Nations Unies

CERD/C/COL/CO/17-19

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

22 janvier 2020

Français

Original : espagnol

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la Colombie valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de la Colombie valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques (CERD/C/COL/17-19) à ses 2778e et 2779e séances (CERD/C/SR.2778 et 2779), les 27 et 28 novembre 2019. À sa 2795e séance, le 10 décembre 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation en temps voulu du rapport de l’État partie valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques (CERD/C/COL/17-19). Il est également satisfait du dialogue ouvert qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et lui sait gré des informations fournies par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives, institutionnelles et gouvernementales ci-après :

a)Le Plan national de développement 2018-2022, « Pacte pour la Colombie, Pacte pour l’équité » (loi no 1955 de 2019) ;

b)La loi no 1997 de 2019, portant modification de la législation concernant l’octroi de la nationalité aux enfants de migrants vénézuéliens nés en Colombie ;

c)La loi no 1833 de 2017, portant création de la Commission juridique pour la protection des droits des communautés noires ou afro‑colombiennes du Congrès de la Colombie ;

d)Le décret no 2124 de 2017 portant réglementation du système de prévention et d’alerte pour une réponse rapide en cas de présence, d’opérations ou d’activités d’organisations criminelles, ou de faits et de comportements criminels qui menacent les droits de la population et la mise en œuvre de l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable ;

e)Le décret no 1953 de 2014, entré en vigueur en 2018, qui reconnaît la première université autochtone de Colombie, l’Université autonome autochtone interculturelle du Cauca ;

f)La Stratégie nationale de protection des droits de l’homme (2014-2034).

C.Préoccupations et recommandations

Composition démographique de la population

4.Le Comité prend note de la réalisation du recensement national de la population et du logement de 2018 et de la participation des autochtones, des personnes d’ascendance africaine et des Roms. Toutefois, il est préoccupé par le fait que les résultats de ce recensement ne représentent pas de manière adéquate les populations afro-colombienne, noire, palenquera et raizal étant donné que, d’après les données obtenues, le nombre de personnes appartenant à ces groupes aurait diminué de près de 31 % depuis le recensement de 2005. Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour rectifier ces chiffres en faisant une estimation fondée sur les données de l’enquête de 2018 sur la qualité de la vie, mais il estime que les données relatives à cette partie de la population ne sont pas correctement reflétées (art. 2).

5.Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de recueillir et fournir des données statistiques fiables, actualisées et complètes sur la composition démographique de la population, et d’établir des indicateurs socioéconomiques ventilés par origine ethnique, sexe, âge, région et zone urbaine ou rurale, en incluant les zones rurales les plus reculées. À cet égard, il encourage l’État partie, avec la participation des populations autochtones, d’ascendance africaine et roms, à poursuivre ses efforts en vue d’adopter une méthodologie appropriée pour le prochain recensement de la population et du logement afin d’assurer la collecte de données statistiques précises et fiables sur ces populations, en particulier sur les populations afro-colombienne, noire, palenquera et raizal. Il lui recommande en outre de dispenser une formation adéquate aux agents du Département administratif national de la statistique chargés de réaliser le recensement de la population et du logement pour faire en sorte que le critère de l’auto-identification soit correctement appliqué et pris en compte. Il renvoie à sa recommandation générale n o  4 (1973) concernant les rapports des États parties, s’agissant de la composition démographique de la population.

Définition de la discrimination raciale

6.Le Comité est préoccupé par le fait que la définition de la discrimination raciale figurant dans la loi no 1482 de 2011 n’est toujours pas conforme au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention. Il est également préoccupé par le fait que cette loi n’est pas effectivement appliquée, ce qui se traduit par le faible nombre d’enquêtes et de condamnations pour discrimination raciale (art. 1, 2, 5 et 6).

7.Le Comité rappelle sa précédente recommandation (CERD/C/COL/CO/15-16, par. 10) et prie instamment l’État partie d’introduire dans sa législation une définition de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention. Il engage vivement l’État partie à prendre les mesures requises pour garantir l’application effective de la loi n o  1482, en menant à bien des enquêtes approfondies sur les cas de discrimination raciale et en sanctionnant comme il convient les auteurs des faits.

