Nations Unies

CCPR/C/110/D/1983/2010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 avril 2014

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1983/2010

Décision adoptée par le Comité à sa 110e session (10-28 mars 2014)

Communication présentée par:

Y. B. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

6 avril 2010 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 27 septembre 2010 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision:

25 mars 2014

Objet:

Poursuites et placement de l’auteur dans un établissement psychiatrique à la suite de critiques émises par l’auteur à l’égard d’un procureur et du fils d’un procureur

Question ( s ) de procédure:

Griefs non étayés; recours internes non épuisés; abus du droit de présenter une communication

Question ( s ) de fond:

Droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal compétent, indépendant et impartial; détention arbitraire; traitement inhumain et dégradant; conditions de détention; droit au respect de la vie privée; liberté d’expression; discrimination

Article(s) du Pacte:

7, 9 (par. 1), 10, 14 (par. 1), 17 (par. 1et 2), 19 (par. 1 et 2) et 26

Article(s) du Protocole facultatif:

2, 3 et 5 (par. 3 b))

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme en vertudu Protocole facultatif se rapportant au Pacte internationalrelatif aux droits civils et politiques (110esession)

concernant la

Communication no 1983/2010 *

Présentée par:

Y. B. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

6 avril 2010 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2014,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est Y. B., de nationalité russe, né en 1965 et résidant actuellement à Pskov. Il se déclare victime d’une violation par la Fédération de Russie des droits consacrés à l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au paragraphe 1 de l’article 9, à l’article 10, au paragraphe 1 de l’article 14, aux paragraphes 1 et 2 de l’article 17, aux paragraphes 1 et 2 de l’article 19 et à l’article 26. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 5 septembre 2011, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications a décidé que la recevabilité de la communication devait être examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 26 juin 2006, le Bureau du Procureur de Velikie Luki, la ville dans laquelle résidait l’auteur, a ouvert une procédure pénale contre celui-ci en vertu de l’article 319 du Code pénal (outrage public à un agent de l’État).

2.2Le 27 mai 2008, le juge de paix du 33e district de Velikie Luki a rendu une décision de non-lieu concernant l’auteur, fondée sur l’absence de corps du délit.

2.3Le 10 septembre 2008, la chambre pénale du tribunal régional de Pskov a rendu une décision en annulation confirmant la décision de non-lieu du juge de paix en date du 27 mai 2008.

2.4Le 1er juillet 2009, un article indiquant qu’une procédure pénale était en cours contre l’auteur et que celui-ci faisait l’objet d’une enquête a été affiché sur le site Web du tribunal municipal de Velikie Luki, dans la rubrique consacrée aux informations publiques. Le nom de l’auteur était cité et des informations nuisant à sa réputation étaient accessibles à tous.

2.5Le 15 octobre 2009, l’auteur a adressé au tribunal municipal de Velikie Luki une demande d’indemnisation pour le préjudice moral causé par les informations publiques erronées indiquant qu’il faisait l’objet d’une enquête pour activité criminelle.

2.6Le 23 octobre 2009, le tribunal municipal de Velikie Luki a rendu une décision par laquelle il retournait sa demande à l’auteur et se déclarait incompétent. L’auteur a ensuite fait appel de cette décision devant le tribunal régional de Pskov qui, le 1er décembre 2009, a rendu une décision confirmant que le tribunal municipal de Velikie Luki n’était pas compétent pour connaître de l’affaire en question et indiquant que la demande devait être adressée au tribunal municipal de Moscou. L’auteur a déposé une demande de procédure de contrôle de cette décision, qui a été rejetée par le tribunal régional de Pskov le 18 janvier 2010.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

3.2L’auteur cite le paragraphe 6 de l’article 29 du Code de procédure civile de la Fédération de Russie, qui dispose ce qui suit: «Les demandes concernant le rétablissement des droits en matière de travail, de pension et de logement, la restitution de biens ou de la valeur de ces biens, les demandes d’indemnisation pour les préjudices causés par une condamnation illégale, des poursuites pénales illégales, l’application illégale d’une mesure de détention provisoire, d’une mesure d’interdiction de quitter un certain périmètre ou d’une peine de détention administrative peuvent également être présentées devant le tribunal du lieu de résidence du demandeur.». L’auteur affirme que cette disposition de la législation interne lui permet de présenter une demande au tribunal de son lieu de résidence, qu’en tant que retraité il n’a pas les moyens de défendre ses droits devant les tribunaux de Moscou et que le refus du tribunal municipal de Velikie Luki d’entendre sa cause constitue un déni de justice. Par conséquent, il se déclare victime de violations par la Fédération de Russie des droits consacrés au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une réponse du 6 décembre 2010, l’État partie a fait observer que la communication ne remplissait pas les critères de recevabilité énoncés au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, puisque l’auteur n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles.

