Nations Unies

CAT/OP/HND/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

10 février 2010

Français

Original: espagnol

Sous-Comité pour la prévention de la torture

Rapport sur la visite au Honduras du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants * **

Table des matières

Paragraphes Page

Observations préliminaires1−93

Introduction10−174

I.Contexte politique et social dans lequel la visite s’est déroulée et coopérationdes autorités de l’État partie18−255

II.Information reçue par le SPT sur l’utilisation de la torture et des mauvaistraitements au Honduras26−397

III.Torture et mauvais traitements dans le contexte des manifestationsde protestation sociale qui ont suivi les événements du 28 juin 200940−7410

IV.Cadre normatif et institutionnel de la prévention de la tortureet des mauvais traitements75−13817

A.Incrimination de la torture dans le Code pénal75−7817

B.Cadre institutionnel79−11618

C.Législation et pratique en ce qui concerne la détention117−13824

V.Situation des personnes privées de liberté dans les locaux de la police139−17929

VI.Situation des personnes privées de liberté dans les établissements pénitentiaires180−26136

A.Rôle des juges de l’exécution180−18536

B.Décisions de justice portant sur la situation dans les établissementspénitentiaires186−19638

C.Constatations du SPT197−26142

VII.Mécanisme national de prévention262−26554

VIII.Récapitulatif des recommandations266−32055

A.Cadre normatif et institutionnel266−28355

B.Situation des personnes privées de liberté dans les locaux de la police284−29758

C.Situation des personnes privées de liberté dans les établissementspénitentiaires298−32060

Annexes

Commentaires du Secrétariat d’État aux relations extérieures sur les observations préliminairesdu SPT65

Observations préliminaires

1.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le «SPT») a été institué à la suite de l’entrée en vigueur, en juin 2006, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le «Protocole facultatif»). Il a commencé ses travaux en février 2007.

2.Le Protocole facultatif a pour objectif l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans le présent rapport, l’expression «mauvais traitements» est utilisée au sens générique et vise toutes les formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle doit être interprétée au sens le plus large, en incluant notamment les mauvaises conditions matérielles de détention.

3.Le travail du SPT s’organise selon deux axes: la visite des lieux de privation de liberté et l’aide à la création et au fonctionnement des organes chargés par les États parties de faire des visites régulières, appelés «mécanismes nationaux de prévention». La démarche du SPT est empirique. Ainsi, son premier travail est de constater in situ les situations et les facteurs qui entraînent un risque de torture ou de mauvais traitement et de déterminer les mesures concrètes nécessaires pour les prévenir.

4.Le Protocole facultatif dispose en son article 11 c) que le SPT coopère, en vue de prévenir la torture en général, avec les organes et mécanismes compétents de l’Organisation des Nations Unies ainsi qu’avec les organisations ou organismes internationaux, régionaux et nationaux qui œuvrent en faveur du renforcement de la protection de toutes les personnes contre les mauvais traitements. Pour sa visite au Honduras, le SPT a pris en considération tous les renseignements disponibles provenant des organes de l’Organisation des Nations Unies, en particulier du Comité contre la torture et du Groupe de travail sur la détention arbitraire − comme d’autres organes nationaux et régionaux de surveillance.

5.En ratifiant le Protocole facultatif, les États parties s’engagent à autoriser le SPT à effectuer des visites dans tout lieu placé sous leur juridiction et sous leur contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite («lieu de détention»). Les États parties s’engagent également à accorder au SPT l’accès sans restriction à tous les renseignements concernant les personnes privées de liberté ainsi que concernant le traitement de ces personnes et leurs conditions de détention. Ils sont en outre tenus de lui accorder la possibilité de s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins. Le SPT a toute liberté de choisir les lieux qu’il souhaite visiter et les personnes qu’il souhaite rencontrer.

6.Le présent rapport, qui rend compte de la première visite du SPT au Honduras, contient les constatations et observations concernant la situation des personnes privées de liberté ainsi que les recommandations devant permettre d’améliorer la situation afin de protéger les personnes privées de liberté contre toute forme de mauvais traitements. Les travaux du SPT reposent sur les principes de confidentialité, d’impartialité, de non-sélectivité, d’universalité et d’objectivité, comme le veut le paragraphe 3 de l’article 2 du Protocole facultatif. Le rapport fait partie du dialogue instauré entre le SPT et les autorités honduriennes, en vue de prévenir la torture et autres mauvais traitements. Il est confidentiel et la décision de le rendre ou non public appartient aux autorités honduriennes.

7.Le travail de prévention de l’État est toujours nécessaire, que la torture et les mauvais traitements soient ou non pratiqués dans la réalité. Le champ de la prévention est vaste et complet et englobe toute forme d’atteintes à des personnes privées de liberté. La prévention est nécessaire du fait de la situation de vulnérabilité particulière des personnes qui sont directement ou indirectement sous la garde de l’État, ce qui comporte en soi un risque d’excès et d’abus d’autorité portant atteinte à l’intégrité et à la dignité des détenus. Les dispositifs de vigilance et spécialement la formation et la sensibilisation des agents de l’État qui sont en contact direct avec les personnes privées de liberté sont parmi les principaux outils de prévention de la torture et des mauvais traitements.

8.Les visites du SPT visent ainsi à étudier le fonctionnement du système pénitentiaire et des autres services de l’État ayant autorité pour garder des individus afin de déterminer s’il y a des carences dans la protection et si certaines garanties sont nécessaires pour renforcer le système. Le SPT suit un mode d’approche de la prévention général et complet. Il étudie des exemples de bonnes et de mauvaises pratiques et cherche ainsi à contribuer à préserver la vie et l’intégrité physique et psychique des détenus, à leur assurer un traitement humain et digne et à éliminer ou à réduire au minimum les risques de brutalités.

9.La prévention de la torture et des mauvais traitements participe du respect d’autres droits fondamentaux des personnes privées de liberté, quel que soit le type de la détention. Pendant ses visites dans les États parties au Protocole facultatif, le SPT s’attache surtout à mettre en évidence les facteurs qui peuvent favoriser les situations à l’origine de mauvais traitements ou au contraire les empêcher. En ce sens, plutôt que de se limiter à simplement constater si des actes de torture et des mauvais traitements se produisent, le SPT a pour objectif ultime d’anticiper et de prévenir la perpétration de tels actes, en engageant les États à améliorer leur système de prévention.

Introduction

10.En application de l’article premier et de l’article 11 du Protocole facultatif, le SPT a effectué la première visite périodique au Honduras, du 13 au 22 septembre 2009.

11.La délégation était composée des membres ci-après du SPT: M. Mario Luis Coriolano (chef de la délégation), M. Hans Draminsky Petersen, M. Miguel Sarre Iguíniz et M. Wilder Tayler Souto.

12.Les membres du SPT étaient assistés de Mme Carmen Rosa Rueda Castañón, Mme Noemy Barrita Chagoya, M. Pablo Suárez et M. Enrique Martinel, membres du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

13.Pendant sa visite, le SPT a examiné différents aspects du traitement réservé aux personnes privées de liberté dans la prison nationale Marco Aurelio Soto, à Tegucigalpa, et dans la prison nationale de San Pedro Sula. Il a également visité à Tegucigalpa les commissariats d’agglomération nos 1 et 3, le poste de police du district de Manchén, le poste de police du district de Kennedy et le siège de la Direction nationale des enquêtes criminelles (DNIC). À San Pedro Sula et ses environs il a visité le commissariat de département no 5 à Choloma, et le commissariat d’agglomération no 4-3. Il s’est également rendu dans le centre Renaciendo, établissement pour mineurs situé à Tegucigalpa.

14.Outre ses visites dans les lieux de détention, le SPT a rencontré des représentants de l’appareil judiciaire, y compris de la Cour suprême, des services du Parquet général (Fiscalía General de la República) et en particulier des parquets spécialisés en matière de droits de l’homme de Tegucigalpa et de San Pedro Sula; des fonctionnaires du Secrétariat d’État aux relations extérieures, dont le Directeur général des affaires spéciales, du Secrétariat à la défense et à la sécurité, notamment l’Inspectrice générale de la police nationale. Il a également rencontré le Commissaire national aux droits de l’homme (CONADEH) et son représentant régional à San Pedro Sula.

15.Le SPT a eu également de nombreuses réunions avec des organisations non gouvernementales, des personnes privées de liberté et même des victimes de torture ou de mauvais traitements.

16.À la fin de sa visite, la délégation a présenté ses observations préliminaires confidentielles aux autorités honduriennes, qu’il a invitées à faire part de leurs commentaires avant le 23 octobre 2009. Le SPT accueille avec satisfaction les commentaires reçus du Parquet général, du Secrétariat d’État à la sécurité, du Secrétariat d’État aux relations extérieures et du Commissaire national aux droits de l’homme, qui sont reproduits dans le présent rapport.

17.Par le présent rapport, établi conformément à l’article 16 du Protocole facultatif, le SPT transmet au Honduras les observations et recommandations résultant de sa visite et qui concernent le traitement des personnes privées de liberté, en vue d’améliorer la protection de celles-ci contre la torture et les mauvais traitements. Le rapport de visite constitue un élément important du dialogue entre le SPT et les autorités honduriennes pour ce qui est de la prévention de la torture et des mauvais traitements. Il s’agit d’un document confidentiel qui le demeurera à moins que les autorités n’en demandent la publication ou ne décident de le rendre public, conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif.

I.Contexte politique et social dans lequel la visite s’est déroulée et coopération des autorités de l’État partie

18.Le SPT a fait part à l’État de son intention de visiter le Honduras courant 2009 par une lettre datée du 12 février 2009. Par une lettre datée du 1er mai 2009, le SPT a averti la Mission permanente du Honduras auprès de l’Office des Nations Unies à Genève que la visite aurait lieu du 13 au 22 septembre 2009 et a sollicité sa collaboration pour pouvoir conduire cette visite. Comme il le fait habituellement, il a demandé notamment que la Mission délivre une accréditation aux membres de la délégation pour qu’ils puissent accéder à tous les centres et lieux dans lesquels pourraient se trouver des personnes privées de liberté, et que soient nommés des agents de liaison afin de garantir la bonne communication et coordination entre la délégation et les autorités honduriennes.

19.Après les événements survenus au Honduras le 28 juin 2009, le SPT a confirmé à l’État son intention de se rendre dans le pays aux dates prévues et a renouvelé sa demande de coopération. Étant donné la situation dans le pays, il considérait que son travail de prévention de la torture et des mauvais traitements acquérait une pertinence particulière. En date du 27 juillet 2009, la Mission permanente à Genève a fait savoir qu’elle apportait son concours. Le Honduras avait déjà fait preuve de son ouverture à l’égard des mécanismes internationaux de défense des droits de l’homme en lançant, en date du 24 juillet 2009, une invitation permanente aux rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme.

20.À tout moment le SPT a tenu compte du vif débat autour de la légitimité des autorités après le 28 juin 2009. Néanmoins, sans entrer dans une analyse de cette question éminemment politique, le SPT a jugé nécessaire de s’adresser aux autorités directement responsables du respect effectif du droit des détenus d’être traités dans la dignité, quelles que soient les circonstances. Cette nécessité est devenue de plus en plus aiguë quand le SPT a commencé à recevoir, à partir de la fin juin, des informations rendant compte de nombreux cas de torture et de mauvais traitements dans le contexte des manifestations sociales contre la rupture de l’ordre institutionnel. Étant donné le statut de facto du Gouvernement au moment où elle se trouvait au Honduras, la délégation n’a pas rencontré le Président de la République ni aucun de ses ministres, ou les autorités au plus haut niveau désignées par eux.

21.Conscient de la gravité de la crise politique et sociale que le pays traversait au moment de la visite, le SPT a décidé d’accorder une attention particulière à la prévention de la torture et des mauvais traitements dans le contexte du mouvement de protestation sociale. Ainsi il a reçu de nombreux témoignages au sujet d’incidents survenus depuis le 28 juin 2009 et qui relèvent de son mandat. Le présent rapport relate un grand nombre de ces incidents.

22.En outre la délégation du SPT a été elle-même témoin d’actes de violence commis lors de la répression des manifestations organisées pour demander le rétablissement de l’ordre constitutionnel. Elle se trouvait au Honduras le 21 septembre 2009, jour où le Président Zelaya est rentré dans son pays et s’est réfugié à l’ambassade du Brésil. Ce jour-là le couvre-feu a été décrété à partir de 16 heures et les aéroports ont été fermés. Pour cette raison les membres du SPT n’ont pas pu quitter le pays le 22 septembre, dernier jour de la visite. Comme les aéroports étaient toujours fermés et que le couvre-feu était toujours en vigueur pendant une bonne partie de la journée, le 23 septembre ils ont quitté le pays par la route, sous escorte policière.

23.Le SPT regrette certes les circonstances dans lesquelles se sont déroulés les derniers jours de son séjour au Honduras mais il tient à exprimer sa gratitude aux autorités qui ont facilité la visite. Les représentants des différents organes que le SPT avait souhaité rencontrer ont participé aux réunions qui avaient parfois été annoncées très peu de temps à l’avance. L’accès aux lieux de détention a été obtenu rapidement et n’a pas été entravé par quelque obstacle que ce soit et tous les responsables des lieux visités, sans exception, se sont montrés disposés à coopérer avec le SPT. Celui-ci souhaite également souligner qu’il a pu rencontrer sans restriction les personnes privées de liberté avec lesquelles il souhaitait s’entretenir en privé, et qu’il a pu sans difficulté consulter les rapports et les registres qu’il avait demandés.

24.Le SPT tient à remercier les représentants d’organisations non gouvernementales qu’il a rencontrés pour l’information abondante et importante fournie, qui a grandement contribué à permettre la réalisation des objectifs de la visite. Il exprime également sa reconnaissance aux personnes, privées de liberté ou non, qui ont généreusement apporté leur témoignage et leur coopération et ont partagé leur expérience de la torture et des mauvais traitements.

25.Enfin, le SPT est profondément reconnaissant au bureau au Honduras du Programme des Nations Unies pour le développement qui lui a apporté un appui essentiel au bon déroulement de la visite.

II.Information reçue par le SPT sur l’utilisation de la torture et des mauvais traitements au Honduras

26.Le SPT a rassemblé une abondante information sur l’utilisation de la torture et des mauvais traitements dans le pays. Elle lui a été apportée par des organisations non gouvernementales mais aussi par des avocats et des victimes − détenues ou libres − qui ont déclaré avoir été l’objet de ces pratiques, en particulier de la part du personnel de la police de prévention. Les actes avaient généralement eu lieu pendant l’arrestation, pendant le transport au poste de police ou dans les postes eux-mêmes, dans les premières heures de la détention. D’après ce que les personnes interrogées ont raconté le but était d’obtenir des informations qui pouvaient servir dans l’enquête sur des infractions, mais il s’agissait aussi simplement de punir quelqu’un dont on supposait qu’il avait commis une infraction ou une faute.

27.Le Centre de prévention, de traitement et de réadaptation pour les victimes de la torture et les membres de leur famille (CPTRT), une organisation non gouvernementale, a dans sa base de données des fichiers sur 227 cas de torture et de mauvais traitements qui se sont produits entre le 16 mars 2004 et le 21 novembre 2008, la police de prévention étant l’organe le plus souvent dénoncé. D’après une étude réalisée par le CPTRT qui avait effectué neuf visites dans des centres pénitentiaires de la région centre-est du pays et interrogé 213 personnes, 61 % des détenus interrogés ont déclaré avoir subi une forme ou une autre de mauvais traitements physiques avant d’être incarcérés dans ces centres. La police justifie l’emploi de la force en faisant valoir que les détenus étaient sous l’emprise de l’alcool, avaient opposé de la résistance ou avaient tenté de s’enfuir. La méthode la plus courante consistait à donner des coups de pied et à frapper avec un gourdin (tolete) ou avec tout objet trouvé sur le lieu d’arrestation ou au poste de police.

28.Le Procureur du Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme de San Pedro Sula a donné au SPT une copie des 12 plaintes qu’il avait présentées aux tribunaux de première instance entre 2008 et 2009 pour des faits de torture ou des infractions connexes. Il y avait notamment le cas de trois personnes arrêtées le 28 février 2009 et torturées par des agents de la Direction nationale des enquêtes criminelles (DNIC) qui enquêtaient sur un vol d’armes. Dans la plainte il était dit que les détenus avaient eu les yeux bandés avec leur propre chemise et avaient été conduits dans un endroit inconnu où les agents les avaient frappés à coups de gourdin et leur avaient mis la tête dans des sacs en plastique dans lesquels ils avaient introduit un gaz. L’une des victimes avait cessé de respirer et les agents avaient transporté le corps dans un lieu inconnu.

29.Une autre plainte concernait un jeune homme et sa fiancée, arrêtés le 22 janvier 2008 à Choloma (département de Cortés), apparemment parce qu’ils n’avaient pas de pièces d’identité sur eux et que le jeune homme portait des tatouages qui évoquaient le gang «Mara 18». Ils ont été transférés au commissariat de Choloma. Le lendemain la jeune fille et d’autres témoins ont constaté que le jeune homme portait des marques de coups. Par la suite il a été extrait de la cellule et conduit dans les bureaux où il a été contraint, par la force, à apposer son empreinte digitale sur le registre des détenus, pour montrer qu’il avait été remis en liberté. Ensuite deux policiers l’ont fait monter dans une voiture, qui est partie vers une destination inconnue. Quand ses parents ont demandé où il se trouvait, on leur a dit qu’il avait été remis en liberté. Le 29 janvier 2008 la famille a identifié son corps à la morgue de l’institut médico-légal. Il avait été retrouvé dans le secteur d’El Ocotillo, à Choloma.

30.Plusieurs personnes en garde à vue qui ont été interrogées par le SPT ont déclaré avoir été frappées quand elles avaient été arrêtées. Ainsi, un jeune homme de 17 ans, détenu au commissariat d’agglomération no 3 de Comayagüela (Tegucigalpa), a montré aux membres du SPT les marques des coups de gourdin sur son dos. Lui-même et un ami avaient été arrêtés la veille par deux policiers qui les accusaient de vol. Ils avaient passé la journée à vendre des journaux et ils avaient donc un peu d’argent sur eux que les policiers ont pris. Plusieurs fois le SPT a constaté que des mineurs entre 15 et 17 ans se trouvaient en garde à vue.

31.Un détenu interrogé à la Direction nationale des enquêtes criminelles de Tegucigalpa a déclaré que quand il avait été arrêté il avait été frappé à coups de pied. Un autre a dit que les policiers lui avaient jeté du gaz au poivre dans les yeux. Plusieurs se sont plaints de ce que pendant le trajet entre le lieu de détention et le bureau du juge les détenus avaient les mains et les pieds menottés et que parfois on ne leur enlevait pas les entraves pendant qu’ils étaient entendus par le juge.

32.Aucun des détenus rencontrés n’avait porté plainte pour dénoncer les tortures ou les mauvais traitements qu’ils avaient décrits, alors que certains auraient pu le faire pendant l’audience devant le représentant du ministère public ou le juge; ils ont expliqué qu’ils craignaient des représailles ou que les recours ouverts étaient inefficaces. Quelques détenus ont signalé que leurs défenseurs eux-mêmes leur avaient conseillé de ne rien dire au juge des mauvais traitements qu’ils avaient subis. À ce sujet, le SPT rappelle qu e des mesures doivent être prises pour assurer la protection de toute personne qui porte plainte pour torture ou mauvais traitement s contre d ’ éventuelles représailles.

33.Au centre pénitentiaire de San Pedro Sula, le SPT a recueilli les témoignages concordants de trois détenus qui ont déclaré avoir été torturés par des membres de la Direction nationale des enquêtes criminelles juste avant d’entrer en prison. D’après leur récit, deux d’entre eux avaient été arrêtés dans la rue par la police et conduits à «La Pradera» − centre intégré d’agglomération no 2 − où ils avaient été brutalement frappés sur tout le corps pendant plusieurs heures, notamment avec une batte de baseball. Ces faits se seraient produits quelques semaines avant la visite du SPT.

34.Le troisième détenu a indiqué qu’il avait été arrêté une semaine seulement auparavant par des agents de la Direction nationale des enquêtes criminelles et conduit à «La Pradera». Quand la délégation l’a rencontré, le détenu portait des marques de coups sur différentes parties du corps. L’examen médical effectué par le SPT a montré une ecchymose à l’œil droit, vert-jaune, avec hémorragie sous-conjonctivale. La lèvre supérieure présentait une lésion hypertrophique de deux centimètres au niveau des dents. Le muscle fessier droit était enflammé et présentait une coloration sombre. Sur l’extérieur de la cuisse gauche on a observé un hématome: hématome multicolore, divisé en sections, avec des bords bien délimités, linéaires et parallèles («tramlines»). La partie interne du mollet de chaque jambe présentait des lésions irrégulières de plusieurs centimètres partiellement incrustées et les blessures du côté droit suppuraient. Toute la jambe droite, du genou jusqu’à la cheville, était enflammée et de couleur bleu-noir. Sous la cheville il y avait un hématome de couleur bleu-vert. Le SPT conclut qu’il s’agit de marques objectives de multitraumatismes avec de très nombreux hématomes importants et des lésions superficielles dont l’aspect et l’âge correspondaient parfaitement avec la description du traitement reçu. La lésion de la cuisse présentait des caractéristiques évoquant fortement des lésions causées par un objet du type décrit par le détenu qui avait affirmé avoir été frappé.

35.Ces trois détenus ont raconté aussi qu’ils avaient reçu des décharges électriques sur les testicules et que les agents leur avaient mis une corde autour du cou qu’ils serraient progressivement. Ils avaient subi également la torture de l’hélicoptère, consistant à suspendre la victime par les extrémités, à lui attacher une «balance» aux testicules et à augmenter progressivement le poids. Ainsi torturés, ils avaient fini par signer un document qu’ils n’avaient pas pu lire.

36.Quand il s’est rendu dans les locaux de la Direction nationale des enquêtes criminelles, le SPT a remarqué dans les toilettes un morceau de bois d’une forme très semblable à une batte de baseball, d’environ 1,50 mètre de long et 7 centimètres de diamètre dont les 30 premiers centimètres étaient cylindriques.

37.Aux fins de la prévention, il importe de reconnaître qu’il existe un risque de torture ou de mauvais traitements pendant l’arrestation, le transfert, l’enquête et la détention par la police. Il est également primordial de faire savoir clairement que de tels actes ne seront tolérés en aucune circonstance et que les responsables seront punis, ce qui exclut toute possibilité d’impunité.

38. Au vu de ce qui précède, le SPT recommande:

Que le personnel de police reçoive périodiquement des instructions claires et catégoriques rappelant l’interdiction absolue et impérative de toute forme de torture et de mauvais traitements et que cette interdiction figure dans les règles ou instructions générales édictées en ce qui concerne les obligations et les attributions du personnel de police ;

Que, conformément aux obligations qui s’imposent à l’État partie en vertu des articles 12 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («la Convention contre la torture»), il soit procédé sans délai à une enquête impartiale chaque fois qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture ou des mauvais traitements ont été commis. L’enquête doit être ouverte même en l’absence d’une plainte en bonne et due forme;

Que dans tous les commissariats et postes de police du pays une information sur l’interdiction de la torture et des mauvais traitements et indiquant la marche à suivre et la personne à qui il faut s’adresser pour dénoncer de tels actes soit disponible et bien visible pour le public;

Que, afin de réduire l’impunité, les fonctionnaires de police , qui pour une raison justifiée ne portent pas l’uniforme quand ils réalisent des missions de police, soient tenus de s’identifier en déclinant leurs nom, prénom et qualité pendant l’arrestation et le transfèrement des personnes privées de liberté. En règle générale, les fonctionnaires de police chargés d’exécuter la mesure de privation de liberté ou qui ont sous leur garde des personnes privées de liberté doivent être nommément identifiés sur les registres appropriés.

39. Le SPT encourage l’État partie à poursuivre et à renforcer les mesures de prévention de la torture et autres mauvais traitements, ce qui doit s’inscrire dans une politique publique plus large. Les mesures devraient comporter de vastes campagnes de sensibilisation sur la question et d’information sur la marche à suivre et l’autorité à qui s’adresser pour dénoncer les cas de torture.

III.Torture et mauvais traitements dans le contexte des manifestations de protestation sociale qui ont suivi les événements du 28 juin 2009

40.Avant et pendant sa visite, le SPT a reçu une documentation abondante sur le traitement dont auraient été l’objet des personnes qui avaient participé à des manifestations ou qui se trouvaient à proximité des sites des manifestations. Dans certains cas le SPT a entendu directement le témoignage des victimes elles-mêmes et beaucoup de cas sont décrits dans la documentation écrite qui lui a été apportée, en majorité par des organisations non gouvernementales. Les incidents ont été nombreux parce qu’il y avait eu un grand nombre de cortèges et de manifestations partout dans le pays et que très souvent la police et l’armée avaient dispersé les manifestants par des moyens violents. L’organisation non gouvernementale COFADEH (Comité des familles de détenus disparus du Honduras) a enregistré entre le 28 juin et le 15 octobre 2009 133 cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants; 21 cas de blessures graves; 453 cas de coups et blessures et 211 cas de personnes touchées par des armes non classiques. Dans un communiqué en date du 2 novembre 2009, le CPTRT a signalé qu’entre 2007 et le premier semestre de 2009 il avait traité en moyenne 2,5 cas de victimes de torture par mois. Ce chiffre était passé à 118,75 cas par mois depuis les événements du 28 juin 2009.

41.Les méthodes les plus courantes sont le jet de gaz lacrymogènes, les tirs à l’arme à feu qui touchent parfois des personnes, les coups portés de façon aveugle et n’importe où sur le corps avec des battes en bois, des crosses de fusil ou des gourdins (toletes) ainsi que l’arrestation massive de personnes qui sont conduites au commissariat de police ou dans des lieux qui ne sont pas des centres de détention comme des stades ou des parcs; tout cela accompagné de brimades et d’invectives d’insultes et de menaces. Dans le cas des femmes, les violences sexuelles sont fréquentes et le SPT a eu connaissance de cas de viols commis par des policiers.

42.Dans la majorité des cas, le motif des arrestations est le non-respect du couvre-feu ou une infraction à la loi sur la police et l’ordre public et les intéressés sont remis en liberté au bout de quelques heures, après vérification de leur identité sans être inculpés. D’autres personnes sont arrêtées et accusées d’infractions telles que sédition, manifestation illicite ou atteintes aux biens. Il arrive que la remise en liberté ait lieu après le dépôt d’un recours en habeas corpus et la constatation par ce moyen que la détention est illégale, ou à la suite de l’intervention d’organisations de défense des droits de l’homme ou du parquet. Parfois l’arrestation n’est pas consignée sur les registres de police. Contrairement à la législation en vigueur, les détenus ne sont pas informés de leurs droits et souvent ils ne sont pas autorisés à aviser leur famille même s’ils sont mineurs. Les soins médicaux pour ceux qui sont blessés sont quasiment inexistants dans les lieux de détention et ce n’est que dans les cas graves que la police accepte le transfert à l’hôpital.

