NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative

aux droits de l’enfant

Distr.

GÉNÉRAL E

CRC/C/70/Add.8

26 septembre 2000

FRANÇAIS

Original  : ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Deuxièmes rapports périodiques que les Etats parties doivent soumettre en 1998 *

Additif

LIBAN

[Original  : arabe]

[4 décembre 1998]

_____________________

* Pour le rapport initial soumis par le Gouvernement libanais, voir le document CRC/C/8/Add.23; pour l’examen du rapport initial par le Comité, voir les documents CRC/C/SR.282 à 284. Les observations finales du Comité sur le rapport initial sont reprises dans le document CRC/C/15/Add.54.

GE.00-44629

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Introduction 1 – 4 3

I. La condition de l’enfant au Liban : Cadre général de l’analyse 5 – 48 4

II. Définition de l’enfant 49 – 96 17

III. Les enfants du Liban : Principaux faits 97 – 121 31

IV. Politique des droits de l’enfant 122 – 184 42

V. Le droit à l’éducation 185 – 252 63

VI. Culture, loisirs et temps consacré au jeu 253 – 282 84

VII. État de santé des enfants au Liban 283 – 344 96

VIII. Les enfants handicapés au Liban 345 – 387 114

IX. Le travail des enfants au Liban 388 – 415 125

X. Les enfants dans les situations de conflit armé 416 – 456 139

XI. La violence contre les enfants et leur exploitation sexuelle 457 – 487 156

XII. Les enfants et les stupéfiants, le tabac et l’alcool 488 – 515 164

XIII. Délinquance juvénile et système judiciaire 516 – 542 172

XIV. Conclusion : Observations du Comité des droits de l’enfant 543 – 549 183

Etat récapitulatif

Introduction

1. En 1994, le Liban a établi un rapport initial sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il ne disposait alors d'aucune donnée statistique satisfaisante sur la population et la situation économique et sociale, car la guerre qui avait éclaté en 1975 avait amené les organismes officiels de statistique à interrompre leurs travaux. Cela dit, depuis 1994, des efforts ont été faits pour remédier à cette grave pénurie de données et le substrat statistique nécessaire pour rédiger la présente version du deuxième rapport périodique portant sur la période 1993-1998 a pu être ainsi fourni. Vu les renseignements détaillés et l’analyse que le lecteur trouvera dans ce rapport capital, ce dernier offrira aux autorités internationales compétentes un tableau précis de la condition de l’enfant au Liban tout en constituant également une bonne base pour élaborer la politique nationale propre à améliorer la situation.

2. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il y a lieu de faire deux observations à l’intention des organismes internationaux intéressés, et, en premier lieu, du Comité des droits de l’enfant à Genève.

3. Premièrement, la définition de l'enfant donnée dans la Convention relative aux droits de l'enfant est synonyme de mineur qui n'a pas atteint l'âge de la majorité (18 ans). Bien qu'il soit à la fois compréhensible et essentiel pour étendre la portée de la protection assurée aux enfants, conformément à la philosophie générale qui tend à développer la notion de droits de l'homme, de retenir une définition large, la pratique qui consiste à classer tous les moins de 18 ans dans un seul et même groupe et sous la même désignation revient à méconnaître l'existence de sous-groupes caractérisés par des traits cognitifs, psychologiques et sociaux qui s'accompagnent de besoins spécifiques et appellent des programmes distincts. C'est pourquoi, il faudrait, de l'avis du Liban, élargir la définition de l'enfant donnée dans la Convention pour y inclure les dimensions éducatives et psychosociales et préciser par ailleurs les différentes phases de l'enfance, que ce soit dans le corps même de la Convention ou dans ses annexes.

4. Deuxièmement, les progrès enregistrés dans la mise en oeuvre de la Convention sont liés à ceux réalisés dans l'instauration d'un climat mondial favorable et à la responsabilité des organes internationaux à cet égard. Les auteurs de la Convention ont à bon droit estimé que l'exercice des droits de l'enfant tel qu'ils l'envisageaient supposait que l'on s'engageât sur la voie de l'épanouissement de l'homme, tout en prenant les mesures voulues pour préserver l'environnement, résoudre le problème de la dette et en finir avec la pauvreté. Ils exhortaient aussi à juste titre les gouvernements à respecter leurs devoirs envers les enfants lorsqu'ils déterminaient les indicateurs permettant de jauger l'efficacité de l'action engagée dans ce domaine. Cela dit, on a le sentiment que les efforts consentis pour veiller à ce que les organismes internationaux assument leur part de responsabilité en offrant un climat mondial convenable pour les droits de l'enfant, en particulier lorsqu'ils se penchent sur les structures économiques et politiques internationales qui ont des répercussions néfastes sur la situation de millions d'enfants de pays en développement, restent insuffisants. Aussi le Liban appelle-t-il instamment l'attention dans son rapport sur le besoin impératif de s'arrêter sur cet aspect des choses.

CHAPITRE PREMIER

LA CONDITION DE L'ENFANT AU LIBAN :

CADRE GÉNÉRAL DE L'ANALYSE

1.1 Introduction

5. Les enfants occupent le terrain où se déroulent victoires et défaites au côté même des adultes qui en sont responsables. A l'aube du XXIème siècle, la civilisation peut se targuer de réussites aux plans de la connaissance, de la technologie, de la production, de l'économie, de la culture, des communications, etc., alors même que l'espèce humaine est assaillie de mille maux, qu'illustrent les exemples suivants :

- Malgré les progrès de la civilisation et de la culture, de nombreux pays continuent d'être déchirés par la guerre. La plupart des victimes sont des civils, en particulier des femmes et des enfants, dans une proportion bien plus élevée que lors des conflits classiques des décennies passées.

- Les bienfaits du progrès scientifique et technique et leurs conséquences sur la production et la croissance économique profitent encore surtout à un petit nombre de pays, tandis que la plupart des pays et des peuples qui représentent le monde en développement continuent de pâtir sous le fléau de la pauvreté, de la maladie et de l'analphabétisme.

- Dans la mesure où elle a unifié le monde et raccourci les distances géographiques, la mondialisation a accouché d'une planète qui vit à deux vitesses, l'écart se creusant d'année en année pour faire de l'aliénation et de la marginalisation un phénomène répandu à la surface du globe comme à l'échelle nationale.

6. Des pays, des peuples et souvent même des continents entiers comptent parmi les victimes de ce système de développement de la civilisation. Les autres victimes sont des groupes nombreux de population qualifiés souvent de faibles, vulnérables, opprimés, aliénés, marginalisés et autres épithètes de même nature, tous qualificatifs récents qui traduisent ce phénomène nouveau auquel il a déjà été fait allusion et qui a envahi pratiquement tous les pays du monde. Il est désormais admis que les enfants figurent parmi ces groupes de malheureux de notre monde d'aujourd'hui, avec les femmes, les personnes âgées, les handicapés, les jeunes, les pauvres, les personnes déplacées, les peuples autochtones, les minorités, etc.

7. Le fait que des groupes de population extrêmement nombreux comme les enfants (et les femmes) fassent partie des groupes évoqués ci-dessus est à la fois frappant et extrêmement significatif vu l'effet profond et à long terme que cela aura sur le développement futur des générations à venir. On peut en imputer la cause à un certain nombre de facteurs, tout d'abord la place prédominante que les valeurs du profit matériel ont acquise ces dernières années au détriment d'autres valeurs que l'homme avait mis des milliers d'années à affiner. Au cours des deux dernières décennies, par exemple, toutes les dimensions sociales et humaines de la vie et toutes les activités communément considérées comme "improductives" sont devenues secondaires si elles s'avèrent incompatibles avec la poursuite d'objectifs économiques de croissance. Si l'on veut apprécier pleinement la valeur actuelle et future des enfants, il est indispensable de s'écarter des conceptions traditionnelles du développement et d'en venir à la philosophie moderne qui accorde la priorité aux personnes et à la société afin de répondre aux exigences d'un développement durable et suivi.

8. La Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement des enfants (1990) 1 , ayant constaté ce lien entre la condition de l'enfant, la situation mondiale en général et celle de chaque pays pris individuellement, stipulait que les Etats Membres devraient s'engager à suivre le programme en 10 points suivant, qui vise à  :

i) promouvoir la ratification et la mise en oeuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant;

ii) améliorer l'état de santé des enfants, réduire les taux de mortalité et promouvoir l'accès aux moyens d'assainissement;

iii) éliminer la faim, la malnutrition et la famine;

iv) renforcer le rôle des femmes et favoriser une planification familiale rationnelle;

v) s'attacher à faire respecter le rôle que jouent les familles en subvenant aux besoins de leurs enfants;

vi) réduire l'analphabétisme et permettre à tous les enfants de s'instruire;

vii) améliorer le sort tragique de millions d'enfants, qu'ils soient victimes de l'apartheid et de l'occupation étrangère, orphelins, enfants de la rue, déplacés, victimes de catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme, handicapés ou victimes de mauvais traitements, socialement désavantagés ou exploités;

viii) protéger les enfants du fléau de la guerre et des conflits armés et promouvoir les valeurs de paix, de compréhension et de dialogue dans l'éducation des enfants;

ix) protéger l'environnement afin que les enfants puissent jouir d'un avenir plus sûr et plus sain;

x) lancer une attaque mondiale contre la pauvreté qui appelle le transfert de ressources supplémentaires vers les pays en développement, ainsi qu'une amélioration des termes de l'échange, une plus grande libéralisation du commerce et l'adoption de mesures en faveur d'un allègement de la dette. Cela nécessite également des ajustements structurels susceptibles de favoriser la croissance économique mondiale, en particulier dans les pays en développement, tout en garantissant le bien-être des secteurs les plus vulnérables de la société, notamment les enfants. 2

9. L'accent mis sur ce lien indique la gravité et le caractère intégré des politiques et des mesures à adopter pour améliorer la condition des enfants dans le monde et dans chaque pays au-delà de toute aspiration générale de nature purement morale. Aussi est-il capital de se pencher rapidement sur la situation sociale, économique et culturelle qui règne au Liban et qui peut servir de toile de fond à l'examen de la condition de l'enfant au Liban dans une perspective scientifique et réaliste.

1.2 Cadre économique, culturel et social général

10. Au Liban, la condition de l'enfant et l'approche retenue en vue de son développement sont l'une et l'autre déterminées par toutes sortes d'influences que l'on peut classer en trois groupes :

- Des influences socio-économiques : il s'agit notamment de politiques macro-économiques, de tendances dans les mouvements sociaux et de disparités sociales et régionales, de la disponibilité de ressources, des priorités de dépenses et d'investissement et du schéma qui prévaut dans l'exploitation des ressources naturelles et de la gestion des questions d'environnement.

- Des influences socio-culturelles : il s'agit notamment de la composition du tissu social, de la famille et des structures sociales traditionnelles, du système culturel et de l'échelle des valeurs, qui recouvre la religion, les coutumes, les traditions sociales et la morale, des caractéristiques et de l'efficacité du système d'enseignement et du rôle des médias.

- Des influences socio-politiques : il s'agit notamment de l'occupation israélienne, des agressions répétées, des effets de ces agressions, des conflits idéologiques et du problème persistant des déplacements causés par la guerre du Liban.

11. Pour éviter des détails et des répétitions inutiles, le présent rapport se contentera de traiter de quelques problèmes qui intéressent plus directement la condition de l'enfant au Liban, tant à l'heure actuelle qu'à l'avenir. Ces problèmes qui constituent l'arrière-plan de la situation actuelle, concernent entre autres les points suivants :

1. Caractéristiques du tissu social et attitude de la famille et de la société à l'égard des enfants;

2. Durabilité du type de croissance actuelle : la dette publique et la question de l'environnement;

3. Les conflits armés et leurs conséquences : la situation au Sud-Liban et à l'ouest de la Beqaa et la question des personnes déplacées.

1.2.1 Les enfants au regard du tissu social et de l'échelle des valeurs

12. Les structures et les relations traditionnelles continuent d'occuper une place importante bien établie dans le tissu social libanais, de même que dans le climat culturel et l'échelle des valeurs en vigueur. Elles constituent aussi un élément essentiel de la structure politique. En ce sens, elles exercent un impact direct sur la condition de l'enfant dans la mesure où les premières manifestations de ce schéma social traditionnel résident dans la fine distinction opérée entre le domaine public de la vie (qui embrasse l'activité politique, sociale, économique et législative) et le domaine privé qui embrasse, lui, la famille (et les relations intra-familiales), considérée comme le territoire sur lequel il est en général interdit aux personnes de l'extérieur de s'aventurer.

13. Par personnes de l'extérieur, on entend les pouvoirs publics et les autorités confessionnelles responsables du droit relatif au statut personnel, qui sont chargées de l'aspect le plus important des relations intra-familiales en rapport avec la condition de l'enfant et la protection de leurs droits fondamentaux. En revanche, la portée de l'action gouvernementale directe est limitée au droit à la nationalité, à la protection légale, aux mesures en faveur des jeunes et, dans les cas extrêmes, à l'intervention suite à une plainte émanant d'un membre de la famille ou d'un parent pour protéger l'enfant d'un préjudice qui lui est infligé chez lui. Là encore, il est à noter que, pour ce qui est du statut personnel, tant le droit civil que le droit confessionnel sont compatibles avec les valeurs et les traditions sociales qui

prévalent dans la mesure où la famille est considérée comme jouissant d'une inviolabilité particulière qui doit demeurer intangible, si ce n'est dans des circonstances particulières. Ils sont aussi compatibles avec l'idée prédominante que l'on se fait de la place de l'enfant au sein de la famille et des fonctions de chacun des membres de celle-ci et spécialement du rôle capital de décideur exercé par le chef du ménage, habituellement le père.

14. La famille constitue donc un domaine spécial soumis à un certain type de droit social coutumier qui s'applique tout spécialement aux enfants, lesquels ne sont pas encore considérés comme des citoyens dotés de droits qui leur permettent de jouir d'une compétence légale et sociale. Aussi leur comportement au quotidien est-il soumis à ce droit plus qu'à tout autre droit public, exception faite des cas spéciaux et des conflits dont il a déjà été question.

15. Il est indispensable de signaler ces caractéristiques pour appeler l'attention sur le fait que l'attitude envers les enfants est étroitement liée aux caractéristiques de la société concernée et à son héritage social et culturel. De plus, tout plan qui vise à protéger et accroître les droits des enfants passe inévitablement par le développement des attitudes des adultes envers les enfants et envers la famille et la société de sorte que la distinction nette entre la sphère familiale et la société dans son ensemble s'efface progressivement en fonction des convictions et attitudes nouvelles qui se forgent dans ce domaine.

16. S'agissant de la famille et de son rôle, une distinction s'impose entre deux cadres qui diffèrent quant à leur structure, leurs fonctions et leur effet sur les enfants. Le premier est celui de la famille nucléaire ("abrégée ci-après en "la famille") et le second la famille élargie. 3

17. La famille nucléaire est le type moderne du ménage. Composée d'une épouse, de son mari et de leurs enfants, elle est la plus petite unité de l'ordre social. Ses fonctions de base sont d'ordre éducatif et psychologique et, avec l'école, elle est considérée comme l'élément clef de l'éducation et de l'instruction des enfants jusqu'à ce qu'ils prennent leur indépendance. Assurant un environnement capital propre au développement physique, mental et social de l'enfant, la famille (nucléaire) est au cœur de ce que la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant et la Convention relative aux droits de l'enfant appellent soins et soutien. Au Liban, la famille remplit les fonctions souhaitées : elle nourrit et protège l'enfant et lui prodigue les soins et l'affection dont il a besoin pour pouvoir se développer et forger sa personnalité. En ce qui concerne l'essence et l'attribution des rôles au sein de la famille, on peut toutefois relever que sous l'influence du climat social et culturel ambiant, on attache plus d'importance au rôle des adultes et des hommes en particulier. De ce fait, de façon générale, l'enfant n'a pas son mot à dire dans les décisions qui affectent sa vie, comme l'heure de faire ses devoirs, de jouer, de manger ou d'aller se coucher, ni en matière de choix d'école ou de domaine de spécialisation et de choix d'amis, de jeux et d'activités de loisirs. Au contraire, ce sont les adultes qui opèrent normalement ces choix en fonction des ressources financières disponibles et de l'idée qu'ils se font de l'intérêt supérieur de l'enfant.

18. Par ailleurs, la tendance à favoriser les garçons se traduit par un traitement discriminatoire redoublé à l'égard des filles dans une famille. Il n'est pas exagéré de dire que pareil traitement est particulièrement évident dans le rôle que les filles assument en participant aux tâches ménagères, alors que les garçons peuvent jouer et profiter de leurs loisirs. Il faudrait toutefois indiquer qu'aucune des études menées dernièrement n'a relevé de distinction réelle au plan des droits fondamentaux, comme le droit à l'éducation, aux soins de santé et à l'alimentation. Enfin, il faudrait aussi noter qu'il est probablement quelque peu arbitraire de faire des généralisations à ce sujet puisque le comportement de la famille,

l'attribution des rôles et les attitudes à l'égard des enfants et de leur place dans la famille varient selon le niveau d'instruction, de la profession et des autres caractéristiques sociales des personnes qui ont la charge de la famille. La proportion de familles qui font leurs les critères modernes d'éducation des enfants, plus conformes à la lettre et à l'esprit de la Convention relative aux droits de l'enfant, ne cesse de croître, encore que l'on n'ait aucune donnée numérique permettant de chiffrer cette augmentation.

19. Il existe deux types de famille élargie. La première provient d'un accroissement pur et simple du nombre de membres de la famille nucléaire sans que ses fonctions d'éducation subissent le moindre changement particulier. La seconde s'entend d'une structure familiale composée du clan et perpétue en quelque sorte les structures tribales traditionnelles, qui lui sont transmises. Le rôle politique prend plus d'importance dans cette structure de "famille-tribu", qui est l'unité de base du système de représentation politique sectaire.

20. La guerre du Liban (1975-1990) a eu des effets contrastés sur la famille nucléaire. D'une part, des pressions menant à la désintégration ont commencé à se faire jour du fait de déplacements et de migrations forcés, le décès d'un membre de la famille, en particulier de celui qui subvient à ses besoins, de changement de lieu d'hébergement, de travail et d'études, des contraintes de la vie quotidienne etc. D'autre part, on a constaté une sorte de repli sur la famille en tant que milieu susceptible d'offrir protection et sécurité, ainsi qu'une renaissance de différentes formes de solidarité familiale comme moyen de surmonter le traumatisme de la guerre et de s'adapter aux pressions auxquelles la famille est exposée sur le plan de la sécurité et en matière politique et économique. L'expansion de ces rôles a renforcé le lien étroit entre la famille nucléaire et le premier type de famille élargie, soit parce que plusieurs membres plus ou moins éloignés ont rejoint la famille nucléaire, soit parce que la famille a partagé son logement ou s'est retrouvée logée à proximité d'autres membres en raison de la guerre et de la diminution des ressources économiques nécessaires pour garder son indépendance. Le lien étroit avec la structure de famille-tribu et le groupe confessionnel, tous deux jouissant outre de leur rôle politique susmentionné, des ressources voulues pour assurer protection et autres services, en est aussi sorti renforcé.

21. Ces changements survenus pendant la guerre et qui continuent de se produire à ce jour imposent un type de pression particulier sur les fonctions éducative et psychologique de la famille nucléaire, en particulier en ce qui concerne la condition de l'enfant. La famille nucléaire qui gère ses affaires en toute indépendance, offre une cohésion plus grande que la famille élargie lorsqu'il s'agit du développement et de l'éducation des enfants, car l'ingérence d'autres membres de la famille peut brouiller les règles de comportement et d'éducation. La famille élargie présente aussi le risque d'insister sur l'élément autoritaire de l'éducation aux dépens de l'élément amour et affection des parents.

22. Selon l'enquête de données statistiques sur la population et le logement 4 , on estime que les familles élargies et les familles nucléaires auxquelles viennent s'ajouter d'autres membres de la famille, représentent 13,2 % des familles résidentes et 17 % des enfants, par comparaison aux familles nucléaires, qui représentent 78 % des familles et 82 % des enfants.

23. Les valeurs et les institutions du cadre familial recoupent naturellement celles du cadre religieux et confessionnel. Le cadre religieux occupe une place extrêmement importante dans l'échelle des valeurs, attendu que la famille et la société dans son ensemble sont saturées de valeurs et d'idées religieuses sur la famille, les rôles de la famille et les enfants. La famille est donc une composante organique vitale de la culture ambiante, ce qui s'accompagne d'éléments extrêmement positifs (accent mis sur les valeurs d'affection et de tolérance, sur l'innocence et la pureté des enfants et sur la nécessité de veiller à leur

protection et à leur bien-être). Il n'en demeure pas moins qu'elle présente aussi des aspects négatifs. Le lien immédiat entre relations intra-familiales, attitudes et religion par exemple ménage une flexibilité moindre pour traiter des questions d'ordre familial car il est plus difficile d'adapter la législation, les idées et les attitudes aux sciences modernes de l'éducation à cause de l'emprise de notions religieuses implicites.

24. Le recoupement avec le cadre confessionnel est essentiellement de caractère institutionnel. En effet, outre leur rôle judiciaire en matière de statut personnel, les groupes confessionnels assurent des services sociaux grâce à un réseau étendu d'institutions actives dans les domaines de la santé et de l'éducation et d'organisations non gouvernementales qui travaillent dans les secteurs de la protection sociale, des secours et du développement. Par conséquent, ils occupent souvent une place à mi-chemin entre la famille et la société. De plus, ils participent directement à l'éducation au moyen de leurs programmes scolaires et institutions d'enseignement.

25. Pour résumer, on peut dire que les enfants libanais sont élevés au sein de la famille nucléaire, laquelle exerce nécessairement son influence. Elle n'est pourtant pas seule à jouer ce rôle puisqu'elle le partage avec trois autres institutions, à savoir la famille élargie, l'école et le groupe confessionnel. Ces institutions remplissent la fonction qui leur est assignée dans un milieu social et culturel affecté par toutes sortes de facteurs, allant de la politique nationale aux influences économiques et sociales qui pèsent sur la vie familiale et induisent des changements volontaires ou non dans les fonctions, droits et attitudes de chacun des membres de la famille, en passant par les traditions sociales et les tendances culturelles actuelles.

Le groupe confessionnel La famille L'école Facteurs économiques Facteurs qui influencent l’éducation des enfants au Liban

Politiquegouvernementale La famille Famille élargie Culture traditionnelleele Tendances modernes de l’éducation Le groupeconfessionnel L’enfant L’école facteurs économiques

1.2.2 Ressources économiques disponibles et priorités quant à leur affectation

26.Pour progresser dans l'observation des exigences tant de la lettre que de l'esprit de la Convention relative aux droits de l'enfant, il faut remplir deux conditions : la première consiste à se procurer les ressources économiques nécessaires pour s'acquitter des engagements qui découlent de la Convention et la seconde à veiller à ce qu'il existe la volonté politique de le faire. Le meilleur moyen d'indiquer qu'il y a bien volonté politique consiste à attribuer suffisamment de ressources au respect des droits de l'enfant et de l'intérêt présent et futur de l'enfant, considéré comme prioritaire.

27. Le Liban est sorti d'une longue guerre qui a duré de 1975 à fin 1990 et a laissé de profondes marques sur la société, comme sur l'Etat, l'économie et le peuple. Suffisamment d'années se sont écoulées depuis la fin des opérations militaires pour que les Libanais s'engagent pleinement dans la reconstruction de leur pays et de leur société, cherchant, animés par l'espoir, à régler leurs problèmes et à améliorer leur niveau de vie aussi rapidement que possible. Certes, les années de guerre ne sauraient être tenues responsables de tous les problèmes que rencontrent aujourd'hui les Libanais qui ferment les yeux sur les déséquilibres structurels qui ont contribué à l'explosion et à la poursuite du conflit. Néanmoins ce serait tout autant manquer d'objectivité que d'ignorer l'impact profondément négatif de ces années car il est plus difficile de s'attaquer à leurs effets économiques, sociaux et psychologiques que de mettre un terme à des opérations militaires et cela exige une perspective à plus long terme.

28.Dans ce contexte, nous passerons rapidement en revue les principales caractéristiques du cadre économique global dans lequel la condition de l'enfant s'est inscrite au cours des années 1993-1998. Nous examinerons aussi la politique gouvernementale telle qu'elle se manifeste moyennant le schéma de répartition des ressources disponibles aux affaires sociales en général et aux questions concernant les enfants en particulier, grâce aux données dont nous disposons maintenant.

29. Ce n'est pas ici le lieu pour s'attarder sur les pertes humaines et économiques causées par la guerre. Il suffit de dire que les pertes matérielles ont été estimées à 25 milliards de dollars et que le produit intérieur brut au lendemain de l'arrêt des opérations militaires, en 1992, était des deux tiers inférieur au niveau atteint en 1974. L'indice le plus marquant de l'appauvrissement généralisé des Libanais réside dans l'effondrement du taux de change de la monnaie nationale, conjugué à des taux d'inflation élevés pendant la deuxième moitié des années 80, qui étaient en moyenne de 120 % par an et ont atteint le taux record de 400 % en 1987.

30. Depuis octobre 1992, les gouvernements qui se sont succédé ont dû assumer cet héritage et préparer le pays à répondre aux défis du futur alors même que le climat mondial n'était pas des plus favorable. C'est pourquoi ils se sont efforcés de mener à bien cette double tâche, aux objectifs souvent contradictoires, de susciter une renaissance économique d'un côté et de sauvegarder la stabilité économique et monétaire de l'autre, tout en ajustant les besoins, à juste titre croissants, et les aspirations énormes des Libanais aux ressources économiques disponibles afin de parvenir à la croissance durable indispensable à toute économie moderne 5 .

31. Pour relever ces défis complexes, le projet de reconstruction et de renaissance économique reposait sur de gros investissements publics dans l'infrastructure économique libanaise destinés à créer un environnement propice à la croissance économique. Des mesures financières et monétaires ont aussi été prises pour contrôler les liquidités et l'inflation et s'attaquer au déficit public qui avait commencé à s'accumuler pendant les années de guerre. Mais cet ambitieux programme s'est heurté à un certain nombre d'écueils, car pour atteindre ces objectifs, le gouvernement a été contraint d'augmenter les dépenses publiques, accroissant du même coup le déficit budgétaire, d'où l'augmentation de la dette publique. Or à

ce moment-là, le financement extérieur disponible n'a pas répondu aux attentes ou aux conditions escomptées. De plus, les ressources intérieures étaient limitées dans un pays qui sortait à peine d'une longue guerre. Les périodes d'instabilité politique, tant intérieure que régionale, et les deux guerres en particulier qu'Israël a livrées au Liban en juillet 1993 et avril 1996, ont considérablement enrayé la croissance et retardé la réalisation des moyennes prévues.

32. Quoiqu'il en soit, le programme économique du gouvernement a eu d'excellents résultats : les taux de croissance ont atteint 6,5 % en moyenne, les taux de change se sont stabilisés, les taux d'inflation sont tombés de plus de 120 % par an à moins de 10 %, les taux d'intérêt ont chuté progressivement, la Banque du Liban a accumulé de grosses réserves de devises etc. 6

33. A partir de 1992, les gouvernements successifs ont donc continué à considérer le déficit budgétaire et l'augmentation consécutive de la dette publique comme le principal obstacle à la réussite de leur projet. De ce fait, ils ont constamment cherché à resserrer les budgets pour limiter les dépenses inutiles et augmenter les recettes publiques. Différents facteurs externes et internes ont néanmoins empêché parfois ces efforts de porter leurs fruits.

Quelques indicateurs économiques, 1992-1998

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Croissance nominale du PIB

(en millions de dollars)

5 540

7 537

9 110

11 122

12 996

14 957

-

Croissance du PIB

(en pourcentage)

4,5

7

8

6,5

4

4

-

Déficit budgétaire effectif

(en pourcentage)

48,7

38,5

56,9

48,2

51,7

59

41,9

(est.)

Part du déficit par rapport au PNB

11,4

8,9

19,4

15,7

18,8

23,5

-

Balance des paiements

(en millions de dollars)

54

1 169

1 131

256

786

420

-

Avoirs de la Banque du Liban

(en millions de dollars)

1 448

2 220

3 840

4 487

5 886

5 932

-

Taux d'inflation

(en pourcentage)

120

29,1

8

10,6

8,9

7,8

-

Taux de change à la fin de la période

1 838

1 711

1 648

1 596

1 552

1 527

-

Dette publique nette

(en milliards de livres libanaises)

4 383

5 138

8 127

11 399

16 266

22 006

-

Service de la dette par rapport

au montant total des dépenses

32,3

26

28,6

32

36,7

36,9

40,4

(est.)

est. = chiffre estimatif

Source  : Projet de budget pour 1998.

(Les sections non surlignées donnent les indicateurs et les résultats positifs obtenus, tandis que les grises donnent les indicateurs négatifs et montrent les difficultés qui ont empêché d'atteindre les objectifs fixés.)

34.L'intérêt de cette analyse pour le sujet à l'examen dans le présent rapport tient à ce que les secteurs sociaux sont touchés par la baisse des ressources et les priorités fixées en matière d'affectation. Il ressort aussi de ce qui précède que la plupart des bons résultats obtenus se concentrent dans le domaine de la stabilité financière et monétaire et la lutte contre l'inflation. La lutte contre l'inflation en particulier a un effet positif direct sur l'amélioration des niveaux de vie en protégeant la valeur de la monnaie nationale. De plus, les gouvernements successifs ont tenté d'éviter de faire porter aux secteurs publics un fardeau

trop lourd en leur infligeant austérité et service de la dette. A cet égard, il est utile d'analyser les dépenses publiques globales des années 1993-1998, dont les prêts extérieurs utilisés pendant les cinq dernières années. Après avoir calculé la part en pourcentage du service de la dette publique à supporter par chaque poste de dépenses, on obtient la ventilation suivante  :

- 16 % pour le service du solde de la dette accumulée dès avant 1993 et jusqu'à 1997;

- 51 % pour les dépenses sociales, éducatives, de santé et de sécurité, y compris les salaires, les traitements et les primes des employés et retraités des départements et institutions du secteur public, ainsi que les augmentations au titre de ces postes;

- 26 % pour les dépenses d'investissement;

- 7 % pour la gestion des affaires courantes 7 .

35. Dans un tel classement, les postes inclus sous la rubrique "dépenses sociales" (salaires et traitements des employés) sont considérablement développés, ce qui explique leur part excessive (51 %). (On verra illustrées plus loin dans le présent rapport certaines des caractéristiques des dépenses publiques à travers les budgets annuels.) 8 Cela dit, les enquêtes et études nationales menées ces dernières années ont permis de procéder à un classement général des problèmes sociaux et de mesurer leur ampleur. Nous nous pencherons sur plusieurs des indicateurs qui donnent une idée des conditions sociales qui prévalent dans les secteurs spécialisés dans la santé et la nutrition de l'enfant, l'éducation, le niveau de vie etc.. Ces indicateurs non seulement montrent les progrès non négligeables réalisés dans plusieurs domaines cruciaux, mais révèlent également des faiblesses, insuffisances et disparités. Nous appellerons donc rapidement l'attention dans la présente section sur certains indicateurs sociaux préoccupants qui entrent pour beaucoup dans la vie et le développement des enfants. Le problème majeur, qui est aussi celui qui a le plus d'impact, tient à ce que le niveau de revenu des ménages libanais est encore généralement faible par rapport au coût de la vie. De ce fait, c'est lui qui exerce le plus de pression sur les conditions de vie des enfants.

36. Sur la base des résultats d'une étude des conditions de vie des ménages au Liban en 1997 9 , on constate que le problème de l'insuffisance du revenu affecte la majorité des ménages de façons diverses. Environ 31 % des ménages, par exemple, sont obligés de s'endetter pour répondre à des besoins essentiels, alors que 11 % au plus de l'ensemble des ménages a la possibilité d'épargner. Les taux de chômage nets (à l'exclusion du chômage caché, répandu au Liban) sont élevés parmi les jeunes (groupe des 15 - 20 ans) : 28,6 % environ. La plupart des ménages appartiennent aussi à la catégorie des faibles revenus. On relève cependant des variations importantes selon les régions dans le cas de cet indicateur comme d'ailleurs de tous les autres indicateurs sociaux (et économiques).

Ventilation des ménages selon le groupe de revenu mensuel et le gouvernorat

(en pourcentage)

Groupe de revenu

Liban

Beyrouth

Banlieue de Beyrouth

Mont Liban à l’exclusion de la banlieue

Nord

Sud

Nabatiyé

Beqaa

Moins de 300

5,8

4,1

2,8

3,6

8,5

10,4

7

7,5

De 300 à 500

13

10,3

9,6

7,8

17

22,8

14,5

13

De 500 à 800

21

15,9

21,5

15,5

23,3

24,5

25,4

22,4

De 800 à 1 200

21,1

18,9

22,4

19,3

21,5

18

24

24,1

De 1 200 à 1 600

13,4

14,7

15,2

14,2

11,5

10

13,4

13,3

De 1 600 à 2 400

12,1

14,9

12,2

16,2

10,6

6,8

9,7

11,9

De 2 400 à 3 200

5,9

7,3

7,2

9,9

3,8

3,4

3,6

3,9

De 3 200 à 5 000

4,3

6,3

5

8,2

2,1

2

1,6

2,6

Plus de 5 000

3,1

6,8

3,8

5

1,5

1,6

0,6

1,3

Non précisé

0,3

0,8

0,3

0,2

0,3

0,4

0,2

-

Total

100

100

100

100

100

100

100

100

Source : Conditions de vie des ménages en 1997.

37.Qu'elle atteigne ou non des niveaux satisfaisants ou élevés ou non, la croissance économique n'entraîne pas toujours automatiquement la promotion du développement humain. Quand le Liban atteint des niveaux de croissance élevés, il doit attendre une période relativement longue pour que des effets positifs se fassent sentir sur les conditions de vie, alors que les pressions sociales et de la vie quotidienne empirent à un rythme toujours plus rapide. Cette situation exige un traitement immédiat et rapide à différents niveaux, auquel les conditions de vie des ménages et la condition des enfants, groupe le plus vulnérable de la société, sont liées organiquement.

1.2.3 La dette publique et la question de l'environnement

38. Aux termes des engagements 9 et 10 pris au titre du programme en 10 points énoncé dans la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement des enfants, les intérêts présents et futurs des enfants doivent être protégés par le biais de la protection de l'environnement, à tous les niveaux, de façon à ce que les enfants jouissent à l'avenir de conditions de vie plus saines et plus sûres. Ces engagements insistent aussi sur la nécessité de lutter contre la pauvreté, notamment sur des "mesures d'allègement de la dette" 10 . La croissance de la dette publique et la dégradation de l'environnement sont deux facteurs qui influent sur les conditions de vie et de travail futures, si bien que les effets des décisions prises aujourd'hui se répercuteront sur la vie des générations à venir, c'est-à-dire sur les enfants et les jeunes de la génération actuelle. Aussi le respect du principe qui veut que l'on tienne compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et de son droit au développement futur donne à penser qu'il faut consacrer plus d'attention à la voie d'un développement durable et utile. Dans la situation du Liban, la question est également liée aux problèmes de la croissance de la dette publique et à la détérioration de l'environnement.

a) Dette publique

39.Pour favoriser la croissance économique, en particulier dans la situation mondiale actuelle, il faut indéniablement recourir à diverses sources de financement, dont l'emprunt sur le marché international ou

national. Le problème ne réside pas tant dans l'emprunt lui-même ou même dans le fait que les conditions d'emprunt ne cessent de changer, que dans l'inaptitude de l'Etat qui emprunte à maîtriser sa dette au point de pouvoir progressivement s'alléger de ce fardeau et s'en libérer grâce à la croissance dynamique de son économie. Si un pays ne peut satisfaire à ces conditions ou se trouve tributaire à ce point de l'emprunt pour financer des activités de reconstruction ou de croissance qu'il excède ses moyens, la dette globale augmente à un rythme incontrôlable, ce qui fait que les générations suivantes, soit les enfants d'aujourd'hui, hériteront de fardeaux qu'ils risquent bien d'être incapables d'assumer.

40. Au Liban, la guerre (1975-1990) est un énorme fardeau que la génération actuelle a hérité de la précédente, d'où le coût considérable encouru pour réparer les dégâts et remettre le pays debout pour le préparer à faire face aux défis du jour. Un aspect de ce fardeau s'est fait jour à travers la multiplication de la dette publique de près de 4,6 au cours de la période 1993-1998, passée de 2,9 milliards de dollars à 15,1 milliards 11 .

41. Deux éléments viennent atténuer la gravité de la situation. Premièrement, la valeur absolue de la dette publique nette (extérieure et intérieure combinées) demeure proche de la valeur du PIB. Deuxièmement, la part de la dette extérieure (qui crée davantage de pressions et est plus importante) n'excède pas 16,4 % du total. Il reste malgré tout à signaler le grave danger que dissimulent la croissance rapide de la dette publique, l'évolution de sa répartition et l'importance de ses composantes, attendu que si les tendances actuelles perdurent, la prochaine génération aura à faire face à un énorme problème dans ce domaine.

42.Les conséquences néfastes immédiates qui s'exercent sur la condition de l'enfant résident dans le fait que le service de la dette représente une charge permanente pour le budget. Au cours de la période 1993-1998 par exemple, il a représenté près de 40 % des dépenses budgétaire : les secteurs sociaux et économiques se trouvent ainsi privés de ressources vitales pour le développement. Le gouvernement, de même que les organisations économiques et la société civile ont bien conscience de ces dangers qui provoquent constamment des débats au sein des organes constitutionnels de décision. Cependant, des difficultés entravent la réalisation tant des objectifs fixés avec la rapidité voulue que des taux de croissance économique recherchés. La principale cause de ces difficultés réside dans l'instabilité régionale et le fait que le Liban soit constamment exposé aux agressions d'Israël, ce qui a des résultats qui ne sont pas différents de ceux des guerres comme celles de juillet 1993 et d'avril 1996, puisqu'elles sont à l'origine de pertes considérables et suspendent ou retardent le processus de développement.

Croissance de la dette publique entre 1993 et 1998

(en milliards de livres libanaises)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Service de la dette publique en pourcentage du budget*

45,4

33,8

40,5

40,3

42

43,7**

Dette extérieure (en millions de dollars)

327,5

771,8

1 304,6

1 856

2 375

2 482

Dette extérieure nette (en milliards de dollars)

2,9

4,8

7,1

10,5

14,4

15,1

Croissance de la dette publique (1993=100)

100

159,3

227,7

325,2

440,6

458,6

Source  : Banque du Liban, rapports pour 1996-1998.

* Source  : Budgets pour 1993-1998.

** Source  : Charge estimée en 1998 conformément au projet de budget pour 1998.

Croissance de la dette publique

(1993=100)

Fin mars

b) Dégradation de l'environnement

43. La dégradation de l'environnement exerce actuellement des pressions énormes sur la condition de l'enfant et continuera de le faire à l'avenir. Pour ce qui est du présent, il faudrait évoquer tout spécialement tout ce qui touche à l'instauration d'un environnement favorable à la santé et au développement de l'enfant (eau salubre, assainissement et environnement sain à la maison et à l'école). Ces aspects seront examinés dans les sections suivantes du présent rapport. Les effets futurs découlent d'un certain nombre de phénomènes préoccupants au niveau national, en particulier la destruction par l'homme et les phénomènes naturels du milieu naturel, la pollution du milieu urbain, l'urbanisation incontrôlée etc.. Il s'agit-là des ingrédients qui composent l'image du milieu naturel et urbain que les enfants d'aujourd'hui habiteront plus tard.

44. Sur le plan de la dégradation de l'environnement naturel, on constate que l'agriculture est en perte continuelle de vitesse, d'où la pression sur l'offre de denrées naturelles produites sur place et sur les conditions de vie dans les zones rurales en général, qui encourage l'exode vers les villes. De plus, les centaines d'incendies qui se déclenchent chaque année dans les régions boisées du Liban représentent une perte considérable au regard de l'environnement dont les prochaines générations subiront les effets néfastes. Quant à l'environnement urbain, la première chose à considérer est le fait que 80 % de la population y vivent, dont 50 % à Beyrouth. Ce phénomène suscite de multiples problèmes en rapport avec la densité de la population, la sur-occupation des logements, la circulation etc..

45. L'un des problèmes majeurs en la matière tient à la forte pollution de l'air dans les villes, surtout à Beyrouth, à cause du grand nombre de voitures et de la présence de diverses industries et centrales électriques. Par ailleurs, les villes et les banlieues ont poussé au petit bonheur faute d'un aménagement urbain convenable. L'expansion des banlieues en particulier ne s'est donc pas accompagnée de l'installation de l'infrastructure de base. L'effet de l'expansion urbaine incontrôlée, qui a pris des proportions importantes pendant la période de la guerre lorsqu'il n'était pas question d'aménagement public et de contrôle des pouvoirs publics, a été que les villes en sont venues à n'être rien d'autre que des complexes résidentiels et des blocs de béton, sans espace public et en particulier sans terrains de jeux ni parcs pour enfants ni centres culturels ou de loisirs pour jeunes et adolescents. C'est pourquoi les villes perdent leur esprit et on assiste à l'avènement d'un environnement uni-dimensionnel qui ne permet pas d'élever comme il faut les enfants, les adolescents et les jeunes. Pour ce qui est de remédier à ces problèmes, il faut reconnaître qu'ils n'ont pas encore attiré l'attention voulue. Au contraire, l'expansion du

secteur de la propriété privée est régie par le même type de comportement, à quelques exceptions près où l'aménagement promu par les pouvoirs publics (comme dans le centre de la capitale) ou des municipalités qui adoptent des initiatives en ce sens a des résultats. L'effet de telles mesures sur la tendance générale demeure toutefois extrêmement limité et n'est guère plus qu'un engagement très général envers certains principes d'aménagement urbain sans qu'un réel effort soit consenti pour répondre aux besoins des enfants dans un milieu urbain et rural du point de vue d'une certaine intégrité et continuité.

1.2.4 Les conflits armés et leurs effets sur les enfants

46.Le Liban a passé de longues années dans les affres d'une guerre qui a duré de 1975 à 1990, soit l'événement le plus grave de son histoire moderne. Le coût en pertes humaines et sociales pour la société libanaise est inestimable. Le peuple libanais en général en a payé le prix, mais les effets de cette guerre sur les jeunes générations et les enfants sont plus graves et se manifestent à long terme. Pour ne citer que quelques exemples parmi tous ceux qui viennent à l'esprit, il faut signaler que les écoles, les ressources en personnel, le matériel et les programmes du secteur de l'enseignement, en particulier dans le secteur public, ont subi de très lourdes pertes, qui ont entraîné une détérioration significative des résultats obtenus par le système de l'enseignement. En d'autres termes, les élèves des groupes d'âge visés par la définition de l'enfant (les moins de 18 ans) se voient ainsi refuser l'un de leurs droits fondamentaux, à savoir le droit à une bonne éducation à même de les préparer à remplir leur rôle social et productif. Il en va de même pour la détérioration des services de santé assurés par le secteur public, la dégradation de l'environnement, la perte de débouchés, la désintégration de la famille due au déplacement et aux problèmes d'intégration sociale, pour ne pas parler du décès d'un ou plusieurs membres de la famille au cours de la guerre, que ce soit un enfant, un membre de la famille de l'enfant ou un parent plus ou moins proche, ou encore des préjudices corporels subis par l'un d'eux.

47. Cette étape ardue aura des effets durables, encore que certaines de leurs manifestations immédiates demeurent sans solution pour l'instant. Deux questions en particulier viennent à l'esprit. Premièrement, le phénomène des déplacements qui a touché près d'un tiers des habitants du Liban pendant les années de guerre. Cet état de choses n'a pas encore trouvé de solution et des milliers de familles ne peuvent toujours pas rentrer chez elles ni regagner leur lieu de travail normal 12 . Deuxièmement, l'occupation israélienne persistante de quelque 1 000 kilomètres carrés de territoire libanais au sud et à l'ouest de la Beqaa, représentant environ 10 % de la superficie du Liban. Cette occupation s'accompagne d'agressions quasi quotidiennes : il s'ensuit que plusieurs des villages situés le long de la bande occupée en permanence se trouvent perpétuellement en état de guerre. De plus, il faut compter avec les attaques menées au-delà de ces villages et les guerres lancées contre le Liban, comme celles de juillet 1993 et d'avril 1996, entrecoupées par l'abominable massacre de Qana.

48. L'impact économique de cet état de choses a déjà été évoqué. Mais l'impact social et psychologique est plus grave encore, surtout dans le cas d'un nombre considérable d'enfants et de jeunes qui, à cause de cette situation, se voient plus ou moins privés de leur enfance et de leur jeunesse. Un chapitre distinct du présent rapport sera consacré à cette question.

CHAPITRE II

DÉFINITION DE L'ENFANT

2.1 Définition de l'enfant

49. L'article premier de la Convention relative aux droits de l'enfant définit l'enfant dans les termes suivants :

"Au sens de la présente Convention, un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable."

50. Cette définition générale soulève plus d'une question eu égard à la spécificité de l'enfant qui en fait le sujet d'une convention spéciale et aux critères qui servent à définir l'enfant en fonction de l'âge, de la législation reconnue ou de critères psychologiques, sociaux et autres. La définition donnée à l'article premier ne couvre pas ces aspects, ce qui, en un sens, se conçoit fort bien. Il faut donc les déduire des dispositions de la Convention dans son ensemble et du cadre général de facto et conceptuel dans lequel s'inscrivent les articles de la Convention.

2.2 L'enfant, sujet d'une convention spéciale

51. L'élaboration d'une convention spéciale sur les droits de l'enfant n'a jamais été quelque chose qui allait de soi. Pour certains, la Déclaration des droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1959 et la Déclaration universelle des droits de l'homme suffisaient à garantir les droits de l'enfant partout dans le monde. Les tenants de cette ligne de pensée justifiaient leur position en faisant observer qu'il était dangereux de faire une distinction entre les enfants et les autres êtres humains, car ce faisant, on pourrait inviter à morceler les droits de l'homme et à entailler l'universalité de leur application.

52. L'opinion opposée reposait sur les justifications conceptuelles et pratiques suivantes :

a) Jour après jour, les enfants sont victimes de violence, de discrimination, d'agression militaire, d'occupation, du manque de logements, de déplacements, de la pauvreté, de crises économiques, de l'endettement, de la maladie, de l'analphabétisme etc.. Ils en souffrent avec le reste de l'humanité et très souvent bien plus encore du fait même de leur jeune âge. Aussi faudrait-il prendre sans plus tarder des mesures pratiques pour les protéger contre de telles situations.

b) Distinguer les enfants ne nuit en rien à la notion de droits de l'homme car les droits de l'enfant sont considérés comme en faisant partie et comme venant en complément des droits de l'homme qu'ils développent et dont ils constituent un domaine particulier sans entrer en conflit avec eux ni les remplacer.

c) La Déclaration des droits de l'enfant de 1959 ne lie pas les Etats Membres. Vu la nécessité d'adopter des mesures efficaces pour s'attaquer aux problèmes dont souffrent les enfants, il est capital d'élaborer des textes qui obligent les Etats qui en sont signataires; le besoin de mettre au point une convention spécialement consacrée aux enfants qui réponde à cet objectif se trouve donc confirmé.

53. L'appel en faveur d'une convention spéciale sur les droits de l'enfant est justifié par le fait qu'il faudrait, premièrement, que les droits accordés aux enfants renforcent les droits reconnus à tout être humain quelque soit son âge ou les reprennent exactement; deuxièmement, dans le cas des enfants, affiner

les critères appliqués aux êtres humains en général et, troisièmement, s'attaquer aux questions touchant, exclusivement ou non, les enfants.

54. Le dernier point de vue a fini par l'emporter et s'est traduit par l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies de la Convention relative aux droits de l'enfant le 20 novembre 1989.

2.3 Protection et responsabilité de l'enfant

55. Fondé sur la Déclaration universelle des droits de l'homme, le préambule de la Convention relative aux droits de l'enfant souligne que les enfants ont droit à une protection spéciale et des soins spéciaux et que "l'enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d'une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance" 1 . Le paragraphe 2 de la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant proclame aussi que "les enfants du monde sont innocents, vulnérables et dépendants. Ils sont aussi curieux, actifs et pleins d'espoir. Ils devraient pouvoir vivre dans la joie et la paix, jouer, apprendre et croître. Leur avenir devrait s'élaborer dans l'harmonie et la coopération. Ils devraient pouvoir s'épanouir et élargir leurs perspectives au fil des expériences accumulées" 2 . Toute personne qui consulte un texte international (ou national) sur les enfants trouvera des descriptions similaires, qui insistent toutes sur le fait que l'enfant est vulnérable à cause de son immaturité physique, mentale et affective et qu'il est tributaire d'autrui et devrait recevoir soins et protection.

56. L'accent mis sur la protection des enfants explique les critiques faites à la notion et à l'essence des droits de l'enfant dans la mesure où il s'agit essentiellement de droits parentaux qui assurent une protection trop grande, encore que la protection ne soit qu'un élément parmi d'autres qui constituent au fond les droits de l'enfant. La protection est un trait non négligeable des dispositions relatives aux droits de l'homme en général et elle est aussi importante pour des groupes particuliers tels que les minorités ethniques, linguistiques et religieuses au même titre que pour les enfants 3 .

57. La notion d'enfant telle qu'elle ressort de la Convention est fondée sur la réalisation d'un équilibre entre l'enfant en tant qu'être humain qui doit être protégé, d'une part, et en tant que personne qui est capable d'assumer une responsabilité et de jouir de certains des droits reconnus aux adultes, de l'autre. Cet équilibre s'articule autour de la détermination de seuils d'âge pour l'acquisition progressive de certains de ces droits en association avec l'acquisition de nouvelles compétences, connaissances et aptitudes 4 . En général, les mesures de protection sont à leur maximum pendant la petite enfance, alors que l'enfant n'a aucune responsabilité. Au fur et à mesure qu'il grandit, les mesures de protection spéciale diminuent et sa responsabilité augmente d'autant jusqu'à ce qu'il atteigne la majorité, soit 18 ans, quand les mesures de protection spéciales sont supprimées et qu'il est tenu responsable de ses actes et jouit du plein exercice de ses droits.

Diagramme illustrant l'évolution progressive de la protection et de la responsabilité

de l'enfant de sa naissance à sa majorité 5

2.4 Enfants et mineurs

58. Nonobstant les explications données plus haut, les difficultés posées par la définition de l'enfant qui figure à l'article premier de la Convention ne sauraient être passées sous silence, puisque l'enfant est défini par rapport à l'"antithèse" adulte fondée sur le critère de l'âge de la majorité, laquelle, selon la Convention, est de 18 ans, à moins que d'après la loi applicable à l'enfant ce dernier n'atteigne la majorité plus tôt. En conséquence, la définition de l'enfant correspond dans une certaine mesure à celle du mineur telle qu'elle est aussi donnée dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 24) dans le cadre de la protection des enfants qu'exige leur condition de mineurs 6 .

59.La démarcation des seuils d'âge qui séparent l'enfance de l'âge adulte n'est pas sans importance attendu que le choix de l'âge est lié au niveau de développement de la civilisation ainsi qu'aux modèles reconnus d'organisation sociale, aux rôles sociaux et aux exigences attachées à ces rôles. L'être humain n'est donc pas en mesure de remplir son rôle économique et social avant d'y être pleinement préparé ou d'avoir atteint sa pleine croissance, physique comme mentale. L'âge de la majorité est déterminé en fonction des exigences éducatives moyennes contemporaines pour l'admission sur le marché du travail, les idées qui prévalent en matière de rôles sociaux et les indicateurs physiques, mentaux et moraux. La fixation de la majorité à 18 ans ne traduit pas seulement un seuil biologique, elle reflète aussi une démarcation sociale complexe et une démarcation évolutive dans le temps qui, en droit international et en droit interne, s'exprime par l'âge. Elle présuppose la fusion de tous les éléments complexes déjà mentionnés.

60. Une telle étude s'impose pour illustrer le caractère informel de la fixation d'un seuil d'âge quelconque en vue de l'acquisition d'un droit ou du déni d'un type particulier de protection. De ce fait, elle ne manque pas de s'attirer des critiques quant à sa compatibilité avec la base sociale et théorique de la notion de droits de l'enfant, même si elle acquiert droit de cité en étant dûment promulguée sous forme de disposition législative.

61. Telle est l'approche essentiellement adoptée dans la Convention relative aux droits de l'enfant, encore que la définition donnée à l'article premier soit davantage orientée vers une conception légaliste puisqu'elle considère l'enfant comme un mineur du point de vue juridique, alors que l'on aurait pu utiliser une définition comportant les autres éléments qui distinguent l'enfant en tant qu'individu et élément de la société.

