Nations Unies

CCPR/C/110/D/1894/2009

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

29 avril 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Communication no 1894/2009

Décision adoptée par le Comité à sa 110e session (10-28 mars 2014)

Communication présentée par:

G. J. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Lituanie

Date de la communication:

26 novembre 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 18 août 2009 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision:

25 mars 2014

Objet:

Traitement inhumain; légalité de la détention; droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et de communiquer avec un conseil; droit d’interroger ou de faire interroger des témoins; droit de ne pas témoigner contre soi-même

Question ( s ) de procédure:

Incompatibilité avec les dispositions du Pacte; bien-fondé des griefs; épuisement des recours internes

Question ( s ) de fond:

Traitement inhumain; détention illégale; habeas corpus; garanties d’un procès équitable

Article(s) du Pacte:

7, 9 (par. 1 et 4), 10 (par. 1) et 14 (par. 3 b), d), e) et g))

Article(s) du Protocole facultatif:

2 et 3

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme en vertudu Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (110e session)

concernant la

Communication no 1894/2009 *

Présentée par:

G. J. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Lituanie

Date de la communication:

26 novembre 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le25 mars 2014,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur est G. J., un ressortissant lituanien né en 1950. Il se dit victime de violations par la Lituanie des droits qu’il tient de l’article 7, des paragraphes 1 et 4 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10 et du paragraphe 3 b), d), e) et g) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n’est pas représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la Lituanie le 20 février 1992.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 18 mai 2005, l’auteur a été arrêté en relation avec des faits d’extorsion et le meurtre d’un certain M. G. S. en 1993, commis dans le cadre d’un groupe organisé, en vertu de l’article 24, paragraphe 4, de l’article 25, paragraphe 3, de l’article 129, paragraphe 2, alinéa 9, et de l’article 181, paragraphe 3, du Code pénal lituanien.

2.2Le 19 mai 2005, le tribunal du deuxième district de Vilnius l’a placé en détention pour trois mois. L’auteur a indiqué au tribunal qu’en mars 2003, une hépatite C incurable avait été diagnostiquée chez lui et que, depuis janvier 2005, il participait à un essai clinique concernant un nouveau médicament pour cette maladie, censé prendre fin en décembre 2005.

2.3Le 27 mai 2005, l’avocat de l’auteur a fait appel de la décision du tribunal de district devant le tribunal régional de Vilnius. L’appel a été rejeté le 3 juin 2005, notamment parce que l’hôpital pénitentiaire avait assuré que le traitement de l’auteur pourrait se poursuivre en détention.

2.4Le 13 juin 2005, l’auteur a demandé au Bureau du Procureur de le placer en résidence surveillée afin qu’il puisse poursuivre son traitement. Sa demande a été rejetée le 1er juillet 2005 par le procureur (nom fourni) du Département des enquêtes sur le crime organisé et la corruption (ci-après «le procureur»). À une date non précisée, l’auteur a formé un recours contre cette décision mais il a été de nouveau débouté le 20 juillet 2005. Le 31 juillet 2005, il a fait appel des deux décisions devant un juge d’instruction du tribunal du deuxième district de Vilnius. Ces appels ont été rejetés les 2 et 8 août 2005. L’auteur s’est pourvu contre les décisions du juge d’instruction devant le Président du tribunal du deuxième district de Vilnius. Le 22 août 2005, il a été débouté pour des motifs de procédure.

2.5Le 18 juillet 2005, l’avocat de l’auteur a demandé au procureur un assouplissement des conditions de détention de son client, en faisant valoir que la vie de l’auteur serait menacée si celui-ci cessait de prendre le médicament expérimental. Le procureur a refusé de faire droit à cette demande le 29 juillet 2005. L’auteur précise que sa demande était fondée sur le paragraphe 3 de l’article 8 de la loi sur la détention provisoire, qui interdit de pratiquer toute expérimentation scientifique ou médicale sur un détenu, même avec son consentement. Le procureur a néanmoins affirmé que cette disposition ne s’appliquait pas lorsque de tels essais étaient menés à l’initiative du détenu.

2.6Le 1er août 2005, l’auteur a été accusé de plusieurs infractions plus ou moins graves.

2.7Le 3 août 2005, son avocat s’est pourvu contre la décision du procureur en date du 29 juillet 2005 devant le tribunal du deuxième district de Vilnius pour demander un assouplissement de la mesure de contrainte. Ce recours a été rejeté le 8 août 2005.

2.8Le 16 août 2005, le tribunal du deuxième district de Vilnius a prolongé de trois mois la détention de l’auteur. Le même jour, l’avocat de l’auteur s’est de nouveau pourvu contre la décision du procureur du 29 juillet 2005 et a fait appel de la décision du tribunal du deuxième district de Vilnius en date du 8 août 2005. Le 22 août 2005, le Président par intérim du tribunal du deuxième district de Vilnius a rejeté le recours, en indiquant notamment que la décision du juge était définitive et non susceptible d’appel.

2.9Le 29 juillet 2005, la femme de l’auteur a écrit au Ministère de la santé à propos de la participation de son mari au programme de traitement médicamenteux expérimental dans le cadre de sa détention. Le Ministère de la santé a chargé le comité de bioéthique d’examiner sa réclamation.

2.10L’auteur a cessé de recevoir le traitement expérimental le 16 août 2005.

2.11En août 2005, après que le traitement eut pris fin, la femme de l’auteur a saisi différentes autorités pour demander que son mari reçoive le traitement nécessaire. Le 2 septembre 2005, le Ministère de la santé a répondu qu’il avait été mis fin à la participation de l’auteur à l’essai clinique parce que celle-ci était contraire à l’article 8 de la loi sur la détention provisoire et au paragraphe 2 de l’article 5 de la loi d’éthique pour la recherche biomédicale. Le Ministère a indiqué que la détention provisoire constituait un obstacle dirimant à la poursuite des essais cliniques et que l’auteur se verrait prescrire un traitement «standard». La Commission parlementaire de la santé a fait savoir, le 11 octobre 2005, qu’elle n’était pas habilitée à se prononcer sur la participation de telle ou telle personne à des recherches biochimiques.

2.12Lorsque la participation de son client à l’expérimentation a été suspendue, l’avocat de l’auteur a saisi le tribunal du premier district de Vilnius pour demander que l’administration de l’hôpital universitaire Santariskiu de Vilnius réintègre l’auteur dans le programme d’essais cliniques et que des mesures conservatoires soient prises, sous la forme de la poursuite du traitement expérimental, dans l’attente d’une décision sur le fond de l’affaire. Le 18 août 2005, le tribunal de district a considéré que la demande ne remplissait pas les conditions de l’article 111 du Code de procédure civile et a ordonné qu’elle soit rectifiée au plus tard le 7 septembre 2005.

2.13Le 30 août 2005, l’auteur s’est pourvu contre la décision du tribunal de district du 18 août 2005 et a prié le Président du tribunal du premier district de Vilnius de ne pas mettre fin au traitement expérimental, car il serait trop tard, le 7 septembre 2005, pour reprendre le traitement. Ce recours n’a pas été examiné, l’auteur ayant été libéré le 9 septembre 2005.

2.14Le 9 septembre 2005, le tribunal régional de Vilnius a ordonné la libération sous caution de l’auteur après lui avoir fait signer un document dans lequel il s’engageait à ne pas quitter le pays. L’auteur fait observer que les circonstances de fait n’avaient pas changé depuis son arrestation, si ce n’est que sa santé s’était considérablement détériorée durant sa détention. Le jour même, il a été hospitalisé à l’hôpital régional de Klaipeda.

2.15Les 3 et 10 janvier 2006, l’auteur a demandé au Bureau du Procureur de prendre des mesures disciplinaires contre le procureur évoqué plus haut. Sa demande a été transmise à un juge d’instruction du tribunal du deuxième district de Vilnius qui, le 30 janvier 2006, a conclu que la mise en détention de l’auteur avait été décidée par un tribunal, que toutes les occasions avaient été offertes à l’auteur d’être traité par les médicaments expérimentaux durant sa détention et qu’il avait été mis fin au traitement non pas par le juge d’instruction ou par un procureur, mais à la demande de l’auteur et de sa femme.