43.Ces incidents ont fait quelques morts ou des blessés par arme à feu. La disparition de quelques personnes qui avaient été arrêtées dans le contexte des manifestations de protestation sociale a également été signalée.

44.Dans une note adressée le 11 septembre 2009 au Secrétaire d’État à la sécurité, la Procureur du Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme a évoqué les arrestations opérées pendant les événements du 28 juin 2009. Elle signalait que les représentants du ministère public avaient constaté que la police n’observait pas les règles relatives à la détention fixées à l’article 282 du Code de procédure pénale, défaillance qui était généralisée. La Procureur a évoqué ces failles également devant le SPT ajoutant que le décret restreignant le droit à la liberté de circulation n’était pas conforme aux prescriptions de la Constitution, et que par conséquent les arrestations effectuées en application du décret étaient illégales.

45.Quand des groupes de personnes sont arrêtés, les organisations de défense des droits de l’homme se rendent en général dans les lieux de détention pour vérifier la situation des détenus mais leur présence n’est pas toujours acceptée ou facilitée par les policiers de garde. Les organisations ont également signalé qu’elles étaient l’objet d’actes d’intimidation (appels téléphoniques anonymes, interférences dans les systèmes électroniques, filature dans la rue, surveillance des bureaux et domiciles, etc.).

46.Le SPT a noté chez les victimes et leurs représentants une grande méfiance à l’égard des institutions chargées de la protection des droits de l’homme, en particulier du Parquet et du Commissaire national aux droits de l’homme. Cette attitude semble tenir en grande partie à la crainte des représailles, due au fait que les titulaires de ces institutions se sont publiquement rangés aux côtés du Gouvernement de facto. Souvent les victimes préfèrent s’adresser à des organisations non gouvernementales. Le SPT a également entendu des personnes se plaindre de ce que ces institutions n’envoyaient pas systématiquement des représentants dans les lieux de détention constater la situation des personnes qui s’y trouvent. Le SPT a également constaté que les graves violations des droits de l’homme commises dans le passé, en particulier dans les années 1980, et la crainte de revivre des épisodes de répression similaires à ceux qui s’étaient produits à cette époque, pesaient fortement dans la mémoire collective.

47.Les incidents tels que ceux qui ont été décrits sont nombreux. La Procureur du parquet spécialisé en matière de droits de l’homme de Tegucigalpa a dit qu’il n’existait pas de registres officiels et que les chiffres relatifs aux détenus qui étaient disponibles provenaient d’informations rassemblées par les ONG. On trouvera exposés ci-après quelques-uns des cas dont le SPT a eu connaissance directement, parmi les nombreux cas portés à son attention.

48.Le SPT a reçu le témoignage écrit d’une femme de 26 ans, enceinte quand elle a été arrêtée par des policiers du commando des opérations spéciales Cobras chez elle à San Pedro Sula, le 29 juillet 2009, avec une autre femme et sept hommes. Pendant leur transfert au poste de police no 4, situé dans le district de La Guardia, dans l’enceinte de la Division nationale des enquêtes criminelles, les agents avaient appliqué des cigarettes allumées sur la plante des pieds des hommes, sur leurs mains et les oreilles. Arrivés au poste de police, les hommes avaient été frappés alors qu’ils étaient à plat ventre par terre et les policiers avaient continué à les brûler à la cigarette. L’un deux avait reçu des décharges électriques sur le ventre, les oreilles et la langue. Le lendemain, devant le juge, l’avocate commise d’office avait demandé que l’un des hommes soit examiné par un médecin légiste parce qu’il saignait. Elle n’avait pas demandé aux autres détenus s’ils avaient subi des mauvais traitements.

49.Le 30 juillet 2009, plusieurs organisations sociales appartenant au Frente de Resistencia contra el golpe (Front de résistance au coup) et des villageois des départements de Comayagua et de La Paz avaient manifesté dans un lieu appelé Cuesta de la Virgen (département de Comayagua). Environ 200 éléments de la police de prévention et du bataillon des ingénieurs, basés à Siguatepeque étaient arrivés et avaient entrepris de disperser la manifestation en agressant physiquement beaucoup de participants. Une centaine de personnes avaient été arrêtées et transportées au poste de police de Comayagua. Beaucoup étaient blessées et avaient dû être transportées à l’hôpital Santa Teresa. Le SPT a obtenu des détails au sujet des blessures subies par 30 manifestants. Ainsi un homme de 53 ans avait des fractures au bras gauche; un autre, âgé de 35 ans, présentait un traumatisme crânien avec une lésion de contusion; une femme de 40 ans, polytraumatisée, avait le poignet fracturé. Plusieurs personnes avaient été enfermées dans un camion et les policiers avaient lancé des produits chimiques du type des gaz lacrymogènes, qui les empêchaient de respirer. Un homme de 53 ans avait la main gauche, une côte et l’omoplate droite cassées.

50.Un homme avait été arrêté le 3 août 2009 à San Ignacio de Tegucigalpa par un policier en civil qui l’avait obligé à monter dans le véhicule de patrouille. Il avait été transféré au centre de détention CORE VII et interrogé au sujet de sa participation aux manifestations d’Ocotal; il avait été roué de coups, insulté et brûlé à la cigarette. L’examen médical pratiqué par l’organisation non gouvernementale à laquelle il s’était adressé ensuite avait établi l’existence de multiples brûlures au premier degré sur le thorax, les avant-bras et le poignet gauche et sur la plante des deux pieds, ainsi que d’un trauma causé par un objet contondant sur la tête et la cuisse droite.

51.Le 12 août 2009, pendant une marche où une foule nombreuse manifestait dans le quartier du Congrès national, à Tegucigalpa, 26 personnes avaient été arrêtées, dont deux mineurs, par des membres de la police de prévention, du commando Cobras et de l’armée. Dans un premier temps tous avaient été conduits dans les sous-sols du Congrès, devant les députés et le personnel. Ils avaient ensuite été transférés au quartier-général du commando Cobras, qui n’est pas reconnu comme un centre de détention. Au bout de cinq heures dans ce centre, sur les instances d’organisations de défense des droits de l’homme, 11 personnes qui présentaient des blessures importantes (fractures, coups sur la tête et sur d’autres parties du corps) avaient été transportées par la Croix-Rouge hondurienne à l’hôpital-école. Une heure plus tard elles avaient été conduites de nouveau au quartier-général du commando Cobras et de là, vers 2 heures du matin, au commissariat d’agglomération no 1, également connu sous le nom de CORE VII. À aucun moment on n’a informé les détenus des motifs de leur arrestation ni de leurs droits et on ne leur a pas permis de communiquer avec un avocat ni d’aviser leur famille. Le lendemain ils avaient été mis à la disposition du ministère public qui a inculpé 13 personnes pour sédition, manifestation illicite, dégâts matériels et vol. Onze d’entre elles ont été conduites à la prison nationale; à leur arrivée on leur a jeté des seaux d’eau froide. Le SPT a entendu le témoignage d’une des détenues, une militante des droits de l’homme qui avait également été frappée et avait dû être soignée à l’hôpital-école.

52.Des militaires avaient également arrêté et conduit au commando Cobras un Colombien-Vénézuélien, artisan de son état, qui se trouvait non loin de l’endroit où la manifestation avait été dispersée le 12 août. Cet homme a expliqué à la délégation du SPT que quand il était arrivé à la caserne, il avait été conduit dans une pièce et interrogé au sujet de sa participation aux manifestations. Pour lui faire signer des aveux, les agents l’avaient frappé sur plusieurs parties du corps, lui avaient donné des coups de pied dans les genoux et l’avaient menacé de lui appliquer des décharges électriques et de lui couper un doigt. Les coups n’avaient cessé que quand il avait signé le document. La Procureur du Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme, qui a ouvert une enquête sur l’affaire, a indiqué au SPT que, alors que cet homme était sous la juridiction du ministère public, il avait été extrait du lieu de détention et transféré à l’hôtel où il était descendu et sa chambre avait été fouillée, tout cela sans autorisation du procureur. De plus une action avait été engagée contre lui pour participation à une manifestation illicite.

53.Le SPT a également entendu le témoignage d’un député du parti de l’Unification démocratique, qui avait été frappé par des policiers et des militaires pendant la manifestation du 12 août et qui avait dû subir une intervention chirurgicale pour trois fractures au bras.

54.Le SPT a reçu un témoignage concernant l’arrestation, le 14 août 2009, d’un groupe de plus de 30 personnes qui participaient à une manifestation organisée par le Frente de Resistencia contra el golpe, sur un pont (El Kilómetro) à Choloma (Cortés). Les forces conjointes de la police de prévention, du commando Cobras et de l’armée auraient commencé à faire évacuer les manifestants vers 11 heures du matin en utilisant des gaz lacrymogènes et du gaz au poivre, alors que les manifestants ne faisaient absolument pas usage de violence. D’après le témoignage, ils avaient été frappés à coups de gourdin et de coups de pied et menacés d’être liquidés, c’est-à-dire disparaître ou être tués. Ils avaient été transférés au poste de police de Choloma où on leur aurait pris tous leurs biens (téléphones portables, clefs, lunettes, etc.); ils n’auraient pas été autorisés à prévenir leur famille. Certains auraient été frappés quand ils étaient au poste de police. Ils avaient été remis en liberté environ cinq heures plus tard à la suite du dépôt d’un recours en habeas corpus et de la désignation d’un juge de l’exécution qui avait ordonné leur libération immédiate parce que la détention n’avait aucun fondement légal (absence de mandat d’arrêt émanant de l’autorité compétente, non-lecture des droits, inexistence d’une procédure judiciaire contre eux). Certains avaient dû être transportés à l’hôpital pour être soignés. Au moins un des participants à la manifestation avait reçu une balle tirée par la police et avait été atteint à la cuisse gauche, ce qui avait causé une fracture du fémur. Au moins deux des personnes arrêtées et rouées de coups étaient mineurs (l’un avait 15 ans, l’autre 16).

55.Une femme arrêtée dans le cadre des incidents de Choloma avait été conduite dans un endroit éloigné, dans la campagne, et violée par quatre policiers qui lui avaient aussi introduit un bâton dans le vagin et l’avaient ensuite abandonnée sur place. Le Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme de San Pedro Sula a ouvert une enquête sur cette affaire. Le SPT a également appris qu’une autre femme, qui avait elle aussi participé à la manifestation, vue pour la dernière fois aux mains de deux agents de la police de prévention, n’avait pas été retrouvée par sa famille. Quand le SPT a entendu les avocats qui avaient déposé un recours en habeas corpus en son nom, elle était toujours disparue.

56.Le 18 septembre 2009, le SPT s’est rendu au poste de police de Choloma. Il a constaté que les arrestations du 14 août 2009 n’avaient pas été consignées sur le registre des détenus mais figuraient, encore que de façon très succincte, sur la main courante.

57.Un défenseur public de San Pedro Sula a été nommé juge de l’exécution par la cour d’appel de cette ville dans une action en présentation de personne (habeas corpus) le 3 août 2009. Dans l’exercice de ses fonctions, il s’est présenté au poste de police no 1 du district de Lempira, où se trouvaient 29 personnes qui avaient été arrêtées pour avoir participé aux manifestations et avaient été rouées de coups. Dans un premier temps on lui a refusé l’entrée. Devant son insistance, un policier l’a attrapé par le col de sa chemise et l’a introduit dans le bureau. Il a été bousculé et giflé par plusieurs policiers qui l’ont également insulté et lui ont lancé des propos grossiers. Comme il protestait, un policier a chargé son arme et l’a pointée sur sa poitrine.

58.Le SPT a également reçu des informations concernant des personnes qui auraient été maltraitées après avoir été arrêtées pour non-respect du couvre-feu. Ainsi, le Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme de San Pedro Sula a donné au SPT une copie d’une demande adressée au tribunal pénal de première instance de San Pedro Sula au sujet d’un jeune homme arrêté vers 22 h 20 le 3 juillet 2009 par des policiers et transféré au poste de police de San José del Boquerón où il devait apparemment rester jusqu’au lendemain. Il avait été placé dans une cellule et en avait été extrait et plusieurs policiers l’avaient frappé à coups de crosse au visage, à la poitrine et dans le ventre de façon répétée. Il avait ensuite été conduit au poste de police de Rivera Hernández, qui avait refusé de l’admettre à cause de l’état dans lequel il était et les policiers qui l’avaient roué de coups ont été priés de l’amener à l’hôpital. Après avoir été soigné, il a de nouveau été transféré au poste de San José del Boquerón et a été remis en liberté le lendemain. Dans sa demande, le Procureur retenait la qualification d’abus d’autorité et de coups et blessures pour les faits commis par six policiers.

59.Le SPT est préoccupé par les informations qu’il a reçues signalant que du personnel militaire, opérant aux côtés des forces de police (police de prévention ou commando Cobras) avaient pris le contrôle de l’ordre public dans le contexte des incidents résultant de la crise des institutions. Le SPT a été informé de cas d’exactions et de cas graves d’utilisation excessive de la force de la part des militaires pour disperser certaines manifestations (par exemple à Choloma, quand ils ont fait évacuer le pont à San Pedro Sula le 14 août 2009). D’autres fois, du personnel militaire présent dans les postes de police pendant le couvre-feu aurait bloqué les routes d’accès par lesquelles les manifestants pouvaient recevoir une assistance humanitaire.

60.S’il peut être légitime d’affecter des personnels militaires à des fonctions d’ordre public dans certaines circonstances prévues par la législation nationale, de l’avis du SPT cette pratique est fortement déconseillée et devrait être réservée à des situations très exceptionnelles. Le personnel militaire n’est pas entraîné ni équipé pour exercer des fonctions d’ordre public. Normalement, l’utilisation de la force militaire doit être réservée aux situations proches d’un état de guerre, qui exigent l’emploi d’une force extrême que seuls les professionnels militaires peuvent et savent exercer. Ce n’est pas le personnel qui convient pour contenir les foules ou disperser des manifestations et encore moins pour garder des détenus. De plus si l’État décide d’adopter cette mesure extrême et fait participer ses forces armées au maintien de l’ordre public et à la répression en cas de troubles, il doit garantir que ses forces agissent dans le respect des normes internationales régissant l’utilisation de la force et le comportement des agents chargés de faire appliquer la loi.

61. Le SPT recommande à l ’ État d ’ intensifier ses efforts pour éviter de faire participer les forces armées à des opérations d ’ ordre public, dans le cadre d ’ un programme plus vaste visant à prévenir l es mauvais traitements et l ’ utilisation excessive de la force. Dans les cas où il est absolument nécessaire de faire participer l ’ armée aux opérations de maintien de l ’ ordre public, les mesures voulues devront être prises pour former tous les groupes militaires de façon que leurs interventions soient compatibles avec le respect des droits de l ’ homme et l ’ utilisation d ’ une force proportionnée. Le SPT recommande également que la police et les autres forces de sécurité ou forces militaires exerçant des fonctions de rétablissement de l ’ ordre public en cas de troubles civils utilisent des équipements et des instruments appropriés pour maintenir l ’ ordre , en réduisant au minimum le risque d ’ atteinte à l ’ intégrité physique et psychique des personnes.

62.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général de la République a considéré que cette recommandation était raisonnable et pouvait servir de fondement à un programme plus vaste de prévention du risque d’utilisation excessive de la force.

63.Le SPT a reçu des témoignages préoccupants sur ce qui semblerait être la participation de groupes criminels, en particulier de «maras» (gangs criminels) dans une opération de répression politique. En effet, pendant la mission du SPT, deux manifestations avaient été prévues pour célébrer la Journée de l’indépendance, le 15 septembre 2009: l’une était organisée par l’opposition et l’autre par le Gouvernement. Le comité d’un orchestre d’étudiants très connu avait décidé de jouer dans la manifestation de l’opposition. Quand les bus qui avaient été loués pour transporter les jeunes musiciens s’apprêtaient à partir, un groupe de jeunes soupçonnés d’appartenir à des «maras» serait arrivé et les aurait obligés à se rendre là où se tenait la manifestation organisée par le Gouvernement. Plusieurs professeurs avaient voulu s’interposer mais trois d’entre eux auraient été violemment frappés par les «maras» présumés à coups de bâton et de pierre et avaient été blessés, ce que les membres du SPT ont pu constater eux-mêmes. Cet incident se serait déroulé sous les yeux des membres de la police qui auraient ensuite aidé à transporter les individus que les plaignants avaient identifiés comme étant des membres des «maras». L’utilisation de groupes criminels à de telles fins est extrêmement inquiétante. Ces pratiques, illégales en soi, peuvent aisément dégénérer et, dans le passé, elles ont abouti à des violations des droits de l’homme d’une ampleur tragique.

64.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a contesté la véracité de cette description de l’incident. Il a néanmoins signalé qu’il y avait matière à ouvrir une enquête pour déterminer ce qui s’était réellement passé. Par conséquent la recommandation pouvait être acceptée.

65. Le SPT invite instamment les autorités du ministère public à procéder à une enquête approfondie sur ces faits et la plus haute autorité de la police à donner des instructions claires aux services concernés indiquant que des pratiques telles que celles qui ont été décrites sont rigoureusement prohibées.

66.Enfin, le SPT a été informé par les autorités avec lesquelles il s’est entretenu que des membres de l’armée et des forces de police avaient été blessés par des manifestants. En particulier, le SPT a reçu la liste de 24 militaires qui avaient été blessés pendant les manifestations à l’aéroport de Toncontin le 4 juillet 2009.

67.Le 22 septembre 2009 de nombreuses arrestations ont eu lieu à Tegucigalpa dans le contexte des manifestations organisées pour le retour au pays du Président Zelaya, et du couvre-feu. Les membres du SPT ont assisté aux arrestations depuis leur hôtel et ont constaté que la police et l’armée agissaient avec une grande violence contre les manifestants. Un grand nombre des personnes arrêtées ont été transportées dans le stade de baseball Chochi Sosa. Le SPT s’est rendu au stade ce jour-là et a été informé par le policier de garde que 109 personnes, dont des mineurs âgés de 14 à 17 ans, avaient été conduites au stade à partir de 7 heures du matin et avaient été remises en liberté à partir de 11 heures. Soixante-sept d’entre elles étaient accusées d’avoir violé le couvre-feu et 42 d’avoir causé des dommages à la propriété privée, dont deux avaient été renvoyées au Parquet parce qu’elles étaient soupçonnées d’avoir commis une infraction. La raison avancée pour justifier l’utilisation du stade était qu’il y avait beaucoup de personnes en état d’arrestation, mais qu’elles n’y restaient que le temps strictement nécessaire pour vérifier leur identité. Les représentants du Parquet, du CONADEH et des ONG présents ont qualifié ces détentions d’illégales étant donné que le stade n’est pas un lieu de détention reconnu.

68.Un grand nombre des personnes arrêtées ont déclaré qu’elles avaient été frappées à coups de bâton et de gourdin et ont montré les marques de coups. Trois avaient été conduites à l’hôpital parce qu’elles avaient des blessures graves. Par exemple, le SPT a examiné trois personnes qui avaient dit qu’elles avaient été arrêtées pendant la manifestation. Pour deux, on leur avait attaché les mains derrière le dos et on leur avait donné l’ordre de se mettre à genoux; elles avaient été ensuite frappées de façon répétée à coups de gourdin. L’une d’elles présentait sur le dos cinq blessures mesurant 3 cm sur 15‑30, en «rails de tram» («tramlines») d’une coloration rouge plus ou moins foncée, sans rupture cutanée. Les lésions les plus étendues se croisaient dans le dos. Elle avait aussi plus de 10 lésions superficielles de couleur rougeâtre, de formes variées. La deuxième personne avait sur la nuque une lésion en «rails de tram» mesurant 2 cm sur 12, de couleur rouge sur les bords et sans renflements latéraux. Sur le bras droit, au niveau de l’humérus, il y avait une lésion similaire mesurant 1,5 cm sur 14. L’intéressée a dit que son sac, qui contenait une caméra vidéo, avait été confisqué par la police, qui ne lui avait pas donné de reçu. La troisième personne a signalé qu’elle n’avait pas opposé de résistance quand elle avait été arrêtée mais que malgré cela elle avait été frappée de façon répétée à coups de gourdin sur la partie postérieure du cou et sur le bras droit elle présentait deux lésions en «rails de tram» rougeâtres sur les côtés, mesurant 3 cm sur 5 et 2 cm sur 12. Elle avait sur le dos une écorchure d’environ 2 cm sur 5, sans caractéristiques particulières et partiellement couverte de croûtes. Le SPT conclut que les lésions qu’il a constatées correspondent aux allégations.

69.Quand la délégation du SPT se trouvait dans le stade, est arrivée une ambulance avec à son bord un médecin légiste qui en est descendu quelques minutes et s’apprêtait à repartir tout de suite. L’un des membres du SPT s’est approché de lui et il a affirmé que l’objet de sa visite était d’examiner les blessés au cas où le Procureur le lui demanderait. Il n’avait pas reçu de demande et il ne pouvait donc pas examiner les détenus. Le représentant du CONADEH, présent sur les lieux, a dit qu’il ne pouvait rien faire dans cette situation. Le SPT recommande que les pouvoirs du CONADEH soient étendus de façon à lui permettre d ’ ordonner un examen médico-légal en cas de soupçons de torture ou de mauvais traitements.

70.Le même jour, la délégation du SPT s’est rendue à l’hôpital-école. Les médecins et les infirmières semblaient gênés et la plupart, notamment le médecin responsable de l’hôpital, ont refusé de répondre à ses questions. Un médecin a accepté de donner quelque information. Il a déclaré que, dans le contexte des incidents survenus ce jour-là, il avait soigné 15 personnes, qui présentaient des traumatismes crâniens, des blessures ou des marques de coups. Toutes avaient déjà été renvoyées chez elles. Une infirmière s’est approchée discrètement de la délégation et a dit qu’en réalité il y avait 20 blessés et a montré la liste sur laquelle figuraient les noms et les lésions constatées. Il s’agissait d’hommes âgés de 19 à 62 ans. L’un d’eux avait reçu une balle dans le pied. Les renseignements donnés par l’infirmière ont été corroborés ensuite par un autre médecin.

71.Le SPT a constaté qu’il n’y avait pas de registre. Le nom des patients qui sont admis à l’hôpital-école est écrit sur une simple feuille, avec un premier diagnostic et une brève description du traitement qui doit être administré. Sur la feuille d’enregistrement correspondant à ce jour-là il y avait six cas de traumatisme dont trois traumatismes crâniens.

72.Quand la délégation du SPT était à l’hôpital-école deux personnes blessées par balles sont arrivées. La première était un jeune homme d’une vingtaine d’années. La personne qui l’accompagnait a expliqué que vers 15 heures, l’un et l’autre se trouvaient dans une manifestation à Colonia Pedregal qui se déroulait sans le moindre incident; des fonctionnaires de police avaient tiré sur le jeune homme à une distance de 2 mètres. Le SPT a constaté que le blessé présentait une lésion d’environ 0,5 cm et une fracture complète du genou gauche, ce qui correspondait à la description des faits. La personne interrogée a montré deux douilles de balle qu’elle avait ramassées par terre.

73.Quant au deuxième blessé, ses compagnons ont dit qu’il se trouvait à Colonia Alto de en Medio quand un groupe de policiers en tenue de camouflage et le visage masqué était arrivé à bord d’une camionnette de type «pick up», avait lancé des gaz lacrymogènes sur les manifestants et leur avait tiré dessus, par derrière, à une distance d’environ 20 mètres. Le SPT a constaté à peu près au niveau de la dixième côte, une lésion d’environ 0,5 cm ce qui correspondrait à la description des faits. La victime était dans un état critique, avec une pression artérielle très faible et le pronostic vital était engagé. Le SPT recommande à l’État partie de procéder sans délai à une enquête approfondie et impartiale sur les faits mentionnés aux paragraphes 69 et 70.

74.Le Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme et la Direction nationale des enquêtes criminelles ont l’un et l’autre un bureau dans l’hôpital-école. Le SPT considère que le fait que les bureaux soient l’un à côté de l’autre peut décourager les personnes qui veulent signaler des cas de torture ou de mauvais traitements.

IV.Cadre normatif et institutionnel de la préventionde la torture et des mauvais traitements

A.Incrimination de la torture dans le Code pénal

75.Le décret-loi no 191-96 du 31 octobre 1996 a ajouté au Code pénal l’article 209-A, qui dispose que se rend coupable du délit de torture tout employé ou agent de l’État, y compris ceux des établissements pénitentiaires ou des centres de protection pour mineurs qui, abusant de ses fonctions et afin d’obtenir d’une personne des renseignements ou des aveux ou de la punir d’un acte qu’elle a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, la soumet à des conditions ou à des pratiques qui, du fait de leur nature, de leur durée ou d’autres circonstances, entraînent des souffrances physiques ou mentales, réduisent ou suppriment ses facultés de connaissance, de discernement ou de décision, ou portent atteinte de toute autre manière à son intégrité morale. Le Code pénal dispose en outre que si le délit de torture est commis par un particulier la peine est réduite d’un tiers par rapport à celle qui est prévue pour les agents de la fonction publique.

76.Le coupable de torture encourt une peine de dix à quinze ans de réclusion si le préjudice causé par les actes de torture est grave et de cinq à dix ans s’il n’est pas grave, assortie d’une interdiction absolue d’exercer des charges publiques d’une durée double du temps de l’emprisonnement. Ces peines s’entendent sans préjudice des peines applicables pour les lésions ou les atteintes à la vie, à l’intégrité corporelle, à la santé, à la liberté sexuelle ou aux biens de la victime ou d’un tiers.

77.Dans ses observations finales concernant le rapport initial du Honduras, adoptées le 14 mai 2009, le Comité contre la torture a exprimé sa préoccupation au sujet de l’article 209-A: «Le Comité s’inquiète de ce que la législation nationale n’ait pas encore été pleinement alignée sur la Convention, dans la mesure où l’article 209-A du Code pénal ne vise pas l’intimidation, les pressions exercées sur la victime ou une tierce personne ni la discrimination quelle qu’elle soit en tant qu’objectif ou motif de la torture. Des dispositions incriminant la torture infligée à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel font également défaut. Le Comité relève en outre qu’en violation de l’article premier de la Convention le Code pénal hondurien permet d’adapter la sanction en fonction de la douleur ou des souffrances infligées. Il note que les infractions de coercition, de discrimination ou de mauvais traitements tombent sous le coup d’autres articles du Code pénal mais se déclare préoccupé par le fait que ces infractions sont passibles de peine différente.». Le Comité contre la torture a recommandé à l’État partie d’aligner strictement cette disposition sur l’article premier de la Convention.

