Nations Unies

CCPR/C/119/D/2512/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

18 mai 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2512/2014 * , **

Communication p résentée par :

Raziyeh Rezaifar (représentée par le Conseil danois pour les réfugiés)

Au nom de :

L’auteure et deux de ses enfants, M. M. et D. M.

État partie :

Danemark

Date de la communication:

14 décembre 2014 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 19 décembre 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

10 mars 2017

Objet :

Expulsion vers l’Italie

Question ( s ) de procédure :

Fondement des griefs

Question ( s ) de fond :

Torture ; peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Article(s) du Pacte :

7

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.1L’auteure de la communication est Raziyeh Rezaifar, née en 1972, de nationalité iranienne et d’origine ethnique perse, convertie au christianisme. L’auteure présente également la communication au nom de deux de ses enfants : sa fille M. M., née le 16 septembre 1996, et son fils D. M., né le 12 novembre 2011 (les enfants étaient respectivement âgés de 18 et 3 ans au moment où la communication a été présentée).

1.2La demande d’asile de l’auteure dans l’État partie a été rejetée et, au moment où elle a présenté sa communication au Comité, son expulsion vers l’Italie était imminente. Elle affirme qu’en cas d’expulsion vers l’Italie, elle et ses enfants risqueraient de subir des traitements inhumains et dégradants, en violation de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteure est représentée par le Conseil danois pour les réfugiés.

1.3Le 19 décembre 2014, conformément à l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a prié l’État partie de surseoir à l’expulsion de l’auteure et de ses deux enfants vers l’Italie tant que la communication serait à l’examen.

1.4Le 23 décembre 2014, accédant à la demande du Comité, la Commission de recours des réfugiés (Flygtningenævnet) a suspendu jusqu’à nouvel ordre le délai fixé pour le départ de l’auteure et de ses deux enfants du Danemark.

1.5Les 8 septembre 2015 et 2 mai 2016, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a rejeté la demande de levée des mesures provisoires de l’État partie.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure est originaire de Téhéran, en République islamique d’Iran. Elle est d’ethnie perse et s’est convertie de l’islam au christianisme. Elle a trois enfants. Son fils aîné, qui était âgé de 22 ans au moment où elle a présenté la communication (il est né en 1992), est actuellement en Italie, tandis que ses deux autres enfants, M. M., 18 ans, née à Téhéran, et D. M., 3 ans, né en Italie, se trouvent avec elle au Danemark.

2.2En 2008, en raison des activités politiques de son ex-mari en faveur du parti kurde Komala, l’auteure a fui la République islamique d’Iran avec son ex-mari et leurs enfants en passant par la Grèce. Ils sont arrivés à Forlì, en Italie, la même année, puis ont été envoyés à Foggia, dans le sud du pays. En 2008, la famille s’est vu accorder la protection internationale en Italie.

2.3Au cours de son séjour en Italie, l’auteure s’est engagée dans la communauté chrétienne puis, au Danemark, elle s’est convertie au christianisme et a reçu le baptême.

2.4Pendant les trois premiers mois de son séjour en Italie, la famille a été hébergée dans un centre pour demandeurs d’asile, après quoi un logement lui a été fourni. Après avoir obtenu le statut de réfugiés, les membres de la famille ont eu du mal à payer le loyer, car ils ne sont pas parvenus à trouver d’emploi stable. La fille de l’auteure, M. M., a fréquenté une école catholique.

2.5Au cours du séjour de la famille en Italie, l’ex-mari de l’auteure est devenu toxicomane. L’auteure et ses enfants ont été victimes de violences familiales, la famille est tombée dans la pauvreté et l’auteure a été forcée par son ex-mari à se prostituer. Après la naissance de son plus jeune fils, l’auteure a décidé de quitter son ex-mari en emmenant ses enfants avec elle.

2.6L’auteure souffre de troubles bipolaires et de dépression. Après le départ de la famille du centre d’accueil, elle a eu beaucoup de mal à payer son traitement médical. En 2009, les médecins ont diagnostiqué chez elle un cancer du col de l’utérus, mais elle n’avait pas les moyens de se faire opérer en Italie. Son opération a finalement été financée par des amis, mais elle n’a pas eu l’argent nécessaire pour le traitement postopératoire.

2.7Le plus jeune fils de l’auteure, D. M., est né en Italie en novembre2011. Il est atteint d’une malformation cardiaque, la communication interauriculaire (CIA), qui exige des examens et un suivi médical réguliers.

2.8Le permis de séjour de l’auteure en Italie a expiré le 19 octobre 2012 et n’a pas été renouvelé en raison de son départ pour le Danemark.