62. Cet aspect "légal", si tel est bien le terme exact, est au cœur de l'autre problème que pose la définition, à savoir celui de l'élargissement de la fourchette d'âge à laquelle la définition de l'enfant peut être appliquée entre la naissance (et parfois même plus tôt) et l'âge de 18 ans. La raison pour laquelle les moins de 18 ans sont considérés comme constituant un groupe déterminé tient à ce que tous partagent la même caractéristique, à savoir qu'ils sont en-dessous de l'âge légal de la majorité. Les membres de ce groupe d'âge sont donc tous mineurs. En d'autres termes, ils jouissent d'une compétence moindre, sinon nulle, au plan juridique. Mais du point de vue biologique, psychologique, éducatif et social, il existe cependant souvent des différences considérables entre les enfants selon les sous-groupes d'âge correspondant aux étapes de croissance et de développement, ainsi qu'aux aptitudes et aux devoirs. Sur la base de toutes ces approches, aucune personne âgée de moins de 18 ans ne peut rentrer dans une seule et même définition. Au contraire, même sur le plan du vocabulaire, les adolescents et les jeunes rejettent l'idée qu'il faudrait parler d'eux en termes d'enfants. Une définition telle que celle utilisée qui ne fait aucune distinction entre les différentes étapes de croissance ne tient pas compte des opinions des intéressés qui adopteraient un autre point de vue s'ils avaient leur mot à dire. On insistera de façon pratique sur les différentes étapes de l'enfance lorsqu'il sera question des problèmes secondaires liés à la détermination des seuils d'âge dans les différents domaines considérés.

2.5 Les enfants sous l'angle psychologique et éducatif

63. Parmi bien d'autres perspectives, les enfants peuvent être étudiés sous les quatre angles suivants : biologique, comportemental, cognitif et psycho-social 7 , qui offrent chacun leurs propres outils théoriques et centres d'intérêts et d'attention. Ce vaste éventail de possibilités d'étude pourrait servir de prétexte pour ne pas inclure la dimension psychosociale dans la définition de l'enfance au motif qu'il faut rechercher une objectivité présumée exister dans les définitions légalistes. Mais la psychologie, la science de l'éducation et la sociologie sont suffisamment bien établies et continuent de considérer la diversité comme un élément capital de l'intégrité de la connaissance et non pas comme une source de conflit et de confusion.

64. En ce qui concerne la définition de l'enfance et des étapes de celle-ci, nous pensons en particulier à la division proposée par le psychologue suisse Jean Piaget, qui a divisé l'enfance en quatre étapes, comme suit :

a) Les première et deuxième années de la vie d'un enfant qui constituent l'étape sensori-motricielle;

b) L'étape pré-opérationnelle du développement (ou phase de la pensée intuitive), de 2 à 7 ans;

c) L'étape opérationnelle concrète (ou phase de la pensée empirique), de 8 à 12 ans;

d) L'étape opérationnelle proprement dite (ou phase de la pensée abstraite), dans laquelle l'enfant entre à partir de 13 ans 8 .

65. L'approche utilisée par Jean Piaget insistait sur le développement cognitif de l'enfant tandis que d'autres approches suivaient les aspects biologique, psychologique ou affectif du développement. Mais quelle que soit l'approche retenue, la division chronologique est à peu près comparable, encore qu'il y ait des différences entre les individus et parfois entre les groupes en ce qui concerne le passage d'une phase à une autre, ce qui empêche de repérer avec exactitude le moment de la transition.

66. Selon des informations recueillies auprès de plusieurs sources, on peut distinguer les phases suivantes entre la naissance et l'âge de 18 ans :

L'âge du berceau : de 0 à 2 ans;

Le premier âge : de 2 à 6 ans;

L'étape intermédiaire : de 6 à 9 ans;

La fin de l'enfance : de 9 à 12 ans;

Le début de l'adolescence : de 12 à 15 ans;

La mi-adolescence : de 15 à 18 ans 9 .

67. Au cours de ces étapes, l'environnement qui entoure et influence l'enfant va d'un milieu pratiquement confiné au foyer pendant les premières années à un environnement qui inclut l'école et les amis du même sexe, puis les enfants de l'autre sexe et une interaction avec un milieu social plus vaste et son influence. L'enfant passe aussi progressivement du stade où il utilise ses cinq sens pour développer sa connaissance du monde à l'étape où il se sert de plus en plus de ses aptitudes mentales pour ce faire. En même temps, il acquiert la maturité physique, affective et morale et devient conscient des rôles sociaux et du comportement attendus de lui. Il prend aussi conscience de son individualité qui exprime sa personnalité particulière telle qu'elle se forme dans le cocon de l'ordre culturel et social ambiant. Dans ces conditions, il est difficile d'imaginer que des mesures de protection, des droits et des responsabilités identiques ou même comparables puissent lui être accordés sans qu'il soit fait aucune distinction entre ces différentes étapes.

2.6 Le début et la fin de l'enfance en droit général

68.La Convention relative aux droits de l'enfant définit explicitement l'âge de la majorité qui marque la fin de l'enfance comme le fait d'atteindre l'âge de 18 ans. Cependant, elle ne définit pas explicitement le point de départ de l'enfance. Cette omission délibérée vise à éviter tout conflit qui pourrait inciter les Etats Membres à formuler des réserves à la Convention ou à s'abstenir de la signer.

69. Ici, la controverse tourne autour de la question de la détermination du moment où un enfant est formé. Est-ce au moment de la conception dans le sein de la mère ? Ou au moment de la naissance ? Ou encore à un stade intermédiaire ? Dans le premier cas, le droit à l'avortement serait entièrement réfuté car il porterait atteinte au droit à la vie de l'"enfant", droit qui s'appliquerait au fœtus dès la conception.

70. C'est pour ces raisons que le texte est souple et ouvert, laissant à la législation nationale le soin de définir le moment où commencent les droits de l'enfant, assurant ainsi la prise en compte du contexte social et culturel. Les préambules de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Déclaration des droits de l'enfant toutefois prévoient l'un et l'autre "une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance". Il n'en demeure pas moins que l'interprétation donnée de cette disposition n'implique pas l'adoption d'une position définitive sur la question du droit à l'avortement et à la planification familiale, question qui, comme on l'a déjà indiqué, demeure du ressort de la législation de chaque pays 10 .

71. Dans le cas du Liban, il n'existe pas de texte juridique spécial définissant l'enfance. Les textes législatifs d'application la plus générale dont on peut penser qu'ils comprennent une définition de l'enfant sont la Loi sur les devoirs et les contrats (Code civil) et le Code pénal.

72. Les articles 215 à 218 de la Loi sur les devoirs et les contrats définit l'enfant indirectement en déterminant l'âge auquel une personne peut être liée par des engagements contractuels, à savoir 18 ans. En d'autres termes, elle détermine l'âge légal auquel l'enfance prend fin, qui correspond à l'âge fixé à l'article premier de la Convention relative aux droits de l'enfant et est compatible avec l'idée qui veut que l'enfant soit traité en mineur.

73. Cette définition n'est certes pas absolue car les articles susmentionnés de la Loi sur les devoirs et les contrats fait aussi la distinction entre un mineur capable de discernement et un autre qui ne l'est pas, sans toutefois préciser l'âge auquel cette distinction s'opère. Tout arrangement conclu par un mineur qui est incapable de discernement est censé être nul et non avenu. Cela dit, tout arrangement conclu par un mineur capable de discernement peut aussi être nul et non avenu à moins qu'il ait obtenu l'autorisation du tribunal de conclure ledit arrangement à des fins commerciales ou industrielles, auquel cas il est traité comme une personne ayant atteint l'âge de la majorité dans son domaine d'activité dans la mesure exigée par celle ‑ci 11 .

74. Au contraire de cette mesure abaissant l'âge de la majorité, les lois libanaises sur les élections parlementaires, municipales et libres fixent la majorité à un âge supérieur à celui indiqué dans la Convention. De ce fait, conformément à ces textes, aucun citoyen libanais ne peut exercer son droit de vote à des élections publiques s'il n'a atteint l'âge de 21 ans. L'enfance se trouve ainsi prolongée pour ce qui est de l'acquisition du droit fondamental de vote. La législation libanaise opère donc une distinction entre l'âge général de la majorité civile, 18 ans, et celui de la majorité politique, 21 ans. De ce fait, elle ne s'accorde pas avec l'esprit et la lettre de la Convention.

75. De la même façon, aucun texte juridique spécifique ne détermine expressément le moment où commence l'enfance. En droit libanais toutefois, l'avortement est considéré comme un crime punissable

aux termes des articles 541 à 545 du Code pénal et aucun médecin ne peut pratiquer un avortement sur une femme enceinte pour une raison autre que thérapeutique et ceci dans des conditions strictement définies. Ce texte de loi reflète la position de la société sur le sujet, laquelle coïncide avec la position générale des autorités religieuses et confessionnelles du Liban, qui interdisent toutes l'avortement. Les traditions sociales et culturelles qui prévalent vont aussi en ce sens. En raison des complexités de la vie moderne et des différentes influences culturelles en jeu toutefois, l'application de ce texte est moins rigoureux dans la pratique, ce qui est particulièrement vrai ces dernières années (pendant et après la guerre). Généralement parlant, on peut dire que le Liban a adopté le principe selon lequel le fœtus jouit de la protection de la Convention. En d'autres termes, l'étape prénatale est censée être visée par la définition de l'enfance sous tous ses aspects, en particulier le droit de survie, en vertu de l'interdiction qui frappe l'avortement.

Brève comparaison entre la Convention, le droit et la pratique au Liban

en ce qui concerne la définition de l'enfant

Définition de l'enfant

Convention

Liban

Référence

Début de l'enfance

Non précisé

Dès la conception

Interdiction de l'avortement (culture ambiante et articles 541 à 545 du Code pénal)Certaine souplesse dans la pratique

Fin de l'enfance

18 ans

18 ans de façon générale21 ans pour l'exercice du droit de voteDistinction entre le mineur capable de discernement et la capacité de conclure des contrats avec l'autorisation des tribunaux

Articles 215 à 218 de la Loi sur les devoirs et les contratsLois électoralesAge non précisé dans le texte civil, bien que, selon la coutume, il soit d'environ 15 ans

2.7 Le Code pénal

76. En vertu du Code pénal, l'âge de la majorité est de 18 ans. Lorsqu'il a 18 ans révolus, l'auteur d'un crime est pleinement responsable de ses actes et ne bénéficie d'aucune des dispositions de protection spéciale accordées aux mineurs. S'agissant de la responsabilité pénale toutefois, le Code pénal distingue clairement entre quatre étapes (qui correspondent aussi à quatre niveaux de mesures pour la protection et le traitement des enfants/mineurs). Cette distinction concerne les peines imposées aux mineurs et celles imposées aux auteurs de crimes. Ces étapes sont exposées dans le tableau ci-après  :

Etapes dans la responsabilité criminelle et la protection selon le Code pénal libanais

Age

Responsabilité pénale

Peines applicables à ce groupe d'âge

Peines imposées aux personnes portant atteinte à un membre de ce groupe d'âge

0-6 ans

Aucune

Aucune

Peines lourdes

7-11 ans

Resp. pénale

Eventuellement, mesures de protection ou autres dispositions

Allègement des peines par rapport au premier groupe

12-14 ans

Resp. pénale plus grande

Eventuellement, mesures de protection, de correction ou disciplinaires, quel que soit le type de crime

Allègement des peines par rapport au deuxième groupe

15-17 ans

Resp. pénale plus grande

Peines réduites, y compris incarcération à l'écart des adultes

Allègement des peines par rapport au troisième groupe

77. Cette différenciation en fonction des groupes d'âge s'entend du degré de responsabilité pénale et des mesures de protection, qui sont inversement proportionnels, et donne un nouvel exemple de l'équilibre requis entre les éléments de protection et de responsabilité lorsque l'on a affaire à des enfants. En ce sens, le texte libanais est en accord avec l'esprit de la Convention dans laquelle aucune étape précise n'est définie.

78. La loi libanaise est aussi compatible avec la Convention pour ce qui est de l'interdiction d'imposer aux moins de 18 ans la peine capitale ou des peines de prison à perpétuité assorties de travaux forcés, sans perspective de libération. Mais certains juristes et organes actifs dans le domaine des droits de l'enfant pensent que les peines imposées aux auteurs de crimes contre des enfants devraient être plus sévères qu'elles ne le sont actuellement. La question dépasse la portée de la définition de l'enfant et sera traitée plus loin dans le présent rapport.

2.8 Législation relative au statut personnel

79. Il est particulièrement difficile d'examiner la condition de l'enfant au regard de la législation sur le statut personnel et de faire des comparaisons avec la Convention relative aux droits de l'enfant vu la multiplicité des lois libanaises dans ce domaine. Le Parlement libanais n'a jamais rédigé de loi type unifiée en la matière et a au contraire chargé les groupes confessionnels de réglementer ce qui touche au statut personnel, les autorisant à élaborer des textes de loi et à instaurer leur propre régime en fonction de leurs convictions. Aussi 15 régimes différents ont-ils été formulés par les groupes confessionnels dont les positions se recoupent sur certaines questions et divergent sur d'autres. D'où la difficulté de parler de critère standard en ce qui concerne les droits de l'enfant. Cela dit, le fait que les Libanais partagent un patrimoine culturel, social et historique commun a pour effet de produire des critères généraux de nature socialement acceptable qui forment une sorte de tradition ou de coutume établie, si bien que les différentes positions ne sont en fait guère éloignées les unes des autres, malgré l'absence de texte de loi explicite.

80. Inspirées du Code civil, les lois sur le statut personnel fixent l'âge de la majorité à 18 ans et font la distinction entre un mineur capable de discernement et un autre qui ne l'est pas, l'âge de 15 ans servant de seuil de démarcation 12 .Ces lois traitent de sujets de caractère particulier, comme les règles applicables au

mariage, au divorce, à la succession, à la filiation, à la garde, à la tutelle etc.. Il est donc capital de déterminer des seuils d'âge spécifiques pour déterminer à quel âge un enfant a compétence pour s'occuper de telle ou telle question.

81. En ce qui concerne les conditions requises pour contracter mariage, l'arrivée à la puberté - ou âge auquel les hommes et les femmes acquièrent la capacité physiologique de procréer - est considérée comme étant la condition sine qua non . L'âge effectif de la puberté, cependant, ne saurait être déterminé à l'avance puisqu'il varie d'un individu à un autre. La plupart des lois précisent donc délibérément un âge technique pour la puberté supérieur à l'âge effectif. Les autorités peuvent alors autoriser le mariage avant cet âge dans des cas exceptionnels 13 . L'âge auquel le mariage peut être autorisé répond à plusieurs considérations, notamment la capacité physiologique et les coutumes sociales et traditions générales des deux époux et de leur famille, dont le niveau d'instruction.

82. A ce sujet, la position adoptée dans les lois sur le statut personnel des différents groupes confessionnels peut se résumer comme suit :

Age de la puberté et âge auquel le mariage peut être autorisé selon la législation

des différents groupes confessionnels

Groupe confessionnel

Age de la puberté

Age auquel le mariage peut être autorisé

Autorité qui donne l'autorisation

Articles de la loi du groupe confessionnel

Homme

Femme

Homme

Femme

Sunnites

18

17

17

9

Juge

4, 5, 6

Chiites

Puberté effective

Puberté effective

15

9

Juge

7, 8

Druzes

18

17

16

15

Juge du groupe confessionnel ou shavkh

1, 2, 3

Catholiques

16

14

14

12

Patriarche

57, 62

Grecs orthodoxes

18

18

17

15

Chef du diocèse

5, 18

Orthodoxes syriens orientaux

18

14

-

-

-

4

Evangéliques

18

16

Puberté effective

Puberté effective

Tribunal religieux

22, 2

Juifs

18

12,5

13

12,5Non précisé

Tuteur ou père avec accord de la mère de la fille ou d'une sœur si elle est orpheline

43, 33, 46

83. Dans toutes les lois sur le statut personnel, le consentement mutuel est considéré comme une condition sine qua non de la validité d'un mariage. Cette condition toutefois est sujette à deux restrictions, en particulier dans le cas des fillettes. La première est d'ordre social et pragmatique, car une bonne part des mariages sont toujours contractées conformément à la méthode traditionnelle qui fait que l'on accorde pas vraiment d'importance à l'opinion de la jeune fille ni même à celle du jeune homme dans certains cas, puisque c'est la famille qui a la responsabilité d'arranger le mariage et de créer le climat favorable à sa

conclusion. La deuxième restriction tient à ce que la famille doit consentir au mariage d'un mineur. A cet égard, plusieurs conditions entrent en jeu que l'on peut récapituler comme suit :

- Un homme investi d'une autorité religieuse qui épouse une mineure (âgée de moins de 18 ans) sans l'accord de son responsable légal commet un crime qui tombe sous le coup de l'article 483 du Code pénal.

- Le consentement de la famille est souhaitable dans tous les cas, quelque que soit l'âge des intéressés, encore que cela n'implique pas que les parents aient le droit de contraindre leurs enfants au mariage.

- Le consentement de la famille est généralement requis jusqu'à l'âge de la majorité légale ou, dans le cas de l'Eglise grecque orthodoxe, jusqu'à l'âge de 21 ans.

- Dans la plupart des lois, le mariage d'un mineur doit être autorisé par l'autorité religieuse compétente et le responsable légal encore que, dans l'hypothèse où ce dernier exercerait son droit, l'autorité religieuse puisse se passer de son consentement (selon la sunna).

- Dans l'Eglise grecque orthodoxe, le consentement de la famille remplace le consentement du mineur dans le contrat de mariage.

- En général, il est fait une distinction ente les garçons et les filles s'agissant de l'exigence de consentement et de l'âge minimum du mariage.

- Le tuteur peut accorder un mineur en mariage sans son consentement (Grecs orthodoxes et chiites) 14 .

84. Il faudrait souligner que ces lois sont loin d'être appliquées uniformément, qu'elles sont plus ou moins bien observées selon l'origine sociale des époux, en ce sens que toute flexibilité ou contrainte constatée est autant le produit de la coutume que le résultat d'un texte de loi et parfois davantage.

85. Dans la pratique, l'âge moyen pour un premier mariage est par exemple de 20 ans et demi pour les jeunes filles et de 26 ans pour les jeunes gens (1996) 15 , il est donc bien supérieur à l'âge moyen stipulé dans la législation relative au statut personnel, ce qui met en évidence l'importance des facteurs sociaux, économiques et culturels qui déterminent le comportement et les attitudes.

86. Un dernier point concerne les questions de garde, dont l'octroi est lié à l'approche adoptée dans la législation relative au statut personnel touchant la division de l'enfance en différentes phases. En conséquence, la garde coïncide généralement avec la première étape de l'enfance au cours de laquelle les mesures de protection et la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant sont normalement les considérations qui priment. C'est en général la mère qui se voit confier la garde à ce moment-là (des exceptions sont indiquées dans le tableau ci-dessous), à la suite de quoi elle est transférée à quiconque exerce un droit de tutelle sur l'enfant.

87. Les positions adoptées en ce qui concerne cette première étape par la législation des différents groupes confessionnels peuvent être récapitulées comme suit :

La garde des enfants dans la législation des différents groupes confessionnels libanais

Groupe confessionnel

Garde de garçons

Garde de fillettes

Observations

Sunnites et druzes

7

9

-

Grecs orthodoxes

7

9

-

Chiites

2

7

A condition que la mère soit mariée

Evangéliques

7

7

-

Juifs

6

Jusqu'au mariage

-

Catholiques

Non précisé

Non précisé

Les tribunaux religieux ont un droit discrétionnaire. En cas de séparation, un mari qui n'est pas en tort a le droit de garde.

Source : Al-Bilani, The Personal Status Laws in Lebanon, op. cit.

88.En se concentrant sur les rapports de la législation relative au statut personnel avec la définition de l'enfant et les différentes étapes de l'enfance, on peut récapituler ce qui précède et faire la comparaison suivante avec la Convention relative aux droits de l'enfant :

Comparaison entre les articles de la Convention et la législation relative au statut personnel

par rapport à la définition de l'enfant

Convention

Liban

Observations

Age de la majorité

18

18

-

Age auquel un mineur est capable de discernement

15

Non précisé

-

Age de la puberté

Non précisé

12 ½ - 18 ans pour les filles;16 – 18 ans pour les garçons;ou début de la puberté

-

Age minimum pour contracter mariage

Implicitement l’âge de la majorité

9 – 12 ans pour les filles;13 – 17 ans pour les garçons

Dans la pratique, 20 ½ ans pour les filles et 26 ans pour les garçons

Age du consentement au mariage

Obligatoire dans tous les cas

Essentiel pour la validité du mariage

La coutume peut créer un climat qui oblitère le choix, surtout dans le cas des fillettes

Age exigeant le consentement de la famille

Non précisé, pourvu qu’il n’y ait pas de conflit avec le point de vue et l’intérêt de l’enfant

Essentiel pour un mineur, au même titre que l’autorisation d’un homme investi d’un pouvoir religieux

Dans certains cas, il suffit que la famille le souhaite, le consentement du mineur est inutile

Garde

Non précisé

Varie selon le groupe confessionnel, mais normalement se poursuit jusqu'à l'âge de 7 ans pour les garçons et de 9 ans pour les filles

89.On peut constater des points de divergence avec la Convention pour ce qui touche à l'âge du mariage et, en particulier, la distinction faite entre les garçons et les filles. Une autre divergence concerne le consentement du mineur comme condition préalable à la validité d'un mariage. Dans certains cas particuliers, ce consentement remplace celui du responsable légal.

2.9 La législation du travail

90. S'agissant de la définition de l'enfant et de l'âge minimum pour l'admission au marché du travail, la législation du travail opère une distinction entre deux groupes de mineurs. Les enfants du premier groupe ne peuvent être employés en aucun cas. Selon l'amendement le plus récent apporté à la législation du travail, ce groupe comprend tous les enfants de moins de 13 ans. Les enfants du deuxième groupe, les 14 à 17 ans, peuvent être employés dans des conditions particulières touchant des domaines tels que les heures et les conditions de travail, le type de travail, etc..

91. De plus, il est fait une discrimination contre les enfants et les jeunes en ce qui concerne leur rémunération par rapport aux autres groupes d'âge. Il s'agit en fait d'une discrimination légale car la Loi No 36/67 sur les salaires minimums exclut de ses bénéficiaires quiconque n'a pas 20 ans révolus. (On examinera plus en détail ultérieurement la question de la main d'œuvre enfantine.)

2.10 La définition de l'enfant dans l'éducation

92.La présente section ne portera que sur deux points, à savoir premièrement, l'âge auquel un enfant est assujetti à l'enseignement obligatoire et, deuxièmement, les étapes de l'éducation qui correspondent aux étapes de développement d'un enfant, bien que ce domaine soit exploré en détail dans le chapitre consacré au droit à l'éducation.

93. En ce qui concerne l'instruction obligatoire, la Loi No 686, promulguée le 16 mars 1998, comprend un article qui modifie une disposition précédente. La nouvelle disposition se lit comme suit :

"L'enseignement est gratuit et obligatoire au stade primaire initial et constitue un droit de tout Libanais en âge de fréquenter l'école primaire. Les conditions de cet enseignement obligatoire gratuit, de même que ses règlements d'application, feront l'objet d'un décret adopté en Conseil des ministres,."

94. Comme cette disposition est évidemment nouvelle, aucun décret d'application n'a encore été promulgué. Cela n'en est pas moins un pas dans la bonne direction. L'âge prescrit pour la première étape est fixé à 11 ans conformément au système maintenant en vigueur et passera à 12 ans dans la nouvelle structure. Des mesures pratiques en vue de l'application progressive de cette nouvelle structure ont été prises dès l'année scolaire 1998/1999. Il faudrait souligner que dans cette nouvelle structure, il est question d'un enseignement de base (d'une durée de neuf ans), correspondant au groupe d'âge des 7 à 15 ans et divisé en une première étape (de six ans, soit l'enseignement primaire) et une seconde, de trois ans, soit l'enseignement secondaire de premier cycle.

95. Comme on l'a déjà dit, les étapes de l'enseignement correspondent aux différentes phases de développement de l'enfant, lesquelles sont, tant dans l'ancienne que dans la nouvelle structure, les suivantes :

Étape

Groupe d'âge (précédent)

Groupe d'âge (nouveau)

École maternelle

4 à 6 ans

4 à 6 ans

École primaire

7 à 11 ans

7 à 12 ans

Établissement secondaire de premier cycle

12 à 15 ans

13 à 15 ans

Établissement secondaire de deuxième cycle

15 à 17 ans

15 à 17 ans

2.11 Synopse des phases de l'enfance selon le domaine considéré

96. Selon la législation libanaise, le terme "enfance" désigne généralement les mineurs et, comme dans la Convention relative aux droits de l'enfant, plafonne à 18 ans. Il y a des distinctions notables entre l'âge des mineurs qui sont capables de discernement et ceux qui ne le sont pas (moins de 15 ans), l'âge auquel l'emploi peut être autorisé sous réserve de certaines conditions et auquel il est purement et simplement interdit (moins de 13 ans), l'âge de l'absence totale de responsabilité pénale (moins de 7 ans) et celui d'une responsabilité progressive (12, puis 15 ans) et, enfin, l'âge auquel l'enseignement est réparti en étapes de pré-primaire (moins de 6 ans), primaire (jusqu'à 11 ou 12 ans), secondaire de premier cycle (jusqu'à 15 ans) et secondaire de deuxième cycle (16 - 18 ans). Ces subdivisions sont proches les unes des autres et des différentes phases de l'enfance définies par les psychologues, les pédagogues et les sociologues, et peuvent se résumer comme suit :

Tableau récapitulatif de la position des différentes lois libanaises se rapportant à la définition de l'enfance et à ses étapes

Age

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

Droit commun

Mineur; ne peut être lié par contrat

Mineur capable de discernement

Adulte; sans droit de vote

Code pénal

Aucune responsabilit pénale; protection intégrale

Responsabilité partielle; mesures de protection ou de mise à l’épreuve

Responsabilité plus grande; mesures de protection, de mise à l’épreuve, de correction et disciplinaires

Responsabilité plus grande; peines réduites

Adulte; entière responsabilité

Statut personnel

Garçons

Garde confiée à la mère

Garde confiée au père, au tuteur ou au responsable légal

Mineur capable de discernement

Adulte

Filles

Garde confiée à la mère

Garde confiée au père, au tuteur ou au responsable légal

Mineur capable de discernement

Adulte

Droit du travail

Emploi interdit par la loi

Peut travailler dans certaines conditions

Adulte

Enseigne-ment

Structure actuelle

Ecole maternelle

Primaire

Secondaire de 1er cycle

Secondaire de 2ème cycle

Universitaire

Nouvelle structure

Ecole maternelle

Primaire

Secondaire de 1 er  cycle

Secondaire de 2ème cycle

Universitaire

Psychologie et sociologie

Berceau

Premier âge

Stade intermédiaire

Fin de l'enfance

Début de l’adolescence

Milieu de l’adolescence

Age adulte ou fin de l'adolescence

CHAPITRE III

LES ENFANTS DU LIBAN : PRINCIPAUX FAITS

3.1 A propos du présent chapitre

97. Le présent chapitre se distingue des autres en ce sens qu'il présente en quelques mots et sans analyse approfondie les principales données statistiques disponibles sur les enfants du Liban, c'est-à-dire les moins de 18 ans 1 . L'intérêt de ce chapitre est qu'il fournit des renseignements sur la taille de ce groupe de population, sa répartition géographique, sa ventilation par âge et les principales caractéristiques par rapport à l'accès aux services publics, ainsi que des renseignements sur le niveau de vie et le nombre d'enfants qui souffrent de difficultés particulières.

98. Il va sans dire qu'il est indispensable de connaître ces données pour se faire une idée exacte et objective de la condition et des problèmes des enfants. Elles jouent aussi un rôle capital dans la détermination des politiques et la mise au point des éléments propres à améliorer la situation des enfants et à protéger leurs droits. Tel est essentiellement l'objectif de la Convention relative aux droits de l'enfant.

3.2 Les enfants au Liban : nombre, répartition géographique et ventilation par âge

99. Selon l'enquête statistique sur la population et le logement, le nombre d'enfants (des moins de 18 ans, c'est-à-dire le groupe des 0 à 17 ans) est estimé à environ 1,1 million, soit 35,6 % de l'ensemble de la population. Ils sont répartis entre les six gouvernorats proportionnellement au nombre d'habitants.

Diagramme illustrant la répartition des enfants (moins de 18 ans)

par gouvernorat (en pourcentage)

100.La forte proportion d'enfants (35,6 %) illustre la jeunesse de la société libanaise. Mais cette proportion varie sensiblement d'une région à l'autre et selon les caractéristiques sociales. Elle est la plus élevée dans le gouvernorat du Nord où la composition de la population est plus jeune (41,8 % de la

population est âgée de mois de 18 ans), tandis qu'à Beyrouth, elle n'est que de 27,6 %. Des différences plus nettes sont évidentes dans les provinces dans la mesure où les districts ruraux et défavorisés abritent généralement un fort pourcentage d'enfants; ainsi, la proportion d'enfants s'élève à 48,2 % à Akkar, à 44,5 % à Munih et à 42,9 % à Harmal, qui sont tous des districts ruraux. Elle est de 42,4 % dans le district de Tyr, où zones rurales et zones urbaines se côtoient, et de 41,1 % dans la ville de Tripoli. En revanche, elle n'est que de 27,6 % dans le district de Kasrawan et de 17,7 % dans celui de Matn.

101. Le tableau suivant donne des renseignements détaillés par district et par gouvernorat à partir desquels il est possible de déterminer le nombre et la part effectifs d'habitants et d'enfants. Si l'on compare les pourcentages contenus dans les deux dernières colonnes, on peut aussi identifier les gouvernorats et les districts où la part du nombre total d'enfants est supérieure à leur proportion dans l'ensemble de la population, ce qui permet de mettre encore en lumière la jeunesse de la population dans tel ou tel district ou gouvernorat. Ce tableau illustre aussi la part des districts dans le nombre total d'enfants, information cruciale pour l'élaboration de programmes d'intervention pratique visant à améliorer la situation des enfants.

Répartition de la population et des enfants, par district et par gouvernorat

(en nombre et en pourcentage)

District

Nombre d'habitants par district

Nombre d'enfants (moins de 18 ans)

Pourcentage d'enfants dans le district

Part du district dans le nombre total d'enfants au Liban (%)

Part du district dans le nombre total d’habitants au Liban (%)

Beyrouth

407 403

112 301

27,6

10,1

13,1

Baabda

371 881

132 372

35,6

11,9

12

Matn

367 150

101 872

27,7

9,2

11,8

Chouf

120 473

39 828

33,1

3,6

3,9

Aley

99 947

36 222

36,2

3,3

3,2

Kasrawan

123 600

24 135

27,6

3,1

4

Jbaïl

62 407

19 267

30,9

1,7

2

Gouvernorat du Mont Liban

1 145 458

363 696

31,8

32,8

36,8

Munih

96 417

42 880

44,5

3,9

3,1

Tripoli

227 857

94 380

41,4

8,5

7,3

Kurah

47 540

14 690

30,9

1,3

1,5

Zghorta

48 974

17 153

35

1,5

1,6

Batroun

34 817

10 692

30,7

1

1,1

Akkar

198 174

95 526

48,2

8,6

6,4

Bsharri

16 831

5 030

29,9

0,5

0,5

Gouvernorat du Nord

670 610

280 351

41,8

25,3

21,6

Saïda

138 348

54 917

39,7

5

4,4

Tyr

130 083

55 205

42,4

5

4,2

Jezzine

14 262

3 510

24

0,3

0,5

Gouvernorat du Sud

283 057

113 632

40,1

10,3

9,1

Zahlé

124 336

44 914

36,1

4,1

4

Ouest de la Beqaa

55 692

22 416

40,2

2

1,8

Baalbek

157 049

65 255

41,6

5,9

5

Harmal

18 975

16 717

42,9

1,5

1,3

Rashayya

23 839

9 535

40

0,9

0,8

Gouvernorat de la Beqaa

379 891

158 837

39,7

14,2

12,9

Nabatiyé

92 363

38 197

40,3

3,4

3

Bent Jbail

52 710

21 561

40,9

1,9

1,7

Marjayoun

40 879

14 502

35,5

1,3

1,3

Hasbayya

19 460

6 075

31,2

0,5

0,6

Gouvernorat de Nabatiyé

205 412

89 335

38,6

7,2

6,6

Ensemble du Liban

3 111 831

1 108 152

35,6

100

100

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

3.3 Ventilation des enfants par âge

102.Le chapitre II concernant la définition de l'enfant évoquait la nécessité de diviser le groupe d'âge des 0 à 17 ans, visé par la définition de l'enfant, en sous-groupes correspondant aux différents stades de développement du berceau à l'adolescence et à la jeunesse. Cette division continue de se justifier en raison de l'évolution des besoins et des aptitudes de l'enfant au fur et à mesure qu'il passe d'une étape à une autre. Cela dit, arriver à des divisons qui correspondent exactement aux différentes étapes de l'enfance n'est pas chose aisée. C'est pourquoi la présente section donne une ventilation des enfants par tranches d'âge de trois ans extrêmement utile à plusieurs égards, aux fins tant du présent rapport que de la définition de politiques et de programmes d'intervention pratique (programmes de vaccination pour les moins de cinq ans, offre de places à l'école primaire pour le groupe des 6 à 11 ans, lutte contre l'abandon scolaire, orientation professionnelle pour les 12 à 14 ans et les 15 à 17 ans etc.).

103. Selon la même source (Enquête statistique sur la population et le logement de 1996), la répartition de la population de moins de 18 ans entre ces tranches d'âge est pratiquement égale, allant de 16,8 % à 18,1 %, si ce n'est pour le premier groupe d'âge (les moins de 3 ans) qui ne représente que 12,8 % du total (ce qui illustre la tendance observée ces dernières années à une nette diminution du nombre d'enfants par famille).

Répartition des enfants (moins de 18 ans) par tranches d'âge de trois ans

(en nombre et en pourcentage )

Age

Nombre

Pourcentage

0 à 2 ans

141 815

12,8

3 à 5 ans

186 440

16,8

6 à 8 ans

191 289

17,2

9 à 11 ans

192 693

17,5

12 à 14 ans

200 506

18,1

15 à 17 ans

195 406

17,6

Total

1 108 149

100

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996

3.4 Situation du logement

104. La maison est le milieu le plus important, le principal endroit où se déroule la vie des familles et des enfants. Cela vaut particulièrement pour les premières étapes de l'enfance. L'accès à un logement convenable est une condition essentielle de la garantie du droit de l'enfant à la survie et à un développement satisfaisant dans un milieu salubre et sûr. Sur le plan psychologique et éducatif, l'impact de la situation du logement est sensible, car le fait de vivre dans la promiscuité accroît le risque de tension au sein de la famille et la formation du caractère de l'enfant s'en ressent immédiatement.

105. Les résultats de l'enquête statistique sur la population et le logement montrent bien que près de 21 % des enfants vivent dans des logements d'une ou deux pièces, ce qui ne répond pas aux exigences minimales pour élever un enfant dans le confort. De plus, 26,1 % du reste des enfants vivent dans un logement de trois pièces, ce qui représente une situation tout aussi inconfortable. Il faudrait ajouter ici que les familles défavorisées ont généralement plus d'enfants et moins de pièces dans des logements moins spacieux.

106. A propos d'espace, il est à noter que 30,2 % des enfants vivent dans un logement d'une superficie inférieure à 80 m2 et près de 69 % dans un logement d'une superficie moyenne ou étendue.

Répartition des enfants en fonction du nombre de pièces et de la surface du logement

Nombre de pièces

Pourcentage d'enfants

Surface du logement

Pourcentage d'enfants

2 pièces ou moins

20,9

inférieure à 30 m2

4,1

3 – 5 pièces

69,3

31 - 80 m2

26,1

6 - 9 pièces

9,2

81 - 140 m2

38,9

10 pièces ou plus

0,3

141 - 200 m2

21,7

Non précisé

0,4

plus de 200 m2

0,4

Non précisé

0,4

Total

100

Total

100

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996

3.5 Accès aux services de base

107. La Convention relative aux droits de l'enfant prévoit que tous les enfants doivent avoir accès aux services de base en tant que droit fondamental similaire à celui dont jouissent tous les citoyens. Elle prévoit aussi qu'ils doivent être prioritaires dans ce domaine, car l'impossibilité d'accéder à ces services nuit davantage à leur santé physique qu'à celle des adultes. Des services comme l'approvisionnement en eau, potable notamment, et l'assainissement en particulier, ont subi d'énormes dommages pendant les longues années de guerre. De ce fait, ils sont soit inexistants, soit en voie de détérioration dans l'ensemble du pays. Les plans de reconstruction du gouvernement ont donné la priorité à la restauration de ces services, ce qui a contribué à améliorer l'accès de la majorité de la population à ces services et par contrecoup à la majorité des enfants.

108. D'après les informations fournies par l'enquête statistique, le réseau public est la principale source d'eau potable pour 70,2 % des enfants, contre 11,7 % qui s'approvisionnent auprès de sources non traitées (eau de source, souvent de bonne qualité). Mais une question qui mérite d'être approfondie est celle de la contamination des sources d'eau, car de nombreux cas de maladies digestives, en particulier parmi les enfants, sont relevés chaque année du fait de la contamination de l'eau potable dans plus d'une région.

Répartition des enfants par source d'eau potable

Source d'eau potable

Pourcentage

Réseau public (eau non purifiée)

58,3

Réseau (eau purifiée)

11,9

Eau de source

11,7

Eau en bouteille

4,5

Autre

13,7

Total

100

109. Quelque 92,7 % des enfants ont accès à l'eau à partir de réseaux publics ou privés et de puits artésiens, contre 7,2 % des enfants qui vivent dans des logements qui ne sont reliés à aucun réseau d'adduction d'eau.

110. A ce sujet, s'il ne se pose pas de problème à l'échelle nationale, il faudrait axer par contre l'attention sur les régions et lieux bien précis qui rencontrent des difficultés. Le nombre d'heures d'approvisionnement et la rationalisation de cette importante ressource naturelle sont aussi des questions dont il faudrait se préoccuper.

111. Enfin, environ 92,3 % des enfants ont accès à un système d'assainissement, les uns grâce à la connexion de leur logement au tout-à-l'égout, les autres moyennant une fosse septique. Aussi l'accès à un service direct ne pose-t-il pas de problème, encore que l'utilisation de fosses septiques soit relativement répandue (42,2 %) et soit pratiquement la seule méthode disponible dans la plupart des zones rurales et des bidonvilles. Ici, le problème concerne plutôt l'hygiène du milieu, car peu de fosses sont construites dans le respect des règles sanitaires, ce qui accroît le risque d'infiltration des eaux usées dans le sol et les sources d'eau souterraines.

Répartition des enfants selon la principale source d'eau potable

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

Répartition des enfants en fonction de la connexion

du logement à un réseau d'adduction d'eau

Connexion au réseau

Pourcentage

Réseau public

72,3

Réseau public et puits

6,5

Réseau privé ou puits

13,9

Absence de connexion

7,2

Total

99,9

Source : Enquête statistique sur la population et

le logement, 1996.

Répartition des enfants en fonction de la connexion du logement

à un réseau d'adduction d'eau

Répartition des enfants en fonction de l'accès

à l'assainissement

Moyen d'assainissement

Pourcentage

Réseau public

54,1

Fosse septique

42,2

Egout à ciel ouvert

1,7

Autre

0,6

Aucun

1,4

Total

100

Source : Enquête statistique sur la population et

le logement, 1996.

112. Quant aux installations sanitaires et à leur qualité, il ressortait ce qui suit de l'enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile :

Répartition des ménages par type d'installation sanitaire

Type de toilettes

Pourcentage de ménages

Toilettes avec réservoir reliées au tout-à-l'égout

50,4

Toilettes avec réservoir reliées à une fosse septique

24,7

Toilettes sans réservoir

20,1

Trou pratiqué dans le sol

3,8

Aucune installation

1,1

Total

100

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

Répartition des enfants en fonction du moyen d'assainissement

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

3.6 Niveau de vie des enfants

113. L'article 27 de la Convention relative aux droits de l'enfant stipule ce qui suit :

"Les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social."

114. Les autres articles de la Convention couvrent aussi dans le détail les domaines de la santé, de l'éducation et des services publics qui contribuent à assurer un niveau de vie suffisant, ainsi que les mesures propres à réduire la mortalité et à améliorer la nutrition. Plusieurs des paragraphes contenus dans la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement des enfants et dans le Plan d'action adopté par le Sommet mondial pour l'enfance énoncent la nécessité de lutter contre la pauvreté et d'améliorer la vie des enfants, dont il est fait l'un des enjeux et des buts majeurs de la Convention et des efforts internationaux et nationaux déjà consentis et à continuer de déployer à cet effet 2 .

115. La garantie d'un niveau de vie suffisant pour les enfants est donc un objectif essentiel et découle de la réalisation de plusieurs objectifs secondaires au regard des composantes d'un niveau de vie acceptable. Plusieurs de ces composantes ont déjà été passées en revue séparément dans la section précédente, tandis que la présente section cherche à présenter brièvement la façon dont est appliquée l'une des mesures qui entre dans le niveau de vie au Liban.

116. Au premier trimestre de 1998, le ministère des affaires sociales, de concert avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l'Institut norvégien de sciences appliquées (FAFO) ont mis la dernière main à une étude analytique des résultats de l'enquête statistique sur la population et le logement 3 . L'étude, intitulée Map of living conditions in Lebanon , tente de quantifier les conditions de vie

en construisant un ensemble d'indicateurs permettant d'apprécier dans quelle mesure il est satisfait ou non aux besoins essentiels et de juger des styles de vie relatifs de la population et des familles par groupes au sein desquels différents niveaux de satisfaction sont atteints.

117. Ce n'est pas ici le lieu de donner des détails sur la méthodologie employée (besoins essentiels non satisfaits), qui consiste en gros à utiliser un ensemble d'indicateurs comparatifs pour évaluer le niveau de vie (faible, moyen et élevé) des groupes de population en général et dans quelle mesure leurs besoins sont satisfaits dans quatre domaines particuliers, à savoir le logement, l'eau et l'assainissement, l'éducation et le revenu. On a utilisé la même méthodologie pour rédiger le présent rapport, qui fait appel à l'emploi de seuils et d'indicateurs pour procéder à la ventilation des enfants du Liban en différents groupes selon le degré de satisfaction de leurs besoins en général et dans les différents domaines susmentionnés (en d'autres termes, en catégories fondées sur le niveau de vie). De façon générale, on peut dire que les besoins essentiels de ceux qui font partie du groupe de satisfaction faible ne sont pas non plus satisfaits au regard des seuils et des critères adoptés dans cette étude.

118. Suivant cette méthode, 42,3 % des enfants (les moins de 18 ans) peuvent être considérés comme défavorisés selon les seuils fixés dans cette étude. Un pourcentage pratiquement identique (42,1 %) jouissent d'un niveau de vie moyen et 15,6 % d'un niveau de vie élevé.

Ventilation des enfants en fonction du niveau de vie

119. Dans le cadre de cette ventilation d'ensemble, on constate une disparité régionale appréciable (caractéristique de la situation économique et sociale du Liban); de toute évidence, il existe une part importante d'enfants défavorisés dans les gouvernorats du Nord (où 56,4 % des enfants font partie du groupe de faible satisfaction), de Nabatiyé (54,2 %) et de la Beqaa (50 %) par rapport à la moyenne nationale, qui est proche du pourcentage observé dans le gouvernorat du Sud (42,9 %), tandis que la proportion d'enfants défavorisés dans les gouvernorats du Mont Liban (31,1 %) et de Beyrouth (23,2 %) est inférieure à la moyenne nationale. Cela donne une image claire de la répartition géographique des enfants défavorisés dans les zones rurales isolées.

Ventilation des enfants par niveau de vie et par gouvernorat

(pourcentage du nombre total d'enfants dans le gouvernorat)

Gouvernorat

Faible

Moyen

Elevé

Total

Beyrouth

23,2

47,3

29,5

100

Mont Liban

31,1

46,6

22,4

100

Nord

56,3

33,8

9,8

100

Sud

42,9

45,5

11,6

100

Beqaa

50

41,4

8,7

100

Nabatiyé

54,3

40,5

5,8

100

Liban

42,3

42,1

10,6

100

Répartition des enfants (les moins de 18 ans) par niveau de vie et par gouvernorat

120. Les informations montrent aussi que la proportion d'enfants défavorisés varie selon le secteur considéré. Par exemple, c'est dans le secteur de l'eau et de l'assainissement que la part d'enfants dont les besoins ne sont pas satisfaits, est la plus basse, n'atteignant pas plus de 18,8 %, contre 64 % d'enfants dont les besoins dans ce domaine sont modérément satisfaits. La part d'enfants défavorisés en matière de logement cependant est de 40,1 % et atteint un sommet de 55,8 % au regard des indicateurs de revenu.

Ventilation des enfants, par niveau de vie et par secteur

(en pourcentage du nombre total d'enfants au Liban)

Faible

Moyen

Elevé

Total

Eau et assainissement

18,8

64

17,2

100

Logement

40,1

28,3

31,6

100

Education

34,9

42,7

31,6

100

Indicateurs de revenu

55,8

29,5

14,7

100

Niveau de vie général

42,3

42,1

15,6

100

Ventilation des enfants (les moins de 18 ans), par niveau de satisfaction

dans les quatre secteurs considérés

121. Pour ce qui est du niveau de vie des sous-groupes divisés par âge, on peut remarquer en général que la part proportionnelle d'enfants défavorisés âgés de moins de 6 ans et de ceux du groupe des 15 à 17 ans est inférieure à celle des autres groupes d'âge (les 6 à 14 ans). Ce phénomène peut s'expliquer par le fait que, selon toute probabilité, les enfants abandonnent l'école à ces âges-là, le marché de l'emploi leur offre peu de débouchés et leur rémunération est extrêmement faible. En termes absolus, ces disparités sont moins importantes que les disparités régionales. Elles devraient malgré tout faire l'objet d'une étude approfondie visant à identifier leur ampleur et leurs causes.

Répartition intérieure des tranches d'âge, par niveau de vie

(en pourcentage du nombre total d'enfants par tranche d'âge)

Age

Faible

Moyen

Elevé

Total

0 à 2 ans

38

41,9

20,1

100

3 à 5 ans

41,4

41,1

17,5

100

6 à 8 ans

44

42,1

17,5

100

9 à 11 ans

44,9

42,1

13,8

100

12 à 14 ans

44,2

42,5

13,3

100

15 à 17 ans

40

42,9

17,1

100

0 à 17 ans

42,3

42,1

15,6

100

CHAPITRE IV

POLITIQUE DES DROITS DE L'ENFANT

4.1 Introduction

122.Au même titre que les organisations gouvernementales et non gouvernementales internationales et nationales, les Etats se sont engagés à mettre en oeuvre les droits de l'enfant tels qu'ils sont maintenant établis. La Convention relative aux droits de l'enfant regroupe ces droits en un certain nombre de rubriques, comme le droit à la survie, le droit à la protection, le droit au développement et le droit à la participation. Sous chacune de ces rubriques se trouvent différents points qui donnent une tournure pratique à cet engagement d'ordre général, et qui touchent des domaines tels que la santé de l'enfant, l'éducation, la vie de famille, l'emploi, les droits civils et les procédures de protection civile.

123. Ces droits, interdépendants, sont aussi liés à l'environnement global dans lequel se développe la société car il est difficile d'envisager la possibilité de faire progresser quantitativement et de façon cohérente la condition de l'enfant dans un pays donné autrement que dans le contexte d'une politique nationale globale ou d'une stratégie qui s'insère dans une option nationale intégrée en faveur d'un développement axé sur l'homme.

4.2 Eléments de la stratégie nationale en faveur de l'enfance

124. Pour adopter une politique (ou stratégie) nationale en faveur de l'enfance, il faut tout d'abord que deux conditions soient remplies :

a)Premièrement, il faut que les décideurs aient la volonté politique de veiller à ce que l'Etat comme la société jugent prioritaire d'encourager la protection de la condition de l'enfant;

b) Deuxièmement, il faut pouvoir disposer d'informations scientifiques et pratiques sur la condition de l'enfant, ses problèmes et ses besoins.

125. Une fois ces deux conditions réunies, il est possible de prendre des mesures pour formuler une stratégie ou politique nationale générale en faveur de l'enfance, marquée du sens de la compréhension et de la continuité et contenant les éléments nécessaires à sa réussite, ce qui suppose implicitement de  :

- fixer des objectifs d'ensemble et finals;

- fixer des objectifs secondaires, classés par secteur et par domaine;

- concevoir la mise en oeuvre de plans d'action comportant des priorités et des délais pour la réalisation des objectifs;

- assurer la corrélation entre les objectifs finals et secondaires, ainsi que l'intégration, la simultanéité et la réalisation progressive des objectifs secondaires et sectoriels;

- déterminer les organes responsables, les moyens de mise en oeuvre et les mécanismes de suivi, de contrôle et de correction;

- assurer les ressources matérielles, institutionnelles et humaines nécessaires pour leur mise en oeuvre.

126. Dans un souci de cohérence avec les notions contemporaines de développement, il faudrait que ce type de stratégie soit formulée de façon concertée par toutes les parties intéressées par le développement, à savoir les pouvoirs publics et les représentants de la société civile et du secteur privé. L'Etat en particulier a un rôle essentiel à jouer pour coordonner cet effort et assurer les conditions de son succès puisque le secteur privé n'a guère d'intérêt en la matière et ne peut en constituer le maillon le plus sûr vu ses mécanismes de fonctionnement et ses propres objectifs. De même, malgré les fonctions extrêmement importantes dont les organisations non gouvernementales s'acquittent dans ce domaine et qu'elles devraient chercher à instaurer et entretenir, ni leurs aptitudes institutionnelles ni leurs moyens de coordination ne sauraient leur permettre d'assumer un rôle moteur. Le succès de cette stratégie dépend donc indubitablement de la collaboration des secteurs gouvernemental et non gouvernemental et du succès progressif réalisé dans l'incitation du secteur privé à s'intéresser à cet effort et à fournir un soutien matériel et institutionnel.

4.3 Politique gouvernementale en faveur de l'enfance

127.En septembre 1995, le Conseil supérieur pour l'enfance a élaboré un document intitulé "Plan national d'action pour la survie, la protection et le développement des enfants au Liban". Unique document consacré à la question publié par un organisme gouvernemental ou non gouvernemental, il représente distinctement la politique des secteurs tant gouvernemental que non gouvernemental dans le domaine de l'enfance. Telle est l'approche que le Conseil supérieur pour l'enfance a adoptée depuis sa création en vue de coordonner ces deux secteurs.

128. Ce document ne saurait cependant être perçu comme une stratégie nationale en faveur de l'enfance au sens visé ci-dessus 1 . Le Liban ne s'est pas encore doté d'une telle stratégie, bien que cela n'empêche pas les ministères et les organismes officiels d'avoir des plans et des programmes subsidiaires qui se préoccupent des droits de l'enfant. Cela n'implique pas non plus une absence de politiques générales et sectorielles ayant un impact sur la condition de l'enfant.

129.C'est pour ces raisons que le présent chapitre s'emploiera à examiner les éléments et les politiques concernant l'enfant dans les différents domaines d'activité du gouvernement et à évoquer les organismes et institutions, officiels ou non, qui oeuvrent dans ce domaine. Il offrira aussi une analyse du plan susmentionné du Conseil supérieur pour l'enfance. A la lumière de ces considérations, il s'efforcera d'esquisser les caractéristiques pratiques de la politique en faveur de l'enfance telle qu'elle ressort de la politique et des pratiques des pouvoirs publics et du secteur non gouvernemental.

130. Par ailleurs, le lien direct entre la condition de l'enfant et les conditions de vie générales des ménages a déjà été mis en lumière, de même que le fait que les droits de l'enfant gagnent toujours à ce que l'on consacre davantage d'attention à la dimension sociale des plans de croissance et des projets de développement. Par conséquent, et comme il est impossible d'examiner et d'analyser individuellement chacun des éléments qui touchent l'enfant, contenus dans les différents programmes et politiques, l'intérêt porté à la dimension sociale en général sera considéré comme un indicateur d'amélioration de la condition de l'enfant. Sur cette base, on analysera les dépenses sociales de même que les projets qui encouragent le développement humain et social dans la mesure où ils créent un environnement propice à la promotion de l'épanouissement de l'enfant. Tout projet en faveur des enfants sera analysé à part.

