Nations Unies

CAT/C/SEN/CO/3*

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

17 janvier 2013

Original : français

Comité contre la torture

Observations finales du troisième rapport périodique du Sénégal adoptées par le Comité lors de sa quarante-neuvième session (29 octobre-23 novembre 2012)

1.Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique du Sénégal (CAT/C/SEN/3) à ses 1106e et 1109e séances (CAT/C/SR.1106 et 1109), les 6 et 7 novembre 2012. À sa 1125e séance (CAT/C/SR.1125), le 19 novembre 2012, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du troisième rapport périodique de l’État partie, qui suit les directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques. Il regrette toutefois que l’État partie ait soumis son rapport avec quinze ans de retard.

3.Le Comité se réjouit de l’opportunité de reprendre le dialogue avec l’État partie et d’examiner l’application des dispositions de la Convention avec la délégation. Il constate que l’État partie a soumis des réponses écrites détaillées à la liste des points à traiter (CAT/C/SEN/Q/3 et Add.1) la veille du dialogue et que la délégation a fourni des informations supplémentaires.

B.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie, en octobre 2006, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que d’autres instruments internationaux durant la période sous examen, notamment :

a)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en juin 1999 ;

b)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en février 1999;

c)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en mai 2000 ;

d)Les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en mars 2004, et concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en novembre 2003 ;

e)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, les Protocoles additionnels visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, en octobre 2003;

f)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en décembre 2008 ;

g)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en septembre 2010.

5.Le Comité note avec satisfaction la collaboration de l’État partie avec les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, manifestée à travers plusieurs visites de titulaires de mandats durant la période considérée, notamment le Groupe de travail sur la détention arbitraire et la Rapporteuse spéciale sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

6.Le Comité félicite l’État partie d’avoir aboli la peine de mort par la loi du 10 décembre 2004 et prend acte des réformes législatives pertinentes liées à la prohibition de la torture, notamment:

a)La loi n° 2009-13 du 2 mars 2009 mettant en place l’Observatoire national des lieux de privation de liberté en tant que mécanisme national de prévention prévu par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention ;

b)L’adoption de la loi n° 2005-06 du 10 avril 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées ;

c)L’adoption des lois n° 2000-38 et no 2000-39 du 29 décembre 2000 instituant un juge chargé de la surveillance de la détention, ainsi que le décret n° 2001-362 du 4 mai 2001 portant procédures d’exécution et d’aménagement des sanctions pénales.

7.Le Comité accueille également avec satisfaction:

a)L’adoption en 2009 du plan d’action national (2008-2013) de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que la création en 2010 d’une cellule nationale de lutte contre la traite des personnes regroupant les institutions gouvernementales et non gouvernementales ;

b)La promotion de la justice de proximité qui vise à multiplier et à étendre sur l’ensemble du territoire national des maisons de justice spécialisées dans la médiation, l’information et l’écoute juridique ;

c)Le second plan d’action national pour l’accélération de l’abandon de l’excision 2010-2015, validé et lancé en février 2010 ;

d)La création d’institutions telles que le Haut Commissariat aux droits de l’homme et à la promotion de la paix en 2004 ; le Médiateur de la République, de par les lois n° 91-14 du 11 février 1991 et no99-04 du 29 janvier 1999.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

8.Tout en prenant note de la révision du Code pénal (loi n° 96-15 du 28 août 1996) dont l’article 295-1 définit la torture en conformité avec l’article premier de la Convention, le Comité regrette toutefois que cette définition n’inclue pas certains éléments clés de cet article, notamment la référence à « une tierce personne » en plus de la victime (art. 1er).

L’État partie devrait réviser son Code pénal, en particulier l’article 295-1 sur la définition de la torture pour la rendre totalement conforme aux dispositions de l’ article premier de la Convention. Il devrait en particulier inclure dans cette définition les actes visant à obtenir des renseignements, à punir, à intimider ou à faire pression sur une tierce personne.