78. Le SPT fait observer que la différence entre la définition de la torture donnée dans le Code pénal et celle qui figure à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants peut ouvrir la porte à des situations d’impunité. Il recommande donc l’adoption sans délai des mesures législatives nécessaires pour faire disparaître cette différence.

B.Cadre institutionnel

79.Il existe au Honduras un grand nombre d’institutions de l’État et de la société civile qui s’occupent de questions de droits de l’homme. Néanmoins, le SPT a pu constater que l’action conjuguée de ces organismes n’a pas donné les résultats souhaités et n’a pas permis de prévenir la torture et les mauvais traitements. Cette situation, jointe à de sérieuses défaillances constatées par le SPT dans des pratiques quotidiennes qui sont contraires aux normes nationales et internationales relatives aux droits de l’homme, conduit à un déficit important de mesures de prévention.

80.Le SPT ne peut pas manquer de relever que la rupture institutionnelle qui s’est produite le 28 juin 2009 a accentué les faiblesses institutionnelles qui existaient déjà dans son domaine de compétence. Les ambiguïtés, les imprécisions et les faiblesses de la loi ainsi que les pratiques institutionnelles déficientes − concernant la police, l’armée, le ministère public, le système de défense publique, la magistrature, le système pénitentiaire et le bureau du Commissaire national aux droits de l’homme (CONADEH) − se sont aggravées, avec pour résultat un amoindrissement de la capacité des institutions publiques et privées de défendre les citoyens. Cet affaiblissement institutionnel a favorisé la répression illégale de la protestation politique et sociale contre les autorités au pouvoir pendant la visite du SPT. L’état de droit est incontestablement le meilleur cadre pour une prévention efficace de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

81.Dans ce contexte, le SPT note qu’il s’est produit une exacerbation des défaillances systémiques qui se traduisent par des pratiques abusives quotidiennes, ce qui rend urgente l’adoption par les autorités compétentes de mesures de prévention à différents niveaux. Un ensemble d’exactions ou de pratiques irrégulières qui, considérées individuellement, pourraient ne pas être d’une extrême gravité, place la population dans une situation de vulnérabilité préoccupante, en particulier face à la police de prévention ou à la police d’enquête, quand elles sont concomitantes, s’accumulent ou persistent.

82.Il est essentiel d’établir une solide structure de prévention de la torture. Un grand nombre des difficultés actuelles − y compris les pratiques qui favorisent la torture et les mauvais traitements − sont systémiques ou héritées du passé. Dans certains cas, ces pratiques révèlent la tendance persistante dans quelques institutions de l’État à abdiquer la fonction essentielle de défense de la dignité humaine, tendance qui s’est aggravée depuis la rupture de la continuité institutionnelle mentionnée. Par-dessus tout, il faut d’urgence introduire dans les pratiques de la police, de la justice et de l’administration de nouvelles normes de comportement à la place de l’autoritarisme héritée du passé qui, comme l’a constaté le SPT, déterminent dans une grande mesure le traitement réservé aux personnes privées de liberté. À cette fin il est essentiel que, aux échelons les plus élevés de l’État partie, des mesures de prévention soient prises et imposées à tous les organes responsables, face à la situation actuelle.

83. Le SPT recommande que les plus hautes autorités déclarent publiquement qu’elles condamnent la torture et qu’elles s’engagent à faire disparaître cette pratique et à mettre en œuvre un système national de prévention.

84.Dans ses commentaires sur les observations préliminaires du SPT, le Parquet général a indiqué qu’il approuvait cette recommandation. Il a ajouté que les défaillances systémiques n’étaient pas imputables à l’État mais tenaient à des problèmes d’éducation et de culture auxquels il pouvait être remédié de façon à améliorer la situation et que l’absence de mesures de prévention devait être réglée par des instruments appropriés.

85.Sur ce même point, le Secrétariat d’État à la sécurité a proposé la mise en place d’une stratégie nationale d’éducation contre la torture, dans l’enseignement formel et informel. Il a signalé que la société hondurienne était à bien des égards fondée sur des pratiques d’intolérance, de machisme et de violence qu’il était impossible de combattre et d’espérer éliminer uniquement avec des déclarations de la part des plus hautes autorités de l’État. Les prises de position contre la torture sont courantes et prennent de multiples formes − discours, élaboration de lois, ratification d’instruments − et pourtant ces pratiques ne disparaissent pas. Il est donc nécessaire d’appliquer d’autres mesures plus efficaces de nature à transformer la société hondurienne. Avant d’être des fonctionnaires, les agents de l’État sont des citoyens et ils reproduisent en général les valeurs et les schémas qui leur ont été enseignés à la maison, à l’école et au travail.

86. Le SPT recommande que les autorités, en collaboration avec la société civile, élaborent une stratégie visant à sensibiliser tous les secteurs de la société à l’interdiction de l’utilisation de la violence pour régler des conflits de quelque sorte que ce soit.

Ministère public

87.Le SPT a constaté des défaillances graves de la part des parquets spécialisés en matière de droits de l’homme de Tegucigalpa et de San Pedro Sula, en ce qui concerne les enquêtes et les inculpations pour torture et autres formes de brutalités policières. Les procureurs de ces parquets ont indiqué au SPT qu’ils n’étaient pas compétents pour agir sur toutes les affaires de mauvais traitements portées à leur connaissance, par exemple quand ils se rendaient dans des centres pénitentiaires, et qu’ils ne pouvaient ouvrir une enquête que s’ils recevaient une plainte. Le Procureur spécialisé en matière de droits de l’homme de San Pedro Sula a indiqué que son parquet ne comptait que sept membres, en plus du coordonnateur pour toute la région nord-ouest du pays, et qu’il n’y avait qu’un seul enquêteur pour plus de 600 affaires en souffrance.

88.D’après ces procureurs, il est nécessaire de disposer d’un corps d’enquêteurs pour en finir avec la situation actuelle de dépendance absolue à l’égard de la police dans la conduite des enquêtes. Un organe d’enquête avait bien été créé mais malheureusement il a été placé sous l’autorité de la police il y a quelques années. Les difficultés que rencontrent les procureurs spécialisés en matière de droits de l’homme pour enquêter sur les affaires de brutalités policières sont encore plus grandes dans les régions du pays où ces parquets spécialisés n’existent pas et où ce sont les procureurs des parquets généraux qui sont compétents. Il est évident que ce n’est pas facile pour un procureur d’engager une action contre un policier avec qui il travaille au quotidien.

89.Le manque de capacité d’enquête indépendante du parquet est aggravé par les diverses faiblesses institutionnelles relevées, ce qui contribue à faire que d’innombrables actes de torture et d’autres brutalités policières ne sont pas signalés parce que les victimes ont peur, vu qu’elles savent que ce sont les collègues du ou des responsables qui enregistreront la plainte et mèneront l’enquête. De nombreux interlocuteurs, dont des victimes, des organisations de la société civile, des procureurs, des défenseurs publics, des juges et des membres du CONADEH, ont souligné que cette situation était une raison majeure pour ne pas porter plainte. D’après certains interlocuteurs, 90 % des personnes qui signalent des exactions font l’objet d’intimidation. Ils ont également cité des cas d’intimidation visant les procureurs chargés des enquêtes. En outre, l’identification des responsables est entravée par le fait que les fonctionnaires de police se couvrent entre eux. Par conséquent, il est très difficile d’obtenir une condamnation dans une affaire de droits de l’homme.

90.De plus, la Procureur du Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme de Tegucigalpa a signalé que la phase du procès pénal précédant l’étape des poursuites était opaque et qu’elle était exposée dans le Code de procédure pénale en des termes très peu précis. Il fallait à son avis modifier la loi pour rendre cette phase plus transparente.

91. Dans ses observations préliminaires, le SPT a recommandé à l’État de doter le ministère public d’une capacité d’enquête propre qui lui permette de corriger la situation actuelle d’impunité, en menant des enquêtes indépendantes, diligentes et approfondies. En attendant la création de l’organe qui remplira cette fonction, les procureurs spécialisés en matière de droits de l’homme devraient pouvoir compter sur un nombre suffisant d’analystes pour renforcer leur capacité d’enquête.

92. Le SPT a également recommandé la création d’un registre des plaintes et des affaires de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tenu par le ministère public.

93.Dans ses commentaires sur les observations préliminaires, le Parquet général a rejeté la critique formulée par le SPT au sujet du travail d’enquête de la police. Il a fait remarquer que, compte tenu de la situation de sous-effectifs, les policiers faisaient preuve d’un professionnalisme de loin supérieur à ce qu’il était dans les décennies passées. Il a affirmé que le ministère public était ouvert à toute personne et s’efforçait d’assurer un programme de protection spéciale des témoins et des victimes dans ces cas et dans d’autres affaires de crime organisé. Il faut reconnaître que la charge de travail de la police nationale est disproportionnée par rapport à ses capacités, en raison des événements récents.

94.Dans ses commentaires, le Secrétariat d’État à la sécurité a lui aussi fait part de son désaccord avec la recommandation relative à la création d’un organe d’enquête au sein du ministère public. Il a signalé que les défaillances dans les enquêtes criminelles ne tenaient pas au fait que le ministère public ne dispose pas d’un organe d’enquête propre mais résultaient d’autres facteurs comme: a) la capacité du procureur d’assumer la fonction de directeur technique et juridique dans toute enquête; b) l’existence ou l’inexistence des ressources matérielles, techniques et scientifiques nécessaires pour mener à bien une enquête efficace; c) les compétences et le professionnalisme des agents. En outre, accepter l’argument selon lequel un policier ne peut pas enquêter sur un autre policier, c’était comme d’affirmer qu’un membre d’une profession quelconque est incapable d’évaluer le comportement d’un collègue. Un médecin légiste ne pourrait-il donc pas donner un avis d’expert sur la pratique professionnelle d’un autre médecin légiste? Un représentant du ministère public ne pourrait-il donc pas engager une action contre un autre? La véritable question ici n’est pas la profession exercée par un individu mais le professionnalisme, la capacité de direction et le degré d’engagement de l’individu dans son travail.

95. Le SPT réitère ses recommandations concernant le ministère public. Celui-ci doit être doté des moyens nécessaires pour pouvoir mener rapidement des enquêtes indépendantes sur les plaintes pour torture qu’il reçoit. Les mesures voulues doivent être prises pour que ces enquêtes soient effectuées conformément aux principes établis dans le chapitre III du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul).

Pouvoir judiciaire

96.Étant donné l’abondante information reçue sur l’utilisation de la torture et des mauvais traitements, on ne peut que s’étonner de ce que le nombre d’affaires jugées soit très petit. Dans son rapport initial soumis au Comité contre la torture, l’État hondurien signalait que d’après les statistiques communiquées par l’administration judiciaire pour la période allant de 2003 au mois de juillet 2007, sept affaires de délit de torture avaient été enregistrées, dont quatre avaient abouti à un non-lieu (sur les trois autres affaires, deux avaient abouti à une condamnation et une était en cours, l’accusé ayant fait appel).

97.Le SPT a eu connaissance de trois affaires dans lesquelles le juge de première instance de San Pedro Sula avait condamné des membres de la police à une peine de quatre ans et huit mois de réclusion, assortie d’une interdiction d’exercer, pour détention illégale et torture.

98. Le SPT recommande la mise en place d’un registre national centralisé à la Cour suprême pour consigner les actes de torture ou d’autres formes de violence institutionnelle qui sont qualifiés de délits, en indiquant la date et le lieu probable des faits, les institutions, les victimes et les responsables possibles, le stade auquel se trouve la procédure, les organes juridictionnels saisis et l’issue de chaque procès.

99.Dans ses commentaires sur les observations préliminaires, le Secrétariat d’État à la sécurité a dit que le registre pouvait certes être tenu à la Cour suprême, mais devait pouvoir être utilisé par tous les acteurs de la justice.

Défense publique

100.Une défense publique indépendante, gratuite et professionnelle est un moyen adéquat de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants puisqu’elle permet l’exercice d’une procédure régulière et des droits de la défense. Dans un système pénal accusatoire, il est essentiel d’avoir un cadre d’organisation qui garantisse une véritable égalité des armes entre la défense publique et le ministère public et d’établir des règles de procédure pour la présentation des arguments contraires.

101.Le SPT a été informé des restrictions budgétaires et de personnel qui touchent directement la défense publique. Par exemple, les autorités de l’institution de la défense publique ont expliqué que quelques défenseurs publics devaient défendre en moyenne 700 causes. Le SPT estime que cette charge de travail excessive n’est pas compatible avec une défense efficace des intérêts des personnes privées de liberté. Cette appréciation a été confirmée par un grand nombre de personnes privées de liberté que le SPT a interrogées ainsi que par différentes autorités et des représentants d’organisations de la société civile. Les défenseurs publics ne se rendent pas dans la grande majorité des postes de police où se trouvent des détenus et la plupart des détenus interrogés ont déclaré qu’ils n’avaient pas pu parler suffisamment longtemps avec leur défenseur avant de comparaître devant le juge.

102.Dans les établissements pénitentiaires, la plupart des détenus interrogés ont dit qu’ils ignoraient à quel stade en était leur affaire et qu’ils n’avaient pas parlé avec leur défenseur public depuis des mois, voire des années. Tous les détenus ont déclaré que leur défenseur public n’entrait jamais dans les quartiers pénitentiaires pour constater les conditions d’incarcération.

103.La Directrice du Bureau national de la défense publique a déclaré que la simple présence des défenseurs dans les postes de police avait fait diminuer les violences contre les détenus, ce qui signifiait que cette présence avait incontestablement un effet positif et devait être maintenue. Néanmoins il était également vrai que souvent les policiers ne comprenaient pas le rôle des défenseurs dans les postes de police et les agressions verbales à l’égard des avocats étaient fréquentes. Ce genre d’incidents ne se produisait pas dans les centres intégrés. D’un autre côté il était difficile de fonder juridiquement la présence permanente ou quasiment permanente des défenseurs dans les postes de police étant donné que le domaine d’action des défenseurs était juridictionnel et ne couvrait pas la détention pour délit mineur ou en application de la loi sur la police et l’ordre public, qui relevait davantage du domaine de compétence du CONADEH. Malgré tout, les défenseurs faisaient leur possible pour que les droits des détenus soient respectés.

104.Malgré ces affirmations, le SPT a eu l’impression que la présence de défenseurs publics, dans les quelques postes de police où elle est assurée, semble être de pure forme et que les défenseurs n’exercent pas véritablement les fonctions techniques que la loi exige. Cela confère une sorte de légitimation à une situation générale d’où ne sont pas exclus les mauvais traitements et la soustraction d’argent et d’autres biens appartenant aux personnes arrêtées arbitrairement, et détenues dans des conditions inhumaines et dégradantes.

105.La Directrice du Bureau national de la défense publique a confirmé que dans la majorité des cas les victimes de torture et de mauvais traitements ne voulaient pas porter plainte par peur des représailles. Cela place les défenseurs dans une situation difficile puisqu’ils ne peuvent pas intenter quelque action judiciaire que ce soit sans le consentement de leurs clients. De l’avis du SPT, ce serait une bonne chose que la défense publique dispose d’un registre centralisé d’informations sur les cas de torture et de mauvais traitements, même les cas dont ils ont connaissance confidentiellement, sous le sceau du secret professionnel; dans le deuxième cas, il est recommandé de ne pas porter sur le registre d’éléments qui permettraient d’identifier les victimes. Cette information serait utile pour demander et adopter les mesures de prévention nécessaires, qui peuvent revêtir plusieurs formes, y compris les mesures urgentes.

106. Le SPT considère que le droit à un défenseur dès le début de la détention est une garantie fondamentale pour prévenir la torture et les mauvais traitements. Il insiste sur le fait que le Bureau de la défense publique doit avoir une indépendance fonctionnelle et une autonomie budgétaire. Vu la situation actuelle du Bureau de la défense publique, le SPT demande à l’État de lui apporter des renseignements sur la façon dont il prévoit, dans le cadre de l’indépendance et de l’autonomie institutionnelles, d’augmenter les ressources humaines et financières du Bureau de la défense publique afin de lui permettre d’assurer l’aide judiciaire gratuite à toutes les personnes privées de liberté qui en ont besoin, dès le début de la détention, de façon opportune, effective et complète.

Centres intégrés

107.Dans le cadre de la mise en œuvre d’un nouveau système de justice pénale suivant le modèle accusatoire, des centres intégrés ont été mis en place afin que la police, les procureurs, les défenseurs, les juges et les médecins légistes puissent travailler ensemble. Le SPT s’est rendu dans quelques-uns de ces centres et a constaté que si en théorie les centres intégrés pourraient constituer une amélioration pour ce qui est d’accroître le contrôle judiciaire exercé sur la police quand celle-ci effectue des missions d’enquête et en tant qu’autorité qui procède aux arrestations et aux détentions, en réalité il se produit une situation de mimétisme institutionnel qui résulte de l’interaction quotidienne des membres de l’appareil judiciaire dans ce que l’un d’entre eux a appelé «la maison de la police». À terme, cela affaiblit l’action de la justice et du procureur, qui devrait au contraire constituer la «garantie des garanties». De même, la présence sur place du médecin légiste, si elle permet d’obtenir rapidement des résultats, compromet sérieusement l’indépendance fonctionnelle nécessaire pour la médecine légale. Comme le SPT a pu le constater, ce système entrave gravement la conduite d’examens médicaux approfondis et confidentiels.

108. Le SPT recommande qu’il soit procédé d’urgence à une analyse du fonctionnement dans la pratique des centres intégrés, en demandant aux institutions qui participent au système de réaliser des audits externes et internes, en vue d’adopter des mesures législatives et administratives qui permettent d’assurer le respect effectif des garanties nécessaires pour la prévention de la torture.

109.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général s’est déclaré d’accord avec cette recommandation. De son côté, le Secrétariat d’État à la sécurité a indiqué que, outre les audits internes et externes recommandés par le SPT, les centres intégrés devraient améliorer les installations matérielles, disposer d’un personnel qualifié suffisant travaillant vingt-quatre heures par jour, ce qui améliorerait le traitement des affaires, et mener une étude sur les moyens d’intégrer des membres d’autres institutions qui participent directement ou indirectement au procès pénal.

Commissaire national aux droits de l’homme (CONADEH)

110.Le Commissaire national aux droits de l’homme (CONADEH), en tant qu’organe indépendant et autonome, est appelé à jouer un rôle crucial dans la prévention de la torture et des mauvais traitements, en particulier en ce qui concerne les personnes privées de liberté. Toutefois, le SPT est préoccupé par le grand nombre de critiques concordantes qu’il a reçues ou notées en ce qui concerne la façon dont le CONADEH s’acquitte des fonctions énoncées dans son mandat. En outre, les déclarations publiques réitérées faites par le Commissaire national en faveur du Gouvernement de facto semblent avoir érodé l’indispensable crédibilité et l’image d’impartialité que cette institution doit avoir face aux victimes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et aux organisations de la société civile.

111.Le SPT note que certains membres de la délégation régionale du CONADEH qu’il a visitée ont exercé avec diligence leurs fonctions de juge de l’exécution de l’habeas corpus et dans les cas graves de torture et autres formes de brutalités policières et militaires survenues après le 28 juin 2009, en coopération avec les procureurs aux droits de l’homme compétents. Ils ont également prêté leur concours au SPT pour lui permettre d’accéder à une abondante information officielle importante.

112. Le SPT recommande au CONADEH: a) d’intensifier son travail en ce qui concerne les visites périodiques des centres de détention, qui doivent inclure une rencontre immédiate avec le détenu et l’inspection visuelle des lieux pour constater les conditions de vie des personnes privées de liberté et le traitement qu’elles reçoivent; b) de donner rapidement et effectivement suite aux plaintes pour torture ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qu’il reçoit; c) de s’acquitter rigoureusement du mandat à lui conféré par la loi de dénoncer auprès du ministère public les violations dont il a connaissance et de suivre effectivement l’action des autorités judiciaires sur ces affaires.

113.Dans ses commentaires sur les observations préliminaires du SPT, le Commissaire aux droits de l’homme a objecté que les critiques adressées à l’institution émanaient de secteurs polarisés de la société qui étaient politiquement alignés sur les excès de l’ancien Président, José Manuel Zelaya Rosales (sic) que l’exercice légitime des attributions que lui conférait la Constitution l’obligeait à dénoncer et condamner.

114.Le Parquet général approuvait les recommandations du SPT mais n’acceptait pas les critiques relatives au Commissaire, lequel en effet avait agi pour défendre l’ordre constitutionnel.

115.Dans ses commentaires, le Secrétariat d’État à la sécurité a déclaré que le CONADEH ne devait pas se limiter à effectuer des inspections mais qu’il devait garantir la mise en œuvre des mesures ou recommandations résultant de ces visites des lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, mais aussi de celles qui concernent les victimes.

116.Le SPT prend note des commentaires qu’il a reçus et réaffirme sa recommandation au sujet du Commissaire national aux droits de l’homme.

C.Législation et pratique en ce qui concerne la détention

Régime de la détention fixé par la loi

117.L’article 71 de la Constitution dispose que nul ne peut être placé ni maintenu au secret plus de vingt-quatre heures sans être présenté à l’autorité compétente. La durée de la détention judiciaire aux fins d’enquête ne peut pas excéder six jours à compter du moment où elle prend effet. L’article 282 du Code de procédure pénale énonce les règles que la police nationale doit observer quand elle procède à une arrestation ou une détention, dont bon nombre sont utiles pour la prévention de la torture et des mauvais traitements: ainsi, le fonctionnaire de police s’identifie au moment de l’arrestation et prouve sa qualité d’agent de l’autorité en présentant sa carte ou sa plaque; il fait usage de la force seulement quand cela est strictement nécessaire; il ne fait usage de son arme que s’il existe un risque grave imminent pour la vie et l’intégrité physique de lui-même ou de tiers; il ne fait subir aucun acte constitutif de torture, ou entraînant des souffrances ni d’autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, et n’incite pas ou ne tolère pas que de tels actes soient commis, tant au moment de l’arrestation que pendant tout le temps que dure la détention; il informe la personne interpellée, arrêtée ou détenue du motif de la mesure et lui indique qu’elle a le droit d’être assistée par un défenseur et d’être examinée par un médecin légiste ou, si celui-ci ne peut pas être sur place à bref délai, par un autre médecin disponible qui constatera son état physique et pourra l’examiner de nouveau si nécessaire; au moment de l’arrestation, il communique aux parents ou autres personnes proches du détenu l’établissement où celui-ci va être conduit; il inscrit sur un registre spécial qui sera considéré comme un document public, le lieu, le jour et l’heure de la détention.

118. Au vu des allégations de cas de torture et de mauvais traitements qu’il a reçues, le SPT recommande que des mesures soient prises pour faire en sorte que la police respecte effectivement les règles énoncées à l’article 282 du Code de procédure pénale afin de limiter le plus possible les circonstances qui peuvent donner lieu à l’utilisation de la torture et des mauvais traitements.

119.La police peut également placer et maintenir en garde à vue des individus pendant vingt-quatre heures au maximum en application de l’article 131 de la loi de 2002 sur la police et l’ordre public. Cette loi prévoit des sanctions administratives pour des comportements tels que le vagabondage, l’appartenance à un gang dangereux, l’ébriété dans des lieux publics, etc..

120.Le SPT a constaté qu’il était courant de placer quelqu’un en garde à vue en faisant application de cette loi, pour des infractions apparaissant sur le registre des détenus comme «scandale sur la voie publique», «violence au foyer», «défaut de présentation de pièce d’identité», «ébriété», etc. Après les événements du 28 juin 2009, les autorités semblent avoir utilisé massivement ce texte pour chercher à légitimer la détention de manifestants qui exerçaient leur droit de protestation dans le contexte du conflit politico-social actuel. Ces détentions, qui sont à tous égards inconstitutionnelles et attentatoires aux instruments internationaux, se produisent en grand nombre quotidiennement, et ne sont enregistrées que sur la main courante du poste de police. La garde à vue, qui se déroule de plus dans des conditions inhumaines et dégradantes, ne satisfait pas aux règles minimales d’une procédure régulière − comparution devant le juge, défense technique et droit au réexamen de la mesure − et il n’existe aucune garantie de contrôle puisque la procédure est «autocontrôlée» par le personnel de police qui travaille dans un contexte généralisé d’irrégularités.

121.Le SPT a également noté que la police avait tendance à garder les personnes arrêtées pendant toute la durée maximale autorisée, de vingt-quatre heures, apparemment parce qu’elle conçoit ce type de détention comme une punition à l’égard des interpellés, ou comme un moyen de prévenir les troubles à l’ordre public, par exemple à la veille de festivités. Il est également fréquent que la limite de vingt-quatre heures soit dépassée ou que le délai ne soit compté qu’à partir de l’arrivée au poste de police et non pas à partir de l’appréhension.

122.La Procureur du Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme de Tegucigalpa a remis au SPT une note du 29 juillet 2008 adressée au Secrétariat d’État à la sécurité dans laquelle elle se déclare préoccupée par la façon dont les fonctionnaires de police procèdent aux arrestations ainsi que par certaines irrégularités de procédure et la façon dont les sanctions sont imposées dans le cadre de l’application de la loi sur la police et l’ordre public. La Procureur signalait ce qui suit:

123.«Au cours de nos investigations, inspections périodiques des centres de détention et journées de formation, nous avons pu constater une mauvaise pratique dans les procédures de détention dans le contexte de l’application de la loi sur la police et l’ordre public, qui consiste à arrêter massivement des citoyens pour des motifs tels que le défaut de port de pièces d’identité ou des actes supposés de vagabondage, qui ne sont pas prévus dans le Code pénal ni dans la loi sur la police et l’ordre public comme des infractions ou des contraventions; cela représente une violation flagrante de la Constitution de la République qui dispose en son article 98 que “nul ne peut être détenu, arrêté ou emprisonné en vertu d’obligations qui ne découlent pas d’une infraction ou d’une faute” et qui établit de façon impérative les seuls cas dans lesquels le droit à la liberté peut être limité par la loi (…). Le Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme a constaté en outre que les règles d’une procédure régulière étaient systématiquement violées quand il s’agit de citoyens arrêtés et détenus, vu que les juges de conciliation rattachés à votre Secrétariat d’État ne suivent pas la procédure administrative prévue à l’article 154 de la loi sur la police et l’ordre public, qui exige que “Toute mesure corrective ou punitive devra être imposée par une décision écrite et motivée rendue après que le tribunal municipal a entendu les arguments du contrevenant et a examiné les preuves que celui-ci voulait apporter pendant l’audience orale ou publique.”. L’inobservation de la procédure fixée dans la loi constitue une violation du droit à une procédure régulière consacrée à l’article 90 de la Constitution, à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi qu’à l’article 8 de la Convention américaine des droits de l’homme (…). Compte tenu de ce qui précède, je demande que soient données d’URGENCE des instructions à tous les fonctionnaires de la police de prévention et de la Direction des enquêtes criminelles et aux juges de conciliation de toute la République pour qu’ils agissent en toutes circonstances dans le strict respect des dispositions de la Constitution et des instruments relatifs aux droits de l’homme cités plus haut et qu’ils soient avertis que toute inobservation engagera leur responsabilité pénale.».