4.2L’État partie affirme que les informations qui ont été publiées sur le site Internet du tribunal municipal de Velikie Luki sont les suivantes: «Dans trois affaires pénales, la procédure est en cours depuis plus d’un an; dans deux d’entre elles, relatives aux articles 119 et 157 du Code pénal, la procédure avait été suspendue car l’inculpé était recherché; en ce qui concerne l’affaire de l’auteur (art. 319 du Code pénal), cette durée tient au fait que l’affaire a été renvoyée au Procureur (deux fois) et qu’une expertise linguistique a été programmée dans des instituts spécialisés de Moscou et de Saint‑Pétersbourg (trois fois).». Ces informations portaient sur les activités menées par le tribunal pendant le premier trimestre de 2008, période pendant laquelle l’affaire était encore en cours d’examen. Un non-lieu définitif a été prononcé le 10 septembre 2008.

4.3Le 15 octobre 2009, l’auteur a intenté une action contre le Ministère des finances de la Fédération de Russie devant le tribunal municipal de Velikie Luki pour le préjudice moral causé par la publication sur le site Web du tribunal de Velikie Luki d’informations indiquant qu’il faisait l’objet de poursuites pénales et parce qu’un certain nombre d’actes de procédure avaient été réalisés après le prononcé du non-lieu. Après le dépôt de la plainte, le nom de l’auteur a été supprimé du site Web et remplacé par ses initiales et une note a été insérée, indiquant qu’un non-lieu avait été prononcé dans l’affaire et que l’auteur avait été réhabilité après qu’il eut été établi qu’il avait fait l’objet de poursuites pénales illégales. La demande de l’auteur lui a été retournée par le tribunal municipal de Velikie Luki, accompagnée d’une note datée du 23 octobre 2009 indiquant que le tribunal n’avait pas compétence pour connaître de cette affaire, conformément au paragraphe 1.2 de l’article 135 du Code de procédure civile.

4.4L’État partie indique que l’auteur a déposé une demande devant le tribunal municipal de Velikie Luki en vertu du paragraphe 6 de l’article 29 du Code de procédure civile et affirme que cette demande était fondée sur une interprétation erronée de la disposition susmentionnée. L’État partie cite le paragraphe 6 de l’article 29 du Code de procédure civile et fait observer que la demande de l’auteur n’est pas liée «à des poursuites pénales illégales ou à l’application illégale d’une mesure de détention provisoire, d’une mesure d’interdiction de quitter un certain périmètre ou d’une peine de détention administrative», mais à la publication sur le site Web du tribunal de Velikie Luki d’informations révélant le nom de l’auteur. Il a été expliqué à l’auteur qu’étant donné que, dans son action en justice, le défendeur était le Ministère des finances, les dispositions relatives à la juridiction (art. 28 du Code de procédure civile) exigeaient que la demande soit déposée au tribunal du domicile du défendeur, en l’occurrence au tribunal du district de Tver à Moscou. Le tribunal régional de Pskov a confirmé le 1er décembre 2009 la décision du tribunal de première instance. Pour le même motif, le tribunal régional de Pskov a refusé, le 18 janvier 2010, de transmettre la requête en procédure de contrôle soumise par l’auteur. Dans une décision datée du 12 mars 2010, un juge de la Cour suprême a rejeté la requête en procédure de contrôle par la chambre civile de la Cour suprême soumise par l’auteur, estimant qu’il n’y avait pas eu de violation grave de la loi par les tribunaux de juridiction inférieure. Cette décision confirmait aussi le fait que le tribunal municipal de Velikie Luki n’avait pas compétence pour connaître de la demande de l’auteur.

