Trente-neuvième session

23 juillet-10 août 2007

Constatations

Communication no5/2005

Présentée par :Le Centre viennois de lutte contre la violence dans la famille et l’Association pour l’accès des femmes à la justice, au nom de Hakan Goekce, Handan Goekce et Guelue Goekce (descendants de la victime défunte)

Au nom de :Şahide Goekce (décédée)

État partie :Autriche

Date de la communication :21 juillet 2004, informations supplémentaires datées du 22 novembre 2004 et du 10 décembre 2004 (communications initiales)

Le 6 août 2007, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a adopté le texte ci-après en tant que constatations relatives à la communication 5/2005 en application du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif. Le texte des constatations est annexé au présent document.

Annexe

Constatations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes au titre du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (trente-neuvième session)

* Ont participé à l ’ examen de la présente communication les membres du Comité ci-après : M me Ferdous Ara Begum, M me Magalys Arocha Dominguez, M me Meriem Belmihoub-Zerdani, M me Saisuree Chutikul, M me Mary Shanthi Dairiam, M. Cees Flinterman, M me Naela Mohame d Gabr, M me Françoise Gaspard, M me Violeta Neubauer, M me Pramila Patten, M me Silvia Pimentel, M me Fumiko Saiga, M me Heisoo Shin, M me Glenda P. Simms, M me Dubravka Simonovic, M me Anamah Tan, M me Maria Regina Tavares da Silva et M me Zou Xi a oqiao.

Communication no5/2005 *

Présentée par :Le Centre viennois de lutte contre la violence dans la famille et l’Association pour l’accès des femmes à la justice, au nom de Hakan Goekce, Handan Goekce et Guelue Goekce (descendants de la victime défunte)

Au nom de :Şahide Goekce (décédée)

État partie :Autriche

Date de la communication :21 juillet 2004, informations supplémentaires datées du 22 novembre 2004 et du 10 décembre 2004 (communications initiales)

Le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, créé en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le6 août 2007,

Ayant achevé l’examen de la communication no5/2005, présentée par le Centre viennois de lutte contre la violence dans la famille et l’Association pour l’accès des femmes à la justice au nom de Hakan Goekce, Handan Goekce et Guelue Goekce, descendants de Şahide Goekce (décédée) en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Ayant pris en considération toutes les informations que lui ont communiquées par écrit les auteurs de la communication et l’État partie,

Adopte le texte ci-après :

Constatations au titre du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif

Les auteurs de la communication datée du 21 juillet 2004 et des informations supplémentaires datées du 22 novembre et du 10 décembre 2004 sont le Centre viennois de lutte contre la violence dans la famille et l’Association pour l’accès des femmes à la justice, deux organisations sises à Vienne (Autriche), qui fournissent aide et protection aux femmes victimes d’actes de violence sexiste. Selon ces organisations, Şahide Goekce (décédée), Autrichienne d’origine turque, qui faisait partie des clientes du Centre viennois de lutte contre la violence dans la famille, est victime d’une violation par l’État partie des dispositions des articles 1er, 2, 3 et 5 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur en Autriche le 30 avril 1982 et le 22 décembre 2000, respectivement.

Rappel des faits présentés par les auteurs

La première agression violente commise contre Şahide Goekce par son époux, Mustafa Goekce, qui ait été portée à la connaissance des auteurs, a eu lieu vers 16 heures le 2 décembre 1999, dans l’appartement de la victime : Mustafa Goekce avait étranglé Şahide Goekce et menacé de la tuer. Şahide Goekce a passé la nuit chez une amie et, le lendemain, porté plainte auprès de la police avec l’aide du Bureau de protection de la jeunesse du XVe arrondissement de Vienne.

Le 3 décembre 1999, la police a établi contre Mustafa Goekce une ordonnance d’expulsion et d’interdiction de retour portant sur l’appartement des Goekce, en vertu de l’alinéa a) de l’article 38 de la loi sur le maintien de l’ordre (Sicherheitspolizeigesetz). Dans cette ordonnance, l’agent de police saisi de l’affaire a signalé la présence de deux ecchymoses rouge clair sous l’oreille droite de Şahide Goekce qui, selon elle, avaient été provoquées par la strangulation.

Selon le paragraphe 4 de l’article 107 du Code pénal (Strafgesetzbuch), il n’est pas possible d’engager des poursuites judiciaires contre une personne coupable de graves menaces sans l’autorisation du conjoint, des descendants directs, du frère, de la sœur ou du parent vivant sous le même toit qui ont été menacés. Şahide Goekce n’a pas autorisé les autorités autrichiennes à poursuivre Mustafa Goekce pour menaces de mort. De ce fait, Mustafa Goekce a uniquement été inculpé de coups et blessures. Il a été relaxé car les blessures occasionnées à Şahide Goekce étaient trop bénignes pour être considérées comme des coups et blessures.

Les auteurs ont eu connaissance de nouvelles violences survenues les 21 et 22 août 2000. Lorsque la police est arrivée dans l’appartement des Goekce le 22 août 2000, Mustafa Goekce pressait le visage de Şahide Goekce contre le sol en la tenant par les cheveux. Şahide Goekce a ultérieurement déclaré à la police que, la veille, Mustafa Goekce avait menacé de la tuer si elle le dénonçait à la police. Les services de police ont alors établi contre Mustafa Goekce une nouvelle ordonnance d’expulsion et d’interdiction de retour, pour une période de 10 jours, portant sur l’appartement des Goekce et les escaliers de l’immeuble. Ils ont informé le Procureur du fait que Mustafa Goekce avait commis des « violences aggravées » (compte tenu des menaces de mort) et ont demandé son placement en détention provisoire. Cette demande a été rejetée.

Le 17 décembre 2001, le 30 juin 2002, le 6 juillet 2002, le 25 août 2002 et le 16 septembre 2002, la police a reçu des appels lui demandant de se rendre à l’appartement des Goekce en raison de désordres et de disputes ou de voies de fait.

La police a établi une troisième ordonnance d’expulsion et d’interdiction de retour (valide 10 jours) contre Mustafa Goekce, à la suite d’un incident survenu le 8 octobre 2002, au cours duquel Şahide Goekce avait appelé la police et accusé Mustafa Goekce de l’avoir insultée, traînée par ses vêtements dans l’appartement, frappée au visage, étranglée puis de nouveau menacée de mort. Elle avait une ecchymose sur la joue et un hématome sur le côté droit du cou. Şahide Goekce a porté plainte contre son mari pour coups et blessures et menaces graves. La police a interrogé Mustafa Goekce et, une nouvelle fois, a demandé qu’il soit placé en détention provisoire, ce que le Procureur a de nouveau refusé de faire.

Le 23 octobre 2002, le tribunal de l’arrondissement de Hernals, à Vienne, a prononcé une injonction valable trois mois contre Mustafa Goekce qui interdisait à celui-ci de s’approcher de l’appartement familial et de ses environs immédiats et de contacter Şahide Goekce ou leurs enfants. L’exécution de cette ordonnance avec effet immédiat a été confiée à la police. Les enfants, deux filles et un garçon nés entre 1989 et 1996, sont tous trois mineurs.

Le 18 novembre 2002, le Bureau de protection de la jeunesse (qui demeurait en contact permanent avec la famille Goekce parce que des violences s’étaient déroulées devant les enfants) a informé la police que Mustafa Goekce n’avait pas respecté les dispositions de l’ordonnance et vivait dans l’appartement familial. Quand la police s’est rendue sur place, elle ne l’y a pas trouvé.

Les auteurs indiquent que la police savait par d’autres sources que Mustafa Goekce était dangereux et qu’il possédait une arme de poing. Fin novembre 2002, Remzi Birkent, le père de Şahide Goekce, a informé la police que Mustafa Goekce lui avait fréquemment téléphoné en menaçant de tuer Şahide ou un autre membre de la famille; l’agent de police qui a entendu M. Birkent n’a pas dressé de rapport. Le frère de Mustafa Goekce a également informé la police qu’il y avait des tensions entre Şahide Goekce et son mari, Mustafa Goekce, qui avait plusieurs fois menacé de la tuer. La police n’a pas pris sa déclaration au sérieux et ne l’a pas enregistrée. Elle n’a pas vérifié si Mustafa Goekce avait effectivement une arme de poing bien qu’il fût sous le coup d’une interdiction de port d’arme.

Le 5 décembre 2002, le Procureur de Vienne a mis fin aux poursuites engagées contre Mustafa Goekce pour coups et blessures et menaces de nature dangereuse et criminelle en faisant valoir l’insuffisance des motifs invoqués.

Le 7 décembre 2002, Mustafa Goekce a abattu Şahide Goekce avec une arme de poing dans leur appartement, devant leurs deux filles. Selon le rapport de police, aucun agent ne s’était rendu chez les Goekce avant le meurtre pour séparer les époux qui se disputaient.

Deux heures et demie après le crime, Mustafa Goekce s’est rendu à la police. Il purgerait actuellement une peine d’emprisonnement à perpétuité dans une institution pour délinquants souffrant de troubles mentaux.

