naissance est possible aux termes de l’article 134 du Code de la famille ;

d)Le fait que la population a peu conscience de l’importance de l’enregistrement des naissances.

Eu égard à la cible 16.9 des objectifs de développement durable, qui prévoit de garantir une identité juridique à tous, notamment grâce à l ’ enregistrement des naissances, le Comité prie instamment l ’État partie :

a) D ’ adopter à titre prioritaire des mesures garantissant l ’ enregistrement universel effectif des naissances, dans les zones tant urbaines que rurales ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l ’ enregistrement gratuit des naissances ;

c) D ’ envisager la révision ou la suspension de l ’ article 134 du Code de la famille de façon que les enfants puissent encore être enregistrés après l ’ expiration de la période d ’ un mois prévue pour ce faire, sans q ue cela entraîne des sanctions ;

d) De redoubler d ’ efforts pour faire comprendre à la population en général et aux mères en particulier l ’ importance de l ’enregistrement des naissances ;

e) De former les agents publics à l ’ enregistrement des naissances et leur fournir les ressources techniques nécessaires ;

f) De solliciter l ’ assistance technique du Progr amme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF), entre autres, pour mettre en œuvre ces recommandations.

Liberté d’expression et d’association

Le Comité note les efforts faits par l’État partie pour promouvoir les clubs d’enfants, mais constate avec préoccupation que les enfants n’ont que peu d’occasions d’exercer leur droit à la liberté d’expression et d’association, notamment en ayant accès à des espaces conçus pour leur permettre de recevoir des informations, de dialoguer et d’échanger des idées.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour promouvoir le droit de l ’ enfant à la liberté d ’ expression, notamment grâce à l ’ utilisation de la radio et des autres médias.

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Le Comité est profondément préoccupé par les violences infligées à des enfants par la police, notamment lors des enquêtes, violences qui peuvent s’apparenter à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

À la lumière de son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l ’ enfant d ’ être protégé contre toutes les formes de violence, le Comité prie instamment l ’ État partie de donner rapidement des directives à la police en ce qui concerne le droit de l ’ enfant d ’ être protégé contre toutes les formes de violence, en particulier la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et de demander au ministère public d ’ enquêter immédiatement sur les cas signalés d ’ enfants torturés par des policiers.

Châtiments corporels

Le Comité note que l’État partie a l’intention d’interdire les châtiments corporels, mais s’inquiète du fait qu’ils ne sont toujours pas interdits dans tous les cadres, en particulier à la maison, dans les structures de protection de remplacement, dans les écoles et dans les établissements pénitentiaires, et constate avec une grande préoccupation que les mesures de discipline violentes infligées aux enfants demeurent extrêmement répandues.

À la lumière de son observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l ’ enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, le Comité recommande à l ’État partie :

a) D ’ interdire les châtiments corporels quel que soit le cadre, dans le projet de loi sur la protection de l ’enfant ;

b) De réviser sa législation, en particulier le Code de la famille de 1997, le  Code pénal de 2010, la Constitution de 2004, le décret impérial n o 79/077 de 1979 relatif à la protection de la jeunesse et la loi n o 280 de 1961, afin d ’ y faire figurer l ’ interdiction des châtiments corporels dans le domaine de l ’éducation des enfants ;

c) De promouvoir des méthodes d ’ éducation et de discipline positives, non violentes et participatives.

Violence, exploitation et sévices sexuels liés au conflit

Le Comité note les mesures prises par l’État partie pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants et les violences sexuelles à leur égard, notamment la création d’un réseau des maires à Bangui, Bimbo et Bégoua, d’une unité mixte d’intervention rapide et de répression, d’une brigade des mineurs au sein de l’appareil judiciaire, ainsi que le projet axé sur l’information, l’éducation et la communication visant à mieux faire comprendre aux communautés les effets négatifs de la violence contre les enfants. Toutefois, le Comité est profondément préoccupé par :

a)Les cas de violence, d’exploitation et de sévices sexuels dont des enfants ont été victimes de la part de toutes les parties au conflit, y compris de membres des forces militaires internationales présentes sur le territoire de l’État partie dans le cadre d’opérations de maintien de la paix ;

b)Le fait que la prise en charge des enfants victimes est limitée ;

c)Le fait que les enfants victimes sont en outre stigmatisés par leur communauté, rejetés par leur famille ou en butte à des représailles de la part des auteurs ;

d)Le fait que les filles sont de plus en plus souvent contraintes de se prostituer pour survivre.