4.4 Analyse des dépenses publiques

131.Le budget de l'Etat est considéré comme un excellent indicateur; l'analyser permet d'examiner les politiques et conceptions gouvernementales des problèmes sociaux et économiques. Le budget général

reflète en effet les engagements pratiques du gouvernement envers certaines priorités et constitue donc une expression directe de ses politiques générales et sectorielles. L'utilisation du budget à cet effet est déterminé toutefois par plusieurs facteurs, dont deux sont particulièrement importants.

a) Premièrement, le budget a perdu de son poids en tant que moyen d'intervention des pouvoirs publics depuis la mise en oeuvre du programme de reconstruction. En effet, les frais et le financement de la reconstruction sont distincts du budget général, lequel est maintenant pour une bonne part confiné au service de la dette, aux dépenses courantes et au paiement des traitements des fonctionnaires, avec des dépenses limitées au titre du matériel et des investissements. C'est pourquoi une analyse du budget général ne peut mettre en lumière l'étendue de l'engagement des pouvoirs publics dans ces différents domaines. Par conséquent, il faudra, pour compenser cette insuffisance, procéder à une nouvelle analyse des dépenses publiques à travers le programme de reconstruction.

b) Le deuxième facteur est lié au thème du rapport (la condition de l'enfant) dans ce sens que les nombreux détails nécessaires pour contrôler les dépenses consacrées aux enfants font souvent défaut. Initialement, le budget et les dépenses de reconstruction seront donc analysés en termes de dépenses sociales, ayant des incidences positives sur l'amélioration de la condition des enfants. D'autres sections seront consacrées tout particulièrement à la question dans les cas où la présence de données le permettra.

4.4.1 Budget général

132.Si l'on examine la répartition des dépenses d'ensemble pour les différents postes des budgets pour 1993 - 1998, on constate bien évidemment que le service de la dette constitue à lui seul plus de 40 % du montant total des dépenses et qu'il s'agit de ce fait du poste principal. Cet état de choses a déjà été souligné en tant que facteur préjudiciable à l'intérêt des enfants, étant donné que le fardeau de la dette publique est transféré des générations actuelles aux générations à venir.

133. Qui plus est, les ministères qui reçoivent le maximum de crédits sont généralement ceux qui ont le plus d'employés, ce qui explique le montant élevé des crédits affectés au ministère de la défense nationale et au ministère de l'intérieur (responsables des forces armées et des forces de sécurité intérieures), ainsi que du ministère de l'éducation nationale (responsable du corps enseignant des écoles publiques). Ces ministères sont suivis de ceux qui assurent des services publics aux citoyens, en particulier le ministère de la santé publique et le ministère des affaires sociales. Comme on l'a déjà indiqué, le budget général est un budget de traitements (du point de vue du service de la dette publique). Par conséquent, la part d'un ministère dans le montant total des dépenses reflète tout d'abord sa part dans les traitements des agents de la fonction publique plus qu'elle ne reflète sa part dans des projets de services ou de développement (insignifiante et applicable uniquement aux ministères de services).

134. De façon générale, les principaux ministères sociaux qui sont directement ou non concernés par les enfants sont les suivants  : éducation nationale, jeunesse et sports, santé publique, travail, formation professionnelle et technique et affaires sociales. Au budget de 1998, la part combinée de ces ministères dans le montant estimatif total des dépenses s'élevait à 11,6 %, plus de la moitié constituant la part du ministère de l'éducation nationale (traitements des enseignants). Les années précédentes (pendant la guerre), ce pourcentage était plus faible encore.

Budgets généraux pour les années 1993 - 1998

Poste n o

Poste

1993

%

1994

%

1995

%

1996

%

1997

%

1998

%

1

Cabinet de la présidence de la République

0,1

0,1

0,1

0

0

0

2

Assemblée nationale

1,1

0,1

0,7

0,5

0,6

0,5

3

Cabinet de la présidence de l'Assemblée nationale

0,8

10,4

12,3

9,4

6,4

6,5

4

Ministère de la justice

0,4

0,4

0,5

0,4

0,5

0,5

5

Ministère des affaires étrangères

1,3

1,7

1,4

1,2

1,2

1,2

6

Ministère de l'intérieur

5,8

5,7

5,7

4,8

5,4

4,6

7

Ministère des finances

0,8

0,8

0,8

0,7

0,7

0,6

8

Ministère de la défense

14

13,4

11,8

10,2

11,5

10,2

9

Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

5,2

5,8

5,7

4,9

6

6,2

10

Ministère de la santé publique

3,2

3,1

2,8

2,3

2,5

3,6

11

Ministère du travail

0

0

0

0

0,1

0,1

12

Ministère de l'information

0,2

0,3

1,4

0,2

0,3

0,3

13

Ministère des travaux publics et des transports

3,2

4,4

4,2

3,3

2,3

1,7

14

Ministère de l'agriculture

1

0,9

0,7

0,5

0,7

0,5

15

Ministère de l'économie et du commerce

0,3

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

16

Ministère des postes et télécommunications

0,3

0,2

0,3

0,2

0,2

0,2

17

Conseil constitutionnel

0

0

0

0

0

0

18

Ministère de l'électricité et des ressources en eau

1,1

0,8

1,2

0,9

2,2

1,2

19

Ministère du tourisme

0,1

0,4

0,3

0,1

0,2

0,1

20

Ministère du pétrole

0

0

0

0

0

0

21

Ministère du logement et des coopératives

1,3

0,6

0,3

0,2

0,1

0,7

22

Ministère des affaires des personnes déplacées

0,1

0,2

0,1

0,1

0,1

0,1

23

Ministère des questions municipales et rurales

0,4

0,5

0,3

0,1

0

0

24

Ministère de la formation professionnelle et technique

0,4

0,6

0,7

0,5

0,6

0,4

25

Ministère des affaires sociales

1,1

1,3

1,2

1,4

1,5

1,3

26

Ministère des affaires des émigrants

0

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

27

Ministère des transports

1,8

0,6

1,9

1,5

1,4

1,4

28

Ministère de la culture et de l'enseignement supérieur

1,8

1,7

1,9

0,9

2,4

2,7

29

Ministère de l'environnement

0

0,2

0,1

0,1

0,1

0,1

30

Ministère de l'industrie

0

0

0

0

0

0

31

Dettes échues

45,4

33,8

40,5

40,3

42

43,7

32

Réserve budgétaire

1,4

11,2

2,9

15

10,7

11,3

Total

100

100

100

100

100

100

135. La part de ces ministères dans les dépenses générales n'est pas élevée. Entre 1993 et 1998 toutefois, on a enregistré une augmentation des valeurs absolues des crédits qu'ils se sont vu attribuer. Les crédits ouverts au ministère des affaires sociales par exemple sont passés de 34,6 milliards de livres libanaises en 1993 à 94,4 milliards en 1998, alors que ceux consacrés au ministère de la santé sont passés de 109,4 milliards en 1993 à 455,6 en 1998. Il n'en demeure pas moins que ces ouvertures de crédits n'ont pas permis de financer les services nécessaires au vu des politiques adoptées. Un pourcentage moindre a même été affecté aux enfants en particulier (comme on le verra dans les sections couvrant les soins de santé et analysant les services fournis par le ministère des affaires sociales).

Budgets de quelques ministères dans les années 1993 – 1998

(en milliards de livres libanaises)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Ministère de l'intérieur

197,5

230,4

323,4

310,8

349,2

338,5

Ministère de la défense

476,3

539,6

665,4

658,6

738,1

750

Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

178,3

233,8

321,6

314,4

387,9

455,6

Ministère de la santé publique

109,4

123,7

159,4

149,7

159,6

261,3

Ministère du travail

1,4

1,4

0,2

2,4

3,8

4,4

Ministère du logement et des coopératives

42,7

25,9

17,2

13,4

3,7

53,6

Ministère des affaires des personnes déplacées

4,4

6,1

7,3

6,5

7,3

8,9

Ministère des questions municipales et rurales

12,6

18,6

14,7

3,8

0,5

1

Ministère de la formation professionnelle et technique

13,6

25,2

40

32,7

39,9

32,7

Ministère des affaires sociales

27,6

51,5

67,9

88,4

94,5

94,4

Ministère de la culture et de l'enseignement supérieur

59,9

70,2

105,1

60,6

153,8

195,4

Ministère de l'environnement

1,4

7,5

8

6

5,5

5,3

Dettes échues

1 542

1 358

2 278

2 600

2 700

3 200

Montant total du budget général

3 400

3 021

5 628

6 458

6 433

7 320

4.4.2 Dépenses de reconstruction

136. A la fin de 1992, le Conseil pour la reconstruction et le développement a été chargé par le gouvernement d'élaborer un plan de reconstruction et de redressement économique. Etendu et modifié ultérieurement, ce plan est désormais connu sous le titre de Plan de reconstruction et de développement pour l'année 2000. Dans la première version de ce plan, une somme de 11,7 milliards de dollars aux taux de 1992 était consacrée aux dépenses publiques, dont la majeure partie pour des projets de remise en état de l'infrastructure endommagée pendant la guerre et d'une importance vitale pour le redémarrage de l'économie. Suite à son expansion, le coût total du plan, y compris les divers fardeaux financiers et le coût entraîné par la nécessité de combler le déficit du budget général, s'élevait environ à 31 milliards de dollars aux taux actuels, à dépenser au cours de la période 1995 - 2007. La part des secteurs sociaux dans le montant total initial de ces dépenses s'élevait à environ 25 %, y compris les secteurs de l'éducation, de la jeunesse et des sports, de la formation professionnelle et technique, de l'enseignement supérieur, de la santé, des affaires sociales, des personnes déplacées et du logement 2 .

137. Dans la pratique, cet ambitieux programme de reconstruction est mis progressivement en oeuvre sur la base des ressources financières disponibles à cet effet. Le Conseil pour la reconstruction et le développement publie régulièrement des rapports sur l'état d'avancement des travaux et sur l'application pratique du programme qui assurent la principale source d'information aux fins d'analyse des dépenses publiques de reconstruction.

138. Le rapport sur l'état d'avancement des travaux publié en janvier 1998 retrace les projets menés à bonne fin entre le début de 1992 et la fin de 1997 sur la base du classement en quatre points ci-après : infrastructure de base; secteurs sociaux et économiques; administration publique; et secteurs de production et autres services. Le tableau suivant récapitule les progrès réalisés dans chacun de ces domaines.

Projet de reconstruction (janvier 1992 - décembre 1997) : état d'avancement des travaux

Secteur

Total

Contrats achevés

Contrats inachevés

Avancement des travaux (en %)

N o

Montant

N o

Montant

N o

Montant

Electricité

47

1 281

28

372,3

19

908,8

43

Postes et télécommunications

88

622,4

83

138

5

484,4

79

Routes, autoroutes et transports en commun

86

376,2

45

81,3

41

294,9

42

Déchets solides

25

217,8

17

46,8

8

171

54

Infrastructure

246

2 497,4

173

638,4

73

1 859,1

Approvisionnement en eau potable et assainissement

148

397,6

51

55,9

97

341,7

47

Education

446

422,9

380

96,7

66

326,3

24

Santé publique

68

118,2

24

3,3

44

114,9

36

Affaires sociales

17

3,1

13

1,6

2

0,4

Environnement

6

4,8

1

0,3

5

4,5

7

Logement et rapatriement de personnes déplacées

15

4,2

14

2,5

1

1,7

90

Secteurs sociaux et économiques

700

950,8

483

160,3

215

789,5

Ports et aéroports

25

526,4

9

10,3

16

516,1

55

Bâtiments publics

85

81,8

61

18,8

24

62,9

61

Administration publique

110

608,2

70

29,1

40

579

Agriculture et irrigation

42

39,1

27

14,1

15

25,1

31

Industrie et pétrole

14

3,1

11

0,8

3

2,3

42

Gestion de projets et autres formes de gestion

224

128,5

184

89,6

40

38,8

53

Secteurs de production et autres services

280

170,7

222

104,5

58

66,2

Total général

1 336

4 227,1

948

932,3

386

3 293,8

48

Source: Rapport sur l'état d'avancement des travaux - 1998. Conseil pour la reconstruction et le développement.

139. Le tableau ci-après montre que la part des secteurs sociaux et économiques s'élève à 22,5 % du montant total des dépenses prévues pour la reconstruction et à 17,2 % du montant total des dépenses au titre des projets menés à leur terme, contre 68,5 % des dépenses consacrées à l'infrastructure de base.

Part des différents secteurs dans le montant total des dépenses au titre de la reconstruction

(en pourcentage)

Secteur

Achevé

En voie d’achèvement

Total

Infrastructure de base

68,5

56,4

59,1

Secteurs économique et social

17,2

24

22,5

Administration publique

3,1

17,6

14,4

Secteurs de production et autres services

11,2

2

4

Total

100

100

100

Source : Rapport sur l'état d'avancement des travaux - 1998, Conseil pour la reconstruction et le

développement.

140. Un examen plus attentif des projets types exécutés et de leurs incidences pour l'amélioration de la condition de l'enfant fait apparaître ce qui suit :

- En ce qui concerne l'eau et l'assainissement, des projets ont été mis en oeuvre pour rénover les réseaux et développer l'accès à l'eau potable à Beyrouth et dans les zones rurales du Nord et de la Beqaa. Bien que les enfants ne soient pas spécifiquement ciblés par ces projets, ils n'en profitent pas moins en tant que membres des familles destinées à bénéficier d'un accès à de l'eau salubre, l'un des besoins essentiels selon la Convention relative aux droits de l'enfant. Alors que les projets d'assainissement ne visent pas non plus expressément les enfants, là encore, ils ont des répercussions positives sur l'environnement, en particulier les projets, que l'on ne saurait passer sous silence, destinés à créer des usines de traitement des effluents avant qu'ils ne se déversent dans la mer.

- Dans l'ensemble, les projets d'ordre éducatif prévoient la rénovation de 1 280 lycées publics et la dotation en matériel et équipement de laboratoire de certains d'entre eux. Tel est l'aspect de ces projets le plus directement lié aux enfants. Les autres projets exécutés dans ce domaine sont liés soit à l'enseignement supérieur, soit aux édifices publics ou en sont encore au stade de l'examen ou de la planification.

- Les projets clefs menés dans le domaine de la santé publique prévoyaient la construction de neuf centres de santé et de trois nouveaux hôpitaux publics, tous en zone rurale. Ils devraient avoir un impact positif sur l'état des soins de santé en général, et des enfants en particulier.

- Les projets mis en oeuvre par le ministère des affaires sociales sont de nature à contribuer à des études et au développement institutionnel.

141. Pour résumer, 17,5 % des dépenses au titre des projets sociaux visent des travaux d'infrastructure et la rénovation ainsi que l'équipement des secteurs sociaux. Le pourcentage serait inférieur toutefois si le classement des postes regroupés sous la rubrique du secteur social était plus précis (faudrait-il par exemple classer l'eau potable et l'assainissement sous la rubrique secteur social, services ou équipements collectifs ?) Par ailleurs, à l'exception des projets qui intéressent des lycées, on ne saurait définir avec précision les projets qui ciblent les enfants en particulier car ils assurent des services aux groupes d'âge compris entre 4-

5 et 18 ans. Par conséquent, les dépenses de reconstruction ont en partie amélioré le tableau d'ensemble des dépenses sociales dans le budget général. Elles ne changent cependant rien à la conclusion générale que la part des dépenses sociales demeure inférieure à ce qu'exigerait la situation au Liban, lequel continue de subir les effets économiques et sociaux de la guerre.

4.5 Aide internationale aux programmes d'organisations non gouvernementales en faveur des enfants

142.La part consacrée aux enfants au titre de l'aide internationale au secteur non gouvernemental a enregistré une tendance à la baisse entre 1994 et 1998, bien que le chiffre estimatif pour 1998 marque une amélioration par rapport à celui de l'année précédente.

Part des projets en faveur des enfants dans le montant total de l'aide internationale

au secteur non gouvernemental 3

Versements

Groupe cible : les enfants

Objet de l'activité : les enfants

Total

Montant en dollars

Pourcentage du total

Montant en dollars

Pourcentage du total

1994

25 286 300

16

4 683 767

3

157 139 000

1995

20 364 855

9,5

4 593 587

2,2

212 268 000

1996

12 059 615

3,7

3 335 740

1

328 995 000

1997

15 074 586

6,5

1 775 149

0,8

230 606 000

1998 Chiffre estimatif)

10 408 030

7,4

3 276 036

2,3

140 492 000

Source : PNUD.

143. Il y a lieu de noter que les organisations non gouvernementales actives dans le domaine de l'enfance ont des intérêts divers et décentralisés, allant de la fourniture de services de protection sociale (diverses formes d'assistance, crèches, etc.), au suivi de l'application de lois qui protègent les droits de l'enfant en passant par les soins de santé préventive et les loisirs. Des activités conjointes sont aussi menées par différentes fédérations et associations, en particulier à l'occasion d'événements ou de campagnes nationales, au sein du cadre coopératif du Conseil supérieur pour l'enfance qui fait office de coordonnateur entre le secteur public et les organisations internationales.

144. Dans ce contexte, il est bon d'évoquer tout particulièrement la convocation du Parlement des enfants à l'Assemblée nationale en 1996 et la conférence de presse organisée pour assurer le suivi des recommandations du Parlement en 1997, ainsi que la manifestation, en 1998, contre le travail des enfants sous la bannière "Du travail à l'éducation". Ce sont là quelques exemples des activités et du suivi engagés ultérieurement.

Recommandations du Parlement des enfants en date du 18 août 1996 4

145.Le Parlement des enfants a siégé à l'Assemblée nationale et a été présidé par le Président de celle‑ci, M. Nabih Berri. Au total, 133 enfants âgés de 6 à 18 ans y ont assisté. A la clôture de la session, les participants ont tenu une conférence de presse au cours de laquelle ils ont formulé les recommandations suivantes :

i) Assurer le suivi de l'application des recommandations faites à la session du Parlement des enfants conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant;

ii) Inviter les autorités exécutives et législatives à veiller à ce que les projets de développement social donnent la priorité au principe des droits de l'enfant et de l'intérêt supérieur de l'enfant;

iii) Souligner la nécessité de donner aux enfants la possibilité de jouir de leurs droits à l'éducation, à la santé et à la protection contre toutes les formes d'exploitation;

iv) S'efforcer de lutter contre toutes les formes de violence contre les enfants et l'imposition de préjudices moral ou corporel aux enfants et infliger des peines plus lourdes à quiconque leur porte atteinte;

v) Assurer la santé et la sécurité sociale des enfants dont les parents ne jouissent pas de cette sécurité et construire des hôpitaux dans les régions éloignées du pays;

vi) S'efforcer d'assurer l'instruction obligatoire et gratuite au stade de l'enseignement primaire et assurer une place à l'école pour tous les enfants;

vii) Sensibiliser l'opinion aux dangers des déchets toxiques et chimiques, de la pollution de l'environnement et de l'effet des pesticides chimiques sur la santé des enfants;

viii) Créer des bibliothèques et des jardins publics ainsi que des aires de jeux et des clubs pour enfants et veiller à ce que l'on attache de l'importance dans les programmes d'enseignement au dessin, à la musique et à l'art dramatique et à toutes les activités de loisirs et extra-scolaires;

ix) Consacrer davantage d'attention aux programmes de télévision pour enfants et offrir aux enfants des émissions éducatives;

x) Essayer de résoudre le problème des enfants sans-abri et des jeunes mendiants et veiller à leur réadaptation et insertion sociale en vue de les protéger du risque de délinquance;

xi) Essayer de transférer tout enfant délinquant encore en prison dans un centre de correction, l'inscrire à un programme de réadaptation et le placer au bénéfice de mesures de protection;

xii) Essayer de prendre soin des handicapés et assurer leur insertion sociale;

xiii) Essayer de construire des refuges pour la protection des enfants du Sud;

xiv) Souligner la nécessité d'introduire la question des droits de l'enfant dans les programmes scolaires;

xv) Souligner la nécessité d'appliquer la législation relative aux enfants;

xvi) Créer un parlement des enfants permanent.

4.6 Organismes chargés d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie nationale en faveur de l'enfance

146. Conformément à la conception contemporaine du développement adoptée dans le présent rapport, il appartient à la société dans son ensemble, c'est-à-dire au gouvernement, au secteur privé et au secteur non gouvernemental, ainsi qu'aux organismes nationaux et locaux, de faire respecter et appliquer la Convention relative aux droits de l'enfant. Dans l'ensemble, c'est l'intégration de ces rôles et fonctions qui garantit l'obtention des meilleurs résultats.

4.6.1 Responsabilité du secteur privé

147.Il est désormais habituel d'éviter de débattre de la responsabilité du secteur privé dans les domaines liés au développement humain et social du Liban et de circonscrire le débat à la responsabilité du gouvernement ou de l'Etat et du secteur non gouvernemental. Mais sur ce point, le secteur privé a un rôle important à jouer au Liban, d'autant que la majorité des investissements publics dans la remise en état de l'infrastructure et le développement institutionnel et législatif visent expressément à stimuler l'initiative de ce secteur et à l'amener à assumer des fonctions de premier plan dans le processus de croissance anticipé. Une raison supplémentaire d'attendre du secteur privé - qui profite de la richesse de la société dans son ensemble - qu'il s'empresse d'en faire autant tient au souci de le voir consacrer une partie de ses ressources à l'exercice d'une mission sociale nécessaire au pays. Au Liban tout spécialement, la responsabilité du secteur privé est d'autant plus grande qu'il joue un rôle manifestement plus crucial que les secteur public et non gouvernemental dans plus d'un domaine social. C'est ainsi qu'il est un acteur privilégié sur la scène de l'éducation, de l'enseignement pré-universitaire surtout, qui intéresse le groupe d'âge visé par la définition de l'enfant. C'est lui aussi qui joue le rôle principal dans le secteur de la santé, qui administre la plupart des crèches qui existent au Liban, et possède quatre des six stations de télévision. Il en va de même pour la radio, l'industrie du jouet, le matériel culturel destiné aux enfants, etc..

148. Le secteur privé gère ces types d'activité selon les principes qu'il applique à d'autres activités. En d'autres termes, le premier et le dernier critère est invariablement un gain matériel rapide, même si cela signifie qu'il faille sacrifier certains des principes essentiels autres qu'économiques qui ont cours en pareil cas.

149. Dans ces conditions, la participation du secteur privé à l'élaboration de la stratégie nationale pour l'enfance l'aide à apporter une contribution substantielle qui va dans le sens de la Convention relative aux droits de l'enfant et des intérêts des enfants du pays, sans porter atteinte aux mécanismes économiques de son action. La responsabilité de ce secteur peut être déterminée à plus d'un niveau, à savoir :

- Il faudrait parvenir à une compréhension mutuelle quant au respect des conditions à remplir pour que des conditions d'hygiène et une éducation appropriée soient assurées à un coût raisonnable dans les crèches et les écoles du secteur privé.

- Il faudrait se préoccuper davantage des soins de santé primaires et de la prévention au lieu de s'intéresser uniquement à la médecine thérapeutique et aux différents traitements.

- Les médias privés devraient faire preuve d'une responsabilité plus grande dans le respect des droits de l'enfant dans les émissions qu'ils diffusent et augmenter la part de ces émissions dans le temps d'antenne global.

- Dans le secteur du jouet, les fabricants, les commerçants et les annonceurs devraient se préoccuper davantage de la promotion de jouets éducatifs.

- Les propriétaires de grosses sociétés prospères devraient s'intéresser à la création de crèches, d'aires de jeux et de centres de loisirs pour les enfants de leurs employés.

- Le secteur privé devrait s'abstenir de contrevenir à la législation sur le travail des enfants.

150. De telles initiatives sont toujours possibles et le secteur privé peut apporter une petite contribution à la promotion du processus de développement et à l'amélioration de la condition de l'enfant en entreprenant des initiatives du même ordre ou en prêtant son soutien aux initiatives d'autrui. Il n'en demeure pas moins que pour importante que soit sa contribution, jamais elle n'excédera les profits énormes que ce secteur tire des investissements considérables que les pouvoirs publics engagent dans le but de stimuler l'investissement et le profit.

4.6.2 Organismes publics qui s'occupent des enfants

151. Du fait de l'expansion des droits de l'enfant, un nombre considérable de ministères et d'institutions publiques s'intéressent maintenant plus ou moins directement à la question. La présente section énumère simplement les principales autorités compétentes, se concentrant sur leur rôle et leur domaine d'intervention, car le sujet sera traité plus en détail dans d'autres chapitres et sections du rapport.

152. Au Liban, les principaux organismes et institutions publics qui s'occupent d'enfants sont les suivants :

a) La Commission parlementaire sur les droits de l'enfant

153.La création de la Commission parlementaire sur les droits de l'enfant en 1991 répondait à l'intérêt international croissant pour les enfants et traduisait dans la pratique la signature de la Convention relative aux droits de l'enfant par le Liban. La Commission est présidée par un membre du Parlement et se compose de plusieurs députés, outre un représentant de l'UNICEF, du Secrétaire général du Conseil supérieur pour l'enfance et de plusieurs représentants des organisations non gouvernementales actives dans ce domaine. Elle a pour principale fonction de travailler à l'élaboration de la législation nécessaire ou à la modification des lois en vigueur en vue d'appliquer la Convention. Elle est aussi chargée de faire adopter les mesures législatives et de contrôle nécessaires pour garantir l'application et le respect de ces lois. La Commission parlementaire coopère avec les ministères compétents et les secteurs non gouvernemental et privé dans l'exercice de ses fonctions. Elle a contribué à l'adoption de nouvelles lois et d'amendements à des lois en vigueur. Actuellement, elle cherche à modifier la législation pour imposer de plus lourdes amendes ou autres peines aux auteurs de délits et de crimes commis à l'encontre d'enfants. Elle est aussi en train d'élaborer un projet de loi tendant à réduire de moitié du prix normal les tarifs d'entrée pour enfants aux attractions touristiques et culturelles et à introduire une carte de santé spéciale pour les enfants âgés de moins de cinq ans (dans un premier temps), leur donnant gratuitement accès aux services des urgences dans les hôpitaux.

b) Le ministère des affaires sociales

154.Créé en 1993, ce ministère est chargé d'élaborer des plans de développement et de protection sociale et d'en suivre l'exécution. De plus, il a la responsabilité d'assurer des services de protection aux groupes de population dans le besoin, y compris aux familles et aux personnes pauvres, aux orphelins, aux personnes handicapées et aux jeunes délinquants, et d'aider les femmes et les ménagères en particulier. Il assure ces services soit directement, soit avec le soutien des organisations non gouvernementales qui offrent ce type de services. Il supervise aussi les travaux du Conseil supérieur pour l'enfance, de la Commission nationale pour l'élimination de l'analphabétisme, de la Commission permanente pour le logement et de l'Organisation nationale des handicapés et a des liens avec plusieurs projets visant la famille en général ou plus spécialement les femmes. Les activités du ministère qui concernent les enfants seront examinées plus en détail dans les sections qui suivent.

c) Le ministère de l'éducation et le ministère de la formation professionnelle et technique

155.Ces deux ministères assument une responsabilité capitale à l'égard des enfants puisqu'ils ont le souci d'assurer un bon enseignement et de préparer les enfants à leurs fonctions dans l'économie et la société et à leur rôle de citoyen. Cet aspect a été traité dans un autre chapitre du présent rapport.

d) Le ministère de la santé publique

156.Ce ministère est chargé d'élaborer et de faire exécuter la politique de la santé. Engagé comme il l'est à assurer le droit de tout citoyen à des soins de santé, il s'efforce de garantir ce droit dans la limite des moyens et ressources disponibles. Un autre chapitre du présent rapport traite en détail de la situation dans le secteur de la santé. Pour l'instant, il suffit de dire que la prestation de services de soins et la protection sanitaire des enfants s'inscrivent dans le cadre de la responsabilité générale du ministère.

e) Le ministère du travail

157.Ce ministère a pour responsabilités essentielles de réglementer le marché du travail et de veiller au respect de la législation applicable au travail des enfants. Il a des liens avec l'Agence nationale pour l'emploi et a été chargé de mener des études sur le marché du travail et de rédiger une politique en matière de recrutement fondée sur ces études. Il est aussi censé fournir une orientation professionnelle, une formation et un recyclage dans différents domaines spécialisés à l'intention des jeunes de plus de 15 ans. De plus, il doit fournir des débouchés aux demandeurs d'emploi par ses propres bureaux pour l'emploi. Toutes ces questions intéressent les droits des enfants qui travaillent.

f) Autres ministères

158.Dans l'exercice de leurs fonctions générales, les autres ministères s'intéressent indirectement aux enfants. En s'acquittant correctement de ses tâches par exemple, le ministère de l'environnement assure un environnement sain aux enfants, de même que l'exécution de projets de logements améliore leurs conditions de vie. Il en va de même pour le ministère de la justice, etc.. Dans un rapport tel que celui-ci, l'espace pour débattre de ces contributions est limité, encore que l'on fasse référence à leur rôle dans le contexte général si nécessaire.

4.7 La protection des enfants dans le cadre de l'activité du ministère des affaires sociales

159.De tous les ministères et organismes publics, le ministère des affaires sociales est le plus concerné par la condition des enfants au Liban : son champ d'action touche à des aspects liés aux droits de l'enfant. Il mène ses tâches sous diverses formes, en collaborant à telle ou telle action au côté d'autres organismes

publics, en exerçant une supervision par le truchement de ses propres organes, qui sont relativement

indépendants, en assumant une responsabilité directe dans la mise en oeuvre d'un projet donné.

160. Dans le premier de ces cas, le ministère des affaires sociales est partie avec d'autres ministères et institutions publiques à des organes qui se partagent la responsabilité de tel ou tel domaine spécifiquement lié aux enfants. Des exemples en sont sa participation avec le ministère du travail et l'Agence nationale pour l'emploi, entre autres, au suivi de la question du travail des enfants, sa participation à des commissions du travail avec le ministère de la justice, la Commission parlementaire sur les droits de l'enfant et d'autres encore pour le suivi de la question de la législation relative aux enfants et sa collaboration avec le ministère de la santé dans le cadre des services de soins de santé, etc. Dans ces domaines, comme dans des activités connexes, le ministère remplit son rôle de partenaire.

161. En deuxième lieu, le ministère est chargé de superviser plusieurs commissions nationales spécialisées dans des questions en rapport direct ou non avec les enfants. L'une de ces instances est la Commission permanente du logement, chargée de rédiger des politiques appropriées en matière de logement et dans des domaines touchant la famille, qui intéressent inévitablement les enfants, dont des programmes de planification familiale, de santé en matière de procréation et de santé maternelle et infantile. Le ministère des affaires sociales supervise aussi d'autres instances comme le Conseil supérieur pour l'enfance (dont il sera question plus en détail le moment venu), l'Organisation nationale pour les handicapés et la Commission nationale pour l'élimination de l'analphabétisme. Il chapeaute par ailleurs la conception et l'exécution de l'enquête statistique sur le logement et la population et les études spécialisées du même ordre et, de concert avec le ministère de la santé, l'enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile. Il joue un rôle clef dans chacun de ces organes, par lesquels il suit des questions spécialisées ou générales en lien avec la condition de l'enfant.

162. Troisièmement, le ministère est chargé, soit directement, soit par voie de contrats passés avec le secteur non gouvernemental, d'un certain nombre de projets et services. Il s'agit en particulier des services de protection des enfants et des familles qui ont besoin d'aide. Comme on le verra en détail, le ministère est la seule agence officielle responsable en la matière.

163. Les tâches du ministère des affaires sociales s'articulent donc autour de cet axe qu'est la protection sociale. Celle-ci est généralement offerte aux familles nécessiteuses et aux personnes en difficulté (comme les orphelins, les veuves et les handicapés), ainsi qu'aux enfants de ces familles. En tant que groupe social, les enfants peuvent donc être considérés comme les principaux bénéficiaires de l'activité de protection sociale exercée par le ministère des affaires sociales et de son activité de protection sociale des enfants en particulier.

164. Le ministère des affaires sociales comprend plusieurs directions et départements, dont le mandat va de la protection sociale et du développement social à la planification et à la recherche en passant par le travail administratif. Cet examen se limitera toutefois au travail de pionnier de la Direction des services sociaux qui intéresse particulièrement les familles et plus encore les enfants.

165. D'après le rapport annuel sur les activités du ministère en 1996, qui donne un exemple de son travail, près de 3 000 personnes ont été secourues au cours de cette année et le ministère a conclu des contrats avec 163 institutions de protection sociale des différents gouvernorats. Les groupes d'enfants bénéficiaires de cette aide sont les orphelins, ceux qui se trouvent dans une situation sociale difficile (pauvreté, famille éclatée, etc.), nourrissons des familles dans le besoin (le terme "nourrissons" s'étend aux enfants illégitimes et aux enfants trouvés) et les délinquants (des services de protection sociale sont aussi assurés aux handicapés et à d'autres personnes encore). Ces services se répartissent comme suit par gouvernorat et par région :

Orphelins

Cas sociaux

Nourrissons

Délinquants

Total

En pourcentage

Beyrouth

810

5 218

494

0

6 647

22,5

Mont Liban

999

11 466

280

50

12 920

43,6

Nord

258

3 071

137

50

3 541

12,0

Beqaa

150

2 315

75

0

2 540

8,6

Sud

256

3 691

280

0

4 227

14,3

Total

2 473

25 761

1 266

100

29 600

100

Pourcentage

8,4

87,0

4,3

0,3

100

Source : Ministère des affaires sociales, rapport annuel pour 1996.

166. On voit clairement en examinant ce tableau que les enfants de familles qui connaissent des conditions de vie difficiles constituent l'immense majorité (87 %) de celles qui bénéficient d'une aide, contre 8,4 % d'orphelins, ce qui confirme les conclusions tirées précédemment au sujet de la détérioration de la situation sociale, de ses effets sur la vie familiale et les enfants dans la famille et la nécessité de programmes d'aide plus étendus, qui viendraient se substituer aux programmes limités exclusivement aux groupes ayant des besoins spéciaux. Un autre trait frappant réside dans la répartition géographique inégale des services fournis : le Mont Liban se trouve au premier plan, suivi de Beyrouth, du Nord et ainsi de suite. Nous reviendrons bientôt sur le sujet vu ses rapports avec l'étendue des besoins dans ces secteurs.

167. En 1996, 29 000 enfants au total ont bénéficié d'une aide au Liban, représentant 6,3 % du nombre total d'enfants défavorisés du pays (estimés à environ 468 559) selon l'indice ou guide sur les conditions de vie évoqué plus haut au chapitre III. Il faudrait noter toutefois que le nombre d'enfants du groupe le plus défavorisé qui ont besoin d'une assistance immédiate est inférieur aux données figurant dans d'autres études, tombant à 20 - 25 % de ce chiffre 5 . De plus, le nombre d'orphelins bénéficiaires d'une assistance atteignait 2 473, soit 7,7 % du nombre approximatif d'enfants qui vivent dans des familles dont l'un des parents est décédé (32 283 enfants au total) 6 .

168. En ce qui concerne la répartition régionale du nombre de personnes secourues, il est à noter que Beyrouth et le Mont Liban ont une part proportionnellement bien plus élevée du nombre total de ces personnes par rapport au nombre théorique d'enfants défavorisés pouvant prétendre à ces services. Aussi, tandis que le gouvernorat du Nord abrite le plus grand nombre d'enfants défavorisés, ils ne sont pas plus de 2,2 % à bénéficier de cette assistance. Ce chiffre est de 3,2 % dans la Beqaa et de 4,6 % dans le gouvernorat du Sud (Sud et Nabatiyé combinés), contre 11,4 % pour le Mont Liban et 25,5 % à Beyrouth. Même s'il se peut qu'un pourcentage d'enfants d'autres gouvernorats soient placés dans des institutions de protection sociale de Beyrouth et du Mont Liban, leur nombre est trop insignifiant pour expliquer cet écart.

Enfants défavorisés et enfants bénéficiaires d'une aide, par région

(en nombre et en pourcentage)

Enfants défavorisés

Enfants bénéficiant d'une aide

Pourcentage d'enfants bénéficiant d'une aide

Beyrouth

26 105

6 647

25,5

Mont Liban

113 027

12 920

11,4

Nord

158 187

3 541

2,2

Beqaa

79 342

2 540

3,2

Sud

91 898

4 227

4,6

Total

468 559

29 600

6,3

Source : Ministère des affaires sociales, rapports annuels pour 1993 et 1996.

169. A propos de la croissance et du développement de la prestation de services aux personnes dans le besoin, entre 1993 et 1998, le ministère a enregistré une augmentation du nombre d'enfants bénéficiaires de cette aide, soit 7 779 cas, correspondant à une augmentation de 35,6 % par rapport à 1993.

Augmentation du nombre de personnes bénéficiaires d'une aide

et pourcentage de cas entre 1993 et 1996

1993 (nombre)

1996 (nombre)

1993 (pourcentage)

1996 (pourcentage)

Orphelins

1 713

2 473

7,9

8,4

Cas sociaux

19 049

25 761

87,3

87,0

Nourrissons

754

1 266

3,5

4,3

Délinquants

30

100

0,1

0,3

Mendiants

275

0

1,3

0,0

Total

21 821

29 600

100

100

Source : Ministère des affaires sociales, rapports annuels pour 1993 et 1996.

170. Le taux d'augmentation du nombre d'enfants bénéficiaires d'une aide entre 1993 et 1996 (35,6 %) est bien inférieur au taux d'augmentation des crédits alloués au ministère au titre du budget de l'Etat, soit 135,1 %, alors que la part relative du ministère dans les dépenses générales est passée de 1,1 % à 1,4 % (en d'autres termes, au taux de 27,3 %). On peut en déduire qu'il n'est pas possible de prendre l'augmentation numérique des crédits ouverts pour indicateur des progrès réalisés en matière de protection des enfants, puisque cette augmentation est absorbée par différents éléments (dont surtout l'augmentation générale du coût de ces services), au détriment de l'expansion proportionnelle des services fournis.

Evolution des budgets et des services du ministère des affaires sociales (1993 et 1996)

1993

1996

Augmentation

Augmentation en pourcentage

Nombre de bénéficiaires

21 821

29 600

7 779

35,6

Budget (en milliards de livres libanaises)

37,6

88,4

50,8

135,1

Part du budget général

1,1 %

1,4 %

0,3

27,3

Source : Budgets généraux et rapports annuels du ministère des affaires sociales.

171. Dans l'ensemble, les types de projets entrepris par les institutions ayant conclu un contrat avec le ministère des affaires sociales concernent des centres de santé (63,1 %) et, dans une moindre mesure, des centres sociaux (18,2 %) et des crèches (15,9 %). Ces projets représentent la part directe des enfants dans les activités des organisations non gouvernementales qui reçoivent un soutien du ministère grâce au système des contrats (chiffres de 1996, demeurés pratiquement inchangés depuis 1993).

Centres ayant passé un contrat avec le ministère des affaires sociales,

par type et par gouvernorat en 1996

Centres sociaux

Centres de santé

Crèches

Centres de formation

Foyers

Institutions pour aveugles

Foyers pour handicapés physiques

Centres de formation professionnelle

Centres de planning familial

Total

Beyrouth

2

6

5

1

0

1

0

0

0

15

Mont Liban

7

50

9

0

1

1

1

0

0

68

Nord

5

27

5

0

0

0

1

0

0

38

Sud

12

13

8

0

0

0

1

1

1

35

Beqaa

6

15

1

0

0

0

0

0

0

24

Total

32

111

28

1

1

2

3

1

1

176

%

18.2

63.1

15.9

0.6

0.6

1.1

1.7

0.6

0.6

100

Source : Ministère des affaires sociales, rapport annuel pour 1996.

172. De façon générale, les services de protection de l'enfance assurés par le ministère des affaires sociales sont surtout d'ordre éducatif (enseignement général et formation professionnelle) et liés au droit de l'enfant à l'éducation, ils sont suivis des services de santé et de nutrition (nourrissons et familles dans le besoin), en rapport avec le droit de l'enfant à la survie et à une croissance en bonne santé, et, enfin, de l'assistance familiale au titre du droit de l'enfant à vivre dans un milieu familial stable qui favorise son épanouissement physique et mental. Le ministère dispense aussi des services aux enfants handicapés, dont il sera question ailleurs.

4.8 Le Conseil supérieur pour l'enfance et son plan national

173. En 1994, le Conseil des ministres a publié une décision autorisant le Ministre des affaires sociales à créer le Conseil supérieur pour l'enfance en tant que porte-drapeau de sa politique d'unification et de coordination de l'action des pouvoirs publics et des organisations non gouvernementales.

174. Le Conseil supérieur pour l'enfance se compose de 19 membres (outre son Secrétaire général), soit 10 représentants du secteur public, 8 représentants du secteur non gouvernemental et un représentant de l'UNICEF (au nom des organisations internationales actives dans le domaine de l'enfance). Comme on l'a déjà indiqué, le secteur privé n'est pas représenté au Conseil. L'absence de participation du secteur privé est un phénomène courant dans plus d'un domaine lié au développement et s'explique par sa participation

modeste à ce jour au travail social ou de développement. En revanche, les secteurs public et non gouvernemental sont équitablement représentés. S'agissant des pouvoirs publics, chacun des différents ministères intéressés par l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant y a sa place. C'est pourquoi le Conseil est bien le lieu où les plans nationaux en la matière peuvent prendre forme.

175. Depuis sa création, le Conseil a été chargé de répondre aux besoins touchant l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant et d'organiser différents types d'activités d'information et de sensibilisation, la formation et la rédaction des rapports à soumettre aux organes internationaux, ou d'y participer.

176. Depuis 1995, le Conseil a participé au Conseil technique suprême pour les affaires des enfants arabes de la Ligue des Etats arabes, auquel il a communiqué le plan national pour la protection des enfants. Il communique aussi régulièrement des études et des rapports au Département des enfants de la Ligue des Etats arabes.

177. Le Conseil a travaillé à la rédaction d'une étude juridique comparant les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant à celles de la législation libanaise, laquelle est considérée comme la pierre de touche de l'action sociale liée à des droits. Sur la base de cette étude, il a ensuite soumis plusieurs propositions d'amendement à de nombreuses dispositions du droit libanais en vue d'une harmonisation avec les principes stipulés dans la Convention. Il a aussi joué un rôle dans les activités de suivi qui ont abouti à la promulgation de nouvelles lois qui sont plus en accord avec la Convention.

178. En mai 1996, le Comité des droits de l'enfant s'est penché sur le rapport initial transmis par le Conseil en octobre 1994. Le Conseil supervise aussi la rédaction du rapport qui servira à mettre au point la stratégie nationale en faveur des enfants du Liban.

179. Au plan de l'organisation, le Conseil est en train de mettre la dernière main à son règlement intérieur et de développer ses mécanismes de travail pour être mieux en mesure de s'acquitter des tâches qui lui sont confiées 7 .

4.9 Le plan national d'action pour la survie, la protection et le développement des enfants

180.Dès les premiers mois de sa création, le Conseil s'est efforcé de concrétiser ses idées en ce qui concerne l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant en rédigeant un avant-projet. Intitulé Plan national d'action pour la survie, la protection et le développement des enfants, cet avant-projet a été achevé en 1995. Mais à cette époque, les conditions à remplir pour mettre un plan ou une stratégie en oeuvre au sens visé au début du présent chapitre sont demeurées insatisfaites. Aussi le Plan a-t-il pris la forme d'une énumération des principaux problèmes que rencontraient les enfants et des indicateurs disponibles. Il a aussi fixé des objectifs et des recommandations à la lumière de la Convention et des programmes sectoriels dans des domaines comme la santé et l'éducation. Le tableau ci-après résume la conception générale du Plan du Conseil.

Plan national d'action pour la survie, la protection et le développement des enfants

Section/rubrique

Résumé des dispositions de fond

1.Introduction

L'Introduction retrace le cadre international, régional et national général aux plans économique et politique, ainsi que l'impact social sur la condition des enfants en particulier. Elle évoque tout spécialement la guerre du Liban et ses effets destructeurs à différents niveaux, dont les déplacements et la détérioration générale du niveau de vie. Enfin, elle conclut que pendant les difficiles années de guerre, c'est la lutte pour la survie qui était la loi en vigueur au Liban et qu'il était donc impossible d'axer l'attention de la société et des individus sur les besoins des mères et des enfants.

2.La condition des enfants et des mères au Liban :

a)Santé et environnement

b)Education

c)Protection et réadaptation

Cette section examine les données disponibles sur la condition des enfants. Mais, faute de statistiques, la description repose sur les autres données disponibles à l'époque.

a)Santé et environnement : référence aux principaux problèmes, liés en particulier aux taux de mortalité infantile, aux mariages consanguins, à la pollution de l'eau, aux soins de santé maternels et infantiles, à la nutrition, etc. Le Plan appelle l'attention sur les disparités régionales.

b)Education et formation : référence à l'obso-lescence des programmesscolaires, à l'absence de politique appropriée de l'enseignement, aux problèmes de répartition des enseignants, à la médiocrité de la liaison éducation – vie active, aux dégâts occasionnés par la guerre aux établissements scolaires publics, à l'absence de possibilités et d'aires de jeux pour les enfants et les jeunes, adaptés à leurs centres d'intérêt, etc.

c)Protection et réadaptation : examen des effets psychologiques de la guerre sur les enfants et des problèmes des enfants abandonnés ou orphelins, du handicap etc.

3. 3.La situation dans le secteur public en termes de services aux mères et aux enfants et ses rapports avec la Convention relative aux droits de l'enfant

Il est fait ici référence à l'insuffisance avérée des structures et des institutions par rapport aux besoins, constatée dans les secteurs tant non gouvernemental que public. Du fait des conséquences de la guerre, le secteur public s'est adapté pour financer des initiatives spéciales dans le domaine des services éducatifs et sanitaires.Cette section évoque également les engagements pris par les gouvernements qui ont signé la Convention d'en appliquer les dispositions, lesquelles incluent l'adoption de mesures pour modifier les priorités, examiner les budgets, produire des statistiques, mener un suivi, développer la recherche, etc.

4.Données et indicateurs à la lumière des objectifs

Cette section contient simplement une table des indicateurs disponibles sur la condition des mères et des enfants par rapport aux objectifs pour 1995 et 2000. La plupart de ces indicateurs n'étaient pas disponibles lors de la rédaction du Plan.

5.Le Plan d'action :

a)Santé et environnement

b)Education et formation

c)Protection et réadaptation

Cette section examine de façon plus approfondie les trois rubriques de la deuxième section du point de vue des recommandations et des objectifs globaux dans chaque domaine.

a) Santé et environnement : examen des objectifs de santé tirés de la Convention relative aux droits de l'enfant (21 recommandations et objectifs différents).

b) Education et formation : examen des objectifs du plan pour la promotion de l'éducation au Liban (22 objectifs).

c) Protection et réadaptation : examen des 14 objec-tifs et recommandations couvrant différents domaines en rapport avec la protection des enfants.

6.Constantes clefs de la méthodologie de la planification et de l'exécution :

a)Information et documentation;

b)Lutte contre le travail des enfants;

c)Législation : développement, relance et suivi.

Cette dernière section examine ces trois domaines secondaires (information, travail des enfants et développement de la législation) dans la mesure où il s'agit de priorités qui devraient recevoir toute l'attention voulue.

181. Un gros obstacle à la préparation d'un plan pleinement intégré et détaillé venait de ce que la deuxième condition sine qua non à remplir, évoquée plus haut, n'était pas satisfaite. En d'autres termes, on ne disposait pas de données et de renseignements scientifiques exacts sur la situation sociale en général et sur celle des enfants en particulier faute de statistiques et d'études nationales.

182. Les auteurs du plan du Conseil supérieur pour l'enfance étaient bien conscients de cette lacune qui limitait la nature du projet. Il est dit à plusieurs reprises dans l'introduction au Plan et dans sa conclusion qu"'il est nécessaire de procéder à des études sur le terrain et de réunir des statistiques scientifiques pour que le Plan corresponde bien à la réalité"; ceci fait, le Conseil supérieur pour l'enfance serait alors en mesure de rédiger "ses plans nationaux en faveur des enfants, qui font partie du processus de relance sociale de la nation" 8 . Cela était expressément lié à la publication des résultats de l'enquête statistique sur la population et le logement, qui donne des renseignements cruciaux.

4.10 Résumé

183. L'article 4 de la Convention relative aux droits de l'homme prévoit ce qui suit :

"Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente Convention. Dans le cas des droits économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s'il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale."

Cet article traite essentiellement de la nécessité de formuler des plans ou stratégies nationales en faveur des enfants, ce qui fait l'objet du présent chapitre. A cet égard, les commissions internationales chargées d'élaborer des directives générales pour l'établissement des rapports nationaux soulignaient les points ci-après : 9

- Une stratégie intégrée s'impose si l'on veut réaliser les droits énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant; les rapports nationaux devraient faire état des mesures prises à cet effet.

- Il faudrait analyser les budgets généraux en vue de permettre à la société et aux décideurs de déterminer la part à consacrer aux enfants dans les dépenses tant publiques que sociales, recenser les mesures adoptées pour coordonner les politiques économiques et sociales et réduire les disparités régionales et sociales et, enfin, mettre le doigt sur le plus ou moins grand intérêt prêté aux questions des enfants par les collectivités locales.

- Les pouvoirs publics devraient établir des mécanismes et structures permanents pour s'occuper des affaires des enfants et assurer la coordination, le suivi et la modification du plan afin de répondre aux changements et aux progrès réalisés dans la mise en oeuvre.

- Il faudrait créer les moyens et outils de suivi et de contrôle nécessaires, notamment pour recueillir et mettre régulièrement à jour les statistiques.

- Il faudrait garantir la participation de représentants de la société civile et des enfants eux-mêmes dans tout ce qui touche à la mise en oeuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant.

184. Il ressort de l'examen du bilan de l'action menée par le Liban à ce sujet depuis qu'il a signé la Convention que :

a) La nécessité de se soucier davantage de la question des droits de l'enfant a enfin été reconnue et les premières mesures pratiques arrêtées en ce sens, comme nous l'avons vu dans le présent chapitre et dans d'autres. Même si ces mesures n'ont pas été suffisamment bien coordonnées et ne se sont pas inscrites dans un plan cohérent, elles ont toutes été prises consciemment et intentionnellement dans l'idée de répondre aux exigences de la Convention relative aux droits de l'enfant.

b) Quant à l'analyse des budgets généraux, l'optique dans laquelle elle est abordée dans le présent chapitre est extrêmement générale et par conséquent insatisfaisante. Il ne fait aucun doute que le désintérêt pour les conséquences sociales des dépenses publiques constitue un handicap considérable qui empêche de formuler les politiques sociales voulues, que ce soit en ce qui concerne les enfants ou de façon générale.

c) Un problème clef concerne l'attention portée par les collectivités locales à la condition des enfants et leur part de responsabilité directe dans la garantie des droits de l'enfant. Les collectivités locales doivent en effet intervenir elles aussi si l'on veut décentraliser le problème et le dégager de la théorie pour axer au contraire l'attention sur les lieux où les enfants sont présents, ainsi que sur ceux où ils exercent effectivement leurs droits. A cet égard, l'absence de toute municipalité élue au Liban depuis 1963 est un obstacle fondamental à la transformation du développement en général en un véritable exercice local. La tenue d'élections municipales en 1998 a constitué indubitablement un fait marquant dans la mesure où elle a suscité des centaines d'organes locaux qui sont en mesure de jouer un rôle majeur dans le respect des droits de l'enfant. On n'attend toutefois pas de ces municipalités qu'elles assument automatiquement et immédiatement ce rôle car elles ont besoin d'aide pour donner corps à leur mission de développement, ainsi que de temps pour organiser leur travail. Cela dit, leur existence même est un formidable pas en avant, car elles sont les acteurs vers lesquels les organisations non gouvernementales peuvent se tourner et avec qui elles peuvent coordonner leur action dans l'intérêt de la mise en oeuvre de projets visant à améliorer la condition de l'enfant.

d) Pour ce qui est de la création, par les pouvoirs publics, de structures permanentes destinées à s'occuper des enfants, des mesures pratiques ont été prises à cet effet avec l'instauration du Conseil supérieur pour l'enfance, de la Commission parlementaire sur les droits de l'enfant et de la commission qui a vu le jour à l'issue de la conférence sur la situation du travail des enfants au Liban. Constituée par un décret promulgué par le Ministre du travail, cette commission comprend des représentants du secteur public et des organisations non gouvernementales et est chargée d'élaborer une stratégie de lutte contre le travail des enfants. Il faudrait malgré tout faire observer que la condition de l'enfant ne saurait être considérée isolément de celle de la société dans son ensemble. La création du Conseil supérieur pour l'enfance est donc insuffisante en soi vu l'interaction qui s'exerce entre la condition de l'enfant et la situation économique et sociale en général, comme on l'a déjà indiqué à plusieurs reprises. En ce sens, l'absence de conseil économique et social, malgré l'accord de principe d'en constituer un, est un grave manquement. Ce conseil serait composé de représentants des parties concernées par les enfants (les enfants eux-mêmes ou le Conseil supérieur pour l'enfance) pour que la question des droits de l'enfant s'inscrive dans un souci plus vaste et que les intérêts des enfants soient pris en compte dans la formulation des politiques tant générales que sectorielles.

e) Pour ce qui est du contrôle, du suivi et de la collecte d'informations, il se pose effectivement un problème d'ordre général au Liban en ce qui concerne les mécanismes de contrôle et de suivi voulus; un plus gros effort doit être consenti pour les améliorer, car les dispositions législatives et les lois s'étendent très souvent à de nombreux droits qui ne sont pas exercés dans la pratique pour des raisons de coutume ou faute d'efficacité des moyens de contrôle et de suivi. Mais en matière de collecte de renseignements, la situation qui prévalait précédemment, à savoir qu'il n'existait pratiquement aucune statistique nationale, a été surmontée. Les choses se sont effectivement bien améliorées par rapport à il y a quelques années et des mesures effectives sont prises pour veiller entre autres à ce que des informations soient systématiquement et régulièrement recueillies et que la procédure soit constamment perfectionnée.