Interdiction de la discrimination directe et indirecte

8.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de disposition généraleen droit administratif ou civil interdisant la discrimination raciale directe et indirecte dans tous les domaines de la vie publique et au regard des droits énoncés à l’article 5 de la Convention (art. 2 et 5).

9. Le Comité recommande à l’État partie d’introduire dans son droit administratif et civil l’interdiction de la discrimination raciale directe et indirecte dans tous les domaines de la vie publique ainsi qu’au regard des droits énoncés à l’article 5 de la Convention.

Haine raciale et incitation à la discrimination raciale

10.Le Comité est préoccupé par la montée du discours de discrimination, de haine raciale et de xénophobie dans l’État partie, en particulier à l’égard des migrants, et tout spécialement ceux qui vivent avec le VIH ou qui appartiennent à la communauté LGBTI. Il se déclare de nouveau préoccupé par le fait que la législation pénale n’est toujours pas pleinement conforme à l’article 4 de la Convention et ne contient encore aucune référence aux activités de propagande qui incitent à la discrimination raciale et l’encouragent (art. 4 et 6).

11. Le Comité renvoie l’État partie à ses recommandations générales n o  15 (1993) concernant l’article 4 de la Convention et n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale et lui recommande :

a) De prendre des mesures efficaces pour prévenir et combattre l’incitation à la haine et à la discrimination raciales et les manifestations de racisme ;

b) De veiller à ce que tous les cas de xénophobie et d’incitation à la haine et à la discrimination raciales ou à la violence fondée sur la race fassent l’objet d’enquêtes et que les responsables soient poursuivis et dûment punis ;

c) De mener des campagnes de sensibilisation à l’intention de la population sur le respect de la diversité et l’élimination de la discrimination raciale ;

d) D’ériger en infraction la diffusion d’idées qui justifient ou encouragent la haine raciale et d’interdire les organisations qui encouragent la discrimination raciale et qui y incitent, en application de ses précédentes recommandations.

Conséquences du conflit armé, Accord de paix, justice et réparation

12.Le Comité est préoccupé par la violence qui persiste encore après la signature de l’Accord de paix et qui touche et met gravement en danger les peuples autochtones et les communautés d’ascendance africaine. Il est préoccupé en particulier par les incursions d’éléments paramilitaires dans les territoires habités par ces populations, les homicides sélectifs de membres des communautés d’ascendance africaine et des peuples autochtones, l’augmentation des déplacements internes forcés et massifs, ainsi que le manque de protection des populations concernées, et la poursuite de l’enrôlement d’enfants autochtones et d’ascendance africaine par des groupes armés non étatiques. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les rapports de risque émanant du système d’alerte précoce du Bureau du Médiateur ne sont pas dûment examinés par la Commission intersectorielle de réponse rapide aux alertes précoces et les recommandations formulées par le Ministère de l’intérieur concernant ces rapports ne sont pas dûment appliquées (art. 2, 5 et 6).

13. Le Comité rappelle sa précédente recommandation (CERD/C/COL/CO/15-16, par. 12) et invite instamment l’État partie à :

a) Redoubler d’efforts pour garantir la protection des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine contre la violence qui persiste encore dans le contexte du conflit et qui continue d’avoir des conséquences disproportionnées sur ces populations, en veillant à donner pleinement effet aux arrêts rendus en la matière par la Cour constitutionnelle ;

b) Assurer une protection adéquate contre le déplacement forcé, en respectant les droits, les coutumes, les traditions et la culture des peuples autochtones, en veillant à donner pleinement effet aux arrêts rendus en la matière par la Cour constitutionnelle et en tenant compte des dispositions de l’article 10 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et, lorsque cela est possible, garantir la faculté de retour ;

c) Redoubler d’efforts pour prévenir et éliminer l’enrôlement d’enfants autochtones et d’enfants d’ascendance africaine par des groupes armés non étatiques et veiller à l’application effective des mesures adoptées pour la démobilisation et la réinsertion de ces enfants ;

d) Veiller à ce que les rapports de risque émanant du système d’alerte précoce soient dûment pris en compte par les autorités compétentes, notamment par la Commission intersectorielle de réponse rapide aux alertes précoces, et à ce que les recommandations émises par le Ministère de l’intérieur concernant ces rapports soient dûment appliquées.