2.16Le 3 juin 2005, l’auteur a été admis à l’hôpital pénitentiaire en raison d’un risque de crise cardiaque. Il a perdu connaissance alors qu’un fonctionnaire de police tentait de l’interroger. Le 6 juin 2005, il s’est plaint auprès du Procureur général du fait que des actes d’instruction avaient été accomplis pendant son hospitalisation, en l’absence de son avocat. Le 20 juillet 2005, le procureur a estimé que sa plainte n’était pas fondée.

2.17L’auteur et sa femme ont alors tenté de faire valoir le caractère illicite des actes d’instruction auprès du Président de la Ligue des droits de l’homme, de la Commission des droits de l’homme du Parlement et de l’Institut lituanien pour la surveillance du respect des droits de l’homme, mais leurs démarches n’ont pas abouti.

2.18Le 28 février 2006, l’auteur a saisi le Bureau du Procureur, en reprenant les demandes qu’il avait présentées les 6 et 13 juin 2005. Le 26 mai 2006, le même procureur a mis en garde l’auteur et sa femme, en appelant leur attention sur le fait qu’au cours de l’instruction, ils avaient saisi diverses institutions de plus d’une centaine de demandes à caractère répétitif. D’après le procureur, ils avaient, en agissant ainsi, commis un abus du droit de se pourvoir contre des actes et des décisions de procédure, ce qui constituait une entrave à l’instruction.

2.19Le 1er septembre 2006, le Procureur général adjoint a avisé l’auteur que son avocat et lui avaient présenté plus de 150 réclamations au cours de l’instruction. Il a souligné que ces demandes et réclamations, par leur nombre exorbitant, avaient nui à l’efficacité et à la rigueur de l’instruction de l’affaire, en violation du principe de rapidité de la justice selon le Code de procédure pénale.

2.20Le 15 septembre 2006, l’auteur a saisi le tribunal du deuxième district de Vilnius pour se plaindre des mesures illicites prises par le procureur en question, notamment de celles ayant abouti à la détérioration de son état de santé et à l’interruption du traitement expérimental. Le 27 septembre 2006, un juge d’instruction a déclaré la demande mal fondée. À une date non précisée, l’auteur s’est pourvu contre cette décision auprès du Président du tribunal du deuxième district de Vilnius, mais sans succès. Les demandes analogues qu’il a présentées ultérieurement ont été rejetées.

2.21L’auteur insiste en outre longuement sur les recommandations formulées le 5 juillet 2007 par le Groupe d’experts médicaux du Centre d’hépatologie, de gastroentérologie et de diététique de l’hôpital universitaire Santariskiu de Vilnius, qui mettaient en avant les effets positifs du traitement par le médicament expérimental.

2.22Le 18 mars 2008, alors qu’il était se trouvait à l’hôpital de Klaipeda et que son médecin avait interdit tout acte d’instruction à son égard, l’auteur s’est vu notifier sa qualité de suspect et a été interrogé dans l’établissement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur allègue une violation des droits qu’il tient de l’article 7 et du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et affirme que l’interruption de sa participation à l’essai clinique a compromis son état de santé. Le fait d’avoir été interrogé alors qu’il était hospitalisé et en état de vulnérabilité a constitué une violation des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte.

3.2L’auteur se dit victime d’une violation des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 du Pacte et affirme qu’alors que sa participation à l’expérimentation clinique était indispensable, il a été illégalement placé en détention le 19 mai 2005 et que les autorités ont refusé d’assouplir la mesure de contrainte le concernant.

3.3L’auteur allègue aussi une violation des droits que lui garantissent l’article 10 et les alinéas d et g du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte et déclare qu’il a été interrogé alors qu’il était hospitalisé, en état de vulnérabilité et en l’absence de son avocat, et qu’il a été ainsi forcé de témoigner contre lui-même. À ce dernier égard, l’auteur affirme aussi qu’il lui a été proposé à plusieurs reprises de s’avouer coupable, en contrepartie de quoi il serait libéré et pourrait ainsi poursuivre son traitement.

3.4L’auteur fait également valoir que les droits qu’il tient des alinéas b et g du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte ont été violés et indique que le 18 mars 2008, alors qu’il était hospitalisé et que son médecin avait interdit de le soumettre à tout acte d’instruction, son statut de suspect lui a été officiellement notifié et il a été interrogé par des enquêteurs.

3.5Le 15 mars 2010, l’auteur a allégué d’autres violations de ses droits au titre des alinéas b et e du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte, en soulignant qu’il n’avait pas disposé de suffisamment de temps pour préparer sa défense en raison de l’impossibilité de prendre connaissance du dossier d’instruction et de le compléter, qu’il n’avait pas pu communiquer librement avec son avocat lorsqu’il était en détention et que sa détention avait ensuite été remplacée par l’interdiction de quitter la ville de Palanga. Le 11 septembre 2010, en se fondant sur l’alinéa e du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte, l’auteur a ajouté que la possibilité d’interroger ou de faire interroger certains témoins lui avait été refusée.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 13 novembre 2009, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. Il fait observer que le 1er décembre 2004, avant sa mise en détention en 2005, l’auteur a, de son propre chef, décidé de participer à l’essai clinique, et qu’il a décidé de l’interrompre le 16 août 2005 en prétextant qu’en tant que détenu, il ne pouvait poursuivre sa participation. Entre le 19 mai et le 16 août 2005, les autorités ont assuré sa participation à l’expérimentation en le conduisant trois fois par semaine dans l’établissement de santé qui menait les recherches.

4.2L’engagement des recherches expérimentales avait pour but de confirmer l’efficacité et l’innocuité d’un certain médicament pour les personnes souffrant d’hépatite C à évolution lente.

4.3Le 1er décembre 2004, le Centre d’hépatologie, de gastroentérologie et de diététique de l’hôpital universitaire de Vilnius (ci-après «le Centre») a invité l’auteur à participer aux recherches précitées, ce que celui-ci a accepté. À ce propos, l’État partie fait observer que le contrôle de l’efficacité du médicament était assuré par l’administration d’une substance dépourvue de principe actif (un placebo) à plusieurs participants. Ni le patient ni le médecin traitant ne savaient si c’était le médicament ou le placebo qui était injecté. En vertu de l’accord qu’il avait conclu avec le Centre, l’auteur pouvait mettre fin à tout moment à sa participation.

4.4Le 19 mai 2005, le tribunal du deuxième district de Vilnius a placé l’auteur en détention pour trois mois. Cependant, la participation de l’auteur à l’expérimentation était assurée durant sa détention. Le 18 juillet 2005, l’un des avocats de l’auteur a demandé au procureur d’assouplir la mesure de contrainte, en invoquant l’article 8 de la loi sur la détention provisoire, qui interdit de faire participer des détenus à des expérimentations scientifiques ou médicales. Le 29 juillet 2005, le procureur a expliqué que c’était là une interprétation injustifiée de l’article 8 de la loi puisque l’auteur avait entrepris l’essai avant son placement en détention et que les autorités se contentaient de permettre la poursuite de sa participation durant sa détention.

4.5L’État partie ajoute que la femme de l’auteur est intervenue auprès de diverses institutions publiques à propos de la participation de son mari aux recherches durant sa détention. En outre, le 1er août 2005, elle a publié une lettre ouverte au Ministre de la santé dans le plus grand quotidien national, «Lietuvos Rytas». Dans ces circonstances, l’organisateur des recherches a décidé, le 11 août 2005, d’en exclure l’auteur. Selon l’État partie, l’auteur s’est servi de sa participation à l’expérimentation pour obtenir l’assouplissement de la mesure de contrainte qui lui était imposée. De plus, les allégations selon lesquelles l’interruption de sa participation aux recherches avait eu des conséquences fatales pour sa santé étaient dépourvues de fondement.

