Nations Unies

CAT/C/49/D/425/2010

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

29 janvier 2013

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Communication no 425/2010

Décision adoptée par le Comité à sa quarante-neuvième session,(29 octobre-23 novembre 2012)

Présentée par:

I. A. F. B. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

I. A. F. B.

État partie:

Suède

Date de la requête:

22 juin 2010 (lettre initiale)

Date de la présente décision:

13 novembre 2012

Objet:

Expulsion du requérant vers l’Algérie

Questions de fond:

Risque de torture en cas de renvoi dans le pays d’origine

Questions de procédure:

Griefs non étayés, manifestement mal fondés

Article de la Convention:

3

Annexe

Décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22de la Convention contre la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants (quarante‑neuvième session)

concernant la

Communication no 425/2010

Présentée par:

I. A. F. B. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

I. A. F. B.

État partie:

Suède

Date de la requête:

22 juin 2010 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 13 novembre 2012,

Ayant achevé l’examen de la requête no 425/2010 présentée par I. A. F. B. en son nom propre en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22de la Convention contre la torture

1.1Le requérant est I. A. F. B., né le 26 octobre 1966, de nationalité algérienne. Dans sa requête, datée du 22 juin 2010, il affirme que son renvoi en Algérie par la Suède constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le requérant n’est pas représenté par un conseil.

1.2Conformément à l’article 114 (ancien article 108) du règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.5), le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a demandé à l’État partie, le 12 juillet 2010, de ne pas expulser le requérant vers l’Algérie tant que sa requête serait à l’examen. Cette demande a été formulée sur la base des informations données dans la requête et l’État partie a été informé qu’un réexamen pourrait avoir lieu à la lumière des renseignements et documents communiqués par les deux parties.

1.3Le 13 avril 2011, à la demande de l’État partie, le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a décidé de lever les mesures provisoires.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1En 1998, jugeant suspectes les circonstances de la mort de son père, survenue en 1986, le requérant a adressé au Secrétaire général du Ministère de la défense nationale une lettre dans laquelle il demandait l’ouverture d’une enquête. Son père était commandant des services secrets et directeur adjoint du Département du renseignement et de la sécurité; il avait également été attaché militaire à l’ambassade d’Algérie à Damas. Alors qu’il fêtait le Nouvel An avec d’anciens camarades de l’école militaire (qu’il a quittée avant la fin de ses études), le requérant a appris que son père avait été assassiné. D’après les informations recueillies auprès d’un de ses amis militaires, son père est mort à l’hôpital psychiatrique après une dispute avec le médecin militaire, au cours de laquelle il aurait révélé des secrets militaires. Le médecin militaire, sur ordre du Ministère de la défense nationale, lui aurait administré un puissant tranquillisant, qui aurait provoqué un arrêt cardiaque. Dans des lettres envoyées le 11 février et le 5 mai 2005, le requérant a demandé au Président d’ouvrir une enquête sur la mort de son père. Après l’envoi de la deuxième lettre, deux individus, qu’un de ses amis militaires a identifié comme des agents de la sécurité militaire, sont venus chez lui en son absence. En décembre 2005, le requérant a écrit au Président une troisième lettre, dans laquelle il critiquait en termes énergiques les autorités et l’armée, dénonçant cette dernière et la tenant pour responsable de deux massacres de civils, remettant en cause la version officielle de l’assassinat du Président Boudiaf et révélant l’identité des personnes responsables de l’attentat du RER à Paris. Le 15 décembre 2005, le requérant a été arrêté et son passeport a été confisqué. Au cours des cinq jours suivants, il a été battu et menacé de mort et des fonctionnaires ont uriné sur lui. Il a été maintenu en captivité pendant vingt jours; avant d’être libéré, le 4 janvier 2006, il a dû, sous menace de mort, signer un document dans lequel il reconnaissait avoir appartenu à un groupe islamiste opérant à Alger. Cependant, il n’a jamais été inculpé et il était autorisé à se déplacer librement, si ce n’est qu’il devait se présenter chaque semaine au poste de police. Après qu’il eut été relâché, son épouse a pris des photos des ecchymoses laissées par les coups qu’il avait reçus; ces clichés ont été montrés aux services de l’immigration suédois.