Teneur de la plainte

Les auteurs de la plainte estiment que Şahide Goekce a été victime d’une violation, par l’État partie, des dispositions des articles 1er, 2, 3 et 5 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, celui-ci n’ayant pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger ses droits à la sécurité et à la vie. L’État partie n’a pas, comme il aurait dû, traité Mustafa Goekce comme un délinquant extrêmement violent et dangereux conformément au droit pénal. Les auteurs affirment que la loi fédérale pour la protection contre les violences dans la famille (Bundesgesetz zum Schutz vor Gewalt in der Familie) ne donne pas les moyens de protéger les femmes contre les personnes très violentes, en particulier en cas de violences graves et de menaces de mort répétées. Ils insistent sur la nécessité d’une détention préventive. Ils pensent également que si la communication entre la police et le parquet avait été plus efficace et plus rapide, le Procureur aurait été informé des violences et menaces de mort perpétrées et aurait peut-être considéré qu’il avait des motifs suffisants pour engager des poursuites contre Mustafa Goekce.

Les auteurs affirment en outre que l’État partie n’a pas non plus exécuté les obligations que mettaient à sa charge les recommandations générales nos 12, 19 et 21 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence contre les femmes, les observations finales faites par le Comité en juin 2000 concernant les troisième et quatrième rapports périodiques combinés et le cinquième rapport périodique de l’Autriche, la résolution de l’Organisation des Nations Unies (ONU) intitulée « Mesures en matière de prévention du crime et de justice pénale pour éliminer la violence contre les femmes », plusieurs dispositions du texte issu de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les articles 6 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, plusieurs des dispositions d’autres instruments internationaux et la Constitution autrichienne.

En ce qui concerne l’article premier de la Convention, les auteurs font valoir que les femmes souffrent beaucoup plus que les hommes du fait que les ministères publics ne prennent pas la violence familiale au sérieux, comme menaçant véritablement la vie de celles qui en sont victimes, et du fait que, par principe, ils ne demandent pas le placement en détention préventive des personnes accusées de s’y livrer. Les femmes subissent également de façon disproportionnée la pratique consistant à ne pas engager de poursuites contre les auteurs de violences familiales et à ne pas les punir comme ils devraient l’être. En outre, les femmes souffrent beaucoup plus que les hommes des conséquences du manque de coordination entre la police et la magistrature, du fait que ni les policiers ni les magistrats ne reçoivent de formation en matière de violence familiale, et du fait qu’il n’est pas recueilli de données ni établi de statistiques à jour sur ce phénomène.

En ce qui concerne l’article premier, les alinéas a), c), d) et f) de l’article 2 et l’article 3 de la Convention, les auteurs soutiennent que le fait de ne pas placer les coupables présumés de violences dans la famille en détention préventive, l’insuffisance des poursuites engagées et l’absence de coordination entre la police et les magistrats et le fait qu’il n’est pas recueilli de données ni établi de statistiques sur les incidences de la violence familiale aboutissent en pratique à une inégalité de traitement qui a privé Şahide Goekce de la jouissance de ses droits fondamentaux. Şahide Goekce a été exposée à de graves violences et voies de fait, à des pressions, à des menaces de mort, puis, Mustafa Goekce n’ayant pas été placé en détention provisoire, elle a été tuée.

En ce qui concerne l’article premier lu avec l’alinéa e) de l’article 2 de la Convention, les auteurs déclarent que la justice pénale autrichienne n’a pas agi avec la diligence voulue s’agissant d’enquêter sur les actes de violence et d’en poursuivre les auteurs ainsi que de protéger les droits fondamentaux de Şahide Goekce à la vie et à la sécurité.

En ce qui concerne l’article premier lu avec l’article 5 de la Convention, les auteurs estiment que le meurtre de Şahide Goekce est un exemple tragique du fait que la violence contre les femmes n’est pas prise au sérieux – ni par l’opinion publique, ni par les autorités autrichiennes. L’appareil de justice pénale, en particulier le ministère public et les juges, considèrent cette violence comme un problème de société ou domestique, une infraction mineure propre à certaines classes sociales. Ils n’appliquent pas le droit pénal à ces actes de violence car ils sous-estiment le danger qu’ils représentent et ne prennent pas au sérieux les craintes et préoccupations exprimées par les femmes.

Les auteurs demandent au Comité de déterminer dans quelle mesure les droits de l’homme de la victime et ceux qu’elle tenait de la Convention ont été violés et dans quelle mesure l’État partie a engagé sa responsabilité en ne plaçant pas ce suspect dangereux en détention. Les auteurs demandent également au Comité de recommander à l’État partie d’offrir une protection effective aux femmes victimes de violences, en particulier les migrantes, en donnant des instructions claires au ministère public et aux juges d’instruction sur les mesures à prendre lorsque des violences graves sont commises contre des femmes.

Les auteurs demandent également au Comité de recommander à l’État partie d’appliquer une politique favorable à l’arrestation et à la mise en détention, afin d’assurer effectivement la sécurité des femmes victimes de la violence familiale, et une politique favorable à l’exercice de poursuites pénales, afin de faire comprendre aux délinquants et au public que la société condamne la violence familiale, et d’assurer une bonne coordination entre les différentes autorités chargées de veiller au respect de la loi.

Les auteurs demandent également au Comité de recommander à l’État partie de veiller à ce que le système de justice pénale, à tous les niveaux (police, ministère public, juges), coopère systématiquement avec les organisations qui protègent et aident les femmes victimes de violences sexistes et oblige son personnel à suivre des programmes de formation et d’enseignement sur la violence familiale.

Pour ce qui est de la recevabilité de la communication, les auteurs soutiennent qu’il n’y avait pas d’autres recours internes susceptibles d’être invoqués pour protéger la sécurité de Şahide Goekce et empêcher son homicide. Aussi bien les ordonnances d’expulsion et d’interdiction de retour que l’interdiction de séjour ont été inefficaces. Toutes les démarches effectuées par la défunte pour tenter d’obtenir une protection (elle a appelé la police viennoise plusieurs fois lorsque Mustafa Goekce l’avait brutalisée et étranglée, elle a déposé trois plaintes officielles auprès de la police et elle a porté plainte contre Mustafa Goekce) ont été vaines, de même que les tentatives faites par d’autres personnes (les voisins ont appelé la police viennoise lorsque Mustafa Goekce avait brutalisé et étranglé Şahide Goekce, le père de la victime a signalé les menaces de mort et le frère de Mustafa Goekce a signalé que celui-ci possédait une arme de poing).

Dans leur communication du 10 décembre 2004, les auteurs indiquent que les héritiers n’ont pas engagé d’action civile sur le fondement de la loi sur la responsabilité administrative [de l’État]. Ils déclarent qu’une telle action ne saurait remédier au fait que Şahide Goekce n’a pas été protégée et que son homicide n’a pas été empêché. Intenter une procédure contre l’État pour omissions et négligence ne la ramènerait pas à la vie et viserait un but différent, à savoir indemniser les héritiers pour leur perte et autres préjudices. Ces deux approches, l’indemnisation d’une part et la protection de l’autre, sont à l’opposé l’une de l’autre. Elles diffèrent de par leurs bénéficiaires (les héritiers d’une part, la victime de l’autre), leurs objectifs (réparer un préjudice d’une part, sauver une vie de l’autre) et le moment où elles interviennent (après la mort de la victime d’une part, avant de l’autre). Si l’État partie protégeait efficacement les femmes, il ne serait pas nécessaire d’établir sa responsabilité. En outre, une action visant à obtenir des réparations est très onéreuse. Les auteurs déclarent que s’ils ont soumis la présente communication c’est pour demander à l’État partie de rendre compte de ses omissions et négligence et non pas pour obtenir des réparations à l’intention des héritiers. Enfin, pour reprendre les dispositions de l’article 4 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, il est improbable qu’une telle procédure contre l’État partie soit un moyen d’obtenir réparation.

Les auteurs indiquent également qu’ils n’ont soumis la présente communication à aucun autre organe de l’ONU ou mécanisme régional de règlement international ou d’enquête.

En ce qui concerne la qualité pour agir, les auteurs maintiennent qu’il est légitime et approprié qu’ils présentent cette plainte au nom de Şahide Goekce – qui, étant décédée, ne peut donner son consentement. Ils considèrent pouvoir la représenter de manière satisfaisante devant le Comité parce qu’elle était une de leurs clientes et qu’ils la connaissaient personnellement en leur qualité d’organisations spécialisées dans la protection des femmes victimes de la violence familiale et l’assistance à ces femmes. L’une des deux organisations est un centre de lutte contre la violence familiale qui aurait été créé en application du paragraphe 3 de l’article 25 de la loi fédérale sur le maintien de l’ordre. Les deux organisations demandent justice pour Şahide Goekce et, afin qu’elle ne soit pas morte en vain, cherchent à améliorer la protection des femmes contre la violence familiale en Autriche. Ceci dit, les auteurs ont obtenu l’accord écrit du Bureau de la jeunesse et des affaires familiales de la ville de Vienne, qui a la tutelle des trois enfants mineurs de Şahide Goekce.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

Dans une communication datée du 4 mai 2005, l’État partie décrit le déroulement des événements jusqu’au meurtre de Şahide Goekce. Mustafa Goekce n’a pas fait l’objet de poursuites pour avoir menacé Şahide Goekce de mort le 2 décembre 1999 parce que cette dernière n’a pas autorisé les autorités à en engager. Les autorités ont engagé des poursuites contre lui pour coups et blessures volontaires. Selon les procès-verbaux d’audience, Şahide Goekce n’a pas voulu témoigner contre Mustafa Goekce et a expressément demandé au tribunal de ne pas punir son mari, qui a été relaxé faute de preuves.

