Nations Unies

CCPR/C/JPN/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

20 août 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Japon *

Le Comité des droits de l’homme a examiné le sixième rapport périodique soumis par le Japon (CCPR/C/JPN/6) à ses 3080e et 3081e séances (CCPR/C/SR.3080 et 3081), tenues les 15 et 16 juillet 2014. À ses 3091e et 3092e séances (CCPR/C/SR.3091 et 3092), le 23 juillet 2014, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique du Japon et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer le dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie de ses réponses écrites (CCPR/C/JPN/Q/6/Add.1) et des informations supplémentaires à la liste des points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires apportés par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles suivantes:

a)L’adoption, en décembre 2009, du Plan d’action national contre la traite des êtres humains;

b)L’approbation, en décembre 2010, du troisième Plan fondamental pour l’égalité des sexes;

c)La modification, en 2012, de la loi sur le logement public, par laquelle les couples de même sexe ne sont plus exclus du système de logement public;

d)Les modifications de la loi sur la nationalité, en 2008, et du Code civil, en 2013, par lesquelles les dispositions législatives discriminatoires à l’égard des enfants nés hors mariage ont été supprimées.

Le Comité salue la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants:

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2009;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2014.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Observations finales précédentes

Le Comité est préoccupé par le fait que nombre des recommandations qu’il avait faites après l’examen des quatrième et cinquième rapports périodiques de l’État partie n’ont pas été appliquées.

L ’ État partie devrait donner effet aux recommandations adoptées par le Comité et énoncées dans les présentes observations finales ainsi que dans ses observations finales précédentes.

Applicabilité des droits énoncés dans le Pacte par les tribunaux nationaux

Tout en notant que les instruments ratifiés par l’État partie ont valeur de lois nationales, le Comité juge préoccupant le nombre restreint d’affaires dans lesquelles les droits protégés par le Pacte ont été appliqués par les tribunaux (art. 2).

Le Comité réitère sa recommandation (voir CCPR/C/JPN/CO/5, par. 7) et invite l ’ État partie à veiller à ce que l ’ application et l ’ interprétation du Pacte fassent partie du programme de formation professionnelle des avocats, des juges et des procureurs, à tous les niveaux, y compris dans les juridictions inférieures. L ’ État partie devrait aussi faire en sorte que des recours utiles soient disponibles pour dénoncer les violations des droits protégés par le Pacte. Il devrait envisager d ’ accéder au Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui prévoit une procédure d ’ examen des communications présentées par des particuliers.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité constate à regret que, depuis l’abandon en novembre 2012 du projet de loi sur la Commission des droits de l’homme, l’État partie n’a nullement progressé sur la voie de la création d’une institution nationale des droits de l’homme centrale (art. 2).

Le Comité rappelle sa recommandation précédente (voir CCPR/C/JPN/CO/5, par. 9) et recommande à l ’ État partie d ’ envisager de nouveau la possibilité de mettre en place une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante, disposant d ’ un large mandat dans le domaine des droits de l ’ homme, et de la doter de ressources financières et humaines suffisantes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale, annexe).

Égalité des sexes

Le Comité est préoccupé par le refus persistant de l’État partie de modifier les dispositions discriminatoires du Code civil qui font interdiction aux femmes de se remarier dans les six mois qui suivent un divorce, et qui instaurent, pour le mariage, un âge minimum différent selon qu’il s’agit de l’homme ou de la femme, au motif que cela risquerait d’éroder les fondements de l’institution du mariage et ceux de la famille (art. 2, 3, 23 et 26).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les stéréotypes concernant les rôles respectifs des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société ne servent pas à justifier des violations du droit des femmes à l ’ égalité devant la loi. L ’ État partie devrait donc prendre d ’ urgence des mesures pour modifier le Code civil en conséquence.

Tout en saluant l’adoption du troisième Plan fondamental pour l’égalité des sexes, le Comité est préoccupé par le faible impact de ce plan au vu de la faible proportion de femmes au sein des organes politiques. Il regrette le manque d’informations concernant la participation des femmes appartenant à des minorités, notamment des femmes burakus, au sein des organes de décision. Il est préoccupé par les informations reçues selon lesquelles 70 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes et celles-ci gagnent en moyenne 58 % du salaire versé aux hommes pour un travail équivalent. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence de sanctions contre le harcèlement sexuel et par le licenciement de femmes au motif de la grossesse ou de la naissance d’un enfant (art. 2, 3 et 26).