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De mettre en place des mécanismes, des procédures et des directives pour que les cas de violences et d ’ exploitation sexuelles visant des enfants fassent l ’ objet d ’ un signalement obligatoire et que des canaux accessibles, confidentiels, adaptés aux enfants et efficaces p ermettent de tels signalements ;

b) D ’ envisager l ’ adoption d ’ orientations sur la manière de documenter les violences sexuelles en temps de conflit et d ’ enquêter à ce sujet afin de protéger les enfants victimes du risque de traumatisme supplémentaire, notamment en s ’ appuyant moins sur les témoignages pour fonder les pour suites pénales ;

c) De prendre des mesures appropriées afin de mettre un terme à l ’ impunité pour tous les auteurs d ’ infractions sexuelles contre des enfants et de veiller à ce qu ’ ils soient poursuivis, tout en garantissant aux enfants victimes d ’ exploitation ou de violences sexuelles l ’ accès aux mesures de protecti on des victimes et des témoins ;

d) Dans le contexte des opérations de maintien de la paix, de prévoir, dans les accords sur le statut des forces conclus avec les pays fournisseurs de contingents et d ’ effectifs de police, des dispositions garantissant que lesdits pays aient la responsabilité inconditionnelle des enquêtes, des poursuites et des procès concernant les membres de leurs forces de sécurité opérant sur le territoire de l ’ État partie, que les allégations d ’ exploitation et de violences sexuelles contre des enfants fassent l ’ objet d ’ enquêtes promptes et efficaces et que des sanctions pénales soient prononcées contre les auteurs, et d ’ intégrer dans les accords des mesures pour la protection et la prise en charge des enfants victimes, en prévoyant notamment un soutien médical, psychosocial et juridique ainsi qu ’ une indemnisation ou d ’ autres formes de réparation ;

e) D ’ envisager d ’ inclure dans les accords sur le statut des forces conclus avec les pays fournisseurs de contingents et d ’ effectifs de police une clause permettant à l ’ État partie d ’ engager lui-même les poursuites lorsque le pays fournisseur ne peut ou ne veut pas agir ;

f) De prendre, en coopération avec ses partenaires internationaux, toutes les mesures nécessaires à la mise en place de programmes et politiques visant à prévenir les violences sexuelles et l ’ exploitation sexuelle des enfants et à permettre la réadaptation et la réinsertion sociale de tous les enfants victimes d ’ exploitation et de violences sexuelles, sans discrimination ;

g) De mener des activités de formation et de sensibilisation des forces de l ’ ordre au sujet des violences et de l ’ exploitation sexuelles liées au conflit, ainsi que de la protection de l ’ enfance ;

h) De continuer de mener des activités de sensibilisation afin de lutter contre la stigmatisation des enfants victimes d ’ exploitation ou de violences sexuelles, et de faire connaître les mécanismes permettant de porter plainte, de demander réparation et d ’ obtenir un soutien.

Pratiques préjudiciables

Le Comité est gravement préoccupé par le taux très élevé de mariages d’enfants et par la fréquence des mutilations génitales féminines, qui sont une pratique prédominante dans les zones rurales. Il s’inquiète également du fait que selon l’article 105 du Code de la famille de 1997, l’auteur d’un rapt ou d’un enlèvement peut épouser celle qu’il a enlevée et qu’en tant qu’épouse, elle n’a pas le droit de porter plainte, ce qui est pourtant nécessaire à l’engagement des poursuites.

