Observations finales concernant le rapport soumis par l’Iraq en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention *

Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par l’Iraq en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/IRQ/1) à ses 140e et 141e séances (CED/C/SR.140 et 141), les 7 et 8 septembre 2015. À sa 151e séance, le 16 septembre 2015, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par l’Iraq en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention et les informations qui y figurent. Il est également satisfait du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention. Il remercie en outre l’État partie de ses réponses écrites (CED/C/IRQ/Q/1/Add.1) à la liste de points (CED/C/IRQ/Q/1), qui ont été complétées par les interventions orales de la délégation et les informations supplémentaires communiquées par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié presque tous les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme ou d’y avoir adhéré, mais constate qu’il n’en a pas fait de même pour la plupart des protocoles facultatifs se rapportant à ces instruments.

Le Comité félicite également l’État partie pour les mesures qu’il a prises dans les domaines ayant trait à la Convention, notamment :

a)La loi portant création de la Cour pénale suprême iraquienne (loi no 10 de 2005);

b)La loi portant création de la Haute Commission des droits de l’homme (loi no 53 de 2008);

c)La loi sur la protection des fosses communes (loi no 5 de 2006).

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité est conscient des nombreuses et graves difficultés auxquelles fait face l’État partie, mais considère que la législation en vigueur, son application et la manière dont certaines des autorités compétentes exercent leurs fonctions ne satisfont pas pleinement aux obligations découlant de la Convention. Le Comité est préoccupé en particulier par les allégations faisant état d’un contexte de disparitions généralisées dans de vastes régions du territoire de l’État partie, disparitions dont beaucoup pourraient être qualifiées de disparitions forcées et dont certaines se sont produites après l’entrée en vigueur de la Convention. Le Comité demande à l’État partie de donner suite à ses recommandations, formulées dans un esprit constructif et une logique de coopération, pour faire en sorte que la Convention soit pleinement appliquée de jure et de facto. À cet égard, il encourage l’État partie à mettre à profit les débats dont font actuellement l’objet diverses initiatives législatives, notamment le projet de loi sur la lutte contre les disparitions forcées et la torture, pour mettre en œuvre les recommandations d’ordre législatif qui figurent dans les présentes observations finales et s’assurer que son cadre législatif est pleinement conforme aux dispositions de la Convention.

Renseignements d’ordre général

Procédure d’action en urgence

Le Comité sait gré à l’État partie de sa coopération dans le cadre de la procédure d’action en urgence et prend note des renseignements fournis au sujet des autorités chargées d’examiner les demandes d’action en urgence (art. 30).

Le Comité invite l’État partie à renforcer sa coopération avec lui dans le cadre de sa procédure d’action en urgence et à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les actions en urgence et toutes les demandes de mesures conservatoires et de protection qu’il lui transmet soient examinées immédiatement et fassent l’objet d’un suivi régulier .

Communications émanant de particuliers et d’États

Le Comité constate que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États en vertu des articles 31 et 32 de la Convention (art. 31 et 32).

Le Comité encourage l’État partie à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États en vertu des articles 31 et 32 de la Convention, respectivement, en vue de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées prévu dans ladite Convention .

Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Statistiques concernant les personnes soumises à la disparition forcée

Le Comité est conscient des graves difficultés auxquelles se heurte l’État partie, mais n’en est pas moins préoccupé de constater que ce dernier n’a pas établi de données statistiques fiables et ventilées sur le nombre de personnes disparues, en particulier sur les personnes soumises à la disparition forcée (art. 1er, 3, 12 et 24).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour établir des statistiques fiables sur les personnes soumises à la disparition forcée en vue de mettre au point des politiques publiques globales et coordonnées visant à prévenir, réprimer et éliminer ce crime odieux et à enquêter sur chaque cas, ainsi que de garantir le droit à la vérité et le droit d’obtenir réparation. À cet égard, l’État partie devrait envisager de se doter d’un registre national unique des personnes victimes de disparition forcée dans lequel seraient également consignées les infractions commises par le passé, et qui devrait au moins : a) rendre compte de manière exhaustive et adéquate de tous les cas et contenir notamment des informations relatives au sexe, à l’âge, à la nationalité et à l’origine ethnique ou à l’appartenance religieuse de la personne disparue, et au lieu et à la date de la disparition; b) comprendre des renseignements permettant de déterminer s’il s’agit d’une disparition forcée (art.  2 de la Convention) ou d’une infraction de disparition commise sans la moindre participa tion des agents de l’État (art.  3 de la Convention); c) permettre d’établir des données statistiques sur les cas de disparition forcée, même lorsque les faits ont été tirés au clair; d) être tenu à jour selon des critères clairs et homogènes; e) être actualisé sans retard et de manière uniforme, exhaustive et continue .