2.9L’auteure est arrivée au Danemark le 16 juillet 2012 et a demandé l’asile. En octobre 2012, les autorités italiennes ont accédé à la demande du Danemark de reprendre la famille en Italie, conformément au Règlement Dublin II. Toutefois, en raison des conditions de vie des demandeurs d’asile en Italie, le Ministère danois de la justice a réexaminé la décision et décidé, le 13 mai 2013, que la demande d’asile de l’intéressée et de ses deux enfants devait être traitée au Danemark pour des motifs humanitaires, liés notamment à l’âge du plus jeune enfant.

2.10Le 12 mars 2014, le Service danois de l’immigration (Udlændingestyrelsen) a rejeté la demande d’asile de l’auteure. Bien qu’il ait reconnu que l’intéressée devait être considérée comme une personne ayant besoin de protection au sens du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi nationale sur les étrangers, il a estimé que, comme le prévoyait le paragraphe 3 du même article, l’Italie devait assumer le rôle de premier pays d’asile.

2.11Le 14 août 2014, la Commission de recours des réfugiés a rejeté la requête de l’auteure, en concluant que l’Italie constituait son premier pays d’asile, dans les termes suivants : « La Commission, à la majorité, note que s’il existe des informations générales plus récentes au sujet de la situation actuelle en Italie qui sont troublantes, elle n’estime pas − à l’issue d’une évaluation approfondie − que l’on puisse établir que l’Italie n’est pas en mesure de veiller, et ne veillera pas, à ce que la requérante bénéficie d’une situation économique et sociale adéquate, y compris concernant l’assistance médicale dont elle a besoin. ».

2.12L’auteure a été interrogée par la police le 15 décembre 2014 au sujet de son expulsion vers l’Italie. Elle s’attendait donc à une expulsion imminente lorsqu’elle a présenté sa communication au Comité.

Teneur de la plainte

3.L’auteure affirme qu’en la renvoyant de force en Italie avec ses deux enfants, l’État partie violerait les droits qu’elle et ses enfants tiennent de l’article 7 du Pacte. Elle fait valoir que sa famille est particulièrement vulnérable et court un risque réel d’être soumise à un traitement inhumain et dégradant en cas de renvoi en Italie. En se fondant sur son expérience antérieure dans ce pays et sur les informations générales disponibles, elle affirme que ses enfants et elle courraient un risque réel de se trouver à la rue et dans le dénuement, et ne pourraient bénéficier d’un accès suffisant aux soins médicaux dont ils ont besoin.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une lettre datée du 17 octobre 2014, l’État partie a fait valoir que la communication était irrecevable, ou tout au moins dénuée de fondement. Il décrit d’abord la structure, la composition et le fonctionnement de la Commission de recours des réfugiés, ainsi que la législation applicable aux affaires liées au Règlement Dublin II.

4.2En ce qui concerne la recevabilité et le fond de la communication, l’État partie fait valoir que l’auteure n’a pas démontré que sa communication était à première vue recevable au titre de l’article 7 du Pacte. Plus particulièrement, il n’a pas été établi qu’il y avait de sérieux motifs de croire qu’en Italie elle risquerait d’être soumise à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En conséquence, la communication est manifestement dénuée de fondement et devrait être déclarée irrecevable. À titre subsidiaire, l’État partie fait valoir que l’auteure n’a pas suffisamment montré que son renvoi et celui de ses deux enfants en Italie constitueraient une violation de l’article 7. Il ressort de la jurisprudence du Comité que les États parties ont l’obligation de ne pas extrader, déplacer ou expulser une personne de leur territoire ou la transférer par d’autres moyens si cette mesure a pour conséquence nécessaire et prévisible d’exposer l’intéressé à un risque réel de préjudice irréparable, comme les traitements visés à l’article 7 du Pacte, que ce soit dans le pays vers lequel doit être effectué le renvoi ou dans tout autre pays vers lequel l’intéressé pourrait être renvoyé par la suite. Le Comité a en outre établi qu’un tel risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable.

4.3L’État partie rappelle que l’auteure et ses deux enfants sont entrés au Danemark le 16 juillet 2012 sans documents de voyage valides. Plus tard dans la même journée, l’auteure a déposé une demande d’asile. Le 12 mars 2014, le Service danois de l’immigration a refusé de lui accorder l’asile. Le 14 août 2014, la Commission de recours des réfugiés a confirmé cette décision. Le 14 décembre 2014, l’auteure a porté l’affaire devant le Comité, affirmant que son expulsion et celle de ses deux enfants vers l’Italie constitueraient une violation de l’article 7 du Pacte.