2.2Après la confiscation de son ancien passeport le 15 décembre 2005, le requérant s’en était procuré un autre en soudoyant un fonctionnaire. En 2007, il a rendu visite à sa mère en Égypte. Le 20 mars 2008, le poste de police où il devait se présenter chaque semaine depuis sa libération lui a demandé de venir avec son passeport. Craignant que les services secrets ne soient toujours à sa recherche, le requérant a décidé de prendre la fuite. C’est ainsi que le 27 mars 2008 il est arrivé en Suède, où il a déposé une demande d’asile. Quatre jours plus tard, sa femme, restée en Algérie, s’est vu confisquer son passeport et pendant l’année qui a suivi le départ du requérant, elle a reçu régulièrement la visite d’individus en civil qui auraient été à la recherche de son mari et l’auraient menacée.

2.3Le 17 décembre 2009, les services suédois de l’immigration ont débouté le requérant de sa demande d’asile, au motif que les documents qu’il leur avait remis n’étayaient pas suffisamment ses affirmations au sujet des actes de torture qu’il avait subis. À ce sujet, le requérant souligne que les services secrets lui avaient enjoint de ne parler à personne de sa détention et de ne pas faire établir de certificat médical. Les services de l’immigration ont reconnu qu’il avait écrit à plusieurs reprises au Président, mais ont considéré que cela ne l’exposait pas à un risque réel de torture à son retour. Ils ont également relevé que le requérant ne s’était décidé à agir que douze ans après la mort de son père, puis avait encore attendu sept ans de plus. À cette remarque, le requérant répond qu’il n’avait que 20 ans lorsque son père est mort et qu’il était alors à l’armée. Il indique qu’il a décidé d’enquêter sur la mort de son père après avoir quitté l’armée et avoir obtenu des renseignements par ses amis en 2005. Les services de l’immigration ont estimé que la description des événements ayant conduit à la mort de son père et l’argument selon lequel le requérant, en cas de renvoi, serait recherché en représailles aux lettres envoyées au Président n’étaient pas crédibles. Ils ont également relevé que le requérant s’était déjà rendu en Suède en 2007 et n’avait pas fait de demande d’asile à cette occasion, ce qui jetait le doute sur ses prétendues craintes d’être persécuté. Le requérant répond à cette observation qu’à l’époque il ne se sentait pas encore en danger, comme il n’avait pas encore été convoqué par la police. Les services de l’immigration ont aussi jugé peu crédible l’affirmation du requérant selon laquelle sa femme avait reçu régulièrement la visite de fonctionnaires en civil après son départ, puisqu’ils étaient séparés depuis 2007 et qu’il avait indiqué une adresse différente de celle de son épouse sur les demandes de visa faites aux autorités suédoises. À ce sujet, le requérant répond qu’à l’époque de ses demandes de visa, il avait eu des différends avec sa femme et ils avaient divorcé selon le rite musulman, sans officialiser leur décision auprès des autorités. Avant qu’il ne quitte l’Algérie, ils s’étaient réconciliés et avaient par conséquent annulé le divorce; de plus, le livret de famille atteste qu’ils sont mariés. Cependant, pour que sa femme ne soit pas harcelée, il avait affirmé aux autorités algériennes qu’ils étaient toujours séparés. Les services de l’immigration ont également trouvé difficile à croire que le requérant se soit vu confisquer son passeport, comme il l’indiquait, jugeant plus probable que son ancien passeport ait été à renouveler, puisqu’il n’avait plus de page vierge. Le requérant a répondu qu’il aurait été peu logique de faire renouveler un passeport contenant un permis de séjour en Égypte valable jusqu’au 23 août 2008. Il ajoute que le fait qu’il ait attendu quatorze mois avant de voyager témoigne de sa crainte d’être arrêté. Le 16 mars 2010, le tribunal administratif de Göteborg l’a débouté de son appel et, le 3 juin 2010, la cour d’appel a rejeté le recours qu’il avait formé devant elle. Le 7 juin 2010, le requérant a été informé qu’il devait quitter le territoire suédois dans un délai d’un mois, sans quoi il serait expulsé.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que son renvoi en Algérie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Il soutient que les autorités suédoises n’ont pas tenu compte du fait que les droits de l’homme ne sont pas respectés en Algérie, où l’état d’urgence est en vigueur depuis dix-huit ans. Il soutient également que la torture est pratiquée de manière systématique par les services secrets de ce pays, dont les agents agissent en toute impunité. Il fait valoir qu’il serait exposé à un risque réel de torture en cas de renvoi. Il fait valoir également que les citoyens algériens qui retournent dans leur pays d’origine après le rejet d’une demande d’asile auprès d’un pays tiers sont généralement soupçonnés d’être des terroristes islamistes, ce qui les expose à des représailles.

