Nations Unies

CCPR/C/112/D/1973/2010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

26 janvier 2015

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Communication no 1973/2010

Constatations adoptées par le Comité à sa 112e session(7-31 octobre 2014)

Communication présentée par:

Hew Raymond Griffiths (représenté pardesconseils, Joanna MansfieldetNicolas Patrick)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Australie

Date de la communication:

22 février 2010 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 17 août 2010 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

21 octobre 2014

Objet:

Détention en attente d’extradition

Question(s) de fond:

Droit à la liberté et à la sécurité; droit à unprocès équitable; protection des étrangers contre toute expulsion arbitraire; droit à unrecours utile

Question(s) de procédure:

Épuisement des recours internes; incompatibilité ratione materiae

Article(s) du Pacte:

2 (par. 2 et 3 a)), 9 (par. 1, 3 et 4), 13 et 14(par. 1)

Article(s) du Protocole facultatif:

2, 3 et 5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (112e session)

concernant la

Communication no 1973/2010 *

Présentée par:

Hew Raymond Griffiths (représenté par des conseils, Joanna Mansfield et Nicolas Patrick)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Australie

Date de la communication:

22 février 2010 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 21 octobre 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1973/2010présentée par Hew Raymond Griffiths en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Hew Raymond Griffiths, un ressortissant britannique né en 1962, résident permanent en Australie depuis l’âge de 7 ans. Il se dit victime d’une violation par l’Australie des droits qu’il tient des articles 2, 9, 13 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 décembre 1991. L’auteur est représenté par Joanna Mansfield et Nicolas Patrick.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur, un citoyen britannique, est résident permanent en Australie depuis l’âge de 7 ans. Il a participé en Australie à un groupe Internet qui permettait à ses membres de télécharger des copies de logiciels et de jeux informatiques. Le groupe n’était pas motivé par le profit et ne tirait aucun avantage financier de ses activités.

2.2En 2000, le Service des douanes des États-Unis d’Amérique a ouvert une enquête sur les activités de groupes se livrant au piratage de logiciels sur Internet. Le 11 décembre 2001, la Police fédérale australienne a saisi l’ordinateur de l’auteur en vue d’établir un éventuel délit de contrefaçon. Le 12 mars 2003, le tribunal fédéral du district oriental de Virginie (États-Unis d’Amérique) a inculpé l’auteur du délit de contrefaçon et de complot en vue d’enfreindre la législation relative au droit d’auteur. Selon le tribunal, les faits ayant contrevenu au droit d’auteur s’étaient produits dans le district oriental de Virginie, car c’était là que les utilisateurs finaux avaient procédé au téléchargement. Le jour même, le tribunal a délivré un mandat d’arrêt contre l’auteur fondé sur ces chefsd’accusation.

2.3Le 19 juin 2003, les autorités des États-Unis ont requis l’extradition de l’auteur par l’Australie. Le 28 juillet 2003, le Ministre australien de la justice et des douanes a émis un accusé de réception d’une demande d’extradition en vertu de l’article 16, paragraphe 1, de la loi no 4 de 1988 relative à l’extradition. Le 20 août 2003, un mandat d’arrêt provisoire a été délivré par les autorités australiennes en application de l’article 12, paragraphe 1, de la loi. Le 22 août 2003, l’auteur a été arrêté en vertu de ce mandat et placé en garde à vue au commissariat de police de Gosford. Le25 août 2003, il a comparu devant le tribunal local de Wyong, mais l’affaire a été renvoyée au tribunal local central le 27 août 2003, pour examen d’une demande de libération sous caution. L’auteur a été ensuite transféré au Centre métropolitain de détention provisoire du Complexe pénitentiaire de Silverwater. Le 15 octobre 2003, le tribunal local central a fait droit à la demande de libération sous caution de l’auteur et l’a mis en libertéconditionnelle.

2.4Le 25 mars 2004, le tribunal local australien de Nouvelle-Galles du Sud a fait droit au recours de l’auteur contre la demande d’extradition des États-Unis. Le tribunal a conclu que, dans le cas de l’auteur, il n’était pas satisfait au critère de «double incrimination» énoncé à l’article 19, paragraphe 2 c), de la loi sur l’extradition, selon lequel il ne peut être procédé à l’extradition d’une personne que si «le comportement constitutif de l’infraction» dans le pays requérant aurait constitué une infraction susceptible de donner lieu à extradition «dans la partie du territoire australien où la procédure est conduite». À cet égard, le tribunal a constaté que le comportement constitutif des infractions aux États-Unis n’aurait pas été considéré comme un délit en vertu de la législation de Nouvelle-Galles du Sud (Australie) où l’auteur résidait et où la procédure était conduite. Il a en outre estimé que les faits matériels commis par l’auteur avaient eu lieu en Nouvelle-Galles du Sud et non aux États-Unis. Il a aussi considéré comme inhabituel de solliciter l’extradition alors que l’auteur n’était jamais allé aux États-Unis. Enfin, il a conclu que les délits de contrefaçon et de complot ne relevaient pas du type courant d’infractions pouvant donner lieu à extradition. Letribunal a donc jugé que les conditions n’étaient pas réunies pour que l’auteur puisse êtreextradé.

2.5Les autorités des États-Unis ont formé un recours devant la Cour fédérale d’Australie. Le 7 juillet 2004, la Cour a infirmé la décision du 25 mars 2004 et conclu que les faits constitutifs des infractions avaient été commis dans la juridiction des États‑Unis; qu’il était satisfait au critère de double incrimination; et que l’auteur pouvait faire l’objet d’une extradition. Le mêmejour, la Cour a ordonné l’arrestation de l’auteur. Le 10 juillet 2004, l’auteur a été placé en détention au Centre métropolitain de détention provisoire, dans l’attente de son extradition. Le même jour, sa demande de libération sous caution a étérejetée.

2.6L’auteur a fait appel de la décision du 7 juillet 2004 devant la Chambre plénière de la Cour fédérale d’Australie. Le 10 mars 2005, la Cour a confirmé la décision du 7 juillet 2004 et jugé que le délit de complot était une infraction continue qui avait eu lieu aux États‑Unis, bien que l’auteur ait été physiquement présent en Australie.

2.7Le 2 septembre 2005, l’auteur a présenté une demande d’autorisation spéciale de se pourvoir devant la Cour suprême (High Court) australienne, qui l’a rejetée le jour même, au motif que les moyens avancés n’offraient que des chances insuffisantes de succès.

2.8Le 6 septembre 2005, l’Attorney général australien a invité l’auteur à soumettre des conclusions écrites au Ministre de la justice et des douanes, pour lui exposer les raisons faisant obstacle à son extradition. Le 22 décembre 2006, le Ministre a finalement décidé, envertu de l’article 22 de la loi relative à l’extradition, que l’auteur devait être extradé vers les États-Unis, et a pris un décret autorisant l’extradition. Le 9 février 2007, l’auteur a soumis une ultime requête à la Cour fédérale d’Australie, sollicitant le réexamen de ladécision ministérielle du 22 décembre 2006, qui a été rejetée le jour même.

2.9Le 17 février 2007, l’auteur a été extradé par l’Australie vers les États-Unis et placé en détention provisoire.