4.4L’État partie s’appuie sur la décision de la Commission de recours des réfugiés du 14 août 2014, qui reprend elle-même la conclusion du Service danois de l’immigration selon lequel, considérée isolément, la situation de l’auteure et de ses deux enfants, nés en 1996 et 2011, qui l’accompagnent, relève du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers parce que l’intéressée s’est convertie au christianisme. La Commission de recours des réfugiés a ainsi limité son analyse à la question de savoir si l’Italie pouvait jouer le rôle de premier pays d’asile de l’auteure.

4.5L’État partie fait observer que, dans sa communication, l’auteure n’a fourni aucune information essentielle nouvelle concernant sa situation, au-delà des informations déjà invoquées dans le cadre de la procédure d’asile, et que la Commission de recours des réfugiés avait déjà pris en compte ces informations. La Commission a conclu que la situation de l’auteure relevait bel et bien du paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur les étrangers (bénéfice de la protection), mais que l’auteure avait obtenu l’asile en Italie en 2008 et que son permis de séjour pouvait être renouvelé. En outre, à la majorité, elle a considéré comme un fait établi que l’auteure pouvait entrer sur le territoire italien et y séjourner légalement. Elle a donc refusé de lui accorder l’asile, en renvoyant au paragraphe 3 de l’article 7 de la loi sur les étrangers (principe du premier pays d’asile). L’État partie ajoute que pour conclure qu’un pays peut être considéré comme le premier pays d’asile, la Commission de recours des réfugiés exige au minimum que le demandeur d’asile y soit protégé contre le refoulement. Le demandeur d’asile doit également pouvoir entrer et s’établir légalement dans le pays concerné, où son intégrité physique doit en outre être protégée et sa sécurité garantie. Cette notion de protection a également une dimension socioéconomique, mais qui consiste seulement à assurer des conditions de vie élémentaires. On ne peut exiger que les intéressés aient exactement le même niveau de vie que les nationaux. Ce qui est en revanche essentiel dans la notion de protection, c’est l’idée que les intéressés ont droit au respect de leur sécurité personnelle aussi bien au moment de leur entrée qu’au cours de leur séjour dans le premier pays d’asile.

4.6Pour ce qui est des allégations de l’auteure selon lesquelles, en cas de renvoi en Italie, ses deux enfants et elle-même risqueraient de se trouver à la rue, sans possibilité d’accéder à un logement ou à des soins médicaux, l’État partie renvoie à la décision d’irrecevabilité rendue par la Cour européenne des droits de l’homme le 2 avril 2013 dans l’affaire Samsam Mohammed Hussein et autres c.  Pays-Bas et Italie , dans laquelle la Cour a relevé qu’une personne qui obtenait une protection subsidiaire recevait un permis de séjour valable trois ans, renouvelable par la commission territoriale qui l’avait accordé ; que ce permis pouvait aussi être converti en titre de séjour autorisant la personne concernée à travailler en Italie, à condition que la demande en soit faite avant l’expiration du permis de séjour initial et que l’intéressé détienne une pièce d’identité ; et qu’un titre de séjour accordé au titre de la protection subsidiaire donnait à l’intéressé, notamment, le droit à l’obtention d’un document de voyage pour étrangers, au travail, au regroupement familial et au bénéfice des régimes généraux prévus par le droit interne italien en matière d’aide sociale, de santé, de logement social et d’éducation.

4.7L’auteure avait obtenu la protection subsidiaire en Italie jusqu’au 19 octobre 2012. L’État partie affirme que rien ne permet de penser que son titre de séjour ne sera pas renouvelé. Il relève également que l’auteure s’est essentiellement appuyée sur des rapports et d’autres renseignements d’ordre général relatifs aux conditions d’accueil en Italie qui concernaient uniquement les demandeurs d’asile, notamment les personnes renvoyées en Italie conformément au Règlement Dublin II, et non les personnes qui, comme elle, avaient déjà obtenu une protection subsidiaire dans ce pays. L’État partie fait référence à un rapport intitulé : « Procédure d’asile et conditions d’accueil en Italie », dans lequel il est indiqué que les personnes renvoyées en application du Règlement Dublin sont en général replacées dans la procédure d’asile au stade où elles l’avaient quittée. Il s’avère que la majeure partie des personnes qui se trouvent dans cette situation ont déjà reçu un permis de séjour en Italie avant de quitter ce pays pour d’autres pays européens. Or, un réfugié accepté, le bénéficiaire d’une protection subsidiaire ou l’étranger qui a reçu un permis de séjour pour motifs d’ordre humanitaire exceptionnels peut demander le renouvellement de son permis auprès du service compétent de la police de l’immigration.