4.5L’État partie affirme que les décisions susmentionnées ne limitent pas l’accès de l’auteur à la justice mais indiquent la juridiction compétente pour examiner l’affaire et il précise que rien n’empêche l’auteur de saisir le tribunal du district de Tver à Moscou. Par conséquent, l’État partie affirme que les droits que l’auteur tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte n’ont pas été violés. Il ajoute que la communication devrait être rejetée conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non-épuisement de tous les recours internes disponibles.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une note du 10 janvier 2011, l’auteur affirme que dans ses observations l’État partie induit le Comité en erreur. Il soutient que toutes les actions en justice intentées en Fédération de Russie par des personnes réhabilitées sont examinées par les tribunaux du lieu de résidence des demandeurs conformément au paragraphe 6 de l’article 29 du Code de procédure civile. À l’appui de cette affirmation, il soumet une copie d’une décision rendue le 7 décembre 2000 par le tribunal régional de Pskov, dans laquelle celui-ci aurait statué en faveur de l’auteur sur une question similaire. L’auteur précise qu’il ne présente qu’une seule décision, mais que le tribunal régional de Pskov a statué en sa faveur dans sept affaires différentes, dans lesquelles l’auteur contestait des décisions rendues par le tribunal municipal de Velikie Luki qui refusait d’examiner ses demandes en se fondant sur l’article 28 du Code de procédure civile. Dans sa décision du 7 décembre 2010, le tribunal régional de Pskov déclarait qu’il «ressortait de la demande dont il était saisi que l’auteur réclamait une indemnisation pour préjudice, dans le cadre d’une réhabilitation, demande qui, conformément au paragraphe 6 de l’article 29, pouvait être présentée au tribunal du lieu de résidence du demandeur».

5.2L’auteur réfute en outre l’argument de l’État partie, qui objecte que le fait qu’il soit tenu de faire examiner sa demande par un tribunal de Moscou et non par le tribunal de Velikie Luki ne limite pas son accès à la justice. Il fait observer qu’il est retraité, qu’il reçoit une pension équivalant à 200 euros par mois et qu’il a un fils mineur à charge. Il n’a pas les moyens de se rendre à Moscou pour se présenter en personne devant le tribunal ou d’engager un avocat pour qu’il le représente. Il invoque également son mauvais état de santé, qui ne lui permet pas de faire le déplacement de 500 kilomètres jusqu’à Moscou et qui fait qu’il serait privé de la possibilité de participer à l’audience de première instance et de défendre ses intérêts.

5.3L’auteur renvoie en outre aux paragraphes 3 c) et 12 c) des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire). L’auteur regrette que, plutôt que de l’aider à accéder à la justice en tant que victime de violations des droits de l’homme, l’État partie contrevienne aux obligations énoncées dans la résolution.

Observations supplémentaires de l’auteur

6.1Dans une note du 10 octobre 2010, outre les allégations de violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, l’auteur se déclare victime de violations des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 9 et des paragraphes 1 et 2 de l’article 17 du Pacte.

6.2L’auteur rappelle les faits pour lesquels il a été poursuivi en vertu de l’article 319 du Code pénal. Il fait référence au paragraphe 18 de la résolution 60/147 de l’Assemblée générale, affirme que, puisqu’il a fait l’objet de poursuites pendant une période de deux ans et trois mois, il est victime de violations des droits de l’homme et maintient que la Fédération de Russie refuse de s’acquitter des obligations qu’elle a à son égard en tant que victime.

