Communication présentée par:

Taras Surgan (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

28 mai 2010(date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 12 août 2010 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

15 juillet 2015

Objet:

Condamnation à une amende pour avoir déployé un drapeau traditionnel

Question(s) de procédure:

Épuisement des recours internes; degré de justification des griefs

Question(s) de fond:

Droit à la liberté d’expression; droit de réunion pacifique

Article(s) du Pacte:

19, 21 et 26

Article(s) du Protocole facultatif:

1, 2 et 5 (par. 2 b)]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (114e session)

concernant la

Communication no 1969/2010 *

Présentée par:

Taras Surgan (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

28 mai 2010(date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le15juillet 2015,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1969/2010 présentée par Taras Surgan en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit :

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est Taras Surgan, de nationalité bélarussienne, né en 1975. Il affirme être victime de violations par le Bélarus des droits qu’il tient des articles 19, paragraphe 2, et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans une lettre postérieure à sa lettre initiale, il a également invoqué une violation des droits garantis à l’article 21 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 15 octobre 2010 et le 29 novembre 2011, l’État partie a demandé au Comité d’examiner la recevabilité de la communication séparément du fond, conformément à l’article 97 du règlement intérieur du Comité. Le 22 novembre 2010, le Comité, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé d’examiner la recevabilité de la communication en même temps que le fond. Il a pris la même décision le 30 novembre 2011.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 16 juillet 2009, l’auteur a été arrêté et conduit à un poste de police de district, dans la ville de Vitebsk, où un procès-verbal a été établi aux fins de constater qu’il avait commis une infraction administrative visée à l’article 23.34, paragraphe 1, du Code des infractions administratives du Bélarus. Le 11 août 2009, le tribunal du district Zheleznodorozhnyi de Vitebsk a reconnu l’auteur coupable, en vertu dudit article, de non-respect de la procédure régissant l’organisation ou le déroulement de manifestations collectives, et l’a condamné à une amende de 175 000 roubles bélarussiens. Le drapeau blanc-rouge-blanc que l’auteur avait en sa possession a été confisqué. Le tribunal du district a conclu que l’auteur avait participé à un piquet non autorisé le 16 juillet 2009. Plus précisément, il avait établi un piquet sur le pont Blokhin et tenté de fixer un drapeau blanc-rouge-blanc au garde-fou.

2.2Le 11 septembre 2009, le tribunal régional de Vitebsk a rejeté l’appel formé par l’auteur et confirmé la décision du tribunal de district.

2.3Le 28 décembre 2009, la Cour suprême a rejeté le recours que l’auteur avait déposé pour demander le réexamen des décisions du 11 août et du 11 septembre 2009 au titre de la procédure de contrôle.

2.4L’auteur fait valoir que les juridictions internes n’ont pas pu établir qu’il avait participé à un piquet le 16 juillet 2009, l’action mise en cause ne pouvant être considérée comme une manifestation collective puisqu’il était seul à y prendre part. Il affirme qu’il cherchait à exprimer publiquement ses opinions politiques car, le 16 juillet 2009, tous les oppos

ants politiques au Bélarus célébraient une journée de solidarité avec les victimes de la répression exercée par le régime en place. Il rappelle que le droit à la liberté d’expression est garanti par l’article 33 de la Constitution bélarussienne.

2.5L’auteur explique qu’en raison du caractère spontané de son action il n’avait pas jugé nécessaire de demander une autorisation préalable aux autorités. Il ajoute qu’il n’est resté sur le pont Blokhin que dix minutes avant d’être interpellé par la police. De par sa courte durée, son action n’a pas porté atteinte aux droits d’autrui ni causé de préjudice aux habitants ou aux services administratifs de la ville, et personne n’a demandé une quelconque réparation à la suite de cette action.

2.6L’auteur explique que ses opinions politiques vont à l’encontre de l’idéologie officielle de l’État. Il considère par conséquent que son arrestation et sa condamnation à une amende par les autorités de l’État constituent une forme de persécution et de discrimination pour motifs politiques.

2.7L’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes qui lui étaient ouverts.