2.10Le 20 février 2007, le tribunal du district d’Alexandria, Virginie, a inculpé l’auteur de délits de contrefaçon. Le 23 février 2007, sa demande de mise en liberté sous caution a été rejetée.

2.11Le 20 avril 2007, l’auteur a accepté de plaider coupable sur un chef de complot en vue de la commission d’un délit de contrefaçon, tandis que le chef restant de délit de contrefaçon a été rejeté. Le 22 juin 2007, le tribunal du district d’Alexandria, Virginie, l’a reconnu coupable de participation à un complot en vue de commettre un délit de contrefaçon et l’a condamné à cinquante et un mois de prison. Le tribunal a tenu compte du temps déjà passé en détention en Australie, et a décidé que l’auteur devrait purger une peine totale de quinze mois aux États-Unis.

2.12Le 26 janvier 2008, l’auteur a été libéré. Le 2 mars 2008, il est rentré en Australie.

2.13L’auteur affirme avoir épuisé tous les recours utiles dont il disposait.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que sa détention en attente d’extradition était arbitraire et constituait une violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte en raison de sa durée excessive, de plus de deux ans et demi, et de son caractère injustifié et disproportionné. Il souligne qu’il n’a pas de casier judiciaire et présente un faible risque de fuite, et que les autorités n’ont pas tenu compte de la gravité de l’infraction dont il est accusé ni de sa situation particulière, comme sa dépression et la longueur de son incarcération. Étant donné que la loi relative à l’extradition ne fixe aucun maximum à la durée possible de détention en attente d’extradition, les personnes susceptibles d’être extradées peuvent être détenues pour des durées illimitées. Il n’existe aucune protection contre une détention exagérément prolongée, disproportionnée et donc arbitraire.

3.2L’auteur allègue aussi une violation du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte en raison de la durée excessive de sa détention. Il explique que sa détention prolongée après le 10 juillet 2004 était due à deux raisons: l’exercice de son droit d’appel de la décision de placement en détention pour la deuxième fois, le 10 juillet 2004; et le délai nécessaire au Ministre pour prendre le décret d’extradition, le 22 décembre 2006. Il affirme que plus de quinze mois se sont écoulés entre le 6 septembre 2005, date à laquelle il a été invité à présenter au Ministre ses arguments pour faire obstacle à son extradition, et le 22 décembre 2006, date à laquelle le Ministre a finalement pris sa décision. L’auteur fait en outre valoir l’absence de garantie que la période de sa détention en Australie soit prise en considération par les autorités des États-Unis en cas de condamnation.

3.3L’auteur allègue en outre une violation du paragraphe 4 de l’article 9, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte. Il soutient n’avoir eu aucune possibilité de contester sa détention, car l’article 15, paragraphe 6, de la loi relative à l’extradition fait de la libération sous caution une exception et prévoit qu’elle ne peut être accordée que pour des motifs très restreints. Selon la jurisprudence de la Cour suprême australienne, de telles circonstances spéciales vont au-delà «des circonstances que des personnes susceptibles d’être extradées subiraient normalement eu égard à la nature et à l’ampleur des charges motivant l’extradition»; ni la durée de la procédure ni le fait que la personne n’a pas fui le pays requérant ne relève de ces circonstances spéciales. De plus, comme l’a affirmé la Cour suprême, «en matière d’extradition, la règle générale est le maintien en détention, que celle-ci soit nécessaire ou non». L’auteur ajoute que dès lors qu’une demande de mise en liberté sous caution a été refusée, l’article 15, paragraphe 3, de la loi relative à l’extradition interdit à l’intéressé de présenter une nouvelle demande à cette fin sans apporter la preuve d’un changement de circonstances propre à justifier sa libération sous caution. Il soutient qu’il n’a eu par conséquent aucune possibilité de faire réexaminer l’opportunité et la proportionnalité de sa détention, au motif en particulier de sa durée, de la dépression qu’il a ensuite subie et de l’absence de risque de fuite.

3.4Concernant les articles 13 et 14 du Pacte, l’auteur fait valoir l’absence d’équité procédurale de la procédure d’extradition, au vu notamment de la peine d’emprisonnement qu’il encourait aux États-Unis. Il explique que la même infraction est punie en Australie d’une peine d’amende et de cinq ans de prison au maximum, tandis qu’aux États-Unis son auteur encourt dix ans d’emprisonnement. C’est pourquoi, s’il avait été accusé, jugé et condamné en Australie, il n’aurait probablement même pas été condamné à une peine privative de liberté. Malgré cela, il n’a pas eu la possibilité de contester les éléments à charge contre lui, ni d’y répondre, en ce qui concerne tant son extradition que les chefs d’accusation. L’auteur explique qu’en vertu de l’article 19, paragraphe 5, de la loi relative àl’extradition, la personne susceptible d’être extradée «n’a le droit de produire, et le juge n’a le droit de recevoir, aucun élément visant à contredire l’allégation que la personne a commis une infraction. Le juge délivre un mandat provisoire sans que la personne concernée soit représentée ou entendue». L’auteur soutient que le réexamen judiciaire prévu par la loi dans le cadre de la procédure d’extradition est donc très limité et de pure forme, et qu’il en est résulté une violation de son droit à l’équité des procédures. Ce n’est qu’après son extradition aux États-Unis qu’il a eu la possibilité de présenter des moyens depreuve.

3.5À propos de ses griefs au titre des articles 13 et 14, l’auteur ajoute qu’il s’est senti contraint de plaider coupable aux États-Unis, par crainte que sa longue période de détention ne soit pas prise en compte si l’issue du procès ne lui était pas favorable. De plus, sa détention prolongée avait eu des effets préjudiciables sur sa santé et compromis sa capacité de contester les allégations. S’il avait bénéficié d’une procédure équitable en ayant la possibilité de présenter des moyens de preuve en Australie, il ne se serait peut-être pas senti contraint de plaider coupable.

3.6L’auteur affirme qu’en violation du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, l’État partie n’a pas fait adopter des mesures d’ordre législatif ou autre pour donner effet à la protection contre toute détention arbitraire en matière d’extradition, telle qu’elle est garantie par l’article 9 du Pacte, et qu’en violation du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’Étatpartie a manqué à son obligation de lui assurer en l’espèce un recours utile. Il soutient aussi, au regard de l’article 2 du Pacte, que l’État partie l’a privé de la possibilité d’un recours judiciaire pour faire valoir ses droits au titre des articles 13 et 14 en limitant le pouvoir d’appréciation des juges en matière d’extradition.