6.3L’auteur affirme que pendant la procédure pénale le concernant il a été placé de force en hôpital psychiatrique pendant trente jours en vertu d’une décision prise par un juge du tribunal municipal de Velikie Luki le 2 août 2006. Il ajoute que cette décision était motivée par le fait qu’il avait soumis 10 requêtes différentes pendant la phase préalable au procès. Il fait observer que par ces requêtes il tentait de défendre les droits garantis par la Constitution et qu’en réponse il a été placé en hôpital psychiatrique. Aucune pathologie psychiatrique n’a été constatée chez lui pendant son séjour à l’hôpital. L’auteur fait aussi observer que l’article 319 du Code pénal, au titre duquel il était poursuivi, ne prévoit pas de peine d’emprisonnement à l’égard des personnes reconnues coupables, et que l’article 108 du Code de procédure pénale ne prévoit pas le placement en détention provisoire des personnes poursuivies pour les infractions visées. Or il a été privé de liberté par cet internement forcé. Il affirme en outre que la partie 2 de l’article 29 du Code de procédure pénale, qui autorise le placement en hôpital psychiatrique à des fins d’expertise psychiatrique de personnes inculpées d’infractions qui n’entraînent pas de peine d’emprisonnement, est contraire à l’article 9 du Pacte. Il fait observer que, le 4 février 2010, il a adressé au juge de paix du 33e district de Velikie Luki une requête par laquelle il demandait au tribunal de reconnaître qu’il avait été victime de violations des droits énoncés à l’article 9 du Pacte, parce qu’il avait été placé de force en hôpital psychiatrique pendant une durée de trente jours alors qu’il n’était pas atteint de troubles mentaux. Le juge de paix a rejeté sa requête le 9 avril 2010. Le 7 juin 2010, le tribunal municipal de Velikie Luki a rejeté le recours formé par l’auteur contre la décision du 9 avril 2010. Le 4 août 2010, un autre recours formé par l’auteur devant la chambre pénale du tribunal régional de Pskov a également été rejeté.

6.4L’auteur indique en outre que, pendant l’enquête préliminaire, en 2006, un certain nombre de dossier médicaux le concernant ont été saisis dans des établissements médicaux par des agents d’enquête non munis d’un mandat du tribunal, en violation du droit au respect de la vie privée consacré au paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte. Ainsi, des informations confidentielles concernant la santé de l’auteur ont été portées à la connaissance d’un grand nombre de personnes. Le 15 mars 2010, l’auteur a adressé au juge de paix du 33e district de Velikie Luki une requête par laquelle il lui demandait de reconnaître que les droits qu’il tient de l’article 17 du Pacte avaient été violés. Le juge de paix a rejeté la requête le 7 mai 2010. Le 29 juillet 2010, le tribunal municipal de Velikie Luki a rejeté le recours formé par l’auteur contre la décision du 7 mai 2010. Le 8 septembre 2010, un autre recours formé par l’auteur devant la chambre pénale du tribunal régional de Pskov a également été rejeté.

6.5L’auteur affirme que, pendant les audiences du 9 et 10 février 2010, un avocat désigné par le juge de paix du 33e district de Velikie Luki pour assister l’auteur a soutenu la position de l’accusation plutôt que celle de l’auteur. Le 15 février 2010, l’auteur a adressé au juge de paix du 33e district de Velikie Luki une requête par laquelle il demandait au tribunal «de le rétablir dans ses droits en tant que personne ayant été réhabilitée», notamment de reconnaître que l’avocat commis d’office avait agi en violation des articles 1 et 4.3 de la loi sur le barreau et la profession d’avocat en Fédération de Russie. Le juge de paix a rejeté la requête de l’auteur le 27 mai 2010. Le 13 juillet 2010, le tribunal municipal de Velikie Luki a rejeté le recours formé par l’auteur contre la décision du 27 mai 2010. Le 25 août 2010, un autre recours adressé par l’auteur à la chambre pénale du tribunal régional de Pskov a également été rejeté. L’auteur affirme que le juge de paix a rendu sa décision sans qu’il ait participé à la procédure et qu’il n’a pas été convenablement informé de la date de l’examen de son recours en annulation. Il affirme que les faits susmentionnés entraînent une violation des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

6.6Dans une lettre du 8 novembre 2010, l’auteur indique qu’en 2009 et en 2010, à des dates non précisées, il a adressé plusieurs plaintes au juge de paix du 33edistrict, lui demandant de le rétablir dans ses droits, en tant que personne ayant été réhabilitée, conformément à l’article 138 du Code de procédure pénale. L’auteur fait observer que les juges du tribunal municipal de Velikie Luki et le juge de paix ont délibérément fixé les audiences aux mêmes dates et aux mêmes heures pour qu’il ne puisse pas assister à toutes les audiences, ce qui a porté atteinte à son droit à un procès équitable. Il affirme de plus que les tribunaux ont refusé de désigner un avocat chargé de le représenter dans cette procédure et que l’audience en appel a eu lieu en son absence, en violation du paragraphe 2 de l’article 364 du Code de procédure pénale. L’auteur maintient que les faits susmentionnés ont entraîné une violation des droits énoncés au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

6.7L’auteur formule d’autres allégations concernant des violations du droit à un procès équitable pendant la procédure qu’il a engagée pour tenter d’être rétabli dans ses droits à la suite de l’ordonnance de non-lieu.