CHAPITRE V

LE DROIT À L'ÉDUCATION

Article 28

5.1 Instruction obligatoire

185. Avec l'évolution de l'organisation de la société, la multiplication des institutions sociales et le développement social et technologique, il est devenu indispensable, pour que la société vive et se perpétue, d'instaurer l'instruction pour tous. Cette évolution est allée de pair avec le développement de la pensée sociale et philosophique, selon laquelle l'acquisition de connaissances a continué à être considérée comme un droit de l'homme essentiel et non pas simplement comme un besoin de la production ou de l'économie. C'est dans ce contexte que l'idée d'instruction obligatoire qui concrétisait ce droit ou cette nécessité s'est fait jour dans les sociétés contemporaines.

186. Dans chaque pays, la limite prescrite à l'instruction obligatoire est liée tout d'abord au niveau de développement scientifique et technologique, ensuite à la disponibilité de ressources et aux moyens de mettre l'instruction obligatoire en pratique, et enfin à la philosophie qui préside à la planification sociale adoptée par l'Etat pour déterminer dans quelle mesure il est tenu de garantir ce droit. Le caractère obligatoire de l'instruction pour tous les citoyens implique inévitablement aussi sa gratuité, laquelle dépend au premier chef de l'exercice par l'Etat de sa responsabilité primaire dans la prestation des services d'enseignement de base. Il faudrait noter que celle-ci est du ressort de l'Etat dans l'immense majorité des pays, quelle que soit leur philosophie sociale retenue.

187. Le Liban ne s'est pas écarté de cette voie même si, avant 1988, le terme "obligatoire" en tant qu'expression du droit ou de la nécessité dont il a été question plus haut ne faisait pas partie du vocabulaire public officiel employé à propos d'éducation. Aux termes de l'article 19 du Décret législatif No 134 du 12 juin 1959 relatif au ministère de l'éducation  : "L'instruction est gratuite au niveau primaire et constitue un droit de tout Libanais d'âge scolaire". L'article 5 de ce même décret, tel qu'il a été modifié par la Loi du 14 mai 1960, stipule aussi : "Les élèves sont admis gratuitement dans les établissements scolaires publics de tous types et niveaux." 1

188. A cette époque, ces décrets représentaient une avancée importante dans le processus de renforcement de l'enseignement public au Liban, les institutions privées s'étant déjà bien implantées dans ce domaine vital depuis le dix-neuvième siècle, grâce en particulier aux missions étrangères et aux établissements d'enseignement relevant des groupes confessionnels. Les mesures prises par les pouvoirs publics pour étendre l'enseignement public dès la fin des années 50 répondaient donc au besoin urgent de développer l'instruction dans toutes les régions du pays et en faveur de tous les groupes sociaux, ce qui ne pouvait se faire qu'à travers l'enseignement public. Il y a lieu de relever que ces mesures s'inséraient dans la politique de développement poursuivie sous la présidence de Fouad Chehab (1958 - 1964), qui a adopté le modèle de l'Etat providence comme ligne de conduite de l'action gouvernementale. Le gouvernement s'était donc engagé tant en théorie qu'en pratique à édifier des écoles publiques et à développer l'éducation selon le principe "place à l'école pour chaque enfant".

189.La loi n'exigeait toutefois pas des familles qu'elles inscrivent leurs enfants à l'école car l'idée d'instruction obligatoire a toujours été jugée incompatible avec la conception de l'économie libérale que suivait le pays et qui le distinguait d'ailleurs des pays environnants, qui, tous, avaient inscrit l'instruction obligatoire dans leur législation. Quoi qu'il en soit, la législation à elle seule ne suffit pas à garantir

l'enseignement pour tous les citoyens à moins que les autres éléments nécessaires soient tous réunis pour que, de slogan, l'instruction obligatoire se change en réalité.

190. Les années 90 ont apporté des éléments qui ont permis au vocabulaire officiel de s'adapter à l'évolution nationale et à la nécessité pour le Liban de respecter la Convention relative aux droits de l'enfant qu'il avait signée. L'expression "instruction obligatoire" est ainsi devenue partie de la terminologie officielle, apparaissant pour la première fois dans la Charte de réconciliation nationale de Taëf, puis dans le plan tendant à relancer et restructurer l'éducation. Une première tentative pour promulguer une loi instaurant l'instruction obligatoire a été faite en 1992 quand le gouvernement a saisi l'Assemblée nationale d'un projet de loi prévoyant l'instruction obligatoire jusqu'à l'âge de 11 ans et l'imposition d'amendes aux responsables légaux qui enfreignaient la loi. Mais l'Assemblée nationale a renvoyé le projet au gouvernement pour révision à la lumière des plans et stratégies en cours d'élaboration en matière d'éducation et il a été effectivement procédé à la révision demandée.

191. Le 16 mars 1998, a été promulgué le Décret No 686 rendant l'enseignement primaire obligatoire et gratuit. Ce texte ne contenait qu'un seul article, ainsi conçu :

L'article 49 du Décret législatif No 134/59 relatif au ministère de l'éducation est modifié comme suit :

"Nouvel article 49 : L'instruction est gratuite et obligatoire au niveau primaire et constitue un droit de tout Libanais en âge de fréquenter l'école primaire. Les conditions et l'organisation de l'instruction gratuite et obligatoire seront déterminées par décret adopté en Conseil des ministres."

192. Cette loi n'était qu'un premier pas sur la voie de l'imposition de l'enseignement de base obligatoire (jusqu'à l'âge de 15 ans) conformément à la nouvelle structure. Actuellement, l'enseignement est obligatoire au premier niveau de l'enseignement de base, connu sous le nom - qu'il garde - d'enseignement primaire, et ce, jusqu'à l'âge de12 ans. Mais ce seuil sera relevé en temps opportun une fois mise en place la nouvelle structure.

193. Certaines questions ne sont toujours pas réglées, tel le lien entre l'instruction obligatoire (jusqu'à l'âge de 12 ans révolus) et l'âge minimum auquel un enfant peut être employé (13 ans révolus). La même loi énonçait aussi la nécessité de déterminer les conditions réglementaires et exécutives de la mise en oeuvre de l'instruction obligatoire, dont des mesures pour encourager les familles à maintenir leurs enfants à l'école jusqu'à l'âge spécifié (aider celles dans le besoin, améliorer la qualité de l'enseignement, assurer un lien entre l'enseignement et le marché du travail, etc.), et l'imposition d'amendes ou autres peines aux personnes qui enfreignent la loi.

5.2 Gratuité de l'enseignement

194.Au Liban, l'interprétation de la gratuité de l'enseignement est extrêmement particulière vu la pluralité de structures de ses institutions d'enseignement. L'action des missions étrangères dans le domaine de l'éducation a déjà été évoquée; elle précède la création de l'Etat du Grand Liban (1920) et l'indépendance nationale (1943) de nombreuses années. La Constitution libanaise prévoit aussi la gratuité de l'enseignement et le droit des groupes confessionnels à créer leurs propres établissements d'enseignement. Quant à l'Etat, il ne demeure pas inactif, d'autant que l'enseignement public a commencé à s'étendre à la fin des années 50.

195. La loi prévoit la gratuité de l'enseignement primaire par le biais soit des établissements publics, soit des écoles primaires du secteur privé subventionné par les pouvoirs publics au moyen d'une allocation de crédits du ministère de l'éducation à cet effet. En conséquence, les types suivants d'établissements d'enseignement co-existent dans le système éducatif libanais :

a) Des établissements d'enseignement publics  : de l'école maternelle à l'université, ces établissements sont en principe gratuits (l'élève ou l'étudiant paie des frais d'inscription et parfois d'autres frais).

b) Des établissements privés gratuits  : ils n'existent qu'au niveau primaire. Créés par des individus ou des organisations, ils émargent au budget du ministère de l'éducation sur la base de rapports faisant état du nombre d'élèves inscrits. Dans ces écoles, l'élève paie des frais d'inscription et d'autres frais divers qui varient d'une école à l'autre.

c) Des établissements privés payants  : ils dispensent un enseignement qui va de l'école maternelle à l'université. Ils ont été créés par des individus, des organisations, des groupes confessionnels ou des missions étrangères; les élèves ou les étudiants paient des frais annuels qui sont fixés par la direction et varient d'un établissement à l'autre. Ce sont des établissements de très haut niveau, qui sont considérés comme des écoles et des universités d'élite. Les pouvoirs publics prennent à leur charge une partie des frais d'éducation en accordant des bourses aux agents de la fonction publique et au personnel militaire.

196. La gratuité de l'enseignement est donc surtout assurée par le biais des écoles publiques et des écoles privées subventionnées du primaire, puis uniquement par des établissements d'enseignement publics aux niveaux supérieurs. La gratuité de l'enseignement est compromise par la diversité de niveaux des trois types d'établissements mentionnés; suite aux années de guerre, la qualité de l'enseignement dans les établissements publics et privés subventionnés est généralement moindre que dans les institutions privées non subventionnées. Les familles font donc des efforts pour inscrire leurs enfants dans le privé qui accueille la majeure partie des enfants du Liban; pour l'année scolaire 1995/1996, il accueillait 56,1 % des élèves, contre 30,6 % pour le public et 13,4 % pour les établissements privés subventionnés.

Répartition des élèves, par secteur d'enseignement et par niveau

(en pourcentage)

Secteur

Pré-primaire

Primaire

Secondaire de premier cycle

Secondaire de deuxième cycle

Total général

Public

17,1

29,0

39,7

41,6

30,6

Privé subventionné

16,5

22,2

-

-

13,4

Privé non subventionné

66,4

48,7

60,3

58,4

56,1

Total

100

100

100

100

100

Source  : Educational Centre for Research and Development, 1995/1996.

197.Il ressort clairement de ce tableau que la contribution pratique du secteur public à l'offre d'un enseignement gratuit n'est pas au diapason du caractère obligatoire de l'enseignement imposé au niveau primaire, puisque la part du secteur public s'accroît avec l'élévation du niveau de l'enseignement et atteint son étiage au niveau primaire (et pré-primaire) obligatoire.

198. Pour ce qui est du coût de l'éducation, selon l'étude sur les conditions de vie des ménages en 1997, le coût estimatif moyen de scolarisation d'un enfant au Liban est de 1 467 millions de livres libanaises. Les

dépenses au titre de l'éducation représentent 13,1 % des dépenses mensuelles des ménages et occupaient le troisième poste après l'alimentation (33,9 %) et le logement et les services (15,3 %). 2

199. En fait, l'enseignement n'est pas gratuit, même pour les familles qui inscrivent leurs enfants dans des écoles publiques ou des écoles privées subventionnées. Certes, le coût de l'éducation dans ces établissements est bien inférieur à celui des écoles privées non subventionnées, où les sommes en jeu sont élevées, mais l'enseignement est loin d'être complètement gratuit; le coût moyen par élève aux différents niveaux s'élève à 421 000 livres libanaises par an pour l'éducation nationale. 3

Coût par élève dans l'enseignement public et privé, par niveau et par type de dépenses

(en milliers de livres libanaises)

Niveau

Secteur public

Secteur privé

Autres frais

Montant

Total

Montant

Autres frais

Total

Pré-primaire

142

144

287

1 299

298

1 597

Primaire

160

111

271

942

381

1 323

Secondaire de premier cycle

222

134

356

1 101

465

1 566

Secondaire professionnel de premier cycle

371

190

561

1 026

427

1 453

Secondaire de deuxième cycle

317

180

497

1 442

560

1 779

Secondaire professionnel de deuxième cycle

515

254

769

1 194

585

4 289

Universitaire

633

218

851

3 250

1 039

4 289

Moyenne

274

147

421

1 269

446

1 715

Source : Conditions de vie des ménages en 1997.

5.3 L'éducation pour tous

200.L'enseignement universel dépend non seulement de l'établissement des principes du caractère obligatoire et de la gratuité de l'enseignement, mais aussi de l'offre d'écoles, de places et de matériel, d'enseignants en nombre suffisant, d'une répartition géographique convenable, de la réussite scolaire et d'autres facteurs touchant ce type de services. Il dépend aussi de l'attitude adoptée par la famille dans la pratique, et qui est fonction de l'éducation qu'elle a elle-même reçue, de la façon dont elle respecte la loi, de ses ressources économiques et du rang de priorité qu'elle accorde à l'éducation des enfants en général ou pendant telle ou telle période du cycle économique de la famille.

201. Les facteurs ci-dessus sont importants et contribuent à la décision qui sera prise de laisser l'enfant à l'école ou de la lui faire quitter, soit définitivement pour commencer à travailler à un stade précoce, soit temporairement pour accroître la productivité familiale, en période de travaux agricoles ou pendant les vacances scolaires. En termes d'offre et de demande, l'engagement effectif de poursuivre des études se mesure donc à l'aune d'indicateurs de scolarisation, qui donnent une juste image de l'universalité de l'éducation en tant que droit ou nécessité pour tous, sans exception.

202. Selon les résultats de l'enquête statistique sur la population et le logement concernant la poursuite des études au sein du groupe d'âge des 0 à 17 ans, 25 354 enfants de 6 à 18 ans n'ont jamais été scolarisés, dont 11 953 âgés de 6 à 11 ans qui ne sont jamais allés à l'école primaire. 4 Ces enfants sont tous considérés comme étant privés de leur droit à l'éducation, ce qui donne une idée réaliste de l'ampleur du problème au Liban.

203. La guerre s'est soldée par la chute générale du niveau d'instruction dans les écoles publiques en particulier. Mais les Libanais sont restés déterminés à envoyer leurs enfants à l'école coûte que coûte et les indicateurs quantitatifs de l'enseignement de base, en particulier les taux de scolarisation, sont donc demeurés élevés. Ces taux faisaient même apparaître une amélioration par rapport à ceux enregistrés dans les années 70, avant la guerre, phénomène qu'il y aurait lieu d'examiner et d'étudier de près.

204. Selon l'enquête statistique sur la population et le logement, les taux de scolarisation bruts pour les niveaux primaire et secondaire de premier et de deuxième cycles, étaient de 97,3 %, 87,7 % et 57,6 % respectivement, indiquant ainsi le taux élevé de scolarisation au niveau primaire et un taux sensible d'abandon scolaire au niveau secondaire de premier et de deuxième cycles. Les taux de scolarisation nets aux trois niveaux atteignaient 82,7 %, 63,2 % et 35,5 % respectivement, ce qui traduisait un taux élevé d'élèves tenus de redoubler une année scolaire aux différents niveaux, en particulier au niveau secondaire de premier et de deuxième cycles.

205. Le taux de scolarisation brut dans les écoles primaires est de près de 100 % pour les garçons et de 99,9 % pour les filles. Si ce n'est que l'on compte davantage de garçons que de filles au niveau secondaire (il faudrait en rechercher la cause), les filles ne subissent pas de discrimination à cet égard. Leur nombre dépasse par contre celui des garçons au niveau primaire, ce qui peut s'expliquer par le fait que les garçons quittent l'école à un âge précoce pour travailler, tandis que les filles poursuivent leurs études. On peut donc en déduire qu'en théorie les garçons comme les filles ont de façon générale équitablement accès à l'éducation, encore que la précarité des relations entre éducation et marché du travail signifie que, dans la pratique, l'éducation est une activité de peu d'intérêt en termes de récompense financière. Il s'ensuit que pour les garçons de familles qui ont besoin de ressources supplémentaires, le travail prime l'étude. Aussi vaudrait-il mieux se garder d'interpréter le fait que les filles sont plus nombreuses que les garçons au niveau des taux de scolarisation comme étant quelque chose de délibéré résultant d'une adhésion aux droits des femmes.

Taux de scolarisation bruts et nets, par niveau et par sexe (en pourcentage) 5

Niveau

Primaire

Secondaire de premier cycle

Secondaire de deuxième cycle

Taux de scolarisation

Brut

Net

Brut

Net

Brut

Net

Garçons

99,9

83,4

82,8

60,1

55,8

34,0

Filles

94,8

82,0

93,1

66,5

59,5

37,1

Garçons et filles ensemble

97,4

82,7

87,8

63,2

57,6

35,5

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

5.4 Egalité des chances en matière d'éducation

206.Comme toutes les conventions internationales, la Convention relative aux droits de l'enfant insiste sur l'égalité des chances à assurer à tous dans tous les domaines, dont l'éducation. Au Liban, où les taux nationaux globaux d'accès à l'éducation sont relativement élevés, il importe davantage de se préoccuper de la question des variations intérieures en la matière pour identifier les secteurs faibles auxquels il faudrait prêter attention.

207. Dans la présente section, on se demandera s'il y a ou non égalité des chances d'accès à l'éducation en fonction des classements ci-après : l'égalité (ou la disparité) entre garçons et filles, entre régions géographiques et entre les différents groupes sociaux.

5.4.1 Egalité des chances des garçons et des filles

208. Les résultats des enquêtes nationales et les renseignements que possèdent le ministère de l'éducation et l'Educational Centre for Research and Development confirment tous l'absence de discrimination négative à l'encontre des filles en matière de scolarisation. Les informations disponibles indiquent toutes non seulement que les taux de scolarisation sont pratiquement identiques, mais aussi que les filles sont plus nombreuses que les garçons en nombre absolu d'élèves, au plan des taux de scolarisation et des taux d'élèves inscrits et admis aux examens officiels. La différence en faveur des filles est la plus forte au niveau secondaire de premier cycle, puis au niveau secondaire de deuxième cycle, ce qui s'explique par deux facteurs :

a) Premièrement, un facteur positif qui traduit la tendance générale des familles à faire faire des études à leurs enfants de l'un et l'autre sexe et à éviter d'adopter une attitude par trop hostile envers l'éducation des filles, malgré l'idée stéréotypée des relations familiales que la plupart des chefs de famille continuent de nourrir, en particulier dans les régions éloignées du pays.

b) Deuxièmement, un facteur négatif qui reflète le fort taux d'abandon scolaire des garçons au niveau secondaire de premier et de deuxième cycles pour entrer sur le marché du travail. C'est une situation qui vaut pour les garçons davantage que pour les filles et fait apparaître une combinaison d'éléments en jeu, à savoir le besoin vital de ressources, l'absence de confiance dans les études comme moyen intéressant d'améliorer le niveau de vie et l'échec scolaire.

209. Il convient de relever que, malgré tout, il existe un lien entre la prépondérance des filles sur les garçons et la gratuité de l'enseignement, car les filles dépassent en nombre les garçons dans le public en particulier (or, la plupart d'entre elles viennent de familles de faible revenu). En revanche, on relève une proportion plus forte de garçons que de filles dans l'enseignement privé non subventionné (et la part des élèves issus de familles de revenu moyen ou supérieur est bien plus importante ici que dans le public) 6 . Ceci donne à penser que les garçons sont favorisés par rapport aux filles lorsque la famille doit financer les études des enfants. Le coût élevé de l'éducation et le rôle en perte de vitesse de l'école publique peuvent donc se traduire par une discrimination à l'encontre des filles, ainsi que par des manquements au principe de l'égalité des chances en matière d'enseignement. Il s'agit-là d'un inconvénient de la structure actuelle du secteur de l'éducation.

210. Cette conclusion est étayée par des indices rapportés par les travailleurs sociaux des secteurs public et non gouvernemental, qui font état de la multiplication des cas de familles dans le besoin qui manifestent une préférence pour l'éducation des garçons du fait de l'augmentation considérable des frais d'éducation. Bien que ces cas isolés ne transparaissent pas encore à travers les indicateurs ou données statistiques, les

indices recueillis par les travailleurs sociaux sur le terrain constituent toujours une sorte de mécanisme d'alerte précoce à prendre très au sérieux.

Pourcentage de filles aux différents niveaux d'enseignement, par secteur (1995/96)

Public

Privé subventionné

Privé non subventionné

Total

Pré-primaire

49,8

47,9

47,6

48

Primaire

49,9

48

47

48,1

Secondaire de premier cycle

57,5

-

49,4

52,6

Secondaire de deuxième cycle

58,4

-

49,7

53,3

Total

53,3

48

48,1

49,7

Source : Educational Centre for Research and Development, 1995/96

5.4.2 Egalité des chances sur le plan géographique

211.Les variations régionales illustrées par les indicateurs de développement constituent, depuis des décennies, une caractéristique du mode de croissance libanais. Les indicateurs concernant l'éducation donnent, parmi tant d'autres, une idée des écarts significatifs entre le centre du Liban, qui comprend les gouvernorats de Beyrouth et du Mont Liban, et les autres, à la périphérie. Ces variations coïncident avec la division de ces régions en zones rurales et urbaines, quelle que soit l'inexactitude de pareil découpage.

212. D'une façon générale, la distribution des différents types d'établissements varie d'une région à l'autre. Les établissements privés non subventionnés, surtout ceux qui offrent un enseignement de qualité, sont concentrés à Beyrouth et au Mont Liban, tandis que les écoles publiques sont plus répandues dans les autres gouvernorats. Sur ce plan toutefois, les différences s'atténuent, car les écoles privées se développent dans les régions périphériques et la demande d'ouverture d'écoles publiques dans le centre du pays s'accroît. La situation économique et sociale générale du Liban est donc indissociable de certains des indicateurs qui illustrent l'amélioration des résultats donnés par l'enseignement public, car elle contribue à diminuer les différences à cet égard.

213. On constate aussi des disparités régionales non négligeables dans les taux d'analphabétisme et de scolarisation, qui indiquent un déséquilibre cumulatif (analphabétisme) et un déséquilibre effectif (scolarisation) dans l'égalité des chances des enfants face à leur droit à l'éducation. Ce déséquilibre est donc à la fois social et régional. La différence de taux d'analphabétisme (parmi les plus de 10 ans) est à peu près à multiplier par quatre entre Aley et Kasrawan (7,7 % et 7,9 %) et Akkar (30,5 %), avec des différences encore plus fortes dans le cas de l'analphabétisme féminin. On enregistre des différences similaires mais moins aiguës en ce qui concerne la scolarisation (c'est à Akkar que l'on accuse le taux de scolarisation le plus faible pour le groupe des 6 - 11 ans avec 83,5 %, contre 93,4 % à Batroun, où il est le plus élevé) 7 .

Taux d'analphabétisme, par sexe et par gouvernorat

(parmi les plus de 10 ans) (en pourcentage)

Garçons

Filles

Garçons et filles

Beyrouth

6,2

12,2

9,3

Mont Liban

6,4

13,5

10,0

Nord

15,6

24,2

20,0

Sud

9,8

18,3

14,1

Beqaa

9,8

22,6

16,2

Nabatiyé

10,8

25,1

18,3

Liban

9,3

17,8

13,6

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

5.4.3 Egalité des chances entre groupes sociaux

214. La disparité régionale évoquée dans la section ci-dessus est aussi une forme de disparité sociale pour des raisons liées à la genèse historique de la composition de la société libanaise. Mais la présente section recourt à des indicateurs directs et indirects pour comparer le déséquilibre dans l'égalité des chances offertes aux enfants sur le plan du droit à l'éducation, qui s'explique par la situation sociale de la famille à laquelle ils appartiennent. L'étude et l'analyse des données en matière d'éducation montrent ce qui suit :

1. Choix de l'école

215. Plusieurs facteurs tels que la proximité géographique et l'affiliation religieuse ou confessionnelle influent sur le choix de l'école à laquelle les familles envoient leurs enfants. Le principal, toutefois, tient à la disponibilité des ressources financières nécessaires pour payer les frais d'études. Selon des études analytiques, ce sont surtout les élèves de groupes défavorisés et de faible revenu qui fréquentent les écoles publiques, tandis que les autres groupes progressent graduellement dans leur choix jusqu'au point où leur niveau de revenu est en rapport avec le niveau des frais d'inscription perçus par les meilleurs établissements. Il ressortait d'une étude effectuée sur le terrain en 1996 que 62 % des élèves des écoles primaires publiques sont issus des groupes modestes, comme les artisans et les ouvriers agricoles, contre 42 % dans les écoles privées subventionnées, alors que les élèves des couches moyennes et supérieures (commerçants, fonctionnaires, employés et membres des professions libérales) représentent 8 % des élèves du secteur public et 30 % de ceux du secteur privé subventionné 8 .

216. La différence dans le type d'établissement (public ou privé) engendre une inégalité considérable pour ce qui est des chances offertes aux élèves. Les écoles privées d'élite dispensent un enseignement de meilleure qualité et d'un niveau plus élevé et disposent d'équipements, de laboratoires, de matériel didactique moderne, d'aires de jeux et de bâtiments modernes. Elles offrent aussi la chance de poursuivre des activités culturelles, sportives et artistiques, ainsi que d'autres prérogatives dont ne jouissent pas les élèves du public (si ce n'est dans quelques très rares cas). La différence d'origine sociale de la famille de l'élève se traduit par le choix (ou l'imposition) de voies éducatives différentes quant au type d'école retenu, ce qui constitue à la fois un résultat et une cause de l'aggravation de l'inégalité des chances entre enfants au regard de la jouissance de leur droit à l'éducation.

2. Résultats scolaires

217. Les auteurs de l'étude susmentionnée 9 mettaient aussi le doigt sur la disparité entre groupes au niveau des résultats scolaires des enfants, car ils avaient enregistré un écart de 18 points dans les moyennes des bons élèves parmi les enfants d'origine modeste, d'une part, et ceux des couches moyennes et supérieures, de l'autre. Les taux pour les élèves qui doivent redoubler font aussi apparaître un écart similaire (d'environ 17 points) entre les deux groupes.

218. Une étude du même ordre, menée par l'Educational Centre for Research and Development 10 montrait que les résultats globaux obtenus par les enfants en quatrième année de primaire dans les écoles publiques s'élevaient à 50,4 %, contre 64,8 % dans les établissements privés subventionnés et 77,1 % dans les établissements privés non subventionnés 11 . Il ressortait de la même étude que les résultats les plus faibles étaient obtenus par les enfants d'ouvriers agricoles et d'agriculteurs, les enfants issus de familles ayant elles-mêmes un faible niveau d'instruction, ainsi que ceux qui avaient de longues distances à parcourir à pied pour se rendre à l'école (indicateur du niveau social de la famille) ou avaient commencé l'école après l'âge de 6 ans (ou, en d'autres termes, qui n'avaient pas fréquenté l'école maternelle).

3. Inégalité au niveau pré-primaire

219. Le niveau de l'école maternelle joue un rôle extrêmement important dans le développement cognitif et mental de l'enfant au cours des premières années de sa vie. Le fait que la possibilité de fréquenter ce niveau soit refusée aux enfants des couches sociales les plus modestes, en particulier à ceux qui vivent dans des zones rurales écartées, est l'une des principales formes de discrimination à leur encontre; il s'ensuit qu'ils demeurent à la traîne de leurs pairs plus chanceux tout au long de leur scolarité 12 .

220. Bien qu'en principe il y ait une place à l'école pour tout enfant du niveau primaire à l'université, indépendamment de la qualité de l'enseignement dispensé, tel n'est pas le cas dans la pratique au niveau des écoles maternelles publiques, en nombre insuffisant pour accueillir tous les enfants. C'est là que la contribution du secteur public est à son niveau le plus bas (17,1 %), et celle du secteur privé non subventionné à son niveau le plus élevé (66,4 %).

Répartition par niveau et par secteur

Secteur

Pré-primaire

Primaire

Secondaire de premier cycle

Secondaire de deuxième cycle

Total global

Public

17,1

29,0

39,7

41,6

30,6

Privé subventionné

16,5

22,2

-

-

13,4

Privé non subventionné

66,4

48,7

60,3

58,4

56,1

Total

100

100

100

100

100

Source : Centre for Educational Research and Development, Statistiques primaires, 1994/95.

221. Un examen plus détaillé montre aussi que la principale contribution du secteur public à l'enseignement pré-primaire s'effectue par une seule classe, à savoir la deuxième année d'école maternelle, alors que sa part dans le nombre total d'enfants est moindre en première année et plus faible encore au niveau des crèches. L'augmentation sensible du nombre d'enfants en deuxième année de maternelle s'explique par le fait que, dans la pratique, il s'agit de la première année préparatoire à l'école primaire et qu'en fait les deux classes sont combinées (on prend la classe préparatoire en compte pour déterminer le groupe d'âge correspondant au niveau primaire de 6 à 11 ans).

Nombre d'enfants de niveau pré-primaire, par secteur d'éducation

Public

Privé subventionné

Privé non subventionné

Total

Crèche

1 919

4 623

25 130

31 672

Première année de maternelle

9 648

10 039

40 103

59 790

Deuxième année de maternelle

16 318

12 153

42 884

71 355

Total

27 885

26 815

108 117

162 817

Source : Centre for Educational Research and Development, Statistiques primaires, 1994/95.

4. Langue d'instruction

222. A l'occasion du débat qui s'est déroulé dans les années 70 sur l'enseignement, la question de la langue d'instruction a focalisé l'attention en sa qualité de mécanisme de sélection sociale des élèves parmi les plus efficaces. De nombreuses études ont montré comment l'emploi d'une langue étrangère (le français ou l'anglais) comme principale langue d'enseignement pour les sciences ou les mathématiques (outre le fait que dans les sciences humaines, la teneur des sujets étudiés dans une langue étrangère diffère de celle des questions de même nature étudiées en arabe) constituait un moyen de discrimination capital à l'encontre de la majorité des élèves inscrits dans les établissements publics en particulier, dont les origines sociales, comme on l'a déjà dit, sont bien connues.

223. S'agissant du Liban, la maîtrise d'une langue étrangère n'est pas simplement le résultat de l'éducation reçue à l'école. Elle s'origine bien au contraire dans le milieu familial et social, qui joue un rôle décisif en permettant à l'enfant de se servir d'une langue étrangère comme seconde, voire comme première langue de communication à la maison et dans le cadre plus vaste des relations sociales. L'absence d'une telle possibilité entraîne directement de lourdes conséquences sur les résultats scolaires, sur la réussite ou l'échec scolaire et sur les choix professionnels opérés à l'issue du parcours scolaire.

224. On a démontré empiriquement que, dans les établissements publics, les résultats obtenus en français au niveau primaire étaient de 32,1 % contre 56 % pour l'arabe (maîtrise de la langue d’enseignement) et 82 % pour les disciplines scientifiques, tandis que les taux correspondants dans les établissements privés non subventionnés étaient de 94,6 % pour le français, 82 % pour l'arabe (maîtrise de la langue d’enseignement) et 49,9 % pour les disciplines scientifiques 13 . Cet écart persiste à travers les différents niveaux d'enseignement général (et universitaire), car les méthodes de sélection dans le régime actuel d'examens publics font que les élèves du public qui possèdent des connaissances limitées dans une langue étrangère sont tributaires du développement de leurs connaissances en mathématiques et en sciences et ne cherchent qu'à obtenir les notes minimales nécessaires dans la langue étrangère considérée pour éviter d'échouer au certificat d'Etat. De ce fait, la concurrence en la matière entre élèves du secteur public et élèves du privé est aussi inégale.

5.5 Le problème de l'analphabétisme

225.L'analphabétisme est la forme extrême de déni du droit à l'éducation. Bien que le Liban soit considéré comme appartenant au peloton de tête des pays arabes et en développement en termes d'aptitude moyenne de sa population à lire et à écrire, les groupes d'âge adulte en particulier et, à un degré moindre, les enfants aussi continuent de se heurter au problème de l'analphabétisme.

5.5.1 Le cadre général de l'analphabétisme

226. En 1996, on comptait environ 344 392 analphabètes au Liban, soit 13,6 % de l'ensemble de la population, répartie entre les différentes régions et groupes d'âge. Le plus grand nombre d'analphabètes se trouvent dans le gouvernorat du Nord, suivi du gouvernorat du Mont Liban (plus précisément dans les banlieues nord et sud de la capitale). Ces personnes, si elles ne sont pas des enfants, sont des pères ou des mères d'enfants. Les affranchir de l'analphabétisme contribue donc à améliorer le niveau du milieu familial de l'enfant, surtout dans le cas des mères, le fait que ces dernières soient instruites ayant, comme beaucoup d'études l'ont indiqué, un impact positif sur la santé de l'enfant, ses résultats scolaires et ses conditions de vie en général.

Répartition du nombre d'analphabètes, par gouvernorat

Hommes

Femmes

Total

Beyrouth

10 360

22 405

32 765

Mont Liban

30 143

65 322

95 465

Nord

39 966

63 901

103 868

Sud

10 611

20 609

31 220

Beqaa

15 730

35 770

51 500

Nabatiyé

8 303

21 272

29 575

Liban

115 113

229 279

344 392

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

227. La répartition des analphabètes par âge montre que le problème a commencé à s'atténuer sensiblement ces dernières années, malgré la guerre qui a fait rage au Liban entre 1975 et 1990 et qui n'a pas réussi à amoindrir la détermination des Libanais à surmonter la situation et à continuer d'envoyer leurs enfants à l'école. D'après le tableau suivant, le problème se concentre surtout dans les groupes d'âge adulte, les femmes en particulier se débrouillant moins bien, alors que les taux globaux d'analphabétisme et les écarts entre hommes et femmes sont moins sensibles parmi les groupes d'âge plus jeunes.

Taux d'analphabétisme, par sexe et par groupe d'âge

Groupe d'âge

Pourcentage d'analphabétismeféminin

Pourcentage d'analphabétisme masculin

10 à 14 ans

2,2

2,0

15 à 19 ans

3,6

3,6

20 à 24 ans

4,8

4,1

25 à 29 ans

7,0

4,6

30 à 34 ans

8,5

5,5

35 à 39 ans

11,5

5,8

40 à 44 ans

16,8

6,9

45 ans et plus

46,0

22,1

Ensemble de tous les groupes

17,8

9,3

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

5.5.2 L'analphabétisme parmi les enfants

228. Les besoins de la génération actuelle en matière d'apprentissage diffèrent de ceux des générations précédentes. C'est pourquoi, lorsque l'on se sert, pour apprécier le niveau de connaissance parmi les différentes générations, de la notion d'analphabétisme stricto sensu (inaptitude à lire et à écrire), on constate qu'elle dissimule en partie l'étendue du problème dans le cas de la génération actuelle à qui la vie contemporaine impose davantage d'exigences. Les pays qui ont franchi le seuil de satisfaction des besoins les plus élémentaires de la vie emploient désormais la notion d’illetrisme, qui suppose une connaissance des notions indispensables à la vie quotidienne à la maison et au travail.

229. Mieux vaudrait donc employer la notion d’illetrisme fonctionnel dans le Liban d'aujourd'hui qui a fait de gros progrès sur le plan des indicateurs quantitatifs de base en matière d'apprentissage et en termes de développement économique et social. Mais faute de pouvoir le faire, le Liban continue d'utiliser l'indicateur de l'analphabétisme stricto sensu , c'est-à-dire l'ignorance des principes de la lecture et de l'écriture.

230. Pour en revenir au phénomène de l'analphabétisme parmi les enfants, on peut dire qu'il atteint trois groupes, encore qu'il y ait une certaine marge de manœuvre : les analphabètes du groupe des 10 à 17 ans, les semi-analphabètes du même groupe d'âge qui savent tout juste lire et écrire et les enfants de 6 à 9 ans qui ne sont pas scolarisés.

231. Le nombre total d'enfants analphabètes (dans le groupe d'âge des 10 à 17 ans) s'élève à 14 247, soit 4,1 % du nombre total d'analphabètes au Liban, alors que le nombre total de semi-analphabètes du même groupe d'âge atteint 16 904. En d'autres termes, les programmes d'alphabétisation devraient atteindre 31 151 enfants au total. Il faudrait assurer le suivi d'environ 11 184 enfants âgés de moins de 10 ans qui ne sont pas scolarisés et qui constituent un groupe relativement nombreux en chiffre absolu.

232. Qui plus est, si l'on examine la répartition des enfants analphabètes et semi-analphabètes par âge et leur proportion par rapport à l'ensemble des enfants d'un âge donné, on observe que cette proportion augmente avec l'âge. En conséquence, tandis que la part d'analphabètes et de semi-analphabètes n'est pas supérieure à 2,5 % du nombre total d'enfants âgés de 10 ans, leur part est supérieure à 9 % du nombre total d'enfants âgés de 16 et 17 ans. Il est aussi frappant de constater que la part d'analphabètes, de même que leur nombre absolu, est supérieure à celle des semi-analphabètes âgés de 10 à 12 ans, alors que la situation s'inverse dans le cas de ceux âgés de 13 à 17 ans. Il s'agit-là d'indicateurs de taux croissants d'abandons scolaires précoces (avant la fin du cycle primaire).

Enfants analphabètes et semi-analphabètes

Age

Analphabètes

En mesure de lire et écrire

Pourcentage d'analphabètes

Pourcentage de semi-analphabètes

Pourcentage d'analphabètes et de semi-analphabètes

10

1 122

517

1,7

0,8

2,0

11

1 036

714

1,6

1,1

2,7

12

1 600

1 165

2,4

1,8

4,2

13

1 629

1 753

2,5

2,7

5,1

14

1 901

2 572

2,8

2,8

6,6

15

1 995

2 974

3,1

4,6

7,6

16

2 553

2 759

3,8

5,8

9,6

17

2 411

3 349

3,8

5,3

9,1

10-17

14 247

16 904

2,7

3,2

5,9

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

5.5.3 Programmes d'alphabétisation

233.Le Liban n'a pas procédé à des appréciations chronologiques et utilise des méthodologies normalisées ou similaires qui permettent aux décideurs de contrôler avec exactitude le développement de l'analphabétisme et d'en prévoir l'évolution, après l'avoir tout d'abord redéfinie en fonction des exigences contemporaines, des besoins du pays et des attentes de la population. La conclusion générale à tirer de ce qui précède ainsi que des indicateurs calculés de différentes façons sur des périodes différentes, c'est que l'analphabétisme est en général sur le déclin, même si l'on constate de larges variations entre régions et groupes sociaux. En conséquence et sur la base de diverses observations sur le terrain, au cas où persisteraient les tendances qui ressortent actuellement du bilan du système éducatif, en particulier les taux élevés d'abandon scolaire au profit du travail des enfants, parallèlement au coût élevé de l'éducation, surtout des frais d'inscription perçus par les établissements privés, et la capacité d'absorption limitée des établissements publics, le phénomène de l'analphabétisme et du semi-analphabétisme parmi les enfants, tant en chiffre absolu qu'en pourcentage du groupe d'âge dans son ensemble, ne manquerait pas de s'aggraver.

234. Des mesures sont actuellement en voie d'adoption pour améliorer le fonctionnement du système d'enseignement afin de pallier au problème, voire d'offrir une solution radicale (promulgation de la loi sur l'instruction obligatoire, introduction d'une nouvelle structure éducative, rénovation des écoles publiques, engagement à accueillir davantage d'élèves et adoption d'un schéma directeur pour les écoles). De façon générale, cependant, le problème de l'analphabétisme parmi les enfants tel qu'il se pose actuellement ne disparaîtra pas automatiquement sans apports programmés efficaces. Les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales s'emploient les uns comme les autres à remédier au problème par des programmes d'alphabétisation visant les enfants, surtout ceux qui travaillent, parmi lesquels on enregistre un fort taux d'analphabètes et de semi-analphabètes. Mais les mesures prises ne répondent toujours pas à l'ampleur effective du problème.

235. En ce qui concerne le Conseil supérieur pour l'enfance, le Conseil des ministres a promulgué, le 19 janvier 1995, un décret portant création de la commission nationale pour l'alphabétisation et l'éducation des adultes, composée de représentants des différents ministères et du secteur non gouvernemental et présidée par le directeur général du ministère des affaires sociales. Il s'agit-là sans aucun doute d'un pas dans la bonne direction qui souligne la responsabilité partagée des pouvoirs publics et de la société face à un problème de cette nature. Le travail néanmoins en est encore à un stade préparatoire et le bilan demeure extrêmement modeste. La commission a notamment à son actif :

- Un stage de formation organisé en 1995 à l'intention de 18 professeurs chargés d'alphabétisation, de concert avec l'American Children's Relief Federation.

- Un stage d'alphabétisation fonctionnelle sur le lieu de travail organisé en 1996 à l'intention de 36 enfants analphabètes âgés de 10 à 19 ans, employés dans l'industrie du meuble. Il s'agissait d'un stage pilote qui s'inscrivait dans le programme destiné à éduquer les jeunes travailleurs, mené de concert avec les organisations non gouvernementales actives dans le travail civil dans le Nord, le syndicat des propriétaires d'ateliers d'ébénisterie et de menuiserie de Tripoli et la Friedrich Ebert Institution.

- Dans ses programmes pour les années suivantes, la Commission s'est employée à fixer des priorités régionales d'intervention dans les zones les plus défavorisées et à mettre en oeuvre un programme de formation d'instructeurs. Des centres de services relevant du ministère des affaires sociales et d'organisations non gouvernementales servent à la mise en route de ces programmes (et à l'époque de la rédaction du présent rapport, des cours d'alphabétisation étaient annoncés dans les centres de services relevant du ministère des affaires sociales dans les différentes régions).

5.6 L'éducation et les méthodes pédagogiques quant au fond

236.La Convention relative aux droits de l'enfant attache une grande importance au contenu du processus pédagogique et à sa compatibilité avec le développement scientifique, les droits de l'homme et les droits de l'enfant. Elle attache aussi de l'importance aux méthodes administratives employées dans les établissements d'enseignement et aux relations entre l'administration, l'enseignant et l'élève, ainsi qu'à l'espace reconnu aux enfants pour exprimer leurs opinions et participer à la vie scolaire. Ces questions font l'objet de l'article 29, ainsi que de l'article 28, de la Convention.

5.6.1 Système d'enseignement et nouvelle structure : bilan

237. Tandis que les sections précédentes traitaient du droit de l'enfant à l'éducation au plan quantitatif, les présentes sections traitent de la qualité de l'enseignement reçu par l'enfant et des méthodes employées à cette fin. La structure éducative et les programmes, qui datent de 1968 ou des amendements adoptés en 1971, sont maintenant dépassés. Avec la guerre qui a éclaté en 1975, ces programmes sont restés en vigueur pendant 25-30 ans au cours desquels des bouleversements se sont produits dans les domaines des sciences, de la technologie et des méthodes pédagogiques. Le contenu éducatif s'est alors trouvé frappé d'obsolescence et n'a pas réussi à s'adapter à l'évolution des centres d'intérêt des élèves à qui des voies innombrables d'accès à la connaissance se sont ouvertes grâce aux médias, à l'informatique et à la Toile. Certains établissements d'enseignement privés ont plus ou moins bien suivi cette évolution en adoptant des méthodes modernes d'éducation et des programmes à jour. Mais l'éducation en général, et l'enseignement public en particulier, demeurent de type conventionnel tant dans leur contenu que dans leurs méthodes.

238. Le bilan du système éducatif reflète cet état de choses : les taux d'échec universitaire, qui vont de 25 à 30 %, et les taux de redoublement, qui vont de 33 à 66 % de l'ensemble des élèves, en sont la preuve. La situation se traduit aussi par un fort taux d'abandon scolaire qui, au début des années 80, était de 240 abandons à partir du niveau primaire pour 1000 élèves entrant en première année de primaire, 247 à partir du niveau secondaire de premier cycle et 223 à partir du niveau secondaire de deuxième cycle. Sur un millier d'élèves, il en restait donc seulement 190 en troisième année de secondaire de deuxième cycle 14 .

Taux d'échec et de redoublement en 1993/94 (en pourcentage)

Niveau

Taux d'échec

Taux de redoublement

Primaire

33

33

Secondaire de 1er cycle

25

66

Secondaire de 2ème cycle

25

66

Source : "The new structure of education in Lebanon", Educational Centre

for Research and Development ".

239. En général, la structure actuelle souffre de confusion pour ce qui est de déterminer les étapes du processus éducatif, ainsi que du déséquilibre entre enseignement général et enseignement professionnel et du manque d'intégration des différents niveaux et cursus. Le matériel didactique est dépassé et les méthodes d'enseignement et d'évaluation sont conventionnelles, axées comme elles le sont sur le rabâchage et la dictée, empêchant ainsi l'élève de participer au processus d'apprentissage et à son environnement plus large. Suite à cette évaluation, des principes ont été élaborés en vue d'ériger une nouvelle structure de l'enseignement, qui s'emploie à combler ces lacunes pour garantir aux élèves un enseignement diversifié qui soit aussi moderne de contenu. La nouvelle structure fait par ailleurs en sorte que les établissements passent à des méthodes d'enseignement modernes qui mettent l'accent sur la participation, la créativité, le sens critique et l'ouverture aux cultures nationales et internationales.

240. La nouvelle structure, approuvée en 1995, se met progressivement en place. Elle ne devrait pas être pleinement opérationnelle avant trois - quatre ans. A la lumière de ses objectifs et de son contenu, on peut dire qu'elle constitue un nouveau progrès sur la voie de la modernisation du processus d'enseignement qui tient compte des besoins du pays et de ses enfants et des articles 28 et 29 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Comparaison des principales caractéristiques de la structure actuelle et de la nouvelle

Structure actuelle

Structure proposée

Date de promulgation

1968 et 1971

1995

Buts et objectifs globaux

Aucun but global, simple esquisse des buts particuliers de chaque niveau

Développe la personnalité du Libanais en tant qu'individu, membre adapté d'une société libre et démocratique et citoyen respectueux des lois.

Manifeste un engagement à l'égard de la culture nationale et l'importance capitale de l'ouverture aux cultures internationales;

Souligne les principes constitutionnels relatifs à l'identité du Liban, son régime démocratique et la liberté de l'enseignement, surtout le droit des groupes confessionnels de créer leurs propres écoles;

Souligne la souveraineté de la loi, le respect des libertés individuelles et collectives, la participation à l'action sociale et politique et le développement continu des programmes scolaires.

Contenu éducatif

Généralement théorique de nature (90 % du temps au niveau primaire); insiste sur l'accumulation quantitative d'informations plutôt que sur un choix qualitatif, inadaptée aux besoins sociaux de l'individu et du marché de l'emploi;

Ne suit pas le rythme du progrès scientifique;

Manque de diversité au plan artistique, technique et esthétique.

Maintient un équilibre entre les disciplines théoriques et les applications pratiques et le développement des compétences, des connaissances et du comportement;

Méthodes didactiques

Rabâchage et dictée, l'enseignant étant au centre du système; méthodes de travail individuelles sans qu'il soit prêté attention au développement des compétences de coopération au sein d'une équipe.

Encourage le sens critique des élèves ainsi que l'esprit d'initiative et d'innovation;

Forme l'élève au travail en équipe;

Méthodes éducatives

Limitées essentiellement à l'écrit et exclut toute méthode éducative élaborée.

Met à jour les manuels scolaires et recourt à du matériel didactique moderne.

Méthodes d'évaluation

Insiste sur l'apprentissage et la répétition de l'information sans apport pratique ou créatif;

Ne recourt à aucun critère scientifique moderne.

Le souci des examens officiels prime tout.

Recourt à des méthodes modernes pour évaluer l'élève et les méthodes didactiques elles-mêmes

Orientation éducative et professionnelle

Inexistante dans les programmes, quel que soit le niveau.

Attention consacrée à l'orientation éducative et à la connaissance professionnelle, surtout aux niveaux secondaires de premier et de deuxième cycles, afin d'aider l'élève à choisir le cursus éducatif ou professionnel le mieux adapté à ses intérêts et aptitudes.

Diversité de l'enseignement

L'enseignement manque de variété. En particulier, il ne répond pas aux besoins professionnels et vitaux (environnement, compétences, éducation sanitaire, etc.), ce qui lui fait perdre de son efficacité dans la pratique.

Les programmes sont diversifiés, que ce soit grâce à l'ouverture de nouvelles spécialisations ou en intégrant différents sujets dans les programmes;

La question des droits de l'homme en général et des droits de l'enfant et de la mère en particulier figure dans les nouveaux programmes.

Adaptation et intégration

L'enseignement n'est pas intégré et est inadapté, en particulier au niveau secondaire. Il est inefficace en tant préparation à l'université ou à l'admission sur le marché du travail.

De nouveaux niveaux d’ensemble sont proposés, ainsi que des spécialisations et des cursus formels, informels, généraux et professionnels qui tiennent compte des exigences de l'intégration et de la possibilité de passer naturellement d'un cursus à un autre.

La technologie dans l'éducation

Les élèves ne se familiarisent pratiquement pas avec la technologie.

Des sujets sont ajoutés aux programmes afin de familiariser les élèves avec les technologies modernes.

L'école et l'environnement

Absence de rapports entre les programmes quant au fond et l'environnement de l'élève; les écoles sont fermées et le potentiel offert par le milieu dans lequel l'enfant évolue n'est pas mis à profit pour organiser des activités.

L'accent est mis sur les activités extra-scolaires et sur l'interaction avec le milieu social dans le cadre du processus éducatif à l'école.

Source :"The new structure of education in Lebanon", Educational Centre for Research and Development.

5.6.2 Administration moderne et participation des élèves à la vie de l'établissement

241.Dans les écoles libanaises, des systèmes de gestion très différents les uns des autres coexistent, allant du régime autoritaire et patriarcal qui ignore pratiquement la participation, au régime fondé sur le dialogue qui permet aux élèves de participer à certains aspects du processus éducatif.

242. Dans le public, l'administration des établissements repose sur la hiérarchie des postes de pouvoir, allant du principal au directeur, puis à l'enseignant et à l'élève, au bas de l'échelle. Les relations administratives en général sont dominées par une mentalité traditionnelle qui n'a en rien changé à moins qu'elle ne subisse l'influence du milieu culturel particulier du principal et des membres du personnel enseignant, qui peuvent infléchir le mode de gestion de l'école. Le règlement intérieur ne prévoit pas de réelles formes de participation des élèves, autres que le régime des établissements d'enseignement secondaire de deuxième cycle, adopté au cours de la première moitié des années 70 sous l'influence du mouvement des étudiants alors en pleine croissance, qui a permis à des élèves de se faire élire à des associations d'étudiants. Mais ce système a pris fin avec l'ouverture des hostilités en 1975. Les textes actuellement en vigueur sont de caractère purement administratif et assurent une participation extrêmement limitée des enseignants comme des élèves à certaines activités et commissions. De façon générale toutefois, les textes ne sont pas mis en application dans les écoles. Les règlements intérieurs des établissements d'enseignement primaire et secondaire de premier et de deuxième cycles prévoient la création de trois types d'organe (qui excluent la participation des élèves), à savoir le conseil des professeurs, le conseil des coordonnateurs et le conseil de discipline et d'orientation. Ce dernier est le seul dont le domaine de compétence est déterminé par des règlements, alors que les textes relatifs aux deux autres, de même que le conseil des parents, sont extrêmement généraux.

Articles du règlement intérieur des établissements d'enseignement primaire

et secondaire de premier et de deuxième cycles 15

Articles motivant la participation

Les professeurs qui enseignent des disciplines exigeant des explications pratiques doivent accompagner leurs élèves sur les lieux qu'ils souhaitent visiter après avoir obtenu l'autorisation écrite du responsable légal a/;Les conseils d'activité scolaire se composent d'enseignants et d'élèves; des personnes qualifiées, compétentes et douées y participent b/.Les élèves participent effectivement à une activité extra-scolaire a/;Les organes suivants sont créés au sein de l'établissement : le conseil des enseignants, le conseil des coordonnateurs, le conseil de discipline et d'orientation et le conseil des parents a/ et b/;Il est interdit à toute personne employée dans l'enseignement d'appliquer des peines corporelles aux élèves ou de les punir par des injures verbales contraires à l'éducation et à la dignité de la personne a/ et b/.