Le 23 août 2000, la police a pris un arrêté d’expulsion et interdiction de séjour (Betretungsverbot) contre Mustafa Goekce. La police a indiqué par téléphone au Procureur qu’un incident était survenu : l’intéressé avait commis des violences aggravées et proféré de graves menaces la veille.

Le 18 septembre 2000, le Procureur a reçu une plainte écrite (Anzeige) concernant l’incident du 22 août 2000. Interrogée, Şahide Goekce a déclaré qu’elle avait été victime d’une crise d’épilepsie et d’accès de dépression et a nié que Mustafa Goekce ait menacé de la tuer. Le Procureur a en conséquence mis fin aux poursuites engagées contre Mustafa Goekce pour violences aggravées et menaces.

Le 13 janvier 2001, le tribunal compétent en matière de garde des enfants a réduit le rôle de Mustafa et de Şahide Goekce dans l’entretien et l’éducation de leurs enfants et leur a ordonné de se conformer aux mesures arrêtées en coopération avec le Bureau de protection de la jeunesse. Dans sa décision, le tribunal notait que Mustafa Goekce et Şahide Goekce essayaient toujours de donner l’impression de mener une vie bien ordonnée. Interrogés au sujet de l’accusation de s’être livré à des violences corporelles et d’avoir proféré des menaces formulée contre Mustafa Goekce, aussi bien celui-ci que Şahide Goekce ont tenu à souligner qu’ils s’étaient pleinement réconciliés peu après chaque incident.

Mustafa Goekce et Şahide Goekce ont accepté de suivre une thérapie ensemble et de demeurer en contact avec le Bureau de protection de la jeunesse. Jusqu’à l’été 2002, ils ont suivi une thérapie. L’administration municipale leur a aussi offert un nouvel appartement, plus spacieux, afin de répondre à leurs besoins pressants en matière de logement. Malgré cela, la police est intervenue à de nombreuses reprises dans les altercations du couple, à savoir le 17 décembre 2001, le 30 juin 2002, le 6 juillet 2002, le 25 août 2002 et le 16 septembre 2002.

Le 23 octobre 2002, le tribunal d’arrondissement d’Hernals a, en application de l’article 382 b) de la loi sur l’exécution des jugements (Exekutionsordnung), prononcé contre Mustafa Goekce une injonction lui interdisant d’approcher l’appartement conjugal et son voisinage immédiat et d’entrer en contact avec les enfants et Şahide Goekce. Cette dernière a témoigné devant le juge en présence de Mustafa Goekce (bien qu’ayant été informée de ses droits) qu’elle ferait tout son possible pour que la famille ne soit pas séparée, que Mustafa Goekce avait une très bonne relation avec les enfants et qu’il l’aidait dans la tenue du foyer parce qu’elle était épileptique.

Un rapport de police du 18 novembre 2002 indiquait que le Bureau de protection de la jeunesse avait demandé à la police de se rendre à l’appartement des Goekce parce que Mustafa Goekce avait contrevenu à l’injonction et se trouvait dans l’appartement. Il ne s’y trouvait plus lorsque la police est arrivée. Şahide Goekce semblait furieuse que la police soit venue et a demandé aux policiers pourquoi ils venaient presque chaque jour alors qu’elle avait expressément déclaré qu’elle souhaitait vivre avec son mari.

Le 6 décembre 2002, le Bureau du Procureur de Vienne a mis fin aux poursuites pour menaces graves engagées en raison d’un incident survenu le 8 octobre 2002, Şahide Goekce ayant déclaré par écrit à la police qu’elle s’était blessée avec un morceau de métal. Elle déclarait aussi que, pendant un certain nombre d’années, son mari avait, à de nombreuses reprises, menacé de la tuer. Le Procureur a donc considéré que ces menaces étaient habituelles lorsque le couple se disputait et qu’elles ne seraient pas suivies d’effet. Şahide Goekce a, à de nombreuses reprises, essayé de minimiser les incidents pour éviter que des poursuites ne soient engagées contre son mari. Ce faisant, et en refusant de témoigner lors de l’instance pénale, elle a contribué à empêcher que son mari puisse être reconnu coupable d’une infraction.

Le 7 décembre 2002, Mustafa Goekce est arrivé à l’appartement au petit matin et a ouvert la porte avec une clef que lui avait remise Şahide Goekce la semaine précédente. Il a quitté l’appartement à 8 h 30 pour ne revenir qu’à midi. Şahide Goekce lui a crié qu’il n’était pas le père de tous ses enfants et Mustafa lui a tiré dessus et l’a tuée avec un pistolet qu’il avait acheté trois semaines auparavant, alors qu’il était sous le coup d’une interdiction de port d’arme.

Lors du procès de Mustafa Goekce, un expert a déclaré qu’il avait commis ce meurtre sous l’influence d’une psychose de jalousie paranoïaque qui l’exonérait de toute responsabilité pénale. Le Bureau du Procureur de Vienne a donc demandé qu’il soit placé dans un établissement pour malades mentaux criminels. Le 23 octobre 2003, le tribunal régional de Vienne a ordonné son placement dans un tel établissement.

En ce qui concerne la recevabilité, l’État partie conteste que les recours internes aient été épuisés. Premièrement, Şahide Goekce n’a pas donné aux autorités compétentes son autorisation d’engager des poursuites contre Mustafa Goekce pour menaces graves. Elle n’a pas non plus voulu témoigner contre lui. Elle a demandé au tribunal de ne pas punir son mari et, après avoir porté plainte, a, à chaque fois, fait de gros efforts pour minimiser les incidents et nié leur caractère d’infractions.

L’État partie fait en outre valoir que la loi fédérale pour la protection contre les violences dans la famille est très efficace pour lutter contre les violences domestiques et définit un cadre permettant à diverses institutions de coopérer effectivement. Des détails sont fournis au sujet des divers aspects du système, y compris le rôle des centres d’intervention. Outre des mesures pénales, des mesures de police et de droit civil peuvent être prises pour protéger les femmes contre les violences domestiques. Ce système est complété par des refuges pour les femmes battues. Il est possible de régler les différends moins graves dans le cadre de la loi sur le maintien de l’ordre (Sicherheitspolizeigesetz).

Şahide Goekce n’a jamais invoqué l’article 382 b) de la loi sur l’exécution des jugements pour demander qu’une injonction soit rendue contre Mustafa Goekce. Elle a, au contraire, indiqué clairement qu’elle ne souhaitait pas que l’on intervienne davantage dans sa vie familiale. Elle n’a jamais clairement décidé de se libérer et de libérer ses enfants de leurs relations avec son mari (par exemple, elle lui a donné les clefs de l’appartement, alors qu’il était sous le coup d’une interdiction de séjour). En l’absence d’une telle décision de MmeGoekce, la liberté de manœuvre des autorités s’agissant de la protéger était limitée. En l’absence de coopération, les mesures prises pour la protéger ne pouvaient qu’échouer.

Dans le contexte, l’incident du 8 octobre 2002 ne justifiait pas le recours à la détention. Mustafa Goekce n’avait pas de casier judiciaire et le Procureur ne savait pas, à l’époque, qu’il avait une arme. Le Procureur estimait que les faits connus n’indiquaient pas l’existence d’un risque éminent que Mustafa Goekce commette un homicide; la détention ne pouvait se justifier qu’ultima ratio. Étant donné la colère que l’intervention de la police le 18 novembre 2002 semble avoir provoquée chez Şahide Goekce (voir par. 4.7 ci-dessus), le Procureur ne pouvait considérer qu’engager des poursuites aboutirait à une condamnation et à une peine de prison. Le tribunal doit tenir compte du principe de proportionnalité lorsqu’il place quelqu’un en détention et doit, de toute façon, interrompre la détention si sa durée devient disproportionnée par rapport à la condamnation attendue.

En outre, Şahide Goekce aurait été libre de s’adresser à la Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof) et, par une plainte déposée conformément au paragraphe 1 de l’article 140 de la Constitution fédérale (Bundes-Verfassungsgesetz), d’attaquer la disposition ne l’autorisant pas à faire appel des décisions du Procureur de ne pas délivrer de mandat d’arrêt contre Mustafa Goekce. En supposant qu’il « puisse » démontrer un intérêt actuel et direct dans 1’effet préventif de l’abrogation de la disposition pertinente au bénéfice des victimes de violences domestiques comme Şahide Goekce, peut-être est-il encore possible pour les héritiers survivants de saisir la Cour constitutionnelle de cette question.

L’État partie fait également valoir que des cours spéciaux de formation sont organisés régulièrement à 1’intention des juges et des policiers sur les violences domestiques. La coopération entre les juges et la police est constamment examinée afin d’assurer une intervention plus rapide des organes de 1’État, le but étant d’empêcher autant que possible les tragédies comme celle de Şahide Goekce sans intervenir indument dans la vie familiale d’une personne ni porter atteinte à ses autres droits fondamentaux.

Commentaires des auteurs concernant les observationsde l’État partie sur la recevabilité

Dans leur communication du 31 juillet 2005, les auteurs affirment que la victime et eux-mêmes ont épuisé tous les recours internes qui auraient été susceptibles de remédier à la situation. Ils affirment qu’il n’y a aucune obligation juridique de demander des mesures civiles, par exemple une ordonnance d’interdiction temporaire.

