NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/RWA/CO/3

7 mai 2009

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-quinzième sessionNew York, 15 mars- 3 avril 2009

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT Á L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

RWANDA

Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique du Rwanda (CCPR/C/RWA/3) à ses 2602 e, 2603 e  et 2604 e séances, les 18 et 19 mars 2009 (CCPR/C/SR.2602, 2603 et 2604). Il a adopté les observations finales ci-après à sa 2618 e  séance (CCPR/C/SR.2618), le 30 mars 2009.

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du troisième rapport périodique du Rwanda et se félicite de l’occasion qui lui est ainsi offerte de renouer le dialogue avec l’État partie, tout en regrettant que le rapport ait été présenté avec plus de 15 ans de retard. Le Comité invite l’État partie à tenir compte de la périodicité établie par le Comité pour la présentation des rapports. Il est reconnaissant, par ailleurs, des informations que l’État partie a fournies sur sa législation, y compris dans les réponses écrites à sa liste des questions(CCPR/C/RWA/Q/3/Rev.1 et Add.1).

Le Comité note que l’État partie est toujours dans une période de reconstruction après le génocide de 1994 et les événements tragiques qui l’ont accompagné. Il exprime néanmoins sa préoccupation, malgré les progrès accomplis, au vu de l’instabilité de la situation actuelle en ce qui concerne la réconciliation au sein de la société rwandaise.

GE.09-42237 (F)

B. Aspects positifs

Le Comité note les efforts déployés par l’État partie pour renforcer la réconciliation au sein de la société et instaurer l’état de droit au Rwanda, notamment l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2003.

Le Comité note avec satisfaction l’abolition de la peine de mort dans l’État partie ainsi que la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.

Le Comité se félicite des progrès accomplis en ce qui concerne l’application de l’article 3 du Pacte, notamment en matière de représentation des femmes au Parlement, ainsi que de la prise en considération de cet article par la Cour suprême. Il engage l’État partie à redoubler d’efforts pour favoriser encore plus la participation des femmes à la vie publique et dans le secteur privé.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité regrette que le rapport de l’État partie et les réponses qu’il a faites par écrit à la liste de points à traiter qui lui avait été adressée ne comportent pas de renseignements factuels détaillés ni de statistiques qui lui permettraient d’évaluer dans quelle mesure les droits énoncés dans le Pacte sont respectés dans l’État partie. Le Comité considère que ces données sont essentielles à la réalisation du suivi de l’application du Pacte.

L’État partie devrait fournir des renseignements plus complets, y compris au moyen de statistiques pertinentes, sur la mise en œuvre de ses lois et dispositions administratives dans les différents domaines couverts par le Pacte.

Le Comité note avec satisfaction que, d’après le rapport de l’État partie, le Pacte a primauté sur le droit national et peut être invoqué devant les juridictions nationales. Il note cependant que le Pacte n’est pas suffisamment diffusé de sorte qu’il puisse être régulièrement invoqué devant les tribunaux et les autorités de l’État. (art. 2 du Pacte).

L'État partie devrait prendre des mesures afin de faire connaître le Pacte à l’ensemble de la population et principalement aux juges et ceux qui sont responsables de l’application de la loi. L’État partie devrait inclure des exemples détaillés de l’application du Pacte par les tribunaux nationaux dans son prochain rapport.

Tout en notant que la Constitution du Rwanda consacre l’égalité entre l’homme et la femme, le Comité constate avec préoccupation la discrimination existante à l’égard des femmes dans plusieurs domaines, notamment dans le cadre du Code civil et du Code de la famille, celui-ci consacrant le mari en tant que chef de la communauté conjugale. (art. 3 et 26 du Pacte)

Dans le cadre des projets de révision du Code civil et du Code de la famille, l’État partie devrait prendre des mesures afin d’éliminer les dispositions qui placent la femme en condition d’infériorité.

Le Comité note que le nombre de filles accédant à l’éducation secondaire et supérieure est inférieur à celui des garçons, notamment à cause de la persistance des attitudes traditionnelles concernant le rôle de la femme dans la société. (art. 3 et 26 du Pacte)

L’État partie devrait redoubler ses efforts afin de garantir aux filles et aux garçons un accès égal aux études, à tous les niveaux et dans toutes les formes d’enseignement. Il devrait également prendre des mesures afin de sensibiliser les familles à cette question.