3.7Sans viser aucune disposition du Pacte, l’auteur affirme avoir subi une séparation forcée de sa famille et souffert d’un traumatisme psychologique causé par son angoisse en prison.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 29 juin 2012, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. S’agissant du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles puisqu’il aurait pu saisir la Chambre plénière de la Cour fédérale d’une demande de libération sous caution lorsqu’il a fait appel de la décision du 7 juillet 2004. L’article 15, paragraphe 3, de la loi relative à l’extradition s’applique spécifiquement à la période durant laquelle le juge examine d’abord la question de savoir si les conditions d’une remise sont réunies. L’article 21 de la loi prévoit la possibilité de faire appel de la décision initiale du juge à cet égard et habilite les juridictions d’appel à ordonner la libération sous caution de l’intéressé. L’article 21, paragraphe 6 f) iv), dispose que la juridiction saisie de l’appel peut ordonner la libération sous caution si elle considère qu’il existe des circonstances spéciales justifiant une telle mesure. Selon la Cour suprême australienne, la personne sollicitant cette libération doit établir «l’existence decirconstances spéciales»; les circonstances invoquées doivent être «exceptionnelles, différentes des facteurs applicables à toute personne susceptible de faire l’objet d’une extradition». À propos de l’explication de l’auteur, fondée sur un avis juridique, affirmant qu’il n’existait pas de motifs de recours, l’État partie renvoie àlajurisprudence du Comité selon laquelle «le simple fait dedouter de l’efficacité des recours internes ne dispense pas l’auteur d’une communication de l’obligation de les épuiser».

4.2Si le Comité estimait recevables les griefs au titre du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, l’État partie soutient qu’ils sont dépourvus de fondement. La détention de l’auteur en attente d’extradition n’a été à aucun moment arbitraire, mais était au contraire raisonnable et nécessaire en l’espèce et non pas inappropriée, injustifiable ou imprévisible. Sa détention était en outre conforme à la loi, en particulier la loi relative à l’extradition, et était nécessaire aux fins de l’application du cadre législatif et politique australien relatif à l’extradition et pour donner effet aux obligations de l’Australie en droit international. Il ne ressort nullement de la jurisprudence du Comité qu’une durée particulière de détention pourrait être considérée en soi comme arbitraire. De plus, la détention aux fins d’extradition ne saurait être considérée comme arbitraire au sens du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. L’extradition est un motif valable de détention en vertu du paragraphe 1 f) de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

4.3L’État partie distingue trois périodes de détention de l’auteur: du 22 août au 20 octobre 2003, la détention initiale et la libération sous caution; du 10 juillet 2004 au 6 septembre 2005, tandis que l’auteur exerçait des voies de recours contre la décision concluant que les conditions étaient réunies pour son extradition; et du 6 septembre 2005 au 22 décembre 2006, jusqu’à la décision finale du Ministre de la justice et des douanes. Durant chacune des trois périodes, le droit interne a été respecté.

4.4S’agissant de la première période, l’auteur a été détenu en vertu de l’article 15 de la loi relative à l’extradition. Il a présenté une demande de libération sous caution, laquelle a été accordée le 15 octobre 2003. Il a été libéré le 20 octobre 2003, lorsqu’il a apporté la preuve qu’il n’avait pas de passeports à déposer, comme il y était tenu par les conditions de la libération. Le 25 mars 2004, le tribunal local a conclu qu’il ne pouvait pas être remis aux États-Unis. Le 7 juillet 2004, la Cour fédérale a annulé cette décision. Pour ce qui est de la deuxième période, l’auteur a été placé en détention le 10 juillet 2004, en vertu d’une décision de la Chambre plénière de la Cour fédérale. Le 22 juillet 2004, l’auteur a fait appel de la décision du 7 juillet 2004 devant la Chambre plénière de la Cour fédérale. Il n’a cependant pas sollicité simultanément sa libération sous caution. La Chambre plénière de la Cour fédérale a confirmé, par sa décision du 10 mars 2005, que les conditions étaient réunies pour qu’il soit remis aux États-Unis. Le 2 septembre 2005, la Cour suprême a rejeté la requête de l’auteur aux fins d’une autorisation spéciale de se pourvoir. En ce qui concerne la troisième période, le 6 septembre 2005, l’Attorney général a informé l’auteur que le dossier avait été transmis pour décision définitive au Ministre de la justice et des douanes en vertu de l’article 22 de la loi relative à l’extradition et l’a invité à présenter des conclusions. À compter de cette date et jusqu’au 22 décembre 2006, date à laquelle leMinistre a pris une décision définitive d’extradition de l’auteur, l’Attorney général a adressé des demandes d’information, y compris à des organismes à l’étranger, et a examiné les réponses correspondantes, afin de permettre au Ministre d’exercer correctement le pouvoir prévu à l’article 22 de la loi relative à l’extradition. La plupart de ces demandes visaient à répondre aux conclusions des représentants de l’auteur. Au vu des informations ainsi obtenues, le Ministre a pris une décision définitive «dès qu’il [a été] raisonnablement possible», conformément aux termes de l’article 22 de la loi relative à l’extradition.

4.5En ce qui concerne l’allégation de l’auteur relative à l’absence de garantie effective que le temps de détention en Australie serait pris en compte par les autorités des États-Unis, les autorités australiennes ont pris contact avec les autorités américaines qui ont fait savoir que l’affirmation de l’auteur était incorrecte, en renvoyant au Code des États-Unis, paragraphe 18-3585 b). De plus, la peine infligée à l’auteur par le tribunal de district de Virginie a pris en compte la totalité de la période durant laquelle il avait été détenu en Australie; sur la peine de cinquante et un mois qui avaient été prononcée, l’auteur est donc resté quinze mois en détention aux États-Unis. En tout état de cause, aucune violation du paragraphe 1 de l’article 9 ne pourrait résulter de l’absence de garantie que le temps passé en détention en attente d’extradition soit décompté d’une éventuelle peine de prison prononcée à l’étranger.

4.6L’Étatpartie réfute en outre comme dépourvues de fondement les allégations de l’auteur au titre du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte. Selon lui, l’auteur disposait d’une possibilité de faire réexaminer la légalité de sa détention au regard du droit interne. Une possibilité d’examen de la légalité de la détention par un tribunal dans l’attente du résultat d’une procédure d’extradition est disponible sous trois formes: une demande de libération sous caution en vertu de la loi relative à l’extradition; une demande fondée sur les pouvoirs généraux de réexamen judiciaire des tribunaux, en cas de refus du juge d’accorder la libération sous caution sur la base d’une erreur de droit; et une requête en habeas corpus. Concernant l’allégation de l’auteur selon laquelle un détenu n’a aucune possibilité d’obtenir un réexamen de sa détention devenue arbitraire en raison de sa durée disproportionnée, l’État partie soutient qu’un tel réexamen est possible par le biais d’une demande de libération sous caution. Il admet cependant qu’un tribunal ne peut ordonner une libération que dans des circonstances spéciales. Selon la Cour suprême australienne, l’intéressé doit établir «l’existence de circonstances spéciales»; les circonstances invoquées doivent être «exceptionnelles, différentes des facteurs applicables à toute personne susceptible de faire l’objet d’une extradition»; «une détention de longue durée [...] n’est pas suffisamment spéciale pour relever des circonstances spéciales». L’État partie reconnaît qu’il s’agit là de critères auxquels il est relativement difficile de satisfaire pour obtenir une libération sous caution. Il estime cependant nécessaire d’imposer une telle condition pour assurer l’efficacité de la coopération internationale en matière d’extradition, en faisant en sorte qu’une personne recherchée aux fins d’extradition ne puisse pas prendre la fuite, etconsidère que cette condition est raisonnable, appropriée et proportionnée.