Interdiction absolue de la torture

9.Le Comité est préoccupé par la position de l’État partie qui justifie les lois portant amnistie en relation avec la situation en Casamance comme répondant au besoin impérieux de restauration de la paix. Le Comité réitère sa préoccupation selon laquelle les lois de l’État partie ne doivent pas favoriser l’impunité d’actes de torture ni violer l’article 2 de la Convention qui dispose qu’ « aucune instabilité politique intérieure » ne peut justifier la torture (art. 2).

À la lumière de ses Observations générales 2 (CAT/C/GC/2) et 3 (CAT/C/GC/3) , l e Comité considère qu’une amnistie ou tout autre obstacle juridique qui empêcherait que les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements fassent rapidement l’objet de poursui tes et de sanctions appropriées viole le principe d’intangibilité de la prohibition de la torture. Cela constitue rait un obstacle non permissible pour les victime s qui cherche nt à obtenir réparation, et contribue rait à instaurer un climat d’impunité. À cet égard, le Comité prie instamment l’ État partie de supprimer toute amnistie pour torture ou mauvais traitements et de lui fournir des informations détaillées sur la réparation accordée aux victimes de torture en Casamance .

Garanties juridiques fondamentales

10.Le Comité est préoccupé par le fait que les détenus ne bénéficient pas de toutes les garanties fondamentales dès leur privation de facto de liberté, notamment le fait que la législation ne prévoit l’assistance d’un avocat qu’à partir de la 25e heure de privation de liberté et que le droit de consultation par un médecin indépendant n’est pas systématiquement respecté. Le Comité reste vivement préoccupé par la pratique dite « retour de parquet » qui prolonge la garde à vue des personnes déjà déférées devant le parquet et viole le droit des détenus de comparaître rapidement devant un juge. Le Comité constate également le nombre insuffisant d’avocats au Sénégal, surtout dans les zones reculées du pays (art. 2, 11 et 12).

L ’État partie devrait  :

a) P rendre des mesures efficaces sans tarder pour faire en sorte qu’ en droit et dans la pratique, tous les détenus jouissent de toutes les garanties juridiques, dès le début de la privation de liberté. Il s’agit en particulier des droits des détenus d’être informé s des raisons de leur arrestation, y compris les charges retenues contre eux ; d’avoir rapidement accès à un avocat et , si besoin est , à l’aide juridictionnelle  ; d’être examiné par un médecin indépendant  ; d’aviser un proche et de comparaître rapidement devant un juge  ;

b) F ournir des moyens financiers et humains supplémentaires à l’appareil judiciaire en vue de mettre fin à la pratique dite « retour de parquet » et réduire le délai de renvoi des affaires devant les tribunaux  ;

c) P rendre les mesures qui s’imposent pour augmenter les ressources allouées à l’ordre des avocats en vue de garantir l’accès à une aide judicaire aux plus démunis . Le Comité note la déclaration de la délégation selon laquelle une réflexion sera engagée en vue de permettre l’intervention d’un avocat dès le début de la privation de liberté et demande à l’État partie d’inclure d es informations sur les mesures immédiates qui seront prises à cet effet.

Enquêtes et impunité

11.Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles des actes de torture et de mauvais traitements commis par des agents chargés de l’application des lois n’ont pas fait l’objet d’enquêtes ni de poursuites. Le Comité demeure également préoccupé par le fait que dans les cas où des enquêtes ont été initiées, elles n’ont pas été engagées promptement et les procédures judiciaires restent excessivement longues et en suspens, y compris dans les cas où les actes de torture ont entraîné la mort, à l’instar des cas de MM. Dominique Lopy, Alioune Badara Diop, Abdoulaye Wade Yinghou, Mamadou Bakhoum et Fally Keïta. Tout en prenant note de la possibilité pour les victimes de mauvais traitements ou de torture de saisir directement la Chambre d’accusation de la Cour d’appel, le Comité est préoccupé par l’absence d’un organe indépendant pour enquêter sur les allégations de torture ou de mauvais traitements de la part des agents des forces de l’ordre. Par ailleurs, le Comité reste préoccupé par les allégations de meurtre en Casamance qui n’ont pas encore abouti à des condamnations (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait :

a ) P rendre des mesures concrètes pour accélérer les enquêtes et poursuites judiciaires sur les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements qui aboutissent , lorsque les faits sont avérés, à des sanctions et à l’imposition de peines qui prennent en considération la gravité de ces actes et ne se limitent pas à la qualification d’autres infractions de moindre gravité  ;

b ) Mettre sur pied, e n vue de garantir l’ouverture d’enquêtes approfondies, promptes et impartiales, un organe indépendant et impartial pour enquêter sur les allégations d’actes de torture et de mauvais traitement s de la part des agents de s forces de sécurité  ;

c ) Outre l es cas individuels susmentionnés, fournir les informations que le Comité lui demande sur le nombre de plaintes déposées contre des fonctionnaires présumés responsables de tortu re ou de mauvais traitement s , ainsi que des informations sur les résultats des enquêtes auxquelles elles ont donné lieu et, le cas échéant, sur les procédures pénales ou disciplinaires engagées  ;

d ) F ournir au Comité des informations actualisées sur la situation en Casamance concernant la mise en œuvre de la Convention, y compris le résultat des enquêtes initiées sur les actes de torture et de meurtre.

Le cas de M. Hissène Habré, ancien Président du Tchad

12.Le Comité prend note de l’information fournie par la délégation concernant le désir de l’État partie de juger M. Hissène Habré au Sénégal, ainsi que des mesures prises aux niveaux régional et national pour que ce procès puisse avoir lieu. Tout en notant la collaboration de l’État partie avec le Comité lors de sa mission officielle en 2009 au titre de l’article 22 de la Convention, le Comité regrette la lenteur de l’État partie à juger M. Hissène Habré en conformité avec la décision du Comité en date du 17 mai 2006, qui a par ailleurs été confirmée par l’arrêt de la Cour internationale de Justice en date du 20 juillet 2012 (Belgique c. Sénégal) [art.  5 et 7].

Le Comité note la déclaration de la délégation de l’État partie selon laquelle ce procès devrait s’ouvrir en décembre 2012 et demande instamment à l’État partie de mettre tout en œuvre pour initier c e procès dans le délai indiqué afin de mettre fin à l'impunité d es responsables d ’actes d e torture et autres crimes internationaux se trouvant sur son territoire , en conformité avec ses obligations découlant de la Convention .

Extorsion d’aveux

13.Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle les juges, disposant du pouvoir souverain dans l’appréciation des preuves, ne peuvent accorder, lors d’un procès, aucune valeur aux aveux obtenus sous la torture ou la contrainte. Toutefois, le Comité regrette que le Code de procédure pénale du Sénégal n’ait pas explicitement prévu une telle disposition et que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur les cas pour lesquels les tribunaux ont effectivement déclaré irrecevables les aveux obtenus sous la torture (art. 2 et 15).

L’État partie devrait veiller , chaque fois qu’une personne affirme avoir procédé à des aveux sous la torture, à ce que ces aveux ne soient pas invoqués comme preuve dans l a procédure judiciaire et qu’une enquête approfondie soit menée à ce sujet . Le Comité encourage l ’État partie à réviser sa loi pour explicitement interdire comme preuve toute déclaration faite sous la contrainte ou suite à la torture.

Violence à l’égard des femmes

14.Tout en notant les mesures prises par l’État partie dans le cadre de la lutte contre toute forme de violence à l’égard des femmes, le Comité reste vivement préoccupé par la persistance dans l’État partie de violence domestique, mutilations génitales féminines, abus sexuels, viol et mariages forcés. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements sur les moyens de réparation et d’indemnisation, y compris de réadaptation, offerts aux femmes victimes de violence (art. 2, 12, 13 et 16).

L ’État partie devrait :

a) C ontinuer à vulgariser la loi 99-05 du 29 janvier 1999 portant répression des délits de viol, d’excision, de coups et blessures et d’inceste , et fournir des informations supplémentaires sur le projet portant mise sur pied de l’ O bservatoire national des violences faites aux femmes ;

b) I ntensifier ses efforts pour prévenir, combattre et réprimer toute forme de violence à l’égard des femmes et des enfants, en appliquant les lois nationales et les conventions internationales ,  ainsi que mener des campagnes de sensibilisation et de formation à l’intention du public et des agents chargés de l’application des lois. Il devrait enquêter sur toutes les allégations de violence susmentionnée s , poursuivre et punir les responsables et offrir aux victimes une protection efficace et une réparation immédiate ;

c) S ’assurer que le « Programme de l utte contre les violences basées sur le genre et la promotion des droits humains » ainsi que le plan d’action national y relatif incluent l’accès à un refuge, à une assistance médicale et psychologique, ainsi que des programmes de réinsertion . L’État partie devrait fournir d es informations supplémentaires sur ce programme ainsi que sur la mise en œuvre du second plan d’action national pour l’accélération de l’abandon de l’excision 2010-2015.