Les auteurs estiment également que l’idée d’exiger d’une femme menacée de mort qu’elle introduise une requête devant la Cour constitutionnelle n’est pas un argument avancé de bonne foi par l’État partie. Cette procédure dure environ deux ou trois ans et ne risque guère, pour cette raison, de remédier à la situation dans laquelle se trouve une femme menacée de mort.

Les auteurs considèrent que l’État partie a illicitement fait supporter la charge et la responsabilité de prendre des mesures contre un mari violent à la victime et n’a pas compris le danger dans lequel cette dernière se trouvait et le pouvoir qu’exerçait son mari sur elle. Les auteurs estiment donc que le paragraphe 4 de l’article 107 du Code pénal relatif à l’autorisation d’engager des poursuites contre des personnes qui profèrent des menaces criminelles dangereuses devrait être abrogé afin que la responsabilité en question soit attribuée à l’État, comme elle devrait l’être, et ce, d’autant plus que formuler une menace criminelle est une infraction contre la communauté tout autant que contre la personne à qui s’adresse la menace.

Les auteurs expliquent que Şahide Goekce avait peur de quitter son mari violent. Les victimes ont tendance à éviter de faire des choses qui sont susceptibles d’accroître le danger auquel elles sont confrontées (le « syndrome de Stockholm ») et se sentent souvent obligées d’agir dans l’intérêt de l’auteur des menaces. On ne saurait reprocher à la victime de ne pas avoir pu se séparer de son mari pour des raisons aussi bien psychologiques qu’économiques et sociales.

Les auteurs contestent également la description que fait 1’État partie de certains faits; Mustafa Goekce (et non Şahide Goekce) a déclaré qu’elle avait eu une crise d’épilepsie et souffrait de dépression. Elle n’a pas, comme l’affirme 1’État partie, nié que son mari ait proféré des menaces. Elle n’a refusé de témoigner contre lui qu’une seule fois. Si Şahide Goekce a minimisé les incidents devant les fonctionnaires du Bureau de protection de la jeunesse, c’est parce qu’elle avait peur de perdre ses enfants. Les auteurs font également observer que Mustafa Goekce a arrêté sa thérapie et qu’il aurait été facile pour la police de découvrir qu’il détenait une arme. Ils font aussi valoir que Şahide Goekce a appelé la police la nuit qui a précédé son meurtre – un fait qui démontre combien elle était effrayée et qu’elle était prête à prendre des mesures pour empêcher son mari de venir à l’appartement.

Quant aux observations de l’État partie au sujet de l’efficacité de la coopération entre les divers services, la police et le Procureur n’ont pris contact avec le Centre viennois de lutte contre la violence dans la famille qu’après la mort de Şahide Goekce.

Observations additionnelles de l’État partie sur la recevabilité

Dans sa communication du 21 octobre 2005, l’État partie rejette vigoureusement les arguments avancés par les auteurs et maintient ses observations antérieures. I1 souligne que les auteurs se réfèrent non seulement aux prétendues carences du Procureur et du juge d’instruction compétent, mais aussi à la législation elle-même. Leurs critiques concernent le cadre juridique, 1’application des dispositions juridiques qui protègent le droit à la vie, l’intégrité physique et le droit au respect de la vie privée et familiale, et le fait que les mesures de protection ne sont pas suffisantes, d’une manière générale et abstraite.

En vertu du paragraphe 1 de l’article 140 de la Constitution fédérale, toute personne peut attaquer des dispositions légales pour inconstitutionnalité si elle allègue une atteinte directe à des droits individuels dans la mesure où la loi a eu un effet sur l’individu concerné en 1’absence de jugement ou de décision judiciaire. II n’y a aucun délai pour introduire de telles actions.

L’objet de la procédure serait de remédier à une violation de la loi. La Cour constitutionnelle ne considère la demande comme légitime que si, par l’abrogation de la disposition en cause, la situation juridique du demandeur serait modifiée dans une telle mesure que les conséquences juridiques négatives alléguées n’existeraient plus. De plus, les intérêts juridiquement protégés du demandeur doivent être effectivement affectés. Ils doivent 1’être aussi bien au moment de l’introduction de la demande que lorsque la Cour constitutionnelle statue. Les personnes à la demande desquelles il est fait droit peuvent prétendre à une indemnisation.

L’article 15 de la loi sur la Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshofgesetz) énonce les conditions générales de forme qui doivent être respectées lorsque l’on saisit la Cour constitutionnelle. Ces conditions sont les suivantes : la requête doit être écrite, elle doit viser une disposition précise de la Constitution, le demandeur doit exposer les faits et la requête doit contenir une demande spécifique. En vertu du paragraphe 1 de l’article 62 de la loi, la requête doit indiquer précisément quelles dispositions doivent être abrogées. De plus, elle doit expliquer en détail pourquoi les dispositions contestées sont illégales et dans quelle mesure la loi a eu des effets pour le requérant sans qu’un jugement ou une décision judiciaire ait été rendu. En vertu du paragraphe 2 de l’article 17 de la loi, les requêtes doivent être introduites par un avocat agréé.

Si la Cour constitutionnelle fait droit à la requête, elle rend une décision annulant les dispositions en cause. Le Chancelier fédéral est alors tenu de promulguer l’abrogation de ces dispositions au Journal official fédéral, et cette abrogation prend effet à la fin de la journée lors de laquelle elle a été promulguée. La Cour constitutionnelle peut aussi fixer un délai maximum de 18 mois pour l’abrogation – qui ne s’applique pas nécessairement aux requérants eux-mêmes. Un délai est fixé s’il faut donner au Parlement la possibilité d’introduire un nouveau système compatible avec le cadre constitutionnel. Compte tenu de sa jurisprudence, on peut supposer que la Cour constitutionnelle utiliserait cette faculté si elle décidait qu’une disposition doit être abrogée.

La procédure prévue au paragraphe 1 de l’article 140 de la Constitution fédérale peut effectivement prendre deux ou trois ans, comme l’ont déclaré les auteurs. Toutefois, elle peut être plus courte si les requérants expliquent à la Cour constitutionnelle qu’il y a urgence. La saisine de la Cour ne permet pas d’obtenir rapidement une mesure corrective. Toutefois, le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif relatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes impose l’épuisement de tous les recours internes, à moins que la procédure de recours n’excède des délais raisonnables ou qu’il soit improbable que le requérant obtienne réparation par ce moyen.

L’obligation d’épuiser les recours internes reflète un principe général du droit international et est un élément habituel des mécanismes internationaux en matière de droits de l’homme. Elle donne à l’État concerné la possibilité de remédier aux violations des droits de l’homme d’abord au niveau interne.

L’État partie fait valoir que Şahide Goekce ou ses parents qui lui survivent auraient dû se prévaloir de la possibilité d’introduire une requête individuelle devant la Cour constitutionnelle avant d’adresser une communication au Comité, comme 1’exige le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif. La procédure devant la Cour constitutionnelle n’est pas déraisonnablement longue. De plus, on ne saurait dire, eu égard à la jurisprudence de la Cour, que les parents survivants ne seraient pas habilités à introduire une requête individuelle parce que, à la connaissance de 1’État partie, aucune affaire similaire n’a été portée devant la Cour.

L’État partie soutient de plus que le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif ne vise pas seulement les recours qui sont de toute façon couronnés de succès. S’il y est fait droit, la requête peut entraîner l’abrogation des dispositions de procédure contestées ou l’introduction par le Parlement, dans le domaine de la violence conjugale, d’un nouveau système conforme aux intentions des auteurs. Il est vrai que, actuellement, après la mort de Şahide Goekce, il ne peut y avoir de recours efficace s’agissant de protéger effectivement la sécurité personnelle et la vie de l’intéressée. Toutefois, dans le cadre de la présente procédure, le Comité devrait examiner, au stade de la recevabilité, si Şahide Goekce avait la possibilité en droit interne de soumettre les dispositions juridiques qui l’empêchaient de faire valoir ses droits à un examen constitutionnel et si ses parents survivants ont la possibilité de recourir au plan interne au même mécanisme pour faire abroger les dispositions juridiques qui les préoccupent afin de réaliser leurs objectifs.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

À sa trente-quatrième session, tenue du 10 janvier au 3 février 2006, le Comité a examiné la recevabilité de la communication conformément aux articles 64 et 66 de son règlement intérieur. Il a vérifié que l’affaire n’avait pas déjà été ou n’était pas examinée dans le cadre d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement.

En ce qui concerne le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif de la Convention sur l’ élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (la règle de l’épuisement des recours internes), le Comité a noté que les auteurs doivent utiliser les recours qui leur sont ouverts en droit interne qui leur permettent d’obtenir réparation pour les violations alléguées. Avant de saisir le Comité, ils doivent porter leurs griefs devant un organe interne compétent. À défaut, la disposition susvisée n’atteindrait pas son but. La règle de l’épuisement des recours internes a été conçue pour donner aux États la possibilité de remédier à une violation de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention dans le cadre de leur système de justice interne avant que le Comité n’examine les mêmes questions. Le Comité des droits de l’homme a récemment rappelé la raison d’être de sa règle correspondante dans l’affaire dont l’a saisi Panayote Celal au nom de son fils (Angelo Celal c. Grèce (1235/2003), par. 6.3) :

« Le Comité rappelle que la disposition énoncée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif vise à offrir à l’État partie lui-même la possibilité de réparer la violation... »

Le Comité a noté que, s’agissant des communications dénonçant des actes de violence domestique, les réparations qui viennent à l’esprit aux fins de la recevabilité concernent l’obligation de l’État partie d’exercer la diligence voulue en matière de protection, d’enquêter sur l’infraction, de punir son auteur et d’offrir une indemnisation comme indiqué dans la recommandation générale 19 du Comité.