Teneur de la plainte

3.L’auteur soutient que les faits présentés constituent une violation des droits qu’il tient des articles 19, paragraphe 2, et 26 du Pacte. Postérieurement à sa lettre initiale, il a également invoqué une violation des droits garantis à l’article 21. Il demande à être rétabli dans ses droits et indemnisé du préjudice moral qu’il a subi.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.Dans une note en date du 15 octobre 2010, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication, arguant que l’auteur n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles puisqu’il n’avait pas demandé le réexamen, au titre de la procédure de contrôle, des décisions rendues dans son affaire par les juridictions nationales. Le droit de déposer un recours en vue d’obtenir le réexamen d’un jugement devenu exécutoire en matière administrative est garanti par l’article 12.11 du Code de procédure administrative. Un tel recours doit être déposé dans les six mois suivant la date à laquelle la décision est devenue définitive. La demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle est un recours utile dont l’objectif est de prévenir dans la mesure du possible les procédures injustifiées contre des particuliers. L’auteur n’ayant pas présenté de demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle auprès du Bureau du Procureur, force est de constater qu’il ne s’est pas prévalu de ce recours. Par conséquent, sa communication doit être déclarée irrecevable.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 14 septembre 2011, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il fait remarquer qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, le Bélarus s’est engagé à prendre les arrangements devant permettre l’adoption de mesures d’ordre législatif ou autre, propres à permettre aux personnes relevant de sa compétente d’exercer les droits reconnus dans le Pacte. Il ajoute que l’article 33 de la Constitution bélarussienne garantit le droit de chacun à la liberté de pensée et d’opinion et à la liberté d’expression, tandis que l’article 35 dispose que « l’État garantit la liberté de tenir des rassemblements, réunions, marches, manifestations ou piquets qui ne troublent pas l’ordre public et ne portent pas atteinte aux droits des autres citoyens du Bélarus. La procédure à suivre pour la tenue de telles manifestations est fixée par la loi ». L’auteur dit que ces droits peuvent être exercés par tout citoyen du Bélarus en toutes circonstances, sous réserve des restrictions qui sont prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique pour préserver la sûreté nationale ou la sécurité publique, l’ordre public ou la santé et la moralité publiques, ou pour protéger les droits et libertés d’autrui.

5.2L’auteur réaffirme que ni au moment de son arrestation ni au cours de son procès il n’a été accusé d’avoir porté atteinte à la sûreté nationale ou à la sécurité publique par son action, ni d’avoir troublé l’ordre public, menacé la vie ou la santé d’autrui, bafoué la moralité publique ou violé les droits et libertés d’autrui. Il affirme qu’il a été condamné à une amende pour le simple fait d’avoir établi un piquet dont la tenue n’aurait pas été organisée conformément à la procédure relative aux manifestations collectives.

5.3L’auteur rappelle que l’article 23.34 du Code des infractions administratives ne vise que l’organisation des manifestations collectives, et non la simple participation à de telles manifestations. Il ajoute qu’il n’a pas été établi, ni au moment de son arrestation ni au cours de son procès, qu’il avait lui-même organisé ou conduit le piquet. Par conséquent, en sa qualité de simple participant, il n’aurait pas dû être écarté du lieu de la manifestation ni condamné à une peine administrative. Il affirme qu’en l’éloignant du piquet, les autorités de l’État partie l’ont empêché d’exercer son droit de réunion pacifique. Le caractère pacifique de la réunion découle de son objectif, qui était en l’espèce de déployer un drapeau dans un lieu public. Le drapeau qu’arborait l’auteur est un drapeau national historique du Bélarus, qui n’a pas été interdit par les tribunaux. Le caractère pacifique du piquet tenu par l’auteur n’a pas été contesté par les policiers qui ont procédé à l’arrestation, ni par les tribunaux qui ont examiné l’affaire, ni par l’État partie dans ses observations au Comité.

5.4L’auteur ajoute qu’il a délibérément choisi ce moyen d’exprimer ses opinions parce que son action ne faisait peser aucune menace sur la sûreté nationale ou la sécurité publique, ni sur l’ordre public ou la santé et la moralité publiques, ni sur les droits et libertés d’autrui. Il répète que pas plus les autorités de l’État que des particuliers n’ont demandé réparation d’un préjudice moral ou matériel à la suite de cette action. L’État partie n’a pas non plus formulé de grief à ce sujet dans ses observations.

5.5En ce qui concerne le non-épuisement des recours internes, l’auteur répond que le réexamen de l’affaire par la Cour suprême au titre de la procédure de contrôle avait été superficiel et vain. Il a donc supposé qu’un réexamen par le Bureau du Procureur au titre de la même procédure serait tout aussi vain et a décidé de ne pas exercer ce recours.

