Nations Unies

CCPR/C/DZA/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 août 2018

Original : français

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique de l’Algérie (CCPR/C/DZA/4) à ses 3494e et 3495e séances (voir CCPR/C/SR.3494 et 3495), les 4 et 5 juillet 2018. À sa 3517e séance, le 20 juillet 2018, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport de l’Algérie, bien qu’il ait été soumis avec six années de retard (CCPR/C/DZA/4) et les renseignements qu’il contient. Le Comité apprécie l’occasion qui lui a été offerte d’engager un dialogue avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises par celui-ci pour donner effet aux dispositions du Pacte. Il prend note des informations complémentaires apportées par l’État partie par écrit en réponse à la liste des points à traiter et remercie l’État partie pour les réponses données oralement par sa délégation.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après:

a)La loi no 08-09 du 25 février 2008 abrogeant la contrainte par corps en matière civile pour non-exécution d’une obligation contractuelle;

b)L’ordonnance no 11-01 du 23 février 2011 portant levée de l’état d’urgence;

c)L’adoption des lois organiques no 12-03, fixant les modalités augmentant les chances d’accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues, et no 12-04, relative aux partis politiques, du 12 janvier 2012, consacrant le principe de quota, de 20 à 50 % du nombre de sièges réservés aux femmes dans les assemblées élues;

d)L’adoption de l’ordonnance no 15-02 du 23 juillet 2015 apportant un certain nombre de modifications positives au Code de procédure pénale;

e)L’adoption de la loi no 15-12 du 15 juillet 2015 relative à la protection de l’enfant ;

f)La révision de la Constitution de 2016 dont certaines dispositions renforcent un certain nombre de droits reconnus par le Pacte.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré au Protocole facultatif à la Convention sur les droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés le 6 mai 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte dans l’ordre juridique interne

5.Le Comité prend note de ce que l’article 150 de la Constitution dispose que les traités ont une autorité supérieure à celle des lois. Il s’inquiète toutefois qu’en pratique les dispositions du Pacte ne disposent pas toujours d’une position de primauté sur les lois nationales. Tout en prenant note des efforts de l’État partie aux fins de faire connaître les dispositions du Pacte, il réitère ses préoccupations et regrette le faible nombre ainsi que la concentration géographique des cas fournis, principalement du tribunal de Constantine, dans lesquels les dispositions du Pacte ont été invoquées devant les tribunaux ou appliquées par ces derniers (art. 2).

6. L’État partie devrait prendre des mesures pour s’assurer de la primauté des dispositions du Pacte sur les lois nationales et donner ainsi plein effet aux droits reconnus dans le Pacte. Il devrait également prendre des mesures pour mieux faire connaître le Pacte et le Protocole facultatif s’y rapportant auprès des juges, des procureurs et des avocats afin de garantir que ses dispositions sont davantage prises en compte et appliquées par les tribunaux nationaux.

Constatations adoptées au titre du Protocole facultatif

7.Le Comité exprime ses préoccupations quant à la position de principe de l’État partie relative aux constatations du Comité adoptées au titre du Protocole facultatif. Il s’inquiète de ce qu’en dépit de ses demandes répétées l’État partie continue de faire systématiquement référence au document général type, dit « aide-mémoire », sans répondre aux allégations soumises par les auteurs pour toutes les affaires couvrant la période de 1993 à 1998, et parfois même en dehors de cette période. Il remercie l’État partie pour les informations complémentaires fournies par écrit quant au suivi de certaines constatations, mais souligne toutefois qu’il attend des informations plus circonstanciées sur chaque cas, en particulier sur les enquêtes et les poursuites pénales menées relatives aux violations constatées par le Comité. Il regrette toutefois le large nombre de constatations du Comité qui ne sont pas mises en œuvre et qui font toujours l’objet d’une procédure de suivi (voir les rapports de suivi CCPR/C/122, CCPR/C/115/3, CCPR/C/108/3, CCPR/C/101/3 et CCPR/C/100/3). Il prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel les auteurs de communications ne sont pas dispensés d’épuiser les voies de recours internes en dépit de l’article 45 de l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006, mais rappelle qu’il lui appartient de déterminer au cas par cas si les conditions du paragraphe 2) b) de l’article 5du Protocole facultatif ont été remplies. Le Comité exprime enfin ses fortes préoccupations quant aux allégations de harcèlement policier et judiciaire ou de représailles à l’encontre des plaignants et de leurs familles (art. 2).