124.La Procureur a fait part de son inquiétude au sujet de cette loi, qui constitue la principale porte d’entrée à la détention. D’après elle, le problème majeur est que la loi confère à la police la faculté d’apprécier des comportements comme le «vagabondage» ou les «mauvaises mœurs». De plus elle donne des pouvoirs aux fonctionnaires appelés «juges de conciliation» qui sont des fonctionnaires d’État dépendant hiérarchiquement du commandant de la police et n’ayant pas la possibilité de s’opposer au placement en détention.

125.Le SPT conclut que la loi sur la police et l’ordre public et les pratiques institutionnelles ont entériné une acceptation reconnue et justifiée, par les organes qui devraient veiller au respect des droits de l’homme, de normes entachées d’ambiguïtés et d’imprécisions, ou de l’interprétation et de l’application qui en sont faites. Cela entraîne des excès de pouvoir de la part de la police de prévention et place les détenus dans une situation de vulnérabilité propice à l’emploi de la torture et des mauvais traitements.

126.Dans ses réponses aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a suggéré la mise en œuvre de programmes de formation pour obtenir une bonne compréhension de la loi et son application correcte, programmes qui devraient également être organisés à l’intention des défenseurs publics. Pour ce qui est de l’application de la loi dans des situations liées aux événements du 28 juin 2009, le Parquet a jugé excessive l’affirmation du SPT, reflétée dans le paragraphe précédent, qui suggère un climat général d’impunité. Elle a également rejeté l’insinuation (sic) selon laquelle il existerait une «politique d’État» ou un «consentement interinstitutionnel», en ce qui concerne la détention de manifestants.

127. En ce qui concerne la loi sur la police et l’ordre public, le SPT recommande:

Une réforme législative qui garantisse la qualification adéquate des infractions de police conformément au droit pénal et assure le respect d’une procédure régulière dans tous les cas sans exception;

En attendant cette réforme, les plus hautes autorités de la police, de l’appareil judiciaire − juges et défenseurs publics − , du ministère public et du CONADEH doivent prendre les mesures voulues dans le cadre de leur mandat pour faire cesser l’emploi systématique et généralisé de pouvoirs de police d’une façon qui porte atteinte aux droits fondamentaux;

L ’introduction d’une réglementation relative aux registres tenus dans les postes de police pour faire en sorte qu’ils contiennent une information complète et détaillée sur chaque garde à vue;

La création urgente d’un registre centralisé et informatisé au Secrétariat d’État à la sécurité contenant des données sur les personnes placées en détention en application de la loi cité e (date et heure d’entrée et de sortie, motif détaillé de la détention et personnel de police qui est intervenu) et qui permette de produire des statistiques fiables et transparentes.

128.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a approuvé ces recommandations.

129.Pour ce qui est de la création d’un registre, le Secrétariat d’État à la sécurité a fait savoir que depuis 1998 il existait un système informatique, appelé NACMIS, qui enregistre le détail de toutes les détentions. Toutefois, en raison de difficultés économiques et techniques il n’a pas été possible de le mettre à la disposition des postes de police en ligne. Cette information est néanmoins consignée manuellement par le bureau central.

130.Le CONADEH a indiqué que la réforme de la loi sur la police réalisée pendant le mandat du Président Zelaya avait ôté au Conseil national de la sécurité intérieure (CONASIN) ses attributions essentielles; elle avait consolidé le pouvoir institutionnel absolu de la police en supprimant toute possibilité de déléguer à des professionnels non policiers au moins deux des directions générales et avait réduit les contrôles externes.

Habeas corpus

131.L’article 182 de la Constitution établit la garantie de l’habeas corpus,ou recours en présentation de personne, dans les termes suivants:

«Toute personne ayant subi un préjudice ou toute autre personne agissant en son nom peut introduire ce recours:

1)Lorsque l’intéressé est arrêté ou détenu illégalement, ou subit illégalement une quelconque restriction de sa liberté individuelle; et

2)Lorsque, alors qu’elle est régulièrement arrêtée ou détenue, elle est l’objet de traitements entraînant des souffrances, de tortures, d’humiliations et de vexations, d’extorsions illicites ou de toutes formes de contraintes, restrictions et entraves que sa sécurité personnelle ou le maintien de l’ordre dans la prison ne justifient pas.».

132.Le recours en habeas corpus est exercé sans qu’il soit nécessaire de présenter un pouvoir ou de remplir certaines formalités, oralement ou par écrit, par tout moyen de communication, aux heures ou jours ouvrables ou non et sans frais.

133.Les juges ou magistrats ne peuvent pas rejeter le recours en habeas corpus et ont l’obligation absolue d’agir immédiatement pour faire cesser l’atteinte à la liberté ou à la sécurité de la personne.

134.Cette garantie fondamentale pour la protection du droit à la liberté individuelle, à l’intégrité physique et à un traitement digne est indispensable pour la prévention de la torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, a fortiori en situation d’urgence ou dans des situations de conflit politique et social intense. Le SPT a pu constater que les dispositions de la Constitution et de la loi en vigueur au Honduras n’empêchaient pas le fonctionnement simple et rapide de l’habeas corpus dans ses différentes modalités, qu’il s’agisse d’éviter ou de faire cesser une détention illégale ou arbitraire ou de faire cesser une aggravation illégitime du régime de détention.

135.Il faut souligner le travail louable de quelques juges qui, fidèles à leur vocation essentielle, ont effectivement appliqué le recours en habeas corpus. Ainsi le SPT a été informé de cas de recours en habeas corpus qui ont été accueillis de façon simple et diligente, y compris par téléphone, par des tribunaux de première instance ou des cours d’appel, ainsi que par des juges de l’exécution, et qui ont permis la remise en liberté de nombreuses personnes détenues illégalement à la suite des événements du 28 juin 2009.

136.Toutefois, le SPT a également reçu des plaintes dénonçant une procédure d’habeas corpus si lente qu’elle n’avait pas permis d’éviter ou de faire cesser des détentions illégales. Il a également eu connaissance de cas dans lesquels une décision favorable visant à faire cesser une aggravation illégitime du régime de détention avait été prise mais n’avait pas encore été suivie d’effet par les autorités pénitentiaires.

137. Le SPT recommande:

a) L’adoption par les plus hautes autorités des institutions responsables de la procédure d’ habeas corpus des mesures voulues pour obtenir que cette garantie fondamentale pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants soit effective;

b) De faire en sorte que le recours en habeas corpus soit effectif et ne puisse en aucun cas être suspendu pendant l’état d’urgence ;

c) De créer d’urgence au sein de la Cour suprême un registre central isé de l’ habeas corpus ;

d) De créer, au sein de la Cour suprême, un registre des cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dont les organes judiciaires ont été saisis;

e) D’assurer la formation des différents acteurs − juges, procureurs et défenseurs − afin de faire amplement connaître les bonnes pratiques relevées;

f) De procéder sans délai à une enquête approfondie sur les irrégularités qui ont empêché le bon fonctionnement de ce recours , y compris sur l’agression dont a été victime le juge de l’exécution Osmar Fajardo le 3 août 2009 au poste de police n o 1 de San Pedro Sula alors qu’il agissait dans une procédure d’ habeas corpus .

138.Dans ses commentaires sur les observations préliminaires du SPT, le Secrétariat d’État à la sécurité a suggéré que la police nationale bénéficie également des programmes de formation mentionnés. Il a précisé que, depuis que le pays est passé au système accusatoire, des ressources importantes avaient été investies dans la formation des juges, des procureurs et des défenseurs publics mais rien n’avait été fait pour la police. Le résultat a été que, quand le nouveau système a commencé à être appliqué, la police avait commis beaucoup d’erreurs qui auraient pu être évitées avec une meilleure formation, et auxquelles il commence seulement à être remédié, après plusieurs années d’expérience.

V.Situation des personnes privées de liberté dans les locauxde la police

139.À Tegucigalpa, le SPT a visité les commissariats d’agglomération nos 1 et 3, les postes de police du district de Manchén et du district Kennedy et le siège de la Direction nationale des enquêtes criminelles (DNIC). À San Pedro de Sula et dans ses environs, le SPT a visité le commissariat de département no 5 à Choloma et le commissariat d’agglomération no 2. Pendant ces visites, il s’est entretenu en privé avec des détenus, tant individuellement que collectivement. Il a également pu examiner les registres dans lesquels sont consignés les différents événements de la vie quotidienne des établissements, en particulier les registres des détenus, s’entretenir avec le personnel présent au sujet du fonctionnement des établissements et visiter les locaux.

140.Le SPT a en outre visité les locaux du commando Cobras où, bien qu’il ne s’agisse pas d’un lieu de détention officiel, avait été amené un groupe de 26 personnes arrêtées lors des manifestations du 12 août 2009. Lorsque le SPT a visité ces locaux, aucun détenu ne s’y trouvait.

141.En règle générale, la détention dans les postes de police dure environ vingt-quatre heures. Si, pendant ce laps de temps, il est établi qu’il existe des indices d’infraction, l’affaire est renvoyée à la DNIC aux fins d’enquête. Une fois ordonnée la détention provisoire, les intéressés sont placés dans les locaux de la DNIC ou transférés dans des établissements pénitentiaires. Si l’infraction soupçonnée se limite à la commission d’une faute, les intéressés sont mis en liberté.

Les registres de la détention comme protection contre la torture et les mauvais traitements

142.Le SPT a constaté que le système de registres des postes de police visités était rudimentaire et peu fiable et ne permettait pas un contrôle adéquat des entrées et sorties de détenus, ce qui rendait ces derniers d’autant plus vulnérables. Il existe dans chaque poste une main courante, dans laquelle l’officier de garde note l’ensemble des activités du personnel à l’intérieur et à l’extérieur du poste, et un registre des détenus, dans lequel sont consignés le nom des détenus, l’heure d’entrée et l’heure de sortie et le motif de la détention. Dans un cas, le SPT a constaté que le placement en détention de plus de 30 personnes impliquées dans un même incident figurait dans la main courante mais n’apparaissait pas dans le registre des détenus. Il ressort des renseignements recueillis par le SPT lors de ses entretiens avec les diverses autorités et avec les personnes privées de liberté que les registres peuvent parfois être altérés par les agents de la police et que, bien souvent, les renseignements donnés par les détenus ne coïncident pas avec ce qui est consigné dans les registres.

143.Aucun des postes visités ne tenait de registre de plaintes ni de registre des visites rendues aux détenus par leurs proches, leur avocat ou des organes de contrôle.

144.Le SPT estime que la tenue de registres adéquats sur la privation de liberté constitue une garantie essentielle contre la torture et les mauvais traitements et une des conditions indispensables au respect des garanties procédurales, comme le droit de contester la légalité de la privation de liberté (habeas corpus) et de comparaître rapidement devant un juge.

145.Bien que certains postes de police aient un registre des effets personnels, le SPT a constaté l’insuffisance des renseignements qui y sont consignés, dont les plus récents remontent au mois de janvier 2009. Plusieurs des détenus avec lesquels le SPT s’est entretenu ont déclaré que leur argent et d’autres effets personnels leur avaient été volés par les policiers qui avaient procédé à l’arrestation.

146. À la lumière de ce qui précède, le SPT recommande de:

a) Garanti r la tenue de registres d’écrou dans lesquels sont consignés les motifs spécifiques de la privation de liberté, l’heure exacte du début de la détention, sa durée, l’autorité l’ayant ordonnée et l’identité des agents de la force publique qui sont intervenus, ainsi que des renseignements précis sur le lieu de détention, la chaîne de responsabilité et l’heure de la première comparution devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exer cer des fonctions judiciaires;

b) Consigner dans un registre les plaintes reçues, les visites de s proches, d es avocats ou des organes de contrôle et les objets appartenant aux détenus;

c) Former les policiers pour qu’ils fassent un usage approprié et cohérent des registres;

d) Veiller à ce que le système de registres fasse l’objet d’un contrôle rigoureux de la part des supérieurs afin de garantir que tous les renseignements utiles concernant la privation de liberté soient systématiquement consignés.

147.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général (Fiscalía General de la República) a reconnu la nécessité d’améliorer le système de registres et de mettre sur pied des mécanismes de contrôle interne.

Information sur les droits des personnes détenues

148.Pour pouvoir exercer effectivement leurs droits, les personnes privées de liberté doivent d’abord les connaître et les comprendre. Si elles ignorent leurs droits, leur capacité de les exercer est gravement compromise. Le fait d’informer les personnes privées de liberté à ce sujet constitue un aspect essentiel de la prévention de la torture et des mauvais traitements. Conformément à l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, les autorités responsables de l’arrestation, de la détention ou de l’emprisonnement d’une personne doivent lui fournir, au moment de l’arrestation et au début de la détention ou de l’emprisonnement ou peu après, des renseignements et des explications au sujet de ses droits ainsi que de la manière dont elle peut les faire valoir. Le SPT s’est entretenu avec des détenus qui n’avaient pas été informés de leurs droits.

149. Le SPT recommande à l’État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que des af fiches, des dépliants et d’autres documents contenant des informations claires et simples sur les droits des personnes privées de liberté soient disponibles dans tous les lieux de détention de la police. Ces documents devraient mentionner expressément le droit à l’intégrité physique et psychique et l’interdiction absolue d’utiliser la torture et d’autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, en toutes circonstances. Le SPT recommande également que les policiers reçoivent une formation pour pouvoir informer systématiquement de leurs droits les personnes privées de liberté et faciliter l’exercice de ces droits dès le début de la détention. Un formulaire contenant ces informations devrait être remis à tous les détenus et signé par eux. Chaque détenu devrait en conserver une copie .

Risque de condamnation sur la base d’aveux

150. Le SPT recommande à l’État partie de garantir l’application effective de l’article 101, paragraphe 7, et de l’article 200 du Code de procédure pénale de façon que les déclarations faites devant la police pendant la détention, en violation de ces dispositions, ne puissent pas être prises en considération par les juges pour ordonner des mesures de sûreté ou inculper ou condamner un suspect. Conformément à l’article 15 de la Convention contre la torture, l’État devra veiller à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture.

Droit d’informer un tiers de la détention

151.Le droit des personnes privées de liberté d’informer de leur détention une personne de leur choix (proche, ami ou autre) représente une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements. D’après les renseignements reçus, ce droit n’est pas toujours respecté au Honduras. Or, étant donné que les postes de police n’ont pas de budget pour l’alimentation des personnes privées de liberté, qui dépendent de leur famille pour recevoir de la nourriture ou l’argent nécessaire pour en acheter, le droit d’informer un tiers revêt une importance toute particulière, non seulement du point de vue des garanties procédurales mais aussi pour ce qui est de satisfaire les besoins fondamentaux. Le SPT recommande aux autorités honduriennes de veiller au strict respect de ce droit.

Examen médical des détenus

152.Le SPT a constaté que les personnes détenues dans les postes de police visités et dans les locaux de la DNIC n’avaient pas été examinées par un médecin. Les personnes placées dans ces lieux ne sont pas examinées systématiquement par un médecin à leur entrée. L’accès à un médecin dépend du bon vouloir des agents de la police, même lorsque le détenu a été frappé par ces mêmes agents. Lorsque les détenus sont conduits dans un centre de soins (clinique périphérique ou «cliper»), ils sont examinés par un médecin généraliste.

153.Le SPT a constaté que les examens réalisés étaient superficiels et les formulaires médicaux utilisés incomplets. Aucun mécanisme n’est en place pour pratiquer les examens médicaux approfondis nécessaires et les examens réalisés sont insuffisants dans la mesure où les résultats ne décrivent pas correctement: 1) le traitement reçu; 2) l’origine des lésions; et 3) le type de lésions, leur localisation et les caractéristiques pouvant servir à déterminer si ces lésions concordent avec les actes de torture signalés ou dénoncés, ce qui serait utile pour prévenir la torture mais aussi pour éviter les plaintes abusives contre la police pour ce type d’actes.

154.Le SPT a visité la clinique du district de Manchén, où il a constaté qu’il n’y avait pas de registre des personnes amenées par la police. Le médecin de garde a déclaré qu’il arrivait que la police conduise des personnes qui avaient subi des mauvais traitements physiques et psychologiques. Toutefois, les médecins n’alertaient pas les autorités compétentes quand ils constataient des signes de mauvais traitements parce qu’il n’existait aucune loi les y obligeant, et aussi par crainte des conséquences. Le médecin de garde a indiqué que le nombre de détenus blessés admis dans la clinique avait été plus élevé en juillet et août 2009, en raison des manifestations. Il a également fait savoir qu’il arrivait que le Parquet général demande des renseignements sur les cas de violence dans la famille, mais qu’il ne s’était jamais enquis des cas de torture.

155. Le SPT recommande que les mesures soient prises pour faire en sorte qu’un nombre suffisant de médecins soit disponible afin que tous les détenus, et non pas seulement ceux qui sont placés dans le s centre s intégré s, puissent être examinés et que les médecins puissent travailler en toute indépendance et reçoivent une formation pour l’examen des victimes présumées d’actes de torture ou de mauvais traitements et la détection de tels cas, conformément aux dispositions du Protocole d’Istanbul. Le SPT recommande également de consigner dans des registres tous les examens médicaux pratiqués sur les détenus, en indiquant le nom du médecin et le s résultat s de l’examen . Le Protocole d’Istanbul d oi t être utilisé comme un instrument pour améliorer l a qualité d es rapports médic aux et psychologiques et renforcer la prévention de la torture.

156.En réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a déclaré qu’il serait utile d’enquêter sur la situation décrite avec la participation du Collège des médecins. La recommandation méritait d’être prise en considération et appliquée en prévoyant des crédits budgétaires suffisants à cet effet et, même si la torture comme politique de répression de l’État n’était pas pratiquée au Honduras, il était souhaitable de tenir compte du Protocole d’Istanbul à des fins de prévention et pour garantir le respect de l’article 68 de la Constitution. Le Parquet général a reconnu la nécessité d’améliorer le système de registres et de faire prendre aux médecins conscience de leur devoir de dénoncer auprès des autorités compétentes les faits constitutifs de délits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. La responsabilité pénale du médecin peut être engagée s’il faillit à ce devoir, en vertu du paragraphe 5 de l’article 388 du Code pénal.

Présentation de requêtes ou de plaintes par les détenus

157.Le droit de toute personne détenue de présenter une requête ou une plainte au sujet de la façon dont elle est traitée, en particulier dans le cas de tortures ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, aux autorités chargées de l’administration du lieu de détention et aux autorités supérieures et, si nécessaire, aux autorités de contrôle ou de recours compétentes, constitue une garantie fondamentale contre la torture. Le SPT a noté que certaines victimes avaient saisi le Procureur mais que le nombre de cas restait extrêmement faible.

158.Le SPT recommande que le personnel affecté aux locaux de la police informe systématiquement toute personne privée de liberté qu’elle a le droit de présenter une requête ou une plainte au sujet de la manière dont elle est traitée. Toute requête ou plainte d o it être examinée sans délai et il doit y être donné suite sans retard injustifié; des dispositions seront prises pour que la personne détenue ne subisse pas de préjudice pour avoir présenté une telle requête ou plainte.

159. Les autorités doivent veiller à ce que le droit de dénoncer les actes de torture et de mauvais traitements et à présenter une plainte puisse être exercé dans la pratique et que le principe de confidentialité soit respecté. Le personnel de police ne doit pas intervenir dans la procédure de plainte ni filtrer les plaintes adressées aux autorités compétentes ou avoir accès à leur contenu. Le SPT recommande également l’adoption d’un règlement pour le traitement des plaintes par la police, qui contienne des dispositions relatives à la transmission des plaintes aux autorités compétentes, ainsi qu’à l’obligation de fournir le matériel nécessaire pour rédiger une plainte.

Conditions de travail et formation du personnel de police

160.Les membres de la police avec lesquels le SPT s’est entretenu ont tous fait savoir qu’ils rencontraient des difficultés économiques du fait de l’insuffisance de leur salaire. Dans le poste de police du district de Manchén, le SPT a visité les chambres des policiers et a pu constater la précarité de leurs conditions lorsqu’ils sont de service.

161. Le SPT considère que l’insuffisance des revenus du personnel policier favorise la corruption et recommande donc une revalorisation des salaires de la police. L’équipement dont les policiers ont besoin pour exercer leurs fonctions devrait leur être fourni par les autorités.

162.Le SPT a été informé que la formation du personnel policier était très limitée et ne durait pas plus de trois à six mois à compter de la fin de la scolarité primaire. Il a relevé que plusieurs policiers avaient exprimé le désir de recevoir une formation adéquate. L’un d’entre eux avait déclaré: «Les émotions peuvent jouer des mauvais tours; il faut qu’on nous apprenne comment les dominer.».

163. Le SPT recommande que les policiers et les autres fonctionnaires affectés aux postes de police et aux autres lieux de détention de la police reçoivent une formation appropriée concernant l’arrestation et la garde des personnes privées de liberté, les droits de l’homme, y compris la prévention de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, et l’utilisation adéquate des registres.

La surveillance de la police comme protection contre la torture et les mauvais traitements

164.Le SPT a constaté qu’il n’existait pas au Honduras de système efficace de surveillance et de contrôle interne des conditions de détention et de la manière dont les personnes privées de liberté sont traitées par les membres de la police. Le SPT considère qu’un tel système constitue une protection essentielle contre les mauvais traitements; il recommande donc aux autorités honduriennes de mettre en place un tel système.

Conditions matérielles

165.Le SPT a constaté que les conditions matérielles dans lesquelles sont détenues les personnes en garde à vue sont quasiment partout très précaires. Les cellules sont généralement dans un état d’entretien et d’hygiène déplorable. Très souvent, les installations sanitaires sont insuffisantes ou ne fonctionnent pas et il règne une forte odeur dans les locaux, et il n’y a pas l’eau courante. Il n’y a pas de matelas, ni couvertures ni de mobilier d’aucune sorte et les détenus dorment tous sans exception à même le sol.

166.Dans les locaux de détention de la DNIC à Tegucigalpa, les détenus restent en permanence, parfois pendant des mois, dans des cellules sans lumière naturelle ou artificielle et sans aération, d’où ils ne sortent que pour aller aux toilettes. Ils ne sortent jamais dans la cour et aucune activité récréative n’est prévue. Lorsque le SPT a visité les lieux, 10 personnes y étaient détenues dans deux cellules d’environ 20 mètres carrés chacune (4 dans une et 6 dans l’autre). Dans une troisième cellule, environ de la même taille, étaient détenus trois policiers accusés de délits, qui y avaient déjà passé cinq mois, trois mois et deux mois respectivement. Celle-ci était éclairée uniquement par une lumière artificielle. Deux des détenus ont déclaré qu’ils souffraient d’affections cutanées par manque de soleil.

167.À ces conditions s’ajoutent les effets de la surpopulation carcérale, qui est fréquente. Par exemple, lorsque le SPT a visité le Commissariat d’agglomération no 3, il a pu constater que 18 personnes avaient été arrêtées dans les vingt-quatre heures précédentes, avaient été placées dans l’unique cellule destinée aux hommes adultes, d’une superficie d’environ 18 mètres carrés. Les policiers eux-mêmes ont déclaré qu’en fin de semaine le nombre de détenus oscillait entre 70 et 120 par jour et que ceux qui n’avaient pas de place dans la cellule restaient dans la cour. Dans le poste de police du district de Manchén, le SPT a constaté qu’il y avait des cellules d’environ 22 mètres carrés dans lesquelles pouvaient se trouver jusqu’à 40 ou 50 détenus en même temps. Les cellules étaient extrêmement sombres et sans aération puisqu’elles n’avaient qu’une fenêtre très petite, et la puanteur était intense.

168.Dans les lieux qu’il a visités, le SPT a été informé que les hommes étaient généralement séparés des femmes et les adultes des enfants. Toutefois, il a constaté que dans certains cas des mineurs âgés de 15 à 17 ans étaient détenus avec des adultes. Dans d’autres cas, des femmes et des enfants étaient dans la même cellule et dans certains postes de police le personnel a signalé que lorsque des enfants étaient détenus, ils devaient être placés dans des bureaux, faute de cellules disponibles.

169.Dans le poste de police du district de Manchén, le SPT a remarqué un bureau en parfait état, qui avait été réaménagé et nouvellement meublé, sur la porte duquel était écrit «Observatorio de violencia» («Observatoire de la violence»). Toutefois, ce bureau semblait abandonné et aucun des policiers interrogés n’a pu indiquer à quoi il servait.

170. Le SPT recommande de procéder le plus rapidement possible à un audit des postes de police et des locaux de la DNIC afin d’élaborer et de mettre en œuvre de toute urgence un plan pour l’amélioration des lieux de détention , dans les établissements existants, qui garantisse le droit à un traitement digne pour ce qui est du logement (aération, sanitaires, éclairage et autres éléments essentiels ). L’audit devrait être mené par une équipe pluridisciplinaire composée de représentants des différentes institutions compétentes pour visiter les lieux de privation de liberté de la police. Des mesures doivent être prises immédiatement pour améliorer les conditions matérielles dans les cellules, en particulier en ce qui concerne la superficie minimale par détenu, le cubage d’air , l’éclairage et la ventil ation.

171.Le SPT recommande que, dans la mesure du possible, les personnes détenues dans les postes de police plus de vingt-quatre heures aient la possibilité de faire de l’exercice physique en dehors de l a cellule pendant au moins une heure, une fois par jour.

172.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a évoqué l’absence de planification pour la construction, l’aménagement, l’organisation et la gestion des centres de détention et des prisons. L’État ne prévoit pas de crédits budgétaires et ne reçoit pas non plus de fonds externes étant donné que les organismes internationaux de financement ont pour politique de ne pas accorder d’aide, de prêts ou de dons pour la construction et la gestion des établissements pénitentiaires. De plus, les gardiens ou les personnes chargées de surveiller les détenus et de s’occuper d’eux au quotidien ne reçoivent aucune formation véritable.