Violence à l’égard des enfants

15.Le Comité demeure préoccupé par l’absence d’informations et de statistiques sur les mesures prises par l’État partie pour combattre certaines pratiques comme la vente, la prostitution et la traite des mineurs. Tout en notant l’adoption du plan stratégique pour l’éducation et la protection des enfants dans les écoles coraniques (daaras), le Comité demeure vivement préoccupé des conditions de vie des jeunes étudiants (talibés) qui prennent la forme de mauvais traitements et d’exploitation économique de ces enfants, souvent utilisés comme « mendiants » au profit de leurs maîtres. Le Comité demeure également préoccupé par les informations concernant la persistance des châtiments corporels au Sénégal (art. 11 et 16).

L’État partie devrait :

a) S uivre de très près la situation des enfants talibés afin de les protéger contre les mauvais traitements et l’exploitation en sanctionnant les auteurs et en mettant sur pied des mécanismes de surveillance et d’assistance pour ces enfants , ainsi qu’un mécanisme de plainte en vue de leur permettre d ’informer les autorités des cas d’abus  ;

b) M ettre sur pied un système de prise en charge pour l’accès aux services de santé physique et mentale des talibés . Il devrait fournir au Comité des renseignements sur d’autres mesures spécifiques prises, y compris le nombre de s cas répertoriés, les enquêtes et les pou rsuites engagées, les peines prononcées contre l es auteurs ainsi que le retour des enfants talibés dans leurs familles.

c) R éviser le Code de la f amille, en particulier son article 285, pour explicitement interdire les châtiments corporels en tout lieu, y compris au sein de la famille , et sanctionner selon la loi tout contrevenant, tout en offrant une protection légale et une aide psychologique aux enfants victimes.

Traite des personnes

16.Malgré les efforts déployés sur les plans législatif et administratif, le Comité est préoccupé du fait que l’État partie reste un pays d’origine, de transit et de destination de la traite des personnes, notamment pour le travail forcé et l’exploitation sexuelle (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

L ’État partie devrait  prendre des mesures efficaces pour mettre fin à la traite des personnes et renforcer la protection des victimes. Il devrait également allouer davantage de ressources dans ce domaine en vue de poursuivre et punir les responsables et fournir une assistance juridique, médicale et psychologique aux victimes.

Conditions de détention

17.Le Comité est préoccupé par le surpeuplement de certaines prisons, notamment à Dakar, Kaolack et Tambacounda (art. 11).

L ’État partie devrait  redoubler d’efforts pour réduire la surpopulation carcérale, notamment en privilégiant l es mesures de substitution à la prison lorsque cela est possible à la lumière des Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privativ es de liberté (Règles de Tokyo).

Administration de la justice

18.Le Comité note les efforts fournis par l’État partie pour faciliter une justice de proximité avec la mise en place des maisons de justice. Il est toutefois préoccupé par le manque d’indépendance de la justice. Le Comité note le nombre limité de juristes travaillant comme avocats. Il est préoccupé du fait que le nombre limité (moins de 400) d’avocats pour un pays de plus de 11 millions d’habitants représente une entrave d’accès à la justice (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait continuer les réflexions qui sont actuellement menées pour réformer le Conseil s upérieur de la m agistrature et renforcer l’indépendance des magistrats en protégeant davantage le principe de l’inamovibilité des juges du siège.

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour augmenter le nombre d’individus travaillant dans le domaine de la justice, y compris les avocats.