Articles administratifs classiques

Le Conseil des professeurs se réunit une fois au début de l'année sur l'invitation du principal ou d'un tiers des enseignants. Le conseil des coordonnateurs se réunit sur l'invitation du principal ou de deux coordonnateurs a/ et b/;Tout conseil de parents établi se compose des responsables légaux des élèves des établissements d'enseignement secondaire de 1er cycle conformément à des règlements spéciaux (la création d'un tel conseil n'est pas obligatoire) b/;Les instructions de l'administration sont appliquées en ce qui concerne l'ordre et l'apparence extérieure;Il est interdit de :-diffuser parmi les élèves les principes d'organisations politiques partisanes ou de manifester des tendances partisanes dans les établissements d'enseignement secondaire de deuxième cycle;-participer ou inciter à des manifestations ou des grèves;-vendre des billets de loterie ou de spectacle, porter ou distribuer des prospectus, des journaux et des revues.

a/Extrait des règlements intérieurs des établissements d'enseignement secondaire de deuxième cycle.

b/Extrait des règlements intérieurs des établissements d'enseignement primaire et secondaire de premier cycle.

243. En outre, les règlements intérieurs scolaires ne contiennent aucune disposition régissant les activités culturelles et artistiques dans les écoles. Un nombre important de circulaires et décrets sont toutefois promulgués à cet égard, relatifs par exemple à la création de troupes d'éclaireurs de l'éducation nationale dans les établissements publics, la mise à leur disposition de bâtiments scolaires, y compris après les heures de travail officielles, sous la surveillance d'un enseignant de l'établissement, la participation à des compétitions culturelles, artistiques et sportives, etc. Mais dans la réalité, de telles activités ne peuvent se pratiquer que si un certain nombre de conditions sont réunies, premièrement, si les bâtiments scolaires sont équipés à cet effet et, deuxièmement, si le principal est disposé à se lancer dans de telles activités. En conséquence, la situation dans les établissements d'enseignement publics varie considérablement selon la plus ou moins grande bonne volonté manifestée par l'administration.

Décret No 33/M/97 promulgué par le Ministre de l'éducation le 10 avril 1978

Article premier : tous les chefs d'établissements publics secondaires de premier et de deuxième cycles et primaires, sont tenus de créer des troupes d'éclaireurs dans les différents domaines et spécialités des éclaireurs de l'éducation nationale et de faciliter la tâche des négociateurs.Article 2 : Un local sera assuré à la troupe, qui doit être encouragée et aidée matériellement par la caisse de l'école. Les salles et cours de récréation sont aussi mises à la disposition de la troupe, tant pendant qu'en dehors des heures de travail officielles, sous la responsabilité de l'animateur.

Circulaire No 63 du 12 juin 1997 promulguée par le directeur de l'enseignement secondaire

IV : Après avoir recueilli l'avis des membres intéressés du corps enseignant, les chefs d'établissements secondaires de deuxième cycle définissent les activités extrascolaires que l'intéressé est en droit de mener en dehors des heures de classe. En particulier, ces activités devraient renforcer les méthodes et normes d'éducation, et contribuer à ce que les établissements d'enseignement secondaire de deuxième cycle servent de centres offrant un large éventail d'activités éducatives, culturelles et sociales (concours de poésie et de prose, sciences, expositions d'œuvres artisanales et artistiques, pièces de théâtre et spectacles organisés par les troupes de danse et les chorales et autres groupes de chant).

Compte rendu personnel de Zivad (15 ans)

Le contrat scolaire17Participation des élèves à la vie de l'établissement

Je suis allé dans deux écoles privées et j'ai constaté une grande différence entre elles. Dans l'école où je suis maintenant, les élèves jouissent d'une certaine liberté et la direction les autorise à participer à la prise des décisions qui les intéressent. Au début de chaque année, toutes les classes des niveaux secondaires de premier et de deuxième cycles tiennent des élections pour choisir deux élèves qui les représenteront au conseil de classe, avec le principal, le responsable de niveau et les professeurs. Le conseil se réunit à la fin de chaque trimestre pour examiner la situation de chaque élève, déterminer ses notes et décider s'il a ou non réussi et s'il doit se spécialiser en lettres ou en sciences. Les représentants nous rapportent nos évaluations et nos notes, ainsi que toute observation faite par les professeurs sur notre travail individuel.Ce type de participation ne se pratiquait pas dans l'école que je fréquentais auparavant. J'ai donc été surpris quand je suis entré dans mon école actuelle. Tout semblait différent et j'ai eu l'impression d'être traité en être humain qui réfléchit. Mon assurance s'en est beaucoup accrue et j'ai appris à assumer des responsabilités et à prendre des décisions.

Les élèves participent directement à la vie de l'établissement du fait qu'ils fréquentent l'école et entretiennent un certain type de relation avec elle. Ils y participent aussi indirectement par le truchement de leurs représentants qui ont le droit de prendre part  :Au conseil de classe;Au conseil des représentants;Au conseil et aux commissions permanentes de l'établissement.Les représentants doivent assurer la liaison entre leurs condisciples et l'équipe enseignante de l'école. Ils doivent aussi participer à la gestion de la caisse de l'association sociale et éducative de l'école et donner leur avis sur tous les aspects de la vie scolaire. De plus, ils doivent informer leurs condisciples de toute mesure qu'ils prennent dans l'exercice de leur mandat.

244. La situation est souvent meilleure dans le privé, surtout s'il s'agit d'activités, car les bâtiments scolaires sont mieux équipés et les directions tendent à encourager différents types d'activité. Il est plus difficile et moins acceptable cependant que les élèves participent à la vie de l'établissement. On ne s'est pas encore penché sur la plus ou moins grande participation des élèves dans les écoles privées, encore que, dans certains cas, il semble y avoir un degré de participation élevé, ce qui a un impact positif sur la vie de l'établissement et sur les enfants eux-mêmes. On peut citer à titre d'exemples les écoles qui organisent chaque année des élections de représentants d'élèves dans chaque classe, lesquels sont autorisés à siéger au conseil de classe, qui discute des progrès scolaires de chaque élève une fois par trimestre, ainsi qu'au conseil de l'établissement lui-même, au côté des représentants des parents, des enseignants et de la direction. Les règlements écrits de ces écoles obligent les représentants à informer leurs condisciples des progrès des débats aux organes auxquels ils participent 16 .

Une expérience réussie : le programme d'éducation sanitaire des établissements publics 18

245. Le programme comporte un certain nombre d'éléments :

- éducation sanitaire;

- services de santé;

- souci de l'environnement scolaire;

- mobilisation des relations avec la famille et la société civile;

- aide à l'élève pour qu'il acquière des connaissances vitales sur la santé, ainsi que des habitudes et un comportement respectueux des règles d'hygiène, lui permettant ainsi d'améliorer son propre niveau de santé, comme celui de sa famille, et de devenir messager de la santé dans son milieu.

246. Le programme s'adresse au primaire uniquement. Pendant les première et deuxième années, il n'est question que d'hygiène personnelle, de propreté de l'environnement, de prévention des maladies et des accidents, de premiers secours et de pratiques quotidiennes de base. Au cours des trois années suivantes, viennent s'ajouter les questions de développement des compétences mentales et des relations avec autrui. Le programme inclut aussi la mise au point et le développement de matériel didactique sous forme de manuels, de cahiers d'exercices et de livrets de santé pour chaque élève, fourni gratuitement au titre du programme.

247. Ce programme a apporté une importante contribution pratique à l'éducation et a eu un impact positif partout où il a été mis en oeuvre. Il a entraîné notamment :

i) l'introduction de la méthode d'éducation active dans les écoles comme moyen le plus moderne et le plus efficace pour transmettre des informations aux élèves, veiller à ce qu'ils acquièrent des attitudes positives et développer une méthode d'évaluation qui ne soit pas limitée à l'acquisition d'informations, mais prenne aussi en compte la conduite et le comportement de l'élève;

ii) l'utilisation de toutes sortes de matériels didactiques et de moyens d'expression faisant intervenir les élèves (tels que jeux, posters murals, marionnettes, diapositives, télévision et films vidéo et conception tri-dimensionnelle);

iii) des activités extra-scolaires en relation avec la santé, telles que campagnes d'hygiène à l'intérieur et à l'extérieur des écoles, plantation d'arbres et recyclage du papier;

iv) l'organisation d'activités conjointes par un certain nombre d'écoles, dont des expositions, des pièces à thème sanitaire et des enquêtes sur le danger du tabagisme et la publication de prospectus sur les résultats des enquêtes.

Là où le programme a été effectivement mené à bien, on a constaté une amélioration générale du comportement des élèves sur le plan sanitaire et éducatif. Le programme a aussi eu un impact positif sur les professeurs responsables des autres classes. Selon l'évaluation à laquelle ont procédé les conseillers sanitaires, on a pu noter une évolution positive sensible dans le comportement et les habitudes liées à la santé (hygiène générale, meilleure participation en classe, davantage de respect pour les installations scolaires) chez environ 68 % des élèves, alors que les professeurs des autres disciplines constataient un changement tangible chez environ 21 % de leurs élèves.

248. Ce programme couvrait entre 80 et 100 % des élèves du primaire, selon la région et l'année, et la réaction des directions et l'initiative des coordonnateurs et des conseillers jouaient un rôle capital à cet égard. Mais l'heure hebdomadaire affectée à l'éducation sanitaire n'était pas censée faire partie intégrante des programmes et demeurait facultative et certains conseillers sanitaires ont été réaffectés à d'autres disciplines. Ce programme couronné de succès, qui va de pair avec les méthodes contemporaines d'éducation et les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, n'a pas encore été adopté officiellement et a été progressivement mis en veilleuse depuis 1995, soit l'année même où a été approuvée la nouvelle structure éducative.

5.7 Respect de l'identité culturelle et des valeurs nationales et promotion des valeurs de tolérance et d'amitié

249.L'article 29 de la Convention relative aux droits de l'enfant souligne la liberté de l'éducation dans le cadre de la législation nationale, en même temps que l'engagement à ce que, quant au fond, le processus éducatif contribue à promouvoir les valeurs de tolérance et à éviter le sectarisme. L'éducation devrait aussi encourager le respect de la culture nationale et des cultures des autres pays, ainsi que la tolérance et l'amitié entre les peuples, les religions et les groupes d'origine ethnique diverse. C'est ce à quoi devrait aboutir le processus éducatif recherché, qui devrait combiner l'acquisition de connaissances et les valeurs humaines et morales reconnues pour servir d'indicateur des avancées et des progrès réalisés.

250. Les dispositions de la nouvelle structure de l'éducation affirment l'engagement expresse envers ces objectifs, surtout depuis qu'elle doit favoriser la cohésion et la stabilité sociales d'un pays ravagé par une guerre de 16 ans. L'une des premières tâches essentielles de la structure éducative est de contribuer à la formation d'une nouvelle génération qui soit plus coopérative et embrasse des concepts et des valeurs plus unifiés de façon à être garante de l'unité nationale et sociale future. De ce fait, la génération des enfants d'aujourd'hui est assurée d'un avenir sûr dans lequel, contrairement à leurs parents, ils ne seront pas contraints de vivre au sein d'une société déchirée.

251. Face à cet impératif complexe et difficile, toutefois, il demeure nécessaire de parvenir à un accord sur la façon de traiter correctement certains problèmes, dont les deux principaux ci-après :

a) la liberté de l'éducation telle qu'elle se pratique au Liban divise l'enseignement de la maternelle au niveau secondaire, en deux voies parallèles qui convergent rarement à quelque étape que ce soit. Aussi les écoles utilisent-elles, outre l'arabe, des langues d'instruction différentes, ainsi que des programmes, des manuels et des méthodes d'apprentissage différents. A l'issue du deuxième cycle du secondaire, les élèves passent des examens différents dans les établissements privés qui sont autorisés à décerner des certificats étrangers (français, américains et allemands) aux élèves qui poursuivent leurs études selon ces programmes et qui ne sont donc pas tenus de passer l'examen officiel pour le certificat de fin d'études secondaires. Ces cursus parallèles ont aussi des répercussions sur la conscience de la génération actuelle d'enfants et de jeunes, ce qui ne facilite pas l'unification des concepts et des valeurs qui sont les leurs au bout d'une scolarité marquée par telle ou telle orientation culturelle.

b) le choix du privé (pour 70 % des élèves) est essentiellement dicté par l'appartenance à tel ou tel groupe confessionnel, surtout dans le cas des écoles dirigées par des groupes confessionnels, lesquels, en vertu de la Constitution, se voient garantir une liberté quasi absolue de créer leurs propres écoles. (A un moindre degré, certains des établissements privés qui ne sont pas dirigés par des groupes confessionnels présentent un type distinct d'homogénéité sociale et socioculturelle qui est fonction du coût des frais d'inscription et de la langue d'instruction utilisée). Dans la pratique, il s'ensuit qu'un enfant qui s'embarque sur une voie donnée du fait de son affiliation à un établissement d'enseignement privé peut passer toute sa scolarité dans un climat social, culturel et confessionnel donné sans rencontrer, si ce n'est qu'incidemment, des membres des autres groupes sociaux et confessionnels avec qui il est censé entretenir des relations dans un esprit de fraternité et de tolérance échappant à tout sectarisme. Au contraire, il se voit privé de toute expérience de coexistence tout au long de sa scolarité.

252. La difficulté essentielle que soulève une telle situation ne saurait être passée sous silence, à savoir, dans quelle mesure ces principes peuvent-ils être respectés et maintenus en vie, si un enseignement public élaboré, principale instance d'interaction nationale dans un pays comme le Liban, ne joue un rôle de premier plan ?

CHAPITRE VI

CULTURE, LOISIRS ET TEMPS CONSACRÉ AU JEU

6.1 Introduction

253. La famille et l'école jouent un rôle sinon exclusif, du moins fondamental, dans la formation de la personnalité de l'enfant. L'enfant acquiert beaucoup de connaissances et toutes sortes de compétences et de schémas de comportement et complète aussi sa croissance physique, mentale et affective grâce au jeu, aux loisirs et à un environnement social plus vaste, aux médias en particulier, qui contribuent pour beaucoup à modeler sa conscience dès sa prime enfance, et plus encore aux derniers stades de l'enfance (adolescence et jeunesse). C'est ce qui explique l'importance attachée à ces aspects par les articles 31 et 17 de la Convention relative aux droits de l'enfant : l'enfant devrait pouvoir jouir de ces droits fondamentaux.

6.2 Culture de l'enfant et occasions de jeu et de loisirs

254.Cet aspect des droits de l'enfant ne reçoit pas la même attention que la disposition relative aux services essentiels (comme l'éducation, les services publics de base etc.). Au contraire, le jeu, les loisirs et le développement de l'intellect, des perceptions et du sens esthétique sont considérés comme des questions secondaires par rapport à l'offre de services "essentiels" à l'enfant, dont il est donné une définition étroite, limitée à la sécurité physique, à la stabilité de la famille et aux besoins physiologiques. La cause sous-jacente n'en est pas entièrement imputable aux années de guerre qui, de par les priorités qu'elles ont

instaurées, ont empiété sur tous les domaines, notamment ceux liés aux droits de l'enfant, puisque c'est à cause de la guerre que les priorités ont changé et que le pays a eu moins de crédits à consacrer à renforcer le respect des droits de l'enfant. La guerre a aussi empêché l'attitude dominatrice exercée sur les enfants et leurs droits d'évoluer au rythme du changement des mentalités dans le monde. Un autre aspect concerne la nature traditionnelle et paternelle des relations qui prévalent au Liban et des options sociales et économiques du pays, qui engendrent des priorités où l'enfant - dans la mesure où il a des opinions ou des droits - occupe une place de deuxième rang, malgré les soins qui lui sont prodigués en tant qu'être humain vulnérable à protéger.

255. Cette situation se reflète dans l'absence de données exactes sur cet aspect des droits de l'enfant dont il n'est généralement pas fait état dans les études et statistiques nationales. Les études entreprises par des individus et des institutions du secteur non gouvernemental ou privé cependant, mettent suffisamment en lumière la question pour permettre d'évaluer les inconvénients et d'identifier le type et l'ampleur des problèmes qui se posent dans ce domaine.

256. A cet égard, le Liban ne se distingue guère du reste du monde arabe, comme l'indique une étude menée par l'Organisation éducative, culturelle et scientifique arabe et intitulée "Cultural development in the Arab nation, 1981 - 1982". Après avoir exposé ce qu'il en est réellement au regard des médias et organismes culturels, les auteurs concluaient que, dans le monde arabe, les moyens d'intervention culturelle étaient restés de nature traditionnelle et conventionnelle et que rien n'avait été tenté pour diversifier, innover et tirer parti des expériences étrangères contemporaines. Cette conclusion est encore plus justifiée dans le cas de la culture impartie aux enfants par des médias comme les livres, les jouets, les films, la musique et les périodiques. L'accès à cette culture est considéré comme un impératif culturel de l'avenir et comme un impératif éducatif et national d'aujourd'hui 1 . Cette évaluation de la situation de la culture enfantine n'a pas changé sur le plan quantitatif depuis le début des années 80 et est un indicateur de stagnation. Qui plus est, les années 80 au Liban ont été une période de guerre extrêmement violente. Il est donc tout à fait logique que le Liban soit aujourd'hui en retard en termes d'offre de matériels culturels et de jouets pour enfants.

6.3 La presse enfantine

257. Au Liban, quelques tentatives ont été faites pour lancer une presse sérieuse destinée spécifiquement aux enfants et offrant un menu très différent des périodiques de consommation libanais et étrangers disponibles. Les enfants libanais par exemple n'ont pas le bénéfice de périodiques éducatifs ou culturels susceptibles d'épauler le processus ordinaire d'éducation comme le faisait le magazine culturel pour élèves du primaire et du secondaire de premier cycle, fondé en 1941 et dont la publication s'est poursuivie jusqu'au déclenchement des hostilités en 1975 2 .

258. La presse enfantine libanaise d'aujourd'hui est différente en ce sens qu'elle est clairement dominée tant dans son contenu que sur le plan linguistique par les magazines étrangers. Certains de ces magazines consistent en bandes dessinées sans aucune prétention éducative. Or ce sont les magazines en vente les plus facilement accessibles. En revanche, ceux qui présentent un intérêt culturel quelconque sont onéreux et paraissent dans une langue étrangère : ils ne sont donc pas accessibles à tous.

259. Des tentatives sérieuses ont été faites pour remédier à cette carence par le secteur non gouvernemental et des organismes internationaux, dont l'exemple le plus évident pour les années 90 est le magazine Sawa , qui présentait un intérêt éducatif pour les enfants sous une forme vivante et attractive. Ce

magazine s'inscrivait dans les programmes en faveur des enfants, directement soutenus par l'UNICEF. Certaines organisations privées et non gouvernementales éditent aussi des publications pour enfants, comme Hazar et Samer . Mais ces essais n'ont pas réussi à percer suffisamment ni en nombre ni au sein de différentes audiences.

Liste exhaustive de périodiques pour enfants publiés à Beyrouth et enregistrés

auprès de l'Union de la presse

Nom du magazine Date de publication Fondateur

Rawda al-Ma'aref 1908 Abd Al-Rahman Salam

Al-Ustaz 1910 Nazih Dawud

Al-Thamara 1914 Nicola Bashara

Mawrid al-Ahdath 1923 Amina Al-Khuri Muqadasi

Al-Talib 1923 Yahya Al-Lababidi

Samir al-Sughar 1925 Julia Ta'mah Dimashqiya

Al-Zanbaqa 1929 Elias Hatum

Rawda al-Awlad 1932 Anis Fakhuri

Al-Thaqafa 1941 Adib Yusif Sadir

Akhbar al-Mujtama'wal-Tulab 1948 Mikhail Najib Ziyadah

Al-Madrasa al-Haditha 1955 Fuad Al-Bubu

Al-Tulab 1955 Wajih Al-Nu'mani

Zarzur 1956 Yahya Hassan Al-Khalil

Risala al-Tarbiya 1959 Omar Anis Al-Tabba'

Al-Talib al-Arabi al-Musawwir 1960 Majid Tawfiq Al-Hamwi

Basat al-Rih 1962 Zuhair Al-Balbaaki

Al-Mughamir 1964 Zuhair Al-Balbaaki

Dunya al-Ahdath 1964 Lauren Shaqir Rihani

Al-Fursan 1964 Lauren Shaqir Rihani

Superman 1964 Illustrated Publications

Al-Barq 1964 Illustrated Publications

Al-Witwat 1964 Illustrated Publications

Lulu al-Saghira 1966 Illustrated Publications

Tarzan 1966 Illustrated Publications

Tabbush 1966 Illustrated Publications

Sindbad 1966 Illustrated Publications

Dunya al-Abtal 1966 Salim Al-Jisr

Al-Sinnara 1967 Raymond Qawwas

Al-Shatir Hassan 1972 Abd All-Ghani Marwah

Adib wa Salwa 1973 Jibran Mas'ud

Ashbal al-Ghaba 1975 Illustrated Publications

Ayyub al-Mawhub 1975 Illustrated Publications

Al-Umlaq 1975 Illustrated Publications

Al-Fada' 1975 Illustrated Publications

Bonanza 1977 Illustrated Publications

Samer 1979 Walid Al-Hussaini

Ayyub al-Mawhub 1981 Dar al-Badi'

Al-Muthaqqaf 1982 Imad Akkawi

Ahmad 1986 Dar al-Malak Publishing

Hazar 1989 Arin Graphics

Sawa 1989 UNICEF

Sally 1989 Ain Graphics

Micro 1990 Nabil Tabbarah

Al-Ma'rifa 1991 Munif Al-Khatib

Flash (en français) 1975 Renée Najjar

Stix (en français) 1989 Renée Najjar

Chtok (en français) 1991 Malik Gharib

Ahmad (en anglais) 1991 Dar al-Hada'iq

260. Sept seulement de ces périodiques sont toujours publiés. Viennent s'y ajouter un nombre incalculable de magazines étrangers de type divers, vendus sur le marché libanais.

6.4 Les enfants et la télévision

261.Regarder la télévision est le principal mode de détente et de loisir pour les enfants; en effet, vu le petit nombre et le coût élevé des activités et des lieux qui répondent spécifiquement aux besoins des enfants, ces derniers passent la majeure partie de leur temps de loisir à la maison. Le petit écran est donc devenu la principale source de détente, de loisir et d'information, si tel est bien le terme qui convient. Toutes les chaînes consacrent le même créneau horaire aux émissions pour enfants, entre 16 et 19 heures, bien que la plupart des enfants âgés de plus de 6 ans regardent la télévision jusqu'à 21 heures, voire plus tard encore, auquel cas, des adultes se joignent d'ordinaire à eux.

6.4.1 Emissions diffusées pendant le créneau horaire consacré aux enfants

262. Trois catégories d'émissions sont diffusées à ce moment-là de la journée :

a) des émissions pour enfants produites sur place;

b) des dessins animés;

c) des films arabes et étrangers.

a) Emissions pour enfants produites sur place

263. Chaque chaîne agréée de télévision produit sur place ses propres émissions pour enfants, à savoir :

Safina Nuh , Future Television, émission de variétés parrainée par Nestlé, comportant plusieurs séquences, dont des chants et de la danse, et présentée par une équipe de jeunes;

Abqar , Future Television, programme de test des connaissances dans lequel les meilleurs élèves répondent à des questions en arabe, en français et en anglais;

Al-Tahadi Al-Kabir , Télé-Liban (TL), programme de test des connaissances dans lequel des équipes d'élèves de différentes écoles, représentant leur établissement, répondent à des questions en arabe, en français et en anglais;

Kayf wa Laysh , Lebanese Broadcasting Corporation (LBC), émission de variétés présentée par des adultes et les marionnettes attitrées de l'émission;

Mini-studio, MTV, émission de variétés présentée par des adultes et les marionnettes attitrées de l'émission et parrainée par Chopa Chops (société de confiserie étrangère);

Al-Manar al-Saghir , Manar Television, émission de variétés présentée par des adultes et les marionnettes attitrées de l'émission.

264. Les chaînes de télévision diffusent aussi d'autres émissions locales, mais qui ne sont pas aussi populaires que celles mentionnées plus haut, qui donnent de la chaîne de télévision une image distincte quant à son approche des enfants.

b) Dessins animés

265.En général, ce sont les mêmes sur toutes les chaînes et la plupart sont produits par Disney et d'autres compagnies étrangères (surtout japonaises depuis quelque temps). On trouve aussi sous cette rubrique des spectacles de marionnettes comme Sesame Street, le Muppet Show et d'autres productions étrangères.

c) Films

266.La plupart sont des films d'origine étrangère (américains) pour la famille ou les enfants et consistent aussi en dessins animés. Le créneau horaire consacré aux enfants a aussi sa part de programmes de variétés et de chansons (Vidéo clips), ainsi que des documentaires, des comédies (Half an Hour) et comporte des films arabes et étrangers.

267. Les émissions susmentionnées ne subissent aucun contrôle à quelque niveau que ce soit quant à leur teneur éducative ou scolaire et rien ne prouve qu'elles présentent un quelconque intérêt audio-visuel sur le plan esthétique. Au contraire, ces émissions sont dictées par le marché, à leur détriment. Les émissions réussies sont celles qui attirent le plus grand nombre d'annonceurs. Aucun effort n'est fait pour en développer le contenu et aucune attention n'est portée aux opinions des enfants, qui de ce fait se tournent vers les émissions et le créneau horaire pour adultes afin de trouver autre chose que ce qui leur est destiné.

268. Le temps consacré aux émissions pour enfants est régulièrement interrompu par un barrage d'annonces commerciales et publicitaires qui se répètent souvent à l'envi, en plus d'émissions parrainées essentiellement par des producteurs d'articles de consommation pour enfants (jouets, friandises etc.). De plus, l'utilisation directe des enfants eux-mêmes pour promouvoir tel ou tel article de consommation peut être considérée comme une violation de leurs droits. En fait, certaines de ces émissions ne sont pratiquement rien d'autre que des moyens de promotion grossiers du produit qui les finance et les différentes séquences des émissions ont simplement une fonction de remplissage entre un spot publicitaire et un autre 3 . Enfin, les émissions sur les enfants dotés d'un talent quelconque laissent parfois la bride sur le cou à tel ou tel petit surdoué dans des conditions mal venues, d'une part, et où l'enfant est exploité, d'autre part. Le public libanais a connu plus d'un cas où on avait fait d'un tel enfant un adulte en miniature auquel son enfance échappe et, qui plus est, lourdement exploité sur l'autel de l'enfance.

Quota d'émissions pour enfants sur le nombre total d'heures de diffusion hebdomadaires

sur les chaînes de télévision locales* (en pourcentage)

Nom de la chaîne

Nombre d'heures d'émission hebdomadaires

Nombre d'heures d'émissions pour enfants

Pourcentage d'émissions pour enfants

LBC

133

10

7,5

TL

126

6,3

5,0

Future

168

8,5

5,1

MTV

128

20,3

15,8

Manar

84

7,5

8,9

Lumière

111

11,3

10,2

NBN

73

7

9,6

* Pourcentages approximatifs, calculés à partir des programmes publiés dans les journaux.

269. Ces programmes font peu de place aux ressources intellectuelles des enfants et s'adressent à eux en utilisant un vocabulaire et une langue dépassés par les idées ayant cours aujourd'hui en matière d'éducation, et qui ne sauraient en rien renforcer leurs connaissances ni développer leur sens esthétique. Il s'ensuit que les enfants sont obligés de passer aux émissions pour adultes. Il s'agit-là d'un phénomène mondial répandu et il n'existe aucun moyen d'échantillonnage permettant d'en évaluer les dimensions au Liban. On peut toutefois le suivre en l'observant directement ou au moyen de questionnaires et d'enquêtes.

270. Une étude effectuée par trois étudiants de la faculté de pédagogie et portant sur un échantillon de 110 élèves de cinquième année de primaire dans les écoles de Beyrouth 4 faisait apparaître que 62 % des fillettes et 75 % des jeunes garçons passaient trois heures ou plus par jour devant le poste de télévision. D'après cette même étude, 3 % des garçons et 4 % des filles seulement regardaient les émissions de télévision pour enfants. Qui plus est, sur les cinq émissions regardées, seules les filles citaient les dessins animés de Disney, alors que les quatre autres émissions, de même que la cinquième citée par les garçons, étaient des émissions pour adultes. Cette constatation est à la base même de la conclusion fondamentale tirée par les auteurs de l'étude, à savoir que les enfants regardent la plupart des émissions pour adultes, en particulier les comédies légères locales et les émissions étrangères 5 .

6.5 Théâtre pour enfants

271.L'expérience du théâtre libanais pour enfants est à plus d'un égard positive, réussissant à échapper à la dimension commerciale qui pénètre souvent ce domaine, bien qu'elle ne l'ait pas encore complètement dépassée. Joseph Fakuri qui, dans les années 60, a monté des pièces de théâtre et présenté des personnages de télévision très appréciés dans ses propres oeuvres, de caractère éducatif, est un des chefs de file du théâtre de marionnettes. Depuis le début des années 70 et même pendant la guerre, surtout lorsque le théâtre pour enfants s'est développé dans les années 80, plus d'un groupe a contribué à la constitution de troupes théâtrales d'enfants toujours actives aujourd'hui. Certaines de ces troupes ont été créées sur l'initiative de jeunes diplômés de conservatoires nationaux ou étrangers et ont reçu un soutien d'institutions officielles et internationales, tandis que d'autres se débrouillaient en instaurant directement un lien avec le

secteur privé ou en obtenant un parrainage et une aide auprès des médias visuels, qui utilisaient certains de leurs programmes et personnages pour enfants pour faire des pièces de théâtre. Le niveau et la teneur artistiques sont restés excellents dans certaines de ces oeuvres, alors que d'autres étaient animés uniquement par des intérêts publicitaires et commerciaux.

Pourcentage d'émissions regardées par les enfants (garçons et filles)

Emissions

Pourcentage regardé par les garçons

Pourcentage regardé par les filles

Animations

18

18

Variétés

4

2

Comédies légères

15

16

Séries étrangères

14

13

Emissions pour enfants

3

4

Films étrangers

10

8

Séries mexicaines

8

10

Vidéo clips

8

8

Séries arabes

8

11

Documentaires scientifiques

8

5

Films arabes

5

5

Source : "Television and its impact on children", 1997.

272. Les principales troupes en activité sont les suivantes :

Deuxième moitié des années 70 : la troupe Sanabil et la troupe du Fonds Farja (qui utilisaient le théâtre d'ombres et d'autres techniques et demeurent en activité);

Dans les années 80 : la troupe libanaise de marionnettes, la troupe du club culturel arabe (troupe d'enfants) et Paul Matar;

Dans les années 90 : le théâtre libanais de marionnettes et le théâtre pour enfants de l'Odéon;

Dans les années 80 et 90 : pièces dramatiques télévisées, comme Didi, Mini studio etc.

Des troupes non spécialisées composées d'acteurs soit professionnels, soit amateurs, montent aussi des pièces pour enfants.

273. Certaines de ces pièces sont d'une bonne tenue artistique, d'autres se lancent même carrément dans la diffusion de la notion de droits de l'enfant par le biais du théâtre.

274. Le théâtre pour enfants est relativement répandu, ayant atteint des dizaines de milliers d'enfants grâce à des spectacles montés dans des théâtres ou des écoles, spectacles produits désormais chaque année depuis quelque temps. Au prix d'un gros effort, les troupes se déplacent dans les zones rurales et contribuent à distraire les enfants dans un pays où les occasions de cette nature sont rares. Les commentaires rapportés par bon nombre de travailleurs sociaux et enseignants soulignent le vif intérêt tant pour le théâtre proprement dit que pour le théâtre de marionnettes, qui a fait la preuve de sa valeur en tant

que méthode éducative effective, en particulier dans les pièces où acteur et spectateurs enfants se concertent pour décider du déroulement de la pièce et trouver des solutions aux problèmes soulevés.

Expérience de théâtre mobile dans le Sud suite à l'agression de 19766

Comptes rendus personnels

Dans plus de 7 % des villages, les enfants n'avaient jamais assisté à une représentation théâtrale. Nous avons donné nos représentations dans des conditions diverses :

Sur des terrains de jeux en plein soleil ou sur des places de village : 19 représentations

Dans de larges allées ou sur de vastes terrasses : 12 représentations

Dans des écoles dotées de terrains de jeux couverts pour l'hiver : 30 représentations

Dans des écoles toutes neuves équipées de grandes salles : 24 représentations

Nous avons donné une représentation dans l'atelier de construction d'une école de village.

Les représentations les plus réussies ont été données dans les zones frontalières et les villages les plus touchés par les massacres. On pouvait détecter dans la salle une sorte de torpeur mêlée d'une grande joie et de plaisir à la fin du spectacle, quand les enfants attendaient silencieusement que nous donnions un bis. Cela a été particulièrement le cas à Yahmur al-Shaqif, isolé à toutes fins utiles des zones libérées par un blocage routier israélien érigé de temps à autre à l'entrée du village de Sadiqin, dont 12 des enfants d'âge scolaire ont été tués lors du massacre de Qana.

Nous avons donné une représentation dans le village de Saghbin. Le côté gauche était à prédominance grise, teinte de la blouse d'uniforme portée par les élèves de l'école de Sahmur dans la Beqaa, qui subit un pilonnage constant. Le côté droit était occupé par les enfants de Saghbin, aux vêtements de toutes les couleurs.

Avant même que le spectacle eut commencé, les enfants de Saghbin riaient et applaudissaient, tout excités. Au courant de la règle du jeu, ce n'était manifestement pas la première fois de leur vie qu'ils assistaient à une représentation. Les enfants de Sahmur sont entrés et se sont assis sans faire de bruit et ont commencé à suivre la représentation dans un silence stupéfiant.

Au début de la première partie du spectacle, et pendant les scènes de comédie, les rires ont fusé du côté droit uniquement et lorsque quelqu'un était invité à prendre la parole, on se bousculait dans ce coin pour atteindre la scène. En revanche, aucun des enfants de Sahmur ne faisait le moindre geste.

Pas plus de 20 minutes plus tard, on pouvait entendre les enfants de Sahmur rire et applaudir et ils se sont vite mis à faire des commentaires sur ce qui se passait. Lorsque nous avons invité les enfants à venir nous aider à nettoyer le village, deux ou trois enfants de Sahmur se sont proposés.

Après l'entracte, les enfants de Saghbin ont réagi de la même façon que ceux de Sahmur. A la fin, lorsque nous avons invité tous les enfants à reconstruire le village, la scène a été envahie de blouses grises. La pièce avait réussi à faire fondre la glace et à créer une grande interaction entre les jeunes spectateurs.

6.6 Les enfants et les occasions de jeu et de loisirs

275.Les terrains publics et les espaces verts en particulier sont rares dans les villes libanaises, alors que dans les villages, ils se limitent à l'environnement naturel des champs, des vergers et des bois. En ville, la situation s'explique par le désir d'exploiter au maximum le potentiel immobilier vu l'intérêt financier en jeu et le fait qu'aucune municipalité n'est actuellement engagée dans la création de parcs publics, d'aires de jeux ou de loisirs pour enfants (ou adultes). Rares sont les exceptions à cette règle et elles varient de par leur nature selon la personne qui en prend l'initiative.

6.6.1 Occasions de jeux offertes aux enfants par le secteur privé

276.Le secteur privé libanais est réputé pour être extrêmement actif et entreprenant en répondant rapidement aux besoins locaux, même s'il le fait en fonction de ses propres perspectives, lesquelles ne tiennent pas toujours compte de la situation culturelle et éducative qui peut ne pas être compatible avec l'idée d'enregistrer le maximum de profit possible. Vu l'absence d'espaces publics et de possibilités de jeux et de loisirs pour les enfants (et, implicitement, comme chacun sait, les adolescents et les jeunes), à plus d'un niveau le secteur privé a pris l'initiative de satisfaire ce besoin moyennant :

Des initiatives visant des groupes particuliers : création de clubs et de complexes de sports et de loisirs qui soit sont indépendants, soit font partie des nombreux centres touristiques qui jalonnent la montagne et la côte. Ces infrastructures offrent aux membres et par conséquent aux enfants de ces derniers toutes sortes de possibilités pour s'adonner à différents sports, loisirs et activités culturels et autres. Les groupes à faible revenu du grand public ne peuvent profiter de ces installations, dont certaines ne sont ouvertes qu'aux membres, alors que d'autres sont en partie ouvertes à tous. Le coût de même que les conditions d'adhésion et d'utilisation de ces installations varient également.

Des salles de jeux et des parcs d'attractions, outre l'arrivée récente de troupes de cirque venues de toutes les régions du monde donner des représentations au Liban. Ces loisirs sont offerts au grand public en échange d'un billet d'entrée dont le coût peut varier, en plus de la somme perçue pour les attractions. Les enfants ont tous accès à ces installations en fonction de leur proximité géographique et de leur niveau de revenu. Bien qu'il faille faire observer que le coût est maintenant moindre que dans le passé, il y a lieu aussi de signaler que la qualité des attractions offertes et le degré de sécurité des différentes pièces d'équipement varie considérablement. La sécurité des attractions, y compris celles qui sont dangereuses, n'est pas contrôlée, si bien qu'il peut se produire des accidents et que des enfants risquent de se blesser.

Des salles de jeux dont le secteur privé est propriétaire, réparties dans chaque district, accessibles aux enfants des groupes à faible revenu, y compris aux enfants d'ouvriers. Ceux-ci se rassemblent dans les endroits où l'on joue au billard, aux flippers et à des jeux électroniques. La plupart du temps, il s'agit de salles de surface réduite ou moyenne, remplies d'adolescents et de jeunes, voire de jeunes enfants, qui y passent leur temps libre.

Les jouets et jeux d'enfants, qui constituent aussi un domaine d'activité industrielle et commerciale pour le secteur privé, représentant des articles financièrement intéressants, importés pour la plupart. Les jouets et les jeux disponibles sur le marché local varient selon qu'il s'agit de jouets et de jeux éducatifs de bonne qualité, les moins couramment disponibles (et qui sont souvent trop coûteux ou dont le prix dépasse les moyens des familles de revenu modeste) ou de jouets et de jeux de qualité médiocre facilement disponibles aux groupes d'âge et de niveau de revenu différents. Ce dernier type est le plus courant. Certains jouets et jeux, allant de simples armes d'imitation à bon marché à des jeux de guerre électroniques élaborés, sont préjudiciables du point de vue éducatif ou encouragent des valeurs de compétitivité par lesquelles l'"adversaire" est acculé à la ruine

économique (comme dans le jeu du Monopoly). Tel est le contexte dominant, bien que le secteur privé ait fait un effort pour en sortir et échapper à la seule motivation commerciale, comme dans le cas des Jouets Khalid al-Jabar, qui ont produit toute une série de jouets en kit en rupture de stock sur le marché et des Jouets Adib et Salwa (deux expériences d'avant-guerre), Dar al-Shamal dans les années 70 (série de jeux simples pour l'apprentissage des lettres et des chiffres) et de la Société Tala, qui a débuté en 1985 et produit différentes sortes de jouets éducatifs conçus sous la supervision d'experts et destinés à répondre aux besoins actuels, les jeux Mishwar fi lubnan et Haqqi + huguqi , destinés à familiariser les enfants (de 10 ans) avec la Convention relative aux droits de l'enfant 7 .

Umayma : une institutrice d'école primaire publique raconte

Une fête ... et une autre

C'était les premiers jours de la fête et les rues de la ville étaient pleines d'enfants. A l'extrémité sud de la ville, pour la toute première fois un immense champ de foire avait été aménagé : lumières étincelantes de toutes les couleurs, grande roue, avions et voitures de toutes sortes, large piste de patinage etc.

Khidr, 12 ans, se tenait au-dehors impressionné, rêvant d'y entrer, mais il fallait payer plusieurs milliers de livres libanaises et il ne les avait pas. Il s'en est alors retourné vers le vieux champ de foire abandonné non loin de là : une roue modeste, des balançoires, du sorbet au réglisse et des néons ordinaires recouverts de papier vert et rouge. La fête terminée, Khidr est retourné à l'école et s'est levé pour me raconter au nom de tous ses camarades :

"Vous ne le croiriez pas, Mademoiselle ! La foire, c'est magnifique, mais il faut payer un prix d'entrée de 5 000 livres libanaises et 2 000 de plus pour chaque attraction. Alors, si on y était allé, mes amis et moi, nous n'aurions plus eu un sou en poche. Alors quoi faire ? A la place, nous sommes allés sur la vieille fête, nous avons payé 1 000 livres libanaises et nous avons profité de toutes les attractions qui nous faisaient plaisir."

Alors, au lieu d'une seule fête en ville, il y en a eu deux !

6.6.2 Loisirs offerts aux enfants par le secteur public

277. Les enfants ont des occasions de jouer gratuitement ou presque grâce aux moyens publics suivants :

-Jardins publics dans les villes et agglomérations urbaines. Mais ces jardins sont peu nombreux, de superficie réduite et en général pas équipés en jeux pour enfants ou très mal équipés. De plus, la rénovation de ces jardins et la création de nouveaux parcs ne suscitent guère d'intérêt. Le parc le plus étendu, situé dans le quartier de Sana'i à Beyrouth, est très souvent fermé. Il ne possède aucun équipement et se trouve dans un quartier surpeuplé à proximité de bâtiments administratifs. La plupart des jardins publics souffrent d'un problème de superficie et d'emplacement (le parc de Tripoli est situé au milieu d'un quartier très peuplé réputé pour ses encombrements, la pollution de l'air et le bruit; le parc d'Aysha Bakkar, de quelques centaines de mètres carrés, s'étend le long d'une autoroute et le soi-disant jardin pour enfants de la ville de Jbail est doté d'équipements dans un coin situé à côté du pont qui surplombe l'autoroute internationale, endroit extrêmement bruyant et dangereux). En bref, il n'existe pas de jardin public à proprement parler dans les centres villes et les grandes agglomérations urbaines.

- Possibilité d'utiliser des installations scolaires à des fins extra-scolaires et de scoutisme, fonction de la bonne volonté du personnel de l'école ou du dynamisme des associations d'éclaireurs, en particulier des éclaireurs de l'éducation nationale et de l'équipement de l'établissement en terrains et jeux. En général, cependant, les établissements publics constituent un réseau de bâtiments et d'équipements répartis à travers toutes les régions et sont assimilés à une infrastructure qui se prête à des activités de loisirs, mais qui est sous-employée.

- Activités et équipes sportives, auxquelles les pouvoirs publics commencent à s'intéresser aux niveaux national et municipal, comme le prouve la priorité accordée à la reconstruction du village sportif et à la réparation d'un certain nombre de terrains de jeux municipaux à Beyrouth, Burj Hamud, Tripoli et ailleurs. Un plan gouvernemental se met progressivement en oeuvre en vue d'accroître l'intérêt pour le sport et de promouvoir les terrains de jeux municipaux en ville et dans les agglomérations urbaines de façon à encourager la création d'équipes sportives dans les villes et les districts. L'attention prêtée aux sports dans les écoles s'est accrue sensiblement : le nombre d'élèves qui sont acceptés à des cours de formation au métier de professeur de sports, réintroduits pour former des professeurs de sports pour les établissements publics, en est la preuve.

- Colonies de vacances et camps pour enfants, dont il sera question dans la section suivante, et dans lesquels les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales jouent un rôle.

6.6.3 Camps d'été

278.Les colonies de vacances, camps d'été et activités similaires pour enfants représentaient l'activité la plus répandue et la plus importante pour les enfants du Liban. Ces activités ont été lancées telles qu'elles se présentent maintenant pendant les années de guerre, offrant à des milliers d'enfants un vaste espace de paix et la chance de vivre quelque temps à l'abri des hostilités. Elles ont pris les formes suivantes :

- Colonies de vacances, à savoir camps organisés habituellement pour des périodes de 10 – 15 jours, agrémentées d'activités éducatives et de loisirs, d'excursions dans les environs, etc. Les participants sont âgés de 7 à 12 ans. Les camps sont encadrés par une équipe de moniteurs et d'animateurs.

- Centres aérés, offrant le même type d'activités, mais organisés pendant la journée, les enfants rentrant chez eux chaque soir.

- Chantiers de travail pour jeunes bénévoles, qui accueillent des bénévoles de 16-17 ans. Activités culturelles et de loisirs et excursions dans les environs et participation à la mise en oeuvre de projets de développement de concert avec la population locale.

279. La nouvelle phase de ce type d'activité pendant les années de guerre 8 a déclenché le rôle vital du secteur non gouvernemental, qui reçoit un soutien substantiel à cet égard des organisations internationales, de l'UNICEF en particulier, pour la formation des animateurs et moniteurs, la préparation du matériel et des programmes, etc. Plusieurs ministères et organismes gouvernementaux y participent aussi effectivement, à savoir par exemple : le ministère des affaires sociales, qui, chaque année, organise un certain nombre de chantiers de travail volontaire avec des activités de jour en faveur des enfants, sur une

base journalière; la direction générale de la jeunesse et des sports (ministère de l'éducation), qui organise des colonies de vacances et des camps de formation; l'Armée libanaise (qui dirige des colonies de vacances pour les enfants de militaires); et le ministère des affaires des personnes déplacées (qui organise des camps et des colonies de vacances dans les zones de rapatriement).

280. Ces activités ont désormais lieu chaque année; des dizaines de camps sont organisés et des milliers d'enfants et de jeunes de toutes les régions du Liban prennent part à des initiatives qui ne se prêtent guère à l'établissement de statistiques. Des centaines d'animateurs et de moniteurs qui se sont formés au cours des 10 dernières années sont dispersés parmi les clubs et les villages et organisent des activités en faveur des enfants, la plupart du temps en tirant parti des ressources qui existent sur place.

281. Ces activités remplissaient plusieurs fonctions sociales et éducatives sensibles :

- Elles offraient un havre de paix et un moyen d'échapper au climat ambiant pendant les années de conflit armé.

- Elles offraient un lieu de réunion et de rencontre de personnes appartenant à des régions et des confessions différentes, représentant par là un maillon significatif pour une génération qui n'avait pas eu la chance de connaître des personnes d'autres milieux et de se mêler à elles. C'était une fonction importante, surtout lorsque les opérations militaires ont pris fin et que les différentes régions se sont ouvertes les unes aux autres.

- Comme aujourd'hui, elles offraient une expérience éducative et culturelle enrichissante, valorisant les idées de développement, tolérance, respect de l'environnement et participation, fonction désormais la plus importante.

282. Il existe cependant des lacunes à relever, dont notamment les deux suivantes :

a) Le groupe des adolescents âgés de 12 à 15 ans ont été exclus de cette activité, car les programmes étaient conçus soit pour des enfants de 7 à 12 ans, soit pour des jeunes âgés de plus de 16 ans.

b) Le risque existe que ces activités se transforment en activités de routine vidées progressivement de leur sens, attendu que l'apparition de camps ne va pas toujours de pair avec de nouveaux programmes et ne répond pas forcément aux besoins. De plus, il n'y a pas de coordination ni d'intégration entre les différentes parties responsables de leur organisation.

CHAPITRE VII

ÉTAT DE SANTÉ DES ENFANTS AU LIBAN

7.1 Introduction

283. Le droit de l'enfant à la santé est de toute évidence un droit fondamental aux niveaux tant international que national. La Convention relative aux droits de l'enfant énonce ce droit et décrit en détail les indicateurs essentiels permettant d'évaluer les progrès réalisés dans l'adhésion aux engagements stipulés à l'article 24 de la Convention. Les engagements pris au niveau national sont donc assumés par les pouvoirs publics, ainsi que par les secteurs non gouvernemental et privé. La communauté internationale a elle aussi des engagements à cet égard, comme il est dit au paragraphe 4 de l'article 24 qui vise en particulier la nécessité de tenir compte des besoins des pays en développement.

7.2 Cadre général

284.Les droits énoncés à l'article 24 de la Convention relative aux droits de l'enfant ne peuvent s'exercer que dans le cadre plus large de la politique de santé et des caractéristiques propres au secteur de la santé dans le pays considéré. Cela n'exclut pas la possibilité de cibler les enfants en tant que bénéficiaires d'un soin spécial au moyen de programmes particuliers, ce qui, en tout état de cause, est à la fois faisable et essentiel. L'état de santé à long terme des enfants est toutefois en général tributaire de l'état de santé global et de la philosophie et des caractéristiques de la politique de santé agréée, ainsi que des moyens et ressources disponibles pour la mettre en oeuvre.

285. A cet égard, la situation sanitaire de la population libanaise s'est sensiblement améliorée grâce à la combinaison de plusieurs facteurs qui, au cours des dernières décennies, se sont conjugués pour exercer un impact positif, à savoir d'abord un mode de croissance économique satisfaisant dans les années 50, suivi des politiques sociales et des régimes de santé et d'assurance instaurés sous le gouvernement Chehab, leur développement ultérieur et l'apport vital des secteurs non gouvernemental et privé dans la prestation de services de soins de santé 1 .

286. L'effet global s'est traduit dans l'allongement de l'espérance de vie à la naissance, la diminution de la mortalité infantile et d'autres indicateurs positifs. Tous ces éléments se sont cumulés pour constituer en quelque sorte un réservoir et donner une impulsion qui n'a pas trop pâti de la guerre, malgré les pertes en vies humaines et les dégâts matériels et institutionnels. On peut attribuer ce phénomène à la culture d'autosuffisance, en particulier aux initiatives des organisations non gouvernementales et au fait que le secteur privé a continué de jouer un rôle actif non négligeable dans le domaine de la santé. On peut citer aussi l'assistance étrangère, l'activité d'institutions internationales et l'adaptation des politiques de la santé aux exigences de la guerre et aux situations d'urgence.

287. Quant à la morbidité, elle est maintenant comparable à celle des sociétés industrielles en ce sens que les maladies non contagieuses sont désormais plus répandues en tant que cause primaire de décès des adultes. Il reste que les maladies contagieuses demeurent importantes, même si elles sont mieux maîtrisées que par le passé, surtout dans le cas des maladies infectieuses des enfants et bien que les cas de fortes diarrhées et de maladies respiratoires aiguës d'origine virale continuent de se répandre.

288. Le secteur de la santé accuse par ailleurs un certain nombre de déficiences structurelles et fonctionnelles qui exercent un effet préjudiciable sur son fonctionnement et ont des incidences particulières sur l'état de santé des enfants. Ces déficiences sont les suivantes :

- Le rôle du secteur public a diminué considérablement en faveur du secteur privé en ce qui concerne la médecine curative et clinique et du secteur non gouvernemental sur le plan des dispensaires, des soins primaires et de la prévention.

- La planification fait défaut et les coûts des services de santé ont beaucoup augmenté.

- L'aspect thérapeutique prévaut sur l'aspect préventif.

- Les médecins spécialistes sont plus nombreux que les généralistes/médecins de famille et les infirmières et aides-soignantes sont trop peu nombreuses.

- De nombreux régimes d'assurance n'assurent pas une couverture intégrale, malgré les dépenses importantes consacrées au titre de la santé.

- Les citoyens paient une bonne part de la facture de santé, qui représente parfois le double du montant à la charge du secteur public.

- Il existe des disparités régionales et sociales dans la prestation et la qualité des services de santé.

- Le marché pharmaceutique est chaotique, peu contrôlé et mal coordonné, de même que la fixation des prix des services de santé.

289. Ces déficiences ont des répercussions négatives sur l'état de santé de la population en général et des enfants en particulier. Le coût élevé des soins de santé et le fait que les régimes d'assurance ne sont pas à même d'offrir une couverture intégrale empêche dans la pratique les familles de jouir toutes sur un pied d'égalité de services de santé satisfaisants. De plus, la prédominance de la thérapie sur la prévention et des services thérapeutiques sur les soins de santé primaires est moins adaptée aux besoins des enfants, dont les exigences en matière de protection, de nutrition et d'un environnement et de pratiques respectueux de la santé propices à leur développement, sont plus grandes que leur besoin d'être traités pour des maladies qu'ils contracteraient.

290. Il faudrait malgré tout appeler l'attention sur le fait que les indicateurs de base de la santé des enfants se sont bien améliorés, grâce surtout au succès des programmes nationaux spéciaux visant les enfants, la petite enfance notamment.

7.3 Indicateurs de base de la santé des enfants 2

7.3.1 Aperçu de l'état de santé des enfants 3

291. Les enfants (et en particulier au stade de la petite enfance) sont susceptibles d'attraper des maladies saisonnières, similaires en ce qui concerne tant leur incidence à travers les différentes régions du pays que leur apparition annuelle. Les maladies les plus courantes sont les maladies respiratoires en automne et en hiver, les angines et les otites au printemps, ainsi que les diarrhées et les maladies de l'appareil digestif en été. La poliomyélite, le tétanos et la diphtérie ont en revanche perdu beaucoup de terrain, puisque quelques cas isolés seulement ont été signalés dans les hôpitaux et les cabinets médicaux au cours des 10 dernières années.