4.8L’État partie fait observer que la Cour européenne des droits de l’homme a également déclaré que pour apprécier s’il y avait des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé courait un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la Convention européenne des droits de l’homme), la Cour se devait d’appliquer des critères rigoureux et ne pouvait éviter d’apprécier la situation dans le pays de destination à l’aune des exigences de cette disposition. Elle a conclu que le simple renvoi d’une personne vers un pays où sa situation économique serait pire que dans l’État qui expulse ne suffisait pas à atteindre le seuil des mauvais traitements prohibés par l’article 3, que l’article 3 ne pouvait pas être interprété comme obligeant les États parties à garantir un droit au logement à toute personne relevant de leur juridiction, et que l’on ne pouvait en tirer un devoir général de fournir aux réfugiés une assistance financière pour que ceux-ci puissent maintenir un certain niveau de vie. Elle a estimé que les non-nationaux qui étaient sous le coup d’un arrêté d’expulsion ne pouvaient en principe revendiquer le droit de rester sur le territoire d’un État et de continuer à bénéficier de l’assistance et des services médicaux, sociaux ou autres fournis par l’État qui expulse. En conséquence, elle a conclu qu’en l’absence de considérations humanitaires exceptionnellement impérieuses militant contre l’expulsion, le fait qu’en cas d’expulsion, le requérant connaîtrait une dégradation importante de ses conditions de vie matérielles et sociales n’était pas suffisant.

4.9Pour ce qui est des conditions de vie en Italie, compte tenu des rapports établis par des organisations tant gouvernementales que non gouvernementales, la Cour a considéré que « si la situation générale et les conditions de vie en Italie des demandeurs d’asile, des réfugiés acceptés et des étrangers ayant obtenu un permis de séjour à des fins de protection internationale ou à des fins humanitaires [pouvaient] révéler quelques défaillances, il n’[était] pas établi qu’elles [faisaient] ressortir une incapacité systémique à offrir un soutien et des structures destinées aux demandeurs d’asile en tant que personnes appartenant à un groupe particulièrement vulnérable, comme c’était le cas dans [l’affaire] M. S. S. c.  Belgique et Grèce  ».

4.10Pour ce qui est de la santé de l’auteure et de celle de son fils mineur, l’État partie fait valoir que l’on peut considérer à la lumière des informations générales dont on dispose que la famille aura accès à des services de soins de santé en Italie. En outre, l’auteure a déclaré lors de l’audience devant la Commission de recours des réfugiés tenue le 14 août 2014 qu’en Italie elle avait reçu un traitement et des médicaments pour soigner ses troubles mentaux et avait vu un psychiatre. Le 15 janvier 2015, la Commission de recours des réfugiés a demandé à l’auteure de fournir des documents médicaux supplémentaires à l’appui de sa demande. En réponse, l’auteure a soumis à nouveau, le 14 juin 2015, les documents médicaux annexés à sa requête initiale. Il ressort également de la lettre adressée à la Commission de recours des réfugiés le 2 juillet 2014 par le conseil de l’auteure que celle-ci avait confié à son conseil qu’« on lui avait dit que les deux valves cardiaques de son fils ne fermaient pas comme elles le devraient, mais que des examens réalisés au Danemark avaient révélé qu’elles semblaient maintenant fonctionner correctement ».

4.11De l’avis de l’État partie, l’arrêt Tarakhel , qui concerne les membres d’une famille ayant le statut de demandeurs d’asile en Italie, ne s’écarte pas de la jurisprudence de la Cour concernant les personnes et les familles ayant un permis de séjour en Italie, illustrée, entre autres, par l’arrêt Mohammed Hussein et autres c.  Pays-Bas et Italie. L’État partie estime, en conséquence, qu’il ne peut pas être déduit de la décision rendue dans l’affaire Tarakhel que les États sont tenus d’obtenir des garanties individuelles auprès des autorités italiennes avant de renvoyer vers l’Italie des personnes ou des familles qui ont besoin de protection et qui ont déjà été autorisées à séjourner en Italie.