Le Comité a considéré que les allégations concernant l’obligation de l’État partie de protéger Şahide Goekce avec la diligence voulue étaient au cœur de la communication et étaient très importantes pour les héritiers. Ainsi, la question de savoir si les recours internes avaient été épuisés conformément au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif devait être examinée en relation avec ces allégations. Celles-ci concernaient essentiellement des carences dans la loi ainsi que des fautes ou une négligence qui seraient imputables aux autorités dans l’application des mesures prévues par la loi. En ce qui concerne les carences dans la législation, les auteurs affirmaient que, selon le Code pénal, Şahide Goekce ne pouvait pas faire appel des décisions du Procureur de ne pas placer son mari en détention pour avoir proféré une menace criminelle contre elle. L’État partie faisait valoir qu’une procédure, dont l’objet serait de réparer une violation alléguée en droit, était prévue au paragraphe 1 de l’article 140 de la Constitution fédérale et que la défunte aurait pu l’engager comme ses descendants pouvaient toujours le faire. L’État partie soutenait que parce que la défunte et ses descendants n’avaient pas utilisé cette procédure, la communication n’était pas recevable.

Le Comité a noté que la procédure prévue au paragraphe 1 de l’article 140 de la Constitution fédérale ne pouvait être considérée comme un recours susceptible de permettre à une femme dont la vie est gravement menacée d’obtenir réparation. Le Comité ne considérait pas non plus ce recours interne comme permettant aux descendants de la défunte d’obtenir réparation compte tenu du caractère abstrait de ce recours constitutionnel. C’est pourquoi le Comité a conclu qu’aux fins de la recevabilité en ce qui concerne les allégations des auteurs quant au dispositif juridique prévu pour la protection des femmes en situation de violence conjugale comme l’était la défunte, il n’y avait pas de recours par lesquels une réparation était susceptible d’être obtenue, et que la communication était donc à cet égard recevable. En l’absence d’informations sur d’autres recours effectifs que Şahide Goekce ou ses héritiers auraient pu exercer ou pourraient encore exercer, le Comité a conclu que les allégations des auteurs relatives aux actions ou omissions d’agents de l’État étaient recevables.

Le 27 janvier 2006, le Comité a déclaré la communication recevable.

Demande de l’État partie tendant à ce que la décision sur la recevabilité soit réexaminée et observations sur le fond

Dans une communication datée du 12 juin 2006, l’État partie demande au Comité de réexaminer sa décision sur la recevabilité. Il fait de nouveau valoir que les descendants de Şahide Goekce devraient se prévaloir du paragraphe 1 de l’article 140 de la Constitution fédérale pour obtenir une modification de la disposition juridique qui a empêché Şahide Goekce de faire appel des décisions du Procureur de ne pas placer Mustafa Goekce en détention. Il soutient qu’un tel recours est fort efficace s’agissant de poursuivre l’objectif de la communication au plan interne.

L’État partie soutient aussi que, après que le Procureur eut abandonné les poursuites contre Mustafa Goekce, Şahide Goekce aurait pu intenter une action contre son mari en tant que partie « associée à l’action pénale » (Subsidiaranklage). Le système juridique autrichien permet à une personne ayant subi un préjudice d’intenter une action à la place du Procureur si ce dernier abandonne les poursuites et classe l’affaire. Le Procureur est tenu d’informer la personne lésée de cette possibilité.

L’État partie revient sur le déroulement des événements ayant abouti au meurtre de Şahide Goekce. Il indique qu’un rapport très complet sur le cas de Mustafa Goekce, établi par le Bureau du Procureur général de Vienne, confirme que Şahide Goekce n’a pas autorisé l’engagement de poursuites contre son mari pour menaces graves à son encontre le 2 décembre 1999 et que les poursuites ont de ce fait été abandonnées. En ce qui concerne l’engagement de poursuites d’office contre Mustafa Goekce pour coups et blessures en relation avec le même incident, Şahide Goekce a confirmé devant le tribunal de district de Fünfhaus ce que son mari avait déclaré, à savoir qu’elle était épileptique et avait eu un accès de dépression et que c’est en la retenant que son mari avait laissé des marques sur son cou. Mustafa Goekce a été relaxé du chef de coups et blessures en l’absence d’autres preuves à charge.

L’État partie donne davantage de renseignements sur l’incident qui s’est produit le 21 août 2000 : le dossier montre que Şahide Goekce n’a pas été blessée et que Mustafa Goekce ne l’a pas frappée; elle a été informée des moyens de protection que prévoyait la loi fédérale pour la protection contre les violences dans la famille, et une brochure d’information à l’intention des victimes de violence lui a été remise; le Centre d’intervention de Vienne et le Bureau de protection de la jeunesse ont aussi été informés d’office de l’incident; et le 24 août 2000, Mustafa Goekce s’est rendu au poste de police de Schmelz avec le fils du couple, Hakan Goekce, qui a déclaré que sa mère avait commencé à se quereller avec son père et avait agressé ce dernier.

L’État partie affirme que le 1er septembre 2000, Şahide Goekce (qui, selon le dossier, a été entendue en l’absence de son mari) a déclaré que son mari n’avait jamais menacé de la tuer. Elle avait été victime d’une crise d’épilepsie et peut-être avait-elle dans sa confusion porté des accusations contre son mari; pendant ses crises, elle déclarait des choses bizarres, dont elle ne se souvenait pas une fois la crise passée. Le 20 septembre 2000, le Procureur a abandonné les poursuites contre Mustafa Goekce.

L’État partie fait valoir que le Procureur a engagé des poursuites contre Mustafa Goekce pour coups et blessures et menace de mort contre Şahide Goekce immédiatement après l’incident du 8 octobre 2002. Il n’a toutefois pas demandé que Mustafa Goekce soit arrêté. Şahide Goekce a signalé à la police en l’absence de son mari que celui-ci l’avait étranglée et avait menacé de la tuer. Elle a de nouveau été informée en détail de la possibilité de demander qu’une injonction soit rendue contre son mari en vertu de l’article 382 b) de la loi sur l’exécution des jugements et une fiche d’information destinée aux victimes de violences lui a été remise. Mustafa Goekce a totalement nié les accusations portées contre lui. Certains éléments de preuve attestaient que Mustafa Goekce avait été légèrement blessé durant la querelle du 8 octobre 2002.

L’État partie fait valoir que Şahide Goekce a eu la possibilité de témoigner en l’absence de son mari lors de l’audience tenue par le tribunal d’arrondissement de Hernals sur la demande d’injonction préventive. Lors de cette audience, Şahide Goekce a déclaré qu’elle ne ménagerait aucun effort pour que sa famille reste unie. Elle a aussi déclaré que son mari avait de très bonnes relations avec leurs enfants et qu’il l’aidait dans la tenue du ménage. Selon un rapport de police (Kriminalkommissariat West), Mustafa Goekce a, par la suite et à plusieurs reprises, violé l’ordonnance d’interdiction de séjour et la police a réagi en se rendant plusieurs fois au domicile des Goekce, ce qui a indisposé Şahide Goekce.

L’État partie déclare que le Procureur a abandonné les poursuites contre Mustafa Goekce le 6 décembre 2002 parce qu’il ne pouvait prouver avec suffisamment de certitude que l’intéressé était coupable d’avoir proféré contre son épouse des menaces graves pénalement réprimées et allant au-delà des déclarations brutales qu’expliquaient ses antécédents. En ce qui concerne les preuves matérielles, l’État partie soutient qu’on ne pouvait déterminer lequel des époux avait commencé à agresser l’autre. Il fait aussi valoir qu’il a été mis fin aux poursuites pour coups et blessures intentées contre Mustafa Goekce parce qu’il n’avait pas de casier judiciaire et qu’on ne pouvait exclure que c’était Şahide Goekce qui avait agressé son mari.

Par un jugement du 17 octobre 2003, la Cour pénale de Vienne a ordonné que Mustafa Goekce soit placé dans un établissement pour délinquants souffrant de troubles mentaux pour avoir tué Şahide Goekce. Selon l’avis des experts entendus par la Cour, Mustafa Goekce a commis son crime sous l’influence d’une jalousie psychotique qui l’exonérait de sa responsabilité pénale.

L’État partie note qu’il est difficile de faire un pronostique fiable sur la dangerosité d’un délinquant et qu’il est nécessaire de déterminer si la détention ne risque pas de porter atteinte de manière disproportionnée aux droits de l’homme et libertés fondamentales de l’intéressé. La loi fédérale pour la protection contre les violences dans la famille vise à fournir un instrument très efficace mais proportionné de lutte contre la violence dans la famille en associant des mesures de droit pénal et de droit civil, des interventions policières et des mesures de soutien. Une coopération étroite est requise entre les tribunaux pénaux et civils, les services de police, les services de protection de la jeunesse et les services de protection des victimes, en particulier les centres d’intervention pour la protection contre la violence dans la famille, ainsi qu’un échange rapide d’informations entre les autorités et institutions concernées.