8. Rappelant son observation générale n o 33 (2008) sur les obligations des États parties en vertu du Protocole facultatif, le Comité invite de ma nière urgente l’État partie à :

a) C oopérer de bonne foi avec le Comité dans le cadre de la procédure de communications individuelles en cessant de se référer à l’« aide-mémoire » et en répondant de manière individuelle et spécifique aux allégations de s auteurs de communication ;

b) P rendre toutes les mesures qui s’imposent pour mettre en place des procédures voulues en vue de donner pleinement effet aux constatations du Comité de façon à garantir un recours utile en cas de violation du Pacte, conformément au paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte . Rappelant les Principes directeurs relatifs à la lutte contre l’intimidation ou les représailles (Principes directeurs de San José), le Comité invite de ma nière urgente l’État partie à : a) garantir l’absence de toute forme d’intimidation ou de représailles contre des individus qu i coopèrent avec le Comité ; et b) à abandonner les charges, remettre en liberté et indemniser les individus qui seraient poursuivis, directement ou sur la base d’autres charges, pour avoir coopéré avec le Comité.

Dévolution de compétences dans les camps de Tindouf

9.Le Comité prend note des explications de la délégation de l’État partie selon lesquelles il appartient aux réfugiés sahraouis d’organiser leur propre fonctionnement dans les camps de Tindouf. Il exprime toutefois ses préoccupations quant à la dévolution de facto de ses pouvoirs, notamment juridictionnels,au Front Polisario et de ce qu’une telle position est contraire aux obligations de l’État partie selon lesquelles il doit respecter et garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire les droits reconnus dans le Pacte. Il s’inquiète des allégations selon lesquelles les victimes de violations des dispositions du Pacte dans les camps de Tindouf ne disposent pas de ce fait d’un recours utile devant les tribunaux de l’État partie (art. 2).

10. L’État partie devrait, conformément à ses obligations tirées de l’article 2 , paragraphe 1, du Pacte, assurer la liberté et la sécurité des personnes ainsi que l’accès à des recours effectifs à toute personne se trouvant sur son territoire, y compris dans les camps de Tindouf, alléguant avoir fait l’objet d’une violation des dispositions du Pacte.

Charte pour la paix et réconciliation nationale, impunité et recours effectif

11.Le Comité prend note des difficiles circonstances, au cours du conflit des années 1990, dans lesquelles a dû vivre la population algérienne et de l’adoption d’une stratégie de paix et de réconciliation à la suite de ces événements. Il réitère toutefois ses profondes préoccupations, maintes fois exprimées, notamment dans le cadre de ses constatations, quant à l’article 45 de l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006, mettant en œuvre la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui éteint tout recours efficace et disponible pour les victimes de violations des dispositions du Pacte commis par les agents responsables de l’application de la loi, y compris les forces armées et les services de sécurité, et qui favorise l’impunité. Il réitère donc ses préoccupations quant aux nombreuses et graves violations qui auraient été commises et qui n’ont fait à ce jour l’objet d’aucune poursuite ni de condamnation (art. 2).

12. L’État partie devrait entreprendre toutes les dé marches possibles aux fins de : a) s’assurer que l’article 45 de l’ordonnance n o 06-01 n’entrave pas le droit à un recours effectif, conformément à l’article 2 du Pacte, et amender ledit article pour préciser sa non-application aux graves violations des droits de l’homme telles que la torture, le meurtre, la dispa rition forcée et l’enlèvement ; b) garantir que les allégations de graves violations des droits de l’homme portées à sa connaissance, telles que les massacres, les tortures, les viols et les disparitions, commises par les agents responsables de l’application de la loi e t les membres des groupes armés , font l’objet d’enquêtes, de poursuites et de condamnations ; et c) s’assurer qu’aucun responsable de grave violation des droits de l’homme ne se voit accorder une grâce, une commutation ou une remise de peine , ou une extinction de l’action publique.

13.Le Comité prend note des informations de la délégation selon lesquelles les condamnations sur la base de l’article 46 de l’ordonnance no 06-01 seraient extrêmement rares sinon inexistantes. Il réitère toutefois ses inquiétudes sur le fait que ledit article prévoit un emprisonnement et une amende pour toute personne qui, en outre, porte atteinte aux institutions de l’État partie, nuit à l’honorabilité de ses agents ou ternit l’image de l’État partie sur le plan international. Il relève également avec inquiétude les allégations d’utilisation ou de menaces d’utilisation dudit article et souligne l’effet menaçant ainsi que le climat d’autocensure induit par une telle disposition (art. 2 et 19).

14. L’État partie devrait abroger l’article 46 de l’ordonnance n o 06-01 qui porte atteinte à la liberté d’expression et au droit de toute personne d’avoir accès à un recours effectif contre des violations des droits de l’homme, tant au niveau national qu’au niveau international. Il devrait également s’assurer de l’absence de poursuites ou de menaces de poursuites sur la base de l’article 46 de l’ordonnance n o 06-01.

Conseil national des droits de l’homme

15.Le Comité prend note de l’information selon laquelle l’établissement du Conseil national des droits de l’homme, opérationnel depuis le 9 mars 2017, est désormais prévu par la Constitution et serait indépendant. Il prend note du statut B octroyé par le Sous-Comité d’accréditation de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme au Conseil national des droits de l’homme et exprime toutefois ses préoccupations quant aux allégations de non-indépendance de ses membres (art. 2).