4.12L’État partie réaffirme à cet égard qu’il ressort de la décision rendue dans l’affaire Samsam Mohammed Hussein et autres c.  Pays-Bas et Italie que les personnes dont le statut de réfugié est reconnu ou qui bénéficient d’une protection subsidiaire en Italie ont le droit de bénéficier des régimes généraux d’aide sociale, de soins de santé, de logement social et d’éducation en vertu du droit interne italien. Dès lors, l’article 7 du Pacte ne s’oppose pas à ce que l’État partie applique le Règlement Dublin II à l’auteure et à ses deux enfants.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

5.1Le 21 août 2015, l’auteure a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie. Elle affirme que les conditions de vie en Italie tant des demandeurs d’asile que des bénéficiaires d’une protection subsidiaire, comme elle, sont analogues, puisqu’il n’existe dans ce pays aucun dispositif d’intégration convenable. Les demandeurs d’asile et les bénéficiaires d’une protection subsidiaire ont donc souvent, les uns comme les autres, de grandes difficultés à trouver un lieu d’hébergement convenable et de quoi se nourrir et à accéder à des installations sanitaires. L’auteure renvoie au rapport 2013 du Service jésuite des réfugiés, dans lequel on peut lire que le véritable problème concerne ceux qui sont renvoyés en Italie et qui ont déjà bénéficié d’une certaine forme de protection ; ils auront probablement déjà séjourné dans au moins une des solutions d’hébergement disponibles à leur arrivée mais, s’ils ont quitté le centre de leur plein gré avant le délai fixé, ils ne peuvent plus prétendre à être hébergés dans les centres publics d’accueil pour demandeurs d’asile.

5.2L’auteure ne conteste pas le fait qu’elle puisse se rendre en Italie et y vivre en toute légalité avec ses enfants. La question n’est pas celle de savoir si elle est exposée à un risque de refoulement.Les informations dont on dispose indiquent qu’en Italie de nombreux réfugiés ne bénéficient pas d’un logement, car les capacités d’hébergement sont insuffisantes. Le point déterminant est donc que l’auteure ne bénéficiera pas d’un logement convenable ni d’un traitement médical approprié et qu’elle risque, ainsi que ses enfants, de vivre dans des conditions déplorables, d’être privée de l’assistance sociale des autorités et de n’avoir aucune chance de trouver une solution humanitaire durable.

5.3L’auteure conteste également l’interprétation qui est faite par l’État partie de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle soutient que, dans l’affaire Samsamen particulier, les informations données par la Cour au sujet des conditions d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés ne correspondent pas aux conclusions du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et des organisations non gouvernementales. En outre, contrairement à ce qu’il en est dans cette affaire, en l’espèce l’auteure a déjà vécu en Italie avec le statut de réfugié, et elle n’y a bénéficié d’aucune assistance, n’était pas en mesure de payer son loyer, ni de subvenir aux besoins fondamentaux de sa famille, y compris d’obtenir les soins médicaux exigés par son état et celui de son fils. L’auteure rappelle qu’elle a dû se prostituer pour faire vivre sa famille. En conséquence, rien ne permet de supposer que les autorités italiennes seront en mesure de lui offrir, ainsi qu’à ses enfants, des conditions d’accueil conformes aux normes humanitaires minimales. Ayant vécu légalement en Italie, l’auteure a fait l’expérience des conditions de vie dans ce pays et a constaté qu’elles étaient épouvantables.

5.4L’auteure fait aussi observer que l’arrêt rendu en l’affaire Tarakhelconcernait une famille de demandeurs d’asile et ne correspond donc pas à sa situation. Il est toutefois pertinent dans la mesure où les demandeurs d’asile et les personnes qui bénéficient déjà d’une protection rencontrent les mêmes difficultés pour se loger, se faire soigner et se nourrir, et que leurs conditions de vie sont semblables. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que, compte tenu de la situation en Italie, on « ne saurait écarter comme dénuée de fondement l’hypothèse d’un nombre significatif de demandeurs d’asile privés d’hébergement ou hébergés dans des structures surpeuplées dans des conditions de promiscuité, voire d’insalubrité ou de violence ». Elle a également souligné que les enfants, tout spécialement, avaient des « besoins particuliers », qu’ils étaient extrêmement vulnérables et que les structures d’accueil pour les enfants devaient « être adaptées à leur âge, de sorte qu’elles ne puissent “engendrer pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme” ». La Cour a invité les autorités suisses à obtenir de leurs homologues italiennes des garanties concernant une prise en charge des requérants (une famille) dans des installations et des conditions adaptées à l’âge des enfants ; faute de quoi, la Suisse commettrait une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme en transférant les requérants en Italie. L’auteure soutient, au vu de cette conclusion, que les conditions de vie déplorables des bénéficiaires d’une protection subsidiaire qui sont renvoyés en Italie relèvent de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, lequel correspond à l’article 7 du Pacte.