4.7Le paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte n’exige pas que le bien-fondé de la détention soit susceptible de réexamen. Même si le Comité considérait que cette disposition requiert un examen au fond, cela ne supposerait pas nécessairement qu’un tribunal puisse ordonner une libération au seul motif de la durée de la détention. La question décisive est de savoir si les motifs de détention sont justifiés. Puisqu’il était possible à l’auteur d’établir l’existence de circonstances spéciales dans son cas, le bien-fondé de sa détention était susceptible de réexamen, ce qui est suffisamment conforme à l’interprétation donnée par le Comité duparagraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

4.8En ce qui concerne le grief de l’auteur relatif à l’absence d’équité procédurale de la procédure d’extradition au regard des articles 13 et 14 du Pacte, l’État partie soutient que le paragraphe 1 de l’article 14 est inapplicable à cette procédure. En conséquence, dans la mesure où il concerne le paragraphe 1 de l’article 14, son grief est irrecevable ratione materiae, en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.9S’agissant du grief au titre de l’article 13 du Pacte, l’État partie affirme qu’il a été procédé à l’extradition de l’auteur «conformément à la loi» interne au sens du Pacte. La procédure d’extradition prévue par la loi relative à l’extradition comporte quatre étapes: a) tout d’abord la délivrance d’un mandat provisoire en vertu de l’article 12, paragraphe 1, ou d’un accusé de réception de la demande en vertu de l’article 16, paragraphe 1;b) la détention provisoire, en vertu de l’article 15, décidée par un juge après l’arrestation de l’intéressé, qui dure aussi longtemps que nécessaire aux fins de la procédure d’admissibilité de la demande en application de l’article 16, paragraphe 1; c) la décision d’un juge sur la question de savoir si, conformément à l’article 19, les conditions de la remise sont réunies, tandis que l’intéressé est en détention provisoire; et d) la décision, prise par l’Attorney général en vertu de l’article 22, qu’il y a lieu de procéder au transfèrement de l’intéressé. L’extradition de l’auteur a eu lieu conformément aux conditions posées par la loi relative à l’extradition. Il n’a été extradé vers les États-Unis qu’après la constatation par les juridictions australiennes que les conditions requises étaient remplies et suite à une décision définitive du Ministre conformément à l’article 22 de la loi relative à l’extradition. De plus, la prise de décisions dans le cadre du droit interne australien n’a été entachée ni de mauvaise foi ni d’abus de pouvoir.

4.10L’auteur a en outre bénéficié de garanties procédurales tout au long de la procédure d’extradition; il a en particulier eu «la possibilité de faire valoir les raisons qui [militaient] contre son expulsion et de faire examiner son cas» par les autorités compétentes, conformément à l’article 13 du Pacte. Ainsi, il a contesté l’admissibilité de la demande de remise au regard de l’article 19 de la loi relative à l’extradition, qui exige que le juge s’assure, avant de se prononcer sur la possibilité d’une remise de l’intéressé, que les conditions suivantes sont réunies: que les pièces justificatives requises ont été produites; que le comportement constitutif de l’infraction dans le pays requérant l’extradition, s’il avait été commis en Australie, aurait aussi constitué une infraction en droit australien, rendant son auteur passible d’une peine égale ou supérieure à douzemois d’emprisonnement; et qu’il n’y a pas de raisons substantielles de croire qu’il existe une objection à l’extradition relativement à l’infraction. Lors de l’audience initiale devant le juge, l’obligation de donner à l’auteur la possibilité de «faire valoir les raisons qui [militaient] contre son expulsion et de faire examiner son cas» par les autorités compétentes a été respectée.

4.11Dès que les tribunaux eurent déterminé que les conditions d’une remise étaient réunies, le dossier a été renvoyé au Ministre pour qu’il prenne une décision définitive conformément à l’article 22 de la loi relative à l’extradition. Le 6 septembre 2005, l’Attorney général a invité l’auteur à «porter à l’attention du Ministre toute information qui pourrait être pertinente pour lui permettre de décider de [son] éventuelle remise aux États‑Unis». L’auteur et ses représentants ont communiqué des informations en réponse à cette invitation, lesquelles ont été prises en considération par le Ministre dans sa décision finale. Cette procédure a permis elle aussi de satisfaire à l’obligation de donner à l’auteur la possibilité de «faire valoir les raisons qui [militaient] contre son expulsion et de faire examiner son cas» par les autorités compétentes.

4.12Bien que l’article 13 du Pacte ne prévoie pas l’obligation de soumettre la décision d’une autorité compétente à un réexamen judiciaire, l’auteur a disposé d’une telle faculté de réexamen en ce qui concerne la décision finale du Ministre. Le 9 février 2007, il a fait appel de la décision du Ministre du 22 décembre 2006 devant la Cour fédérale, en invoquant une erreur de droit. L’auteur a été débouté le jour même de son appel, faute d’avoir pu fournir un commencement de preuve que le Ministre avait exercé son pouvoir de manière abusive.

4.13Pour autant que les critères d’impartialité, d’équité et d’égalité des armes visés à l’article 14 du Pacte s’appliquent à la procédure d’extradition en vertu de l’article 13 duPacte, il a été également satisfait à ces critères. S’agissant de l’allégation de l’auteur selon laquelle il aurait été empêché de produire des preuves et des contre-preuves propres à le disculper aux États-Unis, l’État partie soutient que le paragraphe 1 de l’article 14 n’impose aucune obligation à cet égard. Cette disposition exige au contraire que, dans le cadre d’une procédure judiciaire, toute partie ait la possibilité de présenter des moyens de preuve et de réagir à d’autres moyens de preuve de façon à permettre à la juridiction de statuer sur les questions dont elle est saisie − en l’espèce, la question de savoir si les conditions étaient réunies pour une remise de l’auteur en vertu de l’article 19 de la loi relative à l’extradition. L’auteur a eu la possibilité de produire des preuves et des contre‑preuves à cet égard. La question de la culpabilité éventuelle de l’auteur selon le droit des États-Unis et du type de peine dont il serait passible n’était pas pertinente aux fins de la décision prévue à l’article 19 de la loi relative à l’extradition. De plus, l’auteur s’est prévalu de la possibilité de faire réexaminer la décision finale du Ministre en vertu de l’article 22 de la loi relative à l’extradition. Il avait le droit, dans le cadre de cette procédure, de produire des preuves et des contre-preuves dans la mesure où elles concernaient la question de savoir si le Ministre, en prenant sa décision, avait commis une erreur de droit.

4.14Vu que les griefs au titre des articles 9, 13 et 14 du Pacte sont irrecevables et que l’article 2 du Pacte ne peut être invoqué que conjointement avec d’autres dispositions du Pacte, le grief de l’auteur tiré de l’article 2 est irrecevable. Si le Comité décidait que les griefs au titre des articles 9, 13 et 14 du Pacte sont recevables, l’État partie soutient qu’il n’y a eu aucune violation de ces dispositions et que le grief tiré de l’article 2 est donc dépourvu de fondement.

4.15L’État partie affirme avoir mis en place des recours utiles pour d’éventuelles violations du Pacte commises au cours de procédures de détention et d’extradition, y compris dans le cadre de la loi relative à l’extradition.