3.2Le requérant soutient aussi que les services de l’immigration ont été influencés par une lettre émanant de l’ambassade de Suède à Alger, dans laquelle une fonctionnaire de l’ambassade informait l’agent des services de l’immigration chargé du dossier qu’elle avait refusé un visa au requérant en 2007 et déplorait le fait que ce document lui ait été délivré par un de ses collègues en 2008.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 24 mars 2011, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et le fond de la requête et a demandé la levée des mesures provisoires de protection.

4.2L’État partie relève que certaines des traductions fournies par le requérant ne reflètent pas exactement les procédures qui se sont déroulées devant les autorités suédoises et s’emploie donc à clarifier les faits. Le 27 mars 2008, le requérant a déposé une demande d’asile auprès du Conseil suédois des migrations, à qui il a présenté un passeport délivré le 5 juin 2006, valable jusqu’au 4 juin 2011 et contenant un visa Schengen valable jusqu’au 30 mars 2008. Au cours du premier entretien, il a indiqué que la sécurité militaire le menaçait en raison des lettres qu’il avait envoyées pour demander des renseignements sur les causes de la mort de son père. Il a affirmé que ces lettres lui avaient valu d’être arrêté et torturé. À l’appui de sa demande au Conseil des migrations, il a fait valoir qu’il risquait au moins vingt années de réclusion, au cours desquelles il serait torturé. Il a ajouté qu’il avait été menacé et persécuté en raison des lettres qu’il avait adressées au Ministre de la défense en 1998 et au Président les 11 février, 5 mai et 4 décembre 2005 ainsi que le 22 mars 2008 pour demander que la lumière soit faite sur les raisons de la mort de son père. Le 15 décembre 2005, le requérant aurait été arrêté et soumis à des mauvais traitements physiques. Il a affirmé qu’avant sa libération le 4 janvier 2006, il avait dû, sous la contrainte, signer un document dans lequel il déclarait appartenir à un groupe islamiste et s’engager à se présenter chaque semaine à la police. Le requérant a indiqué qu’il n’avait été déclaré coupable d’aucune infraction, mais qu’il était placé sous surveillance policière. Le 20 mars 2008, la police l’aurait convoqué en lui demandant de venir avec son passeport. Comme ce document se trouvait à l’ambassade d’Égypte, il avait promis de l’apporter le 27 mars 2008. Il a ensuite fui le pays. Il a indiqué que, quatre jours après son départ, le passeport de sa femme avait été confisqué.

4.3Le 17 décembre 2009, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile du requérant, au motif que la convocation de la police était de mauvaise qualité et que le texte était illisible. Il lui a semblé étrange que la police adresse une convocation à une personne censée se présenter chaque semaine. Les photos que le requérant avait communiquées pour prouver qu’il avait été torturé ne permettaient pas de tirer des conclusions quant à la nature des blessures ou l’époque à laquelle elles avaient été infligées, d’autant plus qu’aucun élément de preuve médicale n’avait été fourni. Le Conseil des migrations a admis que le requérant avait écrit les lettres au Président, mais a estimé que cet élément ne suffisait pas à lui seul à fonder un risque de persécution. Il a jugé improbable la confiscation du passeport du requérant, la copie de ce document montrant qu’il ne comportait plus aucune page vierge et qu’un renouvellement était nécessaire. Il a trouvé également étonnant que le requérant n’ait cherché à élucider la mort de son père que douze ans, puis dix-neuf ans après cet événement. Il a jugé hasardeuse l’hypothèse de l’assassinat du père par l’armée ou par le régime. Le Conseil des migrations a également estimé peu crédible que deux policiers en civil soient venus en l’absence du requérant, en mai 2005, et que les autorités l’aient cherché au domicile de sa femme. Il a ajouté que le fait que le requérant ait passé du temps dans la zone Schengen sans déposer de demande d’asile montrait qu’il ne ressentait pas le besoin d’être protégé. De plus, il avait passé deux ans en Algérie après les actes de torture allégués. Enfin, le Conseil des migrations a considéré que le requérant ne semblait pas risquer de sanction excessivement sévère pour les lettres qu’il avait envoyées.