5.5D’après l’auteure, compte tenu de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Tarakhel, l’hypothèse sur laquelle reposait la décision rendue dans l’affaire Samsam ne peut plus être considérée comme suffisante et, au contraire, le respect de la Convention européenne des droits de l’homme exige des garanties individuelles, en particulier pour préserver les enfants expulsés de conditions de vie éprouvantes. L’auteure fait observer à ce propos que la question en litige dans l’affaire Tarakhel ne concernait pas le risque de refoulement, mais les conditions de vie des demandeurs d’asile dans les centres d’accueil surpeuplés qui leur sont destinés. Il ressort de l’arrêt rendu dans l’affaire Tarakhel que le fait qu’une personne soit protégée du refoulement en Italie n’exclut pas le risque d’une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme du fait de conditions de vie difficiles, en particulier dans le cas des familles avec enfants. Dès lors, le fait qu’en l’espèce l’auteure ait eu le statut de réfugié ne permet pas d’exclure le risque qu’elle et ses enfants doivent vivre dans des conditions difficiles, sans domicile et sans réelle perspective d’amélioration, ce qui constituerait une violation de l’article 7 du Pacte.

5.6L’auteure rappelle qu’elle appartient à un groupe de la population particulièrement vulnérable et qu’elle a besoin d’une protection spéciale : elle élève seule ses enfants, souffre de troubles bipolaires et de dépression et a besoin d’un traitement médical et psychiatrique, et son plus jeune fils est atteint d’une malformation cardiaque qui exige un suivi médical. Indépendamment du régime législatif italien officiellement applicable au renouvellement des permis de séjour et des conditions officielles d’accès aux régimes d’intégration, des informations générales pertinentes indiquent clairement que les conditions de vie actuelles des bénéficiaires d’une protection internationale en Italie ne sont pas conformes aux normes humanitaires minimales fixées dans la conclusion no 58 du Comité exécutif du HCR. Dès lors, en cas d’expulsion vers l’Italie, l’auteure et ses enfants courent un risque réel d’être exposés à un traitement dégradant.

Observations complémentaires des parties

6.1Dans une lettre en date du 16 novembre 2015, l’auteure renvoie aux constatations adoptées par le Comité dans l’affaire Jasin et consorts c. Danemark , soulignant que comme en l’espèce, la Commission de recours des réfugiés n’avait pas accordé une attention suffisante au risque personnel que courrait l’auteure en cas d’expulsion vers l’Italie. Elle rappelle que l’État partie ne doit pas se contenter de se fonder sur des informations d’ordre général indiquant qu’en principe les personnes renvoyées en Italie bénéficient du droit au travail, à un logement et à l’aide sociale. Selon l’auteure, l’État partie doit procéder à une évaluation personnalisée, en analysant toutes les preuves disponibles, y compris le fait qu’elle n’ait pas, par le passé, reçu d’assistance en Italie.

6.2L’auteure affirme également que, placée dans l’incapacité d’exercer ses droits économiques et sociaux les plus élémentaires en Italie, elle pourrait n’avoir d’autre choix que celui de retourner en République islamique d’Iran, ce qui rendrait de fait illusoire son droit au non-refoulement prévu par le droit international des réfugiés.

7.1Le 23 février 2016, l’État partie a fait observer en réponse aux commentaires de l’auteure que dans leur réponse à la consultation demandée par les autorités danoises au cours de l’été 2015, les autorités italiennes avaient informé l’État partie qu’un étranger qui avait obtenu le droit de séjourner en Italie avec un statut de réfugié ou de protection pouvait solliciter le renouvellement de son titre de séjour à son retour dans ce pays, même en cas d’expiration dudit titre. Les autorités italiennes ont également informé les autorités danoises qu’à son retour en Italie, l’étranger doit contacter le commissariat de police qui a délivré son titre de séjour, lequel commissariat transmettra la demande à l’autorité compétente et demandera qu’il soit vérifié si les conditions de renouvellement du titre sont réunies. Les autorités italiennes ont indiqué qu’un étranger dont le permis de séjour a expiré peut entrer légalement en Italie aux fins de son renouvellement. Dans ce contexte, l’État partie estime que l’on peut considérer comme un fait établi que l’auteure et ses enfants, dont les permis de séjour en Italie au titre de la protection subsidiaire ont expiré, sont autorisés à entrer dans le pays pour en demander le renouvellement.