292. Par contre, l'incidence de certaines de ces maladies, comme les diarrhées, s'est accrue ces dernières années au lieu de reculer. A partir de relevés et de l'expérience des médecins, on a enregistré ces cinq dernières années les deux faits nouveaux suivants : premièrement, alors que la "saison" des diarrhées aiguës et des maladies de l'appareil digestif durait d'ordinaire environ deux mois (juillet-août en particulier), il est maintenant fait état de nombreux cas de maladies de cette nature dès mai-juin et ce, jusqu'en septembre. Deuxièmement, le nombre d'enfants touchés s'accroît d'année en année, comme le pourcentage de cas qui nécessitent une hospitalisation. Les médecins sont unanimes à reconnaître que ces cas sont principalement causés par la contamination, surtout de l'eau potable, qui menace sérieusement la santé tant des enfants que des adultes.

293. Par ailleurs, un pourcentage non négligeable d'enfants qui consultent les cabinets médicaux et les hôpitaux souffrent de toute évidence de différentes formes de malnutrition, décelables par leur faible poids, leur petite taille, différents troubles digestifs, l'anémie et d'autres symptômes encore. Normalement, le problème ne tient pas tant à une alimentation insuffisante qu'au type et à la variété de nourriture. Se fondant sur leur expérience pratique, les pédiatres incriminent au premier chef les habitudes nutritionnelles dominantes, surtout dans le cas des nourrissons. Ainsi, la première année de la vie peut avoir la plus grande influence sur la santé physique; au cours de cette année, l'organisme de l'enfant et ses principales fonctions se mettent définitivement en place et la croissance s'opère à un rythme extrêmement rapide qui ne se reproduit pas les années suivantes. D'où la nécessité de sensibiliser les adultes, surtout les parents, à des modes d'alimentation convenables et à la façon de s'assurer les moyens matériels d'y parvenir.

294. S'attaquer aux problèmes de pollution de l'environnement et d'habitudes nutritionnelles figure parmi les objectifs prioritaires qui, si on s'y attelle, contribuent à protéger les enfants contre la maladie et à accroître leur immunité et leurs chances de jouir d'une bonne santé leur vie durant.

7.3.2 Mortalité infantile

295. L'état de santé des enfants du Liban s'est bien amélioré; depuis 10 ans, le taux de mortalité infantile a chuté de 30 % et le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans de 20 %. Une ventilation détaillée de la mortalité infantile montre qu'il y a de fortes chances de décès au cours des 28 jours qui suivent la naissance, car le taux de mortalité des nouveau-nés était de 20,3 p. 1000 en 1996, alors qu'il était pour les enfants âgés de 4 semaines à un an de 7,1 p. 1000. Les principaux problèmes de santé résident dans l'absence de soins de santé prénatals, la qualité de ces soins, l'augmentation du nombre de maladies congénitales et génétiques, surtout à la suite de mariages consanguins, et le risque élevé qu'un nouveau-né contracte une maladie faute d'une hygiène suffisante.

Taux de mortalité chez les nourrissons et les enfants de 1987 à 1991 et de 1992 à 1996

(pour 1000 naissances vivantes)

Groupe

Taux pour 1000 naissances vivantes

1987-1991

1992-1996

Nouveau-nés (moins de 28 jours)

29,3

20,3

Nourrissons (de 28 jours à un an)

9,6

7,6

Mortalité infantile (moins d'un an)

38,9

27,9

Mortalité des enfants d'un à cinq ans

1,8

4,4

Mortalité des enfants de moins de cinq ans

40,6

32,2

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

296. Il ressort du tableau que le taux de mortalité des nourrissons (âgés de moins d'un an) est tombé de 11 points et celui des enfants (âgés de moins de cinq ans) de plus de 8 points entre les deux périodes considérées.

297. Il reste que les taux nationaux dissimulent des variations régionales et sociales car ils changent sensiblement d'un gouvernorat à un autre; le taux de mortalité infantile était de 48,1 p. 1000 dans le Nord et de 39,8 p. 1000 dans la Beqaa, contre 19,6 p. 1000 à Beyrouth. Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans est aussi à son niveau le plus élevé dans le Nord et à son plus bas niveau à Beyrouth.

298. Du point de vue social, on remarque un rapport évident entre le niveau d'instruction des mères et le taux de mortalité des enfants. Là encore, les enfants nés de mères qui sont soit analphabètes, soit simplement capables de lire et écrire courent trois fois et demie plus souvent le risque de mourir que ceux nés de mères qui ont fait des études secondaires ou supérieures. Les mères analphabètes ont en moyenne 6,9 enfants, les mères qui ont fait des études universitaires, 2,7 enfants. Le taux de mortalité des enfants de moins d’un an nés de mères analphabètes est de 54,5 p. 1000, contre 14,8 p. 1000 chez les enfants dont la mère a obtenu au moins un certificat de fin d'études secondaires. On peut constater le même phénomène en ce qui concerne le taux de mortalité des moins de 5 ans. Ces écarts considérables illustrent l'importance de l'instruction des mères et ses effets positifs sur la santé de l'enfant et le taux de mortalité des enfants.

Taux de mortalité des nourrissons et des enfants, par gouvernorat

(pour 1000 naissances vivantes)

Gouvernorat

Nouveau-nés (moins d'un mois)

Nourrissons (moins d'un an)

Enfants (moins de 5 ans)

Beyrouth

17,5

19,6

19,6

Mont Liban

21,6

27,6

30,6

Nord

32,7

48,1

53,7

Beqaa

32,2

39,8

39,8

Sud

16,4

27,2

32,3

Nabatiyé*

-

-

-

Total pour 1000

24,9

33,5

36,5

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

*En raison de l'échantillonnage limité dans le gouvernorat de Nabatiyé et des difficultés rencontrées sur le terrain par les enquêteurs, les informations sur les taux de mortalité dans ce gouvernorat manquent d'exactitude.

Taux de mortalité des nourrissons et des enfants de moins de 5 ans, selon le niveau d'instruction de la mère (pour 1000 naissances vivantes)

Niveau d'instruction de la mère

Mortalité des nouveau-nés (moins d'un mois)

Mortalité des nourrissons (moins d'un an)

Mortalité des enfants (moins de 5 ans)

Analphabètes

38,2

54,5

57,7

Capables de lire et écrire

33,3

51,1

55,6

Instruction primaire

23,4

29,6

33,9

Etudes secondaires (premier cycle)

23,6

30,5

31,7

Etudes secondaires (deuxième cycle) ou supérieures

12,8

33,5

16,5

Total pour 1000

24,9

33,5

36,5

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

299. L'enquête faisait aussi apparaître que les différences entre garçons et filles étaient négligeables et, en tout état de cause, inférieures à 1 p. 1000 quelque soient les taux considérés.

300.La conclusion à tirer de ce qui précède, c'est que, si la chute des taux de mortalité constitue bel et bien un progrès par rapport au droit de l'enfant à la survie, les enfants n'ont pas tous équitablement accès à ce droit, vu l'importance des disparités régionales et sociales qui demeurent à cet égard.

7.3.3 Maladies et accidents

301. L'amélioration sensible des taux de mortalité des enfants ne progresse pas au même rythme que l'état de santé des enfants en général, car l'incidence des différentes maladies demeure élevée, tout comme le risque que courent les enfants d'être victimes d'accidents.

Incidence des différentes maladies chez les enfants de moins de 5 ans

Maladie

Pourcentage

Diarrhée

11,7

Affections respiratoires

56,8

Fièvre

3,7

Otites

7,7

Infections des yeux

7,6

Rougeole

8,1

Autres

3,6

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

302. S'agissant des accidents, 2,7 % des enfants en sont victimes, avec une incidence légèrement supérieure pour les garçons (3 %) par rapport aux filles (2,4 %).

303. D'après le tableau suivant, les accidents les plus courants chez les enfants étaient les blessures et les brûlures qui représentaient les deux tiers des cas. Il est aussi à noter que trois accidents sur quatre se produisent à la maison et que 28 % d'entre eux peuvent entraîner un préjudice ou une invalidité à long terme.

Accidents chez les enfants, par type, sexe et lieu

(en pourcentage)

Sexe

Enfants

Type de blessure

Lieu de l'accident

Accidents entraînant une invalidité à long terme

%

Nbre d’enfants

Blessure

Brûlure

Fracture

Empoison-nement

Autre

A la maison

A l’extérieur

Ailleurs

Garçons

3,0

1 137

38,1

26,5

5,7

9,1

20,6

76,1

12,1

11,7

29,8

Filles

2,4

1 019

29,2

41,7

8,4

4,4

16,3

70,9

20,7

8,3

25,4

Total

2,7

2 156

34,4

32,7

6,8

7,2

18,8

74,0

15,7

10,3

28,0

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

304. A la lumière de cette observation, le ministère de la santé publique a entrepris toute une série d'activités visant à renforcer la prévention des accidents. Ces activités sont menées en coordination avec les autres ministères concernés, des organisations non gouvernementales et des universités, avec le soutien de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l'UNICEF. Ces efforts cependant ne sont ni suffisants ni

continus, d'autant que les médias ne s'en font pas l'écho, sauf pendant les campagnes nationales, car de tels efforts ne font pas partie intégrante de leurs programmes et orientations.

7.3.4 Vaccination polyvalente

305.Les résultats de l'Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile ont mis en lumière le rôle important joué par le programme national de vaccination polyvalente (lancé en 1987) en assurant la vaccination des enfants contre les maladies infantiles. Les taux de couverture de la triple vaccination combinée avec la poliomyélite sont passés à 99,8 %, 96,8 % et 91,8 % pour les trois injections successives et à 77,1 % dans le cas du vaccin contre la rougeole.

306. En 1997, deux nouveaux vaccins combinés ont été introduits dans le programme de vaccination national, à savoir un vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole et un vaccin contre la diphtérie et le tétanos.

Taux de vaccination chez les moins de 5 ans (en pourcentage)

Sexe

Poliomyélite et triple vaccin

Rougeole

1ère injection

1er rappel

2ème rappel

Garçons

99,5

96,6

91,4

75,8

Filles

100

97,0

92,3

78,5

Gouvernorat

Beyrouth

100

97,2

90,4

83,7

Mont Liban

100

97,1

94,4

79,2

Nord

98,7

96,0

88,4

72,8

Beqaa

100

97,0

88,6

68,3

Sud

100

98,9

93,5

76,3

Nabatiyé

100

98,9

93,5

76,3

Total

99,8

96,8

91,8

77,1

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

307. Le programme de vaccination polyvalente a obtenu des résultats tangibles en un laps de temps relativement court. Si l'on compare les taux de vaccination des enfants de moins de 5 ans (tableau ci-dessus) aux taux correspondants d'enfants d'un à deux ans (tableau ci-après), on constate une nette amélioration de 5 points en ce qui concerne le deuxième rappel du vaccin contre la poliomyélite et du triple vaccin et de 8,6 points dans le cas du vaccin contre la rougeole. On ne relève par ailleurs aucune distinction notable entre garçons et filles.

308. Le taux de vaccination polyvalente des enfants dans certaines régions défavorisées tombe à 80 % ou moins. Un plan concerté a été élaboré par l'UNICEF, les ministères de la santé publique et des affaires sociales et la majorité des organisations non gouvernementales actives dans le domaine de la santé publique dans ces régions. Il consiste en une campagne de vaccination effectuée au porte à porte et en activités d'éducation sanitaire dont plus d'un millier de mères ont profité. Des résultats satisfaisants ont ainsi été enregistrés. Chaque année, le Liban organise aussi des "journées de vaccination nationale" pour l'éradication

de la poliomyélite, qui consistent en deux séries annuelles de vaccinations pour les enfants de moins de 5 ans. En 1997, 90 % des enfants ont aussi été vaccinés contre la rougeole 4 .

Vaccination des enfants de 12 à 23 mois (en pourcentage)

Sexe

Poliomyélite et triple vaccin

Rougeole

1ère injection

1er rappel

1er rappel

Garçons

100

100

95,9

84,1

Filles

100

100

98,4

87,5

Total

100

100

97,0

85,7

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

7.3.5 Etat nutritionnel des enfants

309. Les informations contenues dans l'Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile indiquent une baisse du nombre de cas de malnutrition; 3 % des enfants sont en dessous du poids normal pour leur âge, 2,9 % sont émaciés (ont un poids faible pour leur taille) et 12,2 % sont petits de taille. Ces effets varient selon le gouvernorat considéré et le niveau d'instruction de la mère.

310.Au Liban, ce n'est pas le manque de calories qui est en cause. Le problème qui se pose est celui du type et de la variété des aliments, comme l'illustrent les carences importantes en fer, iode et vitamine A. Les caries dentaires sont aussi courantes chez les enfants. Vu le succès obtenu dans la lutte contre la carence en iode par l'adjonction d'iode au sel dans un projet qui a démarré en 1995, un projet similaire d'adjonction de fluor au sel est en cours de préparation afin de lutter contre la carie. Ce procédé devrait réduire les caries de près de 30 %. En 1997, on a aussi annoncé qu'une étude nationale serait effectuée pour déterminer dans quelle mesure la carence en fer chez les femmes en âge de procréer et les enfants de moins de 5 ans était une cause d'anémie.

7.3.6 Allaitement au sein

311. Au total, 88 % des femmes allaitent leurs enfants au sein. On ne constate pas de différence sensible selon les régions ou le niveau d'instruction de la mère. Mais ce pourcentage tombe progressivement au fur et à mesure que l'âge de la mère augmente. Les principales raisons de non-allaitement tiennent à l'insuffisance de la lactation ou à une maladie de la mère.

312.La durée moyenne d'allaitement au sein est de neuf mois. Plus le niveau d'instruction de la mère est élevé, moins le temps d'allaitement se prolonge (13 mois pour les mères qui sont analphabètes, contre 6 mois pour celles qui ont fait des études secondaires). Cette moyenne diffère aussi selon les gouvernorats, pour atteindre son maximum dans le Nord (11 mois environ) et son niveau le plus bas au Mont Liban (7 mois environ).

313. Seulement 11 % des mères nourrissent principalement ou exclusivement leurs enfants au biberon et 58 % complètent l'allaitement au sein par le biberon. La plupart des enfants commencent à prendre régulièrement des aliments solides à partir du cinquième mois 5 .

314. Ces dernières années, on a redoublé d'efforts pour encourager l'allaitement maternel et pris des initiatives concrètes en vue de modifier la pratique médicale dans les hôpitaux et les maternités pour limiter la promotion de substituts à l'allaitement maternel. Dans ce domaine, la Commission nationale pour la promotion de l'allaitement a fait un excellent travail. Elle a en particulier mis sur pied une équipe de formation de base et dispensé une formation à 64 médecins, sages-femmes et infirmières, ainsi qu'à 501 autres membres du corps médical, de façon à ce qu'ils assurent à leur tour une formation dans les hôpitaux et les maternités. En 1998, le nombre d'hôpitaux prenant les enfants particulièrement en considération s'élevait à 18 et des efforts sont consentis à tous les niveaux pour renforcer l'allaitement maternel vu la protection supplémentaire qu'il offre à un enfant pendant les premiers mois de sa vie. Mais l'application de la loi interdisant la distribution gratuite de substituts au lait maternel se heurte encore à certaines difficultés car la capacité d'intervention du ministère de la santé publique est limitée face aux ressources du secteur privé dans ce domaine.

7.4 Santé maternelle

315. Les femmes ont bénéficié du développement des soins de santé, comme le reflète leur espérance de vie moyenne à la naissance, qui est maintenant de 70,7 ans. Divers autres indicateurs se sont aussi améliorés. Les conclusions de l'Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile ont montré que le taux de décès maternels liés à la grossesse ou à l'accouchement était de 104 pour 1000 naissances vivantes. La présente section explorera en particulier les indicateurs de soins de santé maternelle au cours de la grossesse et de l'accouchement pour déterminer leurs répercussions sur la santé des enfants et les chances des enfants dans la vie.

7.4.1 Soins de santé prénatals et obstétriques

316.D'après les résultats de l'Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, près de 79 % des femmes qui étaient enceintes au moment de l'enquête (1996) ont subi au moins un contrôle médical. Ce pourcentage était plus élevé chez les femmes de moins de 30 ans (82,1 %) que parmi les femmes plus âgées (60 %). Le taux de suivi varie selon le gouvernorat et se trouve à son niveau le plus élevé à Beyrouth (96 %) et à son niveau le plus bas dans le Nord (54,1 %). Il est aussi plus élevé selon le niveau d'instruction de la femme enceinte.

317. Quant aux raisons pour lesquelles les femmes ne subissent pas un deuxième contrôle médical, 14 % des cas s'expliquent par la conviction de la femme enceinte que le moment n'est pas encore venu et 32 % par l'"absence de problèmes de santé" ou encore le coût d'un tel contrôle.

318. S'agissant du lieu du contrôle médical et de la personne qui l'effectue, il ressort de l'Enquête que 98 % environ des femmes subissaient leur examen de contrôle prénatal dans des établissements de santé publics ou privés. La plupart des examens de contrôle (87 %) étaient effectués dans des établissements privés et les médecins dispensaient des services de santé dans près de 93 % des cas. Il faudrait relever que la fréquentation d'établissements privés et le pourcentage de femmes enceintes auxquelles des médecins dispensent des soins de santé prénatals diffèrent nettement selon le niveau d'instruction, car ces pourcentages augmentent proportionnellement au niveau d'instruction de la femme enceinte.

Répartition en pourcentage de femmes enceintes qui ont subi un deuxième examen de contrôle prénatal,

selon le lieu de l'examen le plus récent, et pourcentage de celles qui ont été examinées

par un médecin, par caractéristique

Age de la mère

Etablissement où l'examen a eu lieu

Femmes examinées par un médecin

Public

Privé

A la maison

Ailleurs

Total

Moins de 30 ans

10,3

88,2

0,8

0,8

100

92,0

30 - 49 ans

11,3

85,2

1,7

1,7

100

95,0

Gouvernorat

Beyrouth

4,2

95,8

0

0

100

95,8

Mont Liban

5,8

88,4

2,9

2,9

100

95,7

Nord

24,2

75,8

0

0

100

100

Beqaa

8,7

91,3

0

0

100

73,9

Sud et Nabatiyé

13,3

86,7

0

0

100

92,0

Niveau d'instruction

Sans qualifications

15,0

79,5

5,5

0

100

79,0

Primaire

22,0

78,0

0

0

100

89,8

Secondaire de 1er cycle et au-dessus

4,9

92,4

0,9

1,8

100

96,6

Total

10,5

87,2

1,1

1,1

100

93,0

319. S'agissant du lieu où les femmes accouchent, 87,9 % des naissances (au cours des cinq ans qui ont précédé l'Enquête) ont eu lieu dans des centres médicaux publics ou privés, où les médecins assumaient le rôle principal dans 73 % des cas, contre 11,9 % à la maison. Le pourcentage de naissances dans des centres médicaux augmente parallèlement au niveau d'instruction de la mère et varie aussi selon les gouvernorats. Le pourcentage de naissances à la maison est plus élevé dans les zones rurales défavorisées, où une forte proportion de naissances ne bénéficient des services ni d'un médecin ni d'une sage-femme diplômée, ce qui accroît les risques pour la mère et l'enfant.

Répartition (en pourcentage) des naissances au cours des 5 années précédant l'Enquête,

par type de personnel médical et par caractéristique

Gouvernorat

Médecin

Sage-femme ou infirmière

Nourrice

Parents ou amis

Autres

Personne

Beyrouth

91,0

2,9

4,9

0,0

0,8

0,4

Mont Liban

89,3

6,4

4,4

0,0

0,0

0,0

Nord

56,7

18,3

24,0

0,2

0,8

0,0

Beqaa

58,3

32,5

7,6

1,0

0,0

0,7

Sud

70,0

28,6

2,4

0,0

0,0

0,0

Nabatiyé

68,4

18,1

13,5

0,0

0,0

0,0

Niveau d'instruction

Sans qualifications

50,4

21,8

26,1

0,8

0,9

0,0

Primaire

68,9

21,8

9,0

0,0

0,0

0,3

Secondaire de 1er cycle ou au-dessus

87,2

9,1

3,5

0,0

0,2

0,1

Total

72,8

16,0

10,7

0,1

0,3

0,1

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

7.4.2 Mariages consanguins

320. Les mariages consanguins sont un phénomène répandu dans les sociétés traditionnelles. Leurs rapports avec la santé de l'enfant tiennent à ce que les enfants nés de parents qui sont liés par le sang risquent fort d'être atteints d'une maladie congénitale. De tels mariages entraînent aussi des complications dans le domaine de l'éducation, car la famille de l'enfant est alors embrigadée dans la famille élargie, ce qui accroît le risque d'ingérence de membres de la famille plus ou moins proches dans les affaires intérieures des parents, y compris l'éducation de l'enfant et la détermination de ses choix futurs.

321. Les conséquences préjudiciables de ce phénomène se manifestent dans le fort pourcentage d'anomalies congénitales. Un taux élevé de maladies congénitales a été aussi relevé parmi les enfants hospitalisés pour une raison ou une autre. Bien que les candidats au mariage doivent produire un certificat de santé prénuptial, cette obligation qui limite les risques ne les élimine pas complètement, soit parce que les certificats de santé n'ont pas été obtenus par des moyens honnêtes, soit parce qu'ils ne sauraient couvrir tous les risques.

322. D'après les résultats de l'Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, une femme mariée sur cinq est l'épouse d'un cousin maternel ou paternel ou d'un autre membre de sa famille. Cette proportion est bien supérieure dans les régions où le tissu social est par nature à dominante tribale et parmi certaines minorités nationales et groupes religieux.

323. Le taux de mariages consanguins varie selon le niveau d'instruction de la femme. Il peut donc atteindre jusqu'à 24 % chez les femmes analphabètes et tomber à 12 % chez celles qui ont un certificat de fin d'études secondaires ou un diplôme universitaire. On a relevé une tendance notable toutefois à une diminution de la

fréquence des mariages consanguins parmi les jeunes ainsi que parmi les femmes récemment mariées et pendant la première moitié des années 70.

Répartition en pourcentage des femmes déjà mariées, selon les liens entre époux,

le nombre d'années écoulées depuis la première union et le niveau d'instruction

Temps écoulé depuis la première union

Lien de parenté

Total

Cousin du côté maternel ou paternel

Autre lien

Aucun lien

Non déclaré

Moins de 5 ans

16,2

0,4

83,3

0,2

100

5 - 9 ans

17,6

2,5

79,9

0,0

100

10 - 14 ans

19,7

2,7

77,5

0,2

100

15 - 19 ans

20,1

2,5

77,4

0,0

100

20 - 24 ans

15,8

2,9

81,3

0,0

100

25 - 29 ans

19,9

5,9

74,2

0,0

100

30 ans et plus

18,7

2,8

78,5

0,0

100

Niveau d'instruction

Analphabètes

21,8

2,1

76,1

0,0

100

Aptitude à lire et à écrire

22,2

3,7

74,1

0,0

100

Primaire

21,7

2,6

75,6

0,1

100

Secondaire de 1er cycle

18,2

3,0

78,7

0,1

100

Secondaire de 2ème cycle et au-dessus

10,2

1,8

88,0

0,0

100

Total

18,2

2,6

79,2

0,1

100

Source : Enquête libanaise sur la santé maternelle et infantile, 1996.

7.5 Syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA)

324. Les informations communiquées par le programme national de lutte contre le SIDA font état d'un total cumulatif de 510 cas en décembre 1997, soit l'apparition de 60 nouveaux cas depuis 1996. Le nombre de cas signalés cependant devrait être bien inférieur au nombre réel vu la dynamique de la maladie elle-même (qui peut rester latente pendant longtemps) et les difficultés liées au mécanisme de notification employé et au système postal actuel.

325. L'âge moyen des malades est de 31 ans et les relations sexuelles de quelque type que ce soit sont le mode le plus courant de transmission (80 % des cas). Les cas qui se sont produits suite à une infection du sang représentaient environ 7 % des cas, chiffre demeuré inchangé depuis 1993.

326. Les enfants représentent 4 % des cas signalés (en d'autres termes, 18 enfants ont été atteints jusqu'ici). Ils ont été infectés par leur mère, laquelle avait été infectée par son conjoint. Les femmes représentent, elles, 21 % des cas signalés. Il faudrait aussi noter que 70 % environ des cas se produisent entre expatriés/voyageurs ou individus qui ont un lien direct avec eux 6 .

327. La Commission nationale de lutte contre le SIDA a été constituée en 1988 et son statut modifié en 1993 pour inclure de nouveaux organismes publics et non gouvernementaux et des organes spécialisés. Elle a entre autres une fonction de sensibilisation et de prévention, de mise en oeuvre de mesures de notification et de traitement des malades. Il est aussi intéressant de noter que plusieurs lois en rapport avec le SIDA ont été adoptées, en particulier pour ce qui est de la réglementation du contrôle des transfusions de sang, la notification obligatoire des cas et les tests prénuptiaux de dépistage du SIDA.

7.6 Programmes de santé infantile

328. Après avoir repris son activité, le ministère de la santé a entrepris l'élaboration de plans et de programmes qui sont mis en application par le système de soins de santé primaires et les centres de santé disséminés sur l'ensemble du territoire. Les plans de santé soulignent divers principes associés à la mise en oeuvre de la Déclaration mondiale pour la survie, la protection et le développement des enfants dans les années 90, en particulier 7  :

- la responsabilité de l'Etat dans la fourniture des ressources essentielles et des conditions voulues pour la prestation de services de soins de santé pour tous;

- l'importance des activités en lien avec les problèmes de santé des groupes les plus vulnérables, comme les enfants et les mères;

- la prestation de tous les services de santé indispensables à la population dans le cadre des soins de santé primaires;

- la coordination et l'intégration des organes responsables de la prestation de services de santé en vue de développer la santé dans le cadre du processus de développement économique et social global.

329. Pour les cinq années à venir, le programme de soins de santé primaires est axé sur les services de prévention et d'éducation et comporte trois projets :

i) le projet de santé maternelle et infantile;

ii) le projet de vaccination polyvalente;

iii) le projet de lutte contre les maladies bactériennes graves des voies respiratoires.

La mise en oeuvre de ce programme a commencé par l'ouverture de 30 centres de santé avec le soutien de la Banque mondiale et dans l'idée d'un développement ultérieur. Le ministère cependant continue de rencontrer

divers obstacles qui freinent le plein développement de ce système, dont l'absence de communications entre les services de soins de santé primaires et secondaires.

330. Pour sa part, le ministère des affaires sociales s'efforce par sa nouvelle stratégie de créer des centres de services de développement dans l'ensemble du Liban; pas moins de 88 centres sont prévus pour l'avenir. C'est par ces centres que le ministère des affaires sociales coopère avec le ministère de la santé publique dans la mise en oeuvre des programmes de santé primaire afin de faire de la santé pour tous une réalité et non plus un simple slogan.

331. Les programmes de soins de santé novateurs pour enfants comprennent le programme de santé scolaire 8 , dans la mesure où il jouit de plusieurs avantages, dont la polyvalence et la continuité ne sont pas les moindres. Ce programme a été lancé au milieu des années 80 sur l'initiative d'organisations non gouvernementales. Il s'est ensuite développé progressivement et a acquis sa notoriété actuelle lorsque la Commission nationale pour le programme de médecine scolaire a été créée en février 1993; cet organe réunit des représentants des pouvoirs publics (ministères de la santé, des affaires sociales et de l'éducation), du secteur non gouvernemental et des organisations internationales compétentes (UNICEF et OMS).

332. Le programme de santé scolaire a pour but de déceler les problèmes de santé à un stade précoce et d'en réduire l'incidence, ainsi que de diminuer l'incidence des pathologies dans le primaire. La principale méthode employée pour réaliser cet objectif consiste à faire subir chaque année un contrôle à tous les élèves du primaire des établissements publics et privés subventionnés, car c'est surtout dans ces établissements que sont inscrits les enfants issus de familles à faible revenu. Ce programme prévoit aussi le suivi des cas qui l'exigent et une action de sensibilisation, de formation et de suivi pour renforcer la prévention contre les maladies et encourager de bonnes habitudes sanitaires, ainsi que l'attention à l'hygiène personnelle et générale.

333. Le programme s'est régulièrement développé, surtout depuis le début des années 90. Quelque 108 000 élèves de 1005 écoles primaires du Liban ont passé un examen de santé annuel pendant l'année scolaire 1993/94, chiffre qui est passé à 134 600 pendant l'année scolaire 1997/98. Des centaines de médecins et d'infirmières (477 médecins et 169 infirmières en 1996/97) participent à cette opération, comme le font aussi des dizaines d'organisations non gouvernementales locales et nationales. Les pouvoirs publics jouent eux aussi leur rôle.

334. L'examen de contrôle peut être considéré comme la source d'informations la plus vaste et la plus régulière sur l'état de santé des enfants âgés de 5 à 12 ans. Les résultats initiaux de ce contrôle pour l'année 1997/98 montrent que, dans l'ensemble du pays, 44,1 % des enfants souffraient de problèmes de santé, avec quelques variations régionales : la part des élèves qui ont des problèmes de santé est la plus forte dans le gouvernorat du Nord, où elle s'élève à 52,4 % de l'ensemble des élèves.

Proportion d'élèves souffrant de problèmes de santé, par région géographique

(en pourcentage de l'ensemble des élèves)

Source : Rapport sur le programme de santé scolaire, 1998.

335. Ce programme contribue aussi à contrôler les maladies les plus courantes et leur développement au fil des années. D'après le rapport de 1998, les maladies relevant de la stomatologie et les problèmes dentaires occupent le premier rang, affectant 16,7 % des élèves. Ils sont suivis en ordre d'importance décroissante des maladies de la gorge et des angines (5,1 %), des otites (3,7 %), des maladies de la peau, des cheveux et des ongles (3,6 %), des maladies des yeux (2,9 %) et, enfin, d'autres types de maladies. Quant à l'efficacité de la prévention et des traitements, les résultats cumulatifs indiquent une amélioration sensible de la santé des élèves, car le pourcentage de morbidité a baissé entre les années scolaires 1993/94 (60,1 %) et 1996/97 (37 %). On a enregistré toutefois une augmentation de ce pourcentage pour l'année 1997/98 (44,1 %) 9 .

Augmentation et baisse du taux de morbidité, par an (en pourcentage)

Année scolaire

Taux de morbidité

Baisse (-) ou augmentation (+)

1990/91

60,1

-

1993/94

46,7

-13,4

1995/96

39,8

-6,9

1996/97

37,0

-2,8

1997/98

44,1

+7,1

Source : Rapports du programme de médecine scolaire.

336. Enfin, ce programme a pour avantage de mettre en lumière la nécessité de créer des unités de santé au ministère de l'éducation et des postes de conseillers sanitaires dans les écoles, et de travailler à l'introduction de cartes de santé obligatoires pour les élèves. Ces mesures ouvriraient à leur tour des possibilités illimitées pour remédier comme il faut et de façon pragmatique aux problèmes sanitaires et sociaux.

7.7 Dépenses au titre de la santé et de l'assurance maladie

7.7.1 Dépenses publiques

337. Entre 1993 et 1998, la part du ministère de la santé dans le budget global de l'Etat a oscillé entre 2,3 et 3,6 % 10 . La majorité des projets visant à rénover et équiper le secteur de la santé ne figurent pas au budget général qui ne tient pas compte non plus des plans faisant l'objet de programmes de dépenses extrabudgétaires spéciales au titre de lois et de programmes inscrits au plan décennal.

338. Les sommes dégagées en faveur du ministère de la santé ont plus que doublé entre 1993 et 1998, bien que l'importance relative de ce poste de dépenses n'ait pas beaucoup augmenté, puisqu'il est passé de 3,2 % à 3,6 % du budget total. Mais ce qui est plus important que les sommes en pourcentage, c'est la répartition des crédits alloués au ministère entre les postes de dépenses et la part affectée aux enfants.

Répartition du budget du ministère de la santé entre les différents postes de dépenses entre 1993 et 1997

(en pourcentage de son budget)

Poste de dépenses

1993

1994

1995

1996

1997

Traitements et salaires

7,5

8,3

7,2

7,4

5,7

Médicaments

4,3

5,4

6,9

6,9

8,1

Cotisations, assistance et abonnements

1,1

3,0

2,9

2,2

4,6

Coûts des traitements

83,9

75,8

72,2

76,9

77,8

Autres dépenses

3,3

7,5

10,8

6,5

3,7

Total

100

100

100

100

100

Source : Ministère de la santé publique.

339. Ce tableau indique que la plus grosse part du budget du ministère est consacrée aux frais de traitement des patients qui ne sont pas hospitalisés dans le privé (soit entre 73 et 83 % du budget du ministère) : il s'agit essentiellement de la chirurgie à cœur ouvert, des dialyses et des traitements anti-cancéreux, soit plusieurs milliers de cas, dont une proportion extrêmement faible est constituée d'enfants.

340. Les enfants sont ceux qui ont le moins besoin de traitements hospitaliers et qui profitent le plus de programmes de soins de santé primaires et de programmes de santé préventive, lesquels représentent une toute petite partie du total des dépenses publiques. Une partie significative des dépenses extra-budgétaires va aussi pourtant aux traitements dispensés à l'hôpital et à la médecine curative. Les besoins des enfants ne sont donc pas pris en compte avec suffisamment de sensibilité.

7.7.2 Dépenses privées

341. Le Liban est un pays qui se distingue par une facture de santé élevée qui ne correspond ni à la quantité, ni à la qualité de ses services de santé. La part des pouvoirs publics dans le montant total de la facture s'élève à 31 % et les contributions des citoyens à 62 % 11 . La santé est un poste de dépenses familiales capital vu le rôle considérable joué par le secteur privé dans ce domaine social sensible. De ce fait, l'accès de la famille et de l'enfant aux services de santé est tributaire de la disponibilité de ressources financières à cet effet. Selon l'Etude sur les conditions de vie des ménages, le montant moyen qu'une famille dépense en soins de santé représente 8,6 % 12 de l'ensemble de son budget.

7.7.3 Couverture de l'assurance maladie

342. Seulement 42 % de la population libanaise bénéficie d'un régime d'assurance sociale et maladie, avec quelques disparités régionales frappantes. Au total, 12,6 % de la population bénéficie des services du ministère de la santé 13 .

343. Sur la base de la composition par âge, 41,3 % des personnes faisant partie des 0 à 15 ans sont assurées, chiffre légèrement inférieur à la moyenne nationale. On observe aussi un léger écart entre les hommes (42,1 %) et les femmes (40,4 %). Cet état de choses permet de souscrire à la conclusion précédente, à savoir que les enfants ne bénéficient pas d'un traitement préférentiel dans le système de santé libanais.

344. Les dispensaires éparpillés sur l'ensemble du territoire constituent des antennes du système de santé pour les urgences, caractérisés par le coût élevé des soins d'une part et le fait qu'ils n'accordent pas de couverture suffisante aux groupes qui ont besoin d'une assurance. A cet égard, selon les informations contenues dans l'Etude sur les conditions de vie des ménages en 1997, 28,5 % de la population avait consulté un dispensaire cette année-là. En revanche, 33,9 % des personnes interrogées ont déclaré qu'il n'y avait pas de dispensaire là où elles vivaient, 6,5 % qu'elles ignoraient s'il en existait et 31 % qu'elles n'avaient jamais consulté de dispensaire. Cela donne une idée de la dispersion des services de soins de santé primaires (extrêmement élémentaires) dans les différentes régions 14 .

Taux de couverture assurée par les régimes d'assurance maladie, par gouvernorat

(en pourcentage)

Liban

Beyrouth

Banlieue de Beyrouth

Mont Liban à l'exception de la banlieue

Nord

Sud

Nabatiyé

Beqaa

Assurés

42,0

55,3

50,2

53,2

43,6

23,5

36,6

35,6

Au bénéfice d'une assurance sociale

15,2

21,0

19,7

16,9

12,4

10,5

11,5

11,7

Au bénéfice d'une mutuelle d'employés

13,1

8,1

10,8

13,3

16,8

8,8

14,6

18,4

Assurés par l'employeur

1,9

4,3

2,2

2,3

0,9

1,4

1,1

1,5

Au bénéfice d'autres régimes privés

8,7

15,4

12,3

16,5

3,3

2,1

8,4

3,2

Au bénéfice d'une assurance combinée

2,9

6,5

5,3

4,2

1,2

0,6

1,0

0,9

Non assurés

58,0

44,7

49,8

46,8

65,4

76,5

63,4

64,4

Bénéficiaires de prestations du ministère de la santé

12,6

7,8

12,9

8,3

13,1

18,5

16,2

13,9

Source : Conditions de vie des ménages en 1997.

CHAPITRE VIII

LES ENFANTS HANDICAPÉS AU LIBAN

8.1 Introduction

345. Toute personne qui fait des recherches sur le handicap au Liban se heurte à maintes difficultés et ce, sur différents fronts. Tout d'abord, se pose la question du choix d'une définition du handicap, puis vient l'imprécision des données statistiques, qui empêche de déterminer avec exactitude l'étendue du phénomène. Les difficultés continuent avec toutes les complications suscitées par l'attitude ambiante à l'égard de ce groupe de population, gravement marginalisé à bien des égards. La question s'aggrave encore si l'on veut traiter du handicap chez l'enfant.

346. L'intérêt porté au handicap et aux droits des handicapés à l'échelon international et national s'est sensiblement accru ces dernières années, ce qui s'explique par la diffusion de notions telles que le développement moderne, l'émancipation, les droits de l'homme etc. Il faudrait toutefois signaler deux obstacles sur la voie de la pleine réalisation des objectifs fixés en la matière : premièrement, la disponibilité de ressources financières pour assurer tous leurs droits aux handicapés, en particulier au regard des besoins d'insertion effective dans la société, à commencer par la prestation de soins de santé et la fourniture de l'équipement nécessaire pour compenser la déficience causée par le handicap, puis la nécessité d'adapter le milieu du travail et de vie et de légiférer pour assurer l'égalité des droits et l'insertion sociale. Le deuxième obstacle est illustré par l'attitude paternaliste qui continue de régner dans le public et au sein de l'environnement social. L'attitude plus évoluée fondée sur la notion de droits et de participation gagne pourtant progressivement du terrain.

347. C'est ainsi que l'on progresse dans la façon d'appréhender le handicap au Liban, attendu que l'opinion publique est désormais plus sensible au problème, de même que les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, encore que les besoins effectifs dans ce domaine, et dans le cas du Liban en particulier, excèdent les ressources qui lui sont allouées. De ce fait, les enfants handicapés sont spécialement touchés, car leurs besoins sont plus grands que ceux des adultes et ils exigent davantage de soins spéciaux si l'on veut en arriver à ce qui est prévu dans la Convention relative aux droits de l'enfant.

8.2 Définition du handicapé

348.La loi libanaise n'a jamais prévu une seule et même référence ni de disposition uniforme relative aux personnes handicapées. Comme il n'existe pas de loi cadre à ce sujet, différentes lois font référence aux handicapés en employant des définitions et des expressions qui non seulement varient, mais sont parfois même contradictoires.

349. L'article 14 de la Loi sur la sécurité sociale vise "les enfants atteints de troubles physiques ou mentaux qui causent un handicap permanent ..."; l'article 56 de la Loi sur l'impôt sur le revenu réduit l'imposition au titre d'un enfant de sexe masculin qui est à charge de son père s'il "est atteint d'un trouble grave et n'est pas au bénéfice d'un emploi rémunéré"; la Loi sur le travail dans les situations d'urgence parle d'"incapacité permanente ou temporaire, qu'elle soit totale ou partielle, et handicap"; et ainsi de suite. L'article premier de la Loi No 243 de juillet 1993 définit la personne handicapée dans ces termes : "Un handicapé est une personne

qui a du mal à mener une activité considérée comme indispensable à la vie courante en raison d'une incapacité ou d'une déficience de ses aptitudes physiques ou mentales." 1

350. Chacune de ces définitions se limite à donner des informations sur l'état d'invalidité selon sa définition globale. Les différentes définitions ne sont pas à l'abri de contradictions et confondent aussi invalidité, infirmité et maladie chronique. Aussi est-il capital de se mettre d'accord sur une définition unifiée et d'ensemble de la personne handicapée, d'autant qu'il faut déterminer qui devrait avoir accès aux droits et aux services pour handicapés au cas où la définition leur serait appliquée. L'article premier du projet de loi proposé par l'Office national aux affaires des personnes handicapées contient la définition suivante, compatible avec les critères internationaux et adaptée à la situation du Liban :

Article premier

"Par personne handicapée, on entend une personne qui n'est pas capable ou, si elle l'est, l'est dans une faible mesure, de :

- mener une ou plusieurs activités indispensables à la vie;

- subvenir elle-même à ses besoins personnels;

- participer à des activités sociales sur un pied d'égalité avec autrui;

- mener une vie personnelle et sociale normale selon les critères en usage dans son milieu social;

en raison d'une perte ou d'une déficience fonctionnelle, physique, sensorielle ou mentale, qu'elle soit totale ou partielle, permanente ou temporaire, suite à un trouble congénital ou acquis ou un état pathologique qui, médicalement parlant, a duré plus longtemps qu'il n'aurait dû." 2

8.3 Parties impliquées dans le soin des personnes handicapées

351. Au Liban, la question du soin et du souci des personnes handicapées est de la responsabilité des pouvoirs publics et des organisations non gouvernementales.

8.3.1 Organisations non gouvernementales

352. Depuis l'époque où les premiers établissements de soins sont apparus dans les années 30, le nombre d'institutions spécialisées dans les affaires des handicapés a augmenté pour atteindre aujourd'hui le nombre de 82 3 . Il est à noter que leurs activités n'étaient pas considérées comme se limitant exclusivement aux soins, mais s'étendaient à la prestation d'autres services spécifiques.

353. Sur la base des services offerts, les établissements de soins se répartissent en deux catégories 4  :

Les résidences offrant la pension complète, qui représentent le quart des établissements de soins existant au Liban.

Les institutions de jour, qui offrent soit une demi-pension hebdomadaire (les enfants dorment chez eux et prennent leur repas de midi dans l'institution), soit des services externes (la personne handicapée passe la moitié de la journée en institution), (45 % des établissements).

354. Ces établissements bénéficient de l'aide fournie par le ministère des affaires sociales conformément aux contrats signés entre les deux parties, renouvelables chaque année. En 1996, 4 096 enfants atteints de différents types de handicap étaient placés dans des institutions sous contrat du ministère des affaires sociales à travers l'ensemble du pays 5 .

355. La condition de l'enfant dans le cadre des institutions de soins pour handicapés diffère d'un établissement à un autre selon sa taille, ses méthodes, ses services (réadaptation, médicaux, éducatifs etc.), ses spécialisations et la nature du handicap de l'enfant. Il faudrait aussi faire observer que certains de ces établissements souffrent de toutes sortes de problèmes, tels que l'absence de spécialistes qualifiés, de sociologues, de nutritionnistes et de psychologues. De plus, une partie de l'équipement et des bâtiments ne sont pas adaptés, ayant été conçus pour des enfants et des orphelins non-handicapés.

8.3.2 Le secteur gouvernemental

a) Ministère des affaires sociales

356.En 1977, le gouvernement a créé une unité spécialisée dans les soins et la réadaptation des personnes handicapées, dirigée par le département de la protection sociale. Elle avait pour fonctions d'élaborer des programmes et d'organiser des stages de formation. En 1983, la direction générale des affaires sociales a été créée pour remplacer le département de la protection sociale. Elle passe des contrats avec des organisations non gouvernementales spécialisées dans le domaine du handicap en vertu desquels elle prend à sa charge une partie du coût des services offerts aux personnes qui bénéficient chaque jour de cette assistance. Au début de 1993, 2 458 personnes handicapées recevaient un soutien de la direction, y compris 658 qui suivaient une formation professionnelle dans 24 institutions. Le coût de ce soutien représentait près de 2,1 milliard de livres libanaises (1 235 000 dollars des E.-U.). En 1996, 4 096 personnes handicapées étaient aidées par le ministère des affaires sociales, dont 1 663 suivaient une formation dans 39 institutions.

357. Le 12 juillet 1993, suite à la création du ministère des affaires sociales la même année, l'Assemblée nationale a adopté la Loi No 243 portant création d'un organisme national permanent aux affaires des personnes handicapées qui serait rattaché au ministère des affaires sociales et présidé par le Ministre des affaires sociales 6 .

b) Office national aux affaires des personnes handicapées

358.La fondation de l'Office national aux affaires des personnes handicapées a marqué un tournant important dans la façon d'aborder la question du handicap au Liban. Premièrement, l'Office a été créé grâce à la coopération et à la collaboration étroite des pouvoirs publics, représentés par le ministère des affaires sociales, responsable de l'administration des travaux (quatre représentants), et du secteur non gouvernemental, sous la forme de quatre associations représentant les quatre types de handicap (moteur, auditif, visuel et mental). Quatre représentants de personnes handicapées jouent aussi un rôle dans l'Office, considéré comme étant l'une des instances nationales les plus cruciales et les plus actives vu la succession de ses réunions (une soixantaine depuis sa création en septembre 1993), son mode de fonctionnement (moderne et informatisé), la teneur de son action et ses méthodes de travail.

359. A ce sujet, les principaux progrès réalisés tiennent probablement à ce que l'Office a posé les fondements nécessaires au passage d'une attitude paternaliste envers le handicap à une conception faisant des services de soins un élément parmi tant d'autres d'une méthodologie reposant sur les droits et la participation et dans laquelle l'insertion des handicapés dans le milieu social est prioritaire sur la mise à l'écart de la société, situation qui prévaut encore.

c) Ministère de la santé publique

360.Le ministère de la santé publique a consacré une attention particulière aux affaires des handicapés en coordination avec l'UNICEF, les organisations non gouvernementales et les autres ministères intéressés en organisant des campagnes de vaccination pour assurer une protection contre la poliomyélite et les maladies à l'origine du décès ou d'un handicap permanent chez l'enfant. En coopération avec l'OMS, il a aussi mené des activités de formation dans ce même domaine.

8.4 Projet tendant à garantir les droits des handicapés

361. Il s'agit du projet novateur adopté par l'Office national aux affaires des personnes handicapées et mis en oeuvre par le ministère des affaires sociales sous la supervision d'une commission exécutive paritaire spéciale de l'Office et du ministère.

362. Ce projet a pour but d'élaborer une politique sociale intégrée pour l'avenir en vue de la pleine insertion des handicapés dans la société, négligeant les points de vue étroits, au profit au contraire de la valeur de l'être humain et de sa citoyenneté à part entière.

8.4.1 Le plan

363. Le Liban réalise cet objectif essentiellement en veillant à :

i) élaborer une législation sur les personnes handicapées pour répondre à leurs droits et situation;

ii)faciliter le processus permettant aux handicapés de bénéficier et de jouir de ces droits et autres privilèges;

iii) modifier les relations entre secteur public et secteur privé (institutions ou particuliers) pour renoncer à l'affiliation (familiale, politique, confessionnelle, etc.) au profit de rapports fondés sur des droits.

364. Les éléments et méthodes utilisées pour mettre le plan en oeuvre étaient fondés sur des données réalistes, à la suite de quoi, il fallait forcément créer des moyens d'action particuliers efficaces, et se doter du potentiel nécessaire pour réaliser le saut qualitatif voulu à plusieurs niveaux, en particulier en :

- adoptant une législation intégrée pour garantir les droits et privilèges;

- introduisant une carte de handicapé, délivrée en fonction d'un classement détaillé des handicaps;

- élaborant une étude détaillée sur les institutions, associations et organisations au service des personnes handicapées;

- fixant des critères objectifs et pratiques et des normes spécifiques à l'adresse de tous les services prévus pour les personnes handicapées.

8.4.2 Réalisations

365. Les mesures prises jusqu'ici dans ce domaine s'appliquent à l'ensemble des personnes handicapées, dont les enfants. Les principales réalisations sont les suivantes :

-Un slogan a été trouvé pour synthétiser les ambitions dont est empreint le projet.

- Les handicaps moteurs, auditifs, visuels et mentaux et leurs causes ont été classés avec l'agrément des associations de médecins compétentes et sur la base du classement adopté par l'OMS en 1983.

- Au total, ce sont 146 handicaps (Décret No 36/1 du 30 juin 1995 et annexes) qui ont été classés suite à l'élaboration d'un mécanisme tendant à modifier le décret à la lumière de faits nouveaux (des suppléments ont été introduits conformément au Décret exécutif No 158/1 du 4 juillet 1997).

- Cinq centres spécialisés axés sur le projet ont été ouverts dans les cinq gouvernorats.

- Une équipe de travail spécialisée a été recrutée, composée de 29 personnes travaillant de 8 heures à 16 heures et de 24 médecins consultants qui assurent 129 heures garanties de consultations par semaine, en plus de quoi, quatre cours de formation ont été organisés chaque année à l'intention de l'équipe de travail.

- Un système informatisé et une base de données spéciale en arabe ont été mis au point et servent à gérer des opérations telles que le traitement de cartes, les demandes de services et le suivi de ces demandes, à informatiser des précisions sur les soins et le suivi et à produire des rapports.

- Une étude intégrée a été réalisée sur le caractère confidentiel des informations recueillies et la façon de traiter ces informations dans la base de données.

- Le 4 juillet 1995, les premières mesures ont été prises en ce qui concerne l'introduction de la carte de handicapé, conformément au Décret No 36/1 susmentionné.

- Un accord a été conclu avec le ministère de la santé publique pour accorder le remboursement intégral des opérations chirurgicales à tous les détenteurs d'une carte de handicapé sans autre

vérification comme cela se faisait précédemment. Les détenteurs d'une carte de handicapé sont aussi en droit de recevoir d'autres services spéciaux, tels que prothèses artificielles, fauteuils roulants et autres aides selon le schéma spécifié pour chaque cas.

- Un prospectus sur les critères de mobilité dans les bâtiments, les rues et ailleurs a été rédigé en coopération avec une entreprise connue sous le nom de Solidaire et la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l'Asie occidentale.

- L'état actuel de la législation a été étudié et une directive intégrée de caractère général rédigée. Le projet a été adressé au Conseil des ministres en mai 1996 et a été suivi par l'Office et le ministère lors de contacts avec des députés, des ministres et des administrateurs et dans une correspondance échangée avec la présidence du Conseil des ministres, à la suite de quoi le projet de directive générale a fait l'objet de quatre projets de loi. Le premier concerne la définition et le classement du handicap et la carte de handicapé, le deuxième vise l'adaptation de l'environnement, du logement et de l'éducation, le troisième traite de l'emploi, du recrutement, des services sociaux et de la fiscalité et le quatrième régit l'Office national aux affaires des personnes handicapées. Ces projets de loi sont maintenant entre les mains du gouvernement et attendent d'être examinés, puis renvoyés aux organes législatifs.

- Le 3 juillet 1998, une unité de recherche et d'étude a été créée aux fins de mener des tâches qui incluent la production de dossiers sur les critères applicables à la prestation de services aux personnes handicapées et aux centres qui s'efforcent de fournir ce type de services. Jusqu'à présent, elle a réussi à :

. classer les services qui doivent relever du ministère en 30 types de services (tels que fauteuils roulants, déambulateurs, prothèses auditives, béquilles, couches et serviettes pour incontinents, cathéters etc.), répartis en 99 catégories;

. achever 13 études sur les services spécialisés;

. produire un dossier intégré spécifiant les critères applicables aux fauteuils roulants et aux centres qui fournissent des aides à la mobilité.

Ces conditions ont été promulguées dans le Décret ministériel No 181/1 du 29 juillet 1998.

366. La société a pris part au succès de ce plan en :

- organisant des réunions et en adressant plus de 56 lettres aux administrations et institutions qui s'occupent de réadaptation, d'éducation, de santé, etc.

- satisfaisant plus d'une trentaine de demandes d'information, d'études et de données soumises par des chercheurs et des étudiants, ainsi que par des institutions non gouvernementales, locales et internationales et des organismes publics;

- participant à plus de 17 séminaires et ateliers locaux, régionaux et internationaux;

- accueillant des délégations officielles et privées françaises, suédoises et arabes venues se rendre compte des réalisations libanaises dans le domaine du handicap et en exportant vers d'autres pays

(Mozambique, Algérie et Palestine) un projet tendant à garantir les droits des personnes handicapées par le truchement d'organisations et d'institutions étrangères privées et officielles;

- achevant une enquête sur les institutions spécialisées, en publiant un répertoire des services qu'elles assurent et en en distribuant gratuitement des exemplaires (1er janvier 1998).