16. L’État partie devrait prendre toutes les mesures aux fins d’assurer la mise en conformité du Conseil national des droits de l’homme avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il devrait en particulier assurer un processus de sélection et de nomination des membres du Conseil transparent et pleinement indépendant , et doter l e Conseil des ressources et des capacités suffisantes ainsi que d’une pleine autonomie et liberté lui permettant d’accomplir avec efficacité son mandat.

Lutte contre le terrorisme

17.Le Comité reconnaît les exigences liées à la lutte contre le terrorisme mais réitère ses préoccupations quant à l’article 87 bis du Code pénal retenant une définition du crime de terrorisme trop large et peu précise, permettant la poursuite de comportements qui pouvent relever de la pratique de l’exercice de la liberté d’expression ou de rassemblement pacifique. Il s’inquiète également des allégations faisant état de l’utilisation indue des dispositions anti-terroristes à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme ou de journalistes. Il exprime également ses préoccupations quant à l’article 51 bis du Code de procédure pénale permettant la reconduite de la période de garde à vue de 48 heures jusqu’à cinq fois et quant aux allégations selon lesquelles les personnes détenues dans ce cadre ne pourraient avoir accès à un avocat qu’à mi-parcours de leur garde à vue (art. 2, 9 et 19).

18.L’État partie devrait réviser l’article 87 bis du C ode pénal aux fins de définir avec précision les actes de terrorisme et s’assurer que les dispositions en lien avec la lutte contre le terrorisme ne sont pas utilisées pour limiter les droits consacrés par le Pacte, en particulier à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Il devrait également réduire la durée initiale de la garde à vue à 48 heures au maximum, y compris pour les affaires liées au terrorisme, et permettre aux personnes détenues d’avoir accès à un avocat dès le début de la détention.

Lutte contre la discrimination

19.Le Comité prend note des explications fournies par la délégation selon lesquelles la Constitution garantit l’interdiction de la discrimination et soulignant le caractère non communautariste de la société algérienne. Tout en prenant note des articles 295 bis 1 et 295 bis2 du Code pénal, le Comité demeure préoccupé par le fait que la définition retenue de la discrimination n’inclut pas des motifs de discrimination tels que la langue, les croyances religieuses, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et regrette que la législation actuelle n’offre pas aux victimes des recours civils et administratifs efficaces. Il exprime également ses préoccupations quant aux allégations faisant état d’actes de discrimination, de stigmatisation et de discours haineux à l’encontre des populations migrantes, des demandeurs d’asile et des populations amazighes. Le Comité réitère enfin ses préoccupations quant aux actes de discrimination et de stigmatisation à l’encontre des populations lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, et déplore que l’article 338 du Code pénal criminalise toujours les activités sexuelles privées entre personnes adultes et consentantes de même sexe (art. 2, 19, 20 et 26).

20. L’État partie devrait:

a) A dopter une législation civile et administrative complète sur la discrimination incluant une définition de la discrimination, directe et indirecte, y compris dans la sphère privée, comportant une liste non exhaustive des motifs de discrimination y compris inter alia la langue, les croyances religieuses, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ;

b) C onformément aux article s 19 et 20 du Pacte et à l’ o b servation générale n o 34 (2011) sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression, s’efforcer de lutter contre les discours de haine prononcés par des personnes publi que s ou privées, y compris sur les réseaux sociaux et sur I nternet ;

c) A broger l’article 338 du C ode pénal afin de décriminaliser les relations sexuelles entre adultes consentant s d e même sexe ;

d) R emettre en liberté toute personne se trouvant en détention sur la base de l’article 338 du C ode pénal.

Discrimination et égalité entre les hommes et les femmes

21.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts menés par l’État partie aux fins d’assurer une meilleure représentation des femmes dans la vie politique et publique. Il s’inquiète toutefois de ce que, en pratique et en dépit de ces efforts, la représentation des femmes demeure insatisfaisante aux fins d’assurer une parité et de ce que la part de femmes dans la population active demeure insatisfaisante. Le Comité salue la consécration du principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans la Constitution mais exprime toutefois ses préoccupations quant au maintien de nombreuses dispositions discriminatoires à l’encontre des femmes en matière de droit de la famille (art. 2, 3, 25 et 26).

22. L’État partie devrait:

a) P oursuivre ses efforts aux fins d’assurer une représentation paritaire de s femme s dans la vie politique et publique , et parmi la population active ;

b) A broger ou modifier les dispositions discriminatoires dans le cadre du droit de la famille envers les femmes aux fins de donner plein effet au principe d’égalité consacré par la Constitution et par le Pacte .