L ’ État partie devrait surveiller et évaluer efficacement l ’ état d ’ avancement du troisième Plan fondamental pour l ’ égalité des sexes, et prendre promptement des mesures pour améliorer la participation des femmes au secteur public, notamment des mesures temporaires spéciales telles que l ’ instauration de quotas réglementaires de femmes au sein des partis politiques. L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour évaluer et appuyer la participation des femmes appartenant à des minorités, y compris des femmes burakus, à la vie politique, promouvoir le recrutement de femmes sur des postes à temps plein et redoubler d ’ efforts pour combler les écarts de rémunération entre hommes et femmes. Il devrait aussi prendre les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale le harcèlement sexuel et interdire et sanctionner dûment les inégalités de traitement fondées sur la grossesse ou la naissance d ’ un enfant.

Violence sexiste et violence intrafamiliale

Le Comité regrette qu’en dépit de ses recommandations précédentes, l’État partie n’ait fait aucun progrès pour élargir la portée de la définition du viol dans le Code pénal, relever l’âge du consentement sexuel, actuellement fixé à 13 ans, et engager d’office des poursuites contre les auteurs de viols et autres violences sexuelles. Le Comité relève avec préoccupation que la violence intrafamiliale reste répandue, que la procédure d’émission d’ordonnances de protection est trop longue et que le nombre d’auteurs de telles violences qui font l’objet de poursuites est très faible. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la protection offerte aux couples de même sexe et aux femmes immigrées est insuffisante (art. 3, 6, 7 et 26).

Conformément aux recommandations précédente du Comité (voir CCPR/C/JPN/CO/5, par. 14 et 15), l ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour engager d ’ office des poursuites contre les auteurs de viols et autres crimes de violence sexuelle, relever sans tarder l ’ âge du consentement aux relations sexuelles, et revoir les éléments constitutifs de l ’ infraction de viol, conformément au troisième Plan fondamental pour l ’ égalité des sexes. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour veiller à ce que tous les signalements d ’ actes de violence intrafamiliale, y compris au sein de couples de même sexe, fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie, que les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines appropriées, et que les victimes aient accès à un dispositif de protection approprié, notamment en prenant des mesures de protection d ’ urgence et en évitant que les immigrées qui sont victimes de violence sexuelle ne perdent leur titre de séjour.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de harcèlement social et de stigmatisation des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et par les dispositions discriminatoires qui excluent les couples de même sexe du système de logement géré par les municipalités (art. 2 et 26).

L ’ État partie devrait adopter une législation complète contre la discrimination, qui porte interdiction de la discrimination, quel qu ’ en soit le motif, y compris celle fondée sur l ’ orientation sexuelle ou l ’ identité de genre, et qui garantisse aux victimes de discrimination des recours utiles et appropriés. Il devrait renforcer les actions de sensibilisation qu ’ il mène pour lutter contre les stéréotypes et les préjugés à l ’ égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, engager des enquêtes sur les allégations de harcèlement à l ’ égard de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et prendre les mesures voulues pour prévenir de tels stéréotypes, préjugés et harcèlements. Il devrait également lever les dernières restrictions en ce qui concerne les critères d ’ admissibilité appliqués envers les couples de même sexe s ’ agissant des services de logement gérés par les municipalités .

Incitations à la haine et discrimination raciale

Le Comité se dit préoccupé par la fréquence des discours racistes ciblant les membres de groupes minoritaires tels que les Coréens, les Chinois ou les Burakumin, qui sont autant d’incitations à la haine et à la discrimination à leur égard, et par le fait que ces personnes sont insuffisamment protégées contre de tels actes par le Code pénal et le Code civil. Le Comité se dit aussi préoccupé par le nombre élevé de manifestations extrémistes autorisées, le harcèlement et la violence dont font l’objet les membres de minorités, y compris les étudiants étrangers, ainsi que par l’affichage, dans des établissements privés, de panneaux mentionnant «Réservé aux Japonais» (art. 2, 19, 20 et 27).