4.4Le 16 mars 2010, le Tribunal des migrations a rejeté l’appel formé par le requérant, estimant que celui-ci n’avait pas démontré de manière plausible qu’il avait été convoqué par la police en raison de ses lettres aux autorités, ni qu’il risquait une peine excessivement lourde si ses allégations lui valaient d’être déclaré coupable d’une infraction. Le Tribunal a également tenu compte du fait que le requérant avait pu se rendre sans difficulté en Égypte à plusieurs reprises entre 2006 et 2008 et qu’il avait fait un séjour dans l’espace Schengen en 2007 sans solliciter une protection internationale. Compte tenu des faits de l’espèce, il était peu probable que les autorités algériennes s’intéressent à lui. Pour ce qui est des craintes du requérant qui affirme être en danger pour avoir demandé l’asile à l’étranger, car cela lui vaudra, selon lui, d’être soupçonné d’avoir des liens avec des terroristes islamistes, le Tribunal a considéré qu’il était peu probable qu’il soit exposé à des représailles, puisqu’il disait avoir été contraint de signer un document indiquant qu’il s’était volontairement livré à la police. Cela impliquait qu’il n’avait plus de liens avec de tels groupes. Le 3 juin 2010, la Cour d’appel des migrations lui a refusé l’autorisation de faire appel. Le 23 juin 2010, le Conseil des migrations a décidé de ne pas lui délivrer de permis de séjour et de ne pas ordonner de réexamen de son dossier. Le 8 juillet 2010, la Cour d’appel des migrations a estimé que la lettre de la Première Secrétaire de l’ambassade de Suède à Alger n’avait pas eu d’incidence sur la procédure d’asile et a rejeté la demande que le requérant avait déposée en vue d’obtenir une nouvelle audience.

4.5En ce qui concerne la recevabilité, l’État partie reconnaît que tous les recours internes ont été exercés et dit qu’à sa connaissance, la même affaire n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il fait valoir que le grief du requérant, qui affirme que son renvoi en Algérie risque d’emporter une violation de l’article 3, n’est pas suffisamment étayé aux fins de la recevabilité, que la requête est manifestement mal fondée et qu’elle devrait par conséquent être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention.

4.6Pour ce qui est du fond, l’État partie explique qu’il ne veut pas sous-estimer les inquiétudes qui pourraient légitimement être exprimées à l’égard de la situation actuelle des droits de l’homme en Algérie, compte tenu de la réélection du Président Bouteflika en 2009, de l’absence de procès équitable pour les personnes soupçonnées de terrorisme, de l’absence d’enquête sur les allégations de torture et de mauvais traitements, de la pratique consistant à déclarer recevables des aveux obtenus par la contrainte, et de la façon dont sont dispersées les manifestations malgré la levée de l’état d’urgence en février 2011. Cependant, ces préoccupations ne suffisent pas à établir que le renvoi du requérant en Algérie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le requérant doit prouver qu’il risquerait personnellement d’être soumis à un traitement contraire à l’article premier de cet instrument. À propos du risque personnel d’être torturé qu’encourrait le requérant en cas de renvoi en Algérie, l’État partie fait observer que le Conseil des migrations a pris sa décision à l’issue de deux entretiens avec le requérant et que le Tribunal des migrations l’a également entendu avant de se prononcer. Il relève également que le droit interne contient les mêmes principes que la Convention et que les autorités chargées des questions de migrations, en conséquence, se fondent sur les mêmes critères que le Comité pour déterminer si un requérant court un risque prévisible, réel et personnel. Il souligne par conséquent qu’il convient d’accorder un grand poids à l’appréciation des faits que les services de l’immigration de l’État partie ont faite sur le terrain.