6.8Dans une note du 17 novembre 2010, l’auteur indique que l’ouverture de la procédure pénale le concernant a été motivée par le fait qu’il avait publiquement remis en question les compétences professionnelles du fils d’un procureur et critiqué l’abus de pouvoir commis par le procureur lui-même. Il affirme que l’ouverture de poursuites parce qu’il avait exprimé son opinion sur ces deux personnes a constitué une violation des droits qu’il tient de l’article 19 du Pacte. Il affirme en outre que, le 22 avril 2010, il a adressé une plainte au juge de paix, demandant que soit reconnu le fait que les droits qu’il tient de l’article 19 du Pacte avaient été violés. L’auteur indique de plus que son placement d’office en hôpital psychiatrique motivé par le fait qu’il avait présenté plusieurs requêtes dans le but de défendre ses droits pendant la procédure pénale le concernant est assimilable à un traitement inhumain et dégradant et constitue une violation des droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte. Le 3 mars 2010, l’auteur a adressé une plainte au juge de paix, demandant que soit reconnu le fait que les droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte avaient été violés. Le juge de paix a ensuite réuni les deux affaires et, le 6 juillet 2010, a rendu une décision par laquelle il rejetait les plaintes de l’auteur. Les recours formés par l’auteur contre cette décision ont été rejetés par le tribunal municipal de Velikie Luki le 17 septembre 2010 et par le tribunal régional de Pskov le 7 octobre 2010, respectivement. L’auteur affirme qu’il a épuisé les recours disponibles. Il ajoute que les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte ont été violés parce que, dans sa décision, le tribunal de première instance n’a pas fait mention de la violation de l’article 19 et que le tribunal d’appel a examiné cette question, mais en l’absence de l’auteur alors qu’il s’agissait d’une procédure d’appel.

6.9L’auteur affirme de plus que les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte ont été violés parce que le juge de paix a rejeté sa demande de remboursement des frais postaux engagés pour l’envoi de plaintes au Comité des droits de l’homme et à d’autres institutions internationales.

6.10Dans une note du 5 décembre 2010, l’auteur se déclare victime de diverses violations des droits consacrés par le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte dans le cadre de la procédure judiciaire qui s’est déroulée entre le 1er mars et le 17 novembre 2010.

6.11Dans une note du 10 janvier 2011, l’auteur affirme que lui-même et son fils mineur sont victimes de violations des droits consacrés au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte dans le cadre d’une procédure pénale concernant le vol du téléphone portable du fils de l’auteur.

6.12Dans une note du 17 mars 2011, l’auteur dit être victime de diverses autres violations des droits reconnus au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte dans le cadre de la procédure judiciaire qui s’est déroulée entre le 30 octobre 2009 et le 26 janvier 2011.

6.13Dans une note du 22 mars 2011, l’auteur affirme que pendant son placement forcé en hôpital psychiatrique en 2006, il a été soumis à des examens médicaux sans que soient respectées les règles de sécurité en vigueur. Il a notamment été exposé à des rayons X et contraint de rester dans la salle de radiologie pendant que d’autres détenus étaient exposés à des rayons X, alors que le personnel médical quittait la salle pendant l’examen. L’auteur affirme que le traitement en question était contraire aux règles sanitaires, qui interdisent la présence de plus d’un patient dans la salle de radiologie pendant les examens, qu’il a eu des problèmes de santé dus à l’exposition à des radiations dans la salle de radiologie et que ce traitement a constitué une violation des droits garantis par l’article 7 du Pacte. Le 22 janvier 2011, l’auteur a présenté au tribunal municipal de Velikie Luki une demande d’indemnisation pour le préjudice moral causé par le fait qu’il avait été exposé à des radiations au mépris des règles sanitaires pendant son séjour forcé en hôpital psychiatrique. Le 24 janvier 2011, le tribunal a refusé d’ouvrir une procédure sur cette question. Le recours formé par l’auteur contre ce refus a été rejeté par le tribunal régional de Pskov le 1er mars 2011. L’auteur ajoute qu’ont été commises diverses violations des droits garantis par le paragraphe 1 de l’article 14 et par l’article 26 du Pacte dans le cadre de la procédure judiciaire qui s’est déroulée entre le 10 janvier et le 1er mars 2011.