5.6L’auteur se déclare victime de violation de l’article 21 du Pacte en sus des violations des articles 19, paragraphe 2, et 26 qu’il a invoquées précédemment.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une note en date du 29 novembre 2011, l’État partie a réaffirmé la position qu’il avait déjà exprimée le 15 octobre 2010 au sujet de la recevabilité de la communication. Il ajoute qu’il considère que celle-ci a été enregistrée en violation de l’article premier du Protocole facultatif.

6.2Dans une note en date du 25janvier 2012, l’État partie a fait observer qu’en adhérant au Protocole facultatif, il a reconnu la compétence du Comité prévue à l’article premier, mais que cette compétence est reconnue pour autant que soient appliquées les autres dispositions pertinentes, notamment celles qui énoncent les conditions à remplir par les auteurs des communications et les critères de recevabilité, en particulier les articles 2 et 5. Selon lui, le Protocole facultatif ne fait pas obligation aux États parties d’accepter le règlement intérieur du Comité, ni l’interprétation que fait celui-ci des dispositions du Protocole – et qui ne pourrait être effective que si elle est faite conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités. L’État partie fait valoir qu’en ce qui concerne la procédure d’examen des communications, les États parties au Protocole facultatif doivent s’appuyer en premier lieu sur les dispositions dudit Protocole, et que la pratique bien établie du Comité, ses méthodes de travail et sa jurisprudence, auxquelles celui-ci renvoie, ne relèvent pas du Protocole facultatif. Il ajoute qu’il considérera toute communication enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif comme incompatible avec celui-ci et qu’il la rejettera sans faire d’observations sur la recevabilité ou sur le fond. Il déclare en outre que les décisions prises par le Comité au sujet de communications ainsi « rejetées » seront considérées par ses autorités comme « non valides ».

Délibérations du Comité

Absence de coopération de la part de l’État partie

7.1Le Comité prend note des arguments de l’État partie, à savoir : qu’il n’existe pas de fondement juridique à l’examen de la communication de l’auteur, étant donné que celle-ci a été enregistrée en violation de l’article premier du Protocole facultatif puisque l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles; que l’État partie n’est pas tenu de reconnaître le règlement intérieur du Comité ni l’interprétation que celui-ci fait des dispositions du Protocole facultatif; que la décision prise par le Comité concernant la présente communication sera considérée par ses autorités comme « non valide ».

7.2Le Comité rappelle que le paragraphe 2 de l’article 39 du Pacte l’autorise à établir son propre règlement intérieur, que les États parties sont convenus d’accepter. Tout État partie qui adhère au Protocole facultatif reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui se déclarent victimes de violations de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte (préambule et art. 1er). Ce faisant, les États parties s’engagent implicitement à coopérer de bonne foi avec le Comité pour lui permettre et lui donner les moyens d’examiner les communications qui lui sont soumises et, après l’examen, de faire part de ses constatations à l’État partie et au particulier concernés (art. 5, par. 1 et 4). Pour un État partie, l’adoption d’une mesure, quelle qu’elle soit, qui empêche le Comité de prendre connaissance d’une communication, d’en mener l’examen à bonne fin et de faire part de ses constatations, est incompatible avec lesdites obligations. Il appartient au Comité de décider si une communication doit être enregistrée. Le Comité relève qu’en n’acceptant pas sa compétence pour décider de l’opportunité d’enregistrer une communication et en déclarant à l’avance qu’il n’acceptera pas sa décision concernant la recevabilité et le fond de communications, l’État partie manque aux obligations qui lui incombent au titre de l’article premier du Protocole facultatif.

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie, qui affirme que l’auteur aurait dû saisir le Bureau du Procureur pour demander le réexamen, au titre de la procédure de contrôle, des décisions rendues par les juridictions nationales. Il prend note également de l’explication de l’auteur, qui fait valoir que le réexamen de son affaire par la Cour suprême au titre de la procédure de contrôle a été superficiel et vain. Le Comité renvoie à sa jurisprudence et réaffirme que la procédure de contrôle devant le Bureau du Procureur général, qui permet le réexamen de décisions judiciaires devenues exécutoires, ne constitue pas un recours qui doit être épuisé aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Il conclut qu’en l’espèce le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la communication.

