Nations Unies

CCPR/C/115/D/2221/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 décembre 2015

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Communication no 2221/2012

Constatations adoptées par le Comité à sa 115e session(19 octobre-6 novembre 2015)

Communication présentée par :

Mahmud Hudaybergenov (représenté par un conseil)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Turkménistan

Date de la communication :

3 septembre 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 7 décembre 2012 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

29 octobre 2015

Objet :

Objection de conscience au service militaire obligatoire

Question(s) de procédure :

Recevabilité − épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Torture ; peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion

Article(s) du Pacte :

7, 10 (par. 1) et 18 (par. 1)

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (115e session)

concernant la

Communication no 2221/2012 *

Présentée par :

Mahmud Hudaybergenov (représenté par un conseil)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Turkménistan

Date de la communication :

3 septembre 2012 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 29 octobre 2015,

Ayant achevé l’examen de la communication no 2221/2012présentée au nom de Mahmud Hudaybergenov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteurde la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit :

Constatations adoptées au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est Mahmud Hudaybergenov, de nationalité turkmène, né le 29 janvier 1990 à Dashoguz (Turkménistan). Il se dit victime d’une violation des droits qu’il tient des articles 7 et 18 (par. 1) du Pacte. Bien qu’il n’invoque pas expressément cette disposition, la communication semble également soulever des questions au regard de l’article 10 du Pacte. Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l’État partie le 1er mai 1997. L’auteur est représenté par un conseil, Shane H. Brady.

1.2Dans sa lettre initiale, l’auteur a prié le Comité de demander à l’État partie de le libérer immédiatement, à titre de mesure provisoire de protection tant que sa communication serait à l’examen. Le 7 décembre 2012, le Comité, agissant par l’intermédiaire du Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé de ne pas accéder à cette demande.

Exposé des faits

2.1L’auteur avance qu’il est Témoin de Jéhovah depuis 2003. À l’automne 2008, peu après ses 18 ans, il a été appelé au service militaire par le Commissariat militaire de l’État partie, à qui il a expliqué, par écrit et de vive voix, qu’il ne pouvait pas effectuer le service militaire car sa religion lui interdisait de participer à tout type d’activité militaire, y compris l’utilisation d’armes, le port de l’uniforme et la prestation de serment. Selon les informations fournies par l’auteur, le Commissariat militaire lui a accordé un report de six mois en raison de son état de santé. L’auteur a ensuite obtenu plusieurs autres reports jusqu’à ce qu’il soit de nouveau convoqué, au début de 2011. L’auteur avance qu’il a de nouveau expliqué au Commissariat militaire, de vive voix et par écrit, qu’il ne pouvait pas accomplir le service militaire parce qu’il était Témoin de Jéhovah et qu’être dans l’armée était contraire à ses convictions religieuses. Il a fait savoir au Commissariat militaire qu’il était prêt à effectuer un service de remplacement. L’auteur soutient qu’il n’a jamais été accusé d’aucune infraction pénale ou administrative autre que celle liée à son objection de conscience.

2.2L’auteur a été mis en accusation sur le fondement de l’article 219 1) du Code pénal turkmène pour avoir refusé de se soumettre au service militaire. C’est le tribunal municipal de Dashoguz qui a été saisi de son dossier. Le 9 août 2011, l’auteur a été déclaré coupable de s’être soustrait aux obligations militaires et condamné à vingt-quatre mois d’emprisonnement sur le fondement de l’article 219 1) du Code pénal. Le tribunal a estimé qu’il avait partiellement admis sa culpabilité en reconnaissant qu’il était Témoin de Jéhovah et que porter les armes ou apprendre la guerre était donc contraire à ses principes. Constatant que l’auteur avait été déclaré médicalement apte au service militaire, le tribunal a conclu que le refus de celui-ci d’accomplir son service militaire était dénué de tout fondement juridique. L’auteur a été arrêté dans la salle d’audience.

2.3Le 28 septembre 2011, le tribunal régional de Dashoguz a rejeté un recours présenté par la mère de l’auteur au nom de son fils. Il a jugé que celle-ci n’était pas légalement fondée à présenter pareil recours étant donné que, selon les dispositions de l’article 436 2) du Code de procédure pénale, seuls sont habilités à interjeter appel la personne condamnée ou acquittée et son avocat ou ses représentants légaux, ainsi que les victimes et leurs représentants légaux. Or, la mère de l’auteur n’était qu’un témoin.