4.16L’État partie conclut que les griefs de l’auteur tirés des articles 2, 9 (par. 1) et 14 (par. 1) du Pacte sont irrecevables. À titre complémentaire ou subsidiaire, les griefs tirés des articles 2, 9 (par. 1 et 4) et 14 (par. 1) du Pacte sont dépourvus de fondement et doivent donc être rejetés.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 16 avril 2014, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations del’État partie, dans la mesure où ce dernier y alléguait le manque de clarté de sacommunication. Il maintient expressément l’intégralité de ses griefs initiaux.

5.2L’auteur conteste l’argument relatif au non-épuisement des recours internes avancé par l’État partie, selon lequel il aurait omis de soumettre une demande de libération sous caution à la Chambre plénière de la Cour fédérale lorsqu’il a fait appel de la décision de la Cour fédérale du 7 juillet 2004 concluant que les conditions étaient réunies pour son extradition. Il explique avoir sollicité en vain une libération sous caution après avoir été placé en détention le 10 juillet 2004, comme suite à la décision de la Cour fédérale. L’auteur n’a pas soumis de nouvelle demande de libération sous caution avant son extradition. En se référant amplement à la jurisprudence des tribunaux australiens, il soutient que toute demande de libération sous caution au stade de l’appel était vouée à l’échec, sauf s’il avait pu démontrer l’existence de «circonstances spéciales», l’absence de risque de fuite et de fortes chances de succès de l’appel. Les seuls facteurs qu’il aurait pu éventuellement mettre en avant en tant que «circonstances spéciales» étaient ses bonnes qualités morales, ses relations avec son père, le fait qu’il ne représentait aucun danger pour la communauté, et le respect des conditions fixées lors de sa précédente mise en liberté sous caution, autant de facteurs qui, selon la jurisprudence des tribunaux australiens, ne constituent pas des «circonstances spéciales». De plus, il n’y avait pas eu de «changement de circonstances» entre le moment de son appel de la décision du 7 juillet 2004 devant la Cour fédérale et le refus de sa demande de libération sous caution le 10 juillet 2004. Il était donc tout à fait improbable qu’il puisse démontrer l’existence de «circonstances spéciales» dans une éventuelle demande de libération sous caution présentée au moment de son appel devant la Chambre plénière de la Cour fédérale. Il était tout aussi improbable qu’il soit à même d’établir de «fortes chances de succès» de cet appel, du fait notamment des motifs clairement énoncés par la Cour fédérale et de l’unanimité de la Chambre plénière sur l’appel. En conséquence, toute demande de libération sous caution à ce stade était vouée à l’échec car il aurait été certainement impossible à l’auteur de satisfaire à deux des troiscritères exigés pour une telle libération.

5.3La situation de l’auteur en l’espèce diffère de celle examinée dans l’affaire Badu c.Canada. Dans cette affaire, l’auteur avait seulement invoqué «le simple fait de douter» de l’efficacité des recours internes, alors qu’il avait à sa disposition plusieurs voies de recours internes, y compris un recours qui lui aurait permis de présenter des arguments analogues à ceux qu’il avait présentés dans sa communication au Comité. Dans la présente espèce, iln’y avait pour l’auteur qu’un recours interne éventuel, qui était inutile pour les raisons déjà évoquées et ne lui permettait pas de présenter des arguments analogues aux arguments sur le fond qu’il a présentés dans sa communication au Comité.

5.4L’auteur affirme donc avoir épuisé tous les recours internes disponibles et soutient qu’une demande de libération sous caution au moment de l’appel de la décision de la Cour fédérale du 7 juillet 2004 était un recours inefficace dont il n’était pas tenu de se prévaloir. Si le Comité accepte l’argument de l’État partie relatif au non-épuisement des recours internes, cela est sans incidence sur la recevabilité de sa communication en ce qui concerne les faits postérieurs au 10 mars 2005, date à laquelle la Chambre plénière de la Cour fédérale a rejeté son appel. Chaque échec d’une procédure de recours ou d’appel diminue les chances d’octroi d’une libération sous caution. Toute demande de libération sous caution de l’auteur aurait donc inévitablement été refusée après l’échec de son appel devant la Chambre plénière de la Cour fédérale. Même si le Comité admet qu’il disposait d’un recours interne utile lorsqu’il a formé son appel, cette voie de recours n’était plus disponible et/ou était devenue inefficace à compter de la date de rejet de son appel.

5.5L’auteur conteste l’argument de l’État partie selon lequel sa détention en attente d’extradition n’était pas arbitraire, au sens du paragraphe 1 de l’article 9, du seul fait qu’elle était conforme à la loi et, partant, justifiée. Le fait que l’extradition puisse être un motif de détention au regard du Pacte ne signifie pas que la détention d’une personne en attente d’extradition soit automatiquement justifiée et proportionnée et qu’elle ne soit donc pas arbitraire. Par exemple, la détention ne peut être justifiée en raison d’un risque de fuite ou de non-coopération que s’il y a de sérieux motifs de croire à la probabilité d’un tel risque dans un cas particulier. La condition posée dans la loi relative à l’extradition, à savoir que la libération sous caution est subordonnée à l’existence de «circonstances spéciales», réduit à néant ce critère. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la détention visée à l’article 5, paragraphe 1 f), de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales cesse d’être justifiée si la procédure d’extradition n’est pas menée avec la diligence requise; pour ne pas être taxée d’arbitraire, la détention ne doit pas, notamment, excéder le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi.

5.6L’article 22 de la loi relative à l’extradition ne contient aucune indication quant à la durée possible de la détention dans le cadre d’une procédure d’extradition. Selon cet article, l’Attorney général est tenu de se prononcer sur l’extradition «dès qu’il est raisonnablement possible, eu égard aux circonstances, après qu’il a été établi qu’une personne remplit les conditions». Ce membre de phrase n’a guère retenu l’attention des juridictions. Selon le précédent le plus récent, s’il ne se prononce pas sur l’extradition «dès qu’il est raisonnablement possible» «l’Attorney général n’est pas pour autant privé de la compétence pour le faire». Bien qu’il ait affirmé que le Ministre avait l’obligation de se prononcer dans le cas de l’auteur «dès qu’il [était] raisonnablement possible», l’État partie n’a pas fourni de détails sur les recherches qu’il lui incombait de faire durant la période pertinente, et n’a pas non plus expliqué pourquoi ces démarches avaient pris quatorze mois ni en quoi cela était conforme au critère «dès qu’il est raisonnablement possible». En conséquence, la détention de l’auteur n’était pas justifiée au regard du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