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les mariages d ’ enfants, en particulier des filles des zone rurale et des milieux défavorisés, conformément aux obligations que la Convention impose à l ’ État partie ;

b) De réviser l ’ article  105 du Code de la famille pour permettre aux filles de porter plainte contre leur ravisseur, y compris lorsqu ’ elles l ’ ont épousé ;

c) Compte tenu de la recommandation générale/observation générale conjointe n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables (2014), de prendre les mesures nécessaires à une application stricte des dispositions juridiques qui incriminent les mutilations génitales féminines, notamment en rendant opérationnel le comité national de lutte contre les mutilations génitales féminines et en élaborant et en déployant des programmes d ’ éducation et de sensibilisation, avec la participation des autorités locales, des agents des forces de l ’ ordre, des chefs communautaires, des femmes et des médias, afin de traiter la question des normes sociales et des cou tumes préjudiciables aux filles ;

d) De faire connaître les droits des enfants au sein des communautés qui appliquent un droit coutumier ayant des effets préjudiciables sur les enfants.

Le Comité est également préoccupé par les violences infligées aux enfants atteints d’albinisme, aux enfants handicapés et aux enfants accusés de sorcellerie, qui peuvent être victimes de rituels violents assimilables à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, être enlevés ou même mis à mort. Il arrive aussi que ces enfants soient exclus de leur famille ou de leur communauté, risquant ainsi d’être livrés à la traite ou de se retrouver à la rue.

Tenant compte de la cible  16.2 des objectifs de développement durable consistant à mettre un terme à toutes les formes de violence contre les enfants, le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants atteints d ’ albinisme, les enfants handicapés et les enfants accusés de sorcellerie contre toutes les formes de violence, y compris de la part des autorités de l ’ État, des communautés et des familles, dans les zones tant rurales qu ’ urbaines, d ’ enquêter avec diligence sur de tels actes, d ’ engager des poursuites contre les auteurs et de les traduire en ju stice.

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

Le Comité s’inquiète de ce que le bouleversement de la vie familiale dû à la pauvreté, aux conflits armés et à la violence a gravement affaibli la capacité des familles à offrir aux enfants un environnement sûr. Il est également préoccupé par les stéréotypes dominants concernant les tâches et les rôles dévolus aux femmes et aux filles et par leurs conséquences négatives sur le développement des filles et des garçons.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ investir dans des mesures de soutien à l ’ autonomie économique des familles afin qu ’ elles puissent répondre aux besoins élémentaires de leurs enfants. Il lui recommande également de prendre des mesures pour encourager les mères et les pères à partager les responsabilités en ce qui concerne leurs enfants en toute égalité, conformément au paragraphe 1 de l ’ article  18 de la Convention.

Enfants privés de milieu familial

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour promouvoir les familles d’accueil et le placement familial, ainsi que l’élaboration, en 2015, de normes minimales concernant le placement en famille d’accueil, mais il est préoccupé de constater qu’un grand nombre d’enfants continuent d’être placés dans des institutions manquant de personnel et d’argent.

Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur les Lignes direct rices relati ves à la protection de remplacement pour les enfants (dont le texte est annexé à la résolution 64/142 de l ’ Assemblée générale), et lui recommande d ’ investir dans des mesures visant à soutenir toutes les formes de prise en charge familiale, notamment au moyen des mécanismes de soutien communautaire, et à améliorer la situation des institutions sur les plans humain et matériel pour qu ’ elles accueillent convenablement les enfants placés sous leur responsabilité.

Adoption

Le Comité est préoccupé par la dissolution du Comité chargé de l’adoption des enfants.

Le Comité recommande à l ’ État partie de rétablir le Comité chargé de l ’ adoption des enfants et d ’ envisager de ratifier la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d ’ adoption internationale.

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

Le Comité prend acte de la loi no 00.007 de décembre 2000 sur la santé, la protection et la promotion des personnes handicapées, mais regrette qu’elle ne soit pas appliquée. Il est particulièrement préoccupé par le fait que la majorité des enfants handicapés ne vont pas à l’école et que la pauvreté omniprésente et la violence armée généralisée ont exacerbé la discrimination et l’exclusion qui frappaient déjà ces enfants et ont encore réduit leurs possibilités d’accès à une aide et des soins appropriés. Il s’inquiète en outre de l’augmentation du nombre d’enfants présentant des handicaps causés par le conflit armé.