4.6C’est pourquoi l’État partie considère que les griefs de l’auteur ne relèvent pas des articles 7 et 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’article 7 du Pacte garantit à chacun le droit de ne pas être soumis à une expérience médicale ou scientifique sans son libre consentement, mais non une protection contre l’interruption d’expériences médicales ou scientifiques. En conséquence, cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.7À titre subsidiaire, l’État partie considère que l’auteur n’a pas étayé ses allégations et n’a pas prouvé avoir subi un préjudice ou des souffrances tels qu’ils constituent une violation des articles précités du Pacte. En conséquence, les griefs tirés par l’auteur des articles 7 et 10 du Pacte ne sont pas étayés et sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.8L’État partie ajoute qu’en tout état de cause, l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles comme l’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. En particulier, le droit de tout patient de recevoir un traitement approprié est prévu à l’article 3 de la loi sur les droits des patients et sur la réparation des atteintes à leur santé. L’État partie souligne donc que l’auteur, pour défendre son droit, prétendument violé, à un traitement médical approprié, aurait pu saisir les autorités nationales, notamment le Service public d’inspection et de contrôle des soins médicaux, ainsi que les tribunaux, et engager une action judiciaire contre l’hôpital universitaire de Vilnius, lequel aurait pu aussi être tenu de réparer un préjudice éventuel.

4.9L’État partie note que le 16 août 2005, un tribunal a été saisi d’une demande aux fins de mesures conservatoires, à savoir la reprise des injections du médicament expérimental. Le 18 août 2005, compte tenu des nombreux vices de procédure entachant la requête, le tribunal a fixé un nouveau délai pour la présentation de celle-ci. Cela n’interdisait pas de présenter la requête avant l’expiration du délai. Sans tenir compte des vices de procédure signalés qui empêchaient l’examen de la requête, l’auteur a, le 30 août 2005, soumis la requête au Président du tribunal du premier district de Vilnius en demandant le dessaisissement du juge qui avait rendu la décision du 18 août 2005. Cette demande a été rejetée le 1er septembre 2005 comme étant manifestement mal fondée. Le 8 septembre 2005, aucun recours exempt de vice de procédure n’ayant été présenté, le tribunal du premier district de Vilnius a décidé de ne pas examiner la requête aux fins de mesures conservatoires.

4.10L’État partie relève en outre que l’auteur allègue une violation des droits qu’il tient de l’article 10 du Pacte en affirmant que la police est venue l’interroger alors qu’il se trouvait à l’hôpital pénitentiaire. Étant donné que l’auteur n’a pas précisé la date à laquelle il a reçu la visite de la police, l’État partie suppose qu’il fait référence à la visite d’un enquêteur, le 6 juin 2005, dont il est fait état dans la procédure interne. Il note que l’auteur a été hospitalisé du 3 au 13 juin 2005 et souligne que l’affirmation de celui-ci selon laquelle il était «sur le point d’avoir une crise cardiaque» est inexacte. À l’époque, l’état de santé de l’auteur était satisfaisant et son hospitalisation avait été décidée à l’avance, et non en urgence. Le dossier médical de l’auteur ne mentionne aucune visite spéciale ou exceptionnelle d’un médecin qui aurait été due à une aggravation de l’état de santé ou à une perte de connaissance de l’auteur le 6 juin 2005. En outre, l’examen médical du 7 juin 2005 a montré que le rythme cardiaque de l’auteur était normal et qu’il n’y avait aucune atteinte coronarienne. En conséquence, les griefs de l’auteur tirés de l’article 10 selon lesquels la visite du policier enquêteur, le 6 juin 2005, aurait été préjudiciable à sa santé ne sont pas étayés et sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif. L’État partie fait valoir qu’en tout état de cause, l’auteur n’a pas épuisé les recours internes à cet égard.

4.11S’agissant des griefs de l’auteur tirés des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 du Pacte, l’État partie fait observer qu’au moment de la présentation de ses observations, l’instruction était achevée et l’affaire pénale était en cours d’examen devant le tribunal de première instance. Cette affaire comporte 105 dossiers, et 13 suspects, dont l’auteur, sont accusés de différentes infractions.

4.12L’État partie ajoute que, le 19 mai 2005, le tribunal du deuxième district de Vilnius, appelé à se prononcer sur la détention provisoire de l’auteur, est parvenu aux conclusions suivantes: le dossier pénal contenait suffisamment d’éléments à charge pour supposer que le suspect avait bel et bien commis les faits qui lui étaient reprochés; de plus, l’auteur était soupçonné d’avoir commis des infractions graves et encourait une peine d’emprisonnement, risque qui pouvait l’inciter à tenter de s’enfuir. Il a aussi été noté que l’enquête n’était pas terminée et que tous les suspects n’avaient pas été arrêtés, ce qui faisait craindre que l’auteur ne tente d’influencer des tiers (par exemple des témoins, des experts, d’autres suspects, etc.), de se cacher ou de falsifier des preuves importantes. Le tribunal a conclu à un risque que l’auteur n’entrave la procédure. L’État partie souligne que le tribunal a tenu compte de l’état de santé de l’auteur et a estimé que rien ne permettait de penser qu’il ne recevrait pas des soins médicaux appropriés pendant sa détention.

4.13L’État partie note que le 16 août 2005, le tribunal du deuxième district de Vilnius a approuvé la demande du procureur tendant à une prolongation de trois mois de la détention de l’auteur. Le 9 septembre 2005, le tribunal régional de Vilnius, statuant en appel, a infirmé la décision de la juridiction inférieure, et l’auteur a été libéré le jour même.

4.14Se référant à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme, l’État partie fait observer que, lorsque les griefs sont par essence liés à l’appréciation de faits, d’éléments de preuve et de questions de droit interne par les juridictions internes, il appartient généralement aux juridictions de l’État partie concerné, et non au Comité, d’apprécier les faits dans un cas d’espèce et d’interpréter la législation interne, sous réserve que leur appréciation des faits et leur interprétation de la loi ne soient pas manifestement arbitraires ou ne constituent pas un déni de justice. Dans la présente affaire, les questions liées au caractère «suffisant» des éléments de preuve, à l’existence de motifs justifiant le placement en détention provisoire, ainsi qu’aux circonstances à prendre en considération pour décider du type particulier de mesure provisoire à appliquer, ont été examinées. En conséquence, les griefs de l’auteur tirés des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 du Pacte ne sont pas étayés et sont irrecevables.

4.15S’agissant des griefs de l’auteur tirés des alinéas b, d et g du paragraphe 3 de l’article 14, l’État partie relève que ces dispositions du Pacte énoncent une série de garanties minimales en faveur des personnes accusées d’infractions pénales. Il fait observer que trois avocats ont assisté l’auteur dans les procédures internes. Les différents organes publics, y compris le procureur et le juge d’instruction, ont été submergés par les requêtes répétées de l’auteur. Le 26 mai 2006, le procureur a ainsi rappelé à l’auteur, en réponse à sa requête du 22 mai 2006, que ses demandes avaient déjà été examinées et en partie satisfaites. Le procureur a appelé l’attention de l’auteur sur le fait qu’il avait déjà soumis plus d’une centaine de réclamations et que celles-ci, par leur nombre et leur caractère répétitif, constituaient un abus du droit de saisir la justice. Le 1er septembre 2006, le Procureur général adjoint a lui aussi fait remarquer à l’auteur et à ses avocats qu’ils avaient déjà soumis plus de 150 plaintes qui avaient été examinées et auxquelles il avait été fait droit dans certains cas.

4.16S’agissant de la visite du fonctionnaire de police le 6 juin 2005, l’État partie reprend sa version des faits concernant la nature de l’admission de l’auteur à l’hôpital pénitentiaire et son traitement ultérieur. Il relève en outre que l’auteur s’était plaint de cette visite auprès du Procureur général le 6 juin 2005. Le 13 juin 2005, ses griefs ont été transmis, pour examen, au procureur chargé de l’affaire.