2.4L’auteur soutient qu’immédiatement après son arrestation, il a été détenu pendant dix-huit jours au centre de détention provisoire DZ-D/7 de Dashoguz avant d’être transféré, le 28 août 2011, à la prison LBK-12, située à proximité de la ville de Seydi. Immédiatement après son transfert, il a été placé en quarantaine pendant dix jours. L’auteur avance qu’il a subi des actes de torture et des mauvais traitements pendant sa détention.

2.5L’auteur allègue qu’il a épuisé tous les recours internes qui lui étaient ouverts en ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 1 de l’article 18 du Pacte étant donné que les autorités judiciaires de l’État partie, à savoir aussi bien les tribunaux de première instance et d’appel que la Cour suprême, n’ont jamais donné gain de cause à un objecteur de conscience. Il estime que, compte tenu de l’inefficacité et du manque d’indépendance du système judiciaire, rien ne servirait qu’il se pourvoie en appel.

2.6En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 7 du Pacte, l’auteur soutient qu’il ne disposait d’aucun recours interne utile. Il cite les observations finales du Comité contre la torture concernant l’État partie, dans lesquelles le Comité a constaté qu’il n’existait pas de véritable mécanisme indépendant chargé de recevoir les plaintes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements, en particulier de condamnés et de personnes en détention avant jugement, et de mener des enquêtes impartiales et approfondies à leur sujet.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient que le fait d’avoir été incarcéré en raison de ses convictions religieuses est en soi constitutif d’un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 7 du Pacte.

3.2L’auteur avance qu’il a été victime d’une violation de l’article 7 du Pacte du fait du traitement auquel il a été soumis en détention, qui était constitutif de torture et de mauvais traitements, et des conditions de sa détention à la prison LBK-12. Il renvoie aux observations finales susmentionnées, dans lesquelles le Comité contre la torture s’est déclaré préoccupé par la violence physique et les pressions psychologiques exercées par le personnel pénitentiaire, y compris les châtiments collectifs, les mauvais traitements à titre de mesure « préventive » et la mise à l’isolement, ainsi que par les violences sexuelles et les viols commis par les gardiens et les détenus au Turkménistan. Il se réfère également au rapport publié en février 2010 par l’Association des avocats indépendants du Turkménistan, dont il ressort que la prison LBK-12 se situe dans un désert où les températures peuvent descendre jusqu’à -20 °C en hiver et atteindre 50 °C en été, qu’elle est surpeuplée et que les détenus souffrant de la tuberculose ou de maladies de peau n’y sont pas séparés des détenus en bonne santé. Bien que l’auteur n’en fasse pas expressément mention, la communication semble également soulever des questions au regard de l’article 10 du Pacte.

3.3L’auteur soutient que le fait d’avoir été poursuivi, déclaré coupable d’une infraction et emprisonné en raison de ses convictions religieuses et de son objection de conscience au service militaire constitue une violation des droits qu’il tient de l’article 18 du Pacte. Il fait observer qu’il a à plusieurs reprises fait savoir aux autorités turkmènes qu’il était prêt à s’acquitter de ses devoirs civiques en effectuant un service de remplacement ; toutefois, la législation de l’État partie ne prévoit pas cette possibilité.

3.4L’auteur demande au Comité d’inviter l’État partie à : a) l’acquitter des infractions sanctionnées par l’article 219 1) du Code pénal et effacer son casier judiciaire ; b) lui offrir une indemnisation proportionnée au préjudice moral subi du fait de la déclaration de culpabilité dont il a fait l’objet et de son incarcération ; c) l’indemniser pour les frais de justice engagés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.Dans une note verbale du 17 mars 2014, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il a notamment indiqué que le cas de l’auteur avait été examiné attentivement par les organes compétents, qui n’avaient trouvé aucun motif d’infirmer la décision du tribunal. Selon l’État partie, l’infraction pénale commise par l’auteur a été dûment qualifiée au regard du Code pénal turkmène. L’État partie précise que l’article 41 de la Constitution fait de la défense du Turkménistan le devoir sacré de tout citoyen et que la conscription est obligatoire pour tous les citoyens turkmènes de sexe masculin. Il ajoute que l’auteur ne satisfaisait pas aux conditions d’exemption du service militaire énoncées à l’article 18 de la loi sur la conscription et le service militaire.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 14 mai 2014, l’auteur a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il y fait observer que l’État partie ne conteste aucun des faits dénoncés dans la communication et avance pour toute justification que l’auteur a été déclaré coupable et emprisonné pour objection de conscience parce qu’il ne pouvait pas prétendre à une exemption au titre de l’article 18 de la loi sur la conscription et le service militaire. Aux yeux de l’auteur, cela témoigne du mépris total que manifeste l’État partie pour les obligations mises à sa charge par l’article 18 du Pacte et la jurisprudence du Comité, qui défend le droit à l’objection de conscience au service militaire. En outre, l’État partie ne conteste pas les allégations selon lesquelles le personnel pénitentiaire a soumis l’auteur à un traitement inhumain et dégradant, en violation de l’article 7 du Pacte.