Le Comité s’inquiète des informations faisant état de violences au sein de la famille dans le pays et de l’insuffisance des mesures prises par les pouvoirs publics à cet égard, notamment en matière de poursuites pénales et de prise en charge des victimes. (art. 3 et 7 du Pacte)

L’État partie devrait s’engager dans une politique de poursuite et de sanction de ces violences, en particulier en faisant parvenir des directives claires en ce sens à ses services de police. L’État partie devrait aussi se doter des instruments légaux appropriés et intensifier ses efforts de sensibilisation des services de police et de la population en général pour lutter contre ce phénomène.

Le Comité s’inquiète des rapports faisant état de cas de disparitions forcées et d’exécutions sommaires ou arbitraires au Rwanda, ainsi que de l’impunité dont semblent jouir les forces de l’ordre responsables de ces violations. Il est préoccupé par l’absence de renseignements de l’État partie sur la disparition de M. Augustin Cyiza, ancien président de la Cour de cassation, et de M. Leonard Hitimana, parlementaire du Mouvement démocratique républicain (MDR), sur lesquelles l’État partie n’a fourni aucun renseignement. (art. 6, 7, 9 du Pacte)

L’État partie devrait garantir que toutes les allégations de telles violations font l’objet d’enquêtes menées par une autorité indépendante et que les responsables de tels actes sont poursuivis et sanctionnés de manière appropriée. Une réparation effective, y compris une indemnisation adéquate, devrait être accordée aux victimes ou à leurs familles, conformément à l’article 2 du Pacte.

Le Comité demeure préoccupé par les cas des nombreuses personnes, y compris des femmes et des enfants, qui auraient été tuées en 1994 et au-delà, lors d’opérations de l’Armée patriotique rwandaise, ainsi que par le nombre restreint de cas qui auraient fait l’objet de poursuites et sanctions de la part des tribunaux rwandais. (art. 6 du Pacte)

L’État partie devrait prendre des mesures afin de garantir que des enquêtes sur ces actes sont menées par une autorité indépendante et que les responsables sont poursuivis et sanctionnés de manière conséquente.

Tout en se félicitant de l’abolition de la peine de mort en 2007, le Comité note avec préoccupation qu’elle a été remplacée par la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’un isolement cellulaire, ce qui constitue un traitement contraire à l’article 7 du Pacte.

L’État partie devrait mettre fin à la peine d’isolement cellulaire et garantir, que les personnes condamnées à perpétuité bénéficient des garanties de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, énoncées par les Nations Unies.

15. Le Comité est préoccupé par les informations faisaient état des conditions carcérales déplorables dans certaines prisons, notamment au regard de la situation sanitaire, de l’accès aux soins de santé et à l’alimentation. Il s’inquiète aussi du fait que la séparation entre les enfants et les adultes détenus, ainsi qu’entre les prévenus et les condamnés ne serait pas garantie. (art. 10 du Pacte)

L’État partie devrait adopter des mesures urgentes et efficaces pour remédier au surpeuplement dans les centres de détention et garantir des conditions de détention respectant la dignité des prisonniers, conformément à l’article 10 du Pacte. Il devrait mettre en place un système pour assurer que les prévenus soient séparés des condamnés, et les mineurs des autres détenus. L’État partie devrait en particulier prendre des mesures pour que l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus énoncées par l’ONU soit respecté.

16. Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles les autorités de Kigali procèderaient souvent à des arrestations au motif de vagabondage de personnes appartenant à des groupes vulnérables, tels que les enfants de rue, mendiants et travailleurs du sexe. Ces personnes seraient détenues en absence d’acte d’inculpation et dans des conditions matérielles précaires. (art. 9 du Pacte)

L’État partie devrait prendre des mesures afin de garantir qu’aucune personne ne soit détenue de manière arbitraire, notamment pour des raisons liées essentiellement à sa situation de pauvreté, et de supprimer de la législation pénale l’infraction de vagabondage.

17. Tout en prenant note des sérieux problèmes auxquels l’État partie doit faire face, l e Comité constate avec préoccupation que le système d’administration de la justice par les juridictions gacaca ne fonctionne pas conformément aux règles fondamentales relatives au droit à un procès équitable, notamment en ce qui concerne l’impartialité des juges et la protection des droits des accusés. Le manque de formation juridique des juges et les informations reçues faisant état de corruption demeurent, des sujets d’inquiétude pour le Comité, de même que l’exercice des droits de la défense et le respect du principe de l’égalité des armes, en particulier s’agissant de peines encourues pouvant aller jusqu’à trente ans de réclusion. (art. 14 du Pacte)