173.Le Secrétariat d’État à la sécurité a répondu, au sujet de l’idée de procéder à un audit des postes de police et des locaux de la DNIC, qu’il faudrait constituer un groupe pluridisciplinaire composé de représentants de toutes les institutions concernées par l’amélioration des lieux utilisés pour la détention provisoire. Ce groupe devra s’occuper non des conditions matérielles de vie des détenus mais aussi des membres de la police nationale.

Alimentation et eau potable

174.Les personnes détenues dans les postes de police et dans les locaux de la DNIC, où elles peuvent passer plusieurs mois, ne reçoivent pas de nourriture ni d’eau potable. Elles doivent se procurer elles-mêmes leur nourriture soit par l’intermédiaire de leurs proches soit en payant le personnel de l’établissement pour qu’il leur achète à manger. Les détenus qui ne peuvent pas se procurer de la nourriture par ces moyens dépendent entièrement de la générosité des autres détenus. Le personnel policier a fait savoir que les centres de détention n’avaient pas de budget pour l’alimentation.

175. Le SPT recommande à l’État partie d e prévoir un budg et suffisant pour l’alimentation des détenus et de mettre en place les mécanismes de contrôle nécessaires afin que les produits alimentaires achetés soient nutritifs, effectivement distribués à tous les détenus et préparés et servis de façon digne. Il recommande également de fournir aux personnes privées de liberté au moins deux litres d’eau potable par jour, gratuitement et systématiquement.

176.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a approuvé cette recommandation.

Santé

177.Aucun des postes de police visités par le SPT ne comptait de médecins parmi son personnel. L’accès à un médecin est difficile et à la discrétion des fonctionnaires de police. Le SPT a été informé que les détenus qui avaient des problèmes de santé étaient emmenés dans les cliniques périphériques («clipers»).

178.Dans le commissariat d’agglomération no 2 de San Pedro Sula, le SPT a rencontré un homme de 73 ans qui attendait que sa situation juridique soit clarifiée. Celui-ci a expliqué qu’il avait subi une intervention chirurgicale et avait passé vingt-quatre jours à l’hôpital et que cela faisait quatre jours qu’il était assis sur une chaise, passant d’un bureau à l’autre, sans avoir été examiné par un médecin. Il s’est plaint de douleurs et a montré au SPT une ordonnance médicale qu’il avait reçue à l’hôpital et qu’il n’avait pas pu utiliser. Le détenu était extrêmement angoissé à l’idée de risquer des complications médicales parce qu’il ne prenait pas les médicaments prescrits.

179.Le SPT est préoccupé par le fait que ce soit le personnel policier, sans formation médicale, qui décide de l’accès des personnes privées de liberté aux soins médicaux. Le SPT rappelle qu’en vertu des normes internationales relatives aux droits de l’homme, tout détenu doit pouvoir bénéficier de soins et de traitements médicaux chaque fois que le besoin s’en fait sentir . Il recommande que le personnel de police, à moins d’avoir reçu la formation requise pour effectuer des diagnostics médicaux, autorise immédiatement les personnes privées de liberté q ui le demandent à être examinées par un médecin.

VI.Situation des personnes privées de libertédans les établissements pénitentiaires

A.Rôle des juges de l’exécution

180.Le Code de procédure pénale entré en vigueur en 2002 a créé la fonction de juge de l’exécution, chargé de veiller à la bonne application des règles relatives au régime pénitentiaire, au respect de la finalité de la peine telle qu’elle est définie dans la Constitution et à la stricte application des décisions des tribunaux. Selon l’article 382 du Code pénal, les fonctions du juge de l’exécution en ce qui concerne l’application des peines privatives de liberté sont les suivantes:

1)Prendre les décisions qui s’imposent aux fins de l’exécution des décisions des juridictions de jugement;

2)Statuer sur les propositions de libération conditionnelle des condamnés et prononcer les révocations nécessaires;

3)Statuer sur les recours formés par les détenus concernant le refus par les autorités pénitentiaires d’avantages pénitentiaires;

4)Statuer sur les recours formés par les détenus contre les sanctions disciplinaires;

5)Statuer sur les réclamations des détenus concernant leur classement initial et l’allongement ou la réduction de la durée du traitement, en se fondant sur les rapports des équipes techniques des établissements pénitentiaires;

6)Prendre les décisions voulues au sujet des plaintes des détenus concernant le régime pénitentiaire, le fonctionnement des établissements pénitentiaires, et le traitement qui leur est appliqué, dans la mesure où leurs droits fondamentaux ou leurs droits et avantages pénitentiaires sont en cause.

181.En ce qui concerne la détention provisoire, l’article 191 prévoit que le juge de l’exécution veille au respect des droits des détenus pour ce qui est du lieu de détention (prison ou locaux de garde à vue, étant entendu que les prévenus doivent être strictement séparés des condamnés) et le traitement (la détention provisoire ne doit pas avoir les caractéristiques d’une peine d’emprisonnement). S’il constate que la détention provisoire présente les caractéristiques d’une peine d’emprisonnement, le juge de l’exécution en informe sans délai le juge d’instruction chargé du dossier qui statue dans les vingt-quatre heures. Enfin, l’article 60 prévoit que le juge de l’exécution vérifie que la détention provisoire, l’exécution du jugement et le sursis à l’exécution de la peine sont conformes à la loi et aux décisions des tribunaux.

182.Les membres du SPT ont rencontré les juges de l’exécution des circonscriptions judiciaires de Tegucigalpa et de San Pedro Sula. Ils lui ont fait part des difficultés rencontrées dans l’exercice de leurs fonctions, qui sont les suivantes:

Envoi tardif de l’extrait du jugement par les tribunaux de première instance ou les juridictions de jugement, ce qui retarde d’autant l’exécution de la peine. Notification tardive de la mise en détention provisoire, élément indispensable pour calculer la durée de cette mesure de sûreté;

Absence de moyens de vérifier la durée de la détention provisoire qui permettraient de disposer de données fiables. Les juges devraient être aussi habilités à prendre des mesures effectives quand le délai de détention est dépassé et pas seulement à informer le tribunal;

Lenteur de l’octroi des avantages pénitentiaires auxquels les détenus ont droit;

Non-séparation des condamnés et des prévenus;

Notification tardive par les autorités pénitentiaires des admissions, des sorties et des transferts de détenus;

Insuffisance du matériel logistique (ordinateurs, photocopieuses, véhicules) et absence de programmes informatiques pour accéder aux données concernant la situation procédurale des détenus;

Absence de communication en réseau entre le système pénitentiaire et les tribunaux qui permettrait de mieux contrôler l’exécution de la peine;

Manque de personnel spécialisé, en particulier de psychologues et de travailleurs sociaux, susceptibles d’intervenir, notamment, pour appuyer les requêtes des détenus qui demandent à bénéficier d’avantages prévus par la loi;

Absence de personnel auxiliaire;

Nombre insuffisant de juges de l’exécution. Pour la prison de Tegucigalpa par exemple, il n’y a que cinq juges pour environ 2 500 détenus;

Absence de formation des juges en ce qui concerne le système pénitentiaire;

Absence de véritable politique institutionnelle en ce qui concerne le système pénitentiaire. Le plus souvent les personnes nommées à des postes clefs n’ont pas les compétences ni la formation nécessaires;

Passivité des autorités pénitentiaires, qui fait que l’information ne circule pas entre elles et les juges de l’exécution;

Corruption du personnel pénitentiaire et des personnes désignées pour s’occuper des détenus;

Insuffisance de l’appui des institutions qui ne donnent pas au juge de l’exécution la prépondérance sur les autorités pénitentiaires quand les droits des détenus sont violés;

Manque d’empressement des agents pénitentiaires pour améliorer les conditions carcérales et offrir un meilleur service;

Absence de formation des directeurs des établissements pénitentiaires. À l’heure actuelle, quatre d’entre eux seulement sont des professionnels;

Indifférence des autorités pénitentiaires à l’égard des décisions rendues par les juges sur les plaintes des détenus dont les droits ont été violés.

183.Les juges de l’exécution ont également indiqué que l’administration pénitentiaire se retranchait souvent derrière l’absence de moyens financiers pour justifier les violations des droits des personnes privées de liberté. Ils ne partageaient pas quant à eux ce point de vue et estimaient que c’était la volonté politique pour améliorer la situation dans les établissements pénitentiaires qui faisait défaut. Ils ont cité, par exemple, le cas de la prison El Progreso où il n’y avait toujours pas de médecin affecté à l’établissement, alors que le juge de l’exécution en faisait la demande depuis deux ans. Ils attendaient beaucoup de la création de l’Institut pénitentiaire, prévue dans un projet de loi en lecture devant le Congrès.

184. En ce qui concerne les juges de l’exécution, le SPT recommande:

a) De procéder à des réformes afin de se doter d’un cadre juridique définissant les fonctions qui sont aujourd’hui exercées par les juges de l’exécution à l’égard des personnes en détention provisoire, en particulier pour veiller à ce que la durée maximale ne soit pas dépassée. Il faut mettre en place d’urgence un système prévoyant la notification immédiate par les juges et tribunaux de première instance aux juges de l’exécution des décisions de placement en détention provisoire et des condamnations. Les difficultés d’accès à ces informations empêchent les juges de l’exécution de vérifier s’il n’y a pas eu de violations du droit à une procédure équitable − comme des retards excessifs dus à l’inaction des procureurs, des défenseurs ou des juges − ou des omissions d’actes de procédure essentiels (par exemple demande d’audience préliminaire par le Procureur , ou demande de désistement de la part de l’avocat , etc.). Un système de communication approprié permettrait de réduire le surpeuplement carcéral, contribuerait à la sécurité juridique et réduirait les risques d’arbitraire et de corruption;

b) Prendre des mesures afin que les responsables des établissements pénitentiaires tiennent un registre fiable des admissions et des sorties et en informent les juges de l’exécution en temps opportun;

c) Prendre des mesures afin que les juges de l’exécution soient assistés d’un personnel auxiliaire à même d’assurer par exemple une permanence quand ils doivent s’absenter de l eur bureau. Ils doivent aussi disposer de moyens de transport afin de pouvoir procéder à des inspections plus nombreuses et plus efficaces des établissements pénitentiaires;

d) Prendre des mesures afin que les juges de l’exécution puissent compter sur le concours de professionnels − médecins, psychologues et travailleurs sociaux − afin de s’acquitter de leurs mandats judiciaires, notamment de rendre les décisions qui s’imposent face aux incidents concernant des détenus qu’ils sont appelés à traiter .

185.Dans ses réponses aux observations préliminaires du SPT, le Secrétariat d’État à la sécurité a indiqué qu’il était prévu de créer une commission permanente d’inspection, composée des membres de la Commission interinstitutions de la justice pénale, chargée au plus haut niveau de donner suite aux observations et recommandations et de veiller à la mise en œuvre de procédures destinées à garantir le respect d’une procédure régulière, et qui serait appelée à établir une compilation complète de la législation en vigueur en la matière.

B.Décisions de justice portant sur la situation dans les établissements pénitentiaires

186.Les plus hautes autorités judiciaires sont très au fait de la situation dans les établissements pénitentiaires car elles ont été saisies d’un certain nombre de recours en la matière et ont formulé des recommandations précises. Les autorités pénitentiaires ont ainsi été amenées à procéder à des réformes. Toutefois ces réformes ont été de toute évidence insuffisantes et, même si elles sont utiles, elles n’ont pas permis de s’attaquer au cœur des problèmes car une réforme intégrale des établissements et un changement radical des mentalités sont indispensables.

187.Pendant sa réunion avec le Président et les membres de la Cour suprême, le SPT a reçu une copie de l’arrêt rendu le 4 septembre 2006 par la Chambre constitutionnelle dans le recours en habeas corpus introduit par le Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme en faveur des détenus de la prison Marco Aurelio Soto. Après s’être rendue sur les lieux, la Cour a déclaré: [les détenus] «sont entassés dans des conditions très précaires [la prison a une capacité maximum de 1 800 personnes, et au moment de l’inspection il y avait 3 245 détenus, soit plus du double de sa capacité], ne disposent pas des installations élémentaires pour satisfaire leurs besoins essentiels, n’ont pas accès en permanence à des sources d’eau potable, ne reçoivent pas une nourriture saine (variée, équilibrée et nutritive), n’ont pas de lit individuel ou à défaut de matelas, n’ont pas accès à des soins médicaux dignes de ce nom (préventifs et curatifs); les dortoirs n’ont pas d’ouverture laissant entrer la lumière du jour ni l’air frais et n’ont pas d’installations sanitaires; il n’y a pas de lieux réservés aux activités sportives et aux loisirs, de programmes d’enseignement et de formation, moins encore de programmes de travail qui pourraient faciliter leur réinsertion dans la société (…). En ce qui concerne la sécurité, la vulnérabilité des détenus est manifeste car ils ne bénéficient pas des garanties minimales pour préserver et respecter leur vie et leur intégrité physique; les quelques personnes qui sont chargées d’assurer la sécurité dans la prison n’ont aucune formation professionnelle et n’ont pas le minimum de matériel nécessaire.». De l’avis de la Cour, cette situation «aboutit à l’application d’un critère réducteur du concept de sanction pénale qui transforme la détention en punition, si bien que le détenu se trouve coupé de la société et abandonné à son sort dans des lieux indignes de sa condition d’être humain (…). L’État hondurien (…) doit prendre sans délai des mesures pour mettre un terme à des conditions qui constituent presque des traitements cruels et inhumains et portent atteinte à l’intégrité physique, psychique et morale de chacune des personnes placées sous sa garde». La Cour a conclu que le Secrétariat d’État à la sécurité devait prendre des mesures pour faire cesser ces violations dans un délai d’un an.

188.Le 2 juillet 2007, le Secrétariat d’État à la sécurité a publié un rapport rendant compte des mesures prises, énumérées ci-après:

Le toit du quartier d’isolement a été imperméabilisé afin d’éviter l’infiltration de l’eau de pluie;

Des détenus ont été transférés dans d’autres établissements pénitentiaires afin de réduire l’entassement dans certains quartiers. Le nombre de détenus est tombé de 3 667 à 2 763, soit une réduction de 24,65 %;

Le quartier baptisé «Scorpion» a été réaménagé pour accueillir les détenus souffrant de maladie mentale et du VIH;

Des travaux d’assainissement du réservoir d’eau potable ont été effectués et des améliorations ont été apportées au système de drainage;

Il est procédé périodiquement à des fumigations en concertation avec le Ministère de la santé;

La lumière électrique a été installée dans certains quartiers;

Un dépôt d’ordures a été construit pour éviter de polluer l’environnement et un contrat a été passé avec une entreprise de ramassage et d’élimination des ordures;

La cuisine a été équipée d’une toile grillagée pour empêcher les mouches d’entrer;

Une permanence médicale confiée à un personnel médical et paramédical qualifié est maintenant assurée;

Des matelas ont été distribués aux détenus souffrant de maladie mentale, malades du SIDA, homosexuels et âgés;

Cent policiers diplômés du Centre de formation pénitentiaire ont été affectés à la prison;

Les prisonniers condamnés et les prisonniers en attente de jugement sont progressivement classés par catégories et séparés les uns des autres en fonction des ressources disponibles;

Le profil des personnes employées dans la prison a été revu et les changements requis sont en cours dans le domaine de l’administration et de la sécurité;

Une nouvelle prison est en construction à Olancho afin d’atténuer l’entassement dans d’autres établissements pénitentiaires;

Un projet visant à améliorer la dotation en personnel technique des divers établissements pénitentiaires du pays a été élaboré.

189.La Cour suprême a également remis au SPT l’arrêt rendu le 14 février 2006 dans le recours en présentation de la personne, ordonnant au Secrétariat d’État à la sécurité de mettre en place dans l’établissement pénitentiaire de San Pedro Sula des mesures analogues à celles qui avaient été demandées pour la prison de Tegucigalpa. Les autorités pénitentiaires ont indiqué les suivantes:

Des travaux ont été effectués pour assurer la distribution continue d’eau;

Les installations sanitaires ont été agrandies et des réservoirs d’eau ont été installés à l’usage personnel des détenus;

Deux nouvelles cellules ont été construites afin de pouvoir séparer les personnes privées de liberté appartenant à différentes maras, la cuisine a été refaite et un terrain de jeux a été aménagé pour les enfants des visiteurs;

L’installation électrique de tout l’établissement a été améliorée;

Une cellule a été réservée aux détenus incarcérés pour la première fois;

Le régime alimentaire a été amélioré;

Il a été procédé à l’acquisition de nouveaux lits et de nouveaux matelas;

Une nouvelle infirmière a été engagée. L’infirmerie a été dotée de deux brancards, d’un microscope et d’un laboratoire pour dépister la tuberculose; elle a été repeinte et dispose d’un stock de médicaments suffisant;

Les activités d’enseignement et de formation ont été intensifiées et 1 141 détenus en bénéficieront. Un plan visant à intégrer à ce programme les 539 derniers détenus était en cours d’élaboration;

Des boîtes aux lettres ont été installées pour permettre aux détenus et aux visiteurs de faire connaître leurs doléances;

Six détecteurs manuels de métaux ont été achetés et des fouilles sont régulièrement effectuées pour rechercher des armes et de la drogue.

190.La Cour suprême a également remis au SPT un rapport d’évaluation technique sur le diagnostic et la classification de la population carcérale, rédigé en 2007, qui fait ressortir un certain nombre de problèmes et de risques inhérents au système pénitentiaire parmi lesquels on retiendra les suivants:

Taux de surpopulation élevé. Les établissements pénitentiaires sont de véritables «entrepôts de prisonniers»; les détenus ne sont pas classés par catégories, nul ne connaît la situation réelle de chaque détenu, ses besoins ou ses possibilités, car aucun traitement ne leur est dispensé et aucun travail spécialisé n’est réalisé auprès des personnes incarcérées;

Les décisions prises sont provisoires, les politiques, programmes, projets ou dispositions adoptés ne durent pas et leurs résultats ne font pas l’objet d’une évaluation; il existe un mouvement de personnel considérable, en particulier chez les directeurs des établissements;

Aucun contrôle n’est exercé à l’intérieur des prisons et d’importants secteurs sont pris en main par les détenus, d’où une augmentation de la violence à l’intérieur des établissements, le trafic de substances et d’objets interdits, l’existence d’une forme de marché noir portant sur toutes sortes d’articles; à noter aussi le contrôle par les détenus des ateliers et d’autres activités de production;

Il règne une atmosphère de désœuvrement improductif et de monotonie; les conditions de vie sont infrahumaines; à cela s’ajoute l’abus des punitions et la consommation excessive de drogues;

Les lieux sont insalubres, l’éclairage et l’aération sont minimes, les sanitaires en nombre insuffisant et en mauvais état; presque rien n’est fait contre les insectes et les vecteurs de maladie. Les détenus atteints de maladies infectieuses ou de maladies mentales sont livrés à eux-mêmes, la nourriture est insuffisante et les pratiques d’hygiène sont très mauvaises;

Les ressources humaines et financières sont très réduites;

Il existe un système de privilèges très dangereux qui engendre un risque de corruption, et la violence échappe au contrôle des autorités pénitentiaires;

Le crime organisé, avec sa violence extrême, sa capacité de corruption et son mode d’organisation très élaboré, ainsi que ses transactions financières, est une grave menace pour la sécurité dans les prisons;

Le manque de programmes de formation professionnelle pour tous les membres de la police pénitentiaire est un obstacle au perfectionnement, à la stabilité et au professionnalisme. Les professionnels, le personnel administratif et les personnes qui travaillent dans le domaine de la criminologie, de la santé, de l’éducation, du droit et de l’emploi, et les travailleurs sociaux, sont eux aussi dans l’impossibilité de se spécialiser et de se former en matière pénitentiaire.

191.Le Procureur du Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme de San Pedro Sula a remis au SPT une copie de l’arrêt rendu par la Cour suprême dans le recours en habeas corpus qu’il avait exercé en mars 2006 en faveur des détenus de la prison de Puerto Cortés. Dans son recours, le Procureur du Parquet indiquait que la prison avait une capacité d’accueil de 50 personnes mais que 104 détenus y étaient incarcérés lors de sa première inspection et 109 lors de la seconde; l’établissement disposait d’un budget pour l’alimentation de 8,30 lempiras par jour et par détenu, le défaut d’étanchéité faisait que certaines cellules étaient inondées, ce qui n’empêchait pas que comme il n’y avait pas suffisamment de lits, beaucoup de détenus dormaient par terre «sur un sol trempé; il n’y avait pas assez de toilettes pour le grand nombre de détenus, elles étaient dans un état de saleté repoussante et nauséabondes, avec les conséquences que cela suppose pour la santé des détenus»; «l’entassement constitue un risque permanent pour la sécurité individuelle et collective des détenus, du fait qu’hommes et femmes, membres de bandes rivales, malades mentaux, prévenus et condamnés, ne sont pas séparés et partagent la même cellule»; l’absence de sécurité et la démission des autorités avaient abouti à un incident violent, le 27 octobre 2005, dans lequel un détenu avait trouvé la mort.

192.Le juge de l’exécution désigné pour ce recours avait procédé à l’inspection du centre et constaté: «L’entassement est tel que les détenus vivent dans des conditions infrahumaines et qu’il n’y a pas de possibilité de réinsertion; l’alimentation est insuffisante et il est impossible d’avoir immédiatement accès à des soins médicaux ou des médicaments; il n’y a pas de véhicule pour le transfert des détenus et l’établissement, fait pour accueillir entre 50 et 60 personnes et qui compte 118 détenus, est trop exigu.». La Chambre constitutionnelle a conclu que le Secrétariat d’État à la sécurité devait, dans un délai d’un an, prendre les mesures nécessaires pour équiper l’établissement d’un système de distribution d’eau courante fonctionnant sans interruption, d’installations sanitaires convenables pour l’hygiène personnelle et d’installations électriques satisfaisantes; il fallait faire entrer la lumière naturelle et assurer la ventilation; veiller à ce que les prévenus et les condamnés soient séparés, faire en sorte que les prisonniers reçoivent une alimentation saine, disposent de lits convenables, aient accès à des soins médicaux et psychologiques dispensés par un personnel compétent; mettre en place des mécanismes efficaces pour éviter l’introduction ou la fabrication d’armes de quelque type que ce soit afin de garantir la vie et l’intégrité physique des détenus; et ouvrir immédiatement une enquête pour faire toute la lumière sur les morts violentes survenues dans la prison afin de saisir la justice.

193.Au moment de la visite du SPT, la juge de l’exécution chargée de l’affaire et le Procureur du Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme demandaient toujours l’exécution de cet arrêt.

194.Le Procureur du Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme a aussi introduit des recours en habeas corpus concernant les prisons d’El Progreso (10 avril 2007), de Yoro (8 mai 2008), de Santa Bárbara (4 avril 2008) et de l’établissement pédagogique El Carmen (25 avril 2006). À propos de la prison de Yoro, il indiquait que l’établissement, d’une capacité d’accueil de 100 personnes, en abritait 190 quand il avait réalisé son inspection, dont 110 condamnés et 80 prévenus. Les deux catégories de détenus étaient logés indifféremment dans les mêmes cellules d’où un risque permanent pour la sécurité individuelle et collective des prisonniers. À titre d’exemple, le Procureur du Parquet citait deux incidents, survenus l’un en 2007, l’autre en 2008, qui avaient fait trois morts et plusieurs blessés parmi les détenus.

195.Dans son recours concernant la prison d’El Progreso, le Procureur indiquait qu’il y avait 396 détenus pour une capacité d’accueil de 260 personnes; 106 étaient condamnés et 290 en attente de jugement. Selon ses propres termes: «La première conséquence est le manque de lits, qui fait que certains prisonniers doivent dormir par terre sur un sol trempé, des toilettes en trop petit nombre pour toutes ces personnes, d’une saleté repoussante et nauséabondes, avec les conséquences que cela suppose pour la santé des détenus et leur qualité de vie.». Quant à la prison de Santa Bárbara, le Procureur indiquait qu’elle avait une capacité d’accueil de 150 personnes, mais en abritait 361.

196. Le SPT recommande d’adopter des mesures efficaces pour qu’il soit donné effet aux arrêts de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême relatifs à l’amélioration des conditions de vie de toutes les personnes incarcérées dans les établissements pénitentiaires du pays.

C.Constatations du SPT

197.Le SPT a visité la prison Marco Aurelio Soto à Tegucigalpa et la prison de San Pedro Sula, mais n’a pas pu les parcourir entièrement étant donné leurs dimensions. Il s’y est entretenu avec un grand nombre de détenus et d’agents pénitentiaires, y compris des directeurs et des membres du personnel médical. Les autorités se sont toutes montrées ouvertes et prêtes à coopérer. Le SPT conclut que les conditions qui règnent dans ces deux établissements constituent une violation par le Honduras de ses engagements internationaux. Cette conclusion repose notamment sur les considérations ci-après.

Surpopulation

198.Le SPT a constaté avec préoccupation que la surpopulation extrême était un problème chronique dans certains quartiers des deux établissements pénitentiaires qu’il avait visités. Au moment de sa visite, 2 600 personnes étaient incarcérées dans la prison Marco Aurelio Soto, qui a une capacité de 1 200 personnes. La prison de San Pedro Sula, qui a une capacité d’accueil de 837 détenus, en abritait 1 858 au moment de la visite. Quant au pavillon «Diagnóstico» de la prison Marco Aurelio Soto, prévu pour accueillir 192 personnes, il en abritait 550, et 128 détenus étaient entassés dans une même cellule, faite pour en accueillir 40. Le surpeuplement fait que la majeure partie des pensionnaires se retrouvent dans des locaux collectifs, y compris pour dormir, que les lits manquent et que beaucoup sont obligés de dormir à même le sol. Les cellules sont peu nombreuses et chacun délimite son espace avec ses draps et ses couvertures.

199.À San Pedro Sula, six détenus étaient entassés dans une cellule si exiguë qu’ils étaient obligés de poser leurs matelas les uns par-dessus les autres. Selon le personnel de la prison, ces détenus présentaient des «troubles du comportement» et souhaitaient être séparés des autres, ce que les détenus ont confirmé.

200.Dans les deux établissements pénitentiaires qu’il a visités, le SPT a constaté que condamnés et prévenus n’étaient pas séparés.

201. Le SPT recommande aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour venir à bout du problème du surpeuplement des prisons, par exemple en réduisant la durée de la détention provisoire en instituant des mesures de substitution à l ’ emprisonnement et en améliorant l ’ infrastructure des prisons. L ’ État partie doit garantir en particulier le droit de chaque détenu de disposer d ’ un lit individuel et d ’ une literie individuelle suffisante .

202.Le SPT fait observer que la non-séparation de s condamnés et d es prévenus est contraire aux dispositions de l ’ article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et recommande aux autorités honduriennes de prendre des mesures pour faire en sorte que les différentes catégories de détenus soient placées dans des établissements différents ou dans des quartiers différents à l ’ intérieur d ’ un même établissement.