8.4Le Comité note que l’auteur invoque une violation des droits qui lui sont reconnus à l’article 21 du Pacte. Dans les circonstances de l’espèce, et en l’absence d’autres renseignements utiles sur ce point, il considère que cette partie de la communication est irrecevable ratione materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.5Le Comité prend aussi note du grief que l’auteur tire de l’article 26 du Pacte. Cela étant, l’auteur n’a pas apporté suffisamment d’informations pour étayer ce grief aux fins de la recevabilité. En l’absence d’autres renseignements utiles sur ce point, le Comité considère que cette partie de la communication n’a pas été étayée aux fins de la recevabilité et qu’elle est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.6Enfin, le Comité considère que l’auteur a suffisamment étayé aux fins de la recevabilité ses autres griefs, qui soulèvent des questions au regard de l’article 19, paragraphe 2, du Pacte. En conséquence, il déclare recevable cette partie de la communication et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2Le Comité note que, selon l’auteur, le fait d’avoir été arrêté et condamné à une amende pour avoir tenté de déployer un drapeau traditionnel bélarussien sur un pont et d’exprimer ainsi son opposition au régime en place – action qualifiée de piquet non autorisé par les autorités – constitue une restriction injustifiée du droit à la liberté d’expression, qui est protégé par l’article 19, paragraphe 2 du Pacte. Il note également que, selon l’auteur, l’action en cause n’était pas une réunion, mais consistait à répandre des informations et n’était pas soumise aux dispositions relatives à l’organisation de manifestations collectives.

9.3Le Comité doit déterminer si l’imposition d’une amende pour sanctionner les actes de l’auteur était contraire au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Il ressort des informations dont il dispose que les actes de l’auteur ont été qualifiés par les tribunaux de participation à un piquet non autorisé et n’ont pas été considérés comme consistant à « répandre des informations ». Le Comité estime que l’État partie, en appliquant une procédure relative à l’organisation de manifestations collectives, a effectivement imposé des restrictions à l’exercice, par l’auteur, du droit de répandre des informations, tel qu’il est garanti au paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte.

9.4Le Comité rappelle qu’aux termes du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte, les États parties doivent garantir le droit à la liberté d’expression, qui comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite ou imprimée. Le Comité renvoie à son observation générale no 34 (2011), dans laquelle il a indiqué que la liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu. Ces libertés sont essentielles pour toute société et constituent le fondement de toute société libre et démocratique.

9.5Le Comité doit donc déterminer si, en l’espèce, de telles restrictions étaient justifiées au regard du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Il rappelle que cette disposition autorise certaines restrictions, à condition qu’elles soient prévues par la loi et qu’elles soient nécessaires a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui, ou b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public ou de la santé ou de la moralité publiques. Il fait observer que toutes restrictions imposées à l’exercice des droits protégés au paragraphe 2 de l’article 19 doivent répondre au strict critère de la nécessité et de la proportionnalité et doivent être directement liées au besoin spécifique sur lequel elles sont fondées.

9.6Le Comité souligne que si un État partie impose une restriction aux droits garantis au paragraphe 2 de l’article 19, il lui incombe de prouver que cette restriction était nécessaire dans le cas d’espèce, et que, même si, en principe, les États parties ont la faculté de mettre en place un système visant à concilier la liberté d’un individu de répandre des informations et l’intérêt général qu’il y a à maintenir l’ordre public dans une zone déterminée, le fonctionnement de ce système ne doit pas être incompatible avec l’objet et le but de l’article 19 du Pacte.

9.7À cet égard, le Comité note que l’État partie n’a pas cherché à expliquer pourquoi il était nécessaire, aux fins de l’un des objectifs légitimes énoncés au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte, que l’auteur obtienne l’autorisation préalable de se livrer à l’activité prévue, ni pourquoi il était nécessaire de sanctionner le non-respect de cette exigence par l’arrestation de l’auteur, l’imposition d’une amende et la confiscation du drapeau qui lui appartenait. L’État partie n’a pas non plus expliqué comment en l’espèce l’action de l’auteur aurait dans la pratique porté atteinte aux droits et libertés d’autrui ou menacé la sécurité publique ou l’ordre public. Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits qui sont garantis à l’auteur en vertu du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que l’État partie a violé les droits qui sont garantis à l’auteur en vertu du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte.

11.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, y compris sous la forme d’une indemnisation appropriée. Il est en outre tenu de prendre des mesures pour que des violations analogues ne se reproduisent pas. À ce sujet, le Comité appelle une nouvelle fois l’État partie à réviser sa législation, en particulier la loi du 30 décembre 1997 relative aux manifestations collectives qui a été appliquée en l’espèce, afin que les droits consacrés par l’article 19 du Pacte puissent être pleinement exercés dans l’État Partie.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans le pays en biélorusse et en russe.