Violence à l’égard des femmes

23.Le Comité prend note des mesures introduites dans le Code pénal criminalisant certaines formes de violences domestiques mais demeure toutefois préoccupé par le caractère encore prévalent et accepté par la société de la violence à l’égard des femmes. Il s’inquiète du faible taux de signalement et de poursuite des auteurs de violence en raison notamment du risque de stigmatisation, de l’insuffisance de centres d’accueil et des mesures de protection, et du fait que les victimes méconnaissent leurs droits. Tout en prenant note des explications de la délégation relatives aux clauses de pardon qui ne seraient applicables que dans le cadre de délits, il demeure préoccupé par les allégations faisant état de l’utilisation desdites clauses par certains tribunaux, y compris dans le cadre de crimes, et par la pression sociale imposée aux victimes, lesquelles sont encouragées à accorder leur pardon plutôt qu’à porter plainte. Il exprime également ses préoccupations quant à l’article 326 du Code pénal selon lequel toute personne qui kidnappe sans violence ou menace une fille âgée de moins de 19 ans échappe aux poursuites en cas de mariage avec la victime et d’absence de plainte de la famille de cette dernière. Le Comité s’inquiète également de ce que, si le viol est incriminé par le Code pénal, ce dernier n’est en revanche pas défini, ce qui laisse une grande latitude aux juridictions pour accepter ou pour refuser la qualification. Il regrette enfin l’absence d’informations sur les mesures destinées à mettre en œuvre le décret no 14-26 du 1er février 2014 sur l’indemnisation des femmes victimes de viols commis par un terroriste ou groupe de terroristes au cours des années 1990 (art. 3, 6, 7 et 17 du Pacte).

24. L’État partie devrait poursuivre et intensifier ses efforts pour prévenir et pour combattre les actes de violences à l’égard des femmes , notamment en renforçant les institutions chargées d’appliquer le cadre législatif en vigueur, en les dotant des ressources nécessaires et en renforçant les actions de sensibilisation sur l’ensemble de son territoire et en proposant des activités de formation des agents de l’État, en particulier des juges, des procureurs, des policiers et du personnel médical et paramédical, de sorte qu’ils puissent réagir efficacement à toutes les formes de violences domestiques. Il devrait également: a) abolir les clauses de pardon pour toutes formes de violences domestiques, y compris celles qualifiées de délit , ainsi que l’article 326 du C ode pénal ; b) accro î tre et renforcer les services des structures d’accueil et les dispositifs de prise en charge des victimes; c) faciliter le dépôt de plaintes pour violences et veiller à ce que l’ensemble des cas fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites rigoureuses; d) réviser les dispositions de son C ode pénal aux fins d’introduire une définition complète du viol; et e) s’assurer que l’ensemble des victimes de viols commis dans les années 19 90 bénéficient de l’indemnisation prévue par le décret n o 14-26 du 1 er février 2014.

Interruption volontaire de grossesse

25.Le Comité s’inquiète des informations faisant état chaque année d’un nombre important d’avortements non sécurisés, notamment du fait de la sévérité des conditions d’autorisation de l’avortement prévues à l’article 308 du Code pénal qui autorise ce dernier uniquement lorsque la la vie de la mère est en danger. Il s’inquiète également de la sévérité des peines prévues à l’article 309 du Code pénal à l’encontre des femmes recourant à l’avortement en dehors des situations limitatives autorisées. Il s’inquiète également, à cet égard, des informations faisant état de grandes disparités sociales, les femmes les plus démunies n’ayant pour recours unique que l’avortement non sécurisé, dans des conditions qui mettent leur vie et leur santé en danger (art. 3, 6, 7, 17, 24 et 26).

26. L’État partie devrait, dans l’attente d’une décriminalisation de l’avortement, modifier sa législation en vue de garantir un accès sécurisé, légal et effectif à l’avortement également lorsque la vie et la santé de la femme ou de la fille sont en danger et lorsque le fait de mener la grossesse à terme causerait pour la femme ou pour la fille une douleur ou une souffrance considérable, tout particulièrement lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste , ou n’est pas viable. Il devrait également s’assurer que les femmes et les filles ayant recours à l’avortement ainsi que les médecins qui les aident ne f ont pas l’objet de sanctions pénales, étant donné que de telles sanctions contraignent les femmes et les filles à recourir à l’avortement non sécurisé. L’État partie devrait en outre mettre en œuvre des politiques de sensibilisation afin de lutter contre la stigmatisation des femmes et des filles qui souhaitent avorter , et veiller à ce qu’elles aient accès à la contraception et à des services de santé procréative adaptés et d’un prix abordable.

Peine de mort

27.Le Comité prend note de ce qu’un moratoire de facto est observé depuis 1993 par l’État partie. Il s’inquiète toutefois du grand nombre de crimes, parmi lesquels certains n’entrent pas dans la catégorie des crimes les plus graves, impliquant des meurtres intentionnels, pour lesquels la peine de mort continue d’être prévue, et déplore l’insertion en 2013 de l’article 293 bis du Code pénal, incluant un nouveau crime passible de la peine de mort. Tout en notant les explications selon lesquelles la peine de mort serait prononcée dans le cadre de condamnations par contumace, le Comité est préoccupé par le nombre important de condamnations qui continuent d’être prononcées chaque année et de ce que lesdites peines ne sont pas automatiquement commuées (art. 6 et 7).