Crime de disparition forcée

Le Comité relève avec préoccupation que la législation de l’État partie n’érige pas encore la disparition forcée en infraction autonome. Il constate également que, si la loi no 10 portant création de la Cour pénale suprême iraquienne qualifie la disparition forcée de crime contre l’humanité, seules les infractions commises entre 1968 et 2003 sont visées (art. 2, 4, 5, 6 et 7).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre, dès que possible, les mesures législatives nécessaires pour faire en sorte que  :

a) La disparition forcée soit incorporée dans le droit interne en tant qu’infraction autonome, conformément à la définition établie à l’article 2 de la Convention, et que cette infraction soit passible de peines appropriées qui prennent en compte son extrême gravité;

b) La disparition forcée en tant que crime contre l’humanité soit incriminée conformément aux normes établies à l’article 5 de la Convention et quelle que soit la date à laquelle le crime a été commis.

Responsabilité pénale du supérieur hiérarchique et devoir d’obéissance

Le Comité constate avec préoccupation que la législation en vigueur ne satisfait pas pleinement à l’obligation découlant de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention pour ce qui est de la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique. Il est également préoccupé par l’incidence que pourrait avoir, sur le respect de l’obligation de traduire en justice toutes les personnes qui ont participé à la commission d’un crime de disparition forcée, l’article 40 du Code pénal, qui dispose qu’un acte commis par un agent public ou un fonctionnaire ne constitue pas une infraction si l’acte est exécuté sur ordre d’un supérieur hiérarchique, dont l’auteur est tenu, ou considère qu’il est tenu, de respecter les ordres (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour faire en sorte que la législation nationale établisse expressément  : a) la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique conformément aux dispositions de l’alinéa b ) du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention; b) l’interdiction d’invoquer l’obéissance à l’ordre ou aux instructions d’un supérieur hiérarchique pour justifier un crime de disparition forcée, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 6 de la Convention.

Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Compétence

Le Comité constate avec préoccupation que les dispositions du Code pénal qui régissent la compétence des tribunaux iraquiens ne sont pas conformes aux obligations découlant de l’article 9 de la Convention (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaire pour établir sa compétence aux fins de connaître d’un crime de disparition forcée dans les circonstances décrites aux paragraphes 1 et 2 de l’article 9 de la Convention.

Allégations de disparition forcée

Le Comité prend note du fait que, dans cinq affaires dont elle était saisie, la Cour pénale suprême iraquienne a reconnu d’anciens hauts fonctionnaires du régime coupables de crimes de disparition forcée constitutifs de crimes contre l’humanité pour des faits commis entre 1968 et 2003.Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu de précisions sur le nombre de personnes reconnues coupables et condamnées et sur le nombre de victimes. Compte tenu du fait que, comme l’a affirmé l’État partie, « le crime de disparition forcée constituait une des principales armes du régime dictatorial » (voir CED/C/IRQ/1, par. 5), le Comité regrette également de ne pas avoir reçu de renseignements suffisants concernant d’autres enquêtes sur des cas de disparition forcée correspondant à la période en question qui seraient encore en cours. Il est en outre préoccupé par les allégations faisant état de nombreux crimes de disparition forcée qui auraient été commis dans l’État partie depuis 2003 par des agents de l’État ou par des milices agissant avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement d’agents de l’État. À cet égard, il regrette de ne pas avoir reçu de renseignements sur les cas de disparition forcée signalés après 2003 et sur les enquêtes menées et leur issue, notamment les condamnations prononcées (art. 1er, 12 et 24).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que  :

a) Tous les crimes de disparition forcée commis sur tout territoire se trouvant sous sa juridiction fassent sans tarder l’objet d’une enquête approfondie et impartiale menée par un organisme indépendant, même si aucune plainte n’a été officiellement déposée;

b) Toutes les personnes qui ont participé à la commission d’une disparition forcée, y compris les supérieurs hiérarchiques militaires et civils et les agents de l’État qui ont donné leur autorisation, leur appui ou leur acquiescement à des milices, soient poursuivies et, si elles sont reconnues coupables, condamnées à des peines proportionnelles à la gravité de leurs actes, même après l’élucidation du sort de la personne disparue et du lieu où elle se trouve;

c) Tout agent de l’État soupçonné d’avoir participé à la commission d’une disparition forcée soit suspendu pendant toute la durée de l’enquête et que les forces de l’ordre ou de sécurité, civiles ou militaires, dont les membres sont soupçonnés d’avoir participé à la commission d’une disparition forcée ne prennent pas part à l’enquête.