L’État partie fait observer que la police, outre qu’elle s’efforce de régler les litiges, prend des ordonnances d’expulsion et d’interdiction de retour, des mesures moins sévères que la détention. Le paragraphe 7 de l’article 38 a) de la loi sur le maintien de l’ordre exige de la police qu’elle vérifie au moins une fois durant les trois premiers jours que les ordonnances d’expulsion et d’interdiction de retour sont respectées. Selon les instructions données par la Direction de la police fédérale à Vienne, il est souhaitable que la police procède à cette vérification en contactant personnellement chez elle la personne exposée au risque, sans préavis, à une heure où il est probable qu’elle sera chez elle. Les postes de police viennois doivent établir une fiche des cas de violence domestique afin d’avoir rapidement accès à des informations fiables.

L’État partie indique que sa législation fait l’objet d’évaluations régulières tout comme le registre électronique des instances judiciaires. Une prise de conscience accrue a amené une importante réforme législative et un renforcement de la protection des victimes de violences au sein de la famille; c’est ainsi qu’a été supprimé le paragraphe 4 de l’article 107 du Code pénal, qui exigeait l’autorisation du membre de la famille menacé pour l’engagement de poursuites contre l’auteur de menaces graves de caractère pénal.

L’État partie affirme que la question de la violence domestique et les stratégies efficaces pour lutter contre celle-ci ont régulièrement été examinées lors de réunions entre les chefs des parquets et des représentants du Ministère fédéral de l’intérieur, notamment en relation avec la présente affaire. Il affirme également que des efforts considérables sont faits pour améliorer la coopération entre les parquets et les centres d’intervention contre la violence dans la famille. L’État partie évoque aussi les efforts déployés par le Ministère fédéral de l’intérieur et les organes qu’il chapeaute dans le domaine des statistiques.

L’État partie indique que la loi fédérale pour la protection contre la violence dans la famille et son application en pratique sont des éléments clefs de la formation des juges et des procureurs. Il donne des exemples de séminaires et autres activités organisées localement sur la protection des victimes. Les futurs juges reçoivent chaque année des informations sur « la violence dans la famille », « la protection des victimes » et « le droit et la famille ». Les programmes de formation couvrent les aspects fondamentaux du phénomène de la violence contre les femmes et les enfants, notamment ses formes, les traumatismes et conséquences post-traumatiques qui en résultent, la dynamique des relations de violence, la psychologie des délinquants, l’évaluation des facteurs de dangerosité, les institutions d’appui, les lois et règlements et les registres électroniques. Une formation interdisciplinaire complète a également été dispensée.

L’État partie reconnaît qu’il faut que les personnes affectées par la violence domestique soient informées des voies juridiques et services de conseils qui s’offrent à elles. Il indique qu’au niveau des tribunaux d’arrondissement, les magistrats donnent sans frais une fois par semaine des informations sur les instruments de protection juridique existants à quiconque s’y intéresse. Des conseils psychologiques sont aussi fournis, notamment au Tribunal d’arrondissement d’Hernals. L’État partie indique aussi que des informations (affiches et dépliants en arabe, allemand, anglais, français, polonais, russe, serbo-croate, espagnol et hongrois) sont proposées dans les tribunaux d’arrondissement. Une permanence téléphonique gratuite accessible 24 heures sur 24 a été installée, qui permet aux victimes de bénéficier de conseils juridiques d’avocats. L’État partie indique de plus que des foyers pour femmes font office de refuges où les femmes victimes de violences bénéficient de conseils, de soins et d’une assistance dans leurs contacts avec les autorités. Lorsque, dans une affaire de violence domestique, une ordonnance d’expulsion et d’interdiction de retour a été rendue, la police doit informer les personnes exposées à un risque de la possibilité d’obtenir une injonction provisoire en application de l’article 382 a) de la loi sur l’exécution des jugements. À Vienne, une fiche d’information (disponible en anglais, français, serbe, espagnol et turc) est remise aux personnes concernées.

L’État partie indique que les auteurs de la communication dans la présente affaire donnent des explications abstraites sur le point de savoir pourquoi la loi fédérale pour la protection contre les violences dans la famille ainsi que la pratique autrichienne en matière de détention dans les affaires de violence domestique et d’exercice de l’action pénale contre les auteurs d’infractions violeraient les articles 1er, 2, 3 et 5 de la Convention. Pour l’État partie, il est évident que son système juridique prévoit des mesures exhaustives pour lutter contre la violence domestique adéquatement et efficacement. L’État partie soutient que Şahide Goekce a bénéficié de nombreuses formes d’assistance des autorités dans la présente affaire.

L’État partie fait en outre valoir que la détention est ordonnée lorsqu’il y a suffisamment de raisons de craindre qu’un suspect mettrait sa menace à exécution s’il n’était pas placé en détention. Il affirme qu’on ne peut exclure une erreur dans l’appréciation de la dangerosité d’un délinquant dans une affaire donnée. Il ajoute que, bien que la présente affaire soit extrêmement tragique, on ne doit pas méconnaître la nécessité de mettre la détention en balance avec le droit de l’accusé à la liberté de sa personne et à un procès équitable. Il invoque la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle on ne doit priver une personne de sa liberté qu’en dernier recours, la détention ne devant être imposée que si et dans la mesure où elle n’est pas disproportionnée. L’État partie fait aussi valoir que, si l’on voulait éliminer tous les risques, il faudrait ordonner la mise en détention dans toutes les affaires de violence domestique à titre préventif. Ceci inverserait la charge de la preuve et serait totalement contraire aux principes de la présomption d’innocence et du droit à un procès équitable. Protéger les femmes au moyen d’une discrimination positive, par exemple en arrêtant, en plaçant en détention, en jugeant à l’avance et en punissant automatiquement les hommes dès qu’il y a suspicion de violence dans la famille serait inacceptable et contraire à l’état de droit et aux droits fondamentaux.

L’État partie soutient que l’auteur aurait pu à tout moment déposer une plainte contre le Procureur en application de l’article 37 de la loi sur le ministère public. De plus, Şahide Goekce ne s’est prévalue d’aucun des divers recours s’offrant à elle pour obtenir réparation. C’est parce qu’elle n’a pas autorisé que des poursuites soient engagées contre Mustafa Goekce en décembre 1999 du chef de menaces graves et parce qu’elle a, en grande partie, refusé de témoigner et a demandé au Tribunal de ne pas punir son mari que ce dernier a été relaxé. Şahide Goekce a déclaré que, lorsqu’elle avait formulé ses allégations au sujet de l’incident d’août 2000, elle était dans un état de confusion découlant de sa dépression, et là encore, le Procureur a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour poursuivre Mustafa Goekce. L’État partie affirme en outre que les faits dont il avait connaissance au sujet de l’incident du 8 octobre 2002 n’indiquaient pas non plus qu’il fallait placer Mustafa Goekce en détention. Le Procureur ne savait pas que Mustafa Goekce détenait une arme à feu. Enfin, l’État partie estime qu’on ne pouvait déduire des rapports de police et autres pièces du dossier qu’il y avait un risque que Mustafa Goekce commette effectivement le crime qu’il a commis.

L’État partie résume sa position en affirmant que les autorités autrichiennes n’ont pu garantir une protection effective à Şahide Goekce parce que celle-ci n’était pas prête à coopérer avec elles. Étant donné les informations dont elles disposaient, la Constitution autrichienne leur interdisait de porter davantage atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales de Mustafa Goekce.

L’État partie soutient que la série de mesures visant à lutter contre la violence dans la famille qu’il a adoptée ne fait pas de discrimination contre les femmes et que les allégations des auteurs en sens contraire ne sont pas étayées. Des décisions qui semblent inappropriées avec le recul (lorsque davantage d’informations sont disponibles) ne sont pas de ce fait même discriminatoires. L’État partie affirme qu’il exécute les obligations que la Convention met à sa charge en ce qui concerne la législation et son application et qu’il n’y a eu aucune discrimination contre Şahide Goekce en tant que femme.

Compte tenu de ce qui précède, l’État partie demande au Comité de rejeter la présente communication comme irrecevable; subsidiairement, de la rejeter comme manifestement mal fondée et, subsidiairement, de juger que les droits de Şahide Goekce en vertu de la Convention n’ont pas été violés.

Observations des auteurs sur la demande de l’État partie concernant la recevabilité et ses observations sur le fond

Dans une communication datée du 30 novembre 2006, les auteurs déclarent que ni les enfants de la victime ni les auteurs n’ont souhaité faire examiner des dispositions législatives par la Cour constitutionnelle – une telle requête aurait été jugée irrecevable. Ils n’auraient pas eu la qualité pour agir dans le cadre d’une telle procédure devant la Cour constitutionnelle. Les auteurs relèvent que l’argument essentiel de leur communication est que des dispositions législatives n’ont pas été appliquées et non que ces dispositions devraient être modifiées ou abrogées. De plus, les auteurs soutiennent que leurs suggestions s’agissant d’améliorer la législation existante et les mesures d’exécution ne pouvaient être traduites dans les faits au moyen d’une action devant la Cour constitutionnelle. La saisine de la Cour constitutionnelle ne saurait donc pas être considérée comme un recours interne aux fins du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif.