14.Le Comité prend note de l’introduction d’un volet sur les questions ethniques dans l’Accord de paix. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les dispositions de ce volet ne seraient pas appliquées, et aucune garantie ne serait offerte aux peuples autochtones et aux communautés d’ascendance africaine de participer effectivement à l’application de l’Accord de paix. L’absence de progrès dans les enquêtes, les poursuites, les sanctions contre les responsables et les réparations pour les violations des droits de l’homme commises contre les membres des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine dans le contexte du conflit armé, y compris dans les réparations collectives telles que celles accordées à la Coordination des femmes déplacées d’ascendance africaine en résistance, est également un sujet de préoccupation (art. 2, 5 et 6).

15. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De v eiller à l’application du volet de l’Accord de paix sur les questions ethniques, y compris par un financement approprié, et de favoriser la participation des membres des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine, en particulier des femmes, à l’application de l’accord, tout en respectant les processus traditionnels de sélection appliqués par les peuples autochtones et les communautés d’ascendance africaine ;

b) De m ener des enquêtes exhaustives et efficaces afin de poursuivre et de punir les responsables des violations des droits de l’homme commises contre des membres des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine touchés par le conflit armé, et d’adopter les mesures nécessaires pour assurer une réparation globale aux victimes, en allouant des ressources suffisantes à cette fin.

Discrimination structurelle

16.Le Comité est préoccupé par la discrimination structurelle et historique dont les peuples autochtones et les personnes d’ascendance africaine demeurent victimes et qui se manifeste par des taux élevés de pauvreté et d’exclusion sociale par rapport au reste de la population. Il est également préoccupé par les incidences qu’a la discrimination sur l’exercice des droits consacrés par l’article 5 de la Convention, en particulier le droit au travail, à la santé, à l’éducation et à la participation à la vie politique. À cet égard, il s’inquiète : a) des obstacles à l’insertion professionnelle de ces populations ; b) du peu de services de santé disponibles et accessibles, en particulier dans les zones rurales reculées où vivent la majorité des autochtones et un nombre important de personnes d’ascendance africaine ; c) des cas de dénutrition chronique chez les enfants autochtones et des décès associés à la dénutrition, en particulier chez les enfants wayúu, amorua et sikuani ; d) du faible niveau d’éducation de ces populations par rapport au reste de la population ; e) de la représentation encore insuffisante de la population d’ascendance africaine et autochtone à tous les niveaux de l’administration publique (art. 1, 2, 5 et 7).

17. À la lumière de ses recommandations générales n o  23 (1997) concernant les droits des populations autochtones, n o  32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales prévues dans la Convention et n o  34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine, le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les autochtones et les personnes d’ascendance africaine soient protégés contre la discrimination de la part d’organes et d’agents de l’État, ainsi que de tout particulier ou groupe ou de toute organisation ;

b) De favoriser efficacement l’inclusion sociale et faire baisser les taux élevés de pauvreté et d’inégalité qui touchent les autochtones et les personnes d’ascendance africaine, notamment en prenant des mesures spéciales visant à éliminer la discrimination structurelle à leur égard ;

c) D’éliminer tous les obstacles qui empêchent les autochtones et les personnes d’ascendance africaine d’exercer effectivement leurs droits économiques, sociaux et culturels, en particulier dans les domaines du travail, de la santé et de l’éducation ;

d) De prendre les mesures nécessaires pour réduire les taux de malnutrition chronique chez les enfants autochtones et garantir le droit des peuples autochtones à une alimentation adéquate ;

e) D’adopter, en consultation avec les peuples autochtones et les communautés de personnes d’ascendance africaine et avec leur participation, des mesures efficaces, y compris d’ordre législatif, en vue de garantir leur pleine participation aux affaires publiques, tant aux postes de décision qu’au sein des institutions représentatives, ainsi que l’égalité des chances pour la participation des peuples autochtones et des communautés de personnes d’ascendance africaine à tous les niveaux de l’administration publique, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale.