Le Comité encourage l’État partie à envisager de créer un service spécialisé dans les enquêtes sur les disparitions forcées, relevant du ministère public ou d’un autre organisme compétent et doté des ressources nécessaires, en particulier un personnel interdisciplinaire spécialement formé, qui serait chargé de mener les enquêtes et de coordonner la politique en matière de poursuites pénales dans les affaires de disparition forcée.

Actes commis par l’organisation dite « État islamique d’Iraq et du Levant » et les groupes qui lui sont affiliés

Le Comité est pleinement conscient des graves problèmes auxquels est confronté l’État partie depuis juin 2014 en raison des atrocités que commettent l’organisation dite « État islamique d’Iraq et du Levant » et les groupes qui lui sont affiliés, qui restreignent le contrôle de l’État partie sur certaines parties du territoire national. Il est préoccupé par les nombreuses allégations selon lesquelles ces groupes se livreraient à de graves violations des droits de l’homme, dont des enlèvements. À cet égard, le Comité prend note des informations que lui a communiquées la délégation indiquant que la Cour pénale centrale a enregistré un grand nombre de plaintes et de témoignages concernant des crimes commis par ces groupes et que des condamnations ont été prononcées (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour prévenir toute violation de la Convention, notamment dans les zones actuellement contrôlées par l’organisation dite «  État islamique d’Iraq et du Levant » et les groupes qui lui sont affiliés. Il recommande également à l’État partie de redoubler d’efforts pour faire en sorte que toutes les allégations faisant état d’agissements définis à l’article 2 de la Convention commis par l’organisation dite «  État islamique d’Iraq et du Levant » ou par tout autre groupe de personnes sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement d’agents de l’État soient immédiatement enregistrées et fassent sans tarder l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales et que les auteurs soient traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnelles à la gravité de leurs actes. Le Comité recommande en outre à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les personnes qui sont privées de liberté par ces groupes et dont on ignore toujours le sort soient recherchées et localisées .

Protection des personnes qui participent à une enquête

Même s’il ne dispose d’aucune information détaillée sur sa teneur, le Comité note avec intérêt qu’un projet de loi sur la protection des témoins a été élaboré et qu’il est actuellement à l’examen (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour adopter rapidement le projet de loi sur la protection des témoins et pour faire en sorte que le texte adopté soit effectivement applicable à toutes les personnes visées au paragraphe  1 de l’article 12 de la Convention. En outre, il encourage l’État partie à créer, par cette mesure législative, une unité de protection des témoins et autres personnes qui participent à des enquêtes sur des disparitions forcées, unité qui pourrait également être chargée de mettre en œuvre les mesures conservatoires prises par le Comité dans le cadre de sa procédure d’action en urgence concernant ces personnes.

Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

Le Comité regrette de ne pas avoir reçu de renseignements détaillés sur les mécanismes en place et les critères appliqués dans le cadre des procédures d’expulsion, de refoulement, de remise ou d’extradition, pour évaluer et vérifier le risque que court la personne concernée d’être victime d’une disparition forcée. Il observe en outre que la législation interne n’interdit pas expressément l’expulsion, le refoulement, la remise ou l’extradition d’une personne lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être victime d’une disparition forcée (art. 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’inscrire expressément dans la législation interne l’interdiction d’expulser, de refouler, de remettre ou d’extrader une personne s’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être victime d’une disparition forcée. Il recommande également à l’État partie d’ adopter les mesures nécessaires pour garantir que le principe de non-refoulement est respecté dans la pratique, notamment en veillant à mener, avant de procéder à une expulsion, un refoulement, une remise ou une extradition , un examen individuel afin de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que la personne concernée risque d’être victime d’une disparition forcée.

Détention en secret

Le Comité note que l’État partie affirme qu’il n’existe pas de lieux de détention secrets, mais est préoccupé par les allégations selon lesquelles la détention en secret est une pratique à laquelle il a bien été recouru, y compris ces dernières années. À cet égard, il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles, dans certains cas : a) le droit de toute personne privée de liberté d’informer immédiatement sa famille de sa détention ou de son transfert vers un autre établissement n’a pas été respecté; b) les fonctionnaires n’ont pas tenu les registres de privation de liberté avec précision (art. 17, 18 et 22).