5.7L’auteur précise en outre qu’il invoque l’article 14 du Pacte dans la mesure où il convient d’interpréter l’article 13 à la lumière des garanties énoncées à l’article 14. Il ne prétend pas que le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte s’applique directement à son cas. Il soutient au contraire que l’article 13 s’applique, car il aurait dû «avoir la possibilité de faire valoir les raisons qui [militaient] contre son expulsion et de faire examiner son cas par [les autorités compétentes] ... en se faisant représenter à cette fin». Cette disposition intègre des «éléments relatifs à un procès équitable» qui doivent être interprétés à la lumière de l’article 14 du Pacte et du paragraphe 62 de l’Observation générale no 32. Étant donné que le droit interne australien «confie à un organe judiciaire la tâche de se prononcer sur» les questions d’extradition, «la garantie d’égalité de tous devant les tribunaux et les cours de justice, consacrée au paragraphe 1 de l’article 14, et les principes d’impartialité, d’équité et d’égalité des armes qui en découlent implicitement sont applicables». La communication est donc recevable en vertu des articles 13 et 14 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que les recours internes n’auraient pas été épuisés, l’auteur n’ayant pas soumis une demande de libération sous caution à la Chambre plénière de la Cour fédérale lorsqu’il a fait appel de la décision de la Cour fédérale du 7 juillet 2004 concluant que les conditions étaient réunies pour son extradition. Le Comité observe que l’État partie renvoie à la jurisprudence de la Cour suprême australienne selon laquelle pour obtenir une libération sous caution, l’intéressé doit établir «l’existence de circonstances spéciales» et les circonstances invoquées doivent être «exceptionnelles, différentes des facteurs applicables à toute personne susceptible de faire l’objet d’une extradition». Il note que l’État partie admet que cette jurisprudence fixe ainsi des «critères auxquels il est relativement difficile de satisfaire». Il prend également note de l’argumentation de l’auteur qui affirme que lesfacteurs qu’il pouvait mettre en avant en tant que circonstances spéciales, notamment lerespect des conditions de sa précédente libération sous caution, la durée de la détention etl’absence de tout risque de fuite, ne constituent pas des «circonstances spéciales» selon la jurisprudence de la Cour suprême. Il note aussi que selon ses dires, l’auteur n’aurait pas pu démontrer l’existence de «fortes chances de succès» de sa demande, comme l’exige la jurisprudence de la Cour suprême. Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle, aux fins du Protocole facultatif, lorsque la plus haute juridiction d’un État a statué sur la question objet du litige dans un sens tel que toute possibilité de succès d’un recours devant les juridictions internes est exclue, l’auteur n’est pas tenu d’épuiser les recours internes. Le Comité en conclut qu’il n’est pas empêché par les dispositions du paragraphe 2 b) del’article 5 du Protocole facultatif d’examiner la présente communication.

6.4Le Comité prend note de l’argument de l’auteur selon lequel l’État partie a manqué à ses obligations au titre du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, lu conjointement avec l’article 9, car il n’a pas adopté de lois ou mesures qui auraient permis de donner effet aux droits reconnus dans l’article 9 du Pacte. Renvoyant à sa jurisprudence, le Comité rappelle que les dispositions de l’article 2 du Pacte, qui énoncent une obligation générale à l’intention des Étatsparties, ne peuvent pas être invoquées isolément dans une communication présentée en vertu du Protocole facultatif. Le Comité considère également que les dispositions de l’article 2 ne sauraient être invoquées conjointement avec d’autres dispositions du Pacte dans une communication présentée en vertu du Protocole facultatif, sauf lorsque le manquement de l’État partie aux obligations que lui impose l’article 2 est la cause immédiate d’une violation distincte du Pacte qui affecte directement la personne qui se dit lésée. Le Comité note toutefois que l’auteur a déjà invoqué une violation de ses droits au titre de l’article 9 due à l’interprétation et à l’application des lois en vigueur dans l’Étatpartie, et il ne pense pas que l’examen de la question de savoir si l’État partie a aussi enfreint les obligations générales que lui impose le paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, luconjointement avec l’article 9, serait différent de l’examen d’une violation des droits de l’auteur au titre de l’article9. En conséquence, le Comité considère que les griefs de l’auteur à cet égard sont incompatibles avec l’article 2 du Pacte et sont irrecevables en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Rappelant sa jurisprudence, le Comité considère que, bien que le Pacte n’exige pas que les procédures d’extradition aient un caractère judiciaire, l’extradition en tant que telle n’est pas exclue du champ d’application du Pacte. Au contraire, plusieurs dispositions, notamment celles des articles 6, 7, 9 et 13, sont obligatoirement applicables en cas d’extradition. En particulier, dans les cas où, comme en l’espèce, la décision relative à l’extradition fait intervenir le pouvoir judiciaire, celui-ci doit respecter les principes d’impartialité, d’équité et d’égalité consacrés au paragraphe1 de l’article 14, ainsi qu’à l’article 13 du Pacte. Toutefois, le Comité rappelle que, même quand la décision appartient à un tribunal, l’examen d’une demande d’extradition ne constitue pas une décision sur une accusation de caractère pénal au sens de l’article 14 du Pacte. Il est vrai que le paragraphe 1 de l’article 14 ne prévoit pas de droit d’accès aux tribunaux ou cours de justice pour les personnes soumises à une procédure d’extradition; néanmoins, dès lors que le droit interne charge un organe judiciaire d’exercer une fonction juridictionnelle, la première phrase du paragraphe 1 de l’article 14 garantit en termes généraux le droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice, si bien que les principes d’impartialité, d’équité et d’égalité qui sont énoncés dans cette disposition doivent être respectés.

6.6S’agissant du grief tiré des articles 13 et 14, lus séparément et conjointement avec l’article 2 du Pacte, concernant le fait que l’auteur n’a pas eu la possibilité de soumettre et de contester des moyens de preuve relatifs à son extradition, le Comité note l’argumentation de l’État partie selon laquelle la procédure d’extradition a été conduite conformément à la loi, à savoir la loi relative à l’extradition, et l’auteur n’a été extradé qu’après que les juridictions internes eurent constaté que les conditions d’une remise étaient réunies, et que leurs conclusions eurent été confirmées par la décision finale du Ministre de la justice et des douanes. L’auteur ne conteste pas le fait que les autorités du pays n’ont pas agi de mauvaise foi ni excédé leurs pouvoirs en prenant la décision de l’extrader. Le Comité prend par ailleurs note de l’argumentation de l’État partie selon laquelle l’auteur a eu la possibilité de soumettre et de contester des moyens de preuve concernant son extradition, et du fait que l’auteur, tout en contestant cette argumentation, n’a présenté aucune information spécifique pour la contredire. Il note en outre que l’auteur s’est prévalu de la possibilité, en droit interne, de faire réexaminer son dossier d’extradition à plusieurs reprises par les autorités compétentes, comme la Cour fédérale, la Chambre plénière de la Cour fédérale, et le Ministre de la justice et des douanes. Le Comité considère par conséquent que l’auteur n’a pas étayé, aux fins de la recevabilité, cette partie de sa communication qui est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, que le fondement invoqué soit l’article 13 ou l’article 14, séparément et conjointement avec l’article2 du Pacte25.

6.7Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que les droits qu’il tient des articles 13 et 14 du Pacte ont été violés parce qu’il se serait senti contraint de plaider coupable aux États-Unis, par crainte que sa longue période de détention en Australie ne soit pas prise en compte si l’issue de son procès aux États-Unis ne lui était pas favorable. Au vu des éléments dont il est saisi, le Comité considère que cette partie de la communication est insuffisamment étayée aux fins de la recevabilité et qu’elle est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.8Pour ce qui est du grief de l’auteur tiré du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte, le Comité considère ce grief comme irrecevable ratione materiae, puisque cette disposition du Pacte ne s’applique pas à la procédure d’extradition.