28. L’État partie devrait envisager d’entamer un processus politique et législatif visant à abolir la peine de mort , et mettre en place des mesures de sensibilisation de l’opinion publique et des campagnes en faveur de cette aboli tion. Il devrait par ailleurs: a) s’abstenir d’introduire de nouveaux crime s passibles de la peine de mort ; b) réviser la législation se rapportant aux condamnations à la peine de mort par contumace et commuer les peines des détenus actuellement dans le couloir de la mort ; et c) entreprendre les étapes nécessaires en vue de l’adhésion au D euxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.

Disparitions forcées

29.Le Comité demeure préoccupé par l’ampleur du phénomène des disparitions forcées dans l’État partie dans le cadre du conflit des années 1990. Il déplore en particulier l’absence de recours efficace pour les personnes disparues et/ou leurs familles et l’absence de mesures prises en vue de faire la lumière sur les personnes disparues, de les localiser et, en cas de décès, de restituer leurs dépouilles aux familles. Il réitère ses préoccupations quant à l’article 3 du décret présidentiel no 06-93 du 28 février 2006 relatif à l’indemnisation des victimes de la tragédie nationale, conditionnant l’octroi des indemnités attribuées aux familles des personnes disparues à la reconnaissance du décès de ces dernières. Il regrette le peu ou l’absence d’informations fournies par l’État partie sur : a) les mesures entreprises pour identifier les corps dans le grand nombre de tombes sous X ; b) les allégations de découvertes de fosses communes sans aucune réaction des autorités publiques ; et c) les travaux de la Commission nationale ad hoc sur les disparus. Le Comité s’inquiète également des informations faisant état de cas récents de disparitions forcées et regrette l’absence d’informations sur les mesures prises pour garantir leur non-répétition (art. 2, 6, 7, 9 et 16).

30. L’État partie devrait pr endre toutes les mesures pour : a) garantir aux personnes disparu e s ainsi qu’à leur famille un recours utile, y compris aux familles ayant déclaré le décès de leur proche aux fins de bénéfi cier de l’octroi d’indemnités ; b) garantir la mise en œuvre d’enquêtes efficaces et indépendantes sur toute all égation de disparition forcée ; c) garantir aux familles de victimes l’accès à la vérité , notamment en organisant l’exhumation des tombes sous X et des fosses communes , et en procédant à l’identification des restes par des procédés scientif ique s , y compris l’analyse d’ ADN ; d) garantir le droit à réparation intégra le de l’ensemble des victimes ; e) mettre en œuvre des garanties de non-répétition de disparitions forcées ; et f) mettre en œuvre les constatations adoptées en la matière par le Comité au titre du Protocole facultatif, fournir toute information utile en vue de l’élucidation des cas pendant s devant le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et concrétiser au plus tôt l’invitation adressée en décembre 2013 par l’ É tat partie au Groupe de travail à venir effectuer u ne visite sur son territoire. Il devrait également entreprendre toutes les démarches aux fins de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, un instrument qu’il a signé en 2007.

Interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants

31.Le Comité prend note des explications de la délégation selon lesquelles, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prévalant sur les lois nationales, la définition retenue par ledit instrument est directement applicable par les tribunaux algériens. Il s’inquiète toutefois de ce que la définition retenue par l’article 263 bis du Code pénal demeure incomplète et non conforme aux dispositions du Pacte et aux autres normes internationales. Il regrette également que l’utilisation des aveux obtenus sous la torture ne soit pas expressément prohibée par la loi et demeure à la discrétion des magistrats (art. 7 et 14).

32. L’État partie devrait mettre à jour son cadre législatif de lutte contre la torture pour que la définition du crime de torture soit pleinement conforme aux dispositions du Pacte et aux normes internationales acceptées , pour garantir l’interdiction des aveux forcés et pour déclarer l’irrecevabilité des éléments de preuve entachés de torture devant toutes les juridictions.

33.Le Comité prend note des affirmations de la délégation selon lesquelles la pratique de la torture par des agents responsables de l’application de la loi serait désormais un phénomène résiduel, mais demeure préoccupé par les allégations faisant état de tortures et de mauvais traitements qui continueraient d’être pratiqués en particulier par les agents du Département de surveillance et de sécurité, et notamment dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Il s’inquiète de ce que lesdits agents échapperaient en pratique au contrôle du procureur de la République tout en bénéficiant des prérogatives de la police judiciaire. Il s’inquiète du faible nombre de poursuites et de sanctions à l’égard des agents coupables d’actes de torture et de mauvais traitements, et de ce que l’article 45 de l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006, quoique applicable pour une période passée, favorise de facto jusqu’à aujourd’hui un climat d’impunité pour les agents responsables de l’application de la loi (art. 7).