4.17L’État partie souligne que, selon le procès-verbal officiel établi par le fonctionnaire de police, la visite du 6 juin 2005 a eu lieu à l’initiative de l’auteur et d’un avocat. Ceux-ci avaient notamment exprimé le souhait d’une rencontre afin de donner des renseignements à titre officieux concernant d’autres membres du groupe criminel organisé. Lorsqu’il est arrivé, le policier a constaté que le conseil de l’auteur n’était pas présent et que l’auteur ne souhaitait pas s’exprimer, et a donc quitté les lieux. À ce propos, l’État partie affirme que le fait que l’initiative de prendre contact avec le policier ait été prise par l’avocat de l’auteur pourrait être confirmé par ce qui est relaté dans le dossier médical de l’auteur de la rencontre «privée» qui a eu lieu le 7 juin 2005. Selon ce dossier, le 7 juin 2005 à 13 heures, un médecin a été appelé dans le service car l’auteur s’était plaint d’une douleur dans la poitrine. L’auteur a expliqué qu’il avait travaillé avec son avocat et l’enquêteur mais s’était senti fatigué. Le 8 juin 2005, il est indiqué dans le dossier médical que l’auteur se sentait bien et ne se plaignait d’aucun trouble. Les résultats des examens médicaux qui ont ensuite été pratiqués n’ont révélé aucune atteinte coronarienne ni aucun autre problème de santé connexe. L’État partie souligne que l’auteur n’a jamais été interrogé dans le cadre de l’instruction durant son hospitalisation du 3 au 13 juin 2005.

4.18Enfin, l’État partie réfute catégoriquement toutes les allégations de l’auteur concernant le fait qu’on a tenté de le forcer à s’avouer coupable. Il fait observer en particulier que l’auteur n’a jamais reconnu aucune des accusations portées contre lui et qu’il persiste dans ses dénégations.

4.19L’État partie conclut que, dès lors que la visite du policier ne constituait pas un interrogatoire et qu’elle n’a entraîné aucune conséquence juridique pour l’auteur, les griefs de celui-ci à cet égard ne relèvent pas des alinéas d et g du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte, et que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif. À titre subsidiaire, il soutient qu’elle n’est pas étayée et qu’elle est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif. Cette partie de la communication est également irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. En effet, l’auteur avait notamment saisi le Bureau du Procureur général d’une réclamation à propos des circonstances dans lesquelles il aurait été interrogé le 6 juin 2005, laquelle réclamation avait été rejetée, mais il n’a jamais formé de recours judiciaire contre cette décision, comme l’y autorisait l’article 63 du Code de procédure pénale.

4.20Pour ce qui est de la notification officielle à l’auteur de son statut de suspect le 18 mars 2008, l’État partie explique que le 5 mars 2008, l’auteur et ses trois avocats ont été informés que l’auteur était convoqué à un interrogatoire le 13 mars 2008. À la demande de l’auteur, la date de l’interrogatoire a été reportée au 14 mars 2008. Toutefois, l’auteur ne s’est pas présenté à l’heure fixée; en fait, il est apparu qu’il était traité dans l’unité d’urologie de l’hôpital de Klaipeda depuis le 13 mars 2008 et qu’il avait subi une opération. Le 15 mars 2008, le chef de l’unité d’urologie de l’hôpital de Klaipeda a été interrogé par la police et a expliqué que l’auteur souffrait d’une sténose urétrale. Le médecin a cependant confirmé que l’opération ne présentait aucun caractère d’urgence.

4.21Le médecin qui traitait l’auteur à l’époque a précisé à la police que l’état de celui-ci était satisfaisant, qu’il pouvait lire et écrire, et qu’il était conscient et lucide. Il ne s’est pas opposé à ce que l’auteur reçoive notification de son statut de suspect à l’hôpital, le 18 mars 2008.

4.22Le 15 mars 2008, les avocats de l’auteur ont été informés que puisque celui-ci ne pouvait se rendre à Vilnius en raison de son état de santé, il se verrait notifier son statut de suspect le 18 mars 2008 à 10 heures à l’hôpital. Cette notification a effectivement eu lieu le 18 mars 2008, en présence de l’avocat de l’auteur. À cette occasion, il a été établi un procès-verbal concernant le refus de l’auteur de répondre aux questions sous prétexte que son état de santé ne lui permettait pas de témoigner car il ne comprenait pas les charges portées contre lui; dans le même temps, l’auteur a nié catégoriquement avoir commis une quelconque infraction. Il a par ailleurs été noté que l’avocat de l’auteur avait lu le procès-verbal et en avait confirmé l’exactitude. Lorsqu’il a été pris contact avec le médecin traitant le 20 mars 2008, celui-ci a indiqué que l’auteur était déjà sorti de l’hôpital et que la notification de son statut de suspect n’avait entraîné pour lui aucune conséquence néfaste.

4.23Étant donné que l’auteur et ses avocats avaient été informés par écrit les 5, 7 et 15 mars 2008 qu’il allait être procédé à la notification officielle à l’auteur de son statut de suspect, l’État partie fait valoir que l’auteur a été informé suffisamment tôt aux fins de l’alinéa b du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte. L’auteur est sorti de l’hôpital le 20 mars 2008 et n’a subi aucune entrave à l’exercice de son droit de défense.

4.24En conséquence, les griefs de l’auteur tirés des alinéas b et g du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte ne sont pas étayés et ne sont recevables ni en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, ni pour non-épuisement des recours internes, en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.25Le 18 février 2010, l’État partie a communiqué ses observations sur le fond de la communication. À propos de l’interruption de la participation de l’auteur à l’essai clinique, l’État partie réitère ses observations précédentes et affirme qu’il n’y a eu aucune violation des droits que tient l’auteur des articles 7 et 10 du Pacte.

4.26Pour ce qui est des conséquences sur la santé de l’auteur de l’interrogatoire qui aurait eu lieu en juin 2005 à l’hôpital, l’État partie renvoie à ses précédentes observations et réaffirme que les droits de l’auteur au titre du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte n’ont pas été violés.

4.27S’agissant des griefs de l’auteur tirés de l’article 9 du Pacte, l’État partie reprend ses précédents arguments et souligne que les dispositions de cet article ont été respectées en l’espèce, une attention considérable ayant été accordée à l’état de santé de l’auteur lors du choix de la mesure de contrainte. Il fait observer que, de manière générale, les personnes souffrant d’hépatite C mènent une vie normale si elles reçoivent des soins appropriés. Cela étant, cette maladie n’exclut pas par nature la possibilité d’une mise en détention, ce que l’auteur, en particulier, n’a pas contesté à l’échelon national. De plus, même après l’interruption de la participation de l’auteur à l’essai, un traitement de remplacement lui a été prescrit.

4.28À propos des griefs de l’auteur relatifs à la visite du policier le 6 juin 2005, l’État partie reprend ses précédents arguments, en faisant observer qu’il lui est difficile d’apprécier les circonstances en cause, celles-ci n’ayant pas fait l’objet d’une appréciation au niveau interne. De plus, rien ne démontre que l’auteur aurait été forcé de témoigner contre lui-même, puisqu’il n’a jamais reconnu sa culpabilité à l’égard d’aucune des charges portées contre lui. En conséquence, les droits qu’il tient des alinéas d et g du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte n’ont pas été violés.

4.29Pour ce qui est du caractère prétendument illégal de la notification à l’auteur, le 18 mars 2008, de son statut de suspect, l’État partie réitère ses précédentes observations et affirme qu’il n’y a pas eu violation des droits reconnus à l’auteur par les alinéas b et g du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 5 février 2010, l’auteur a réaffirmé que le tribunal du deuxième district de Vilnius, lorsqu’il a décidé de la mesure de contrainte à lui imposer le 19 mai 2005, savait que l’interruption de sa participation au traitement expérimental aurait des conséquences néfastes sur sa santé.

5.2Il ajoute qu’il n’était pas conduit trois fois par semaine à l’institution médicale qui effectuait des recherches, mais au service médical de la maison d’arrêt de Lukiskes, où le médicament lui était administré. Une fois par mois, il était examiné à l’institution chargée des recherches.