6.14Dans une note du 11 avril 2011, l’auteur indique qu’en 2006, pendant son internement forcé en établissement psychiatrique sur décision judiciaire, il a été détenu avec des personnes reconnues coupables d’infractions qui faisaient l’objet d’une expertise psychiatrique après le prononcé du jugement. Il affirme que ce traitement a constitué une violation des droits qu’il tient de l’article 10 du Pacte. Le 2 novembre 2009, l’auteur a adressé une plainte au juge de paix pour faire reconnaître la violation des droits qu’il tient de l’article 10 du Pacte. Le 26 avril 2010, le juge de paix a rejeté la plainte. Les recours formés par l’auteur contre cette décision ont été rejetés par le tribunal municipal de Velikie Luki le 10 juin 2010 et par le tribunal régional de Pskov le 11 août 2010. L’auteur affirme que les tribunaux n’ont pas examiné ses plaintes au fond puisqu’ils n’ont pas vérifié si les personnes détenues avec l’auteur étaient des condamnés.

6.15L’auteur fait également observer que la banque par l’intermédiaire de laquelle il reçoit les indemnités pour le préjudice matériel causé par les poursuites pénales dont il a fait l’objet prend des commissions sur les versements et il affirme qu’il en résulte une violation des droits garantis par l’article 26 du Pacte car cela constitue une discrimination à son égard en tant que victime de poursuites illégales. L’auteur ajoute que diverses violations des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte ont été commises dans le cadre de la procédure judiciaire conduite entre le 8 décembre 2009 et le 2 juin 2010.

6.16Dans une note du 28 avril 2011, l’auteur réaffirme que son placement d’office en hôpital psychiatrique, décidé parce qu’il avait présenté plusieurs requêtes pour tenter de défendre ses droits pendant le procès le concernant est assimilable à un traitement inhumain et dégradant et viole les droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte. Il ajoute qu’il a été soumis à un traitement dégradant, en violation des droits garantis par l’article 7 du Pacte parce que le 9 septembre 2010 pendant une audience à laquelle il participait, le procureur a enfreint le code vestimentaire des procureurs. L’auteur affirme en outre qu’il a fait l’objet d’un traitement dégradant en violation des droits reconnus à l’article 7 du Pacte étant donné que le 15 janvier 2010 un juge a examiné une affaire dans une salle d’audience où figuraient des armoiries qui ne correspondaient pas à celles de la Fédération de Russie.

6.17Dans une note du 3 mai 2011, l’auteur dit qu’il est victime de diverses violations des droits reconnus au paragraphe 1 de l’article 14 dans le cadre de la procédure judiciaire qui s’est déroulée entre le 27 janvier et le 1er mars 2011.

6.18Dans une note du 30 mai 2011, l’auteur invoque diverses violations des droits garantis au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte dans le cadre de la procédure judiciaire conduite entre le 3 février et le 29 septembre 2010.

Nouvelles observations de l’État partie sur la recevabilité

7.1Dans une réponse du 19 août 2011, l’État partie affirme que les observations de l’auteur datées du 10 janvier 2011 ne contiennent aucun argument démontrant le caractère erroné de la position de l’État partie. Il ajoute que les observations supplémentaires de l’auteur datées du 10 janvier 2011 n’avaient aucun rapport avec la communication initiale. Il indique en outre que, le 22 mars 2011, il a reçu de l’auteur quatre autres lettres, datées du 10 octobre 2010, du 8 novembre 2010, du 17 novembre 2010 et du 5 décembre 2010, dans lesquelles étaient formulées diverses allégations, mais qui ne montraient pas que la position de l’État partie était fausse. L’État partie affirme de plus que les observations de l’auteur datées du 17 mars 2011, du 11 avril 2011, du 28 avril 2011, du 3 mai 2011 et du 30 mai 2011 n’ont aucun rapport avec la plainte initiale.