6.9Le Comité considère que les autres griefs de l’auteur, qui soulèvent des questions au titre de l’article 9, lu en liaison avec le paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, ont été suffisamment étayés. En conséquence, il déclare cette partie de la communication recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité prend note du grief de l’auteur alléguant que sa détention était arbitraire au regard du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, en particulier entre le 10 juillet 2004, date à laquelle il a été placé en détention pour la deuxième fois après l’ouverture de la procédure d’extradition, et le 22 décembre 2006, date à laquelle le Ministre de la justice et des douanes a pris une décision définitive à propos de son extradition. Le Comité prend également note de l’argumentation de l’État partie selon laquelle la détention de l’auteur n’était pas arbitraire parce qu’elle était conforme à la loi et justifiée aux fins de l’extradition. Le Comité rappelle à ce propos sa jurisprudence selon laquelle, pour éviter d’être qualifiée d’«arbitraire», la détention ne devrait pas se poursuivre au-delà de la période pour laquelle l’État partie peut fournir une justification appropriée. En l’espèce, la détention ininterrompue de l’auteur s’est poursuivie pendant plus de deux ans et cinq mois, période durant laquelle il a exercé des voies de recours contre la décision de la Cour fédérale, en date du 7 juillet 2004, concluant que les conditions de sa remise aux États-Unis par l’Australie étaient réunies. Tandis que l’État partie avance des raisons particulières pour justifier la détention de l’auteur, le Comité observe qu’il n’a pas démontré que ces raisons justifient la poursuite de la détention de l’auteur au vu du passage du temps et de l’évolution de sa situation. En particulier, l’État partie n’a pas démontré, vu la situation particulière de l’auteur, qu’il n’existait pas de moyens moins contraignants de parvenir aux mêmes fins, à savoir le respect des politiques de l’État partie en matière d’extradition et de ses obligations dans le domaine de la coopération internationale, par exemple, en obligeant l’auteur à se présenter périodiquement aux autorités ou à fournir des garanties, ou en lui imposant d’autres conditions adaptées à sa situation personnelle. Plus particulièrement, il n’a pas été démontré par l’État partie qu’il avait été dûment tenu compte des arguments de l’auteur en faveur de sa libération, comme le respect des conditions de sa précédente libération sous caution au cours de la même procédure d’extradition, un faible risque de fuite, l’absence de casier judiciaire ou son état de santé.

7.3De plus, le Comité note, ce qui n’a pas été contesté par l’État partie, que la loi australienne ne limite pas la durée de la détention en attente d’extradition et que, selon lajurisprudence de la Cour suprême, en matière d’extradition, la règle générale est«lemaintien en détention, que celle-ci soit nécessaire ou non». À cet égard, le Comité note que, selon l’auteur, il n’existe aucune indication, ni dans la loi interne ni dans la jurisprudence de la Cour suprême, quant au délai dont dispose le Ministre de la justice et des douanes pour prendre sa décision à propos de l’extradition, laquelle devrait intervenir «dès qu’il est raisonnablement possible». Tout en constatant qu’en l’espèce, il a fallu plus de quinze mois, soit du 6 septembre 2005 au 22 décembre 2006, pour que le Ministre prenne cette décision, le Comité considère que l’État partie n’a pas démontré en quoi cette durée répondait au critère «dès qu’il est raisonnablement possible», ni pourquoi la poursuite de la détention de l’auteur était nécessaire et justifiée durant cette période particulière. Dans ces circonstances, quels qu’aient pu être les motifs de la mise en détention initiale, la poursuite de la détention de l’auteur en attente d’extradition, sans justification appropriée dans son cas personnel a, de l’avis du Comité, un caractère arbitraire et constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

7.4Le Comité note aussi que l’auteur allègue, en se fondant sur le paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte, qu’il ne disposait d’aucun recours utile pour faire réexaminer par un tribunal la poursuite de sa détention, qui était devenue arbitraire en raison de sa durée disproportionnée. Il note que l’État partie conteste cette affirmation de l’auteur, en faisant valoir qu’un tel recours était possible sous la forme d’une demande de libération sous caution. En se référant à ses considérations concernant la recevabilité, ainsi qu’à la loi australienne et à la jurisprudence de la Cour suprême, le Comité relève que la libération sous caution peut être accordée par un tribunal si l’intéressé établit l’existence de «circonstances spéciales» qui devraient être «exceptionnelles, différentes des facteurs applicables à toute personne susceptible de faire l’objet d’une extradition» et s’il démontre l’existence de «fortes chances de succès» de la demande de libération sous caution. Il prend note de l’explication de l’auteur selon laquelle la durée de la détention en soi ne relève pas des «circonstances spéciales», selon la jurisprudence de la Cour suprême, et l’intéressé doit démontrer un changement de circonstances pour justifier une nouvelle demande de libération sous caution si une précédente demande à cette fin a été rejetée. Le Comité note aussi que l’État partie, tout en admettant qu’il est «relativement difficile» de satisfaire aux critères fixés pour obtenir une libération sous caution, fait valoir que le paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte n’exige pas qu’un tribunal puisse ordonner une libération sous caution sur le seul fondement de la durée de la détention, sous réserve que la détention soit justifiable en droit interne. Il note par ailleurs qu’il n’a pas été contesté par l’État partie que les personnes en attente d’extradition sont généralement placées en détention, que celle-ci soit nécessaire ou non.

7.5Le Comité rappelle que le réexamen par un tribunal de la légalité de la détention au sens du paragraphe 4 de l’article 9 n’est pas limité à la simple conformité de la détention au droit interne, mais qu’il doit aussi viser la possibilité d’ordonner une libération si la détention est incompatible avec les dispositions du Pacte, en particulier celles du paragraphe 1 de l’article 9. Ce qui est déterminant aux fins du paragraphe 4 de l’article 9 est que cet examen soit, dans son effet, réel et pas simplement de pure forme. Dans la présente affaire, l’auteur a été détenu en attente d’extradition pendant plus de deux ans, sans aucun espoir d’obtenir un réexamen judiciaire au fond de la compatibilité de sa détention prolongée avec le Pacte, ni une libération sur ce fondement. Dans ces circonstances et au vu de ses constatations au titre du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, le Comité considère que l’auteur, en vertu de la loi et de la pratique de l’État partie, a été effectivement empêché d’introduire un recours utile devant un tribunal afin que celui-ci statue sur la légalité de sa détention prolongée, puisque les tribunaux n’étaient pas habilités à examiner la question de savoir si sa détention restait légale au-delà d’une certaine durée et à ordonner sa libération le cas échéant. Il constate aussi que l’État partie n’a pas démontré que l’auteur disposait d’un recours utile en ce qui concerne son grief tiré du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte. Le Comité estime par conséquent que l’impossibilité de contester une détention qui était, ou était devenue, contraire au paragraphe 1 de l’article 9 constitue une violation du paragraphe 4 de l’article9 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 duProtocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que tient l’auteur des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 du Pacte.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, notamment en lui accordant une indemnisation appropriée incluant le remboursement des frais de justice qu’il a engagés. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas. À cet égard, l’État partie devrait réviser sa législation et sa pratique, en particulier la loi relative à l’extradition no 4 de 1988, telle qu’elle a été appliquée dans la présente affaire, pour faire en sorte que les droits garantis par les articles 9 et 2 du Pacte puissent être pleinement exercés dans l’État partie.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que leComité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité enoutre à rendre celles-ci publiques, et à les diffuser largement en anglais dans le pays.