5.3L’auteur affirme que lui-même, ses avocats et sa femme ont épuisé tous les recours internes disponibles au sens du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

5.4S’agissant des griefs tirés de l’article 9 du Pacte, l’auteur met en avant les recommandations formulées le 5 juillet 2007 par le Groupe d’experts médicaux du Centre d’hépatologie, de gastroentérologie et de diététique de l’hôpital universitaire Santariskiu de Vilnius, concernant les effets positifs du traitement par le médicament expérimental.

5.5À propos de son interrogatoire en l’absence d’avocat, l’auteur affirme avoir été interrogé les 5 et 6 juin 2005 et avoir déposé plainte à ce sujet auprès du Bureau du Procureur. Du 3 au 13 juin 2005, il a été traité à l’hôpital pénitentiaire pour, entre autres, hypertonie, dépression nerveuse, insomnie, hépatite virale C chronique et atteinte coronarienne. Il affirme qu’entre le 3 et le 7 juin 2005 aucun médecin ne l’a examiné parce que le cardiologue était absent.

5.6Pour ce qui est de la notification de son statut de suspect le 18 mars 2008, l’auteur insiste sur la violation de l’article 188 du Code de procédure pénale (relatif aux interrogatoires de suspects malades). En outre, un médecin du Centre neuropsychologique de Vilnius avait recommandé de ne procéder à aucun acte d’instruction à son égard à ce moment-là en raison de son état de santé.

5.7L’auteur affirme en outre que le fait qu’il ne se soit jamais avoué coupable ne contredit pas son grief tiré de l’alinéa g du paragraphe 3 de l’article 14, puisque son arrestation et les interrogatoires illicites auxquels il a été soumis à l’hôpital en l’absence d’avocat visaient à le forcer à s’avouer coupable d’infractions qu’il n’avait jamais commises.

5.8Le 15 mars 2010, l’auteur a réaffirmé ses griefs en ajoutant notamment que contrairement aux dispositions de l’alinéa b du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte, il n’avait pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense puisqu’il s’était vu dénier le droit de prendre connaissance du dossier pénal au cours de l’instruction (s’agissant, par exemple, de l’interrogatoire de plusieurs témoins, de la décision de procéder à un examen psychiatrique et des documents relatifs aux témoins auditionnés sous couvert de l’anonymat) et de produire des documents durant l’instruction ou le procès.

5.9Le 24 août 2005, l’avocat de l’auteur a demandé au procureur l’autorisation de consulter le dossier pénal de son client; cette requête a été rejetée le 25 août 2005. L’avocat a formé un recours contre cette décision, et elle a été annulée le 16 septembre 2005 par le tribunal du deuxième district de Vilnius, au motif que le droit de prendre connaissance des éléments du dossier ne peut être refusé à un suspect ou à son défenseur que dans des circonstances exceptionnelles. Le 6 octobre 2005, le procureur a donné à l’avocat l’autorisation de consulter des éléments du dossier sans rapport avec la procédure d’information judiciaire. Le 10 octobre 2005, l’avocat de l’auteur a fait appel de cette décision; le tribunal a cependant rejeté ce recours le 12 octobre 2005, en soulignant que l’instruction n’était pas terminée et que ses détails ne pouvaient être divulgués. Il a été permis à l’auteur de prendre connaissance des éléments du dossier dans les conditions autorisées le 3 novembre 2005. L’auteur précise que les demandes déposées en vue de la consultation de certains éléments particuliers de l’instruction ont également été rejetées par le Bureau du Procureur et les tribunaux le 6 décembre 2005, le 25 janvier 2006, les 10 et 14 juillet 2006, les 11 et 23 août 2006, le 7 septembre 2006, les 6, 16, 20 et 25 octobre 2006 et le 27 novembre 2006, ainsi que les 9, 22 et 23 janvier 2007, les 5 et 19 mars 2007 et le 7 juin 2007. À neuf reprises, les tribunaux ont ordonné au Bureau du Procureur de réexaminer son refus de permettre l’accès à certains éléments, mais aucune de ces émissions n’a été prise en compte.

5.10Le 31 mars 2008, l’auteur a été informé que l’instruction était terminée et qu’il pouvait prendre connaissance de tous les éléments du dossier. Le 15 mai 2008, il a rappelé au procureur qu’en raison de l’interdiction de quitter Palanga qui lui était imposée depuis le 13 septembre 2005, il ne pouvait se rendre à Vilnius pour consulter le dossier. Le même jour, il a été informé par le Quatrième service d’enquête sur le crime organisé du Bureau de la police criminelle qu’une copie des éléments du dossier d’instruction serait à sa disposition au plus tard le 23 mai 2008. Le 22 mai 2008, l’auteur a prié le procureur de l’autoriser à se rendre à Vilnius pour consulter le dossier, vu qu’à cette époque, il était traité dans un hôpital et que la demande tendant à ce que les éléments du dossier pénal soient envoyés à ses défenseurs avait été refusée.

5.11L’auteur soutient en outre qu’après la clôture de l’instruction, ses demandes et celles de ses défenseurs tendant à obtenir l’ajout de certaines pièces n’ont pas été examinées en temps voulu. Il affirme en conséquence avoir été «privé du droit» de se pourvoir contre la décision du procureur devant un procureur de rang supérieur et avoir été ainsi dans l’incapacité de présenter ses moyens de défense avant le 15 décembre 2008, date de l’ouverture du procès. L’auteur fait aussi observer que le 15 décembre 2008, le tribunal a rejeté ses demandes concernant ses moyens de défense. Il ajoute que lors du jugement de l’affaire, ni lui ni ses avocats n’ont pu prendre connaissance des éléments de preuve qui avaient été retirés du dossier, tandis que certains de ses moyens de défense étaient ignorés.

5.12En outre, l’auteur invoque une violation des dispositions de l’alinéa b du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte, au motif qu’il n’a pas pu communiquer avec ses défenseurs durant sa détention, du 19 mai au 9 septembre 2005. Il ne lui était pas interdit de communiquer avec les avocats assurant sa défense à Vilnius, mais il devait obtenir une autorisation spéciale d’un procureur. Les 1er et 5 décembre 2005, il a demandé au procureur, entre autres, à pouvoir rencontrer ses avocats à Vilnius sans autorisation spéciale, mais cela lui a été refusé le 3 janvier 2006. À plusieurs autres reprises, il a demandé au procureur d’assouplir l’interdiction de quitter Palanga, mais en vain. Le 24 avril 2009, le tribunal régional de Vilnius a décidé, notamment, d’assouplir l’interdiction de quitter Palanga sans autorisation écrite préalable.

5.13Par lettre du 23 juin 2010, l’auteur a réaffirmé ses griefs, en ajoutant que sa détention était inutile, qu’elle lui avait fait perdre 65 % de ses capacités et qu’il souffrait d’une grave dépression. À propos de l’argument de l’État partie selon lequel il aurait pu se plaindre de soins médicaux prétendument inadaptés, il note que son grief porte essentiellement sur sa participation à des recherches cliniques durant sa détention. Il a été mis fin à sa participation conduite dans des conditions illégales le 16 août 2005, mais les institutions de l’État n’ont rien fait pour qu’il puisse participer aux recherches (en assouplissant la mesure de contrainte).

5.14L’auteur répète aussi que, malgré son mauvais état de santé, un policier l’a interrogé à l’hôpital les 5 et 6 juin 2005, en l’absence d’avocat, pour lui faire avouer sa culpabilité. Le 6 juin 2005, il s’est plaint de ces faits auprès du Procureur général. L’auteur affirme que la date des interrogatoires indiquée par l’État partie est inexacte. Il conteste en outre les affirmations de l’État partie concernant son état de santé entre le 3 et le 13 juin 2005.

5.15Pour ce qui est de la violation des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 du Pacte, l’auteur renvoie à la décision du tribunal régional de Vilnius en date du 9 septembre 2005, dans laquelle cette juridiction avait déclaré que son placement en détention était «injustifié».