Système de registre s

203.Le SPT a consulté les registres des deux établissements pénitentiaires qu’il a visités et s’est entretenu avec les personnes chargées de les tenir et de les mettre à jour. Il existe dans chacun d’eux un cahier coté sur lequel sont mentionnés les tours de garde, ainsi que toute autre précision concernant les agents pénitentiaires et les détenus, signé par la personne de garde. Le SPT a constaté que les registres n’étaient pas tenus de façon régulière, qu’ils étaient rudimentaires et peu fiables, et ne constituaient pas un système d’information et de contrôle approprié, ce qui aggravait encore la vulnérabilité des détenus.

204. Le SPT recommande la création d’un système uniforme de registre d’écrou, relié et coté, indiquant clairement l’identité de la personne incarcérée, les motifs de la détention et l’autorité compétente qui l’a ordonnée, ainsi que le jour et l’heure de l’admission et de la sortie . Les agents pénitentiaires devront être formés à l’utilisation de ces registres afin de ne pas laisser de mentions en blanc. Le SPT recommande par ailleurs la création d’un système uniforme de registre des mesures disciplinaires, indiquant l’identité de l’auteur de l’infraction, la sanction et sa durée, et le nom de l’agent qui l’a imposée.

Gestion des prisons, corruption et système de privilèges

205.Le SPT a constaté que le manque de personnel dans ces centres avait abouti à un système d’autogestion, sous le contrôle de «coordonnateurs» et de «sous-coordonnateurs», qui sont des prisonniers qui servent d’intermédiaires entre les autorités et la population carcérale. Chaque quartier a son coordonnateur et son sous-coordonnateur et il existe un coordonnateur principal pour chaque prison. Le SPT s’est entretenu avec le coordonnateur principal de la prison Marco Aurelio Soto, qui s’est présenté comme le «porte-parole» des prisonniers et a dit servir d’agent de liaison entre ces derniers et les autorités. Le SPT a noté que le coordonnateur avait une présentation impeccable et observé la qualité de ses vêtements, qui contrastait avec celle des autres prisonniers. Des entrevues avec les détenus il est ressorti que les coordonnateurs et les sous-coordonnateurs faisaient régner l’ordre dans chaque quartier et se chargeaient de répartir les détenus, affirmation confirmée par les agents pénitentiaires avec lesquels le SPT s’est entretenu, qui ont ajouté qu’ils ne pénétraient jamais dans certains quartiers comme ceux où sont incarcérés les membres des maras.

206.Le SPT a constaté, dans les prisons qu’il a visitées, que la corruption était institutionnalisée selon un système élaboré qui comporte des procédures, des étapes et des délais très précis. Tout commence au moment de l’admission, dès que le détenu pénètre dans l’établissement pénitentiaire. Le système semble avoir atteint un degré inquiétant d’institutionnalisation et d’organisation. Des entretiens avec un grand nombre de détenus il ressort que le moindre avantage, quel qu’il soit, y compris une cellule ou un coin où dormir, s’achète moyennant des sommes considérables; le prix varie selon la zone, l’espace et le confort souhaités. Un espace coûte entre 700 et 1 500 lempiras pour les endroits les plus modestes; il faut entre 5 000 et 6 000 lempiras pour être logé dans le quartier «Diagnóstico», à la prison Marco Aurelio Soto, et jusqu’à 25 000 pour avoir droit à des lieux «VIP» de ce même quartier. En principe, les détenus sont censés rester dans le quartier «Diagnóstico» juste le temps que les autorités déterminent le quartier le plus approprié pour eux. Mais en réalité, il s’agit d’un quartier protégé et certains détenus arrivent à y rester pendant des années en payant pour ne pas être envoyés dans des cellules où règnent une plus grande violence et plus d’insécurité. Le quartier «Diagnóstico» comporte des dortoirs ou «foyers» extrêmement surpeuplés et des cellules individuelles pour «VIP», réservées aux coordonnateurs. Les conditions matérielles y sont généralement très supérieures à celles qui règnent dans le reste de l’établissement, qu’il s’agisse de l’espace disponible, des nombreux appareils électroniques et de la qualité de la nourriture. Tout cela ne pourrait pas exister sans approbation ou la participation active des autorités pénitentiaires, et montre qu’à côté des conditions de vie inhumaines de la majorité des détenus il existe tout un monde de privilèges.

207.Le système de corruption et de privilèges touche à tous les aspects de la vie quotidienne dans les prisons, et s’étend à l’obtention de lits, de matelas, de produits alimentaires, de climatiseurs, de téléviseurs et de postes de radio. D’après les déclarations concordantes des détenus des deux établissements pénitentiaires, les coordonnateurs font payer entre 15 et 25 lempiras par semaine pour le nettoyage et le maintien de l’ordre dans le quartier.

208.Le SPT conclut des renseignements qu’il a reçu que la corruption joue un rôle fondamental dans les cas de torture et de mauvais traitements. On intègre le système de corruption sous la contrainte et on se laisse corrompre pour échapper aux sévices. La corruption est omniprésente dans tout le système de détention et concerne tout le monde: agents pénitentiaires, détenus et personnes de l’extérieur. Celui qui ne se plie pas à sa loi est victime de discrimination et se trouve dans une position de vulnérabilité extrême. La corruption donne lieu à un système dans lequel tous les aspects de la vie quotidienne font l’objet de transactions financières. Celui qui ne se soumet pas à ses règles se retrouve dans des lieux où sa vie et son intégrité physique sont gravement en danger et où son droit à la santé, à l’alimentation, à des conditions de vie convenables, à être en contact avec le monde extérieur, en particulier la famille, est gravement menacé. La corruption permet également d’acheter le silence et d’empêcher les dénonciations, et garantit l’impunité. Le système est si hermétique et si complexe qu’il n’est possible ni d’y échapper ni de s’en échapper. Celui qui n’y adhère pas signe son arrêt de mort.

209.Le SPT est préoccupé par les allégations relatives à l’indifférence ou à l’ignorance face à la corruption de tout l’appareil judiciaire, du ministère public et du Commissaire national aux droits de l’homme, qui s’abstiennent d’effectuer des contrôles et des enquêtes approfondis sur le phénomène, dénoncé et démontré pourtant à maintes reprises. Néanmoins certains directeurs d’établissements pénitentiaires, membres de l’appareil judiciaire, du ministère public et du Commissariat national aux droits de l’homme, sont conscients du problème de la corruption et en parlent sans détours et ouvertement, ce qui pourrait contribuer à ébranler la résistance du système. L’ampleur du phénomène, profondément enraciné, exige un engagement politique extrêmement ferme pour opérer une réforme réelle. Le SPT tient à souligner qu’aucune solution véritable ne sera possible tant que la police continuera de contrôler les établissements pénitentiaires.

210.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a indiqué que le rapport du SPT contenait des accusations qui demandaient une enquête approfondie afin d’établir les responsabilités. Les diverses instances compétentes, parmi lesquelles le ministère public, ont pris les mesures qui s’imposaient après avoir été informés de ces cas. Certaines des anomalies signalées sont d’ordre administratif et budgétaire et vont donc pouvoir être corrigées. En revanche, le Parquet rejette l’affirmation relative à l’indifférence des institutions.

211.Le Commissaire national aux droits de l’homme a réfuté l’affirmation du SPT relative à l’indifférence ou ignorance supposée des autorités concernant le problème de la corruption.

212. Le SPT recommande ce qui suit:

a) Adopter une politique pénitentiaire comportant l ’ élaboration d ’ un plan complet, fixant des objectifs et des étapes, et créer un organe autonome, indépendant de la police, qui puisse effectuer les missions et exercer les fonctions nécessaires;

b) Augmenter le nombre de gardiens dans les établissements pénitentiaires afin qu ’ il soit suffisant pour garantir le respect de l ’ intégrité de toutes les personnes privées de liberté;

c) Remplacer les policiers par des agents pénitentiaires spécialisés, dûment sélectionnés et formés, et par des surveillants et des directeurs administratifs que les détenus et l es personnes travaillant sur place puissent identifier;

d) Dispenser une formation aux agents pénitentiaires, aux surveillants et aux directeurs d ’ établissement, qui doivent per cevoir une rémunération suffisante. Le SPT recommande à l ’ État d ’ envisager la possibilité d ’ instituer un programme de formation avancé, qui permettrait de disposer d ’ un personnel pénitentiaire mieux préparé et professionnel. Le proje t de loi portant création de l’I nstitut pénitentiaire, actuellement en lecture au Parlement, peut être un outil précieux pour organiser le système pénitentiaire dans un cadre de légalité et d ’ efficacité, et le SPT recommande que le texte soit adopté et mis en vigueur dans les meilleurs délais;

e) Respecter le principe de l ’ égalité de traitement selon lequel le régime pénitentiaire doit être le même pour tous les détenus, sans distinction de traitement ni discrimination fondée sur des raisons économiques ou autres;

f) Faire en sorte que l es autorités pénitentiaires s oient responsables de l ’ attribution des cellules et des lits afin de garantir que chaque détenu dispose d ’ un endroit convenable pour dormir, d ’ une alimentation suffisante, de loisirs, d ’ installations sanitaires et autres éléments permettant d ’assurer le respect du droit à un traitement digne, sans avoir à payer. Les autorités pénitentiaires doivent s ’ engager à garantir ce droit;

g) Adopter des mesures de nature à favoriser l ’ accès de la société civile et des représentants des médias, pour exercer une forme de contrôle public;

h) Interdire au personnel d ’ introduire de l ’ argent dans l ’ établissement et veiller au respect de cette interdiction;

i) Ins crire dans le dossier de chaque détenu le quartier dans lequel il a été affecté et les raisons de la décision.

Santé

213.L’examen médical des personnes qui entrent en prison est d’une extrême importance. Il permet tout d’abord de prévenir les actes de torture et les mauvais traitements dans les locaux de la police, puisqu’il permet de détecter d’éventuelles séquelles de mauvais traitements antérieurs et de déterminer à quel moment ces mauvais traitements ont pu être infligés. Il constitue par ailleurs une bonne occasion de faire le bilan de l’état de santé du détenu et de ses besoins du point de vue médical, d’effectuer des examens facultatifs et de donner des avis sur les maladies sexuellement transmissibles, et d’informer le détenu des programmes de prévention de ces maladies et d’autres maladies contagieuses, ainsi que de la toxicomanie. De ses entretiens avec les détenus comme avec le personnel médical des prisons, le SPT conclut que, dans les établissements pénitentiaires visités, les détenus ne font pas systématiquement l’objet d’un examen médical au moment de leur admission.

214. Le SPT recommande que tous les détenus soient examinés par un médecin au moment de leur admission. L ’ examen devra se faire sur la base d ’ un questionnaire portant sur l ’ état de santé général et accompagné d ’ une description des actes de violence qui peuvent avoir été subis dans un passé récent. Le médecin devra également procéder à un examen médical complet, y compris de tout le corps du patient. Si celui-ci déclare avoir subi des actes de violence, le médecin devra vérifier si l ’ examen confirme sa relation des faits. S ’ il a des raisons de soupçonner que des actes de torture et de mauvais traitement s ont été commis, le médecin doit en informer les autorités compétentes .

215.Le personnel pénitentiaire a indiqué au SPT que l’accès à l’infirmerie de la prison était ouvert à tout détenu qui souffre de douleurs ou de maladie. Or, plusieurs détenus de la prison Marco Aurelio Soto se sont plaints de ce qu’il est procédé à 30 examens médicaux par semaine seulement, et les soins dispensés étaient médiocres. À San Pedro Sula, le SPT a constaté avec inquiétude que le médecin de la prison était en vacances depuis plus d’un mois et n’avait pas été remplacé. En outre, il ne travaille que quinze heures par semaine, ce qui est insuffisant étant donné le nombre de détenus. Quatre infirmiers sont placés sous la supervision du médecin, qui tient un registre des patients auquel les infirmiers n’ont pas accès. Toutefois, comme les infirmiers sont des détenus, le secret médical n’est pas toujours respecté, et il leur est parfois difficile de conserver une attitude professionnelle et neutre. Par ailleurs, même si en principe les infirmiers ne s’occupent que des cas bénins, le fait que le médecin n’est présent que trois heures par jour, les amène parfois à faire face à des situations très délicates qui sont du ressort d’un professionnel.

216.Pour les patients dans un état grave nécessitant un traitement spécialisé, le médecin − ou à défaut les infirmiers − demande au directeur l’autorisation de les transférer dans un hôpital public. D’après les renseignements communiqués au SPT, il n’en va pas toujours ainsi. Un détenu de la prison de San Pedro Sula a dit qu’il attendait depuis plusieurs mois une opération chirurgicale. Un juge de l’exécution a déclaré que dans les hôpitaux les détenus faisaient parfois l’objet d’une attitude discriminatoire et que l’hôpital psychiatrique avait refusé d’en traiter certains.

217.Le SPT a constaté que l’offre de médicaments était insuffisante dans ces deux centres pénitentiaires et que les patients privés de liberté étaient souvent obligés de payer eux-mêmes ces médicaments, qui sont fournis par une pharmacie extérieure à l’établissement.

218. Le SPT recommande l ’ adoption d ’ un système de registre médical automatique et complet. Il rappelle que le droit des détenus d ’ être examinés par un médecin à tout moment et gratuitement doit être respecté et recommande l ’ adoption de mesures visant à donner effet à ce droit. Les détenus doivent pouvoir s ’ adresser aux médecins en toute confidentialité, sans que les surveillants ou d ’ autres détenus les en empêchent ou filtrent leur demande.

219. Le SPT recommande également que les autorités allongent la durée de présence quotidienne des médecins et prévoient un système de remplacement afin qu’une présence médicale soit assurée tous les jours de la semaine tout au long de l’année. Il recommande en outre que les infirmiers reçoivent une formation, que le secret médical soit respecté et que l’on engage des infirmiers de l’extérieur.

220. Le SPT invite les autorités à mettre en place un système d ’ approvisionnement en médicaments et recommande d ’augmenter les stocks a fin de pouvoir fournir les médicaments prescrits par le médecin.

221.Il n’existe pas de données sur le nombre de détenus souffrant du VIH/sida ou de la tuberculose se trouvant dans les établissements visités. Il semble qu’un certain nombre vivent avec le VIH/sida mais préfèrent le cacher de crainte d’être rejetés ou d’être victimes de discrimination. Un jeune de 20 ans détenu dans le quartier réservé aux membres de la «Mara Salvatrucha» était dans un état grave. Il a déclaré que les médecins avaient établi qu’il était atteint du VIH/sida, et qu’il souffrait d’hépatite, de tuberculose et d’anémie, mais il n’avait été traité que pour la tuberculose et l’anémie. Alité depuis juillet 2009, il était conduit tous les quinze jours à l’hôpital pour une consultation et des prises de sang.

222. Le SPT recommande de faire appel à une unité mobile de ra diologie pour que toute la population carcéra le ait la possibilité de faire une radio graphie du poumon , et d ’ assurer un traitement a ux prisonniers qui ont la tuberculose. Les détenus qui partagent une cellule avec une personne atteinte de tuberculose devront avoir la possibilité de passer une deuxième radiographie et de faire le test de M antoux (s ’ ils ne sont pas vaccinés) trois mois plus tard. L ’ opération devra être renouvelée périodiquement pour éviter l ’ apparition de nouveaux cas. En ce qui concerne le VIH/sida, le SPT recommande de donner à tous les prisonniers la possibilité de recevoir un traitement et d ’ effectuer le test de dépistage du VIH/sida gratuit ement et volontairement . Les tests doivent être co nfidentiels , être accompagnés de conseils et pratiqués uniquement avec le consentement éclairé des détenus .

223.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a précisé qu’il fallait pour ce faire pouvoir compter sur le concours du Conseil de l’ordre des médecins, car la défense et la préservation de la santé de la personne et de la collectivité étaient du devoir de tous.

Conditions matérielles

224.Le SPT a visité les cellules, les dortoirs, les espaces communs, la cuisine et les sanitaires des établissements et constaté à quel point ils étaient mal entretenus. Dans la plupart des quartiers, il n’y avait pas de lumière naturelle ni de ventilation convenable et il y régnait parfois une chaleur extrême, en particulier à la prison de San Pedro Sula, où la température dépassait 35 °C.

225.Le budget prévu par détenu et par jour est de 13 lempiras. Étant donné sa modicité, cette somme est entièrement affectée à l’alimentation. Dans ces conditions, il est impossible de fournir aux détenus de la literie, des articles de toilette ou des produits pour éliminer les cafards et les punaises. L’administrateur des prisons est un civil rattaché au Secrétariat d’État à la sécurité, qui ne rend pas de comptes au directeur de la prison. Les réfrigérateurs ou les climatiseurs que l’on trouve dans certains quartiers ont été achetés par les prisonniers. De plus, l’entretien des établissements pénitentiaires est en partie à la charge des détenus. Ainsi d’après les témoignages reçus par le SPT, le coordonnateur et les sous-coordonnateurs du quartier «Diagnóstico» de la prison Marco Aurelio Soto, exigeaient de chaque prisonnier, sous peine de punition, le versement de 70 lempiras pour repeindre le bâtiment et le rafraîchir.

226.Presque tous les sanitaires des établissements pénitentiaires visités étaient hors service. Vu le nombre de détenus entassés dans les prisons visitées, le SPT estime que le nombre d’installations sanitaires est insuffisant.

227. D’une manière générale, l e SPT recommande d ’ élaborer et de diffuser un plan d ’ action pénitentiaire afin de faire en sorte que les besoins essentiels de toutes les personnes privées de liberté soient satisfaits. Il faudra en premier lieu faire un bilan des conditions matérielles des établissements pénitentiaires de tout le pays en vue de concevoir et d ’ exécuter des programmes de nettoyage, de rénovation et de réaménagement. Il faudra en particulier:

a) Augmenter le budget alloué, afin que chaque détenu, y compris les détenus placés à l ’ isolement, dispose d ’ un lit et d ’ un matelas, d ’ une literie suffisante, bien entretenue et changée régulièrement pour être mainten ue en bon état de propreté;

b) Veiller à ce que les cellules et les dortoirs répondent aux conditions minimales concernant la ventilation , le cubage d ’ air, la surface minimale, l ’ éclairage et l ’ accès à la lumière naturelle;

c) Doter les prisons d ’ installations sanitaires en nombre suffisant et en bon état , de façon à permettre à chacun de faire sa toilette et de laver son linge, et d ’ un système d ’ élimination des déchets.

Alimentation et accès à l’eau potable

228.Les détenus des deux centres se sont plaints systématiquement de la quantité et de la qualité de la nourriture, d’où l’étonnement du SPT d’entendre le directeur et les administrateurs de la prison de San Pedro Sula déclarer qu’ils n’avaient jamais reçu de plaintes à ce sujet. La majorité des détenus ont dit que les repas se composaient en tout et pour tout de trois galettes, d’une cuillérée de riz et d’une de haricots, non assaisonnées. Certains détenus ont montré la petite ration alimentaire qu’ils avaient reçue le jour de l’entretien, contenue dans un minuscule sac en plastique.

229.Quelques détenus de San Pedro Sula ont déclaré qu’ils avaient droit un certain nombre de fois par semaine à du poulet ou de la viande rouge, mais le SPT a appris que cette formule n’était pas généralisée et qu’elle était réservée à certains individus. L’autogestion s’applique aussi à la nourriture, puisque le personnel des établissements pénitentiaires a reconnu que la ration globale était distribuée directement aux coordonnateurs, qui se chargeaient de la répartir. Selon certaines personnes rencontrées par le SPT, une partie des repas est distribuée aux prisonniers, l’autre est obtenue moyennant finances.

230.La nourriture est livrée crue aux membres des maras une fois par semaine. Selon l’administrateur de la prison de San Pedro Sula, c’était pour répondre à la demande des intéressés, lesquels ont confirmé la chose expliquant qu’ils avaient fait ce choix parce qu’il leur était arrivé de trouver des morceaux de verre dans les aliments. Le «marché» en place à la prison de San Pedro Sula est dû en partie au fait que la nourriture destinée aux détenus est insuffisante, de mauvaise qualité et a mauvais goût. Le SPT en conclut que dans les prisons qu’il a visitées la qualité des repas, de même que la manière dont ils sont distribués, sont insatisfaisantes, voire offensantes. En outre, l’eau du robinet, qui est celle que boivent les détenus, n’est pas potable et ne coule dans certaines ailes que le soir. Plusieurs prisonniers se sont plaints de maux d’estomac et de maux de tête dus à la mauvaise qualité de l’eau.

231. Le SPT recommande à l ’ État partie de prévoir un budget suffisant pour l ’ alimentation des détenus et l ’ accès à l ’ eau potable et de veiller à mettre en place les mécanismes de contrôle nécessaires afin que les produits alimentaires achetés soient nutritifs, effectivement distribués à tous les détenus et préparés et servis de manière correcte et digne. Il souhaite recevoir des données, ventilées par établissement pénitentiaire, sur le montant annuel affecté à l ’ alimentation et à l ’ eau potable dans les établissements pénitentiaires. Il souhaite également avoir des précisions sur les mesures adoptées pour assurer une gestion transparente et efficace du budget.

232.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a fait observer que les autorités compétentes du système pénitentiaire devaient se pencher sérieusement sur la question. Les juges de l’exécution devaient prendre des mesures d’ordre administratif.

Personnel pénitentiaire

233.Le SPT a été informé de la pénurie d’agents pénitentiaires dans les deux établissements visités ainsi que de leur manque de préparation et de formation professionnelle. Il est particulièrement préoccupé par les renseignements selon lesquels les agents pénitentiaires sont parfois soumis à l’«autorité» des «coordonnateurs».

234. Le SPT recommande d’augmenter le nombre d’agents pénitentiaires afin de garantir la sécurité des centres en général, ainsi que la sécurité des agents eux-mêmes et celle des détenus face à d’éventuels actes de violence émanant d’autres détenus. Il recommande également que, conformément aux normes minimales adoptées à l’échelon international, le personnel pénitentiaire reçoive une rémunération suffisante et suive un cours de formation générale et spéciale et qu’il satisfasse à des épreuves d’ordre théorique et pratique permettant de déterminer s’il est apte à fournir ce genre de service .

235. Le SPT recommande à l ’ État d ’ envisager la possibilité d ’ instituer un programme de formation avancé, qui permettrait de disposer d ’ un personnel pénitentiaire mieux préparé et professionnel. Le projet de loi portant création de l ’I nstitut pénitentiaire, actuellement en lecture au Parlement, peut être un outil précieux pour organiser le système pénitentiaire dans un cadre de légalité et d ’ efficacité, et le SPT recommande que le texte soit adopté et mis en vigueur dans les meilleurs délais .

Discipline et sanctions

236.Le SPT a noté un vide juridique en ce qui concerne les sanctions applicables aux personnes privées de liberté et aux conduites qui constituent une infraction disciplinaire. Plusieurs détenus ont affirmé avoir été passés à tabac par d’autres prisonniers ou par les agents de l’établissement, à titre de punition, sur ordre des coordonnateurs et parfois par le coordonnateur lui-même. À la prison Marco Aurelio Soto de Tegucigalpa les détenus sont parfois punis de «trois mois de couloir», ce qui signifie qu’ils doivent dormir pendant trois mois dans le couloir. Ils peuvent encore être attachés à la clôture de la prison, placés à l’isolement pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines. Ils peuvent également être interdits de visite du conjoint ou de la famille.

237.Selon des informations communiquées au SPT à San Pedro Sula, les prisonniers ordinaires, appelés «paisa», avaient creusé un tunnel qui a été découvert le 26 août 2009. Le personnel pénitentiaire a indiqué avoir informé le Parquet général et les détenus ont été poursuivis pour deux infractions supplémentaires. Selon les témoignages, après avoir été identifiés, les responsables se sont vu infliger certaines des «punitions» indiquées ci-dessus. Plusieurs détenus ont également indiqué qu’en cas d’intervention de la police, leurs biens personnels leur sont volés.

238.Selon d’autres informations, 18 prisonniers se sont évadés de la prison de San Pedro Sula le 17 juillet 2009. La conséquence a été que tous les membres de la «Mara 18» ont été punis − interdiction de visites, restriction de l’accès à l’eau et à l’électricité et interdiction de brancher la climatisation, notamment. Cette décision a été lourde de conséquences pour les détenus, car la température de la cellule peut dépasser 35 oC. Il leur a également été interdit de se rendre dans la cour intérieure de leur quartier, et ils n’avaient donc pas accès à la lumière du jour.

239.Le SPT a constaté que certains groupes d’individus étaient généralement victimes de ségrégation, comme les membres des «maras» et ceux qui sont considérés comme «hautement dangereux». Beaucoup d’entre eux ne reçoivent jamais de soleil direct dans leur espace de vie et sont ainsi victimes de discrimination par rapport aux autres détenus et privés de conditions de vie décente sans aucun motif légal. Le SPT estime qu ’ il est urgent de donner à ces détenus accès à une cour.

240.Un certain nombre de détenus se sont plaints de ce que rien n’était fait pour les inciter à avoir une bonne conduite.

241.Le SPT recommande que tous les établissements pénitentiaires soient dotés d ’ un règlement disciplinaire conformément à l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, qui fixe : a) les conduites qui constituent une infraction disciplinaire; b) le genre et la durée des sanctions disciplinaires qui peuvent être infligées; c) l ’ autorité compétente pour prononcer ces sanctions . Les mesures disciplinaires imposées, quelles qu ’ elles soient, devront être conformes à ce règlement, dont tous les détenus devront posséder une copie. Le SPT recommande de reconnaître aux personnes privées de liberté le droit d ’ être entendues avant que des mesures disciplinaires soient prises à leur égard et d ’ intenter un recours contre c es mesures devant l ’ autorité supérieure . Il recommande également d ’ annuler les sanctions collectives, y compris celles qui ont été infligées aux détenus à la suite de l ’ évasion qui a eu lieu le 17 juillet 2009.

Travail et activités culturelles et éducatives

242.Le SPT a constaté que les possibilités de travail et les activités culturelles et éducatives étaient rares dans les deux centres pénitentiaires qu’il a visités, dans lesquels la majorité des pensionnaires sont analphabètes. Un jeune détenu de la prison Marco Aurelio Soto a déclaré que l’autorisation d’aller à l’université lui avait été refusée, après lui avoir été accordée. Beaucoup de détenus se sont plaints par ailleurs de n’être autorisés à utiliser les espaces extérieurs réservés au sport, et donc de se trouver en plein air, que deux heures par semaine, et d’être confinés dans leur quartier le reste du temps.