34. L’État partie devrait :

a) P oursuivre ses efforts en vue d’éradiquer la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) S ’assurer que les cas présumés de torture et de mauvais traitements commis par les agents responsables de l’application de la loi , y compris les agents du Département de s urveillance et de s écurité, f on t l’objet d’une enquête approfondie, et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et à ce que les victimes obtiennent réparation et notamment se voient proposer d es mesures de réa daptation ;

c) M ettre en place un mécanisme national de prévention de la torture.

Détentions arbitraires, gardes à vue et détentions provisoires

35.Tout en notant les affirmations de la délégation selon lesquelles il n’existerait aucun lieu de détention au secret sur le territoire de l’État partie, le Comité demeure préoccupé par les informations documentées faisant état de tels centres. Il s’inquiète également des cas de détentions arbitraires ne semblant faire l’objet d’enquêtes ou de poursuites et déplore l’absence d’informations quant aux cas individuels de Djameleddine Laskri, en détention depuis 24 années, et de Ali Attar, détenu sans mandat d’arrêt depuis février 2015. Le Comité s’inquiète également : a) des informations faisant état d’un usage systématique de l’article 51 bis du Code pénal, même à l’égard de détenus pour d’autres crimes que le crime de terrorisme ; b) du fait que la consultation du détenu avec son avocat a lieu sous la surveillance d’un agent de police judiciaire ; et c) de la proportion encore importante des détenus provisoires (art. 7 et 9).

36. L’État partie devrait mettre sa législation et sa pratique en conformité avec l’article 9 du Pacte, compte tenu de l’observation générale n o 35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne. Il devrait notamment :

a) S ’assurer de la surveillance effective, par des magistrats, de tous les lieux de détention ;

b) S ’assurer de la libération inconditionnelle de toute personne détenue de manière arbitraire et ouvrir des enquêtes efficaces et indépendantes sur toute allégation d’arrestation arbitraire ;

c) V eiller à ce que la période de garde à vue ne dépasse pas 48 heures, et ce , dans tous les cas ;

d) G arantir l’accès libre et non surveillé à un avocat pour tout détenu ;

e) D évelopper des mesures non privatives de liberté de substitution à la détention avant jugement.

Réfugiés, demandeurs d’asile et migrants

37.Le Comité prend note des affirmations de la délégation soulignant la tradition de terre d’accueil de l’État partie et accueille favorablement l’information selon laquelle un projet de loi d’asile est en cours d’élaboration. Il s’inquiète toutefois de ce que le cadre juridique actuel relatif aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, constitué de l’unique décret no 63-274 du 25 juillet 1963 fixant les modalités d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ne réponde pas en l’état aux obligations de l’État partie tirées du Pacte. Il s’inquiète en particulier des allégations faisant état d’arrestations collectives de migrants, parmi lesquels des demandeurs d’asile et des détenteurs de carte de réfugiés fournies par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de détentions administratives et d’expulsions collectives, et ce, sans aucune procédure. Il s’inquiète en particulier des allégations récentes faisant état du fait que 13 000 personnes auraient été renvoyées collectivement vers le Niger et auraient été abandonnées dans le désert, parmi lesquelles des femmes enceintes et des enfants (art. 7, 9, 10 et 13).

38.L’État partie devrait entreprendre toutes les mesures afin d’adopter dans les meilleurs délais une loi d’asile, conforme au Pacte et aux normes internationales, protégeant les demandeurs d’asile et les réfugiés, en particulier eu égard aux procédures d’admission et de demande d’asile et d’appel. Il devrait également  : a) s’abstenir de toute arrestation collective de m igrants et de demandeurs d’asile ; b) éviter de placer les migrants et les demandeurs d’asile en détention de manière arbitraire , et veiller à ce qu e ces derniers aient accès à un avocat et à l’information relative à leurs droits ; c) s’abstenir catégoriquement de toute expulsion collective de migrants et de demandeurs d’asile, a fortiori dans des conditions inhumaines et dégradantes ; et d) assurer la mise en œuvre de programmes de formation sur le Pacte, sur les normes internationales relatives à l’asile et aux réfugiés et sur les normes relatives aux droits de l’homme à l’intention des agents de l’immigration et du contrôle des frontières.