Compte tenu de son observation générale n o 9 (2006) sur les droits des enfants handicapés, le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme et lui recommande plus précisément :

a) De prendre des mesures d ’ urgence pour élaborer et mettre en œuvre des programmes spécifiques en faveur des enfants handicapés visant à améliorer leur insertion sociale, et de leur garantir notamment l ’ accès aux services sanitaires et sociaux, à une éducation inclusive et à la formation professionnelle ;

b) D ’ établir un système de collecte de données sur les enfants handicapés afin de concevoir des politiques d ’ inclusion ;

c) De veiller à ce que les enfants handicapés aient accès aux programmes de protection sociale et de réduction de la pauvreté ;

d) D ’ accorder une attention spéciale à la réadaptation et à la réinsertion sociale des enfants frappés par un handicap à cause du conflit armé ;

e) De lancer, en étroite coopération avec les organisations non gouvernementales et les communautés locales, des programmes de sensibilisation et notamment des campagnes pour l ’ élimination des discriminations à l ’ égard des enfants handicapés.

Santé et services de santé

Le Comité est profondément préoccupé par le nombre extrêmement élevé de décès d’enfants dus à des maladies évitables comme la malnutrition, le paludisme, les infections respiratoires et la diarrhée, et note que cette situation inquiétante est encore aggravée par la crise sécuritaire et le conflit armé. Le Comité est également très inquiet en ce qui concerne :

a)La destruction d’un système sanitaire déjà fragile et l’effondrement des services de santé, qui font en outre l’objet d’attaques de la part de groupes armés ;

b)L’insuffisance des services médicaux dispensés aux enfants victimes de mutilations génitales féminines ou de violences sexuelles ou sexistes ;

c)Le nombre insuffisant de centres de vaccination et le manque de moyens des centres existants ;

d)Le manque de services de santé mentale à même d’apporter un soutien aux enfants frappés par le conflit et la violence armée ;

e)Le fait que seuls les enfants membres de la famille de fonctionnaires ou d’employés du secteur privé ayant cotisé ont accès à la sécurité sociale.

À la lumièr e de son observation générale n o 15 (2013) sur le droit de l ’ enfant de jouir du meilleur état de santé possi ble, et compte tenu de la cible  3.2 des objectifs de développement durable relative à l ’ élimination des décès évitables de nouveau-nés et d ’ enfants de moins de 5  ans, le Comité prie instamment l ’ État partie, agissant en coopération avec des org anisations non gouvernementales :

a) De s ’ attaquer rapidement au problème des taux élevés de mortalité infantile et maternelle, notamment en facilitant l ’ accès aux services de santé primaires, en améliorant la prise en charge prénatale, en luttant contre la malnutrition et en prévenant le paludisme, les maladies respiratoires et la diarrhée, n otamment dans les zones rurales ;

b) D ’ ériger en priorité les mesures visant à améliorer l ’ accès aux services de soins de santé et de nutrition et la qualité de ces services, notamment en allouant des ressources financières suffisantes au secteur de la santé et en garantissant la présence de personnel médical qualifié, notamment dans les zones rurales ;

c) D ’ investir dans des mesures portant sur les soins de santé, notamment la formation de personnel médical et la fourniture de services psychosociaux aux enfants victimes de mutilations génitales féminines ou de v iolences sexuelles ou sexistes ;

d) De créer davantage de centres de vaccination et de fournir à tous les centres les ressources huma ines et les vaccins nécessaires ;

e) De mettre en place un programme de santé mentale destiné aux enfants, en particulier ceux touchés par le conflit et la violence armée ;

f) De donner à tous les enfants l ’ accès à la sécurité sociale, quelle que soit la situation pr ofessionnelle de leurs parents ;

g) De prendre les mesures nécessaires pour prévenir les attaques contre les structures ou les services sanitaires de la part de toutes les parti es au conflit ;

h) De continuer à solliciter l ’ assistance technique de l ’ UNICEF et de l ’ Organisation mondiale de la Santé (OMS), entre autres.

VIH/sida

Le Comité est préoccupé par les taux élevés de transmission du VIH de la mère à l’enfant et par le manque d’accès à des médicaments antirétroviraux tant pour les mères que pour les enfants infectés par le virus.