Droit à la consultation préalable

18.Bien que le droit à la consultation préalable soit officiellement reconnu par la législation colombienne, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, dans les territoires autochtones et les communautés de personnes d’ascendance africaine, les procédures législatives en général et, en particulier, celles relatives à l’octroi de licences pour des projets d’investissement, d’exploitation touristique, de pêche industrielle ou d’exploitation minière, se déroulent sans procéder aux consultations préalables, libres et éclairées prévues par la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n° 169) de l’Organisation internationale du Travail et sans prendre les précautions environnementales appropriées (art. 2 et 5).

19. Rappelant sa recommandation antérieure (CERD/C/COL/CO/15-16, par. 22) et sa recommandation générale n o  23 (1997) concernant les droits des populations autochtones, le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De garantir le droit des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine d’être consultés sur tout projet, toute activité ou toute mesure législative ou administrative susceptible d’avoir une incidence sur leurs droits, en particulier leur droit à la terre et aux ressources naturelles qu’ils possèdent ou ont traditionnellement utilisées, afin d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et aux normes internationales ;

b) De veiller à ce que, dans le cadre du processus de consultation préalable à l’octroi de licences, et à partir de la conception jusqu’à l’exécution des projets, des travaux ou des activités, des organismes impartiaux et indépendants étudient les incidences que les projets de développement économique et d’exploitation des ressources naturelles peuvent avoir sur l’environnement et sur les droits de l’homme dans les territoires des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine ;

c) De mettre au point, en concertation avec les peuples autochtones et les communautés d’ascendance africaine dont les territoires et les ressources sont touchés, des mesures d’atténuation, d’indemnisation des dommages ou des pertes subis et de participation aux bénéfices tirés des activités en question.

Droits territoriaux et restitution des terres

20.Le Comité est préoccupé par le peu de progrès accomplis dans l’application de la législation relative à la protection et à la restitution des territoires des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine et à la délivrance de titres de propriété sur ces terres, y compris la loi no 1448 de 2011 relative à la restitution des terres aux victimes du conflit armé, la loi no 70 de 1993 reconnaissant le droit des Afro-Colombiens de posséder collectivement leurs territoires, et les décrets nos 1953 de 2014 et 632 de 2018. À cet égard, il est préoccupé par les informations selon lesquelles l’Unité chargée de la restitution des terres a rejeté 64 % des demandes de restitution de terres, par le retard important que l’Agence foncière nationale a pris dans l’application des décisions de la Cour exigeant l’octroi de titres de propriété pour les territoires collectifs, ainsi que par la réduction des budgets des deux entités. Il s’inquiète également de la situation actuelle de certains autochtones vivant dans des zones protégées, notamment dans le Parc national Tayrona, dont le droit de disposer librement de leurs territoires et de leurs ressources naturelles fait l’objet de restrictions (art. 2 et 5).

21. Le Comité recommande à l’État partie de :

a) Redoubler d’efforts pour garantir, faciliter et accélérer sans délai l’application concrète des mesures législatives, y compris la loi n o  70 de 1993, la loi n o  1448 de 2011 et les décrets n os  1953 de 2014 et 632 de 2018, visant à garantir, préserver et restituer les droits des populations autochtones et d’ascendance africaine de posséder, d’utiliser, de développer et de contrôler leurs terres, territoires et ressources en toute sécurité et à les protéger de toute usurpation illégale ;

b) Veiller à ce que l’Unité chargée de la restitution des terres et l’Agence foncière nationale disposent de ressources humaines, matérielles et économiques suffisantes pour veiller à l’application des mesures législatives relatives à la restitution des terres et garantir la participation effective des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine ;

c) Garantir la restitution des terres des communautés autochtones et d’ascendance africaine et faire en sorte que les demandes de restitution de terres soient dûment évaluées sur la base de critères juridiques établis, et que les décisions judiciaires ordonnant la restitution des terres soient appliquées sans délai ;

d) Prendre les mesures nécessaires pour que les peuples autochtones vivant dans des zones protégées, en particulier dans le Parc national Tayrona, puissent disposer librement de leurs territoires et de leurs ressources naturelles, et qu’ils soient consultés dans tous les processus et décisions qui les concernent.