5.16S’agissant de la notification de son statut de suspect le 18 mars 2008, l’auteur souligne que les enquêteurs n’ont pas tenu compte de la recommandation de ses médecins de ne pas le soumettre à des actes d’instruction, et qu’ils auraient pu attendre le 20 mars 2008, date de sa sortie de l’hôpital. Il affirme aussi avoir épuisé tous les recours internes disponibles pour ce qui est de ce grief.

5.17L’auteur réaffirme par ailleurs que son arrestation et les interrogatoires auxquels il a été soumis de manière illégale à l’hôpital, en l’absence d’avocat, visaient à le faire avouer des infractions qu’il n’avait jamais commises. Il soutient avoir épuisé tous les recours internes disponibles, puisque sa demande de report de tous les interrogatoires jusqu’à son rétablissement et sa réclamation à propos de l’interrogatoire irrégulier n’ont pas été dûment examinées.

5.18L’auteur répète que sa demande et celle de ses avocats aux fins, entre autres, de consultation de certains documents du dossier pénal et de production de certaines pièces n’ont pas été dûment examinées par le procureur en temps voulu. En particulier, l’auteur indique qu’il a saisi un procureur de rang supérieur de la décision du procureur, en date du 22 août 2008, de ne faire droit qu’en partie à sa demande d’adjonction de plusieurs pièces au dossier, et que son recours a été rejeté le 8 septembre 2008, au motif que l’instruction était terminée. Or, en vertu de l’article 64 du Code de procédure pénale, une décision prise par un procureur dans le cadre de l’instruction est susceptible de recours durant l’instruction. En conséquence, l’auteur a été «privé du droit» de faire appel de la décision du procureur devant un procureur de rang supérieur.

5.19En conclusion, l’auteur soutient que la communication remplit les conditions énoncées aux articles 2 et 3 et au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1En date du 2 juillet 2010, l’État partie note que les griefs tirés de l’alinéa b du paragraphe 3 de l’article 14 concernent exclusivement la période de l’instruction. À cet égard, l’auteur fait valoir l’impossibilité où il s’est trouvé de consulter les éléments du dossier avant l’interrogatoire de l’un des témoins, de prendre connaissance des résultats de l’examen psychiatrique et de consulter la déposition des témoins auditionnés sous couvert de l’anonymat. Il fait également valoir le déni de son droit de faire appel de la décision du procureur concernant la possibilité de compléter l’instruction après la clôture de celle-ci et le déni du droit de communiquer sans entrave avec ses avocats.

6.2L’État partie fait observer que le dossier pénal de l’auteur a été transmis à la juridiction de première instance, à savoir le tribunal régional de Vilnius, aux fins d’examen. Dès lors, les questions invoquées dans les nouvelles demandes de l’auteur au moment considéré pouvaient encore être soulevées et traitées en cours d’instance, et ultérieurement, dans le cadre de procédures d’appel et de recours en annulation.

6.3L’État partie ajoute que, lorsqu’une affaire est renvoyée devant la juridiction de jugement, il n’est pas interdit à celle-ci de compléter le dossier d’instruction (art. 287 du Code de procédure pénale). En vertu de l’article 98 du Code de procédure pénale, toute personne a le droit de communiquer des informations pertinentes à un tribunal. En vertu de l’article 20 du Code de procédure pénale, les données recueillies et consignées au cours de l’instruction ne peuvent être considérées comme des preuves que par une décision du tribunal. Celui-ci examine les données en question, s’assure qu’elles ont été recueillies de manière licite et apprécie leur pertinence en l’espèce. Seul cet examen transforme les données en preuves. Les parties à l’instance peuvent soulever des objections quant aux données soumises au tribunal ou recueillies par lui (elles peuvent, par exemple, le prier de ne pas considérer certains faits ou éléments comme des moyens de preuve). La question de savoir si les droits de l’auteur ont été violés ou si les griefs sont étayés ne peut être tranchée qu’à la lumière de la procédure pénale dans son ensemble. En conséquence, l’État partie fait valoir que les griefs de l’auteur concernant la violation de son droit de consulter le dossier d’instruction, ainsi que les restrictions de ses droits de défense, sont prématurés.

6.4Selon l’État partie, le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, y compris le droit de consulter les éléments du dossier, doit être considéré d’une manière différente aux différents stades de la procédure pénale. L’État partie souligne que la législation de procédure pénale ne prévoit pas un droit absolu de consulter les éléments du dossier durant l’instruction. En vertu du paragraphe 1 de l’article 181 du Code de procédure pénale, un procureur peut refuser qu’un suspect ou son défenseur consulte tout ou partie du dossier d’instruction si cette consultation risque de nuire à la conduite de l’enquête. Un tel refus est susceptible de recours devant le juge d’instruction, dont la décision est définitive.

6.5En vertu du paragraphe 1 de l’article 177 du Code de procédure pénale, les informations relatives à l’instruction ne peuvent pas être divulguées ou peuvent l’être avec l’autorisation d’un procureur si celui-ci le juge approprié et uniquement dans la mesure de cette autorisation. Durant l’instruction, l’auteur a été autorisé à consulter certaines parties du dossier qui, au moment considéré, ne concernaient pas les mesures d’instruction en cours. En outre, il a pu consulter l’ensemble du dossier après la clôture de l’instruction.

6.6L’État partie rejette par ailleurs les affirmations de l’auteur selon lesquelles le procureur n’aurait pas tenu compte des décisions des juges d’instruction. Il fait observer que ceux-ci ont à de nombreuses reprises confirmé le bien-fondé des décisions du procureur (par exemple, des décisions des 12 octobre 2005, 14 juillet 2006, 1er et 22 janvier 2007 et 19 mars 2007) et que dans les cas où un tribunal a fait droit aux recours de l’auteur, le procureur s’est dûment conformé aux décisions des juges d’instruction.

6.7Selon l’État partie, l’auteur affirme de façon trompeuse que la décision du juge d’instruction du 16 septembre 2005 n’aurait pas été exécutée par le procureur. Le juge d’instruction a ordonné au procureur de réexaminer la demande de consultation des éléments du dossier et d’indiquer les documents auxquels l’accès était restreint, en donnant les motifs de ces restrictions. Par la décision du 6 octobre 2005, le procureur a indiqué qu’il était refusé à l’avocat de l’auteur de consulter les éléments du dossier d’instruction concernant l’information judiciaire en cours. Le procureur a aussi précisé que l’enquête portait sur des faits constitutifs d’infractions particulièrement graves et que des mesures d’instruction susceptibles de produire des effets étaient en cours. Il a également indiqué qu’il disposait de suffisamment d’informations montrant que le suspect exerçait des pressions illicites sur l’instruction en exploitant les données obtenues. Il a affirmé en outre que l’auteur avait publié dans le principal quotidien national plusieurs «lettres ouvertes» dans lesquelles il divulguait l’essentiel du témoignage de la personne qui avait déposé contre lui, pour tenter de discréditer ce témoin. De tels actes revenaient à exercer des pressions illicites sur l’instruction. De plus, l’auteur avait établi une liste de patronymes de tiers impliqués dans l’instruction en cours. L’État partie ajoute que bien que l’auteur ait été autorisé à consulter certains éléments du dossier, il a néanmoins formé un recours contre cette décision. Le 12 octobre 2005, un juge d’instruction du tribunal du deuxième district de Vilnius l’a débouté, et a confirmé le bien-fondé de la décision du procureur. Le 3 novembre 2005, le conseil de l’auteur a pu prendre connaissance de la partie du dossier dont la consultation avait été autorisée.

6.8Pour ce qui est du grief de l’auteur concernant l’impossibilité de consulter des documents relatifs à l’interrogatoire d’un témoin, l’État partie note que le juge d’instruction a examiné le recours de l’avocat de l’auteur à ce propos le 14 juillet 2006 et a conclu que le refus du procureur de donner accès à certains éléments avant l’interrogatoire était justifié. L’État partie souligne que l’auteur et ses avocats ont été informés de l’interrogatoire du témoin et auraient pu y participer. En outre, l’auteur et ses conseils pouvaient soulever les questions liées au présent grief, notamment aux interrogatoires, durant le procès en cours.