L ’ État partie devrait interdire toute propagande faisant l ’ apologie de la supériorité raciale ou de la haine qui incite à la discrimination, à l ’ hostilité ou à la violence, ainsi que les manifestations organisées dans le but de diffuser une telle propagande. L ’ État partie devrait aussi allouer des moyens suffisants pour la conduite de campagnes de sensibilisation contre le racisme et redoubler d ’ efforts pour faire en sorte que les juges, les procureurs et les fonctionnaires de police possèdent la formation voulue pour être à même de détecter les crimes de haine et les crimes à motivation raciale. L ’ État partie devrait aussi prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir les agressions racistes et veiller à ce que leurs auteurs présumés fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et de poursuites et, s ’ ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines appropriées.

Peine de mort

Le Comité demeure préoccupé par le fait que plusieurs des 19 infractions passibles de la peine capitale sont contraires à l’obligation énoncée dans le Pacte de limiter la peine de mort aux «crimes les plus graves»; il note avec inquiétude que les condamnés à mort sont placés en isolement cellulaire pendant des périodes qui peuvent aller jusqu’à quarante ans avant l’exécution, et qu’ils sont exécutés sans avis préalable donné à eux-mêmes ou à leur famille concernant le jour de l’exécution. Il note également que la confidentialité des entretiens entre les condamnés à mort et leur avocat n’est pas garantie, que l’examen de santé mentale visant à déterminer si le condamné à mort se trouve «dans un état de démence» n’est pas indépendant, et que les demandes de révision ou de grâce n’ont pas d’effet suspensif et ne sont pas efficaces. Selon les informations disponibles, la peine de mort a été prononcée à diverses reprises sur le fondement d’aveux forcés, notamment dans l’affaire d’Iwao Hakamada (art. 2, 6, 7, 9 et 14).

L ’ État partie devrait:

a) Envisager dûment d ’ abolir la peine de mort ou, à titre subsidiaire, limiter les infractions passibles de la peine de mort aux crimes les plus graves entraînant mort d ’ homme;

b) Veiller à ce que le régime de la peine capitale ne constitue pas une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, en prévenant suffisamment tôt le condamné à mort et sa famille de la date et du moment prévus de l ’ exécution, et en n ’ imposant l ’ isolement cellulaire au condamné à mort que dans des cas exceptionnels et pour une durée strictement limitée;

c) Renforcer immédiatement les garanties juridiques contre les condamnations à mort prononcées à tort, notamment en garantissant à la défense le plein accès à toutes les pièces du dossier d ’ accusation et en veillant à ce que les aveux obtenus par la torture ou les mauvais traitements ne soient pas invoqués comme preuve;

d) À la lumière des observations finales précédentes (CCPR/C/JPN/CO/5, par.  17), mettre en place un système obligatoire et efficace de réexamen dans les affaires de condamnation à mort, comprenant des demandes de révision ou de grâce à l ’ effet suspensif, et garantir la confidentialité de tous les entretiens entre le condamné à mort et son avocat portant sur la révision du procès;

e) Instaurer un dispositif indépendant d ’ examen de la santé mentale des condamnés à mort;

f) Envisager d ’ adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.

Pratiques d’esclavage sexuel subies par les «femmes de réconfort»

Le Comité est préoccupé par la position contradictoire de l’État partie, qui affirme d’une part que les «femmes de réconfort» n’ont pas été enlevées de force par l’armée japonaise en temps de guerre, mais soutient d’autre part que le «recrutement, le transport et le traitement» de ces femmes dans des centres de réconfort se faisaient, dans de nombreux cas, contre leur volonté, l’armée ou des entités agissant en son nom faisant usage de la coercition ou de l’intimidation. Le Comité considère que le fait que ces actes aient été effectués contre la volonté des victimes est suffisant pour que ceux-ci soient qualifiés de violation des droits de l’homme entraînant la responsabilité juridique directe de l’Étatpartie. Il note aussi avec préoccupation qu’il arrive que celles qui ont été des «femmes de réconfort» soient ensuite victimes d’atteintes à leur réputation, notamment de la part d’agents de l’État, atteintes qui sont parfois encouragées par la position équivoque de l’État partie. Il tient compte des informations selon lesquelles toutes les demandes de réparation présentées par les victimes devant les tribunaux japonais ont été rejetées et toutes les plaintes devant donner lieu à une enquête pénale et à des poursuites contre les auteurs ont été rejetées au motif de la prescription. Le Comité considère que cette situation fait apparaître une violation persistante des droits de l’homme des victimes et révèle l’absence de voies de recours efficaces pour ces victimes de violations anciennes des droits de l’homme (art. 2, 7 et 8).