Les auteurs considèrent qu’à ce stade, l’État partie ne peut tirer argument de la possibilité pour la victime d’être « associée à action pénale » alors qu’il a déjà eu par deux fois l’occasion de faire des observations sur la recevabilité; quoi qu’il en soit, un tel recours serait onéreux et n’aboutirait à aucune réparation effective. Les auteurs estiment que le Protocole facultatif et le règlement intérieur du Comité ainsi que les principes généraux du droit (ne bis in idem) n’autorisent pas le Comité à revenir sur la décision sur la recevabilité qu’il a rendue le 27 janvier 2006.

Les auteurs notent que l’État partie évoque des mesures prises et des dispositions légales entrées en vigueur après le meurtre de Şahide Goekce.

Les auteurs déclarent que les observations de l’État partie mettent à la charge de la victime la responsabilité de s’occuper de son mari violent et lui reprochent de n’avoir pas fait ce qu’il fallait. Les auteurs affirment que cette position montre à quel point les autorités comprennent mal la dynamique de la violence conjugale, le danger qui pèse sur la victime et le pouvoir qu’a l’auteur des violences sur la victime, qu’il a fini par tuer.

Les auteurs notent que l’État partie a reconnu chacun des incidents violents qui se sont produits, bien qu’il n’en ait pas décrit certains des détails avec exactitude. Ils font ainsi valoir que c’est Mustafa Goekce qui a déclaré que Şahide Goekce avait eu une crise d’épilepsie – pour expliquer l’ecchymose qu’elle avait au cou – et qu’il l’avait réconfortée.

Les auteurs contestent l’argument de l’État partie selon lequel Şahide Goekce a demandé au Tribunal de ne pas punir son mari ou a nié qu’il avait menacé de la tuer. Ils font valoir que le procès-verbal de l’interrogatoire montre que Mustafa Goekce a déclaré à plusieurs reprises qu’il tuerait Şahide Goekce. De plus, cette dernière n’a refusé de témoigner contre son mari qu’une fois, et la raison pour laquelle il n’y a pas eu d’autres poursuites pénales est que le Procureur n’en a pas engagées. Quant à l’affirmation de l’État partie selon laquelle Şahide Goekce a minimisé les incidents devant le Bureau de protection de la jeunesse, les auteurs font valoir que Şahide Goekce avait peur de perdre ses enfants et qu’elle craignait le blâme social et culturel qui ne manquerait pas de la frapper en tant que femme d’origine turque si ses enfants lui étaient retirés.

Les auteurs font observer que l’État partie admet que Mustafa Goekce a ignoré à plusieurs reprises l’injonction prononcée par le Tribunal d’arrondissement d’Hernals. Ils critiquent la police parce qu’elle n’a pas pris au sérieux l’information relative à l’arme qu’elle avait reçue du frère de Mustafa Goekce.

Les auteurs font valoir que l’État partie n’a pas assumé la responsabilité des carences de ses autorités et fonctionnaires. Lorsqu’il s’est prononcé sur le placement en détention de Mustafa Goekce, l’État partie aurait dû procéder à une évaluation complète de la dangerosité potentielle de l’intéressé. De plus, il aurait dû tenir compte des caractéristiques sociales et psychologiques de l’affaire. Les auteurs considèrent que l’utilisation exclusive de mesures et procédures civiles était inappropriée car celles-ci n’empêchent pas les criminels dangereux et violents de commettre des infractions ni de récidiver.

Les auteurs appellent l’attention sur les diverses insuffisances du système de protection. La première tient à ce que la police et le parquet sont incapables de communiquer assez rapidement entre eux. Une seconde est que les dossiers de la police relatifs à la violence domestique ne sont pas à la disposition des policiers qui répondent aux appels d’urgence. Les auteurs se plaignent aussi de l’absence de communications systématiquement coordonnées ou institutionnalisées entre le parquet et le Tribunal de la famille. Ils soutiennent aussi que les fonds disponibles demeurent insuffisants pour prendre totalement soin de toutes les victimes de violences dans la famille.

Les auteurs évoquent un échange d’informations, peu après le meurtre de Şahide Goekce, entre des représentants de la police et un représentant du Centre d’intervention, au cours duquel le chef de la police a admis qu’il y avait des carences dans le service de police secours. Les auteurs déclarent qu’en l’espèce, Şahide Goekce a appelé ce service quelques heures avant d’être tuée mais qu’aucune voiture de police n’a été dépêchée sur les lieux. Le chef de la police a certes demandé à des représentants du Centre d’intervention d’informer les victimes des informations qu’elles devaient fournir à la police, mais les auteurs font valoir qu’il n’était pas raisonnable d’attendre des victimes de violences, eu égard à leur état psychologique, qu’elles fournissent dans une situation d’urgence toutes les informations pouvant être pertinentes. De plus, en l’espèce, l’allemand n’était pas la langue maternelle de Şahide Goekce. Les auteurs soutiennent que les autorités devraient rassembler systématiquement, en ce qui concerne les auteurs de violences dangereux, des données susceptibles d’être consultées partout en cas d’urgence.

Les auteurs font valoir qu’il n’est pas exact de dire que Şahide Goekce ne s’est pas prévalue des recours à sa disposition. En 2002, l’année où elle a été tuée, elle a à maintes reprises essayé d’obtenir l’aide la police – mais ni elle ni sa famille n’ont été prises au sérieux; souvent, leurs plaintes n’ont même pas été enregistrées. De plus, les auteurs affirment que la police était au courant de plusieurs des agressions physiques perpétrées par Mustafa Goekce mais que ces agressions n’ont pas été suffisamment documentées pour que les informations puissent être utilisées pour évaluer sa dangerosité potentielle. Les auteurs soutiennent que le risque de violence de la part d’un conjoint qui n’accepte pas d’être séparé de l’autre conjoint ou de sa famille est extrêmement élevé. Dans le cas spécifique de Şahide Goekce, son conjoint était pathologiquement jaloux et ne voulait pas accepter une séparation, un risque important qui n’a pas été pris en considération.

Observations supplémentaires de l’État partie

Dans une communication datée du 19 janvier 2007, l’État partie fournit des informations détaillées au sujet de la procédure permettant à une personne privée d’être « associée à l’action pénale », c’est-à-dire de remplacer le parquet dans l’exercice de l’action pénale contre le prévenu. L’État partie affirme que les conditions auxquelles doit satisfaire la partie privée sont plus rigoureuses que celles qui s’imposent au Procureur afin d’éviter les actions futiles. Dans le cadre de cette procédure, une personne qui pense que ses droits ont été violés par la commission d’une infraction devient partie civile à l’instance pénale.

L’État partie indique que Şahide Goekce a été informée de son droit d’être « associée à l’action pénale » le 14 décembre 1999, le 20 septembre 2000 et le 6 décembre 2002.

L’État partie déclare aussi que Şahide Goekce aurait aussi pu intenter une action en vertu de l’article 37 de la loi sur le ministère public (Staatsanwaltschaftsgesetz) devant le Bureau du Procureur à Vienne, le Bureau du Procureur général ou le Ministère fédéral de la justice si elle estimait que par ses actes officiels le Procureur compétent avait violé la loi. Il n’y a aucune condition de forme et une plainte peut être déposée par courrier, par courrier électronique, par télécopie ou par téléphone.

L’État partie indique qu’en vertu de l’article 382 b) de la loi sur l’exécution des jugements, peuvent solliciter une injonction contre les actes de violence domestique les personnes qui vivent ou ont vécu avec une personne qui a commis de telles violences dans une relation familiale ou de type familial lorsqu’il y a eu des agressions physiques, des menaces d’agression physique ou des comportements portant gravement atteinte à la santé mentale de la victime, ou lorsque le domicile commun répond au besoin urgent de logement de l’auteur de la demande. Il peut être ordonné à l’auteur des violences de quitter le foyer et son voisinage immédiat, avec interdiction d’y revenir. Si les rencontres deviennent problématiques, l’auteur des violences peut se voir interdire de paraître dans certains lieux et recevoir l’ordre d’éviter les rencontres ainsi que tout contact avec la victime dans la mesure où ceci ne porte pas atteinte à ses intérêts essentiels. Lorsqu’une injonction a été prononcée, les services de police peuvent décider qu’un arrêté d’expulsion (Wegweisung) est aussi nécessaire à titre de mesure préventive.

L’État partie déclare que des injonctions peuvent être prononcées lors d’une action en divorce, en annulation d’un mariage, en partage des biens matrimoniaux et en attribution de la jouissance du domicile commun. Dans de tels cas, l’injonction est valide pendant toute la durée de la procédure. En l’absence d’instance de ce type, une injonction peut être prononcée pour une durée de trois mois au maximum. Une ordonnance d’expulsion et d’interdiction de retour expire au bout de 10 jours mais peut être prolongée pour 10 jours supplémentaires si une demande est présentée.

Examen de recevabilité

En application du paragraphe 2 de son règlement intérieur, le Comité a réexaminé la communication à la lumière de toutes les informations communiquées par les parties, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 7 du Protocole facultatif.