7.2Pour ce qui est du renvoi par l’auteure à l’affaire Jasin et consorts c. Danemark, l’État partie relève que les informations générales de référence dont dispose la Commission de recours des réfugiés proviennent de sources très diverses et sont confrontées aux déclarations faites par le demandeur d’asile, notamment concernant les expériences qu’il a vécues. Au cours de la procédure d’asile, l’auteure a eu l’occasion de faire des déclarations tant par écrit qu’oralement devant le Service danois de l’immigration et la Commission de recours des réfugiés et elle a bénéficié de la représentation d’un conseil. La Commission de recours des réfugiés a effectué une évaluation approfondie de sa demande d’asile. En conséquence, l’État partie soutient que l’auteure n’a pas démontré à première vue que sa communication était recevable au regard de l’article 7 du Pacte et estime qu’elle est manifestement dénuée de fondement et devrait être déclarée irrecevable. À titre subsidiaire, l’État partie soutient que le renvoi de l’intéressée et de ses enfants en Italie ne constituera pas une violation de l’article 7 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité note que l’auteure affirme avoir épuisé tous les recours internes utiles qui lui étaient ouverts. En l’absence de toute objection de l’État partie sur ce point, le Comité considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont réunies.

8.4Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que le grief que l’auteure tire de l’article 7 du Pacte n’est pas étayé. Cependant, il considère que l’auteure a suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité et prend note de ce que l’État partie n’a pas contesté leur crédibilité, ni l’affirmation de l’auteure selon laquelle elle pourrait, en cas de renvoi en Italie, se trouver dans une situation réellement difficile. Enconséquence, le Comité déclare que la communication est recevable en ce qu’elle soulève des questions au regard de l’article 7 du Pacte, et il procède à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité prend note du grief de l’auteure, qui affirme que son expulsion et celle de ses deux enfants, notamment de son fils mineur, D. M., vers l’Italie, en vertu du principe du « premier pays d’asile » (Règlement Dublin II), les exposeraient à un risque de préjudice irréparable en violation de l’article 7 du Pacte. L’auteure se fonde, notamment, sur le traitement qu’elle a personnellement subi après avoir obtenu une protection subsidiaire en Italie, sur la vulnérabilité particulière de sa famille, et sur les conditions générales d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés qui entrent en Italie, telles qu’elles sont décrites dans différents rapports. Le Comité note aussi que l’auteure affirme que, placée dans l’incapacité d’exercer ses droits économiques et sociaux fondamentaux, elle pourrait être de fait contrainte de retourner en République islamique d’Iran.

9.3Le Comité rappelle son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, dans laquelle il indique que les États parties ont l’obligation de ne pas extrader, déplacer, expulser quelqu’un ou le transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable, tel le préjudice envisagé à l’article 7 du Pacte, qui interdit les traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité a aussi établi qu’un tel risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. Il rappelle également sa jurisprudence, dont il ressort qu’un poids considérable doit être accordé à l’évaluation faite par l’État partie et qu’il appartient généralement aux organes des États parties au Pacte d’examiner et d’apprécier les faits et les preuves en vue de déterminer l’existence d’un tel risque, sauf s’il peut être établi que cette appréciation était manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice.

9.4Le Comité note que l’auteure a obtenu une protection subsidiaire en Italie en 2008, ainsi qu’un titre de séjour qui est arrivé à expiration le 19 octobre 2012, et qu’elle s’est rendue au Danemark avec ses deux enfants, alors mineurs, le 16 juillet 2012, et y a présenté une demande d’asile. Il prend également note de l’allégation de l’auteure selon laquelle, en Italie, elle vivait avec son ex-mari et ses enfants dans un appartement qui leur avait été attribué après que la famille ait séjourné dans des centres d’accueil, mais qu’elle avait du mal à payer le loyer car le couple n’avait pas d’emploi stable et ne touchait pas d’aide sociale. L’auteure a en outre affirmé qu’elle souffrait de troubles bipolaires, de dépression, et avait eu un cancer du col de l’utérus, que son fils, né en novembre 2011 (et âgé de 5 ans) souffrait d’une maladie cardiaque, et qu’elle avait été forcée par son mari à se prostituer pour subvenir aux besoins de la famille.

9.5Le Comité fait observer que les autorités italiennes ont accédé à la demande du Service danois de l’immigration de reprendre l’auteure et ses enfants en Italie, conformément au Règlement Dublin II ; que toutefois, en raison des conditions de vie en Italie, le Ministère danois de la justice avait décidé le 13 mai 2013 que la demande d’asile de l’intéressée devait être traitée au Danemark pour des motifs humanitaires, en considération notamment du jeune âge de son fils, D. M. L’auteure a été déboutée de sa demande d’asile le 12 mars 2014 et cette décision a été confirmée par la Commission de recours des réfugiés le 14 août 2014.