6.9S’agissant de la demande d’accès de l’auteur à la décision du procureur de soumettre deux autres suspects à un examen psychiatrique, ainsi qu’aux résultats de cet examen, l’État partie note que le 6 octobre 2006, le procureur a partiellement fait droit à cette demande en permettant à l’auteur de prendre connaissance du contenu des questions aux experts. Le 25 octobre 2006, un juge d’instruction a annulé la décision du procureur et a indiqué que, conformément à l’article 209 du Code de procédure pénale, le procureur était tenu d’informer le suspect au préalable de la nécessité de procéder à un tel examen. Néanmoins, le procureur ayant pris l’ordonnance relative à l’examen le 13 mai 2005, c’est-à-dire avant le placement de l’auteur sous le statut de suspect, l’auteur n’avait pas été informé de cette décision. Le juge d’instruction a donc décidé que l’auteur devait être autorisé à consulter le compte rendu de l’examen. En outre, ces questions pouvaient encore être soulevées par l’auteur lui-même et/ou par ses défenseurs au cours du procès.

6.10L’État partie conteste en outre l’affirmation de l’auteur selon laquelle, le 19 mars 2005, un juge d’instruction aurait ordonné au procureur d’autoriser l’auteur et ses avocats à consulter l’ensemble du dossier et qu’il n’aurait pas été tenu compte de cette décision. Il souligne qu’en réalité, dans cette décision, le juge d’instruction a confirmé celle, jugée licite, du procureur et a rejeté le recours. Cependant, dans la décision du 21 juin 2007 du tribunal du deuxième district de Vilnius, le juge d’instruction a infirmé la décision du procureur et a conclu que ce dernier devait autoriser l’auteur et son avocat à consulter les éléments du dossier dont la divulgation n’entraverait pas le déroulement de l’instruction. Le 13 juillet 2007, le procureur a fait droit à la demande de l’auteur et a amplement motivé la restriction partielle de l’accès au dossier étant donné que, outre la divulgation illégale par l’auteur d’éléments de l’instruction, d’autres faits illicites entravant le déroulement de l’enquête s’étaient produits. Le procureur a noté en particulier que peu après l’audition d’un témoin à la demande de l’auteur, un article révélant l’essentiel de la déposition de ce témoin avait été publié dans le principal quotidien national. De plus, au cours de l’instruction, deux émissions télévisées avaient été diffusées à propos d’investigations en cours. Dans sa décision du 31 août 2007, le procureur a énuméré tous les documents que l’auteur et ses avocats étaient autorisés à consulter.

6.11Enfin, l’État partie réaffirme que l’auteur et ses avocats ont été informés de leur droit de consulter les éléments du dossier à la fin de l’instruction. En effet, l’auteur a pu prendre connaissance du dossier après la clôture de l’instruction et a disposé de six mois environ pour préparer sa défense.

6.12À propos de la prétendue impossibilité où se serait trouvé l’auteur de produire des compléments de preuve au cours de l’instruction, l’État partie fait observer qu’en vertu du paragraphe 4 de l’article 218 du Code de procédure pénale, c’est au procureur de prendre des décisions à cet égard. Le 22 août 2008, le procureur a rejeté la demande de l’auteur tendant à la production de pièces supplémentaires. Le dossier ayant été renvoyé au tribunal régional de Vilnius le 2 septembre 2008, le recours de l’auteur contre la décision du procureur en date du 22 août 2008 a été transmis, avec la demande de production de pièces supplémentaires, au tribunal de première instance. Contrairement à l’affirmation de l’auteur selon laquelle, le 15 décembre 2008, le tribunal aurait rejeté toutes ses demandes et toutes celles de ses avocats sans les examiner, l’État partie souligne que, selon les indications du tribunal, celui-ci ne pouvait que rejeter la demande à ce stade de la procédure, vu qu’il ne pouvait apprécier l’opportunité de compléter le dossier avant d’avoir examiné les éléments dont il était saisi. De l’avis de l’État partie, il s’agit là, non pas d’un rejet définitif de la demande, mais plutôt d’un report de son examen.

6.13En ce qui concerne l’accès à des documents concernant des témoins auditionnés sous couvert de l’anonymat, l’État partie soutient que, bien que les suspects et les avocats aient le droit de prendre connaissance du dossier après la clôture de l’instruction et que l’auteur ait exercé ce droit, cela n’affecte pas l’institution de l’audition sous couvert de l’anonymat dans les procédures pénales. En particulier, le procureur a indiqué, dans sa décision du 17 mars 2008, que certains témoins avaient été interrogés selon la procédure ordinaire mais avaient ensuite sollicité l’anonymat de crainte de subir des représailles de la part de l’auteur. C’est pourquoi les procès-verbaux de leur audition ont été soustraits du dossier. Cette question ayant été également soulevée lors de l’audience du 15 décembre 2008, le tribunal de première instance a expliqué à l’auteur et à ses défenseurs qu’ils pourraient interroger ultérieurement les témoins ayant requis l’anonymat. De même, le tribunal a indiqué que la demande de l’auteur tendant à compléter l’interrogatoire de certains témoins serait traitée à un stade ultérieur de l’examen de l’affaire.

6.14Compte tenu de ce qui précède, l’État partie soutient que les griefs de l’auteur concernant l’impossibilité de consulter le dossier et son droit de défense ne sont pas étayés. En tout état de cause, le droit de l’auteur de consulter les éléments du dossier et son droit de défense n’ont pas été restreints d’une manière incompatible avec l’alinéa b du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte.

6.15S’agissant des griefs de l’auteur relatifs à l’impossibilité de communiquer sans entrave avec ses avocats, l’État partie relève que selon les renseignements figurant au dossier, l’auteur a tenté d’obtenir un assouplissement de l’interdiction de quitter Palanga, car ses défenseurs se trouvaient à Vilnius. L’alinéa b du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte garantit le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires pour communiquer avec le conseil de son choix. L’État partie fait valoir que rien n’empêchait l’auteur, compte tenu notamment de la mesure de contrainte dont il faisait l’objet, de choisir un avocat installé à Palanga. L’auteur a cependant choisi des avocats exerçant ailleurs. Cela étant, l’État partie note qu’il n’a été fait aucune entrave aux déplacements de l’auteur à Vilnius pour y rencontrer ses avocats, pas plus qu’à d’autres formes possibles de communication. Au contraire, les demandes de l’auteur adressées au procureur qui, en vertu du paragraphe 1 de l’article 136 du Code de procédure pénale, était compétent pour l’autoriser à quitter son lieu de résidence, ont été traitées d’une manière informelle et rapide par télécopie. À plusieurs reprises, le tribunal du deuxième district de Vilnius, saisi de recours de l’auteur contre des refus du procureur de modifier les conditions de l’interdiction de quitter Palanga, a affirmé que l’auteur n’était pas empêché de se rendre à Vilnius pour y rencontrer des médecins ou des avocats. L’État partie relève en outre que l’auteur n’avait jamais fait état d’obstacles ou d’interdictions l’ayant empêché de s’entretenir avec ses avocats. L’État partie conclut donc que ce grief n’est pas étayé.

6.16Compte tenu de ce qui précède, l’État partie affirme que les griefs supplémentaires présentés par l’auteur le 15 mars 2010 sont prématurés ou non étayés et, partant, irrecevables. Il soutient qu’en tout état de cause, les droits de l’auteur n’ont pas été violés.

Commentaires de l’auteur sur les observations complémentaires de l’État partie

7.1Le 11 septembre 2010, l’auteur rappelle que le tribunal a reporté l’examen de son dossier pénal le 15 décembre 2008. Son avocat a ensuite sollicité l’audition de plusieurs témoins, mais cette demande a été rejetée au motif qu’elle visait, à ce stade de la procédure pénale, de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être examinés avant l’examen des preuves déjà rassemblées. La décision sur l’opportunité d’assouplir l’interdiction faite à l’auteur de quitter Palanga a elle aussi été reportée.