7.2L’État partie fait observer qu’il coopère efficacement avec le Comité depuis longtemps, y compris en ce qui concerne les communications de particuliers. Il ajoute qu’en l’espèce le processus de correspondance est pratiquement bloqué et que les nombreuses lettres, dont la teneur est présentée plus haut, enregistrées sous un même numéro font qu’il est impossible de rédiger des observations sur le fond. Il ajoute qu’il s’agit là d’une situation singulière.

7.3Selon l’État partie, la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif parce que l’auteur abuse du droit de présenter une communication au Comité.

Nouvelles observations de l’auteur

8.Dans une réponse du 14 octobre 2011, l’auteur indique que, même si l’État partie affirme qu’il coopère efficacement avec le Comité, en ce qui concerne la réhabilitation des personnes qui ont fait l’objet de poursuites pénales illégales, l’État partie refuse sans aucun scrupule de s’acquitter de ses obligations internationales. Ces obligations sont énoncées dans la résolution 60/147. L’auteur fait observer que, jusqu’à présent, la Fédération de Russie n’a pas adopté de texte législatif régissant la mise en œuvre de la résolution en ce qui concerne le rétablissement dans leurs droits des personnes qui ont fait l’objet de poursuites pénales illégales. Il ajoute que, dans sa décision du 2 mars 2010, le juge de paix du 33e district de Velikie Luki a déclaré que la résolution 60/147 n’était qu’une recommandation, que son application n’avait pas de caractère obligatoire pour la Fédération de Russie et que les juridictions d’appel et de cassation étaient d’accord avec cette affirmation. L’auteur soutient qu’il n’abuse pas du droit de présenter une communication mais tente seulement d’être rétabli dans ses droits, dont beaucoup ont été violés pendant la procédure pénale illégale qui a duré plus de deux ans.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3En ce qui concerne la plainte initiale de l’auteur, qui se déclare victime de violations par l’État partie des droits garantis au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte parce que le tribunal municipal de Velikie Luki a refusé de donner suite à l’action qu’il avait engagée pour le préjudice moral causé par la publication sur le site Web du tribunal d’informations erronées indiquant qu’il faisait l’objet d’une enquête, le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie qui indique que, puisque la plainte de l’auteur concernait une demande d’indemnisation pour préjudice moral, le défendeur dans cette affaire était le Ministère des finances, que les règles relatives à la compétence juridictionnelle exigeaient que de telles demandes soient présentées au tribunal du domicile du défendeur, en l’espèce, le tribunal du district de Tver à Moscou, et que la communication devrait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

9.4Le Comité prend également note de l’argument de l’auteur qui fait valoir qu’il n’a pas les moyens de financer une action en justice à Moscou. Il rappelle que si les autorités judiciaires d’un État partie imposaient à un particulier une charge financière telle qu’il ne puisse de fait avoir accès aux tribunaux, pareille situation pourrait soulever des questions au regard du paragraphe 1 de l’article 14. Toutefois, le Comité est d’avis qu’en l’espèce l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité. Par conséquent, cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.5Le Comité relève que les griefs de violation des droits consacrés à l’article 7, à l’article 9, paragraphe 1, à l’article 10, à l’article 14, paragraphe 1, à l’article 17, paragraphes 1 et 2, à l’article 19, paragraphes 1 et 2, et à l’article 26 du Pacte, formulés dans les lettres ultérieures datées du 10 octobre 2010, du 8 novembre 2010, du 5 décembre 2010, du 10 janvier 2011, du 17 mars 2011, du 22 mars 2011, du 11 avril 2011, du 28 avril 2011, du 3 mai 2011 et du 30 mai 2011, ne sont pas étayés en ce qui se rapporte à l’objet de la communication initiale, dans laquelle l’auteur faisait valoir que le refus du tribunal municipal de Velikie Luki d’examiner sa demande de réparation pour le préjudice moral causé par la publication sur le site du tribunal d’informations fausses a constitué un déni de justice. Par conséquent, les griefs contenus dans les lettres mentionnées sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif. Cette décision est sans préjudice de la possibilité pour l’auteur de présenter une communication distincte portant sur toute autre violation des droits consacrés par le Pacte qui pourrait s’être produite.

10.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]