À la lumière de son observation générale n o 3 (2003) sur le VIH/sida et les droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer le suivi médical des mères infectées par le VIH afin d ’ éviter la transmission mère-enfant, et de permettre le diagnostic et le traitement précoces des enfants en améliorant l ’ accès aux thérapies antirétrovirales et à la prophylaxie ainsi que leur couverture.

Niveau de vie

Le Comité est préoccupé par le niveau de pauvreté très élevé qui perdure dans l’État partie, dont plus des trois quarts de la population vivent dans l’extrême pauvreté.

Le Comité attire l ’ attention sur la cible 1.3 des objectifs de développement durable qui consiste à mettre en place des systèmes et des mesures de protection sociale pour tous, y compris des socles de protection sociale, et à faire en sorte que d ’ ici à  2030 une part importante des pauvres et des personnes vulnérables en bénéficient , et recommande à l ’ État partie de renforcer les stratégies et dispositions visant à réaliser les droits des enfants dans le cadre des initiatives de réduction de la pauvreté, en particulier dans le contexte de sa coopération internationale avec la Banque mondiale et l ’ Union européenne.

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

Le Comité est gravement préoccupé par :

a)Le fait que tous les enfants ne bénéficient pas de la gratuité de l’enseignement primaire ;

b)Le taux extrêmement faible de scolarisation des enfants, plus bas pour les filles mais également en diminution pour les garçons, et le taux élevé d’abandon scolaire entre l’enseignement primaire et secondaire, une situation persistante aggravée par la crise politique et sécuritaire ;

c)Le mauvais état des infrastructures scolaires, le manque d’enseignants et de personnel éducatif et la piètre qualité de l’enseignement.

À la lumière de son observation générale n o 1 (2001), qui porte sur les objectifs de l ’ éducation, le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour assurer la gratuité de l ’ enseignemen t primaire à tous les enfants ;

b) De prendre les mesures nécessaires pour que les taux de scolarisation de tous les enfants dans l ’ enseignement primaire augmentent progressivement et que le taux d ’ abandon scolaire entre le primaire et secondaire aille en diminuant, en portant une attention particulière aux filles ;

c) D ’ investir dans des mesures visant à améliorer les infrastructures scolaires et leur accessibilité, à augmenter le nombre d ’ enseignants et les effectifs du personnel scolaire, et à dispenser une formation de qualité aux enseignants, y compris aux maîtres-parents, en part iculier dans les zones rurales ;

d) Compte tenu de la cible 4.1 des objectifs de développement durable, de veiller à ce que, d ’ ici à 2030, toutes les filles et tous les garçons suivent, sur un pied d ’ égalité, un cycle complet d ’ enseignement primaire et s econdaire gratuit et de qualité  ;

e) Poursuivre la collaboration avec l ’ UNICEF, l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ éducation, la science et la culture et d ’ autres partenaires afin de donner effet aux présentes recommandations .

S’il félicite l’État partie d’avoir approuvé, en juin 2015, la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, aux fins de la protection du système éducatif en période de conflit armé, le Comité se dit profondément inquiet des attaques visant les élèves, les enseignants et les écoles, et de la réquisition des établissements scolaires par les parties au conflit.

Le Comité engage instamment l ’ État partie à prendre les mesures voulues pour empêcher que les parties au conflit ne réquisitionnent les écoles, en appliquant notamment au cadre stratégique et opérationnel militaire les Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l ’ utilisation militaire durant les conflits armés, enquêter sur les attaques visant les élèves, les enseignants et les établissements scolaires, engager des poursuites et traduire les responsables en justice. L ’ État partie devrait en outre veiller à ce que les enfants touchés par les conflits puissent être réintégrés dans le système éducatif, en mettant notamment en œuvre des programmes d ’ éducation non formelle.