367. On peut observer un certain nombre de résultats de l'action entreprise qui donnent une idée des progrès réalisés au plan tant théorique que pratique, à savoir :

- Au total, 18 730 cartes de handicapé ont été remises et distribuées dans l'ensemble du Liban.

- Trois centres ont été agréés à Beyrouth, dans le Sud et le Nord, qui remplissent les critères requis pour bénéficier d'aides conformément au Décret No 181/1.

- On a commencé à rembourser le coût des aides techniques (fauteuils roulants, prothèses auditives, chaussures médicales, matelas et oreillers spéciaux, cathéters, sacs à urine, couches et serviettes pour incontinents, fauteuils spéciaux pour enfants atteints de paralysie cérébrale, etc.).

- Ce sont 1 954 personnes handicapées qui ont vu leurs besoins satisfaits à l'occasion d'une période de travail de cinq mois consécutifs destinée à fournir des aides conformément au schéma approuvé (Décret No 18171).

- Les détails des soins dispensés dans des institutions spécialisées ont été informatisés sur la base des dossiers de carte.

368. Des problèmes d'application se sont fait jour, qui sont jusqu'ici surtout imputables au manque de clarté qui préside aux relations entre les hôpitaux et le ministère de la santé, si bien que les personnes handicapées ne peuvent pas toutes bénéficier d'une couverture maladie intégrale. De plus, pour que celles-ci puissent bénéficier de tous les privilèges que la carte est censée offrir (tels que tarifs préférentiels sur les transports en commun et autres services), il est indispensable de promulguer une loi détaillée régissant les droits des personnes handicapées dans les sphères publique et privée et garantissant que la carte serve de moyen d'identification tout en ouvrant droit à certains avantages.

369. Il y a lieu de noter que les administrateurs du projet se sont jusqu'ici délibérément gardés de lancer des campagnes d'information en vue de sa promotion pour garantir les droits des handicapés. Ceci s'explique par plusieurs raisons, dont la principale est la priorité donnée à ce que les réalisations s'enracinent fermement, que les travaux sur le projet se poursuivent et, en particulier, que la loi soit approuvée. Une fois ceci garanti, on s'emploiera à engager tous les handicapés à fréquenter les centres afin d'obtenir la carte de handicapé et, partant, de bénéficier de tous les services qui iront de pair avec elle quand la loi aura fait de ces services autant de droits.

8.5 La condition de personne handicapée au Liban

370. Les estimations du nombre de personnes handicapées au Liban varient, à savoir :

-En 1970, selon les statistiques de la main d'œuvre, le nombre de handicapés était estimé à 30 430, soit 1,4 % de la population.

- En 1983, Caritas estimait le nombre de handicapés à 106 533.

- L'Université de Saint-Joseph estimait, elle, le nombre de handicapés à 57 000 en 1987.

- Le département de la protection sociale enregistrait quant à lui 43 896 handicapés en 1986 7 .

371. Ces chiffres reflètent de gros écarts dans les estimations du nombre de handicapés. En 1998, le bureau central de statistiques a publié une étude sur les conditions de vie des ménages 8 qui donnait des informations sur les pourcentages de personnes handicapées. D'après cette étude, les handicapés constituaient 1,5 % de l'ensemble de la population, estimée à 4 005 000 habitants, ce qui faisait environ 60 075 handicapés.

Le handicap, par gouvernorat et par groupe d'âge

(en pourcentage)

Age

Liban

Beqaa

Nabatiyé

Sud

Nord

Mont Liban sauf banlieue

Banlieue de Beyrouth

Beyrouth

Moins de 15 ans

0,9

0,8

1,0

1,3

1,0

0,4

0,9

0,6

15 – 44 ans

1,5

1,3

2,0

2,2

1,7

1,1

1,3

1,2

45 – 59 ans

1,6

1,4

2,5

2,7

1,7

1,2

1,3

1,6

Au-dessus de 60 ans

2,9

1,1

6,9

5,5

3,4

2,6

1,4

2,0

Non spécifié

2,7

0

0

16,6

1,5

0

2,6

2,5

Total

1,5

1,1

2,4

2,3

1,6

1,1

1,2

1,2

Hommes

1,8

1,3

2,6

3,0

2,0

1,4

1,5

1,8

Femmes

1,1

1,0

2,1

1,6

1,2

0,8

0,8

0,8

Source : Conditions de vie des ménages, 1997.

372. Selon les résultats de l'Enquête statistique sur la population et le logement menée par le ministère des affaires sociales (1994-1996), le nombre de personnes handicapées était évalué à 29 866, soit 0,9 % de la population. Ce chiffre peu élevé s'expliquait peut-être par le fait que l'évaluation du nombre de personnes handicapées n'était pas considérée comme l'un des principaux objectifs de l'Enquête statistique. Il fait cependant maintenant l'objet d'une étude sectorielle approfondie qui vient compléter le projet. Mais il pourrait y avoir d'autres raisons à cela : c'est une définition étroite du handicap qui a été utilisée et les gens éprouvent de l'aversion pour le handicap qu'ils passent sous silence et refusent de reconnaître.

373. Vu l'imprécision quant à l'étendue du phénomène, le présent rapport se fondera sur les informations contenues dans l'Enquête statistique sur la population et le logement pour analyser les caractéristiques propres aux personnes handicapées, après avoir traité de la question du nombre global. En d'autres termes, l'analyse se focalisera sur les composantes intérieures en tant que pourcentages seulement.

374. Selon l'Enquête statistique sur la population et le logement, les différents types de handicap subis par les enfants handicapés (de la naissance à l'âge de 17 ans) au Liban constituent quelque 20,1 % du nombre total de handicaps 9 . Le tableau suivant montre la répartition des enfants handicapés par type de handicap et par âge.

Répartition des enfants handicapés, par âge et par type de handicap

(pourcentage du nombre total de personnes handicapées)

Age

Cécité

Surdité

Paralysie

Handicap moteur

Handicap moteur autre qu’une amputation

Handicap mental

Polyhandicap

Autres

Total

1-5

0,2

0,8

0,9

0,0

1,7

2,6

1,4

2,2

9,8

6-10

1,2

1,9

4,2

0,3

3,0

7,7

2,4

4,8

9,1

11-15

0,8

3,6

5,2

0,2

4,4

13,7

3,6

5,5

37,0

16-18

1,0

2,6

3,5

0,2

3,3

10,8

1,9

4,1

27,4

Total

3,3

8,9

13,8

0,7

12,5

34,8

9,4

16,5

100

375. Il ressort du tableau ci-dessus que le pourcentage de cas de paralysie entre les âges d'un à 5 ans est faible par rapport au nombre de cas de paralysie enregistré chez les enfants plus âgés, qui montre clairement le succès du plan de vaccination polyvalente entrepris par le ministère de la santé en coopération avec les organisations non gouvernementales et les organisations internationales.

8.6 Causes de handicap

376. Selon l'enquête statistique, la maladie est la principale cause de handicap (35 %), suivie par ordre d'importance décroissante du défaut congénital (32,1 %).

377. Dans un premier temps, l'attention est appelée sur le fait que près de 70 % des handicaps sont provoqués par un problème de santé (maladie et défaut congénital), ce qui donne à penser que les programmes et les politiques de santé suivis au Liban, en particulier ceux touchant la grossesse, la naissance et la santé de l'enfant, devraient être revus 10 .

Causes de handicap (en pourcentage)*

Cause de handicap

Pourcentage

Pourcentage de garçons

Maladie

35

56,8

Défaut congénital

32,1

57

Accident

14,8

71,1

Guerre

11,9

87,8

Divers

5,9

51,9

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

* Tiré du Dr Sulayman Qa'farani, op. cit.

378. Il est aussi à noter que la guerre en tant que cause directe de handicap vient au dernier rang, ne représentant que 11,9 % du nombre total de handicapés. Mais la guerre et les effets de la guerre peuvent être considérés comme une cause indirecte de handicaps qui se produisent du fait d'une maladie ou qui sont de caractère congénital, vu l'absence de contrôle médical sur la profession elle-même ou les hôpitaux, les médicaments, la nutrition etc.

379. Enfin, il faudrait faire observer qu'un nombre considérable de handicaps mentaux sont d'origine congénitale, représentant 42 % du nombre total de handicaps congénitaux et plus de 55 % de l'ensemble des handicaps mentaux.

8.7 Politiques et programmes actuels de réadaptation, d'action sociale et de santé en faveur des personnes handicapées

380.La vitalité et l'activité des organisations et organismes qui oeuvrent dans le domaine du handicap, outre la compréhension mutuelle à laquelle elles sont parvenues avec le ministère des affaires sociales et le ministère de la santé publique, se sont traduites par un certain nombre de réalisations qui pourraient servir de modèles pour l'élaboration d'un plan de développement politique et social qui tire parti des dernières techniques et aille dans le sens des accords et recommandations locaux, arabes et internationaux.

381. Les informations et les rapports qui doivent être publiés dans le cadre du projet pour assurer le respect des droits des handicapés dès leur achèvement contribueront à l'élaboration scientifique de ces politiques, en mettant l'accent sur les faits enregistrés dans une base de données dynamique et sur le développement et l'évaluation continus, comme suit :

Sur la base des statistiques enregistrées sur le handicap, on peut esquisser une politique de réadaptation.

En déterminant les causes, on peut développer une politique de traitement.

En découvrant les causes du handicap, on peut identifier une politique de prévention.

En recensant les services requis, on peut esquisser une politique déterminant les besoins quantitatifs et qualitatifs.

382. Il est indispensable de renforcer et de développer les mesures qui ont eu du succès jusqu'ici. Le principal objectif que l'Office national aux affaires des personnes handicapées cherche à accomplir est d'accélérer l'approbation des projets de loi renvoyés devant le gouvernement et de veiller à ce qu'ils soient promulgués au plus tôt.

383. L'approche officielle fait sienne l'idée d'insérer les handicapés dans le milieu social et institutionnel dans son ensemble et de charger les institutions publiques d'assurer autant que faire se peut aux handicapés les services dont ils ont besoin. Cette approche est aussi celle adoptée et soutenue par des organisations au service de handicapés et par les handicapés eux-mêmes.

384. L'application d'une telle approche dans la pratique a pour incidence que les programmes fondés sur l'insertion et la prestation de services aux personnes handicapées au sein de leur famille et de leur foyer devraient recevoir progressivement une part plus élevée des crédits publics et du financement des organisations non gouvernementales attribués aux affaires des personnes handicapées.

385. Le ministère des affaires sociales s'est lancé dernièrement dans la première étape de ce processus en fournissant directement des aides techniques aux personnes handicapées et procède aux préparatifs pour la deuxième étape, consistant à offrir des services de traitement et d'évaluation par le biais de la physiothérapie, de la thérapie du langage, de la thérapie ergonomique etc., en suivant constamment la qualité et l'adaptation du service dans chaque cas.

386. L'adoption des quatre parties interdépendantes et intégrées du projet de directive sur les personnes handicapées éliminera la frustration éprouvée par les handicapés, surtout dans les domaines de l'emploi et de l'éducation, et par les enfants handicapés en particulier. Elle consacrera aussi le droit au développement et à l'adaptation du milieu dont les personnes handicapées ont besoin pour cultiver plus facilement leurs aptitudes, entretenir des relations avec leur communauté et jouir pleinement et à part entière de leur statut de citoyen.

387. Au cours de la période à venir, les efforts des pouvoirs publics et des organisations non gouvernementales porteront donc sur le développement des réalisations à mettre déjà à leur actif et en particulier sur l'insertion des handicapés, leur participation à tous les domaines de la vie sans distinction et à la concrétisation du principe de la participation et de l'égalité à part entière. La première chose est de développer la législation, seul moyen de consacrer sous forme légale les droits des personnes handicapées.

CHAPITRE IX

LE TRAVAIL DES ENFANTS AU LIBAN

9.1 Introduction

388. Au cours des années de prospérité économique qui ont précédé la guerre (1975), le travail des enfants n'était pas répandu au Liban. Sans vouloir en nier l'existence sur une plus grande échelle, le fait qu'il ne s'agît pas d'un phénomène courant, combiné au fait que l'opinion publique internationale et nationale n'était pas alors sensibilisée comme aujourd'hui à la notion de droits de l'enfant, excluaient la question des priorités intéressant la société comme les décideurs 1 .

389. Il n'en reste pas moins que la situation a profondément changé. D'une part, à la suite de la guerre, le niveau de vie en général s'est détérioré et les déplacements forcés ont eu pour effet de mettre à bas les relations de travail qui existaient précédemment, ce qui à son tour a affecté la situation de la famille elle-même et le rôle de ses membres. D'autre part, cependant, on consacrait davantage d'attention aux enfants sur le plan international et national, comme le montre toute une série d'accords, de chartes et de conférences internationales, dont l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant et sa signature par le plus grand nombre d'Etats Membres des Nations Unies, dont le Liban. Cet événement a représenté un grand pas en avant dans la reconnaissance des difficultés des enfants, y compris de leur exploitation économique, employés précocement comme ils le sont dans des conditions insatisfaisantes.

390. Depuis la signature de la Convention relative aux droits de l'enfant par le Liban en 1991, un effort a été fait pour évaluer le phénomène que représente le travail des enfants, dans un premier temps en en déterminant l'étendue et en recherchant les causes directes et indirectes de son apparition et les moyens d'y remédier. Cette prise de conscience est considérée comme un formidable progrès et constitue l'un des effets positifs immédiats de l'adoption et de la signature de la Convention, puisque la première chose à faire pour traiter d'un problème est d'en reconnaître l'existence.

9.2 Le Liban et les conventions internationales relatives au travail des enfants

391.Outre la signature de la Convention relative aux droits de l'enfant, le Liban a aussi signé un certain nombre de conventions internationales et arabes sur le travail des jeunes et continue d'explorer la possibilité d'en signer d'autres. Pour ce qui est des conventions de l'Organisation arabe du travail, le Liban a signé le traité No 3 concernant l'assurance maladie minimum et envisage actuellement d'accéder à deux conventions majeures, à savoir :

La Convention de l'Organisation internationale du Travail No 3 et la Recommandation No 146 y relative concernant l'âge minimum d'accès à l'emploi (1973), selon laquelle l'âge auquel l'enseignement obligatoire prend fin ne devrait jamais être inférieur à 15 ans, bien qu'elle prévoie aussi la possibilité d'abaisser cet âge à 14 ans dans le cas des Etats dont l'économie et le système éducatif ne sont pas encore suffisamment développés. La Convention stipule par ailleurs que les enfants âgés de moins de 8 ans ne devraient être employés à aucun travail susceptible de nuire à leur sécurité ou à leur santé physique ou morale.

La Convention No 18 de l'Organisation arabe du travail sur le travail des enfants (1996) qui fixe à 13 ans révolus l'âge minimum d'accès des enfants à l'emploi, pour autant que cet âge ne soit pas inférieur à celui auquel s'achève l'enseignement obligatoire. Elle stipule aussi un âge minimum d'accès à l'emploi qui varie selon le type de travail, ainsi que d'autres conditions, comme la nécessité d'obtenir un certificat médical et l'obligation pour le salaire minimum de l'enfant d'être égal au salaire minimum officiel. Elle prévoit aussi le nombre d'heures de travail, de jours de congé annuel et les prestations fournies par les institutions de sécurité sociale.

392. Ces instruments arabes et internationaux sont d'un intérêt variable et peuvent aussi contenir des dispositions opposées ou contradictoires. Les dispositions essentielles cependant, des deux dernières conventions en particulier, cherchent à assurer aux enfants qui travaillent une protection supplémentaire, qui, à certains égards, va plus loin que la protection générale de base prévue dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Le sujet du présent rapport est ici trop étroit pour que l'on puisse passer en revue dans le détail la teneur de ces instruments et recenser par conséquent les points sur lesquels ils sont en conformité ou en conflit avec la législation nationale, tâche qui devrait être menée à bien par les autorités compétentes. Dans les limites du présent rapport, toutefois, on peut voir, à partir des renseignements contenus dans les sections ci-après, les points en contradiction avec les principales dispositions de ces conventions.

9.3 Cadre législatif national

393.Le travail des enfants est soumis à la Loi sur le travail (en vigueur depuis 1946), qui comprend un certain nombre d'articles et d'annexes régissant le travail des enfants. Jusqu'à l'amendement le plus récent, de juillet 1996, l'âge minimum en dessous duquel les enfants ne pouvaient être employés était fixé à 8 ans. On faisait aussi une distinction entre les enfants âgés de 8 à 13 ans et les jeunes, à savoir ceux âgés de 13 à 16 ans (articles 21 et 22 de la Loi sur le travail avant qu'elle ne soit modifiée). La loi stipulait des conditions spéciales à l'emploi des enfants et des jeunes (de 8 à 16 ans) selon le type de travail, les heures de travail, la nécessité d'obtenir un certificat de bonne santé etc. (articles 22 à 25 de la Loi sur le travail). Il ressort clairement des détails donnés ci-dessus que la loi n'accorde pas de protection spéciale aux travailleurs âgés de 16 à 18 ans.

394. Le 24 juillet 1996, plusieurs paragraphes de la Loi sur le travail concernant la main-d'œuvre enfantine ont été modifiés, d'où la promulgation de la Loi sur le travail No 536. Ces amendements avaient été recommandés par une commission composée de membres des ministères du travail et de la justice et examinés par le ministère du travail et la Commission parlementaire sur les droits de l'enfant lors de débats auxquels assistaient des représentants du Conseil supérieur pour l'enfance, de l'UNICEF et de diverses organisations non gouvernementales qui s'intéressent aux enfants. Le texte de la décision déclarait clairement que cet

amendement s'imposait suite à la signature par le Gouvernement libanais de la Convention relative aux droits de l'enfant le 20 novembre 1990 2 .

395. L'amendement consistait à relever l'âge minimum autorisé par la loi pour l'emploi d'enfants de 8 à 13 ans ainsi que celui auquel une protection juridique est encore accordée de 16 à 18 ans. Mais la Loi sur le travail demeure incompatible avec la Convention relative aux droits de l'enfant dans certains domaines sur lesquels cet amendement ne portait pas, le salaire minimum par exemple, les employeurs n'étant pas tenus de verser le salaire minimum aux travailleurs ou employés de moins de 20 ans.

396. Quant aux conditions applicables à l'emploi des jeunes, la loi prévoit des mesures de protection spéciale, en spécifiant les activités qu'il leur est permis de mener dans deux annexes actuellement en cours de révision. Les articles de la loi prévoient par ailleurs d'autres mesures concernant en particulier (outre la fixation de l'âge minimum légal d'accès à l'emploi) ce qui suit :

Nombre d'heures de travail maximum autorisé : 7 heures par jour, coupées d'une pause d'une heure si la période de travail est supérieure à 4 heures. Il est interdit de faire travailler des enfants entre 19 heures et 7 heures du matin.

Conditions d'emploi : il est interdit de faire travailler des jeunes à moins qu'ils n'aient subi, gratuitement, un examen médical pour apprécier leur aptitude au travail pour lequel ils sont recrutés.

Activités interdites, à moins que des conditions spécifiques n'aient été remplies : il est interdit d'employer des jeunes qui n'ont pas 17 ans révolus à des tâches qui mettent leur vie ou leur santé physique ou morale en danger en raison des conditions dans lesquelles le travail est effectué.

397. Mais ces dispositions ne suffisent pas à assurer la protection voulue et le ministère du travail s'efforce de remédier aux lacunes de la loi elle-même. Tout d'abord, il s'emploie à accroître le montant des amendes imposées pour contravention aux articles touchant le travail des jeunes, car, telles qu'elles sont actuellement fixées, les amendes ne sauraient avoir d'effet dissuasif. Un décret a donc été rédigé en ce sens, ainsi qu'un décret interdisant l'emploi de jeunes âgés de moins de 16 ou 17 ans, selon le degré du risque encouru, à des activités intrinsèquement dangereuses ou susceptibles de mettre en danger la vie ou la santé physique ou morale du jeune intéressé en raison des conditions dans lesquelles elles s'effectuent.

Comparaison de l'ancien texte et du texte modifié des articles 21, 22 et 23 de la Loi sur le travail

Ancien texte

Nouveau texte

Article 21 :

Le terme "enfants" s'entend de toutes les personnes âgées de moins de 13 ans et le terme "jeunes" de celles âgées de plus de 13 ans et de moins de 16 ans. Il n'est fait aucune distinction entre garçons et filles.

Nouvel article 21 :

L'emploi de jeunes âgés de moins de 18 ans est soumis aux dispositions de la présente section.

Article 22 :

Il est interdit d'employer des enfants dans l'une quelconque des industries mécaniques et à l'une quelconque des activités visées aux annexes 1 et 2 de la présente Loi.En aucun cas une personne âgée de moins de 8 ans ne peut être employée.

Nouvel article 22 :

Il est catégoriquement interdit d'employer des jeunes qui n'ont pas 13 ans révolus et aucun jeune ne peut être employé s'il n'a pas subi d'examen médical pour s'assurer de son aptitude à s'acquitter des activités pour lesquelles il a été recruté.

Article 23 :

Il est interdit d'employer des jeunes dans les industries et les activités visées à l'annexe 1 de la présente Loi.

De plus, leur emploi dans les industries et activités visées à l'annexe 2 est soumis à l'obtention d'un certificat médical établissant leur aptitude physique à travailler dans ces industries. L'organisme de santé doit délivrer gratuitement ce certificat qui peut être temporairement retiré si le jeune souffre d'une incapacité.

Il est interdit à toute personne d'employer des enfants et des jeunes :

1. 1.Pendant plus de 7 heures. Si la période de travail dépasse 4 heures d'affilée, elle doit être entrecoupée d'une pause d'au moins une heure.

2. 2.Entre 19 heures et 7 heures du matin.

3. 3.A des activités qui sont exigeantes sur le plan physique ou inadaptées à leur âge.

Nouvel article 23 :

Il est interdit d'employer des jeunes qui n'ont pas 15 ans révolus dans des projets industriels et des activités qui sont exigeantes sur le plan physique ou nuisent à la santé, comme prévu aux annexes 1 et 2 de la présente Loi.

Il est aussi interdit d'employer des jeunes âgés de moins de 16 ans à des activités qui sont intrinsèquement dangereuses ou qui mettent leur vie ou leur santé physique ou morale en danger en raison des conditions dans lesquelles elles sont effectuées.

Un décret adopté en Conseil des Ministres sur proposition du ministère du travail doit déterminer ces activités.

Il est interdit d'employer des jeunes aux activités évoquées aux deux paragraphes précédents plus de 7 heures par jour, à moins que la période de travail ne soit entrecoupée d'une pause d'au moins une heure si elle dépasse 4 heures d'affilée. Il est aussi interdit d'employer des jeunes entre 19 heures et 7 heures du matin.

Les jeunes doivent bénéficier d'une période de repos de 13 heures consécutives au moins entre deux périodes de travail.

9.4 Etendue du phénomène

398.Dans le rapport, on utilise les résultats de l'Enquête sur la population et le logement pour évaluer l'étendue du travail des enfants au Liban. Comme l'Enquête ne donne aucun renseignement sur le travail des enfants qui ont moins de 10 ans, l'étude et l'analyse portent sur le groupe des 10 à 17 ans. Il faudrait relever toutefois que les enfants de moins de 10 ans sont rarement employés, comme on peut aussi le déduire de la tendance nettement à la baisse du nombre et du pourcentage d'enfants qui travaillent au fur et à mesure que l'âge baisse (on compte seulement 229 enfants qui travaillent âgés de 10 ans).

399. Avant de commencer à évaluer l'ampleur du phénomène, il faut faire observer que la définition d'un enfant qui travaille s'entend uniquement d'un enfant qui occupe un emploi ou en cherche un, qu'il soit rémunéré ou non, qui soit suffisamment régulier pour entraver son éducation ou son développement physique et mental ou encore le menacer ou lui nuire y compris dans sa santé. Est exclus de cette définition, tout travail temporaire et saisonnier que les enfants effectuent par intermittence, comme l'est toute assistance qu'ils peuvent porter à d'autres membres de la famille à l'extérieur ou à l'intérieur de chez eux dans la mesure où leur éducation et leur développement, dans des conditions convenables, n'en pâtissent pas durablement.

400. Le travail des enfants se rencontre essentiellement dans l'agriculture sur une base saisonnière et à l'occasion des récoltes et il n'en est pas tenu compte dans les études statistiques évoquées plus haut. Cela dit, malgré son caractère saisonnier et familial, ce travail s'effectue parfois aux dépens de l'école d'où les enfants s'absentent pendant un laps de temps qui peut aller de quelques jours à plusieurs semaines, selon le type d'exploitation. L'Union des producteurs de tabac du Sud par exemple estime à au moins 25 000 le nombre d'enfants employés dans la production de tabac, en comptant en moyenne trois enfants par famille. L'âge de ces enfants, des deux sexes, va de 7 à 14 ans. Ces enfants travaillent seulement pendant la journée et ce, au moment de la culture du tabac, de la cueillette et du séchage, soit entre juin et septembre. A 90 %, ils travaillent pour le compte de leur famille, mais 10 % sont issus de familles défavorisées et sont obligés de travailler pour le compte d'autrui. L'éducation de ces enfants est interrompue pendant des périodes qui peuvent dépasser un mois de sorte qu'ils puissent donner un coup de main au moment de la culture et du séchage 3 .

401. Selon la définition susmentionnée, le nombre d'enfants âgés de 10 à 18 ans est estimé à environ 43 415, représentant 8,3 % du nombre total d'enfants de ce groupe d'âge et près de 4,6 % de l'ensemble de la main-d'œuvre. Aux fins du présent rapport, ceux-ci sont subdivisés en deux groupes. Le premier comprend les enfants qui travaillent âgés de plus de 10 ans et de moins de 14 ans, employés en contravention à la législation depuis l'époque de l'adoption de l'amendement en juillet 1996, qui fixait à 13 ans révolus l'âge minimum légal d'accès à l'emploi. Le second comprend les enfants du groupe des 14-17 ans, qui peuvent être employés dans les conditions stipulées dans la Loi sur le travail et dont le nombre s'élève à 38 307, soit 14,5 % du groupe d'âge correspondant.

Jeunes travailleurs, par âge (en nombre et en pourcentage du groupe d'âge)

Age

Nombre de travailleurs

Nombre total d’enfants

Pourcentage d’enfants qui travaillent

Nombre d'enfants qui travaillent, enregistrés à la caisse de sécurité sociale*

10 ans

229

66 166

0,3

52

11 ans

710

63 751

1,1

19

12 ans

1 395

66 316

2,1

8

13 ans

2 774

66 127

4,2

15

10-13 ans

5 108

262 360

1,9

94

14 ans

4 825

68 058

7,1

32

15 ans

7 511

65 223

11,5

126

16 ans

11 842

66 941

17,7

339

17 ans

14 129

63 244

22,3

804

14-17 ans

38 307

263 466

14,5

1 301

10-17 ans

43 415

525 826

8,3

1 395

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

*Unité informatisée de la Caisse nationale de sécurité sociale, 1998.

402.Distinguer le groupe des 10-13 ans de celui des 14-17 ans est capital à plus d'un titre, le principal étant que plus de 5 000 enfants âgés de moins de 14 ans sont régulièrement employés contrairement à la Loi libanaise sur le travail. De même, ils se voient refuser leurs droits bien plus que le groupe d'âge supérieur au point d'être privés d'enseignement primaire, alors que les travailleurs du groupe des 14-17 ans ont abandonné leurs études au niveau du secondaire de premier ou de deuxième cycle.

9.5 Répartition géographique de la main-d'œuvre enfantine

403.Le travail des enfants (de 10 à 17 ans) se concentre géographiquement dans les régions relativement défavorisées. Les taux de travail des enfants les plus élevés sont enregistrés dans les gouvernorats où les indicateurs de développement de base sont généralement faibles. Les chiffres effectifs dépendent aussi du nombre total d'habitants dans le gouvernorat. C'est pourquoi le gouvernorat du Nord se taille la plus grosse part, avec 33,3 % du nombre total d'enfants qui travaillent, alors même qu'il ne compte que 25,3 % du nombre total d'enfants et 21,6 % du nombre total d'habitants.

404. Il est aussi à noter que l'emploi des enfants (des deux groupes) dans le gouvernorat du Nord se concentre surtout dans les trois districts de Tripoli (14,1 %), Akkar (10,4 %) et Minié (6 %). Dans le gouvernorat du Mont Liban, la main-d'œuvre enfantine se concentre surtout dans les deux districts de Baabda (9,7 %) et Matn (7,9 %). Burj al-Barajaneh enregistre le plus fort taux de travail des enfants dans le district de Baabda, et Burj Hamud dans le district de Matn. L'immense majorité de la main-d'œuvre enfantine du gouvernorat de la Beqaa est concentrée dans les districts de Baalbek (6,5 %) et de Zahlé (4,4 %). Dans le gouvernorat du Sud, elle se concentre dans les districts de Saïda (5,8 %) et de Tyr (5,8 % également).

Ventilation de la population, des enfants et de la main-d'œuvre enfantine, par gouvernorat

(en pourcentage)

Gouvernorat

Pourcentage du nombre total d'habitants

Pourcentage du nombre total d'enfants

Pourcentage du nombre total d'enfants qui travaillent

Beyrouth

13,1

10,1

8,5

Mont Liban

36,8

32,8

25,0

Nord

21,6

25,3

33,3

Sud

9,1

10,3

11,8

Beqaa

12,9

14,3

15,2

Nabatiyé

6,6

7,2

6,3

Liban

100

100

100

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

9.6 Caractéristiques générales de la main-d'œuvre enfantine

9.6.1 Ventilation par sexe et par sous-groupe d'âge

405. Le nombre d'enfants qui travaillent dans le groupe d'âge des 10-17 ans est estimé à 43 415, consistant en 11,8 % d'enfants âgés de 10 à 13 ans et 88,2 % âgés de 14 à 17 ans, répartis en 84,5 % de garçons et 15,5 % de filles. La tendance à embaucher des garçons s'explique par l'éventail plus large d'emplois que ceux-ci peuvent occuper par rapport aux filles, si bien que l'on rencontre un plus fort taux d'abandon scolaire chez les garçons, avec un ratio élevé garçon-filles - en particulier dans les établissements d'enseignement publics - au moment du passage du primaire au secondaire de premier cycle, puis au secondaire de deuxième cycle (voir la section sur l'éducation).

406. Il semble aussi que le pourcentage de filles du groupe d'âge le plus jeune (10-13 ans) est de 10,6 % du nombre total d'enfants qui travaillent dans ce groupe, contre 12,7 % dans le cas de l'autre groupe d'âge (14-17 ans).

Ventilation de la main-d'œuvre enfantine, par district et par groupe d'âge

(en nombre et en pourcentage)

10-13 ans

14-17 ans

10-17 ans

Pourcentage du nombre total

Beyrouth

429

3 248

3 677

8,5

Baabda

274

3 935

4 209

9,7

Matn

201

3 226

3 427

7,9

Shouf

92

859

951

2,2

Aley

134

869

1 003

2,3

Kasrawan

42

693

735

1,7

Jbail

0

512

512

1,2

Gouvernorat du Mont Liban

743

10 094

10 837

20,0

Minié

446

2 168

2 614

6,0

Tripoli

1 205

4 934

6 139

14,1

Kurah

20

263

283

0,7

Zghorta

30

569

599

1,4

Batroun

21

165

186

0,4

Akkar

618

3 884

4 025

10,4

Bushri

0

130

130

0,3

Gouvernorat du Nord

2 340

12 113

14 453

33,3

Saïda

262

2 278

2 540

5,8

Tyr

195

2 325

2 520

5,8

Jezzine

0

60

60

0,1

Gouvernorat du Sud

457

4 663

5 120

11,8

Zahlé

220

1 679

1 899

4,4

Ouest de la Beqaa

12

684

696

1,6

Baalbek

437

2 396

2 833

6,5

Harmal

193

612

805

1,9

Rashayya

20

364

384

0,9

Gouvernorat de la Beqaa

882

5 735

6 617

10,2

Nabatiyé

185

1 192

1 377

3,2

Bent Jbail

36

667

703

1,6

Marjayoun

28

449

477

1,1

Hasbayya

10

150

160

0,4

Gouvernorat de Nabatiyé

259

2 458

2 717

6,3

Liban

5 110

38 311

43 421

100

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

Main-d'œuvre enfantine, par âge et par sexe

Sexe

10-13 ans

14-17 ans

10-17 ans

Garçons

89,4

87,3

87,5

Filles

10,6

12,7

12,5

Total

100

100

100

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

9.6.2 Niveau scolaire de la main-d'œuvre enfantine et des chefs de famille

407.Le pourcentage global d'analphabétisme au Liban (parmi les personnes âgées de plus de 10 ans) est de 13,6 %, bien que ce taux soit bien inférieur parmi les groupes plus âgés, atteignant seulement 2,1 % des 10-14 ans et 3,6 % des 15-19 ans.

408. Reflet du faible niveau scolaire, le taux d'analphabétisme est remarquablement supérieur dans la main-d'œuvre enfantine, car l'admission précoce au marché de l'emploi s'effectue indubitablement aux dépens de l'un des droits les plus importants pour l'enfant, le droit à l'éducation (et aux dépens d'autres droits, tels que le droit au loisir et à des activités récréatives, le droit à une vie saine et à un développement convenable, etc.). Selon des données statistiques, les analphabètes et les semi-alphabètes représentent 33,1 % du nombre total d'enfants qui travaillent. A 61,7 %, ce taux est plus élevé parmi la main-d'œuvre enfantine âgée de 10 à 13 ans.

Niveau scolaire de la main-d'œuvre enfantine

(en pourcentage)

10-13 ans

14-17 ans

10-17 ans

Analphabètes

25,4

9,6

11,5

Aptitude à lire et écrire

36,3

19,6

21,6

Primaire

35,6

54,4

52,2

Secondaire de 1er cycle

2,7

15,3

13,9

Secondaire de 2ème cycle

-

1,0

0,8

Universitaire

-

0,1

0,0

Total

100

100

100

Source  : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

Niveau scolaire de la main-d'œuvre enfantine

(en pourcentage)

409. Si l'on compare le niveau scolaire de la main-d'œuvre enfantine à celui des chefs des familles auxquelles ces enfants appartiennent, on remarque aussi une forte proportion d'analphabètes et de semi-alphabètes. De façon générale, on peut établir un lien entre le niveau scolaire du chef de famille et celui de l'enfant qui travaille, même si la génération de l'enfant est mieux éduquée que celle des parents, comme le montre clairement le tableau ci-dessous.

Niveau scolaire de la main-d'œuvre enfantine et des chefs de famille

(en pourcentage)

Enfant

Chef de famille

Analphabètes

11,5

36,0

Aptitude à lire et écrire

21,6

25,5

Primaire

52,2

27,6

Secondaire de 1er cycle

13,9

27,6

Secondaire de 2ème cycle

0,8

2,2

Universitaire

0,0

0,6

Supérieur

-

0,1

Total

100

100

Source :Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

Niveau scolaire de la main-d'œuvre enfantine et des chefs de famille

(en pourcentage)

9.6.3 Activité principale de la main-d'œuvre enfantine et des chefs de famille

410. Le pourcentage de main-d'œuvre enfantine le plus élevé est celui qui se livre à un travail rémunéré pour autrui ou pour des membres de la famille (81 %), ce qui élimine tout doute quant à l'idée que la main-d'œuvre enfantine constituerait un type d'assistance non rémunéré pour la famille ou qu'elle serait sans rapport avec l'aggravation des conditions de vie des familles et leur besoin de sources de revenu supplémentaires.

411.Dans le groupe des 10-13 ans, la main-d'œuvre enfantine est concentrée dans cinq groupes d'activités qui occupent 84 % des travailleurs de ce groupe. De même, 81 % de la main-d'œuvre du groupe des 14-17 ans se concentre dans sept groupes d'activités, dont quatre sont identiques à ceux du groupe plus jeune (voir le tableau ci-après). Si l'on examine la liste des activités qui occupent les enfants, on constate clairement qu'elles en incluent certaines qui présentent des pressions ou un danger pour leur santé physique et leur développement dans de bonnes conditions, comme le travail dans des exploitations minières, les usines d'assemblage électrique, les tanneries et les carrières, ou encore la taille de la pierre par exemple, si ce n'est que la loi interdit d'y employer des enfants âgés de moins de 14 ans.

Activités principales de la main-d'œuvre enfantine et des chefs de famille

(en pourcentage)

Activité

Main-d'œuvre enfantine

Chefs de famille des enfants de :

10-13 ans

14-17 ans

10-13 ans

14-17 ans

72

Ouvriers des exploitations minières et de la réparation et de l'assemblage de matériel électrique et électronique

33,8

24,6

5,6

5

74

Autres ouvriers qualifiés *

21,7

15,3

11,9

8

92

Ouvriers agricoles, pêcheurs et autres professions similaires

10

6,4

8,9

5,3

52

Vendeurs, auxiliaires de vente et employés de l'industrie du prêt-à-porter

9,3

11,2

7,9

9,8

71

Mineurs, carriers, tailleurs de pierre et professionnels du travail de la pierre

8,7

11,3

9,1

7,7

51

Agents des services personnels et de protection

-

6,6

-

-

72

Opérateurs de machines fixes

-

6

-

-

61

Agriculteurs et ouvriers qualifiés de l'agriculture et de l'industrie de la pêche

-

-

10,9

8,3

83

Conducteurs et opérateurs de machines et d'engins

-

-

8,6

7,8

91

Agents et employés non qualifiés du secteur des ventes et des services

-

-

4,5

4,1

93

Ouvriers non qualifiés des mines, de la construction, des travaux publics, de l'industrie et des transports

-

-

4,5

4,1

Chômeurs

13,6

19,4

Source : Characteristics of child employment, Issa et Huri.

* Préparation de produits alimentaires, vente de meubles, textiles et vêtements, cuirs et chaussures.

412. En ce qui concerne la principale activité du chef de ménage, le tableau ci-dessus montre que les pères et les fils se livrent à des activités similaires, qui sont toutes mal rémunérées. Les deux principaux points à ajouter à cette comparaison sont, premièrement, qu'un fort pourcentage de chefs de famille sont au chômage, entre 13,6 % et 19,4 %, et, deuxièmement, qu'un nombre significatif de chefs de familles qui comptent des enfants qui travaillent sont des agriculteurs et des ouvriers qualifiés de l'agriculture et de l'industrie de la pêche (10,9 % et 8,3 %), tandis que cette catégorie de travailleurs n'est pas l'une de celles où se trouve concentrée la main-d'œuvre enfantine.

9.7 Directives à venir

413.Une observation s'impose : dernièrement, tant les pouvoirs publics que les organisations non gouvernementales se sont manifestement souciés davantage du phénomène de la main-d'œuvre enfantine au Liban, surtout depuis la signature par le pays de la Convention relative aux droits de l'enfant. En témoignent la

reconnaissance et l'étude du phénomène comme l'adoption de mesures législatives et pratiques pour y remédier (manifestation des enfants contre le chômage du 21 juin 1998, par exemple).

414. Au Décret No 536, qui stipule l'âge minimum et les autres conditions du travail des enfants, et à l'imposition de l'enseignement obligatoire en lien avec le travail des enfants, vont venir s'ajouter deux projets de lois, renvoyés devant le conseil libanais responsable de l'élaboration de la législation dans ce domaine, et actuellement à l'examen devant les organes législatifs. Ces projets, qui émanent du ministère du travail de concert avec la commission née de la conférence sur la situation de la main-d'œuvre enfantine au Liban et composée de représentants du gouvernement et d'organisations non gouvernementales, sont les suivants :

i) Un projet tendant à modifier le montant des amendes imposées pour contravention à la Loi sur le travail et pour l'embauche d'étrangers en l'absence de permis de travail. Cet amendement s'impose désormais parce que les amendes prévues sont désormais dérisoires en raison de l'inflation et de la dépréciation monétaire que le Liban a connues pendant les années de guerre.

ii) Un projet tendant à développer et mettre à jour les annexes 1 et 2, qui énumèrent les activités auxquelles il est interdit ou autorisé - pour autant que certaines conditions soient satisfaites - d'employer des enfants. Cet amendement s'impose parce que les deux annexes contenues dans la Loi sur le travail de 1946 sont dépassées, n'ayant jamais été modifiées.

9.8 Conclusions générales

415. Après analyse des informations émanant pour l'essentiel des résultats de l'Enquête statistique sur la population et le logement, on peut tirer les conclusions suivantes :

a) Le phénomène du travail des enfants n'épargne pas le Liban et touche des enfants libanais, lesquels représentent 90 % de la main-d'œuvre enfantine de la tranche des 10-13 ans et 95 % de la tranche des 14-17 ans. La plupart des autres enfants qui travaillent sont syriens ou palestiniens.

b) Le travail des enfants est en rapport avec les faibles indicateurs de développement en général et se concentre géographiquement surtout dans le gouvernorat du Nord, les autres gouvernorats suivant ce dernier. Dans les gouvernorats eux-mêmes, il se concentre dans certains districts à l'exclusion d'autres. Ainsi, dans le gouvernorat du Nord, il affecte surtout les districts de Tripoli, Akkar et Minié (97 % de l'ensemble de la main-d'œuvre enfantine du gouvernorat); dans le gouvernorat du Mont Liban, il se concentre dans les districts de Baabda et Matn, qui incluent la banlieue de la capitale, Beyrouth, et tout particulièrement Burj al-Barajaneh à Baabda et Burj Hamud à Matn; dans le gouvernorat de la Beqaa, il se concentre dans les districts de Baalbek, Zahlé et Harmal et, dans le gouvernorat du Sud, dans les districts de Saïda et de Tyr. Ce qui est remarquable, c'est que, à l'exception des districts ruraux d'Akkar et de Harmal, les districts dans lesquels se concentre la main-d'œuvre enfantine sont soit urbains soit contiennent de larges centres urbains, ce qui révèle le caractère urbain de la main-d'œuvre enfantine au Liban (encore qu'il faille noter que la définition la plus courante de la main-d'œuvre enfantine exclut les types les plus répandus de travail des enfants dans les régions rurales et agricoles).

c) Les enfants qui travaillent sont issus de familles au faible niveau de vie, car le taux de chômage parmi les chefs des familles auxquelles ils appartiennent est élevé par rapport au taux national ou ces chefs de famille occupent des emplois mal rémunérés. Leur niveau scolaire est faible. Les enfants qui travaillent partagent ces caractéristiques et se livrent généralement à des activités similaires à celles de leur père. Leur

niveau scolaire est également inférieur à celui de leurs pairs qui poursuivent des études. Selon des enquêtes par sondage, c'est la nécessité économique qui serait la principale cause du travail des enfants (50 %), contre 33 % qui feraient des efforts pour acquérir des compétences professionnelles et 14 % qui auraient abandonné l'école faute de réussir 4 .

CHAPITRE X

LES ENFANTS DANS LES SITUATIONS DE CONFLIT ARMÉ

10.1 Introduction

416. Un rapport fondamental sur la condition des enfants au Liban et les violations des droits de l'enfant ne saurait manquer d'accorder la priorité aux enfants qui continuent de vivre dans une situation de guerre et de conflit armé et aux effets de telles situations. Près de 10 % du territoire libanais est directement occupé par l'Etat d'Israël et une superficie plus étendue encore, peuplée de dizaines de milliers de familles et d'enfants, subit des agressions quasi quotidiennes. Aussi est-il normal que la condition des enfants dans cette région soit en tête de la liste de priorités nationales et internationales dans le cadre du suivi de l'adhésion à la Convention relative aux droits de l'enfant.

417. La plupart des droits stipulés dans la Convention relative aux droits de l'enfant sont violés jour après jour, en particulier :

- Le droit des enfants à la vie, violé par les bombardements quotidiens, qui mettent leur vie en danger.

- Leur droit à la survie, à un développement respectueux de leur santé et à une existence dans des conditions de sécurité au sein d'une famille stable, menacé par les pertes humaines, les dégâts matériels et les déplacements auxquels les enfants sont soumis.

- Leur droit à des services d’éducation et de santé convenables, au jeu et à la récréation, ainsi qu’à la culture et à du temps libre.

-Leur droit à l’affiliation nationale et à l’entretien de liens avec leur patrie (c’est le cas par exemple des enfants de la bande occupée), qui n’est pas respecté. Au contraire, les enfants sont contraints de s’enrôler dans les milices inféodées qui luttent contre leurs propres compatriotes.

-Leur droit à la liberté personnelle et à la liberté de circulation, violé par les décisions de blocus, les raids intempestifs et l’exil qui leur est imposé. De plus, les enfants sont susceptibles d’être arrêtés sans justification et torturés par une armée d’occupation et ses vassaux.

418.Ce sujet revêt une importance toute particulière pour le présent rapport puisqu'il couvre la période allant de 1993 à 1998, au cours de laquelle deux agressions de grande envergure ont été lancées contre le Sud et contre le Liban. La première a été la guerre de sept jours de juillet 1993, guerre tous azimuts conduite par l'aviation, qui a causé le déplacement de 500 000 personnes, ainsi que des pertes humaines et des dégâts matériels considérables (environ 20 000 logements ont été endommagés). La deuxième, connue sous le nom

d'Opération Raisins de la colère, a eu lieu en avril 1996 et s'est poursuivie pendant trois semaines, au cours desquelles 700 000 personnes ont été déplacées. Cette période a été aussi entrecoupée de massacres, dont le plus criant est celui de Qana qui a été commis au siège des forces internationales et a fait de nombreuses victimes parmi les enfants.

419. Une autre observation qui s'impose, c'est que la condition des enfants dans la partie méridionale du pays s'inscrit d'emblée dans la situation générale et en est difficilement dissociable puisqu'elle découle de l'occupation étrangère imposée à tout un chacun. C'est pourquoi les enfants ne sont pas les seules victimes des bombardements, qui touchent aussi leurs parents, tous les leurs. Lorsque la personne qui gagne la vie de la famille perd ses champs et son travail, les conditions de vie de la famille et des enfants en sont affectées et lorsqu'une famille est déplacée, les enfants en souffrent tout particulièrement. En ce sens, toute violation qui porte atteinte aux droits de l'enfant découle de la violation générale des droits des citoyens. Telle est l'optique dans laquelle la situation générale dans la région est examinée dans le présent chapitre qui voudrait mettre en lumière les aléas auxquels les enfants sont en plus exposés.

10.2 Attaques quotidiennes

420.Les attaques israéliennes contre le Sud remontent à 1948, année où Israël s'est emparé de toute la Galilée supérieure suite à la décision de partage de la Palestine. Les frontières méridionales du Liban ont donc été prises pour cibles des commandos israéliens et une quinzaine de villages ont été occupés. En octobre 1948, ces commandos se sont livrés à des tueries dans la petite ville frontière de Houla où 93 villageois ont trouvé la mort. Cet événement a été suivi d'une série d'agressions et d'opérations militaires israéliennes contre la plupart des villages et des agglomérations de la bande frontière actuellement occupée, voire même des villages du Sud aussi éloignés de la bande que la ville de Saïda.

421.Le 16 mars 1978, Israël a occupé une grande partie du territoire du Sud du Liban lors de l'Opération dite Litani. Au lendemain de cette invasion, Israël a conservé sous son contrôle environ 800 kilomètres carrés de la superficie originelle du Liban, aux portes des villes de Nabatiyé et de Tyr. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a alors adopté la résolution 425 (1978) dans laquelle il condamnait l'opération israélienne et demandait à Israël de cesser immédiatement son action militaire contre l'intégrité territoriale du Liban et de retirer sans délai ses forces de tout le territoire libanais. Il demandait aussi que soient strictement respectées l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance politique du Liban à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues. Malgré les résolutions adoptées ultérieurement qui mettaient l'accent sur la nécessité d'appliquer la résolution 425 (1978) du Conseil de sécurité, Israël n'y a pas donné suite. La résolution est demeurée inappliquée et l'Etat libanais, ainsi que le peuple libanais, usant tous les moyens à leur disposition, ont prié la communauté internationale d'assurer l'application de cette résolution qui restaure le pays dans sa souveraineté nationale.

422. Le 13 juin 1978, Israël a annoncé le retrait de ses troupes des berges de la rivière jusqu'à la région frontalière. Dans le même temps, son vassal, le général Sa'ad Haddad, instaurait un "Liban libre" et l'"Armée du Sud-Liban" dans la région frontalière, connue sous la dénomination de "ceinture de sécurité".

423. Le 4 juin 1978, l'ennemi israélien a envahi le Liban et l'armée d'occupation s'est infiltrée profondément en territoire libanais, jusqu'à la capitale, Beyrouth. Première invasion par Israël d'une capitale arabe, cette opération a fait de lourds dégâts après s'en être pris délibérément à l'infrastructure et à l'économie nationales et causé des tragédies humaines et sociales inestimables avec des massacres et des déplacements que le Liban n'avait jamais connus auparavant.

424. A partir de la fin septembre 1982, sous la pression de la résistance civile et nationale armée à laquelle elles étaient en butte, les troupes israéliennes ont amorcé leur retrait de Beyrouth et de ses faubourgs. Le dernier de ces retraits partiels s'est effectué en février 1985. Les troupes israéliennes se sont alors installées dans la zone frontière ou la bande dite frontalière qui s'étend sur à peu près 1 000 kilomètres carrés, soit un dixième de la superficie du Liban et la moitié de celle du Sud. Rien n'a changé depuis.

10.3 Pratiques israéliennes contre le Liban entre l'agression de juillet 1993 et 1998

425.Les attaques israéliennes contre le Liban en général et le Sud en particulier n'ont pas pris fin avec le dernier retrait et l'installation des troupes dans la région frontalière, malgré les résolutions déclarant que les civils des deux côtés de la frontière ne devraient pas être exposés aux attaques. Pour sa part, Israël ne s'est pas plié à ces résolutions et s'est livré à des représailles qui ont pris la forme d'actes de violence divers, tels que : attaques terrestres et aériennes contre des villages et des agglomérations en utilisant des munitions internationalement interdites, des bombes de fabrication artisanale, des bombes au phosphore et des bombes à fragmentation, en détruisant les maisons, en tuant et en blessant des dizaines de civils, en incendiant les terres et les exploitations, en arrêtant et en enlevant des citoyens et en assiégeant des ports maritimes. Pas même les centres des forces internationales et leurs soldats n'ont été épargnés.

426. Les tableaux suivants donnent une idée de la situation difficile qui régnait jour après jour dans la période qui s'est écoulée entre 1993 et 1998. Les informations qu'ils contiennent ont été recueillies auprès de diverses sources officielles et non officielles et sont donc incomplètes. Mais ces tableaux donnent une image très parlante de ce qu'est la vie dans le Sud et l'ouest de la Beqaa, assombrie par le risque de mort, de détention ou de déplacement 1 .