243.Le SPT a constaté que tous les détenus ne bénéficiaient pas de possibilités de travail sur un pied d’égalité. À la prison de San Pedro Sula, il existe un grand nombre de magasins qui proposent toutes sortes de marchandises et de services: nourriture, objets en tous genres, vidéos, cassettes, tabac, services de coiffeur, tables de billard, etc. L’administrateur de la prison a précisé que cette activité était réglementée par le Secrétariat d’État à la sécurité et a remis au SPT une copie du règlement, d’après lequel toute personne qui exerce une activité commerciale dans la prison doit verser une partie − non précisée − de ce qu’elle gagne. L’administration est tenue de noter toutes les recettes et toutes les dépenses sur un registre. Selon l’administrateur, ce système permet à la direction de l’établissement d’entretenir la prison et de payer les frais de transport des détenus grâce à ces «fonds extragouvernementaux». Le SPT a pu observer qu’il existait bien un registre des «négoces autorisés» mais il a aussi constaté que le système n’était pas transparent car les critères pour obtenir l’autorisation d’ouvrir un commerce sont assez flous. De plus, ce système accentue encore la différence entre les conditions de vie de ceux qui ont des moyens suffisants pour consommer et les autres. En outre, sachant que les marchandises proviennent de l’extérieur, le SPT s’inquiète des questions sur les risques d’introduction de la drogue dans l’établissement.

244. Le SPT recommande aux autorités honduriennes de veiller à ce que tous les détenus, hommes et femmes, disposent d ’ au moins une heure par jour d ’ exercice physique approprié en plein air, conformément aux normes minimales internationales . Il recommande également d ’ offrir à tous les détenus, hommes et femmes, qui le souhaitent la possibilité de travailler et l ’ accès à des activités éducatives et culturelles sur un pied d ’ égalité et gratuitement, et de mettre à leur disposition une bibliothèque suffisamment pourvue de livres instructifs et récréatifs .

245. Le SPT recommande aussi qu’il soit procédé à la révision et à la réglementation du système d’autorisation qui permet d’exercer des activités commerciales à l’intérieur des établissements pénitentiaires, notamment afin de déterminer les incidences de ce système sur l’exercice des droits des détenus, et que ce «marché» soit progressivement fermé.

Contact avec le monde extérieur

246.Plusieurs détenus ont fait part au SPT de leur crainte devant les menaces d’interdiction des visites de leur conjoint et même de leur famille dont ils avaient fait l’objet. Certains, qui ne recevaient pas de visites parce que leurs proches vivaient dans d’autres villes, ont indiqué que leurs demandes réitérées d’être transférés dans des prisons plus proches étaient restées sans réponse. Un détenu a signalé que les femmes ou les compagnes de détenus se plaignaient parfois d’être fouillées par des hommes à l’entrée de la prison Marco Aurelio Soto de Tegucigalpa.

247.Le SPT a constaté que certains groupes de détenus ne pouvaient pas sortir des quartiers dans lesquels ils étaient placés et n’avaient aucun contact avec le reste de la population carcérale. Il a pu vérifier que 45 prisonniers extrêmement dangereux étaient enfermés dans une cellule de la prison de San Pedro Sula et n’étaient jamais autorisés à sortir.

248.Le SPT recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit de toute personne privée de liberté de recevoir des visites de sa famille et de ses amis et de correspondre avec eux, ainsi que de communiquer avec le monde extérieur. Toute mesure destinée à encourager les visites auxquelles les détenus ont droit doit être évitée. L ’ État partie doit examiner l a situation particuli ère de chaque détenu et faciliter dans la mesure du possible son transfert dans un établissement pénitentiaire proche du lieu où habite sa famille.

Absence de mécanismes de contrôle

249.Alors que le personnel des deux établissements pénitentiaires a déclaré que certaines autorités venaient tous les jours, comme les avocats commis d’office et les procureurs du parquet, tous les détenus avec lesquels le SPT s’est entretenu dans les deux établissements ont déclaré que ni le juge de l’exécution ni les membres du CONADEH ou des parquets spécialisés en matière de droits de l’homme ne s’étaient jamais rendus dans les quartiers de la prison. En outre, le personnel de la prison de San Pedro Sula a reconnu que certains détenus qui avaient exécuté leur peine depuis de nombreuses années étaient toujours incarcérés et qu’aucune instruction n’avait été reçue des juges de l’exécution. Un détenu a indiqué qu’il était en prison depuis vingt-trois ans et qu’il n’avait jamais été jugé.

250. Le SPT recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour renforcer les autorités chargées de veiller au respect des droits des personnes privées de liberté afin qu ’ elles soient en mesure de s ’ acquitter de leur mandat de façon efficace et responsable.

251. Le SPT recommande également de vérifier sans délai la situation juridique des détenus et de libérer immédiatement ceux qui ont exécuté leur peine. Il recommande aussi la création d ’ une base de données contenant des renseignements clefs sur chaque affaire , de façon à permettre aux autorités pénitentiaires et aux juges de l ’ exécution de connaître à tout moment la situation de tous les détenus, conformément à la législation en la matière et aux décisions des juge s.

Incidents survenus dans la «zone morte» de la prison de Tegucigalpa

252.En consultant les registres pour 2009 de la prison Marco Aurelio Soto à Tegucigalpa, le SPT a constaté qu’il y avait eu 12 décès de détenus. L’un était mort des suites des blessures provoquées par un coup de feu tiré par la police dans la «zone morte» alors qu’il tentait de s’évader. Un autre détenu était mort d’une balle dans la tête tirée par un policier au cours d’une mutinerie. Trois autres personnes avaient été blessées par des tirs. Trois autres personnes encore étaient mortes dans des circonstances mal définies, car il était seulement fait état de tirs de la police et d’une explosion à l’intérieur de la prison. Deux détenus, dont l’un d’eux se trouvait dans une cellule de haute sécurité, avaient été tués par balle par d’autres détenus. Deux autres prisonniers avaient été tués à l’arme blanche par d’autres détenus. Un autre avait été trouvé pendu et son cas était enregistré comme un suicide. Deux détenus étaient morts de «mort naturelle». Le SPT considère que le registre des décès témoigne de l’extrême violence qui sévit dans la prison et montre que le personnel pénitentiaire réagit en abusant de la force et n’hésite pas à abattre les détenus.

253.À propos de l’évasion, le 18 juillet 2009, de 18 prisonniers, le personnel pénitentiaire a indiqué que l’un des fuyards avait été rattrapé et que l’on avait retrouvé le cadavre des 17 autres. Le directeur de la prison a déclaré que les auteurs du massacre étaient les membres d’une bande rivale. Selon la version de certains détenus, le massacre était imputable aux agents de la DNIC.

254.L’administrateur de la prison de Tegucigalpa a dit au SPT que lorsqu’un détenu était aperçu dans la «zone morte» les gardiens avaient pour instruction de l’empêcher de s’enfuir par tous les moyens. Le SPT a constaté que le personnel de la prison ne possédait pas de balles en caoutchouc et utilisait des balles métalliques.

255. En ce qui concerne la «zone morte» de la prison de Tegucigalpa, le SPT recommande:

Qu ’ il soit procédé à une enquête exhaustive afin d ’ établir les causes et les circonstances de la mort des 17 individus qui ont participé à l ’ évasion du 18 juillet 2009, ainsi que des blessures de celui qui a été rattrapé;

Que les gardiens affectés à la surveillance de la «zone morte» soient équipés de balles en caoutchouc et que le principe de proportionnalité dans l ’ utilisation de la force soit respecté en toutes circonstances ;

Que l ’ on mette en place un registre des incidents au cours desquels les policiers en poste dans les établissements pénitentiaires ont fait usage de leurs armes. Le registre devra indiquer l ’ identité du policier, les circonstances dans lesquelles les coups de feu ont été tirés (date, heure et lieu, notamment), les conséquences, l ’ identité des blessés ou des morts et le rapport médical correspondant ;

Que des mesures plus énergiques soient prises afin d ’ empêcher que les détenus soient en possession d ’ armes.

Le dépôt de plaintes ou l’introduction de recours en tant que mesure de protection contre la torture et les mauvais traitements

256.Il est apparu que, dans l’ensemble, les personnes privées de liberté ignoraient totalement qu’il était possible d’introduire un recours ou de déposer plainte en cas d’actes de torture ou de mauvais traitements. La résignation et la peur des représailles étaient généralisées chez les détenus qui redoutaient de dénoncer les mauvais traitements, puisque pour arriver jusqu’au directeur de l’établissement il faut, en général, passer par les coordonnateurs et les surveillants, qui sont précisément la cible des plaintes éventuelles. Étant donné l’absence de mécanisme de surveillance extérieur, conjuguée au fait que les contacts entre les détenus et leur défenseur ne sont pas réguliers et aisés, il est difficile de dénoncer les mauvais traitements.

257.Le SPT considère que le droit des détenus et de leurs avocats de présenter des requêtes ou d’introduire des recours auprès des autorités chargées de l’administration du lieu de détention et aux autorités supérieures, et le cas échéant aux autorités compétentes exerçant des fonctions de contrôle ou de répression face au traitement dont les détenus ont fait l’objet, est une mesure de protection élémentaire contre la torture et les mauvais traitements.

258. Le SPT recommande à l ’ État partie de mettre en place un système de dépôt de plaintes efficace, confidentiel et indépendant, dans toutes les prisons du pays. Chaque établissement pénitentiaire devra tenir un registre des plaintes contenant des informations sur l ’ identité du plaignant, la nature de la plainte, la manière dont elle a été traitée et son résultat.

Femmes privées de liberté

259.Le SPT a constaté que dans la prison de San Pedro Sula il n’y avait pas de séparation entre les hommes et les femmes, lesquelles constituent une très petite minorité. Il a noté la promiscuité entre les hommes et les femmes et la présence d’hommes dans la cellule des femmes. À certains indices sans équivoque, ajoutés à des témoignages, il a compris que certaines détenues se prostituaient dans les deux prisons qu’il a visitées. Il existe un coordonnateur principal pour tous les détenus, plus un coordonnateur pour les hommes et un pour les femmes. La coordonnatrice des femmes a précisé que les détenues ne voulaient pas être séparées des hommes parce qu’elles vivent des produits qu’elles vendent aux détenus lorsqu’elles leur rendent visite. Aux questions du SPT, la coordonnatrice a répondu que les femmes n’étaient pas victimes de harcèlement sexuel de la part des hommes parce que le coordonnateur principal faisait régner l’ordre. Le SPT a constaté que certaines détenues avaient été mises en garde et prenaient peur quand on abordait certains sujets.

260. Le SPT recommande d ’ adopter des mesures appropriées pour assurer la protection des femmes privées de liberté, et de respecter le principe de la séparation entre les hommes et les femmes dans les prisons.

261.Dans sa réponse aux observations préliminaires du SPT, le Parquet général a indiqué que la mise en œuvre de cette recommandation exigeait l’aménagement d’établissements adaptés, ce qui signifie établir des plans, trouver des fonds et réaliser les travaux nécessaires.

VII.Mécanisme national de prévention

262.Le SPT accueille avec satisfaction le processus qui a conduit à l’adoption de la loi portant création du mécanisme national de prévention, processus qui a été qualifié d’exemplaire en raison de la participation importante, transparente et sans exclusive de divers acteurs. Il convient de relever le rôle particulier joué par le Congrès, les parquets spécialisés en matière de droits de l’homme et les organisations de la société civile. Le SPT se félicite de ce que le mécanisme national de prévention ait été créé en vertu d’une loi, garantie nécessaire de sa stabilité et de son indépendance dans l’exercice de ses fonctions.

263.Le SPT se félicite également de la teneur de la loi adoptée, qui satisfait à la plupart des conditions minimales énoncées dans le Protocole facultatif, et notamment de la définition large de la «privation de liberté», l’équilibre entre les sexes, une représentation adéquate des groupes ethniques et minoritaires et l’obligation de collaborer des autorités. Il faut noter en particulier les principes de coopération des institutions et de participation des citoyens qui se retrouveront notamment dans la composition du Comité national de prévention de la torture et la création d’un conseil consultatif, qui comprendront l’un et l’autre des représentants de la société civile.

264.Le SPT espère que lorsque le pays aura surmonté la crise institutionnelle qu’il traverse actuellement, il sera possible de désigner les membres du mécanisme et que la nécessaire indépendance de ces derniers sera garantie grâce à un processus de désignation transparent et à l’octroi des prérogatives et immunités prévues dans le Protocole facultatif, et que le mécanisme sera doté d’un budget en rapport avec la complexité et le caractère prioritaire de la tâche qui lui incombe.

265.Le SPT ne doute pas que le pays disposera alors d’un mécanisme qui, conformément aux conditions énoncées dans le Protocole facultatif, sera à même de procéder sans délai à la surveillance effective et continue des conditions de détention. Cette supervision est aujourd’hui nettement insuffisante, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, comme en témoignent les nombreuses allégations présentées au SPT, allégations qui confirment ses propres constatations.

VIII.Récapitulatif des recommandations

A.Cadre normatif et institutionnel

266.Le SPT recommande que les plus hautes autorités déclarent publiquement qu’elles condamnent la torture et qu’elles s’engagent à faire disparaître cette pratique et à mettre en œuvre un système national de prévention.

267.Le SPT recommande que les autorités, en collaboration avec la société civile, élaborent une stratégie visant à sensibiliser tous les secteurs de la société à l’interdiction de l’utilisation de la violence pour régler des conflits de quelque sorte que ce soit.

268.Le SPT recommande:

Que le personnel de police reçoive périodiquement des instructions claires et catégoriques rappelant l’interdiction absolue et impérative de toute forme de torture et de mauvais traitements et que cette interdiction figure dans les règles ou instructions générales édictées en ce qui concerne les obligations et les attributions du personnel de police;

Que, conformément aux obligations qui s’imposent à l’État partie en vertu des articles 12 et 16 de la Convention contre la torture, il soit procédé sans délai à une enquête impartiale chaque fois qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture ou des mauvais traitements ont été commis. L’enquête doit être ouverte même en l’absence d’une plainte en bonne et due forme;

Que dans tous les commissariats et postes de police du pays une information sur l’interdiction de la torture et des mauvais traitements et indiquant la marche à suivre et la personne à qui il faut s’adresser pour dénoncer de tels actes soit disponible et bien visible pour le public;

Que, afin de réduire l’impunité, les fonctionnaires de police qui pour une raison justifiée ne portent pas l’uniforme quand ils réalisent des missions de police, soient tenus de s’identifier en déclinant leur nom, prénom et qualité pendant l’arrestation et le transfèrement des personnes privées de liberté. En règle générale, les fonctionnaires de police chargés d’exécuter la mesure de privation de liberté ou qui ont sous leur garde des personnes privées de liberté doivent être nommément identifiés sur les registres appropriés.

269.Le SPT encourage l’État partie à poursuivre et à renforcer les mesures de prévention de la torture et autres mauvais traitements, ce qui doit s’inscrire dans une politique publique plus large. Les mesures devraient comporter de vastes campagnes de sensibilisation sur la question et d’information sur la marche à suivre et l’autorité à qui s’adresser pour dénoncer les cas de torture.

270.Des mesures doivent être prises pour assurer la protection de toute personne qui porte plainte pour torture ou mauvais traitements contre d’éventuelles représailles.

271.Le SPT recommande à l’État d’intensifier ses efforts pour éviter de faire participer les forces armées à des opérations d’ordre public, dans le cadre d’un programme plus vaste visant à prévenir les mauvais traitements et l’utilisation excessive de la force. Dans les cas où il est absolument nécessaire de faire participer l’armée aux opérations de maintien de l’ordre public, les mesures voulues devront être prises pour former tous les groupes militaires de façon que leurs interventions soient compatibles avec le respect des droits de l’homme et l’utilisation d’une force proportionnée. Le SPT recommande également que la police et les autres forces de sécurité ou forces militaires exerçant des fonctions de rétablissement de l’ordre public en cas de troubles civils, utilisent des équipements et des instruments appropriés pour maintenir l’ordre, en réduisant au minimum le risque d’atteinte à l’intégrité physique et psychique des personnes.

272.Le SPT recommande à l’État partie de procéder sans délai à une enquête approfondie et impartiale sur les faits mentionnés aux paragraphes 69 et 70.

273.Le SPT fait observer que la différence entre la définition de la torture donnée dans le Code pénal est celle qui figure à l’article premier de la Convention contre la torture peut ouvrir la porte à des situations d’impunité. Il recommande donc l’adoption sans délai des mesures législatives nécessaires pour faire disparaître cette différence.

274.Le ministère public doit être doté d’une capacité d’enquête propre qui lui permet de mener des enquêtes indépendantes, diligentes et approfondies. En attendant la création de l’organe qui remplira cette fonction, les procureurs spécialisés en matière de droits de l’homme devraient pouvoir compter sur un nombre suffisant d’analystes pour renforcer leur capacité d’enquête. En général, le ministère public doit être doté des moyens nécessaires pour pouvoir mener rapidement des enquêtes indépendantes sur les plaintes pour torture qu’il reçoit. Ces enquêtes devront être effectuées conformément aux principes établis dans le chapitre III du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul).

275.Il faut créer un registre des plaintes et des affaires de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tenu par le ministère public.

276.Il faut mettre en place un registre national centralisé à la Cour suprême pour consigner les actes de torture ou d’autres formes de violence institutionnelle qui sont qualifiés de délits, en indiquant la date et le lieu probable des faits, les institutions, les victimes et les responsables possibles, le stade auquel se trouve la procédure, les organes juridictionnels saisis et l’issue de chaque procès.

277.Le SPT recommande que le Bureau de la défense publique soit doté d’une indépendance fonctionnelle et d’une autonomie budgétaire. Il demande à l’État de lui apporter des renseignements sur la façon dont il prévoit, dans le cadre de l’indépendance et de l’autonomie institutionnelles, d’augmenter les ressources humaines et financières du Bureau de la défense publique afin de lui permettre d’assurer l’aide judiciaire gratuite à toutes les personnes privées de liberté qui en ont besoin, dès le début de la détention, de façon opportune, effective et complète.

278.Le SPT recommande qu’il soit procédé d’urgence à une analyse du fonctionnement dans la pratique des centres intégrés, en demandant aux institutions qui participent au système de réaliser des audits externes et internes, en vue d’adopter des mesures législatives et administratives qui permettent d’assurer le respect effectif des garanties nécessaires pour la prévention de la torture.

279.Le SPT recommande au CONADEH:

D’intensifier son travail en ce qui concerne les visites périodiques des centres de détention, qui doivent inclure une rencontre immédiate avec le détenu et l’inspection visuelle des lieux pour constater les conditions de vie des personnes privées de liberté et le traitement qu’elles reçoivent;

De donner rapidement et effectivement suite aux plaintes pour torture ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qu’il reçoit;

De s’acquitter rigoureusement du mandat à lui conféré par la loi de dénoncer auprès du ministère public les violations dont il a connaissance et de suivre effectivement l’action des autorités judiciaires sur ces affaires.

280.Le SPT recommande que les pouvoirs du CONADEH soient étendus de façon à lui permettre d’ordonner un examen médico-légal en cas de soupçon de torture ou de mauvais traitements.

281.En ce qui concerne la loi sur la police et l’ordre public, le SPT recommande:

a)Une réforme législative qui garantisse la qualification adéquate des infractions de police conformément au droit pénal et assure le respect d’une procédure régulière dans tous les cas sans exception;

b)En attendant cette réforme, les plus hautes autorités de la police, de l’appareil judiciaire − juges et défenseurs publics −, du ministère public et du CONADEH doivent prendre les mesures voulues dans le cadre de leur mandat pour faire cesser l’emploi systématique et généralisé des pouvoirs de police d’une façon qui porte atteinte aux droits fondamentaux;

c)L’introduction d’une réglementation relative aux registres tenus dans les postes de police pour faire en sorte qu’ils contiennent une information complète et détaillée sur chaque garde à vue;

d)La création urgente d’un registre centralisé et informatisé au Secrétariat d’État à la sécurité contenant des données sur les personnes placées en détention en application de la loi citée (date et heure d’entrée et de sortie, motif détaillé de la détention et personnel de police qui est intervenu) et qui permette de produire des statistiques fiables et transparentes.

282.En ce qui concerne l’habeas corpus, le SPT recommande:

a)L’adoption par les plus hautes autorités des institutions responsables de la procédure d’habeas corpus des mesures voulues pour obtenir que cette garantie fondamentale pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants soit effective;

b)De faire en sorte que le recours en habeas corpus soit effectif et ne puisse en aucun cas être suspendu pendant l’état d’urgence;

c)De créer d’urgence au sein de la Cour suprême un registre centralisé de l’habeas corpus;

d)De créer, au sein de la Cour suprême, un registre des cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dont les organes judiciaires ont été saisis;

e)D’assurer la formation des différents acteurs − juges, procureurs et défenseurs − afin de faire amplement connaître les bonnes pratiques relevées;

f)De procéder sans délai à une enquête approfondie sur les irrégularités qui ont empêché le bon fonctionnement de ce recours, y compris sur l’agression dont a été victime le juge de l’exécution Osmar Fajardo le 3 août 2009 au poste de police no 1 de San Pedro Sula, alors qu’il agissait dans une procédure d’habeas corpus.

283.En ce qui concerne les juges de l’exécution, le SPT recommande:

a)De procéder à des réformes afin de se doter d’un cadre juridique définissant les fonctions qui sont aujourd’hui exercées par les juges de l’exécution à l’égard des personnes en détention provisoire, en particulier pour veiller à ce que la durée maximale ne soit pas dépassée. Il faut mettre en place d’urgence un système prévoyant la notification immédiate par les juges et tribunaux de première instance aux juges de l’exécution des décisions de placement en détention provisoire et des condamnations. Les difficultés d’accès à ces informations empêchent les juges de l’exécution de vérifier s’il n’y a pas eu de violations du droit à une procédure équitable − comme des retards excessifs dus à l’inaction des procureurs, des défenseurs ou des juges − ou des omissions d’actes de procédure essentiels (par exemple demande d’audience préliminaire par le Procureur, ou demande de désistement de la part de l’avocat, etc.). Un système de communication approprié permettrait de réduire le surpeuplement carcéral, contribuerait à la sécurité juridique et réduirait les risques d’arbitraire et de corruption;

b)Prendre des mesures afin que les responsables des établissements pénitentiaires tiennent un registre fiable des admissions et des sorties et en informent les juges de l’exécution en temps opportun;

c)Prendre des mesures afin que les juges de l’exécution soient assistés d’un personnel auxiliaire à même d’assurer par exemple une permanence quand ils doivent s’absenter de leur bureau. Ils doivent aussi disposer de moyens de transport afin de pouvoir procéder à des inspections plus nombreuses et plus efficaces des établissements pénitentiaires;

d)Prendre des mesures afin que les juges de l’exécution puissent compter sur le concours de professionnels − médecins, psychologues et travailleurs sociaux − afin de s’acquitter de leurs mandats judiciaires, notamment de rendre les décisions qui s’imposent face aux incidents concernant des détenus qu’ils sont appelés à traiter.

B.Situation des personnes privées de liberté dans les locaux de la police

284.Au vu des allégations de cas de torture et de mauvais traitements qu’il a reçues, le SPT recommande que des mesures soient prises pour faire en sorte que la police respecte effectivement les règles énoncées à l’article 282 du Code de procédure pénale afin de limiter le plus possible les circonstances qui peuvent donner lieu à l’utilisation de la torture et des mauvais traitements.

285.Le SPT recommande de:

a)Garantir la tenue de registres d’écrou dans lesquels sont consignés les motifs spécifiques de la privation de liberté, l’heure exacte du début de la détention, sa durée, l’autorité l’ayant ordonnée et l’identité des agents de la force publique qui sont intervenus, ainsi que des renseignements précis sur le lieu de détention, la chaîne de responsabilité et l’heure de la première comparution devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires;

b)Consigner dans un registre les plaintes reçues, les visites des proches, des avocats ou des organes de contrôle et les objets appartenant aux détenus;

c)Former les policiers pour qu’ils fassent un usage approprié et cohérent des registres;

d)Veiller à ce que le système de registres fasse l’objet d’un contrôle rigoureux de la part des supérieurs afin de garantir que tous les renseignements utiles concernant la privation de liberté soient systématiquement consignés.

286.Le SPT recommande à l’État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que des affiches, des dépliants et d’autres documents contenant des informations claires et simples sur les droits des personnes privées de liberté soient disponibles dans tous les lieux de détention. Ces documents devraient mentionner expressément le droit à l’intégrité physique et psychique et l’interdiction absolue d’utiliser la torture et d’autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, en toutes circonstances. Le SPT recommande également que les policiers reçoivent une formation pour pouvoir informer systématiquement de leurs droits les personnes privées de liberté et faciliter l’exercice de ces droits dès le début de la détention. Un formulaire contenant ces informations devrait être remis à tous les détenus et signés par eux. Chaque détenu devrait en conserver une copie.

287.Le SPT recommande à l’État partie de garantir l’application effective de l’article 101, paragraphe 7, et de l’article 200 du Code de procédure pénale de façon que les déclarations faites devant la police pendant la détention, en violation de ces dispositions, ne puissent pas être prises en considération par les juges pour ordonner des mesures de sûreté ou inculper ou condamner un suspect. Conformément à l’article 15 de la Convention contre la torture, l’État devra veiller à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture.

288.Le SPT recommande que les mesures voulues soient prises pour faire en sorte qu’un nombre suffisant de médecins soient disponibles afin que tous les détenus, et non pas seulement ceux qui sont placés dans les centres intégrés, puissent être examinés et que les médecins puissent travailler en toute indépendance et reçoivent une formation pour l’examen des victimes présumées d’actes de torture ou de mauvais traitements et la détection de tels cas, conformément aux dispositions du Protocole d’Istanbul. Le SPT recommande également de consigner dans des registres tous les examens médicaux pratiqués sur les détenus, en indiquant le nom du médecin et les résultats de l’examen. Le Protocole d’Istanbul doit être utilisé comme un instrument pour améliorer la qualité des rapports médicaux et psychologiques et renforcer la prévention de la torture.

289.Le SPT recommande que le personnel affecté aux locaux de la police informe systématiquement toute personne privée de liberté qu’elle a le droit de présenter une requête ou une plainte au sujet de la manière dont elle est traitée. Toute requête ou plainte doit être examinée sans délai et il doit y être donné suite sans retard injustifié; des dispositions seront prises pour que la personne détenue ne subisse pas de préjudice pour avoir présenté une telle requête ou plainte.

290.Les autorités doivent veiller à ce que le droit de dénoncer les actes de torture et les mauvais traitements et de présenter une plainte puisse être exercé dans la pratique et que le principe de confidentialité soit strictement respecté. Le personnel de police ne doit pas intervenir dans la procédure de plainte ni filtrer les plaintes adressées aux autorités compétentes ou avoir accès à leur contenu. Le SPT recommande également l’adoption d’un règlement pour le traitement des plaintes par la police, qui contienne des dispositions relatives à la transmission des plaintes aux autorités compétentes, ainsi qu’à l’obligation de fournir le matériel nécessaire pour rédiger une plainte.