Indépendance de la magistrature et réforme de la justice

39.Le Comité accueille favorablement les efforts de l’État partie en matière de réforme et de modernisation de la justice. Il note toutefois avec préoccupation l’insuffisance des garanties d’indépendance du pouvoir judiciaire et le rôle prééminent du pouvoir exécutif dans son organisation. Il s’inquiète de ce que, selon la loi organique no 04-11 du 6 septembre 2004 portant statut de la magistrature : a) les magistrats les plus importants de l’ordre judiciaire sont nommés par décret présidentiel seul ; b) les magistrats sont nommés par décret présidentiel sur proposition du Ministre de la justice après délibération du Conseil supérieur de la magistrature ; c) le droit à la stabilité des magistrats du siège n’est garanti qu’après 10 ans d’exercice ; d) les magistrats du parquet sont entièrement soumis au Ministre de la justice et peuvent être mutés par celui-ci ; et e) les révocations et les mises à la retraite d’office sont prononcées par décrets présidentiels et toute autre sanction par le Ministre de la justice. Il est également préoccupé par des allégations faisant état d’ingérence extérieure dans les décisions des magistrats du siège et du parquet ainsi que par les allégations faisant état de mises en retraite collectives et massives de magistrats (art. 14).

40. Eu égard au processus de réforme de la justice entrepris par l’État partie, ce dernier devrait revoir la loi n o 04-11 du 6 septembre 2014 aux fins : a) de garantir la nomination indépendante des magistrats du siège et du parquet sur la base de critères objectifs et transparents permettant d’apprécier les qualités des candidats, conformément aux exigences d’aptitude, de compétence et de respectabilité ; b) de renforcer les pouvoirs et l’indépendance du Conse il s upérieur de la m agistrature , en particulier en matière d’appréciation du mérite des magistrats, de sanctions, de révocations et de mises à la retraite ; et c) de garantir la stabilité des magistrats, l’ indépendance des magistrats du siège et l’ autonomie des magistrats du parquet , en préservant le fonctionnement du pouvoir judiciaire de toute ingérence extérieure.

Liberté de religion

41.Le Comité réitère ses préoccupations quant à l’article 11 de l’ordonnance no 06-03 du 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulmans, criminalisant certaines activités qui pourraient mener des individus à l’apostasie de la foi musulmane. Tout en prenant note des explications de la délégation quant aux destructions de certaines mosquées et aux arrestations de personnes en possession de bibles, le Comité demeure préoccupé par les rapports faisant état de fermeture d’églises ou d’institutions évangéliques ainsi que de restrictions diverses à l’égard de l’exercice de culte des personnes ahmadies. Il exprime également ses préoccupations quant aux allégations d’attaques, d’actes d’intimidation et d’arrestations à l’encontre de personnes n’observant pas le jeûne du ramadan (art. 18 et 19).

42. L’État partie devrait:

a) É liminer toute disposition législative qui viole la liberté de pensée, de conscience et de religion ;

b) S ’abstenir d’entraver le cu lte de personnes n’observant pas la religion officielle , notamment par le biais de destructions et de fermetures d’établissements ou de refus d’octrois d’enregistrement de mouvements religieux non motivés par des exigences de nécessité et de proportionnalité;

c) G arantir à tous, y compris aux personnes athées et en situation d’apostasie de leur foi musulmane, le plein exercice de leur liberté de pensée, de conscience et de religion.

Liberté d’expression

43.Le Comité est préoccupé par la loi organique no 12-05 du 12 janvier 2012 relative à l’information selon laquelle les activités liées à l’information doivent s’exercer dans le cadre de normes de référence extrêmement diverses, parmi lesquelles l’identité nationale, les valeurs culturelles de la société, la souveraineté nationale et l’unité nationale (art. 2). En sus d’un certain nombre d’articles fixant des limites excessives au contenu des discours (art. 11, 22, 23, 29, 84 et 121), il s’inquiète de ce que le caractère divers, large et peu précis de ces normes de référence ne porte atteinte de manière disproportionnée aux dispositions de l’article 19 du Pacte. Il réitère également ses préoccupations quant aux articles 96, 144, 144 bis, 144 bis 2, 146, 296 et 298 du Code pénal qui continuent de criminaliser ou de rendre passibles d’amendes des activités liées à l’exercice de la liberté d’expression, telles que la diffamation ou l’outrage aux fonctionnaires ou aux institutions de l’État. Le Comité exprime ses préoccupations quant aux allégations faisant état de l’utilisation de ces dispositions pénales aux fins d’entraver les activités de journalistes ou de défenseurs de droits de l’homme, tels que Hassan Bouras, Mohamed Tamalt et Merzoug Touati (art. 6 et 19 du Pacte).

44. L’État partie devrait :

a) R éviser toutes les dispositions pertinentes de la loi organique n o 12-05 du 12 janvier 2012 et du C ode pénal pour les rendre conformes à l’article 19 du Pacte ;

b) V eiller à la remise en liberté de toute personne condamnée pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression conformément à l’article 19 du Pacte et accorder à ces personnes une réparation intégrale de leur préjudice.