Justice juvénile

19.Malgré les mécanismes existants relatifs à la justice juvénile, le Comité est préoccupé par l’insuffisance de tribunaux et de juges spécialisés pour mineurs pour répondre entièrement aux défis existant concernant la promotion et la protection des droits de l’enfant dans l’État partie (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

L e Comité recommande à l ’État partie d ’ accélérer l’adoption du projet de loi devant institu er le Défenseur des e nfants et de former davantage de juges pour mineurs. Il recommande à l’État partie de mettre sur pied un système de justice pour mineurs conforme à la Convention relative aux droits de l’enfant , à l’Ensemble des règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing, résolution 40/33 de l’Assemblée générale) et aux Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes de Riyad, résolution 40/112 de l’Assemblée générale).

Situation des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme

20.Le Comité regrette l’absence d’informations sur les allégations d’actes d’intimidation, de menaces, d’agressions physiques et de détention arbitraire des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Tout en prenant note des informations fournies sur les mesures prises pour poursuivre les agents qui auraient utilisé excessivement la force lors des manifestations pré-électorales de 2012, le Comité regrette en particulier l’absence d’informations sur les résultats des enquêtes concernant les membres de « Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme », et les journalistesMM.Boubacar Kambel Dieng et Karamokho Thioune (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait fournir des informations sur les mesures concrètes prises concernant les cas susmentionnés et les peines qui ont été prononcées à cet égard. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les dé fenseurs des droits de l’homme et les journalistes et punir sévèrement les auteurs d’actes de violence, de torture ou d’ intimidation à leur égard.

Situation des réfugiés et demandeurs d’asile

21.Le Comité note que des efforts restent encore à faire pour finaliser la distribution des cartes d’identité pour les réfugiés et que la révision de la loi relative au statut des réfugiés n’a pas encore abouti (art. 3 et 16).

L’État partie devrait accélérer l’adoption de la loi révisée sur le statut des réfugiés pour consolider les garanties de protection des réfugiés, des demandeurs d’asile, des personnes déplacées internes et des apatrides avec notamment la mise en place d’un organe qui statuera sur les demandes d’octroi de statut de réfugiés et diverses questions dont la réunification familiale et la protection des enfants mineurs non accompagnés. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre ses efforts pour faciliter l’intégration des réfugiés, y compris la distribution de cartes d’identité , en collaboration avec le Haut- Commissariat des Nations Unies pour les r éfugiés.

Réparation, y compris la réhabilitation

22.Le Comité regrette l’absence d’informations sur les indemnités accordées par les tribunaux de l’État partie aux victimes de violations de la Convention, notamment aux personnes qui ont été privées des garanties fondamentales ou ont subi des actes de torture ou des mauvais traitements pendant la garde à vue. Il regrette également l’absence d’informations concernant les éventuels services de traitement et de réadaptation sociale des victimes de torture (art. 14).

L’État partie devrait fournir des informations sur les mesures additionnelles pour assurer aux victimes de la torture et de mauvais traitements une réparation complète et équitable et une réadaptation la plus complète possible . Il devrait accélérer l’adoption et la mise en œuvre du projet de loi portant sur l’indemnisation des victimes de longue détention ayant subi un préjudice d’une gravité particulière ainsi que d es programmes de réadaptation qui seront mis sur pied .

Le Comité attire l’attention de l’État partie sur l’ O bservation générale sur l’article 14 récemment adoptée (CAT/C/GC/3) qui explicite le contenu et la portée des obligations des États parties en vue de fournir une réparation totale aux victimes de torture.

Mécanisme national de prévention et institutions nationales des droits de l’homme

23.Tout en prenant note de la désignation de l’Observatoire national des lieux de privation de liberté en tant que mécanisme national de prévention en conformité avec l’OP-CAT, le Comité demeure toutefois préoccupé par l’information concernant la réduction des ressources financières allouées à ce mécanisme. Il est également préoccupé par l’information selon laquelle le Comité sénégalais des droits de l’homme aurait des problèmes de financement adéquat et le processus de sélection et de nomination de ses membres ne serait pas conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe) [art. 2 et 12].