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Enfants réfugiés et enfants déplacés

Le Comité est sensible au fait que, malgré le contexte économique, politique et sécuritaire difficile, l’État partie a continué d’accueillir et d’intégrer des enfants réfugiés et demandeurs d’asile et il note avec satisfaction les mesures qui ont été prises en vue de fournir des soins de santé et une éducation aux enfants hébergés dans des camps pour réfugiés et déplacés. Il constate toutefois avec inquiétude que près de 500 000 ressortissants de l’État partie se trouvent dans des pays voisins en tant que réfugiés, tandis que 500 000 autres sont déplacés à l’intérieur du pays, ce qui signifie qu’environ un cinquième de la population vit loin de son lieu de résidence habituel. Il est également préoccupé par le sort des enfants réfugiés et des enfants déplacés qui sont susceptibles d’avoir été enrôlés et/ou utilisés dans des hostilités et/ou agressés sexuellement par des membres de groupes armés, ou qui risquent de l’être.

Le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir les droits et le bien-être des enfants déplacés, notamment en leur donnant accès à l ’ eau potable, à des équipements sanitaires adaptés, à des aliments et à un hébergement, et en accordant l ’ attention voulue aux besoins de ces enfants dans les domaines de la santé et de l ’ éducation ;

b) Mettre en place un système de soutien psychosocial et d ’ aide aux enfants déplacés, réfugiés et rapatriés afin de répondre aux besoins particuliers de ces enfants, qui ont vé cu le traumatisme de la guerre ;

c) Créer un mécanisme permettant d ’ identifier, au stade le plus précoce possible, les enfants susceptibles d ’ avoir été enrôlés et/ou utilisés dans des hostilités et/ou agressés sexuellement par des membres de groupes armés, ou qui risquent de l ’ être ;

d) Continuer de coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l ’ UNICEF à cet effet.

Enfants dans les conflits armés

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour protéger les droits de l’enfant en période de conflit armé, y compris son engagement à ne pas enrôler d’enfants et à libérer ceux qui ont été enrôlés, en application des accords de paix de Brazzaville signés par l’État partie et les groupes armés en juillet 2014 et en mai 2015 ; l’adoption d’un programme de soutien au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration des enfants associés à des groupes armés ; l’adoption d’un plan d’action avec les groupes armés visant à les radier des listes figurant dans le rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés ; et l’adoption de lignes directrices relatives à la prise en charge temporaire des enfants dans des familles d’accueil. Le Comité exprime cependant des inquiétudes concernant :

a)Les combats répétés entre les groupes armés, qui continuent de donner lieu à de graves violations des droits de l’enfant, notamment des meurtres et des mutilations, des enrôlements, des violences et des sévices sexuels, ainsi que l’impossibilité d’accéder aux services de santé et d’éducation et à l’aide humanitaire ;

b)Les informations selon lesquelles 10 000 enfants ont été enrôlés par des groupes armés et utilisés comme combattants et esclaves sexuels depuis l’éclatement du dernier conflit armé ;

c)Le fait que les communautés elles-mêmes incitent leurs enfants à prendre part à des hostilités.

Le Comité encourage vivement l ’ État partie à :

a) Intensifier ses efforts pour mettre fin au conflit armé en faisant en sorte que les accords de paix qui ont déjà été signés avec des groupes armés soient effectivement appliqués et en signant d ’ autres accords avec les groupes armés restants, en veillant à ce que la protection et la promotion des droits de l ’ enfant soient dûment prises en considération dans t outes les négociations de paix ;

b) Ériger en infraction l ’ enrôlement et l ’ implication d ’ enfants dans des hostilités et enquêter sans tarder sur les suspects, entamer des poursuites à leur encontre et traduire les responsables en justice tout en veillant à ce que les enfants enlevés par des groupes armés ne soient pas traités comme des criminels ;

c) Créer une instance de coordination chargée d ’ élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration des enfants associés à des groupes armés, et continuer de coopérer avec les partenaires des Nations Unies à cet égard ;

d) Renforcer les initiatives en faveur du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration des enfants qui privilégient des démarches communautaires, appuyer la réintégration des enfants, fournir l ’ aide nécessaire à leur rétablissement physique et psychologique et investir dans l ’ éducation e t la formation professionnelle ;

e) Mener des activités de sensibilisation portant sur les droits de l ’ enfant et la protection des enfants en période de conflit armé à l ’ intention d es familles et des communautés ;

f) Instituer le plus rapidement possible la Cour pénale spéciale et examiner en priorité les affaires concernant de graves violations des droits de l ’ enfant ;

g) Finaliser la procédure de ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés.