L ’ État partie devrait prendre des mesures législatives et administratives immédiates et efficaces pour:

a) F aire en sorte que toutes les allégations relatives à l ’ esclavage sexuel ou à d ’ autres violations des droits de l ’ homme perpétrées par l ’ armée japonaise en temps de guerre contre les «femmes de réconfort» fassent l ’ objet d ’ enquêtes efficaces, indépendantes et impartiales, et que leurs auteurs soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, sanctionnés;

b) G arantir l ’ accès à la justice et à des moyens de réparation à toutes les victimes et aux membres de leur famille;

c) D ivulguer toutes les preuves disponibles;

d) Faire connaître les faits aux étudiants et à l ’ ensemble de la population, notamment en les décrivant correctement dans les manuels scolaires;

e) P résenter publiquement des excuses et reconnaître officiellement la responsabilité de l ’ État partie;

f) C ondamner toute tentative de diffamation à l ’ égard des victimes ou de négation des faits.

Traite des êtres humains

Le Comité salue l’action menée par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains, mais il demeure préoccupé par la persistance de ce phénomène, ainsi que par le nombre réduit de peines d’emprisonnement prononcées pour traite de personnes, le fait qu’aucun responsable de travail forcé n’a été traduit devant les tribunaux, la diminution du nombre de victimes de la traite identifiées et le manque d’appui en faveur des victimes (art. 8).

Conformément aux observations finales précédentes du Comité (voir CCPR/C/JPN/CO/5, par. 23), l ’ État partie devrait:

a) Renforcer les procédures de repérage des victimes, particulièrement en ce qui concerne les victimes du travail forcé, et assurer une formation spécialisée dans ce domaine à tous les agents de la force publique, y compris les inspecteurs du travail;

b) S ’ employer avec détermination à mener des enquêtes et à poursuivre les auteurs de tels actes et, lorsqu ’ ils sont condamnés, leur imposer des peines adaptées à la gravité des actes commis;

c) Renforcer les mesures de protection des victimes, notamment en assurant des services d ’ interprétation et un appui juridique pour les questions d ’ indemnités.

Programme de stages techniques

Le Comité note avec inquiétude que, malgré la modification législative par laquelle le droit du travail s’applique aussi aux étrangers apprentis ou stagiaires internes, il y aurait encore un grand nombre de cas d’abus sexuels, de décès liés au travail et de conditions constitutives de travail forcé dans le cadre des programmes de stages techniques (art. 2 et 8).

Conformément aux observations finales précédentes du Comité (voir CCPR/C/JPN/CO/5, par. 24), l ’ État partie devrait envisager sérieusement de remplacer le programme en place par un nouveau dispositif privilégiant le renforcement des capacités plutôt que le recrutement de travailleurs peu rémunérés. De même, il devrait augmenter le nombre d ’ inspections du travail, mettre en place un dispositif de plainte indépendant et mener des enquêtes efficaces, poursuivre les coupables et imposer des sanctions en cas de traite à des fins de travail et d ’ autres violations du droit du travail.

Hospitalisation sans consentement

Le Comité est préoccupé par le grand nombre de personnes présentant un handicap mental qui sont hospitalisées selon des critères très larges, sans leur consentement et en l’absence d’un recours utile pour contester les violations de leurs droits; il note aussi avec inquiétude que, selon les informations dont il dispose, l’hospitalisation est prolongée sans nécessité, en raison de l’absence de services de remplacement (art. 7 et 9).