Peuples autochtones menacés d’extinction, en situation d’isolement et de premier contact

22.Le Comité regrette l’absence de progrès notables dans l’application des arrêts de la Cour constitutionnelle et des plans de sauvegarde ethnique en faveur des peuples autochtones et d’ascendance africaine qui ont été reconnus comme étant en danger d’extinction physique ou culturelle ou extrêmement vulnérables, en particulier les peuples awa et uitoto. Il est également préoccupé par l’absence de mesures efficaces de protection des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact, en particulier le peuple nukak-makú (art. 2, 4, 5 et 6).

23.Le Comité réitère sa recommandation antérieure (CERD/C/COL/CO/15 ‑16, par. 16) et prie instamment l’État partie de donner pleinement effet aux arrêts de la Cour constitutionnelle, de finaliser l’élaboration de plans de sauvegarde ethnique pour les peuples qui ont été reconnus comme étant en danger d’extinction physique ou culturelle et de veiller à leur application effective. Il recommande à l’État partie de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour garantir la survie physique et culturelle des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact, en particulier le peuple nukak-makú.

Situation des femmes d’ascendance africaine et des femmes autochtones

24.Le Comité est préoccupé par les multiples formes de discrimination auxquelles se heurtent les femmes autochtones et d’ascendance africaine par rapport au reste de la population, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à l’éducation et à la santé, y compris aux services de santé sexuelle et procréative. Il est également préoccupé par les taux élevés de violence sexuelle qui touchent de manière disproportionnée les femmes autochtones et d’ascendance africaine, en particulier en lien avec le conflit armé, ainsi que par le manque d’assistance, de protection et de justice pour les victimes, et par le degré élevé d’impunité dont bénéficient les auteurs de ces crimes (art. 2, 5 et 6).

25. À la lumière de sa recommandation générale n o  25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité prie instamment l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour lutter contre les multiples formes de discrimination auxquelles se heurtent les femmes autochtones et d’ascendance africaine, afin de leur garantir un accès effectif et adéquat à la justice, à l’emploi, à l’éducation et à la santé, y compris la santé reproductive, en tenant compte des différences culturelles et linguistiques ;

b) De prendre les mesures nécessaires pour prévenir la violence sexuelle à l’égard des femmes autochtones et d’ascendance africaine et garantir l’accès des victimes à une assistance adéquate et à des mécanismes de protection efficaces et culturellement adaptés ;

c) De veiller à l’application effective de la loi n o  1719 de 2014 sur l’accès à la justice pour les victimes de violences sexuelles, en particulier celles liées au conflit armé, et de donner effet aux arrêts n os  92/08 et 9/15 de la Cour constitutionnelle, en veillant à ce que tous les cas de violence sexuelle fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme, à ce que les responsables soient poursuivis et dûment sanctionnés et que les victimes obtiennent une réparation intégrale.

Migrants vénézuéliens

26.Le Comité est préoccupé par la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les migrants vénézuéliens dans l’État partie et par la discrimination dont ils sont victimes, en particulier sur le plan de l’accès à la santé et au travail, ainsi que par les obstacles auxquels ils se heurtent pour obtenir des pièces d’identité (art. 2 et 5).

27. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la discrimination à l’égard des migrants, en particulier en ce qui concerne l’accès aux services de santé et au travail, et pour faciliter l’obtention de pièces d’identité, de promouvoir l’intégration et de faire en sorte que les victimes d’actes de discrimination aient accès à un recours utile.