4.7L’État partie relève que la plainte formée par le requérant auprès du Comité se fonde sur les mêmes motifs et éléments de preuve que celle déposée auprès de ses propres autorités. Cependant, le requérant a donné au Comité des indications supplémentaires pour justifier les incohérences de ses allégations. L’État partie fait valoir que plusieurs éléments amènent à douter de la véracité des allégations du requérant. Il relève que l’argument selon lequel celui-ci avait prétendu être séparé de sa femme pour lui éviter d’être harcelée n’avait pas été invoqué auparavant et contredit ses déclarations précédentes, selon lesquelles ils avaient en février 2008 des problèmes conjugaux, qui se sont résolus une fois que le requérant a demandé un visa à la Suède. Il souligne également que l’argument du requérant selon lequel il n’aurait pas été logique de faire remplacer un passeport contenant un permis de séjour en Égypte en cours de validité contredit sa déclaration précédente indiquant que le permis de séjour n’était plus valable puisqu’il avait passé plus de six mois hors d’Égypte. Cette contradiction porte atteinte à la crédibilité du requérant quand il affirme que son passeport a été confisqué par la police. L’État partie fait également observer que les tampons sur le passeport du requérant montrent que celui-ci a pu quitter l’Algérie et y retourner sans difficulté. Il relève que le requérant n’a pas expliqué comment il avait pu quitter le territoire algérien et y entrer à nouveau avant d’avoir, selon ses dires, soudoyé un fonctionnaire pour quitter le pays le 27 mars 2008. De plus, le requérant a reconnu qu’il n’avait été inculpé d’aucune infraction. Si son passeport lui avait été retiré pour l’empêcher de quitter le pays, il semble peu probable qu’il aurait pu sortir du territoire sans attirer l’attention des services de sécurité ou de la police. Plusieurs autres éléments ne sont pas logiques, comme le fait que le requérant soit resté en Algérie après avoir, selon lui, été torturé en 2005; il a eu plusieurs fois l’occasion de quitter le pays, soit pour l’Égypte, pays de résidence de sa mère, pour lequel il disposait d’un permis de séjour, soit pour l’espace Schengen, mais il ne l’a pas fait. En conséquence, l’État partie estime que les raisons avancées pour justifier le fait que le requérant ait attendu mars 2008 pour solliciter une protection et ne l’ait pas fait plus tôt au cours d’un de ses voyages à l’étranger alors qu’il avait, selon lui, été torturé en 2005, ne sont pas crédibles. L’État partie fait par conséquent valoir que le requérant n’a pas réussi à montrer qu’il était probable qu’il ait été torturé par le passé, ni qu’il ait, avant de quitter l’Algérie, suscité subitement un tel intérêt chez les autorités qu’il risquait d’être torturé avant son départ ou en cas de retour.

4.8L’État partie, en outre, relève que si l’on peut considérer que le requérant a bel et bien envoyé les lettres en question au Président et au Ministre de la défense, et si des rapports internationaux sur les droits de l’homme font état du cas de personnes emprisonnées pour diffamation en 2008 et 2009 pendant des périodes pouvant aller jusqu’à six mois, les lettres envoyées en 2005 n’ont donné lieu à aucune poursuite et il est par conséquent peu plausible que sa lettre du 22 mars 2008 l’expose à un tel risque. Cette lettre ne s’accompagne d’aucun accusé de réception et aucune information n’indique qu’elle ait donné lieu à des poursuites.

4.9L’État partie reconnaît que le fait de quitter l’Algérie illégalement, en ayant recours à de faux documents ou sans passer par un poste frontière officiel, est une infraction prévue par la loi. Cependant, les faits indiquent que le requérant a quitté l’Algérie par un poste frontière normal et a présenté un vrai passeport; par conséquent, rien ne permet de penser qu’il pourrait être sanctionné pour une telle infraction.

4.10D’après les renseignements disponibles à l’époque de la réponse de l’État partie, le rejet d’une demande d’asile n’est pas censé en soi avoir des répercussions sur un renvoi en Algérie. Bien que certaines informations donnent à penser que les personnes regagnant ce pays après le rejet d’une demande d’asile risquent d’être soupçonnées par les autorités algériennes d’être liées à des actes terroristes, cela concerne celles à qui l’asile a été refusé au nom de la sécurité nationale. Ce n’est pas le cas du requérant. Rien ne prouve que des personnes qui ont été absentes du territoire algérien pendant une certaine période ou qui y retournent après le rejet d’une demande d’asile risquent d’être torturées. De plus, rien n’indique que les autorités algériennes seraient au courant de la demande d’asile du requérant et du rejet de cette demande, et lors de ses précédents retours, le requérant n’a pas rencontré de difficulté, bien qu’il dise avoir signé une déclaration indiquant qu’il avait fait partie d’un groupe islamiste.