9.6Le Comité prend note des différents rapports soumis par l’auteure, qui mettent en évidence le manque de places disponibles dans les structures d’accueil en Italie pour les demandeurs d’asile et les personnes renvoyées en application du Règlement Dublin II. Il prend note, en particulier, de l’argument de l’intéressée selon lequel les personnes renvoyées en Italie qui, comme elle, ont déjà reçu une forme de protection et bénéficié du système d’accueil quand elles se trouvaient dans ce pays, ne peuvent plus prétendre à un hébergement dans un centre public d’accueil pour demandeurs d’asile.

9.7Le Comité note que la Commission de recours des réfugiés a conclu que l’Italie devrait être considérée en l’espèce comme « premier pays d’asile » et que l’État partie fait valoir que si le premier pays d’asile est tenu de garantir aux demandeurs d’asile des conditions de vie élémentaires, il n’est pas exigé que ces personnes jouissent des mêmes acquis sociaux et du même niveau de vie que les nationaux du pays d’accueil (voir par. 4.5 ci-dessus). Le Comité relève aussi que l’État partie renvoie à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme dont il ressort que, malgré certaines défaillances, la situation en Italie ne fait pas apparaître une « incapacité systémique à offrir un soutien et des structures destinées aux demandeurs d’asile ».

9.8Cela étant, le Comité considère que l’État partie n’a pas tenu suffisamment compte dans sa conclusion des renseignements fournis par l’auteure, fondés sur sa situation personnelle et son expérience, montrant que, bien qu’elle ait obtenu un permis de séjour en Italie, elle y vivait dans des conditions intolérables. À ce sujet, il relève que l’État partie n’explique pas comment, en cas de renvoi en Italie, le permis de séjour renouvelable de l’auteure la préserverait, elle et ses enfants, dont l’un est mineur et atteint d’une maladie cardiaque, des terribles difficultés et d’un dénuement semblables à ceux qu’elle a déjà connus dans ce pays.

9.9Le Comité rappelle que les États parties doivent accorder une attention suffisante au risque réel et personnel que courrait une personne en cas d’expulsion. Il considère que l’État partie devait effectuer une évaluation personnalisée du risque que l’auteure et ses deux enfants (tous deux mineurs au cours de la procédure d’asile) courraient en Italie et non se fonder sur des informations d’ordre général et sur l’hypothèse que, puisqu’elle avait bénéficié d’une protection subsidiaire par le passé, l’auteure aurait en principe le droit à la même protection aujourd’hui. Il estime que l’État partie n’a pas dûment pris en considération la vulnérabilité particulière de l’auteure et de ses enfants. Malgré la protection subsidiaire à laquelle elle avait officiellement droit en Italie, l’auteure, qui a subi de graves sévices de la part de son mari, s’est trouvée faute d’assistance de la part des autorités italiennes dans une situation de grande pauvreté et dans l’incapacité de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, y compris sur le plan médical. L’État partie n’a pas non plus cherché à obtenir des autorités italiennes des assurances suffisantes que l’intéressée et ses deux enfants, qui se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable similaire à celle vécue par l’auteure dans l’affaire Jasin et consorts c. Danemark (qui concernait également l’expulsion prévue d’une mère célibataire en mauvaise santé, accompagnée d’enfants mineurs, qui avait déjà connu de terribles difficultés et le dénuement en Italie), seraient pris en charge dans des conditions compatibles avec leur situation de demandeurs d’asile ayant droit à une protection temporaire et dans le respect des garanties prévues à l’article 7 du Pacte. En particulier, l’État partie n’a pas demandé à l’Italie de s’engager : a) à renouveler le permis de séjour de l’auteure et à délivrer des permis de séjour à ses enfants ; b) à accueillir l’auteure et ses enfants dans des conditions adaptées à l’âge de ces derniers et à la vulnérabilité de la famille, ce qui leur permettrait de rester en Italie.

9.10En conséquence, le Comité considère que le renvoi de l’auteure et de ses deux enfants en Italie dans ces circonstances particulières et sans les assurances précitées constituerait une violation de l’article 7 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 duProtocole facultatif, constate que l’expulsion de l’auteure et de ses deux enfants vers l’Italie sans assurances suffisantes constituerait une violation des droits qu’ils tiennent de l’article 7 du Pacte.

11.Conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, en vertu duquel les États parties s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le Pacte, l’État partie est tenu de réexaminer les griefs de l’auteure, compte tenu des obligations incombant à l’État partie en vertu du Pacte, des présentes constatations et de la nécessité d’obtenir de l’Italie les garanties énoncées au paragraphe 9.9 ci-dessus. L’État partie est également prié de ne pas expulser l’auteure et ses enfants vers l’Italie tant que leur demande d’asile est en cours de réexamen.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 180 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques, à les faire traduire dans sa langue officielle et à les diffuser largement.