Défenseurs et défenseuses des droits de l’homme

28.Le Comité est extrêmement préoccupé par les homicides volontaires et les actes de violence, les menaces, les intimidations et les représailles dont ne cessent d’être victimes les défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et les dirigeants et dirigeantes des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine, en particulier au Cauca, notamment l’homicide de Cristina Bautista survenu le 29 octobre dernier. Il est également préoccupé par le faible nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de peines prononcées. Il prend note avec inquiétude des informations concernant le manque de ressources de l’Unité nationale de protection et l’inefficacité des mesures de protection qu’elle a prises, en particulier dans les zones rurales. Il est également préoccupé par les actes de diffamation et les mesures d’incrimination à l’égard des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, notamment celles et ceux qui sont autochtones ou d’ascendance africaine (art. 4, 5 et 6).

29. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures supplémentaires et efficaces pour prévenir les actes de violence, les menaces, les intimidations et les représailles à l’égard des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, en particulier à l’égard des dirigeants et dirigeantes des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine, et de veiller à ce que toutes les allégations concernant de tels actes soient examinées de manière approfondie, impartiale et efficace, que les responsables, aussi bien les auteurs matériels que les instigateurs ou les idéologues, soient poursuivis et dûment punis, et que les victimes ou leur famille obtiennent une réparation intégrale ;

b) De garantir la protection effective de leur vie et de leur intégrité physique, en veillant à ce que les mesures de protection soient prises avec la participation des personnes, des peuples et des communautés touchés, en tenant compte de leurs coutumes et de leur culture, et à ce qu’elles soient effectivement appliquées et régulièrement réexaminées ;

c) De renforcer, en leur accordant des ressources suffisantes et une reconnaissance légale expresse, les mécanismes de protection collective préexistants dans les communautés affectées, en particulier la Guardia Indígena et la Guardia Cimarrona ;

d) De veiller au fonctionnement effectif de l’Unité nationale de protection, notamment en s’employant à réviser et améliorer les stratégies de protection existantes, à adopter et appliquer efficacement des mesures collectives de protection, ainsi que des mesures différenciées pour les personnes vivant en zone rurale et pour les femmes, et à lui allouer les ressources humaines, financières et techniques nécessaires ;

e) De mener des campagnes d’information et de sensibilisation, et de reconnaître le travail fondamental qu’accomplissent les défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, afin de créer un climat de tolérance qui leur permette de mener leurs activités à l’abri de toute forme d’intimidation, de menaces et de représailles.

Accès à la justice et juridiction autochtone

30.Le Comité prend acte du Programme national des maisons de justice et de coexistence citoyenne et de la stratégie des systèmes locaux de justice visant à renforcer le fonctionnement de la juridiction autochtone spéciale et à améliorer l’accès des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine à la justice. Il craint toutefois à nouveau que ces mesures ne soient pas suffisantes pour garantir l’accès de ces populations à la justice, car elles ne sont toujours pas appliquées sur tous leurs territoires (art. 6).

31. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour garantir l’accès des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine à la justice, en veillant à ce que cet accès soit effectif sur l’ensemble du territoire où ils vivent ;

b) De poursuivre ses efforts pour reconnaître, respecter et renforcer le système de justice autochtone, en particulier en assurant l’harmonisation, la coopération et la coordination entre les autorités judiciaires ordinaires et les juridictions autochtones.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

32. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant établissant une procédure de présentation de communications. En outre, le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance.

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

33. Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

34. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

35. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques, en collaboration avec des organisations de personnes d’ascendance africaine. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Diffusion d’information

36. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les présentes observations finales dans sa langue officielle et les autres langues couramment utilisées dans le pays.

Consultations avec la société civile

37. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Suite donnée aux présentes observations finales

38. Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 21 a) (droits territoriaux et restitution des terres) et 23 (peuples autochtones menacés d’extinction, en situation d’isolement et de premier contact).

Paragraphes d’importance particulière

39. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 11 (discours de haine), 17 (discrimination structurelle), 19 (droit à la consultation préalable) et 29 (protection des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et des dirigeants et dirigeantes des peuples autochtones), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

40.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingtième et vingt et unième rapports périodiques, d’ici au 2 octobre 2022, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.