5.2L’auteur soutient pour conclure que le fait d’avoir été poursuivi en justice, déclaré coupable d’une infraction et emprisonné a porté atteinte aux droits qu’il tient de l’article 7 et du paragraphe 1 de l’article 18 du Pacte. Il demande de nouveau que l’État partie lui accorde une réparation appropriée (voir par. 3.4).

5.3Le 22 octobre 2014, l’auteur a signalé qu’il avait été mis en liberté le 9 août 2013, après avoir purgé sa peine. Il a fourni au Comité une déclaration signée contenant un rappel des faits le concernant dans laquelle il précise que, le 28 août 2011, il a été transféré à la prison LBK-12 de Seydi après avoir passé dix-huit jours au centre de détention provisoire DZ-D/7 de Dashoguz. Il avance qu’à son arrivée à la prison LBK-12, il a été placé à l’isolement pendant dix jours. En septembre 2011, le directeur des ateliers de travail de la prison, le commandant R. B., l’a frappé à la poitrine à coups de pied et lui a donné des gifles et des claques autour des oreilles, après quoi il a eu mal à l’oreille gauche pendant un mois. En outre, le commandant R. B. lui fouettait le dos avec un câble et, un jour, il l’a battu toute la matinée. L’auteur ajoute que ses conditions de détention étaient très mauvaises et qu’il faisait très froid pendant l’hiver et très chaud pendant l’été car il n’y avait pas de carreaux aux fenêtres. De surcroît, il n’avait pas le droit d’utiliser les douches intérieures pendant l’hiver et devait donc faire sa toilette dehors par un froid glacial. Depuis sa détention, il souffre des reins.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que l’auteur d’une communication doit exercer tous les recours internes pour satisfaire à l’obligation énoncée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, pour autant que ces recours semblent être utiles dans son cas particulier et lui soient ouverts de facto. Il note que l’auteur déclare ne disposer d’aucun recours utile dans l’État partie pour ce qui concerne les griefs tirés des articles 7, 10 et 18 du Pacte. Il note également que l’État partie avance, dans sa communication du 17 mars 2014, que le cas de l’auteur a été examiné attentivement par les organes compétents, qui n’ont trouvé aucun motif d’infirmer la décision du tribunal, et n’a pas contesté les arguments avancés par l’auteur au sujet de l’épuisement des recours internes. Dans ces conditions, il estime qu’en l’espèce, les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

6.4Le Comité estime que les griefs que l’auteur tire des articles 7, 10 et 18 (par. 1) du Pacte sont suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. Il les déclare donc recevables et procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité note que l’auteur soutient que pendant sa détention à la prison LBK-12, il a été maltraité par le personnel pénitentiaire, en violation de l’article 7 du Pacte. Il note également que l’auteur a fait une description détaillée des sévices subis et donné l’identité du responsable. L’auteur a déclaré qu’il avait été frappé sur différentes parties du corps, notamment au visage et à la tête, à deux reprises au moins, qu’il avait à une occasion reçu des coups de pied à la poitrine et qu’il avait fréquemment été fouetté dans le dos à coups de câble. Le Comité prend note de l’allégation de l’auteur concernant l’absence de mécanisme d’enquête sur les cas de torture et de mauvais traitements dans l’État partie. L’État partie n’a pas réfuté ces allégations ni fourni d’informations à leur sujet. Dans ces circonstances, il convient d’accorder du poids aux allégations de l’auteur. En conséquence, le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits garantis à l’auteur par l’article 7 du Pacte.

7.3Le Comité note également que l’auteur fait état de conditions de détention déplorables dans la prison LBK-12, et en particulier qu’il affirme avoir été placé en quarantaine pendant dix jours à son arrivée, exposé à des conditions climatiques rigoureuses durant un été torride et un hiver glacial, et forcé d’utiliser des douches extérieures en hiver alors que les températures étaient très froides. Le Comité constate que ces allégations n’ont pas été contestées par l’État partie et qu’elles concordent avec les conclusions formulées par le Comité contre la torture dans ses observations finales les plus récentes concernant l’État partie. Il rappelle que les personnes privées de liberté ne doivent pas subir de privation ou de contrainte autre que celles qui sont inhérentes à la privation de liberté et doivent être traitées dans le respect des dispositions applicables, notamment l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. En l’absence d’autres renseignements utiles, le Comité estime qu’il convient d’accorder du poids aux allégations de l’auteur. En conséquence, il conclut que la détention de l’auteur dans les conditions décrites constitue une violation du droit d’être traité avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine garanti au paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte.