291.Le SPT considère que l’insuffisance des revenus du personnel policier favorise la corruption et recommande donc une revalorisation des salaires de la police. L’équipement dont les policiers ont besoin pour exercer leurs fonctions devrait leur être fourni par les autorités.

292.Le SPT recommande que les policiers et les autres fonctionnaires affectés aux postes de police et aux autres lieux de détention de la police reçoivent une formation appropriée concernant l’arrestation et la garde des personnes privées de liberté, les droits de l’homme, y compris la prévention de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, et l’utilisation adéquate des registres.

293.Le SPT recommande la mise en place d’un système efficace de surveillance et de contrôle interne des conditions de détention et de la manière dont les personnes privées de liberté sont traitées par les membres de la police.

294.Le SPT recommande de procéder le plus rapidement possible à un audit des postes de police et des locaux de la DNIC afin d’élaborer et de mettre en œuvre de toute urgence un plan pour l’amélioration des lieux de détention, dans les établissements existants, qui garantisse le droit à un traitement digne pour ce qui est du logement (aération, sanitaires, éclairage et autres éléments essentiels). L’audit devrait être mené par une équipe pluridisciplinaire composée de représentants des différentes institutions compétentes pour visiter les lieux de privation de liberté de la police. Il faut améliorer immédiatement les conditions matérielles dans les cellules, en particulier en ce qui concerne la superficie minimale par détenu, le cubage d’air, l’éclairage et la ventilation.

295.Le SPT recommande que, dans la mesure du possible, les personnes détenues dans les postes de police plus de vingt-quatre heures aient la possibilité de faire de l’exercice physique en dehors de la cellule pendant au moins une heure, au moins une fois par jour.

296.Le SPT recommande à l’État partie de prévoir un budget suffisant pour l’alimentation des détenus et de mettre en place les mécanismes de contrôle nécessaires pour que les produits alimentaires achetés soient nutritifs, effectivement distribués à tous les détenus et préparés et servis de façon digne. Il recommande également de fournir aux personnes privées de liberté au moins deux litres d’eau potable par jour, gratuitement et systématiquement.

297.Le SPT rappelle qu’en vertu des normes internationales relatives aux droits de l’homme, tout détenu doit pouvoir bénéficier de soins et de traitements médicaux chaque fois que le besoin s’en fait sentir. Il recommande que le personnel de police, à moins d’avoir reçu la formation requise pour effectuer des diagnostics médicaux, autorise immédiatement les personnes privées de liberté qui le demandent à être examinées par un médecin.

C.Situation des personnes privées de liberté dans les établissements pénitentiaires

298.Le SPT recommande d’adopter des mesures efficaces pour qu’il soit donné effet aux arrêts de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême relatifs à l’amélioration des conditions de vie de toutes les personnes incarcérées dans les établissements pénitentiaires du pays.

299.Le SPT recommande aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour venir à bout du problème de la surpopulation des prisons, par exemple en réduisant la durée de la détention provisoire, en instituant des mesures de substitution à l’emprisonnement et en améliorant l’infrastructure des prisons. L’État partie doit garantir en particulier le droit de chaque détenu de disposer d’un lit individuel et d’une literie individuelle suffisante.

300.Le SPT fait observer que la non-séparation des condamnés et des prévenus est contraire aux dispositions de l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et recommande aux autorités honduriennes de prendre des mesures pour faire en sorte que les différentes catégories de détenus soient placées dans des établissements différents ou dans des quartiers différents à l’intérieur d’un même établissement.

301.Le SPT recommande la création d’un système uniforme de registre d’écrou, relié et coté, indiquant clairement l’identité de la personne incarcérée, les motifs de la détention et l’autorité compétente qui l’a ordonnée, ainsi que le jour et l’heure de l’admission et de la sortie. Les agents pénitentiaires devront être formés à l’utilisation de ces registres afin de ne pas laisser de mentions en blanc. Le SPT recommande par ailleurs la création d’un système uniforme de registre des mesures disciplinaires, indiquant l’identité de l’auteur de l’infraction, la sanction et sa durée, et le nom de l’agent qui l’a imposée.

302.En ce qui concerne la gestion des prisons, le SPT recommande ce qui suit:

a)Adopter une politique pénitentiaire comportant l’élaboration d’un plan complet, fixant des objectifs et des étapes, et créer un organe autonome, indépendant de la police, qui puisse effectuer les missions et exercer les fonctions nécessaires;

b)Augmenter le nombre de gardiens dans les établissements pénitentiaires afin qu’il soit suffisant pour garantir le respect de l’intégrité de toutes les personnes privées de liberté;

c)Remplacer les policiers par des agents pénitentiaires spécialisés, dûment sélectionnés et formés, et par des surveillants et des directeurs administratifs que les détenus et les personnes travaillant sur place puissent identifier;

d)Dispenser une formation aux agents pénitentiaires, aux surveillants et aux directeurs d’établissement, qui doivent percevoir une rémunération suffisante. Le SPT recommande à l’État d’envisager la possibilité d’instituer un programme de formation avancé, qui permettrait de disposer d’un personnel pénitentiaire mieux préparé et professionnel. Le projet de loi portant création de l’Institut pénitentiaire, actuellement en lecture au Parlement, peut être un outil précieux pour organiser le système pénitentiaire dans un cadre de légalité et d’efficacité, et le SPT recommande que le texte soit adopté et mis en vigueur dans les meilleurs délais;

e)Respecter le principe de l’égalité de traitement selon lequel le régime pénitentiaire doit être le même pour tous les détenus, sans distinction de traitement ni discrimination fondée sur des raisons économiques ou autres;

f)Faire en sorte que les autorités pénitentiaires soient responsables de l’attribution des cellules et des lits afin de garantir que chaque détenu dispose d’un endroit convenable pour dormir, d’une alimentation suffisante, de loisirs, d’installations sanitaires et autres éléments permettant d’assurer le respect du droit à un traitement digne, sans avoir à payer. Les autorités pénitentiaires doivent s’engager à garantir ce droit;

g)Adopter des mesures de nature à favoriser l’accès de la société civile et des représentants des médias, pour exercer une forme de contrôle public;

h)Interdire au personnel d’introduire de l’argent dans l’établissement et veiller au respect de cette interdiction;

i)Inscrire dans le dossier de chaque détenu le quartier dans lequel il a été affecté et les raisons de la décision.

303.Le SPT recommande que tous les détenus soient examinés par un médecin au moment de leur admission. L’examen devra se faire sur la base d’un questionnaire portant sur l’état de santé général et accompagné d’une description des actes de violence qui peuvent avoir été subis dans un passé récent. Le médecin devra également procéder à un examen médical complet, y compris de tout le corps du patient. Si celui-ci déclare avoir subi des actes de violence, le médecin devra vérifier si l’examen confirme sa relation des faits. S’il a des raisons de soupçonner que des actes de torture et de mauvais traitements ont été commis, le médecin doit en informer les autorités compétentes.

304.Le SPT recommande l’adoption d’un système de registre médical automatique et complet. Il rappelle que le droit des détenus d’être examinés par un médecin à tout moment et gratuitement doit être respecté et recommande l’adoption de mesures visant à donner effet à ce droit. Les détenus doivent pouvoir s’adresser aux médecins en toute confidentialité, sans que les surveillants ou d’autres détenus les en empêchent ou filtrent leur demande.

305.Le SPT recommande également que les autorités allongent la durée de présence quotidienne des médecins et prévoient un système de remplacement afin qu’une présence médicale soit assurée tous les jours de la semaine tout au long de l’année. Il recommande en outre que les infirmiers reçoivent une formation, que le secret médical soit respecté et que l’on engage des infirmiers de l’extérieur.

306.Le SPT invite les autorités à mettre en place un système d’approvisionnement en médicaments qui permette de fournir les médicaments prescrits par le médecin. Il recommande en outre de faire appel à une unité mobile de radiologie pour que toute la population carcérale ait la possibilité de faire une radiographie du poumon, et d’assurer un traitement aux prisonniers qui ont la tuberculose. Les détenus qui partagent une cellule avec une personne atteinte de tuberculose devront avoir la possibilité de passer une deuxième radiographie et de faire le test de Mantoux (s’ils ne sont pas vaccinés) trois mois plus tard. L’opération devra être renouvelée périodiquement pour éviter l’apparition de nouveaux cas. En ce qui concerne le VIH/sida, le SPT recommande de donner à tous les prisonniers la possibilité de recevoir un traitement et d’effectuer le test de dépistage du VIH/sida gratuitement et volontairement. Les tests doivent être confidentiels, être accompagnés de conseils et pratiqués uniquement avec le consentement éclairé des détenus.

307.Le SPT recommande d’élaborer et de diffuser un plan d’action pénitentiaire afin de faire en sorte que les besoins essentiels de toutes les personnes privées de liberté soient satisfaits. Il faudra en premier lieu faire un bilan des conditions matérielles des établissements pénitentiaires de tout le pays en vue de concevoir et d’exécuter des programmes de nettoyage, de rénovation et de réaménagement. Il faudra en particulier:

a)Augmenter le budget alloué, afin que chaque détenu, y compris les détenus placés à l’isolement, dispose d’un lit et d’un matelas, d’une literie suffisante, bien entretenue et changée régulièrement pour être maintenue en bon état de propreté;

b)Veiller à ce que les cellules et les dortoirs répondent aux conditions minimales concernant la ventilation, le cubage d’air, la surface minimale, l’éclairage et l’accès à la lumière naturelle;

c)Doter les prisons d’installations sanitaires en nombre suffisant et en bon état, de façon à permettre à chacun de faire sa toilette et de laver son linge, et d’un système d’élimination des déchets.

308.Le SPT recommande à l’État partie de prévoir un budget suffisant pour l’alimentation des détenus et l’accès à l’eau potable et de veiller à mettre en place les mécanismes de contrôle nécessaires afin que les produits alimentaires achetés soient nutritifs, effectivement distribués à tous les détenus et préparés et servis de manière correcte et digne. Il souhaite recevoir des données, ventilées par établissement pénitentiaire, sur le montant annuel affecté à l’alimentation et à l’eau potable dans les établissements pénitentiaires. Il souhaite également avoir des précisions sur les mesures adoptées pour assurer une gestion transparente et efficace du budget.

309.Le SPT a constaté que certains groupes d’individus étaient généralement victimes de ségrégation dans les établissements pénitentiaires et que beaucoup ne recevaient pas de soleil direct dans leur espace de vie. Le SPT estime urgent de donner à ces détenus accès à une cour.

310.Le SPT recommande que tous les établissements pénitentiaires soient dotés d’un règlement disciplinaire conformément à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, qui fixe: a) les conduites qui constituent une infraction disciplinaire; b) le genre et la durée des sanctions disciplinaires qui peuvent être infligées; c) l’autorité compétente pour prononcer ces sanctions. Les mesures disciplinaires imposées, quelles qu’elles soient, devront être conformes à ce règlement, dont tous les détenus devront posséder une copie. Le SPT recommande de reconnaître aux personnes privées de liberté le droit d’être entendues avant que des mesures disciplinaires soient prises à leur égard et d’intenter un recours contre ces mesures devant l’autorité supérieure. Il recommande également d’annuler les sanctions collectives, y compris celles qui ont été infligées aux détenus à la suite de l’évasion qui a eu lieu le 17 juillet 2009.

311.Le SPT recommande aux autorités honduriennes de veiller à ce que tous les détenus, hommes et femmes, disposent d’au moins une heure par jour d’exercice physique approprié en plein air, conformément aux normes minimales internationales. Il recommande également d’offrir à tous les détenus, hommes et femmes, qui le souhaitent la possibilité de travailler et l’accès à des activités éducatives et culturelles sur un pied d’égalité et gratuitement, et de mettre à leur disposition une bibliothèque suffisamment pourvue de livres instructifs et récréatifs.

312.Le SPT recommande aussi qu’il soit procédé à la révision et à la réglementation du système d’autorisation qui permet d’exercer des activités commerciales à l’intérieur des établissements pénitentiaires, notamment afin de déterminer les incidences de ce système sur l’exercice des droits des détenus, et que ce «marché» soit progressivement fermé.

313.Le SPT recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit de toute personne privée de liberté de recevoir des visites de sa famille et de ses amis et de correspondre avec eux, ainsi que de communiquer avec le monde extérieur. Toute mesure destinée à encourager les visites auxquelles les détenus ont droit doit être évitée. L’État partie doit examiner la situation particulière de chaque détenu et faciliter dans la mesure du possible son transfert dans un établissement pénitentiaire proche du lieu où habite sa famille.

314.Le SPT recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour renforcer les autorités chargées de veiller au respect des droits des personnes privées de liberté afin qu’elles soient en mesure de s’acquitter de leur mandat de façon efficace et responsable.

315.Le SPT recommande également de vérifier sans délai la situation juridique des détenus et de libérer immédiatement ceux qui ont exécuté leur peine. Il recommande aussi la création d’une base de données contenant des renseignements clefs sur chaque affaire, de façon à permettre aux autorités pénitentiaires et aux juges de l’exécution de connaître à tout moment la situation de tous les détenus, conformément à la législation en la matière et aux décisions des juges.

316.En ce qui concerne la «zone morte» de la prison de Tegucigalpa, le SPT recommande:

a)Qu’il soit procédé à une enquête exhaustive afin d’établir les causes et les circonstances de la mort des 17 individus qui ont participé à l’évasion du 18 juillet 2009, ainsi que des blessures de celui qui a été rattrapé;

b)Que les gardiens affectés à la surveillance de la «zone morte» soient équipés de balles en caoutchouc et que le principe de proportionnalité dans l’utilisation de la force soit respecté en toutes circonstances.

317.Le SPT recommande la mise en place d’un registre des incidents au cours desquels les policiers en poste dans les établissements pénitentiaires ont fait usage de leurs armes. Le registre devra indiquer l’identité du policier, les circonstances dans lesquelles les coups de feu ont été tirés (date, heure et lieu, notamment), les conséquences, l’identité des blessés ou des morts et le rapport médical correspondant.

318.Le SPT recommande que des mesures plus énergiques soient prises afin d’empêcher que les détenus soient en possession d’armes.

319.Le SPT recommande à l’État partie de mettre en place un système de dépôt de plaintes efficace, confidentiel et indépendant, dans toutes les prisons du pays. Chaque établissement pénitentiaire devra tenir un registre des plaintes contenant des informations sur l’identité du plaignant, la nature de la plainte, la manière dont elle a été traitée et son résultat.

320.Le SPT recommande d’adopter des mesures appropriées pour assurer la protection des femmes privées de liberté, et de respecter le principe de la séparation entre les hommes et les femmes dans les prisons.

Annexe

Commentaires du Secrétariat d’État aux relations extérieures sur les observations préliminaires du SPT

Conformément aux dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifié en avril 2006, le Sous-Comité pour la prévention de la torture (SPT) a effectué une visite au Honduras du 13 au 21 septembre 2009. À cette occasion, il s’est entretenu avec de hauts responsables gouvernementaux et a visité des centres de détention et des lieux de privation de liberté à Tegucigalpa, San Pedro Sula et Choloma (Cortés).

Cette visite, qui s’inscrivait dans le cadre des activités de promotion et de protection des droits de l’homme relevant de la Convention contre la torture et de son Protocole facultatif, a débouché sur un certain nombre d’observations préliminaires, que le Gouvernement hondurien a été invité à commenter. Nos commentaires sont les suivants:

1.Situation politique et sociale

Le SPT n’ignore pas le débat concernant la légitimité du pouvoir en place, mais sans analyser cette situation il affirme que les autorités en place ont la responsabilité de veiller au respect effectif des droits de l’homme, quelles que soient les circonstances. Le Gouvernement assume pleinement cette obligation dans le cadre de l’état de droit. Considérant que les événements du 28 juin ont aggravé les lacunes institutionnelles existantes, le SPT a formulé plusieurs recommandations visant à renforcer la protection dans ce domaine, notamment par la création d’un registre national centralisé à la Cour suprême, dans lequel seraient consignés les faits de torture qualifiés de délit.

Nous reconnaissons que des erreurs ont été commises face aux excès des groupes d’opposition qui s’en sont pris aux personnes et aux biens privés et publics mais nous tenons à souligner que celles-ci résultaient non pas d’une politique systématique de violation des droits fondamentaux mais de la volonté de préserver la stabilité du pays et la sécurité de ses habitants.

Il convient de noter en particulier que le SPT reconnaît expressément que les autorités honduriennes lui ont permis d’accéder rapidement et sans obstacles aux divers lieux de détention qu’il souhaitait visiter, ce dont il les remercie et qui témoigne de la volonté du Gouvernement de s’acquitter de ses obligations au titre de l’article 4 du Protocole facultatif.

2.Cadre normatif et institutionnel de la prévention de la torture etdes traitements cruels, inhumains ou dégradants au Honduras

En tant que partie à la Convention contre la torture et aux autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme du système des Nations Unies et du système interaméricain, le Honduras a consacré dans sa Constitution et sa législation le droit de toute personne au respect de son intégrité physique, psychique et morale et le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dans cette longue partie, le SPT formule des recommandations concernant les domaines dans lesquels une action a été récemment menée ou entreprise dans le but de corriger les insuffisances du système institutionnel; certains progrès ont déjà été accomplis avec l’élaboration et la promulgation de nouvelles lois tendant à promouvoir l’adoption de mesures propres à lutter contre les violations des droits de l’homme et à favoriser la création d’organes de contrôle, ainsi que le renforcement de la surveillance de la police et de l’armée par les autorités civiles.

Les recommandations formulées par les membres du SPT sur les questions judiciaires sont pour la plupart réalisables et nécessaires pour garantir une prévention efficace de la torture et des traitements cruels; il faut donc réaliser les études et adopter les mesures administratives et budgétaires voulues en vue de les mettre en œuvre dans les meilleurs délais.

Nous accueillons avec intérêt ces recommandations, qui mettent l’accent sur certains aspects essentiels pour la protection des droits de l’homme; de fait, les différents organes juridictionnels concernés ont traité avec diligence les recours en habeas corpus formés au nom de personnes privées de liberté, qui ont pour la plupart été remises en liberté. On ne dispose d’aucune information digne de foi permettant de penser que, dans le contexte des récents événements politiques, les autorités policières ou militaires aient recouru systématiquement à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, faisant d’une telle pratique un outil institutionnel pour rétablir l’ordre public.

Il ne fait aucun doute que si de tels actes ont été commis, il s’agirait d’actes isolés, qui auraient dû être signalés au ministère public afin que leurs auteurs répondent pénalement de leurs actes et soient poursuivis pour crime de torture (art. 209-A du Code pénal).

L’article 282 du Code de procédure pénale, promulgué par le décret 9-99E paru au Journal officiel le 20 mai 2000, énonce les règles que la police nationale doit observer lorsqu’elle procède à une arrestation ou à une détention; il établit l’interdiction (par. 4) de faire subir des actes de torture ou d’autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, d’inciter à de tels actes ou de tolérer qu’ils soient commis, tant au moment de l’arrestation que pendant toute la durée de la détention; l’interdiction (par. 5) de présenter les personnes en état d’arrestation aux organes d’information de façon à préserver le droit d’être considéré et traité comme innocent et le droit au respect de l’image; l’obligation (par. 6) d’informer les personnes arrêtées ou détenues, au moment de l’arrestation ou du placement en détention, de leur droit de prendre contact avec un parent ou la personne de leur choix pour signaler leur situation, d’être assistées par un défenseur, de garder le silence, de ne pas témoigner contre soi-même, contre leur conjoint ou leur compagnon ou compagne ni contre un membre de leur famille jusqu’au quatrième degré de parenté ou au deuxième degré d’alliance, d’être examinées par un médecin légiste ou par un autre médecin disponible qui constatera leur état physique et pourra les examiner de nouveau si nécessaire, ainsi que de tous les droits que l’article 101 du Code de procédure pénale reconnaît à la personne inculpée, parmi lesquels le droit de faire connaître les membres de la famille ou d’autres personnes proches de l’intéressé l’établissement où celui-ci va être conduit et le droit de faire inscrire le lieu, le jour et l’heure du placement en détention sur un registre spécial qui sera considéré comme un document public, autorisé par le Secrétaire d’État à la sécurité.

Le Bureau de la défense publique, qui relève du pouvoir judiciaire, exerce une surveillance et un contrôle permanents sur les centres de détention, ce qui permet de prévenir la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants; il apporte une assistance technique juridique aux détenus et veille au respect par la police nationale des droits des personnes privées de liberté. Dans les centres de détention intégrés, des procureurs sont présents et des services de médecine légale sont assurés, afin de constater l’état de santé des détenus. Chaque centre tient un registre des détenus dans lequel sont consignées l’entrée et la sortie des personnes privées de liberté; l’inscription se fait encore à la main.

En ce qui concerne le rôle du Secrétariat d’État à la défense (Forces armées) et les préoccupations exprimées par le SPT au paragraphe 35 de son rapport au sujet du recours excessif à la force par le personnel militaire lors de la dispersion de certaines manifestations (évacuation du pont de Choloma le 14 août 2009), du blocage de certaines routes pour empêcher l’aide humanitaire de parvenir aux manifestants et des arrestations, il faut bien voir que les opérations menées avaient pour but de maintenir l’ordre public dans le contexte de la crise institutionnelle et du couvre-feu.

Les Forces armées du Honduras sont conscientes que l’existence d’une armée de métier et le respect des droits de l’homme sont deux conditions essentielles au maintien de la démocratie; en d’autres termes, il ne peut pas y avoir de démocratie dans un pays si ses forces armées ne sont pas professionnelles et si des violations des droits de l’homme sont commises. C’est précisément cette trilogie (démocratie, professionnalisme des forces armées et respect des droits de l’homme) qui caractérise les Forces armées du Honduras. En effet, les militaires professionnels sont formés à agir en toutes circonstances dans le cadre fixé par la législation interne et les instruments internationaux.

Les Forces armées du Honduras sont une institution nationale permanente, essentiellement professionnelle, apolitique, subordonnée et non délibérante. Elles ont pour mission de défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté de la République, de maintenir la paix et de faire respecter la Constitution et les principes du suffrage universel et de l’alternance dans l’exercice de la présidence de la République.

C’est à ce titre que les Forces armées sont entraînées pour accomplir des missions telles que le contrôle des manifestations, l’établissement de barrages routiers et la garde des détenus, pour lesquelles elles font un usage raisonnable de la force, en veillant avant tout à respecter les droits fondamentaux des citoyens.

Il est important de préciser que dans ce type d’opérations, les Forces armées agissent toujours comme renfort de la police nationale, en vertu d’un décret exécutif. Nous nous permettons de solliciter du SPT qu’il prenne en considération les rapports et les allégations des membres des Forces armées qui, dans l’exercice de leurs fonctions, ont été blessés par balle ou violemment frappés par des manifestants. La liste des noms de ces militaires, avec leurs photographies, est jointe à la présente réponse, pour rappeler qu’ils ont les mêmes droits que tout être humain.

Afin d’éviter à l’avenir toute utilisation excessive de la force, les Forces armées sont disposées à demander aux organismes compétents d’enquêter sur ces cas et entendent se concerter avec les autorités concernées pour étudier les recommandations du Sous-Comité pour la prévention de la torture.

Le ministère public, qui exerce l’action pénale publique, n’a pas de corps d’enquête de police sous son autorité, étant donné que la Direction générale des enquêtes criminelles dépend du Secrétariat d’État à la sécurité sur le plan administratif et du ministère public sur le plan fonctionnel. Le Gouvernement est conscient de ce problème et actuellement la question de la création d’une police judiciaire rattachée au ministère public fait l’objet d’un débat au Congrès.

3.Lieux de privation de liberté visités

Le Secrétariat d’État à la sécurité approuve les recommandations du SPT concernant l’élaboration et l’exécution d’un plan pour l’amélioration des lieux de détention de la police et des établissements pénitentiaires, en vue de satisfaire les besoins essentiels des personnes privées de liberté et d’assurer des conditions justes pour l’exécution des peines. Il est prêt à les mettre en œuvre intégralement, en concertation avec les autres acteurs de la justice.

Concrètement, en 2006, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême a statué sur cinq recours en habeas corpus formés par le Parquet spécialisé en matière de droits de l’homme, dont deux au nom de tous les enfants privés de liberté placés dans les centres Renaciendo et El Carmen. Dans ses arrêts, la Cour a ordonné au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif de concevoir et de mettre en œuvre une politique pénitentiaire qui soit conforme au mandat constitutionnel et qui respecte les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. S’il est vrai que les recommandations n’ont pas pu être intégralement appliquées dans le bref délai d’un an qui avait été fixé, en raison de l’insuffisance des crédits budgétaires alloués, des progrès ont été accomplis. Ainsi: a) deux modules ont été agrandis afin de réduire la surpopulation carcérale; b) des lits et des matelas ont été installés; c) l’approvisionnement en eau potable a été amélioré; d) des réparations ont été faites sur les systèmes électriques; e) les ateliers d’apprentissage professionnel et les salles de classe ont été équipés de matériel.

Nous reconnaissons que les mesures demandées n’ont pas été entièrement mises en œuvre mais ce qui a été fait constitue un pas en avant. L’Institut de l’enfance et de la famille a augmenté son budget pour 2010 dans le but d’améliorer les infrastructures de ces centres.

4.Mécanisme national de prévention

Le Gouvernement actuel est animé d’une réelle volonté politique de ne pas faire obstacle aux enquêtes et de tenir compte des critiques constructives.

Certaines situations résultant du cadre institutionnel dans lequel travaillent les acteurs de la justice ne sont évidemment pas le fait du gouvernement actuel mais elles nécessitent une action de sa part afin d’empêcher des erreurs dans l’exercice de la responsabilité qui lui incombe de veiller à la stabilité du pays et à la sécurité de ses habitants.

Tous les acteurs de la justice ont conscience de la nécessité d’agir sans tarder pour remédier aux maux dont souffre l’ensemble du système de privation de liberté et qui touchent le personnel policier, les détenus et les personnes extérieures, et face à l’indifférence ou à l’ignorance du ministère public et du Commissaire national aux droits de l’homme (CONADEH).

En outre, bien que le SPT se soit inquiété des faiblesses du système de protection des droits de l’homme, il est clair que ses commentaires positifs concernant la création d’un mécanisme national de prévention comme moyen de garantir la promotion et la protection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté dans les lieux de détention constituent pour le Gouvernement hondurien un encouragement à jouer un rôle plus actif dans la protection des droits de l’homme.

Octobre 2009