L’État partie devrait:

a) F ournir les ressources nécessaires à l’Observat eur n ational des l ieux de p rivation de l iberté pour lui permettre de s’acquitter efficacement du mandat de mécanisme national de prévention du Sénégal, conformément à l’OP-CAT et aux directives concernant les mécanismes nationaux de prévention établies par le Sous-Comité pour la prévention de la torture. L’État partie devrait veiller à ce que les forces de l’ordre, les membres du parquet, les membres de l’armée , le personnel pénitentiaire et médical collaborent avec l’Observat eur , et que ses recommandations formulées aux autorités soient suivies de mesures concrètes pour améliorer la situation carcérale et la prévention de la torture. Le Comité recommande par ailleurs à l’État partie de rendre public le rapport qui sera établi par le Sous-Comité pour la prévention de la torture à la suite de sa prochaine visite au Sénégal en décembre 2012 .

b) P rendre en considération les remarques formulées par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des d r oits de l’homme en vue d ’assurer que le Comité s énégalais des d roits de l’ h omme opère en conformité avec les Principes de Paris .

Mécanisme confidentiel de plainte

24.Le Comité regrette qu’un mécanisme confidentiel de plainte n’ait pas été mis sur pied pour permettre aux détenus de porter plainte pour torture ou mauvais traitements (art. 2 et 16).

L’État partie devrait créer un mécanisme confidentiel pour recevoir et examiner les plaintes pour torture ou mauvais traitements, et veiller à ce qu’un tel mécanisme soit mis en place dans tous les lieux de privation de liberté , en particulier dans les prisons . Par ailleurs, ce mécanisme constituerait un atout important au mandat de l’Observat eur n ational des l ieux de p rivation de l iberté .

Formation

25.Le Comité note l’organisation de programmes de formation aux droits de l’homme par l’État partie à l’intention des agents de la police et de la gendarmerie nationale. Il regrette toutefois le manque d’informations sur l’évaluation et l’impact de ces programmes de formation sur la réduction des cas de torture et de mauvais traitements. Le Comité est préoccupé par la non-utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) [art. 10].

L’État partie devrait organiser d es programmes de formation ciblé s à l’intention des agents nationaux visés par l’article 10 de la Convention , notamment le personnel civil ou militaire chargé de l’application des lois et le personnel médical. En vue d e permettre à ces personnes de mieux détecter et documenter les signes de torture et de mauvais traitements, le Protocole d’Istanbul devrait faire partie intégrante de ces formations. L’État partie devrait par ailleurs évaluer l’efficacité et l’impact de ces formations sur le respect et la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Collecte des données

26.Le Comité regrette le manque de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations des cas de torture et de mauvais traitements commis par les agents des forces de l’ordre, les officiers militaires, le personnel des services pénitentiaires et psychiatriques ainsi que les données statistiques sur toute forme de violence à l’égard des filles et des femmes au Sénégal.

L’État partie devrait compiler les données susmentionnées au niveau national en vue de permettre une évaluation efficace de la mise en œuvre de la Convention et faciliter l’identification d’actions ciblées pour prévenir et lutter efficacement contre la torture, les mauvais traitements ainsi que toute forme de violence contre les filles et les femmes. L’État partie devra it également fournir d es données statistiques sur la réparation , y compris l’ indemnisation , ainsi que sur les moyens de réadaptation des victimes.

27.L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues pertinentes, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, d’ici au 23 novembre 2013, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations portant sur : a) la mise en place de garanties juridiques pour les personnes détenues ou le renforcement des garanties existantes ; b) la conduite rapide d’enquêtes impartiales et effectives ; et c) les poursuites engagées contre les suspects et les sanctions prises contre les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements, recommandations qui sont formulées à l’alinéa a du paragraphe 10, à l’alinéa a, du paragraphe 11 et au paragraphe 12 du présent document.

29.L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le quatrième, d’ici au 23 novembre 2016. À cet effet, le Comité invite l’État partie à accepter, le 23 novembre 2013 au plus tard, d’établir son rapport selon la procédure facultative, qui consiste pour le Comité à adresser à l’État partie une liste de points à traiter établie avant la soumission du rapport périodique. Les réponses de l’État partie à la liste de points à traiter constitueront son prochain rapport périodique au titre de l’article 19 de la Convention.