L’État partie devrait adopter toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que nul ne soit détenu en secret, notamment en veillant à ce que toute personne privée de liberté jouisse, de jure et de facto, de toutes les garanties juridiques fondamentales énoncées à l’article 17 de la Convention et dans les autres instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels l’Iraq est partie, dès le début de la privation de liberté. Il devrait en particulier garantir que  :

a) La privation de liberté n’est ordonnée que par des agents habilités par la loi à arrêter et à détenir des personnes, dans le plus strict respect du droit;

b) Les personnes privées de liberté sont uniquement placées dans des lieux de privation de liberté officiellement reconnus et contrôlés;

c) Toute personne privée de liberté peut communiquer sans délai et régulièrement avec sa famille, son conseil ou toute autre personne de son choix et, s’il s’agit d’un étranger, avec les autorités consulaires de son pays;

d) Toutes les privations de liberté sont, sans exception, inscrites dans des registres et/ou dossiers uniformes dans lesquels figurent au moins les informations requises en vertu du paragraphe  3 de l’article 17 de la Convention;

e) Les registres et/ou dossiers des personnes privées de liberté sont remplis et tenus à jour avec précision et sans retard et font l’objet de vérifications régulières et, en cas d’irrégularité, les fonctionnaires responsables sont sanctionnés;

f) Toute personne ayant un intérêt légitime peut avoir rapidement et facilement accès, sur tout le territoire, au minimum, aux rensei gnements énumérés au paragraphe  1 de l’article 18 de la Convention.

L’État partie devrait également enquêter sur toutes les allégations ayant trait à la détention en secret et faire en sorte que  : a) tout lieu de détention secret ou lieu où des personnes sont détenues en secret existant soit immédiatement fermé ou mis en conformité avec la Convention et les autres normes internationales applicables; b) les personnes impliquées dans le maintien d’autres personnes en détention en secret soient traduites en justice et condamnées à des peines qui prennent en compte la gravité de leurs actes; c) les victimes reçoivent une réparation adaptée et bénéficient notamment de mesures de réadaptation.

Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

Le Comité note avec préoccupation que les mesures prises afin d’assurer réparation pour les violations des droits de l’homme commises par le passé, en particulier les lois nos 3 et 4 de 2006 et la loi no 20 de 2009, semblent essentiellement axées sur l’indemnisation financière, et regrette de ne pas avoir reçu d’informations détaillées sur les autres formes de réparation accordées aux victimes de disparition forcée, notamment les mesures de réadaptation. Il note également avec préoccupation que, outre les textes de loi portant sur des situations précises, la législation interne ne prévoit aucun dispositif de réparation complète qui relève de la responsabilité de l’État et englobe toutes les mesures de réparation prévues au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention (art. 24).

L’État partie devrait envisager de prendre les mesures législatives nécessaires pour adopter une définition de la victime qui soit conforme à celle énoncée au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention, afin de garantir à toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée la pleine jouissance des droits consacrés par la Convention, en particulier le droit d’obtenir réparation. Il devrait également garantir que toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée obtienne réparation, comme prévu au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention, et soit indemnisée rapidement, équitablement et de manière adéquate, même si aucune poursuite pénale n’a été engagée contre les auteurs potentiels de ces agissements ou si ces derniers n’ont pas été identifiés. À cet égard, l’État partie devrait mettre en place un dispositif de réparation complète pleinement conforme aux paragraphe s  4 et 5 de l’article 24 de la Convention et des autres normes internationales applicables et garantir que toutes les mesures prises au sujet des droits des victimes tiennent compte des préoccupations liées au genre et de la situation particulière des enfants touchés par les disparitions forcées .