S’agissant de la demande de l’État partie tendant à ce que la recevabilité de la communication soit réexaminée, au motif que les héritiers de Şahide Goekce ne se sont pas prévalus de la procédure prévue au paragraphe 1 de l’article 140 de la Constitution fédérale, le Comité note que l’État partie n’a pas présenté de nouveaux arguments propres à l’amener à modifier son opinion, à savoir que, de par son caractère abstrait, ce recours interne n’aboutirait probablement pas à une réparation effective.

Quant à l’argument de l’État partie selon lequel Şahide Goekce aurait pu, en tant que partie civile, se porter l’» associée à l’action pénale » contre son mari après que le Procureur eut décidé d’abandonner les poursuites contre de celui-ci, le Comité estime que ce recours n’était pas de facto ouvert à l’auteur, parce que les conditions imposées à un particulier pour exercer l’action pénale sont plus rigoureuses que celles imposées au Procureur, parce que l’allemand n’était pas la langue maternelle de Şahide Goekce et, plus important, parce que celle-ci se trouvait depuis longtemps dans une situation de violence domestique et de menaces de violence. De plus, le fait que l’État partie ait évoqué la possibilité pour elle de « s’associer à l’action pénale » aussi tardivement indique que cette procédure est assez obscure. C’est pourquoi le Comité considère que la possibilité de « s’associer à l’action pénale » n’est pas un recours que Şahide Goekce était tenue d’épuiser au sens du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif.

Quant à l’argument de l’État partie selon lequel Şahide Goekce pouvait déposer une plainte en vertu de l’article 37 de la loi sur le ministère public, le Comité considère que ce recours – destiné à juger de la légalité des actes officiels du procureur saisi – ne peut être considéré comme un recours susceptible d’aider efficacement une femme dont la vie est gravement menacée, et que son existence ne fait donc pas obstacle à la recevabilité de la communication.

Le Comité va maintenant passer à l’examen de la communication quant au fond.

Examen au fond

En ce qui concerne la violation au préjudice de Şahide Goekce de l’obligation de l’État partie d’éliminer la violence contre les femmes sous toutes ses formes énoncée aux alinéas a) et c) à f) de l’article 2 et à l’article 3 de la Convention, le Comité rappelle sa recommandation générale 19 sur la violence contre les femmes. Cette recommandation générale traite de la question de savoir si les États parties peuvent être tenus responsables de la conduite des acteurs non étatiques, et le Comité y déclare que : « … la discrimination au sens de la Convention n’est pas limitée aux actes commis par les gouvernements ou en leur nom.... » et « [E]n vertu du droit international général et des pactes relatifs aux droits de l’homme, les États peuvent être également responsables d’actes privés s’ils n’agissent pas avec la diligence voulue pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer ».

Le Comité note que l’État partie a mis en place, pour lutter contre la violence domestique, un programme complet qui comprend des mesures législatives, des recours au pénal et au civil, une action de sensibilisation, d’éducation et de formation, des refuges, des services de conseil aux victimes de violences et un travail avec les auteurs de ces violences. Toutefois, pour qu’une femme victime de violence domestique prise en tant qu’individu bénéficie concrètement du principe de l’égalité entre hommes et femmes et jouisse concrètement de ses droits humains et libertés fondamentales, la volonté politique qui s’exprime dans le programme que l’Autriche a mis en œuvre doit être appuyée par les acteurs étatiques, qui doivent exécuter les obligations de diligence de l’État partie.

En l’espèce, le Comité note que durant la période de trois ans commençant avec les violences signalées à la police le 3 décembre 1999 et se terminant par le meurtre de Şahide Goekce le 7 décembre 2002, la fréquence des appels à police secours à propos d’incidents, disputes ou actes de violence a augmenté; la police a pris des arrêtés d’interdiction de retour à trois occasions et a deux fois demandé au Procureur d’ordonner le placement en détention de Mustafa Goekce; une injonction de trois mois était en vigueur au moment du meurtre de Şahide Goekce, qui interdisait à Mustafa Goekce de s’approcher de l’appartement familial et de son voisinage immédiat et de contacter Şahide Goekce ou leurs enfants. Le Comité note que Mustafa Goekce a tué Şahide Goekce avec un pistolet qu’il avait acheté trois semaine auparavant alors que, aux dires des auteurs non contestés par l’État partie, il était frappé d’une interdiction de port d’armes valide, et que la police avait été informée de l’existence de cette arme par le frère de Mustafa Goekce. De plus, le Comité relève le fait incontesté que Şahide Goekce a appelé police secours quelques heures avant d’être tuée, mais qu’aucune voiture de police n’a été dépêchée sur les lieux du crime.

Le Comité estime qu’étant donné cette combinaison de facteurs, la police savait ou aurait dû savoir que Şahide Goekce courait un grave danger; elle aurait dû considérer le dernier appel de la victime comme un appel d’urgence, en particulier parce que Mustafa Goekce avait montré qu’il pouvait être un délinquant très dangereux et violent. Le Comité considère qu’étant donné les nombreuses agressions verbales et violences physiques intervenues antérieurement, en ne répondant pas immédiatement à cet appel, la police n’a pas exercé la diligence voulue pour protéger Şahide Goekce.

Bien que, comme l’État partie l’affirme à juste titre, il soit nécessaire dans chaque cas de déterminer si la détention constituerait une atteinte disproportionnée aux droits de l’homme et libertés fondamentales de l’auteur des violences domestiques, comme le droit à la liberté d’aller et venir ou le droit à un procès équitable, le Comité estime, comme il l’a déjà dit dans ses constatations relatives à une autre communication concernant une affaire de violences dans la famille, que les droits de l’auteur des violences ne peuvent primer les droits fondamentaux des femmes à la vie et à l’intégrité physique et mentale. En l’espèce, le Comité considère que le comportement (menaces, intimidation et coups) de Mustafa Goekce atteignait un niveau élevé de violence et que le Procureur, en ayant connaissance, n’aurait pas dû rejeter les demandes de la police en vue de l’arrestation et du placement en détention de Mustafa Goekce en raison des incidents d’août 2000 et d’octobre 2002.

Tout en notant que Mustafa Goekce a été poursuivi avec toute la rigueur possible pour avoir tué Şahide Goekce, le Comité n’en conclut pas moins que l’État partie a violé les obligations que les alinéas a) et c) à f) de l’article 2 et l’article 3 de la Convention mettaient à sa charge, interprétés à la lumière de l’article premier de la Convention et de la recommandation générale 19 du Comité, et les droits correspondants de Şahide Goekce, aujourd’hui décédée, à la vie et à l’intégrité physique et mentale.

Le Comité note que les auteurs allèguent également que les articles 1 et 5 de la Convention ont été violés par l’État partie. Le Comité a indiqué dans sa recommandation générale 19 que la définition de la discrimination à l’égard des femmes figurant à l’article premier de la Convention incluait la violence fondée sur le sexe. Il a aussi reconnu qu’il y avait des liens entre les attitudes traditionnelles faisant de la femme un objet de soumission et la violence dans la famille. Dans le même temps, le Comité estime que les exposés présentés par les auteurs de la communication et par l’État partie n’appellent pas de nouvelles conclusions.

Agissant en vertu du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention de l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes considère que les faits dont il est saisi révèlent une violation des droits à la vie et à l’intégrité physique et mentale de Şahide Goekce, décédée, au regard des alinéas a) et c) à f) de l’article 2 et de l’article 3 de la Convention interprétés à la lumière de l’article premier de la Convention et de la recommandation générale 19 du Comité, et il recommande à l’État partie :

a)De renforcer l’application et la surveillance du respect de la loi fédérale pour la protection contre les violences dans la famille et des dispositions pénales connexes, en agissant avec diligence pour prévenir ces violences contre les femmes et y réagir et en prévoyant des sanctions adéquates en cas de carences à cet égard;

b)De veiller à engager rapidement des poursuites contre les auteurs de violences domestiques afin de faire bien comprendre à ceux-ci et à la population en général que la société condamne cette violence et de faire en sorte que les recours pénaux et civils soient utilisés lorsque l’auteur des violences domestiques constitue une menace grave pour la victime, et de veiller aussi à ce que toutes les mesures visant à protéger les femmes contre la violence prennent dûment en considération la sécurité des femmes, en préconisant que les droits de l’auteur des violences ne peuvent primer les droits fondamentaux des femmes à la vie et à l’intégrité physique et mentale;

c)De veiller à l’amélioration de la coordination entre la police et la justice et à ce que tous les niveaux du système de justice pénale (police, ministère public, magistrats) coopèrent régulièrement avec les organisations non gouvernementales qui s’efforcent de protéger et d’aider les femmes victimes de violences fondées sur le sexe;

d)De renforcer les programmes de formation et d’éducation en matière de violence domestique à l’intention des juges, avocats et policiers, notamment en ce qui concerne la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la recommandation générale 19 du Comité et le Protocole facultatif.

Conformément au paragraphe 4 de l’article 7, l’État partie examinera dûment les constatations du Comité ainsi que ses recommandations, et il soumettra au Comité, dans un délai de six mois, une réponse écrite, l’informant notamment de toute action menée à la lumière de ses constatations et recommandations. L’État partie est aussi prié de publier les constatations et recommandations du Comité, de les faire traduire en allemand et de les diffuser largement afin qu’elles touchent tous les secteurs de la société.