L ’ État partie devrait:

a) Augmenter le nombre de services, notamment locaux, disponibles pour les personnes présentant des handicaps mentaux;

b) Veiller à ce que l ’ hospitalisation forcée ne soit décidée qu ’ en dernier recours, pour la période appropriée la plus courte, et seulement lorsque cela s ’ avère nécessaire et proportionné aux fins de la protection de la personne en question contre les atteintes ou les dommages corporels à autrui;

c) Mettre en place un système de contrôle et de signalement efficace et indépendant dans les établissements de santé mentale, pour permettre d ’ enquêter de manière efficace sur les violences commises, de punir les auteurs et d ’ offrir réparation aux victimes et à leur famille.

Système de détention de substitution (Daiyo Kangoku) et aveux forcés

Le Comité regrette que l’État partie continue de justifier le recours au Daiyo Kangoku en invoquant le manque de ressources et l’efficacité de ce système, s’agissant des enquêtes pénales. Il demeure préoccupé par le fait que l’absence du droit à la libération sous caution ou à un avocat commis d’office avant l’acte d’accusation renforce le risque de l’obtention d’aveux forcés dans le Daiyo Kangoku. Le Comité se dit aussi préoccupé par l’absence de règles strictes concernant les interrogatoires et note avec regret la portée limitée de l’enregistrement vidéo obligatoire des interrogatoires proposé dans le «Rapport sur le plan de réforme» 2014 (art. 7, 9, 10 et 14).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour abolir le système de détention de substitution ou garantir qu ’ il respecte pleinement toutes les garanties énoncées aux articles 9 et 14 du Pacte, notamment en faisant en sorte que:

a) Les solutions de substitution à la détention, telles que la libération sous caution, soient dûment envisagées pour la période de la détention avant jugement;

b) Le droit à un conseil soit garanti à tous les suspects dès leur arrestation et que le conseil de la défense soit présent durant les interrogatoires;

c) Des mesures législatives établissent un cadre strict en ce qui concerne les méthodes et la durée des interrogatoires, qui devraient être entièrement enregistrés par vidéo;

d) Un mécanisme d ’ examen des plaintes indépendant des commissions préfectorales de sécurité publique soit établi et habilité à procéder promptement à des enquêtes impartiales et efficaces sur les allégations de torture ou de mauvais traitements pendant les interrogatoires.

Expulsion et détention de demandeurs d’asile et d’immigrants sans papiers

Le Comité se dit préoccupé par les affaires de mauvais traitements lors d’opérations d’expulsion, qui auraient abouti au décès d’une personne en 2010. Il est également préoccupé de constater que, malgré la modification de la loi relative au contrôle de l’immigration et à la reconnaissance du statut de réfugié, le principe de non‑refoulement n’est pas efficacement mis en œuvre dans la pratique. De même, il note avec inquiétude qu’il n’y a pas de mécanisme de recours indépendant à l’effet suspensif contre les décisions négatives concernant l’asile, et est préoccupé par les périodes prolongées de rétention administrative sans motif valable et sans examen indépendant de la décision de rétention (art. 2, 7, 9 et 13).

L ’ État partie devrait:

a) Prendre toutes les mesures voulues pour que les migrants ne soient pas soumis à des mauvais traitements lors de leur expulsion;

b) Faire en sorte que toutes les personnes qui demandent la protection internationale disposent de procédures équitables de détermination et de protection contre le refoulement et aient accès à une voie de recours indépendante assortie d ’ un effet suspensif en cas de décision négative;

c) Prendre l es mesures voulues pour que la r étention ne soit décidée que pour la période appropriée la plus courte et uniquement si les solutions autres que la rétention administrative ont été dûment examinées et que les migrants ont la possibilité d ’ introduire un recours pour qu ’ il soit statué sur la légalité de leur rétention.

Surveillance des musulmans

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’une surveillance généralisée des musulmans par les agents des forces de l’ordre (art. 2, 17 et 26).

L ’ État partie devrait:

a) Dispenser une formation aux forces de l ’ ordre de façon à les sensibiliser aux différentes cultures et à l ’ inadmissibilité du profilage racial, y compris la surveillance généralisée des musulmans par les agents des forces de l ’ ordre;

b) Veiller à ce que les personnes touchées aient accès à des recours utiles en cas d ’ atteinte à leurs droits.

Enlèvement et reconversion forcés

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’enlèvements et de séquestration de convertis à de nouvelles religions par des membres de leur famille qui veulent les déconvertir (art. 2, 9, 18, 26).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour garantir le droit de chacun de ne pas être soumis à une coercition l ’ empêchant d ’ exercer sa liberté d ’ avoir ou d ’ adopter une religion ou une conviction.