7.4Le Comité prend note du grief de l’auteur, qui avance que les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 18 du Pacte ont été violés parce qu’il n’existe pas, dans l’État partie, de service de remplacement au service militaire, en conséquence de quoi son refus d’effectuer le service militaire, fondé sur des motifs religieux, lui a valu d’être poursuivi en justice et condamné à une peine d’emprisonnement. Le Comité prend note également des arguments de l’État partie, qui soutient que l’infraction pénale commise par l’auteur a été dûment qualifiée au regard du Code pénal turkmène, que selon l’article 41 de la Constitution, la défense du Turkménistan le devoir sacré de chaque citoyen et que la conscription est obligatoire pour tous les citoyens turkmènes de sexe masculin.

7.5Le Comité rappelle son observation générale no 22 (1993), sur le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, dans laquelle il a estimé que le caractère fondamental des libertés consacrées au paragraphe 1 de l’article 18 du Pacte était reflété dans le fait que, conformément au paragraphe 2 de l’article 4, il ne peut être dérogé à cette disposition, même en cas de danger public exceptionnel. Le Comité rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence que si le Pacte ne mentionne pas expressément le droit à l’objection de conscience, ce droit se déduit néanmoins de l’article 18 en ce que l’obligation d’utiliser la force meurtrière peut être gravement en conflit avec la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le droit à l’objection de conscience au service militaire est inhérent au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Il permet à toute personne d’être exemptée du service militaire obligatoire si celui-ci ne peut être concilié avec sa religion ou ses convictions. L’exercice de ce droit ne doit pas être entravé par des mesures coercitives. Un État peut néanmoins, s’il le souhaite, obliger l’objecteur de conscience à effectuer un service de remplacement dans un cadre civil, dans lequel l’intéressé ne serait pas soumis à l’autorité militaire. Le service de remplacement ne doit pas revêtir un caractère punitif et doit présenter un véritable intérêt pour la collectivité et être compatible avec le respect des droits de l’homme.

7.6Dans la présente affaire, le Comité estime que le refus de l’auteur d’effectuer le service militaire obligatoire découle de ses convictions religieuses et que la déclaration de culpabilité et la condamnation dont il a fait l’objet constituent une atteinte à sa liberté de pensée, de conscience et de religion, et donc du paragraphe 1 de l’article 18 du Pacte. Dans ce contexte, le Comité rappelle que réprimer le refus d’effectuer le service militaire obligatoire dans le cas de personnes dont la conscience ou la religion interdit l’usage des armes est incompatible avec cette disposition. Il rappelle aussi que lors de l’examen du rapport initial soumis par l’État partie en application de l’article 40 du Pacte, il s’était déjà dit préoccupé par le fait que la loi sur la conscription et le service militaire, telle que modifiée le 25 septembre 2010, ne reconnaît pas l’objection de conscience au service militaire et ne prévoit pas de service civil de remplacement, et avait notamment recommandé à l’État partie de faire le nécessaire pour réviser sa législation en vue d’instaurer un service civil de remplacement.

8.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que l’auteur tient des articles 7, 10 (par. 1) et 18 (par. 1) du Pacte.

9.Selon les dispositions du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. L’État partie est également tenu d’accorder pleine réparation aux victimes de violations des droits garantis par le Pacte, et donc d’effacer le casier judiciaire de l’auteur et d’accorder à celui-ci une indemnisation adéquate. Il a en outre l’obligation de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas, ce qui passe notamment par l’adoption de mesures législatives garantissant le droit à l’objection de conscience.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’il est établi qu’une violation a été commise, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques.

Appendice

Opinion conjointe (concordante) de Yuji Iwasawa, Anja Seibert-Fohr, Yuval Shany et Konstantine Vardzelashvili

Nous approuvons la conclusion du Comité selon laquelle l’État partie a violé les droits garantis à l’auteur par le paragraphe 1 de l’article 18 du Pacte, mais pour des raisons différentes de celles retenues par la majorité des membres. Nous maintiendrons les raisons qui sous-tendent notre position, même s’il se peut que nous ne jugions pas nécessaire de les répéter dans des communications ultérieures