Appendice I

[Original: espagnol]

Opinion individuelle de Victor Rodríguez-Rescia et Fabián Salvioli

Nous souscrivons aux constatations formulées par le Comité dans l’affaire Griffiths c. Australie (communication no 1973/2010). Nous estimons cependant que le Comité aurait dû indiquer que l’État a manqué à l’obligation générale énoncée au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, et qu’il a violé cette disposition, lue conjointement avec l’article 9 du Pacte. Il ressort du paragraphe 6.4 des constatations que, dans son évolution vers les meilleures pratiques des organes internationaux chargés des droits de l’homme, le Comité reste imprécis, et ne parvient pas à expliquer pourquoi il applique des normes différentes à chacun des paragraphes de l’article 2. Il exclut ainsi la possibilité de constater une violation du paragraphe 2 de l’article 2, lu conjointement avec d’autres dispositions du Pacte, alors que lors de l’examen de communications individuelles, il n’applique jamais le même raisonnement pour constater des violations du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec d’autres dispositions du Pacte, ce qui a été le cas dans des centaines d’affaires comme le montre sa jurisprudence établie.

Dans la présente communication no 1973/2010, la violation dont M. Griffiths a été victime trouve son origine dans le droit même de l’État, à savoir la loi relative à l’extradition no4 de 1988. C’est ce que le Comité reconnaît dans ses constatations lorsqu’il affirme: «le Comité considère que l’auteur, en vertu de la loi et de la pratique de l’Étatpartie, a été effectivement empêché d’introduire un recours utile devant un tribunal afin que celui-ci statue sur la légalité de sa détention prolongée, puisque les tribunaux n ’ étaient pas habilités à examiner la question de savoir si sa détention restait légale au-delà d ’ une certaine durée et à ordonner sa libération le cas échéant» (par.7.5, caractères grasajoutés).

Enfin, nous estimons trop faibles les termes de la phrase du paragraphe9 desconstatations où il est dit que l’État «devrait réviser sa législation et sa pratique, enparticulier la loi relative à l’extradition no4 de 1988». À notre avis, après avoir constaté que l’État a violé le paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, lu conjointement avec l’article 9, le Comité aurait dû affirmer que l’Australie doit mettre sa loi relative à l’extradition enconformité avec les obligations que lui impose le Pacte, en apportant à cet effet lesmodifications législatives nécessaires, et en les appliquant comme il se doit à l’avenir. C’est seulement ainsi que l’efficacité de la garantie de non-répétition, en tant que mesure de réparation appropriée, sera assurée.

Appendice II

[Original: anglais]

Opinion individuelle (concordante) de Dheerujlall B. Seetulsingh

1.Tout en souscrivant aux constatations de la majorité quant à la durée disproportionnée de la détention de l’auteur en attente d’extradition, je dois appeler l’attention sur le fait qu’il est peut-être excessif d’affirmer au paragraphe 7.5 que «l’auteur, en vertu de la loi et de la pratique de l’État partie, a été effectivement empêché d’introduire un recours utile devant un tribunal afin que celui-ci statue sur la légalité de sa détention». L’auteur aurait encore pu tenter de présenter une nouvelle demande de libération sous caution en invoquant un changement de circonstances, sans préjuger de son résultat. Les observations de l’État partie à ce sujet, aux paragraphes 4.6 et 4.7, ont un certain poids, et les commentaires de l’auteur visant à les réfuter, au paragraphe 5.2, semblent être des moyens de droit soulevés a posteriori. L’auteur doit assumer une certaine part de responsabilité dans la durée de sa détention.

Appendice III

[Original: anglais]

Opinion individuelle (concordante) de Yuval Shany

1.Je souscris pleinement aux constatations du Comité. Je tiens cependant à préciser ma position concertant un aspect de celles-ci, examiné au paragraphe 6.5, à savoir l’applicabilité de l’article 14 du Pacte aux cas d’extradition.

2.Si je peux accepter l’idée que l’article 14 du Pacte n’exige pas, pour les étrangers se trouvant légalement sur le territoire d’un État, comme l’auteur dans le cas présent, que la procédure d’extradition ait un caractère judiciaire, puisque l’expulsion de leur pays de résidence peut relever de l’article 13 du Pacte, je n’admets pas qu’une procédure judiciaire ne soit pas requise lorsqu’il s’agit de l’extradition de nationaux, qui ne sont pas protégés par l’article 13. Étant donné que la décision d’un pays d’extrader son propre ressortissant aurait des conséquences considérables sur la capacité de l’intéressé d’exercer les droits civils garantis par le Pacte, y compris ses droits relevant du droit privé, je suis d’avis qu’une telle décision devrait être couverte par les termes «décidera [...] des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil» figurant au paragraphe1 de l’article 14 du Pacte, ce qui obligerait l’État requis à respecter les garanties énumérées dans ceparagraphe. De fait, le Comité est parvenu au même résultat en faisant observer que «dès lors que le droit interne charge un organe judiciaire d’exercer une fonction juridictionnelle, la première phrase du paragraphe1 de l’article 14 garantit en termes généraux le droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice, si bien que les principes d’impartialité, d’équité et d’égalité qui sont énoncés dans cette disposition doivent être respectés» (par. 6.5). Je dirais cependant, en allant un peu plus loin, que les États ont toujours l’obligation de charger un organe judiciaire d’examiner les décisions visant à extrader leurs ressortissants. À ma connaissance, tel est de toute façon le cas dans la grande majorité desÉtats.

3.De plus, dans la mesure où certains aspects de la procédure d’extradition dans l’État requis sont intimement liés à la procédure pénale dans l’État requérant, j’estime que plusieurs garanties prévues à l’article 14, dans d’autres paragraphes que le paragraphe 1, et qui sont accordées aux personnes accusées d’une infraction pénale dans l’État requérant s’appliqueraient mutatis mutandis à ces aspects spécifiques de la procédure conduite dans l’État requis (que le suspect soit un étranger ou un ressortissant). Il pourra notamment s’agir des garanties applicables aux mesures d’enquête ou aux actes de membres du personnel judiciaire qui risquent de compromettre directement le droit à la présomption d’innocence du suspect lorsque celui-ci sera jugé dans l’État requérant, des garanties contre des retards injustifiés dans la procédure d’extradition qui porteraient atteinte au droit du suspect d’être jugé sans retard dans l’État requérant, et des garanties contre des formes de traitement dans l’État requis qui compromettraient le droit du suspect de ne pas s’accuser lui-même lors du procès dans l’État requérant. La présente affaire ne mettait en cause aucun de ces aspects interdépendants qui peuvent inviter à appliquer des garanties allant au-delà de celles de l’article 13 dont bénéficiait déjà l’auteur, si bien qu’il n’était pas nécessaire pour le Comité de recourir à l’une ou l’autre des garanties supplémentaires prévues à l’article 14 et examinées dans le présent paragraphe.