Enfants appartenant à une minorité ou à un groupe autochtone

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour protéger les droits des enfants pygmées, mais il est préoccupé par le fait que l’accès à l’enregistrement des naissances, aux documents d’identification, aux services de santé et d’éducation reste limité pour ces enfants, parmi lesquels les taux de mortalité infantile et de malnutrition demeurent élevés.

Se référant à son observation générale n o 11 (2009) sur les enfants autochtones et leurs droits en vertu de la Convention, le Comité engage vivement l ’ État partie à :

a) Mettre au point un plan national d ’ action visant à réduire la mortalité infantile et la malnutrition chez les enfants pygmées, avec la participation des communautés et des enfants pygmées, afin d ’ obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause avant d ’ adopter et d ’ appliquer des mesures législatives ou administratives les concernant ;

b) Fournir un certificat de naissance et des documents d ’ identification à tous les enfants pygmées et promouvoir leur accès aux services de santé et aux services d ’ éducation ;

c) Adopter le projet de loi portant application de la Convention ( n o 169) de l ’ Organisation international du Travail (OIT) relative a ux peuples indigènes et tribaux (1989), et concernant les droits des enfants autochtones, en particulier les droits civils, le droit à l ’ éducation, le droit à la santé et à la prot ection contre le travail forcé ;

d) Organiser une campagne de sensibilisation du public sur les droits des enfants pygmées en vue de lutter contre les attitudes sociales négatives à leur égard.

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

Le Comité se réjouit de l’interdiction du travail des enfants dans le Code du travail (loi no 09.004 de janvier 2009, art. 259 à 263) et dans le Code minier (loi no 09.005 d’avril 2009, art. 190) ainsi que des autres mesures prises par l’État partie pour former et sensibiliser les responsables gouvernementaux et identifier les pires formes de travail des enfants. Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que l’âge minimum pour commencer à travailler est fixé à 14 ans, alors que l’enseignement est obligatoire jusqu’à 16 ans, et par la proportion élevée d’enfants effectuant les pires formes de travail, y compris des travaux agricoles et miniers, ce qui a également une incidence sur leurs droits à l’éducation, à la santé et au développement.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De revoir la disposition concernant l ’ âge minimum pour tra vailler, actuellement fixé à 14  ans, afin de ne pas entraver le droit des enfants de suivre l ’ enseignement obligatoire jusqu ’ à 16  ans ;

b) D ’ intensifier ses efforts visant à éliminer les pires formes de travail des enfants, en particulier dans l ’ agriculture et le secteur minier, notamment en mettant effectivement en œuvre les dispositions pertinentes du Code du travail et du Code minier ;

c) D ’ élaborer un plan de réinsertion scolaire pour les enfants qui effectuen t les pires formes de travail ;

d) De continuer de solliciter à cet effet l ’ assistance technique de l ’ UNICEF et de l ’ OIT, notamment dans le cadre du Programme international de l ’ OIT pour l ’ abolition du travail des enfants.

Enfants des rues

Le Comité est préoccupé par le fait que des enfants vivent dans la rue en raison de la pauvreté, de la violence subie dans leur foyer, des pratiques de sorcellerie, de l’exploitation ou de la traite, ainsi que par l’absence d’informations sur le nombre d’enfants qui sont dans cette situation et les violations de leurs droits.

Le Comité recommande à l ’ État partie de procéder à une estimation du nombre d ’ enfants vivant et/ou travaillant dans la rue et de déterminer les cause s profondes de leur situation ainsi que le s violations de leurs droits, afin d ’ élaborer et de mettre en œuvre des mesures visant à remédier à ce problème. L ’ État partie devrait veiller à ce que de telles mesures respectent l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et qu ’ il soit dûment tenu compte de ses opinions propres en fonction de son âge et de son degré de maturité.