Recherche des personnes disparues

Le Comité prend note de la découverte et, dans certains cas, de la préservation, dans différentes régions, de fosses communes datant de diverses époques, bien que de telles découvertes ne semblent pas refléter pleinement l’étendue de la situation en matière de disparition forcée dans l’État partie. En outre, le Comité salue l’adoption de la loi sur la protection des fosses communes (loi no 5 de 2006) mais, au vu des renseignements communiqués dans les réponses à la liste de points (voir CED/C/IRQ/Q/1/Add.1, par. 36), il regrette de ne pas avoir reçu de précisions concernant la question de savoir si le texte portant modification de ladite loi en vue d’étendre son application aux fosses communes ultérieures à 2003 (loi no 13 de 2015) a déjà été publié au Journal officiel et est donc entré en vigueur (art. 24).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour garantir que toutes les personnes victimes de disparition forcée et celles dont le sort demeure inconnu soient recherchées et localisées sans retard et que, en cas de décès, leurs restes soient identifiés, respectés et restitués à leurs proches. À cet égard, l’État partie devrait également garantir une coordination et une coopération efficaces entre les autorités chargées de la recherche des personnes disparues et, en cas de décès, de l’identification de leurs restes, et veiller à ce qu’elles disposent des ressources économiques, techniques et humaines nécessaires pour s’acquitter rapidement et efficacement de leurs tâches. En outre, il devrait adopter les mesures nécessaires pour garantir l’entrée en vigueur rapide du texte portant modification de la loi sur la protection des fosses communes (loi n o 13 de 2015), ainsi que l’application effective du cadre juridique concernant les fosses communes. Le Comité rappelle qu’en vertu du paragraphe 6 de l’article 24 de la Convention, l’État partie est tenu de poursuivre l’enquête jusqu’à l’élucidation du sort de la personne disparue .

Situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé et des membres de leur famille

Le Comité note avec préoccupation que le cadre juridique national relatif à la situation juridique des personnes disparues et des membres de leur famille n’est pas pleinement adapté à la nature spécifique du phénomène de la disparition forcée. Il est en particulier préoccupé par le fait qu’une personne disparue peut être déclarée décédée, notamment si quatre années se sont écoulées depuis le signalement de sa disparition. Compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, le Comité considère que, par principe, il n’y a aucune raison de présumer la personne disparue décédée tant que son sort n’est pas élucidé (art. 24).

À la lumière du paragraphe  6 de l’article 24 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour établir comme il convient la situation juridique des personnes disparues et de leurs proches dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété, sans qu’il soit nécessaire de déclarer le décès de la personne disparue. À cet égard, il encourage l’État partie à mettre en place une procédure permettant d’obtenir une déclaration d’absence pour cause de disparition forcée.

Législation relative à la soustraction d’enfants

Le Comité note avec préoccupation que la législation en vigueur ne contient aucune disposition incriminant expressément les actes liés à la soustraction d’enfants visés au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention (art. 25).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour incriminer expressémen t les actes visés au paragraphe  1 de l’article 25 de la Convention et de prévoir des peines proportionnées à l’extrême gravité de ces actes.

D.Diffusion et suivi

Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et, à ce propos, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes aux obligations qu’il a assumées en devenant partie à la Convention et d’autres instruments internationaux pertinents. Il engage tout particulièrement l’État partie à garantir la conduite d’une enquête efficace sur toutes les disparitions forcées ainsi que la satisfaction sans réserve des droits des victimes tels qu’ils sont consacrés par la Convention.

Le Comité tient également à souligner que les disparitions forcées ont des effets particulièrement cruels sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants. Les femmes victimes de disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence sexiste. Lorsqu’elles sont les parentes d’une personne disparue, les femmes sont particulièrement exposées à des conséquences sociales et économiques graves ainsi qu’à la violence, aux persécutions et aux représailles du fait des efforts qu’elles font pour localiser leurs proches. Pour leur part, les enfants victimes de disparition forcée, qu’ils soient eux-mêmes soumis à une disparition ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition de membres de leur famille, sont particulièrement exposés à de multiples violations des droits de l’homme, notamment la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste sur la nécessité, pour l’État partie, de tenir compte des questions de genre et de la sensibilité des enfants dans l’application des droits et obligations qui découlent de la Convention.

L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu’il a soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29, ses réponses écrites à la liste de points élaborée par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales qui opèrent dans l’État partie et le grand public. Il est également invité à promouvoir la participation de la société civile, en particulier les associations de proches de victimes, aux mesures prises en application des présentes observations finales.

Conformément à son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de lui fournir, au plus tard le 18 septembre 2016, des informations pertinentes sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 14, 29 et 34.

En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 18 septembre 2018, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tous renseignements nouveaux concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document conforme aux prescriptions énoncées au paragraphe 39 des Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (CED/C/2). Le Comité encourage l’État partie à promouvoir et à faciliter la participation de la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, à la compilation de ces informations.