4.11Enfin, l’État partie fait observer que les actes de torture décrits, s’ils ont réellement été commis, remontent à plus de cinq ans; avant de quitter l’Algérie pour de bon, le requérant avait pu vivre dans ce pays pendant plus de deux ans après les faits de torture allégués et avait également pu en sortir et y retourner sans difficulté. L’État partie souligne qu’il n’existe guère d’éléments permettant de penser que les autorités algériennes continueraient à s’intéresser au requérant. En conséquence, l’État partie fait valoir que les circonstances et les éléments de preuve mis en avant par le requérant ne satisfont pas aux critères nécessaires pour établir que le risque de torture invoqué dans cette affaire est prévisible, réel et personnel. Il ajoute que le grief de violation de l’article 3 est manifestement mal fondé.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 3 mai 2011, le requérant a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie, relevant que celui-ci n’avait pas abordé la question de la lettre de la Première Secrétaire de l’ambassade de Suède à Alger, qui devrait lui donner le droit d’obtenir un réexamen de son dossier par les tribunaux suédois, notamment dans la mesure où les principes d’indépendance et d’impartialité n’ont pas été respectés. Il souligne que l’intervention de la Première Secrétaire est la conséquence de l’insistance avec laquelle il avait demandé que lui soient retournés les documents originaux qu’il avait soumis pour sa première demande de visa, après que celle-ci eut été refusée le 18 juin 2007. Il fait observer que les commentaires de la Première Secrétaire sur son caractère, le ton insultant de la lettre et les préjugés exprimés dans ce courrier ont influé sur la décision du Conseil des migrations. Le requérant relève également que l’État partie n’a pas expliqué pourquoi le responsable du Conseil des migrations qui l’avait interrogé n’était pas la personne qui avait pris la décision.

5.2Le requérant souligne à nouveau que la situation en Algérie n’est pas stable, compte tenu notamment des événements liés aux soulèvements qu’ont connus d’autres pays arabes. Il qu’il a dû signer un document dans lequel il déclarait appartenir à un groupe islamique et que, dans les lettres adressées au Président, il dénonçait la participation de l’armée à des massacres de civils, l’assassinat du Président Boudiaf par le Département du renseignement et de la sécurité ainsi que l’implication de ce dernier dans les attentats du RER à Paris.

5.3Le requérant, de plus, souligne que les photos prouvent qu’il a subi des mauvais traitements; il fait valoir qu’il n’a pas pu se procurer de certificat médical en raison des menaces dont il avait fait l’objet, en particulier parce que ce certificat aurait dû être délivré par un médecin légiste travaillant pour un hôpital public, ce qui signifie que la police, qui dispose d’un poste dans tout établissement hospitalier public, aurait été informée de sa visite.

5.4Pour ce qui est de la confiscation de son passeport, le requérant souligne que le dernier tampon apposé sur ce document datait de novembre 2005, soit un mois avant la saisie, et qu’en cas de renouvellement celui-ci serait survenu dans le délai légal d’un mois. Or, le requérant a obtenu son nouveau passeport le 5 juin 2006, soit six mois après la confiscation. Le requérant ajoute qu’il a attendu très longtemps avant de quitter le pays, le 24 août 2007, parce qu’il craignait que les autorités ne découvrent son nouveau passeport et ne l’arrêtent.

5.5En ce qui concerne sa liberté de circulation, le requérant explique que le Département du renseignement et de la sécurité ne pouvait pas porter d’accusation contre lui et a pensé qu’une fois privé de passeport, il serait bloqué en Algérie. Étant donné que les autorités ne savaient pas qu’il avait un nouveau passeport, et comme il n’était pas recherché et voyageait de façon discrète, il a pu se déplacer librement, sans éveiller les soupçons. Le requérant souligne une fois de plus qu’au cours de son premier séjour dans l’espace Schengen, il ne se sentait pas en danger, comme il n’avait pas encore reçu des services de police la convocation du 20 mars 2008.

6.Le 10 mai 2011, le requérant a informé le Comité que la procédure de renvoi en Algérie le concernant avait débuté. Le 20 juillet 2011, il a fait savoir au Comité que, craignant d’être expulsé vers l’Algérie, il avait volontairement quitté la Suède pour l’Égypte le 13 juillet 2011.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans unerequête, le Comité contre la torture doit déterminer si celle-ci est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune requête d’un particulier sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note que l’État partie a reconnu en l’espèce que les recours internes avaient été épuisés.

7.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la requête devrait être déclarée irrecevable au motif qu’elle est manifestement mal fondée. Il relève que le requérant a volontairement quitté l’État partie pour l’Égypte le 13 juillet 2011 et conclut qu’avec ce départ la requête dont il est saisi n’a plus d’objet et est de ce fait devenue incompatible avec les dispositions de la Convention, conformément au paragraphe 2 de l’article 22, puisque le requérant ne risque plus d’être renvoyé en Algérie par l’État partie.

8.En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a)Que la requête est irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention;

b)Que la présente décision sera communiquée au requérant et à l’État partie.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]