Vente, traite et enlèvement

Le Comité note avec satisfaction l’interdiction de la traite d’enfants dans le Code pénal de 2010, l’enregistrement de 39 affaires de traite d’enfants, l’aide apportée aux victimes et les activités de sensibilisation organisées pour combattre ce fléau. Cependant, il constate avec préoccupation que la législation, en particulier l’article 151 du Code pénal, n’est guère ou pas appliquée et regrette le manque d’informations détaillées concernant les procédures judiciaires et l’appui fourni aux enfants victimes de traite. Il est également inquiet de voir que, dans l’État partie, des enfants, en particulier les enfants pygmées et les filles, sont victimes de traite aux fins de travail forcé dans le secteur minier, l’agriculture ou comme esclaves domestiques, et aux fins de mariage précoce et d’exploitation sexuelle.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer les ressources nécessaires à la mise en œuvre de l ’ article 151 du Code pénal concernant la traite d ’ enfants, et d ’ enquêter sans tarder sur les cas de traite d ’ enfants, d ’ engager des poursuites, de traduire les responsables en justice et de prendre en charge comme il convient les enfants victimes . L ’ État partie devrait aussi intensifier ses efforts pour dispenser au personnel judiciaire et aux agents de la force publique une formation portant sur les dispositions pertinentes du Code pénal et encourager le signalement de faits de traite d ’ enfants, en particulier au sein des groupes vulnérables.

Administration de la justice pour mineurs

Le Comité reste préoccupé par le fait que des enfants sont détenus et emprisonnés avec des adultes et par l’absence de services de réadaptation et de réinsertion.

À la lumière de son observation générale n o 10 (2007) relative aux droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs, le Comité encourage vivement l ’ État partie à rendre son système de justice pour mineurs pleinement conforme à la Convention et aux autres normes pertinentes et, en particulier :

a) À veiller à ce que les enfants ne soient pas détenus avec des adultes et que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales, y compris en ce qui concerne l ’ accès à des services d ’ éduc ation et des services de santé ;

b) À former les juges aux droits de l ’ enfant et à établir des procédures de justice pour mineurs en promouvant des mesures de substitution au placement en détention, telles que la déjudiciarisation, la liberté surveillée, la médiation, la psychothérapie ou les travaux d ’ intérêt général, chaque fois que cela est possible, et à veiller à ce que la détention ne soit qu ’ une mesure de dernier ressort d ’ une durée aussi brève que possible.

Enfants témoins ou victimes d’infractions

Le Comité constate avec préoccupation que les mesures prises par l’État partie pour protéger et aider les enfants témoins ou victimes d’infractions sont très limitées.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les enfants victimes et/ou témoins d ’ infractions, y compris les enfants victimes d ’ exploitation et de mauvais traitements sexuels, de violences familiales, d ’ exploitation économique, d ’ enlèvement et de traite, ainsi que les enfants témoins de telles infractions, bénéficient de la protection requise par la Convention, et de prendre pleinement en compte les Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d ’ actes criminels.

J.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

Le Comité recommande à l ’ État partie, afin de renforcer le respect des droits de l ’ enfant, de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications.

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

Le Comité recommande à l ’ État partie, afin de renforcer le respect des droits de l ’ enfant, d ’ envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

L.Coopération avec les organismes régionaux

Le Comité recommande à l ’ État partie de coopérer avec le Comité africain d ’ experts sur les droits et le bien-être de l ’ enfant, qui relève de l ’ Union africaine, en ce qui concerne la mise en œuvre de la Convention et des autres instruments relatifs aux droits de l ’ homme, dans l ’ État partie et dans les autres États membres de l ’ Union africaine.

V.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre. Il recommande également que le deuxième rapport périodique, les réponses écrites à la liste de points et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son rapport valant troisième à sept ième rapports périodiques le 23  novembre 2022 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l ’ instrument (CRC/C/58/Rev.3), que le Comité a adoptées le 31  janvier 2014, et ne pas dépasser 21 200 mots (voir la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, par.  16). Si l ’ État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S ’ il n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d ’ examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

Le Comité invite en outre l ’ État partie à soumettre un document de base actu alisé qui ne dépasse pas 42 400  mots et soit conforme aux prescriptions applicables au document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris les directives relatives à l ’ établissement d ’ un document de base commun et des rapports spécifiques aux différents inst ruments (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I), et au paragraphe 16 de la résolution  68/268 de l ’ Assemblée générale.