7.2L’auteur expose en outre en détail les violations supposées du droit national par le tribunal régional de Vilnius et le parquet à propos de l’anonymat injustifié de témoins.

7.3S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel une décision du procureur peut faire l’objet d’un recours devant un juge d’instruction, l’auteur réaffirme qu’à neuf reprises, le juge d’instruction a annulé des décisions du procureur et a ordonné à celui-ci de réexaminer les demandes déposées par l’auteur en vue d’obtenir l’autorisation de consultation du dossier. L’auteur cite en outre des cas de non-respect par le procureur des délais fixés pour l’examen de ses demandes et fait observer qu’il n’était pas en mesure d’influencer des témoins. Il réaffirme que la possibilité de participer à l’interrogatoire de plusieurs témoins lui a été refusée et souligne que, sans avoir consulté le dossier, il ne pouvait se préparer à l’interrogatoire du témoin N.

7.4L’auteur affirme en outre que lui-même et ses défenseurs n’ont pas été autorisés par le procureur à consulter les éléments de l’instruction relatifs à l’interrogatoire des témoins P. et N., qui a eu lieu le 31 mai et le 30 juin 2006, ainsi que du témoin B. Il précise comment il a contesté en vain ces refus devant le tribunal.

7.5L’auteur ajoute que, le 29 mai 2006, la demande qu’il avait déposée en vue d’être interrogé, parce qu’il estimait que l’interrogatoire auquel il avait été soumis par l’enquêteur pendant l’instruction manquait d’objectivité, a été rejetée par le procureur. Ce refus a été confirmé par un tribunal le 21 juin 2006. En conséquence, l’auteur soutient que le droit d’être entendu lui a été refusé, ce qui constitue une violation des droits qui lui sont garantis par le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

7.6Pour ce qui est de l’affirmation de l’État partie selon laquelle il aurait pu consulter tous les éléments du dossier d’instruction dès la clôture de celle-ci en mars 2008, l’auteur fait remarquer qu’il a consulté le dossier le 26 mai 2008, mais qu’il n’a pas pu prendre connaissance des «décisions occultes, lettres du procureur et mandats spéciaux».

7.7L’auteur note de surcroît que la décision du procureur en date du 22 août 2008 concernant le refus de production de preuves a fait l’objet d’un recours le 2 septembre 2008 devant un procureur de rang supérieur. Ce recours a été transmis pour examen au tribunal régional de Vilnius et, le 15 décembre 2008, le tribunal régional a refusé d’examiner la demande de l’auteur.

7.8En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel il aurait pu choisir un avocat de Palanga, l’auteur souligne que la législation nationale prévoit notamment le droit de communiquer sans entrave avec le défenseur de son choix et que l’interdiction de quitter Palanga a servi en fait de sanction et d’obstacle à l’exercice de son droit de défense.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité prend note des griefs de l’auteur tirés des articles 7 et 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lesquels l’interruption de sa participation à l’essai clinique expérimental le 16 août 2005 aurait été préjudiciable à sa santé. À cet égard, il note que le droit de participer ou non à des essais cliniques expérimentaux organisés par une entité privée dans le but de tester un médicament particulier, essais auxquels, comme dans le cas présent, l’intéressé a décidé de participer de son propre chef avant sa mise en détention, ne relève pas du champ d’application du Pacte. Le Comité conclut donc que ces griefs sont incompatibles avec les dispositions du Pacte et que cette partie de la communication est en conséquence irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.4Le Comité prend note du grief de l’auteur tiré de l’article 10 du Pacte concernant son interrogatoire les 5 et 6 juin 2005 alors qu’il était hospitalisé, interrogatoire qui aurait entraîné une détérioration de son état de santé. Au vu des informations versées au dossier, le Comité considère que ce grief est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, car il n’est pas suffisamment étayé.

8.5De même, à propos des griefs de l’auteur tirés de l’article 9 du Pacte concernant sa détention prétendument illégale du 19 mai au 9 septembre 2005, le Comité considère, compte tenu de toutes les informations pertinentes dont il est saisi, que ces griefs ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et qu’ils sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.6L’auteur se prétend en outre victime de violations des droits qu’il tient des alinéas d et g du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte, parce que, les 5 et 6 juin 2005, il aurait été interrogé à l’hôpital en l’absence d’avocat, et qu’un enquêteur aurait tenté de le forcer à s’avouer coupable alors qu’il était hospitalisé et en état de vulnérabilité. À cet égard, le Comité note qu’au vu des informations figurant au dossier et compte tenu du fait que l’auteur n’a jamais effectivement reconnu sa culpabilité, ces griefs non plus ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. En conséquence, le Comité conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.7Le Comité prend note par ailleurs des griefs que soulève l’auteur au titre des alinéas b et g du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte, au motif que le 18 mars 2008, alors qu’il était hospitalisé et que son médecin avait interdit de le soumettre à tout acte d’instruction, il a reçu notification de son statut de suspect et, en dépit de son mauvais état de santé, a été interrogé par des enquêteurs. À ce sujet, et au vu des informations dont il est saisi, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ces griefs et que cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.8Pour ce qui est des autres griefs de l’auteur tirés des alinéas b et e du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte, à savoir qu’il n’aurait pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense parce que la possibilité de consulter le dossier d’instruction et de le compléter lui aurait été refusée, de même que celle de communiquer librement avec son avocat, le Comité note tout d’abord que selon les informations qui lui ont été communiquées par les parties, durant l’instruction, il a été interdit à l’auteur de consulter certaines parties du dossier. Il ressort cependant des informations dont le Comité est saisi que les refus d’autoriser la consultation d’une partie du dossier étaient motivés, qu’ils ont été réexaminés à plusieurs reprises par les tribunaux nationaux et que, si certaines de ces décisions ont été confirmées ou modifiées moyennant des motifs plus précis de refus, d’autres ont été annulées et la consultation a été autorisée. En conséquence, le Comité ne saurait conclure que les refus en question étaient arbitraires. De plus, le Comité note que la question de la production de pièces en vue de compléter le dossier d’instruction (au stade du procès) se rapporte à la manière dont les autorités nationales ont apprécié les moyens de preuve et déterminé quels éléments de preuve étaient particulièrement pertinents dans le cadre du procès. Le Comité observe que ces griefs concernent principalement l’appréciation des éléments de fait et des moyens de preuve par les autorités nationales.

8.9Le Comité prend également note du grief de l’auteur concernant l’impossibilité de communiquer librement avec ses avocats, mais il relève aussi que le dossier ne contient pas plus de détails sur ce point, concernant par exemple le contexte exact dans lequel il aurait été fait obstacle à ses contacts avec ses avocats.

8.10Le Comité rappelle qu’il incombe généralement aux tribunaux des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce, et qu’il n’appartient pas au Comité de réexaminer cette appréciation, sauf s’il peut être établi qu’elle était manifestement arbitraire ou représentait un déni de justice, ou que le tribunal a enfreint son obligation d’indépendance et d’impartialité. Étant donné que le procès devant le tribunal de première instance était encore en cours au moment de la soumission des présents griefs et à la lumière des informations dont il dispose, le Comité considère qu’en l’espèce, l’auteur n’a pas démontré que le refus d’autoriser l’auteur à compléter le dossier d’instruction ou le report de la décision à cet égard par le tribunal avait un caractère arbitraire s’agissant de l’appréciation des preuves ou constituait un déni de justice.

8.11Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs tirés des alinéas b et e du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte et que cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.12Le Comité note enfin que l’auteur a également allégué une atteinte à son droit d’interroger certains témoins, en violation de l’alinéa e du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte, sans toutefois donner plus d’explications, en particulier sur la pertinence éventuelle de l’audition de ces témoins pour son procès. Dans ces conditions, et en l’absence d’autres informations pertinentes, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son grief aux fins de la recevabilité et que cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]