Liberté de réunion pacifique

45.Le Comité exprime ses profondes préoccupations quant à la loi no 91-19 du 2 décembre 1991 modifiant et complétant la loi no 89-28 du 31 décembre 1989 relative aux réunions et manifestations publiques dont les dispositions extrêmement limitatives soumettent l’organisation de toute manifestation : a) à une autorisation préalable et discrétionnaire de l’exécutif, sur la base de vagues principes tels que les constantes nationales, l’ordre public ou les bonnes mœurs ; b) à un préavis excessif de huit jours ; c) à des sanctions pénales pour tout regroupement ne remplissant pas ces conditions, ces derniers étant qualifiés par le Code pénal d’attroupements non armés. Il s’inquiète également du décret non publié du 18 juin 2001, imposant une interdiction de manifester dans la capitale et des allégations faisant état d’une application généralisée dudit décret à l’ensemble du territoire. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de fréquents cas : a) de manifestations publiques et privées violemment réprimées ; b) de manifestants maltraités, emprisonnés et parfois même poursuivis en justice ; et c) de poursuites ou de harcèlement à l’égard de gestionnaires d’espaces privés, tels que des hôtels, utilisés à des fins de réunions privées ou réservés aux seuls membres d’associations légalement constituées (art. 7, 9 et 21).

46. L’État partie devrait:

a) R éviser la loi n o 91-19 du 2 décembre 1991 aux fins de lever toutes les restrictions aux manifestations pacifiques qui ne sont pas strictement nécessaires et proportionnelles au regard des dispositions de l’article 21 du Pacte et instaurer un régime de simple autorisation préalable des manifestations publiques ;

b) A broger le décret non publié du 18 juin 2001 ;

c) G arantir que les manifestants et toute personne facilitant la tenue d’une réunion ne f ont pas l’objet de poursuites pour exercice du droit de réunion ;

d) É liminer et prévenir de manière effective toute forme d’usage excessif de la force de la part des agents responsables de l’application de la loi lors des dispersements de rassemblements.

Libertés d’association et syndicale

47.Le Comité exprime ses préoccupations quant à la loi no12-06 du 12 janvier 2012 relative aux associations dont les dispositions limitatives soumettent l’objet et le but des associations à des principes généraux peu précis tels que l’intérêt général et le respect des constantes et des valeurs nationales. Il s’inquiète également de ce qu’en vertu de cette loi : a)la création d’associations s’opère selon un régime d’autorisation; b)la coopération avec des organisations étrangères tout comme la réception de fonds provenant de l’étranger sont soumis à l’accord préalable des autorités; et c)les associations peuvent être dissoutes par simple décision administrative pour «ingérence dans les affaires internes du pays ou atteinte à la souveraineté nationale». Il s’inquiète des allégations nombreuses et crédibles faisant état du refus de l’administration d’accepter les statuts d’organisations déjà existantes mis en conformité avec la nouvelle loi, pratique limitant les libertés des associations et exposant les membres à de lourdes sanctions pour activité non autorisée (art.22).

48. L’État partie devrait:

a) R éviser la loi n o 12-06 du 12 janvier 2012 relative aux associations aux fins de la rendre pleinement compatible avec les dispositions de l’article 22 du Pacte ;

b) G arantir la reconnaissance de plein droit des statuts mis en conformité d’associations déjà constituées et s’abstenir d’utiliser les dispositions de la loi n o 12-06 en vue de suspendre de facto l’activité de certaines associations.

49.Le Comité prend note de ce que l’enregistrement des syndicats s’opère selon un régime de déclaration. Il s’inquiète toutefois qu’en pratique l’administration refuse d’enregistrer la création de certains syndicats indépendants, les récépissés nécessaires aux activités des syndicats n’étant pas ou tardivement délivrés. Il s’inquiète également des allégations faisant état de répression policière sévère lors de grèves ou de manifestations de syndicats ainsi que d’actes de harcèlement judiciaire, d’intimidations et de menaces, y compris de suspension ou de licenciement, en particulier au sein de l’administration publique (art. 19 et 21).

50. L’État partie devrait:

a) G arantir l’exercice des libertés syndicales conformément aux dispositions de l’article 22 du Pacte et garantir la création de nouveaux syndicats indépendants;

b) S ’abstenir d’actes de répression, de harcèlement ou d’ intimidations à l’égard des syndicalistes.

D.Diffusion et suivi

51.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du quatrième rapport périodique, des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait veiller à ce que le rapport, les réponses écrites et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

52.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, dans un délai de deux ans à compter de l’adoption des présentes observations finales, à savoir le 27 juillet 2020, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations faites ci-dessus par le Comité aux paragraphes 30 (disparitions forcées), 38 (réfugiés, demandeurs d’asile et migrants) et 46 (liberté de réunion pacifique).

53.Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 27 juillet 2022 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la mise en œuvre des recommandations faites dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. L Comité invite également l’État partie à accepter, d’ici au 27 juillet 2019, la procédure simplifiée d’établissement des rapports, qui consiste pour le Comité à transmettre une liste de points à l’État partie avant que celui-ci ne soumette le rapport périodique. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront dès lors le prochain rapport périodique devant être soumis conformément à l’article 40 du Pacte.