Restriction des libertés fondamentales au motif du «bien-être public»

Le Comité redit la préoccupation que lui inspire le fait qu’étant vague et imprécise, la notion de «bien-être public» peut permettre des restrictions allant au-delà de celles qui seraient acceptables en vertu du Pacte (art. 2, 18 et 19).

L ’ État partie rappelle ses observations finales précédentes (voir CCPR/C/JPN/CO/5, par. 10) et invite instamment l ’ État partie à n ’ imposer aucune restriction aux droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou à la liberté d ’ expression qui ne respecte pas les conditions strictes énoncées au paragraphe 3 des articles 18 et 19.

Loi relative à la protection de certaines catégories de données secrètes

Le Comité est préoccupé par l’adoption récente de la loi sur la protection de certaines catégories de données secrètes, qui comporte une définition vague et vaste des domaines qui peuvent être classés secrets et des conditions générales de classement de ces données et établit des sanctions pénales sévères qui risquent d’avoir un effet dissuasif sur l’activité des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme (art. 19).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que la loi relative à la protection de certaines catégories de données secrètes et son application respectent strictement les dispositions de l ’ article 19 du Pacte, notamment en faisant en sorte que:

a) Les catégories de données classées secrètes soient définies avec précision et que toute restriction au droit de chercher des informations, d ’ en recevoir ou d ’ en diffuser respecte les principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité applicables pour prévenir une menace précise et identifiable à la sécurité nationale;

b) Nul ne soit puni pour avoir diffusé des informations sur des questions d ’ intérêt public légitime ne portant pas atteinte à la sécurité nationale.

Catastrophe nucléaire de Fukushima

Le Comité est préoccupé par le risque que le seuil élevé du niveau d’exposition établi par l’État partie à Fukushima et sa décision de supprimer certaines des zones d’évacuation ne laissent pas d’autre choix à la population que de retourner dans des zones hautement contaminées (art. 6, 12 et 19).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la vie des personnes touchées par la catastrophe nucléaire de Fukushima et ne pas lever la désignation de s zones contaminées comme zones d ’ évacuation tant que le niveau de radiation met les résidents en danger. Il devrait surveiller les niveaux de radiation et porter cette information à la connaissance des populations concernées dans les meilleurs délais.

Châtiment corporel

Le Comité constate que le châtiment corporel n’est interdit explicitement qu’à l’école et est préoccupé par sa fréquence et son acceptation par la société (art. 7 et 24).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pratiques, notamment d ’ ordre législatif, le cas échéant, pour mettre un terme aux châtiments corporels en toutes circonstances. Il devrait encourager le recours à des méthodes de discipline non violentes pour remplacer le châtiment corporel et mener des campagnes d ’ information pour sensibiliser la population aux effets néfastes de cette pratique.

Droits des peuples autochtones

Le Comité salue la reconnaissance des Aïnous en tant que groupe autochtone, mais rappelle la préoccupation que lui inspire la constatation que ce n’est pas encore le cas des natifs des Ryukyu et d’Okinawa, et que les droits de ces groupes sur leurs terres et ressources traditionnelles et le droit de leurs enfants d’être scolarisés dans leur langue, eux non plus, ne sont toujours pas reconnus (art. 27).

L ’ État partie devrait prendre des mesures supplémentaires visant à réviser sa législation de façon à garantir sans réserve les droits des Aïnous, et des natifs des Ryukyu et d ’ Okinawa sur leurs terres traditionnelles et leurs ressources naturelles, en garantissant le respect de leur droit de participer librement et de façon informée à des consultations préalables à l ’ élaboration des politiques qui les touchent et à faciliter, dans la mesure du possible, la scolarité de leurs enfants dans leur propre langue.

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son sixième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir au Comité, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 13, 14, 16 et 18 ci-dessus.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir au plus tard le 31 juillet 2018, des informations actualisées et précises sur la mise en œuvre de toutes ses recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Le Comité demande aussi à l’État partie d’engager de larges consultations avec la société et les organisations non gouvernementales lorsqu’il élaborera son prochain rapport périodique.