L’État partie devrait veiller à ce que tous les tribunaux et cours du pays fonctionnent conformément aux principes énoncés à l’article 14 du Pacte et le paragraphe 24 de l’observation générale nº 32 (2007) du Comité, sur le droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable. Ce texte prévoit que les tribunaux de droit coutumier ne peuvent rendre de jugements exécutoires reconnus par l’État, à moins qu’il ne soit satisfait aux prescriptions suivantes : procédures limitées à des questions de caractère civil et à des affaires pénales d’importance mineure, conformes aux prescriptions fondamentales d’un procès équitable et aux autres garanties pertinentes du Pacte. Les jugements de ces tribunaux doivent être validés par des tribunaux d’État à la lumière des garanties énoncées dans le Pacte et attaqués, le cas échéant, par les parties intéressées selon une procédure répondant aux exigences de l’article 14 du Pacte. Ces principes sont sans préjudice de l’obligation générale de l’État de protéger les droits, consacrés par le Pacte, de toute personne affectée par le fonctionnement de tribunaux de droit coutumier.

18. Le Comité s’inquiète du nombre très limité d’avocats dans le pays assurant une assistance juridique aux personnes détenues et considérées comme indigentes. (art. 14 du Pacte)

L’État partie devrait prendre des mesures en vue de garantir l’accès à l’assistance juridique gratuite pour ceux qui n’ont pas les moyens de se faire assister d’un défenseur, conformément à l’alinéa d du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte.

19. Tout en notant que les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe ne constituent pas une infraction au regard du droit pénal, le Comité est préoccupé par des projets de loi tendant à modifier cette situation. (art. 17 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait veiller à ce que toute reforme de sa loi pénale soit pleinement conforme aux articles 17 et 26 du Pacte.

20. Tout en prenant note des explications de l’État partie relatives au rôle de la presse lors des événements de 1994, le Comité relève avec préoccupation que des journalistes qui se sont montrés critiques vis-à-vis du Gouvernement seraient actuellement victimes d’intimidation ou d’actes d’agression de la part des autorités de l’État partie, et que certains auraient été inculpés de « divisionnisme ». Des agences de presse internationales auraient été menacées de la perte de leurs licences parce qu’elles emploient certains journalistes. (art. 19 du Pacte)

L’État partie devrait garantir l’exercice de la liberté d’expression à la presse et aux médias, ainsi qu’à tout citoyen. Il devrait s’assurer que toute restriction à l’exercice de leurs activités est compatible avec les dispositions du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte, et abandonner la répression d’actes dits de « divisionnisme ». Il devrait également engager des enquêtes sur les actes d’intimidation ou d’agression mentionnés ci-dessus et sanctionner les auteurs.

21. Le Comité considère préoccupant les obstacles qui seraient mis à l’enregistrement et à la liberté d’action des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme et des partis politiques d’opposition. (art. 19, 22, 25 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait faire le nécessaire pour permettre aux organisations non gouvernementales nationales de défense des droits de l’homme d’opérer sans entrave. Il devrait traiter tous les partis politiques sur un pied d’égalité et leur fournir des possibilités égales de poursuivre leurs activités légitimes, conformément aux dispositions des articles 25 et 26 du Pacte.

22. Malgré les informations fournies par l’État partie, le Comité s’inquiète de l’absence de reconnaissance de l’existence de minorités et peuples autochtones à l’intérieur du pays, ainsi que des informations faisant état de la marginalisation et discrimination dont les membres de la communauté Batwa seraient victimes. (art. 27 du Pacte)

L’État partie devrait prendre des mesures afin que les membres de la communauté Batwa soient protégés contre la discrimination dans tous les domaines, qu’ils disposent de moyens de recours efficaces à cet égard et que leur participation aux affaires publiques soit assurée.

23.L’État partie devrait faire largement connaître le texte de son troisième rapport périodique, des réponses écrites qu’il a apportées à la liste de points à traiter établie par le Comité et les présentes observations finales, notamment en les publiant sur le site Internet du Gouvernement et en mettant des exemplaires à disposition dans toutes les bibliothèques publiques.

24.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 12, 13, 14 et 17 ci-dessus.

25.Le Comité fixe au 10 avril 2013 la date à laquelle le quatrième rapport périodique du Rwanda devra lui être soumis. Il demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des renseignements concrets et à jour sur l’application de toutes ses recommandations et du Pacte dans son ensemble. Le Comité demande également à l’État partie de consulter la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays lors de l’élaboration du quatrième rapport périodique.

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