1993

Attaques terrestres et navales

Raids aériens

Tués

Blessés

Opérations de résistance

Dégâts matériels

Déplacements

Siège naval et enlèvement

Arrestations

Juillet (agression de juillet)

22 000 obus d’artillerie et 1 000 missiles aériens

1 224

115

353

20

Dommages considérables

500 000 personnes déplacées

-

Dizaines d’arrestations

Août

3

4

4

-

12

-

-

-

3

Septembre

3

-

2

-

33

-

-

-

-

Octobre

5

1

5

5

40

Dynamitage de 2 maisons et de 3 bateaux de pêche

-

2

3

Novembre

Non précisé

3

5

10

64

-

-

-

1

Décembre

Non précisé

1

8

10

68

-

Tirs contre des pêcheurs

-

-

Total

-

1 233

139

378

-

-

-

-

-

1994

Attaques terrestres et navales

Raids aériens

Tués

Blessés

Opérations de résistance

Dégâts matériels

Siège et enlèvement

Arrestations

Janvier

3

2

3

6

21

Non précisé

-

-

Février

17

1

3

7

35

-

8 pêcheurs enlevés

-

Mars

9 (coups de feu tirés sur des élèves de Nabatiyé)

2

19 (dont 2 enfants)

25 (dont 20 enfants)

35

Dégâts importants

-

3

Avril

3

-

8

27

22

-

-

-

Mai

10

3

2

10

22

Incendie de champs de blé sur des dizaines de dounams

1

-

Juin

6

6

33

45

25

Incendies

2

-

Juillet

2 (20 tirs d’artillerie sur le secteur central

3

6

3

27

Dégâts causés à des terres non cultivées

Siège de Yahmur

-

Août

4

1

4 (dont 3 enfants)

29 (dont 9 enfants)

-

-

-

-

Septembre

4

2

4

8

18

Dégâts causés à des maisons

-

-

Octobre

20

1

9

18

59

Incendies et dégâts causés à des maisons

-

-

Novembre

10

-

7

-

23

-

-

-

Décembre

30

-

4

12

41

Destruction de 21 maisons

-

-

Total

118

21

102

180

338

-

-

-

1995

Attaques terrestres et navales

Raids aériens

Tué

Blessés

Opérations de résistance

Dégâts matériels

Siège et enlèvement

Arrestations

Janvier

169

54

10

17

78

73 maisons

6

20

Février

11

29

7

24

71

75 maisons

1 et 5

6

Mars

178

82

8

37

85

57 maisons

5 et 5

8

Avril

109

39

6

9

93

71 maisons

5

49

Mai

99

35

10

15

84

105 maisons

2

9

Juin

99

42

10

30

75

72 maisons

2 et 3

2

Juillet

97

41

7

13

59

25 maisons

1

2

Août

90

56

11

13

78

19 maisons

3

-

Septembre

92

44

1

10

75

45 maisons

1 et 4

-

Octobre

91

51

6

7

57

32 maisons

2

1

Novembre

86

59

9

13

81

34 maisons

3 et 3

15

Décembre

90

71

2

-

61

-

1

3

Total

1 211

603

87

188

897

608

-

115

1996

Attaques terrestres et navales

Raids aériens

Tués

Blessés

Opérations de résistance

Dégâts matériels

Siège et enlèvements

Arrestations et exils

Janvier

59

52

21

4

21

20 maisons

2 et 6

12 et 6

Février

59

45

4

7

35

37 maisons

2

47

Mars

76

36

4

21

35

47 maisons

10 et 2

132

Avril (Opération Raisins de la colère)

42 (23 000 obus d’artillerie)

59

180 (dont 51 enfants)

368

402

7 201 maisons et déplacement de 700 000 personnes

6 et 3

Non précisé

Mai

42

34

-

10

21

2 maisons

6 et 3

7

Juin

58

24

4

4

35

Non précisé

4 et 4

36

Juillet

51

34

4

1

20

Non précisé

4 et 4

7 (dont 2 fillettes)

Août

51

40

4

4

25

18 maisons

8 et 4

5 et 1

Septembre

52

45

5

4

29

10 maisons

5

5 et 1

Octobre

56

51

2

20

48

18 maisons

7

1 et 3

Novembre

72

29

4

2

35

12 maisons

3

24 et 9

Décembre

59

42

2

10

44

7 maisons

8 et 8

5 (femmes) et 2

Total

677

491

234

455

750

-

-

-

10.4 Effets continus du conflit armé

427. Les effets matériels et psychologiques des attaques israéliennes ne prennent pas fin avec l'arrêt des tirs d'artillerie. Ils se poursuivent en effet longtemps après, laissant des traces sur des vies humaines et causant même la mort dans certains cas. On en verra ci-dessous deux exemples. Le premier concerne les mines qui sont éparpillées dans bon nombre de régions soumises aux attaques israéliennes et le deuxième l'effet psychologique du massacre de Qana sur les enfants du Sud.

10.4.1 Mines ou accident fatal fortuit

428. A l'occasion de ses attaques terrestres et aériennes répétées, Israël lançait souvent des bombes de types divers sur les régions visées, dont certaines ressemblaient à des jouets qui explosaient dès qu'on les bougeait. Il a aussi semé sur de vastes étendues de terres agricoles et habitées des mines qui, en explosant, blessent les gens qui travaillent dans les champs et les enfants qui y jouent.

429. Les premières données indiquent que l'on recense jusqu'ici pour les deux seuls districts de Rashayya et de l'ouest de la Beqaa plus de 800 victimes de mines, dont la plupart ont dû être amputées des mains et des pieds. De concert avec le World Rehabilitation Fund, le ministère de la santé publique a conduit une étude sur les victimes des mines dans les deux districts en question. Des entretiens ont été menés à cette occasion avec 212 personnes devenues invalides suite à l'explosion d'une mine ou d'une bombe qui n'avait pas été désamorcée. L'étude a aussi révélé que les mines étaient à l'origine de 189 décès dans la région considérée 2 . La plupart des victimes étaient des civils qui avaient été blessés alors qu'ils travaillaient dans les champs ou devant chez eux. Les deux tableaux qui suivent montrent les endroits où les victimes ont été blessées et l'activité à laquelle elles se livraient lors de l'explosion.

Répartition des personnes blessées par des mines, selon l'endroit où l'explosion s'est produite

(Rashayya et ouest de la Beqaa)

Endroit où l'explosion s'est produite

Nombre

Pourcentage

Devant la maison

74

35

Dans les champs

79

37

A proximité du village

21

10

En dehors du village, mais dans la région

14

7

En dehors de la région

24

11

Total

212

100

Source : Land Mines Project, résultats de l'enquête effectuée à Rashayya et dans l'ouest

de la Beqaa, ministère de la santé publique, 1997.

Répartition des personnes blessées par des mines, selon les circonstances de l'explosion

(Rashayya et ouest de la Beqaa)

Circonstances de l'accident

Nombre

Pourcentage

Pendant des travaux agricoles

105

50

Pendant que les enfants jouaient

56

26

En participant aux hostilités

19

9

En voyageant à travers la région

14

7

Autres cas

14

7

Total

212

100

Source : Land Mines Project, résultats de l'enquête effectuée à Rashayya et dans l'ouest

de la Beqaa, ministère de la santé publique, 1997.

430. Le grand pourcentage de personnes blessées devant chez elles et dans des champs voisins alors qu'elles jouaient ou travaillaient aux champs montre que les enfants risquaient fort d'être blessés, ce qui s'est en fait passé. Sur les personnes qui ont fait partie de l'échantillon de blessés, 8 % étaient des jeunes de moins de 20 ans. C'est le groupe des 20-39 ans qui comptait le pourcentage le plus élevé de blessés, bien que la plupart des personnes concernées aient été blessées en 1982, c'est-à-dire alors qu'elles étaient âgées de 5 à 24 ans au moment des faits.

431. La plupart des enfants blessés jouaient devant chez eux ou sur un terrain voisin. Ils ont parfois aussi été blessés par des bombes non désamorcées, qui ressemblaient à des jouets et qui leur étaient donc délibérément destinées.

Répartition des personnes blessées par des mines, par sexe et par groupe d'âge

Groupe d'âge

Hommes

Femmes

Total

Pourcentage

0-4 ans

2

-

2

1

5-9 ans

1

1

2

1

10-14 ans

3

-

3

1

15-19 ans

7

3

10

5

20-24 ans

22

6

28

13

25-29 ans

31

7

38

18

30-34 ans

27

5

32

15

35-39 ans

23

2

25

12

40-44 ans

13

2

15

7

45-49 ans

5

1

6

3

50-54 ans

5

1

6

3

55-59 ans

15

1

16

8

60-64 ans

8

1

9

4

65-69 ans

4

1

5

2

70-74 ans

4

-

4

2

plus de 75 ans

4

7

11

5

Total

174

38

212

100

Source : Land Mines Project, résultats de l'enquête effectuée à Rashayya et dans l'ouest

de la Beqaa, ministère de la santé publique, 1997.

Les mines - récit d'une enfance perdueRécit personnel de Mouna (journaliste)

Lorsque j'ai commencé à travailler à une enquête de la télévision sur les personnes blessées par l'explosion d'une mine, je ne m'attendais pas à entendre ni à voir ce que j'ai entendu et vu. Je ne saurais oublier le regard de ces enfants qui me racontaient comment ils avaient perdu qui une main, qui un pied, ni les paroles d'Umm Muhammad, qui a dit à son fils qu'il était devenu un homme à l'âge de 7 ans et que jamais plus il ne retrouverait le pied dont il venait d'être amputé.La plupart des accidents se produisaient au printemps, quand les pluies d'hiver avaient délogé les mines semées à deux pas des habitations. Muhammad avait 8 ans quand il était sorti cueillir des fleurs. Il marchait devant ses camarades pour cueillir une fleur qu'il avait vue de loin et soudain a été projeté en l'air, un pied arraché. Khalid adorait faire semblant de conduire des voitures. Assis avec ses amis sur un rocher, il a appuyé sur une pierre qu'il disait être l'accélérateur et une mine a explosé. Quant à Maryam, heureuse d'avoir trouvé une voiture rouge dans un champ, elle l'a rapportée à la maison où elle et son frère se sont disputés pour savoir qui devrait la garder. C'était elle la plus forte et la voiture a explosé, lui arrachant la moitié de la main et la blessant à la cuisse. Nahla avait perdu sa sœur six semaines plus tôt lorsqu'une mine avait explosé, lui arrachant la main gauche et la moitié de la main droite.Ces récits n'en finissent pas et ne se ressemblent que par leur aspect tragique. Des enfants ont quitté l'école parce qu'ils sont gênés par leur handicap et d'autres ont tenté de se suicider ou y sont arrivés. Ils ont aussi perdu sinon toute, du moins une partie de leur enfance, et ont mûri avant l'âge. Si on m'interrogeait sur les mines israéliennes dans le Sud et l'ouest de la Beqaa, je dirais que ce sont les ennemis des enfants.

10.4.2 Les effets psychologiques du massacre de Qana sur les enfants

432. Face aux attaques incessantes auxquelles le Sud est confronté, le gouvernement et les organisations non gouvernementales et internationales ont oeuvré inlassablement pour assurer les secours minimums nécessaires à la population, en particulier immédiatement après les attaques de grande envergure. Les secours consistaient essentiellement en aide sous forme de vivres, couvertures et soins de santé primaires, ou, en d'autres termes, en articles destinés à répondre à des besoins physiques. On s'est peu soucié des besoins psychologiques et éducatifs de la population.

433. Lors de l'agression d'avril 1996, et après le massacre de Qana surtout, l'UNICEF a pris conscience de la nécessité de se préoccuper des effets psychologiques et éducatifs de l'agression sur les enfants vu les incidents terribles dont ils avaient eux-mêmes souffert ou dont ils avaient été les témoins ou avaient entendu parler. C'est dans ces conditions qu'une étude 3 a été menée, portant sur un échantillon d'enfants du Sud et de l'ouest de la Beqaa en vue de déterminer l'impact psychologique de l'Opération Raisins de la colère sur les enfants dans le cadre des préparatifs effectués pour mettre au point un programme de réadaptation psychique à leur intention. L'étude a permis de déceler des cas de dépression, d'anxiété, d'insomnie et de manque de concentration plus graves que la normale. Ces résultats ont fait prendre conscience de la nécessité impérative de se préoccuper de ce type de besoins dans un proche avenir.

434. L’échantillon portait sur 402 élèves de 25 écoles primaires, d’une moyenne d’âge de 11,3 ans. Ces résultats étaient les suivants.

Symptômes psychologiques décelés chez les enfants du Sud en 1996,

par sexe et par groupe d’âge

Sexe

Groupe d’âge

Garçons

Filles

Total

6-9 ans

10-12 ans

13 ans et +

Total

Dépression

10,8

14,1

12,4

6,7

12,9

16,9

12,4

Anxiété lors de séparations

17,2

21,1

19,2

15,1

23,8

17,6

19,2

Anxiété grave

20,7

16,6

18,7

7,6

23,1

23,5

18,7

Troubles post-traumatiques (stress)

17,2

18,6

17,9

9,2

20,4

22,8

17,9

Sources : The Grapes of Wrath Chapter, 1996, UNICEF.

10.5 La situation dans la région de la bande frontalière

435.Au total, 108 villages et bourgades sont occupés, en plus de 63 exploitations agricoles, qui, ensemble, forment ce qu'il est convenu d'appeler la "bande frontalière". Ces villages et fermes occupés sont disséminés entre sept districts. Les districts de Jezzine, Marjayoun, Bent Jbail et Hasbayya en comptent le plus grand nombre, alors que les districts de Tyr, Nabatiyé et Saïda ne sont que partiellement occupés (un seul village de Saïda est occupé par exemple).

Eparpillement des villages et exploitations occupés dans les différents districts

District

Nombre de villages occupés

Nombre d'exploitations occupées

Total

Saïda

1

1

2

Tyr

9

8

17

Bent Jbail

18

3

21

Marjayoun

25

2

27

Nabatiyé

2

2

4

Jezzine

40

41

81

Hasbayya

13

6

19

Total

108

63

171

Source : Articles de journaux.

436. Il est difficile d'arriver à une estimation exacte du nombre d'habitants de la bande frontalière, à cause surtout de l'occupation elle-même et du processus en jeu pour déterminer le nombre d'habitants dans chacun des villages occupés. Mais l'Enquête statistique sur la population et le logement donne une idée des

caractéristiques démographiques des districts directement intéressés, soit sous occupation, soit dans le voisinage.

437. Le nombre d'habitants dans les six districts (à l'exclusion de Saïda) est estimé à environ 350 000. La composition par âge s'écarte nettement des moyennes nationales et ce, sur plusieurs plans. En conséquence, les districts qui abritent le plus grand nombre de villages occupés (Jezzine, Marjayoun, Hasbyya et Bent Jbail) comptent aussi une forte proportion de personnes âgées, ce que l'on peut attribuer à l'exode des jeunes qui quittent la région à cause de la situation particulière dans laquelle elle se trouve ou pour éviter d'être enrôlés dans les milices qui coopèrent avec Israël, sans parler de l'absence de débouchés. On peut aussi déceler une baisse très nette dans le pourcentage d'enfants de la tranche des 0 à 4 ans dans le district de Jezzine, qui peut être imputée au nombre croissant d'habitants qui quittent la région et au rythme auquel les familles se sont installées en dehors de Jezzine depuis 10 ans. Ces différences illustrent les difficultés particulières que rencontrent les adolescents et les enfants, ainsi que l'obligation qui leur est faite de quitter la région, soit seuls, soit accompagnés de leur famille.

Nombre d'habitants et répartition, par sexe et par groupe d'âge

District

Nombre d'habitants

Groupe d'âge (en pourcentage)

District

Hommes

Femmes

Total

0-14 ans

15-64 ans

65 ans et +

Tyr

64 361

65 722

130 083

35,4

59,8

4,8

Tyr

Jezzine

7 173

7 453

14 626

19,5

65,3

15,2

Jezzine

Nabatiyé

45 169

47 194

92 363

34,7

59,4

5,9

Nabatiyé

Bent Jbail

25 343

27 367

52 710

33,7

58,4

7,9

Bent Jbail

Marjayoun

19 461

21 418

40 879

29,5

59,7

10,8

Marjayoun

Hasbayya

9 670

9 790

19 460

25,6

65,1

9,3

Hasbayya

Total

171 177

178 944

350 121

29,3

63,8

6,85

Moyenne nationale

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

438. Pour ce qui est des conditions de vie générales, en particulier pour les enfants, les taux de privation dans ces districts sont les plus élevés de tout le Liban. Si l'on classe là encore les niveaux de vie des habitants âgés de moins de 18 ans, en trois groupes (faible, moyen et élevé), on s'aperçoit que le nombre d'enfants qui vivent dans une situation de pénurie représente 72,2 % de l'ensemble de la population de ce groupe d'âge à Bent Jbail, 64,2 % à Marjayoun et 44,7 % à Hasbayya, contre une moyenne nationale de 42,3 % 4 .

Répartition des enfants (les moins de 18 ans) par niveau de vie (en pourcentage)

Faible

Moyen

Élevé

Total

Bent Jbail

72,8

25,9

1,9

100

Marjayoun

64,2

31,7

4,1

100

Hasbayya

44,7

48,4

6,9

100

Liban

42,3

42,1

15,6

100

Source : Enquête statistique sur la population et le logement, 1996.

10.6 Politique d'exil et de conscription

439.La population a fui massivement le Sud, poussée par des raisons de sécurité générale et des motifs économiques, comme cela a été le cas aussi dans d'autres régions rurales du Liban. En fait, la question est plus grave car aux raisons habituelles viennent s'en ajouter d'autres, telles les mesures arbitraires auxquelles recourent les forces israéliennes qui font de la vie dans les villages un véritable enfer où les gens sont harcelés par des raids et des incursions, les menaces, les extorsions et les charges fiscales. En plus, la population manque de débouchés et de facilités sur le plan éducatif, de soins médicaux, vit dans l'anxiété et la crainte des arrestations et de la conscription des jeunes gens.

440. Chaque famille de la région de la bande occupée se sent particulièrement inquiète quand ses enfants atteignent l'âge de l'adolescence et de la jeunesse. Il en va de même des enfants eux-mêmes qui, dès qu'ils ont dû aller à l'école, sont même contraints de vivre dans un environnement qui n'est pas le leur et se voient imposer la langue de leur ennemi. Ils redoutent le monde extérieur de l'environnement israélien, les raids, les arrestations, celle d'un frère ou d'un voisin, et ressentent une certaine appréhension à l'idée de devoir jour après jour s'occuper de leurs affaires de famille et travailler dans la bande ou aux points de passage. Ils craignent d'entendre la nouvelle d'un blocus, d'exils ou d'opérations de résistance contre l'occupation israélienne et doivent s'exprimer dans un langage "neutre" qui n'est pas le leur, souvent sur les conseils de leur famille, pour éviter de subir, dans un centre militaire, un interrogatoire qui pourrait finir par une sanction. La famille elle-même éprouve un sentiment de crainte ou ses membres en éprouvent un pour elle : crainte de la voir éclater et diviser entre d'une part les membres qui vivent dans la bande et de l'autre ceux qui vivent en dehors pour chercher du travail et éviter la conscription. La crainte au fond de soi qui ne peut être surmontée, c'est le passage inexorable des années au fur et à mesure que les jeunes gens approchent de l'âge adulte et risquent ainsi de se faire enrôler.

441. Les familles du Sud ont donc le souci de prévoir l'avenir de leurs fils : le souci de les voir se marier malgré leur jeune âge et de partir à l'étranger, le souci de veiller à ce qu'ils s'installent en ville ou en dehors de la bande avant d'atteindre l'âge de la conscription dans l'"armée Lahd" et le souci de se procurer l'argent nécessaire pour leur permettre d'échapper à la conscription. Ces préoccupations pèsent sur la vie des enfants et des familles de ces régions.

10.7 Situation de la santé dans la bande frontalière

442.La situation sanitaire dans la bande frontalière s'inscrit dans la situation sanitaire du Liban en général et du Sud en particulier. Les problèmes sont malgré tout démultipliés par la présence d'une autorité d'occupation

qui pratique le fait accompli et par l'occupation elle-même, qui entrave l'action du pouvoir central, des

organisations non gouvernementales et du secteur privé en matière de prestation de services de santé.

443. Il existe quatre hôpitaux dans les zones occupées. Trois sont des hôpitaux publics et le quatrième appartient aux forces d'urgence internationales. Dans la pratique, les hôpitaux publics disposent de 40 lits (les hôpitaux de Jezzine et de Bent Jbail ressemblent en fait davantage à des centres de santé). Le quatrième hôpital se trouve à Marjayoun. Il existe 19 centres de santé en service. Isolés à la campagne, la plupart d'entre eux souffrent d'une grave pénurie de médicaments, de matériel et de ressources humaines. Les travailleurs des centres relevant du ministère des affaires sociales rapportent comment le travail a du mal à se faire dans la bande car il leur est impossible de prendre une initiative quelconque pour répondre à leurs préoccupations ou de suivre la situation des habitants. Le fait de rendre visite deux ou trois fois de suite à une famille dans le besoin peut être considéré par exemple comme une activité "suspecte" par les soldats d'occupation et leurs protégés.

444. La souffrance de la population en ce qui concerne les soins de santé peut se résumer dans la difficulté de circuler et l'insuffisance du nombre de médecins. De plus, le matériel est si limité que l'on ne peut plus procéder aux opérations chirurgicales et que 25 villages se trouvent privés de services médicaux.

10.8 Situation de l'éducation dans la bande frontalière

445.L'éducation est considérée comme l'un des problèmes les plus sensibles et les plus graves que rencontre la population de la région occupée à cause de son lien direct avec l'occupation et de la nécessité de faire face à la situation et de s'y adapter tant aujourd'hui que plus tard. Au début de l'occupation, les forces israéliennes ont tenté de s'ingérer dans les programmes scolaires en offrant aux chefs d'établissements et aux enseignants maints avantages que ceux-ci ont d'ailleurs refusés.

446. Pour donner une idée claire de la situation de l'enseignement, on a pris trois points de référence dans le temps afin de suivre l'évolution de la scolarisation. Il s'agit de l'année 1975/76 qui a précédé le début de la guerre au Liban, de l'année 1981/82, année de l'invasion du Liban par Israël et de 1995/96.

447. La ventilation des élèves de l'enseignement primaire public dans la région occupée se présentait comme suit :

Evolution du nombre d'élèves de l'enseignement primaire public dans la bande frontalière

(1974-1975)

District

1974/75

1981/82

Diminution du nombre d’élèves

1995/96

Diminution depuis 1981/82

Diminution depuis 1974/75

Bent Jbail

6 123

5 394

729

3 150

2 244

2 973

Jezzine

3 173

2 275

898

579

1 696

2 594

Hasbayya

2 428

1 575

853

1 425

150

1 003

Tyr

1 438

983

455

848

135

590

Marjayoun

7 696

4 558

3 133

1 646

2 912

6 045

Nabatiyé

572

131

441

123

8

44

Total

21 425

14 916

6 509

7 771

7 145

13 654

Source : Voir note de bas de page5 .

448. La baisse générale du nombre d'élèves dans les écoles primaires publiques est surtout sensible dans les districts où le nombre de villages occupés est le plus élevé. Les élèves des établissements d'enseignement secondaires de deuxième cycle se répartissent entre neuf établissements, comme suit.

Ventilation des élèves des établissements d'enseignement secondaire

de deuxième cycle, par district, dans la bande occupée

1974/75

1981/82

1995/96

Bent Jbail

587

915

291

Marjayoun

539

172

299

Hasbayya

125

160

159

Jezzine

277

265

183

Total

1 528

1 612

932

Source : Comme pour le tableau précédent.

En l'occurrence, la chute s'explique surtout par la conscription imposée aux jeunes de 15 ans.

449. En revanche, on a enregistré une croissance du nombre d'élèves inscrits dans le secteur privé. Mais cette augmentation est inférieure à la baisse enregistrée dans l'enseignement public, ce qui donne à penser que le nombre total d'élèves a diminué.

10.9 Personnes détenues dans les prisons israéliennes

450.Des milliers de Libanais ont été jetés dans les camps de détention massive créés depuis l'occupation du Liban par Israël. Le camp de détention de Khiam (ouvert en 1985) est aujourd'hui considéré comme le plus atroce de tous vu la sauvagerie avec laquelle les détenus sont traités. Il a fallu exercer pendant des années des pressions de tous les instants pour qu'Israël et les milices qui lui sont inféodées autorisent le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à pénétrer dans le camp et pour que les membres des familles puissent rendre visite à leurs fils et autres membres qui y sont en détention.

451. Environ 450 détenus (enfants, femmes et hommes) ont été jetés dans ce camp de détention depuis son ouverture. Suite aux libérations les plus récentes, qui ont eu lieu le 26 juin 1998, le nombre de détenus s'élève désormais à 125. Une cinquantaine ont été libérés de la prison de Khiam et une dizaine d'autres de prisons en Palestine occupée en échange de la dépouille d'un soldat israélien qui avait trouvé la mort lors de l'Opération "Ansariyah" menée dans le Sud-Liban à l'été de 1997.

452. Sur les 125 détenus de la prison de Khiam, 23 n'avaient pas encore 18 ans au moment de leur arrestation et certains étaient en prison depuis 10 ans.

Liste des détenus de la prison de Khiam âgés de moins de 18 ans au moment de leur arrestation

No.

Nom

Age

Date au moment de l’arrestation

Observations

1

Ali Ghazi Saghir

17

1986

10 ans depuis son arrestation

2

Yusuf Ali Tarmus

18

1989

3

Mujib Mahmud Tirmis

17

1989

4

Samer Ali Hijazi

18

1994

5

Ziyad Ibrahim Ghanwi

18

1994

6

Ali Ibrahim Qasim

18

1996

7

Ahmad Hassan Sadiq

16

1997

8

Ali Mustafa Tuba

14

1997

9

Husayn Aqil

18

1998

10

Muhammad Husayn Qazzan

15

1998

11

Ali Husayn Qazzan

17

1997

12

Ali Muhammad Qashmir

14

1988

13

Khanjar Shu’ayb

16

1997

14

Hassan Haribi

16

1997

15

Ali Fadl Mahjan

13

1997

16

Ahmad Barakat

15

1996

17

Rabah Fayiz Abu Fa’ur

16

1998

18

Taysir Dibaja

Moins de 16 ans

1997

19

Nu’ayma Faysal Jabir

Moins de 16 ans

1997

20

Khalid Idris

Moins de 16 ans

1997

21

Basam Ali Hamada

Moins de 16 ans

1997

22

Bilal Ibrahim Ashqar

Moins de 16 ans

1997

23

Bilal Kayid Faraj

Moins de 16 ans

1997

453. Les détenus libérés de la prison de Khiam lors de l'opération d'échange du 26 juin 1998 comprenaient sept prisonniers qui étaient âgés de moins de 18 ans au moment de leur arrestation, à savoir :

No.

Nom

Age au moment de l’arrestation

Date de l’arrestation

1

Nasir Abu Alaywi

18

1985

2

Akram Muhammad Alaywi

17

1985

3

Ali Ahmad Qashmar

15

1988

4

Abdul Gharib Abdul Gharib Baydun

18

1985

5

Amin Muhammad Tirmis

17

1987

6

Fadi Ahmad Ali

18

1987

7

Zuhayr Ali Dahir

12

1986

454. Qui plus est, sur les 42 détenus qui demeurent en captivité suite aux libérations opérées le 26 juin 1998, huit n'avaient pas atteint l'âge adulte au moment de leur arrestation.

No.

Nom

Age au moment de l'arrestation

Date de l'arrestation

1

Hassan Hijazi

16

1986

2

Muhammad Mahmud Ali Badir

18

1991

3

Hussain Fahd Daqduq

18

1987

4

Kamal Mahmud Rizq

15

1986

5

Qasim Mahmud Qams

18

1986

6

Yusuf Ya’qub Sarur

18

1987

7

Abdul Hassan Abdul Hassan Sarur

18

1987

8

Ismail Mahmud Al-Zayn

16

1985

455. Outre ces détenus, les deux prisonniers suivants âgés de moins de 18 ans ont été libérés des geôles israéliennes :

Nabih Awada, qui avait été arrêté en 1988 à l'âge de 16 ans et a été libéré le 26 juin 1998,

Abdul Karim Al-Ali, qui avait été arrêté en 1987 à l'âge de 16 ans et a été libéré en 1998.

456. Ces détenus ont subi des séances de torture mentale et physique qui leur ont été infligées sans considération pour leur âge et au mépris des instruments internationaux régissant la détention, des enfants en particulier, en temps de guerre et d'occupation.

Israël et les enfantsRécit personnel d'un prisonnier libéré

Rabah est originaire du village de Kafr Hammam dans le district de Hasbayya. Né en 1974, il est le douzième enfant de la famille. C'était le plus jeune détenu de la prison de Khiam; il n'avait que 13 ans lorsque des agents de l'Armée du Sud-Liban ont opéré une descente dans l'école publique de Kafr Shuba le mercredi 23 mars 1988 et l'ont emmené à la prison de Khiam. Il raconte :"C'était les deux dernières heures de la journée de classe et nous avions une rédaction à faire en français. J'avais fini avant l'heure et j'étais sorti de la salle de classe. J'ai vu un véhicule de la sécurité au loin et j'ai eu soudain l'impression qu'ils étaient venus me chercher, car on recherchait mon frère qui s'était enfui; ma famille se faisait du souci et avait peur.Ils sont entrés dans le bureau de l'administration et ont demandé à voir le principal. A ce moment-là, j'étais retourné dans ma classe, tout pâle et j'ai dit ." Les Israéliens sont là". J'étais assis à ma place lorsqu'on a frappé à la porte et le principal est entré et m'a demandé de l'accompagner. Je lui ai demandé si je devais prendre mes livres ou les donner à ma sœur, dans la salle de classe d'à côté.Je suis sorti de la salle avec les agents de sécurité et le professeur a mis fin à la rédaction. Tous les élèves étaient sortis de leur classe, y compris ma sœur qui s'est mise à hurler et est partie en courant vers la maison. Ils m'ont fait monter dans la voiture et l'un d'eux a fermé la portière d'un coup de pied et m'a dit  : "Tu vas venir avec nous jusqu'à la dernière bifurcation du village." Ce jour-là, ils avaient arrêté ma mère et l'avaient emmenée à la prison de Khiam.Sur le chemin de la prison, ils m'ont recouvert d'une couverture. Lorsque nous sommes arrivés, ils m'ont remis entre les mains du policier et m'ont conduit dans la salle d'interrogatoire. Alors qu'on m'interrogeait, je regardais la lumière et me demandais comment ils me pendraient avec les chaînes à laquelle la lampe était suspendue. Les premiers jours, ils ne m'ont pas frappé du tout et me disaient  :"Nous n'allons pas te frapper si tu nous dit ce que tu sais. Demain, tu rentreras chez toi et tu retourneras à l'école."

Après quoi, ils m'ont mis au secret pendant 15 jours. Malgré mon jeune âge, pendant ces 15 jours, ils m'ont torturé, recourant à différentes méthodes. On m'a soumis à la gégène, fouetté, flagellé et on m'a obligé à rester dehors la nuit sous la pluie. Pendant tout ce temps-là, j'ignorais que ma mère était là elle aussi. Un jour, pendant une séance d'interrogatoire, on m'a demandé de me taire et j'ai entendu ma mère crier dans la pièce d'à côté. On m'a dit alors que c'était ma mère. Ils ont fait la même chose à ma mère et lorsqu'elle se taisait, ils se mettaient à me frapper pour qu'elle puisse m'entendre crier et s'évanouir. Cela s'est répété souvent et ils ont aussi fait venir deux de mes sœurs et ma cousine, âgées de 18, 20 et 22 ans, et les ont torturées de la même façon.

J'ai demandé à les voir, mais ils n'ont pas voulu. Ils ont relâché ma mère deux mois plus tard et ne l'ont jamais autorisée à m'envoyer quoi que ce soit. Quand j'étais en prison, ils ont envoyé ma famille en exil ainsi que mes sœurs âgées de 10, 15 et 23 ans. Mes deux autres sœurs et moi, nous sommes restés en prison pendant 18 mois. Après quoi, ils ont expulsé tout le monde de la zone occupée.

Israël et les enfantsRécit personnel d'un prisonnier libéré

Nabih, né en 1972, est originaire du village d'Aytrun, dans le district de Bent Jbail. Il avait 16 ans lorsqu'il a été arrêté alors qu'il participait à des actions de résistance contre l'occupation."Dès mon arrestation, on m'a frappé et emmené au centre de renseignements militaires de Sarfand où on m'a interrogé sans arrêt pendant 100 jours. Ils usaient de violence physique à mon encontre et exerçaient des pressions psychologiques. En gros, l’idée était de me pousser à bout en m’empêchant de dormir et en me privant de nourriture, puis en me soumettant à de longues séances d’interrogatoire qui se poursuivaient sans interruption 8 heures durant, au cours desquelles on me menaçait périodiquement de la gégène et de démolir ma maison. Pas une seule fois je n’ai vu le soleil pendant mon séjour à Sarfand. Ma cellule avait deux mètres de long sur un mètre de large. Il n'y avait pas de sanitaires et j'étais privé de soins médicaux. Après l'interrogatoire, on m'a transféré en Palestine occupée et détenu sept mois seul dans une cellule de la prison de Tibérias parce que j'étais jeune et qu'on ne voulait pas que je me mêle aux adultes. Lorsque j'ai eu 17 ans et demi, j'ai été jugé par un tribunal israélien et condamné en mon absence à 15 ans de prison et lorsque j'ai eu 18 ans, on m'a emmené dans la prison d'Ashkelon.J'ai passé 10 ans en Israël. J'ai grandi en prison en proie à de graves conflits psychologiques face à ce qui m'arrivait. On m'a relâché à l'occasion de l'opération d'échange qui a eu lieu en juin 1998. J'ai maintenant 26 ans et j'essaie de trouver ma voie dans ce monde après avoir été privé par ma détention d'une partie capitale de ma vie et de mon développement."

CHAPITRE XI

LA VIOLENCE CONTRE LES ENFANTS ET LEUR EXPLOITATION SEXUELLE

11.1 Introduction

457. Aborder les problèmes de violence à l'encontre des enfants, ou de leur exploitation sexuelle, c'est pratiquement s'aventurer en territoire interdit, d'autant que l'opinion refuse souvent obstinément de reconnaître ce qu'il en est réellement. Au Liban, comme dans toutes les sociétés similaires, la violence n'est en général pas vue sous un mauvais jour, dans la mesure où elle représente une manifestation de puissance très fréquente. On en est couramment témoin dans la vie quotidienne, par exemple par le prisme des médias, dans la vie familiale et scolaire, dans la vie sociale et politique, voire économique. Qui plus est, les questions sexuelles elles-mêmes s'entourent autant d'un voile de secret qu'elles sont un sujet de conversation tabou.

458. S'agissant des cas de violence et d'exploitation sexuelle (en soi une forme de violence tant physique que morale), il n'est pas surprenant que les enfants en soient les victimes de choix, à double titre : ils sont victimes tout d'abord de l'agression elle-même et ensuite, de la réserve qui s'impose et du silence de rigueur dans ce domaine.

11.2 Les enfants et la violence au sein de la famille

459. En ce qui concerne la violence au sein de la famille, la famille jouit de deux types d'"immunité" qui se complètent l'un l'autre. Le premier, c'est l'immunité assurée par la société, comme on l'a vu plus haut au chapitre premier, la famille représentant un domaine privé dans lequel il est interdit au monde extérieur de s'immiscer. Le second, c'est l'immunité prévue par la loi qui, selon l'article 186 du Code pénal, permet aux parents de "discipliner" leurs enfants (et aux maris de discipliner aussi leurs femmes et les aînés leurs cadets). Cet article est très fort en ce sens qu'il fait simplement allusion à la violence et aux coups en parlant de "discipliner". Par ailleurs, la "coutume" fait que cet article est admis comme faisant légalement autorité et rien n'est fait pour l'adapter à l'esprit du jour en le modifiant. L'article 186 du Code pénal stipule : "La loi autorise : les types de punition infligées, pour les discipliner, aux enfants par leurs parents et leurs enseignants, sanctionnés par la coutume."

11.3 Formes de violence au sein de la famille

460. On peut parler des différentes formes de violence pratiquées sur les enfants par la famille comme autant de violence et d'abandon d'ordre moral, qui se greffent sur la violence physique.

461. La violence morale s'entend de toute réprimande adressée à un enfant par des cris, des insultes ou des atteintes à sa dignité, ainsi que le manque d'attention, le rejet, les accusations, l'aliénation ou les critiques incessantes. Ces types de réprimande se produisent dans les cas où une famille perd le contrôle sur le comportement d'un enfant ou en cas de disputes conjugales constantes, de divorce ou d'éclatement de la famille. On peut aussi les attribuer à une situation économique précaire et à un niveau d'instruction bas et à l'inaptitude de certaines personnes à jouer le rôle qui leur revient naturellement au sein de la famille.

462. L'abandon est la pire forme de violence parce qu'elle perdure dans le temps. Dans ce cas, les liens de l'enfant avec ses parents sont naturellement si négatifs et ténus qu'ils finissent pas se rompre complètement.

Les causes proviennent la plupart du temps de la situation de la famille en termes de précarité économique, de nombre d'enfants, d'état de nécessité matérielle, de pauvreté et de tout problème de santé chez le père ou la mère. De plus, les pressions psychologiques auxquelles la famille est exposée, surtout parmi celles qui sont au chômage, sont des sources de frustration dont les enfants sont les premiers à pâtir.

463. Les formes de violence physique pratiquées sur la personne des enfants varient selon les cicatrices qu'elles laissent sur leur corps et leur développement, leur croissance, leur caractère et leur état psychique. Certaines formes de violence peuvent laisser des traces évidentes et causer des souffrances qui exigent d'être traitées, tandis que d'autres ne laissent que des traces "éphémères" qui disparaissent rapidement : on bouscule les enfants, on les gifle, on leur tire les cheveux, on les égratigne, on les pince, on les mord et on les frappe, on les attache, on leur donne des coups à l'aide d'instruments divers, on leur donne des coups de pied, on les brûle avec de l'eau bouillante, des cigarettes ou des morceaux de charbon 1 .

464.En pareil cas, il est impossible de passer sous silence la conviction que nourrissent les familles comme la société que la violence constitue le meilleur moyen de discipliner les enfants, contrairement aux méthodes modernes, considérées comme complètement inefficaces et traitées avec dérision lors des réunions de famille et d'amis.

11.4 Situation des enfants qui souffrent de la violence au sein de leur famille

465. Il a été question plus haut de l'absence de statistiques détaillées sur la violence familiale pour les raisons déjà indiquées. Les sections ci-après reposent sur diverses enquêtes et récits personnels.

466. Des assistants en santé sociale de la faculté de santé sociale de l'Université du Liban ont étudié un échantillon limité d'enfants âgés de 8 à 12 ans. De cette étude sur le terrain, il ressortait ce qui suit 2  :

La violence physique se pratique dans les familles de tous les milieux et le phénomène n'est pas limité aux seuls groupes défavorisés. Bien au contraire, il est répandu dans toute la société en tant que "méthode de discipline" et les familles y recourent généralement pour éduquer et élever les enfants en croyant obtenir ainsi de bons résultats.

Une proportion élevée des familles des enfants figurant dans l'échantillon s'en tenaient à réprimander verbalement les enfants et à les priver de leurs passe-temps favoris. Dans les pires cas, on les frappait sur la main, ce qui n'occasionnait que rarement des blessures nécessitant des soins médicaux. Les familles n'ont donc pas tendance à recourir à des formes brutales de châtiment à moins d'être sûres que leurs efforts d'éducation ne donnent pas les résultats escomptés par leur effet dissuasif. On insiste sur l'importance pour la famille de faire preuve de modération pour ne pas recourir à des punitions plus dures. Il faudrait noter ici que, selon cette étude, on punissait de la même manière les garçons et les filles.

467. L'étude appelle l'attention sur le fait que la plupart des enfants de l'échantillon qui ont été soumis à ce type de peine physique ne connaissaient rien d'autre et par conséquent considéraient le fait d'être battus comme faisant partie d'une saine discipline que, la plupart du temps, ils acceptaient sans protester. Le risque

ici, c'est que le recours à ce type de peine ne persiste à travers les générations, puisque les enfants s'identifient par la suite à leur famille et adoptent la méthode de discipline qu'ils ont eux-mêmes connue. A long terme, cela crée un cercle vicieux, car des méthodes contestables qui ont un effet néfaste sur la santé mentale, sociale et physique de l'enfant se transmettent inévitablement d'une génération à l'autre.

11.5 Violence contre les enfants à l'école

468.Après la famille, l'école est la deuxième institution à intervenir dans l'éducation des enfants et la personnalité de l'enseignant est souvent assimilée à celle du père ou de la mère dans bien des rôles éducatifs et sociaux. Il ne saurait y en avoir de plus grande preuve que le fait que les parents, comme l'enseignant, sont autorisés à discipliner l'enfant d'après le même article du Code pénal (article 186).

469. L'école use délibérément de violence physique contre les élèves, puisque les enfants peuvent être frappés à l'aide d'une règle ou giflés, qu'on peut leur tirer les oreilles devant leurs condisciples, ce qui ne peut manquer d'avoir des effets délétères au plan psychologique et moral. Il arrive que des instituteurs et directeurs d'école notamment recourent à des formes de violence plus graves encore, en donnant par exemple des coups de pied, en frappant brutalement des élèves ou en les giflant, en les enfermant dans un local ou en les faisant se tenir debout contre un mur de la cour de récréation devant tout le monde.

Récit personnel de Naji, 9 ans, élève d'une école primaire publique

"Tous les instituteurs de notre école, les hommes comme les femmes, nous frappent. J'aimerais que ce soit seulement les institutrices, parce qu'elles tapent moins fort. Les instituteurs ne frappent pas tous de la même façon. Certains nous frappent sur les mains, d'autres nous tapent avec une règle ou un bout de bois, mais le directeur est celui dont nous avons le plus peur. Il nous donne des coups de pied, des coups de bâton ou des claques. Si quelqu'un parle pendant qu'on joue l'hymne national, il nous gifle et nous fait tenir debout contre le mur devant tout le monde.

Naji ne voit rien à redire aux coups pour autant qu'on ne frappe pas trop fort et pense que c'est un bon moyen auquel lui aussi recourt pour obtenir ce qui lui revient : "Mes cousins et moi nous nous sommes ligués contre une autre bande qui nous avait attaqués, nous leur avons donné une bonne raclée à coups de poing. Ils n'ont plus jamais essayé de s'en prendre à nous."

470. A l'école, les mauvais traitements ne se limitent pas exclusivement à des contraintes physiques ou morales. Au contraire, le fait de ne pas utiliser de techniques pédagogiques modernes et la médiocrité des programmes sont une forme de violence continue à l'encontre des élèves qui s'accumule dans leur subconscient et engendre des attitudes négatives et des tensions sans raison immédiate ou apparente.

471. De façon générale, les programmes scolaires et le matériel pédagogique ne tiennent aucun compte des différences entre les élèves, qui demeurent méconnues. Les élèves sont alors contraints de se plier au processus d'inculcation en l'absence de toutes structures éducatives qui leur permettraient de participer à des choix en fonction de leurs affinités et de jouir d'une marge de liberté où se déploieraient leur créativité et leur imagination. Les méthodes d'enseignement suivies dans la plupart des écoles du Liban reposent sur l'inculcation, plutôt que sur la participation. Autocratique, le système scolaire empêche l'élève d'exprimer son point de vue. L'élève qui a des mauvaises notes est d'ailleurs réprimandé, frappé et insulté à titre de punition 3 .

472. Une étude sur le terrain d'élèves du secondaire de premier cycle, effectuée en 1992, montrait ce qui suit :

39 % des élèves étaient frappés sur la main avec une règle;

26 % se faisaient tirer les cheveux et les oreilles;

20 % avaient été giflés au visage au moins une fois;

Quant aux autres, le système les incitait à obéir.

Selon une autre étude :

45 % des élèves du secondaire se faisaient injurier et insulter verbalement par le principal ou un professeur;

26 % des élèves pensaient que le professeur infligeait des punitions sans chercher à savoir qui était le vrai coupable, simplement pour donner libre cours à sa colère;

25 % des élèves pensaient que les professeurs privilégiaient les élèves de familles aisées au détriment des pauvres;

49 % des élèves considéraient les professeurs comme des autocrates, indispensables à leur propre bien 4 .

11.6 La violence dans les médias

473.L'influence des médias, de la télévision en particulier, sur les enfants est un sujet qui prête à controverse. Cet appareil aux vertus hypnotiques a pénétré dans tous les foyers et, d'un bout à l'autre du Liban, n'importe qui peut désormais avoir accès à une multitude de chaînes locales et satellites moyennant un abonnement très bon marché. Enfants comme adultes passent une bonne partie de leur temps libre devant le petit écran faute d'alternative. Aussi est-ce un moyen extrêmement efficace d'influer sur les habitudes et les comportements.

474. Les contrôles et les coutumes en usage en matière d'horaires de diffusion et la classification des émissions en fonction de leur adaptation aux différentes tranches d'âge reviennent à reconnaître explicitement l'impact néfaste que certains programmes, en particulier ceux empreints de violence et de laxisme sont susceptibles d'avoir sur les enfants.

475. Comme dans les pays voisins, l'attitude au Liban envers la protection des enfants contre ces deux phénomènes souffre de deux distorsions :

a) Malgré la rigueur de mise en ce qui concerne la question des scènes osées, la tolérance va de soi quand il s'agit des scènes de violence, nombreuses au moment où passent les émissions et les dessins animés

pour enfants. L'idée qui prévaut, c'est que la violence n'est pas quelque chose de très grave, ce qui veut dire que les enfants ne sont pas à l'abri de scènes de violence à la télévision.

b) La rigueur de mise en ce qui concerne la sexualité dans les médias est telle qu'il n'est fait aucune distinction entre la pornographie et l'éducation sexuelle. Au contraire tout est mis dans le même panier. La protection des enfants prend alors la forme de la prohibition et de la suppression. Les enfants sont donc privés de leur droit à une connaissance scientifique convenable de la sexualité et incités à se tourner vers la pornographie dont on souhaite les protéger, ou à s'adonner à des fantasmes sexuels qui ne les quitteront plus de la vie.

476. Il ressortait d'une étude sur les effets néfastes de la télévision sur les enfants que ceux-ci souffraient :

de cauchemars et de peurs;

d'un sentiment d'agression injustifié;

d'un goût pour les conflits;

d'une tendance à imiter des scènes et à les reproduire sur leurs cadets;

de l'absence de discipline à l'école;

du développement de l'agressivité et d'un manque d'adaptabilité;

de la perte de l'innocence enfantine et d'une tendance à la malveillance 5 .

La télévision et le jeu de la pendaison

Le 20 mai 1998, deux meurtriers ont été condamnés à la peine capitale par pendaison. Ils ont été exécutés en public sur la place de Tabrajah. Aux informations, la télévision a diffusé des images prises de près de la pendaison, que de très nombreux enfants ont vues. Lors des jours qui ont suivi, on a pu lire dans les journaux ce qui suit :1.Des élèves des classes primaires de l'école publique de Taalbayya dans la Beqaa ont reproduit la scène qu'ils avaient regardée sur leur écran de télévision. Ils ont attaché un morceau de corde à l'arbre de la cour de récréation, puis choisi l'une des élèves pour jouer le rôle du criminel. Lorsque la fillette s'est mise à saigner du cou, ils ont appelé à l'aide. Les instituteurs se sont précipités et ont sauvé la fillette.2.Alors qu'ils jouaient dans un village de la région de Nabatiyé, un groupe de jeunes garçons a choisi l'un d'eux, âgé d'à peine 6 ans, pour refaire la scène de l'exécution. Ils ont attaché un bout de corde au plafond d'une maison abandonnée, ont mis l'enfant debout sur une pierre, puis lui ont noué la corde au cou et l'ont poussé. Lorsque la corde s'est resserrée autour de son cou, il a commencé à changer de couleur et les enfants se sont mis à crier. Par hasard, un homme qui passait devant la vieille maison a pu venir au secours du jeune garçon alors qu'il était sur le point d'expirer.

11.7 Exploitation sexuelle des enfants

477. Tôt ou tard dans sa vie, un enfant peut être soumis à toutes sortes d'abus sexuels, considérés comme l'expérience la plus atroce que peut subir un enfant à cause des effets physiques et psychologiques qui peuvent continuer de se faire sentir jusqu'à un stade avancé de la vie et du préjudice éventuel porté à son identité sexuelle.

478. Les abus sexuels commis à l'encontre d'enfants entraînent une intimité sexuelle dont des adultes prennent l'initiative avec des enfants. Tout attouchement ou toute intimité entre un enfant et un adulte relève de cette catégorie, comme la nudité ou le fait d'être déshabillé par un adulte qui veut utiliser l'enfant à des fins d'excitation ou de tournage de films obscènes, de viol, de prostitution ou d'inceste 6 .

11.8 Mesures légales prises pour protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle

479. La législation libanaise, et surtout les articles ci-après du Code pénal, protègent les enfants des abus et de l'exploitation sexuels :

Les articles 505 et 506 concernant le viol;

Les articles 511 à 513 concernant l'imposition de peines plus lourdes dans des cas particuliers, notamment pour une infraction sexuelle sur la personne d'un enfant;

Les articles 518 à 522 concernant la séduction et le déshonneur;

Les articles 523 à 530 concernant l'incitation à un comportement contraire aux bonnes mœurs;

Les articles 531 à 534 concernant l'outrage aux bonnes mœurs et à la pudeur;

Les articles 531 à 536 concernant la prostitution des mineurs.

480. Ces articles stipulent toutes les peines dont les auteurs de crimes sexuels sont passibles et prévoient en général des peines plus lourdes lorsqu'il s'agit d'infractions contre des mineurs. Certains articles visent aussi expressément les mineurs. Il n’existe cependant pas de législation à part pour protéger les enfants des agressions sexuelles.

11.9 Les agressions sexuelles contre les enfants au Liban

481. Les circonstances et les tragédies de la guerre libanaise et sa durée (16 ans) se sont indubitablement traduites par un vaste mouvement de désintégration sociale, de pauvreté, de déplacements, de décès, de crainte pour l’avenir et l’inconnu. Comment alors s’étonner devant la toxicomanie qui s’est répandue et d’autres formes de criminalité, dont les agressions sexuelles contre les enfants, même si l'instabilité politique et l'absence de sécurité ont empêché ces problèmes d'être révélés au grand jour ?

482. Une fois la guerre terminée, le nombre d'allégations dont il a été fait état a augmenté considérablement. Les cas de viols ont triplé en cinq ans par exemple, et l'on a compté 20 fois plus de cas de viols d'enfants. Selon un rapport publié par le ministère de la justice, 1 891 plaintes pour agression sexuelle ont été déposées

auprès des tribunaux en 1990, pour passer à 6 161 en 1994. En 1990, 9,2 % de celles-ci concernaient des agressions contre des enfants (127 fillettes et 39 garçons), pour passer en 1994 à 49,2 % (2 431 fillettes et 612 garçons).

483. Pour le seul mois d'octobre 1996, 62 enfants ont porté plainte pour viol, ce qui donne à penser soit que le nombre de viols a augmenté, soit que les enfants y sont plus sensibilisés.

Infractions sexuelles perpétrées par des mineurs (moins de 18 ans) entre 1993 et 1996

Type d'infraction

1993

1994

1995

1996

Harcèlement

5

5

13

15

Incitation à un comportement contraire aux bonnes mœurs et à la débauche

1

3

3

4

Sodomie

6

25

16

20

Outrage à la pudeur

4

9

9

9

Défloration et viol

2

9

19

7

Adultère ou fornication

2

2

6

1

Racolage

5

2

6

1

Prostitution

7

5

9

2

Racolage et prostitution

3

11

1

1

Total

35

71

82

61

Source : Division des statistiques des Forces de sécurité intérieures.

Infractions sexuelles perpétrées contre des mineurs (moins de 18 ans) entre 1993 et 1996

Type d'infraction

1993

1994

1995

1996

Viol

4

13

38

12

Défloration

9

38

30

17

Racolage et prostitution

12

3

4

4

Outrage à la pudeur

7

14

10

3

Sodomie

12

41

30

19

Harcèlement

5

16

20

25

Enlèvement en vue mariage

9

32

26

34

Adultère ou fornication

-

1

-

1

Total

58

158

158

115

Source : Division des statistiques des Forces de sécurité intérieures.

484. Si l'on examine de plus près les agressions sexuelles sur la personne d'enfants et les relations de parenté entre les intéressés, on constate que, de toute évidence, l'inceste est le type d'agression le plus courant. Le tableau ci-après donne des exemples d'agression sexuelle au sein de la famille.

Exemples d'agressions sexuelles au sein de la famille en 1994

Auteur

Victime

Age

Profession

Lien avec la victime

Age

Sexe

Observations

1

25

Papetier

Membre de la famille

20

Féminin

2

18

Etudiant

Membre de la famille

28

Féminin

3

50

Agriculteur

Membre de la famille

18

Féminin

4

35

Agriculteur

Père

10

Féminin

5

21

Serveur

Frère

14

Féminin

6

17

Agriculteur

Membre de la famille

11

Masculin

7

44

Chômeur

Père

17

Féminin

8

54

Agriculteur

Père

18

Féminin

9

48

Ouvrier du bâtiment

Père

13

Féminin

10

44

Agriculteur

Père

17 et 12

Féminin

Ses filles

Source : Division des statistiques des Forces de sécurité intérieures.

Exemples d'agressions sexuelles au sein de la famille en 1995

Auteur

Victime

Age

Profession

Lien avec la victime

Age

Sexe

Observations

1

55

Ouvrier agricole

Père

15, 22 et 24

Féminin

Ses 3 filles

2

45

Ouvrier agricole

Père

10

Féminin

3

30

Ouvrier agricole

Oncle

15

Masculin

4

19

Etudiant

Membre de la famille

14

Féminin

5

40

Agriculteur

Membre de la famille

13

Féminin

Source : Division des statistiques des Forces de sécurité intérieures.

485. Ces tableaux sont plus parlants que tout commentaire écrit, encore que les chiffres ne révèlent que le sommet de l'iceberg, car la plupart des agressions sexuelles qui sont commises dans la famille demeurent cachées sous un voile de silence.

11.10 Rôle des organismes publics

486. Les forces de sécurité sont chargées d'enquêter sur toutes les plaintes pour agression sexuelle sur la personne d'enfants. La division régionale effectue les enquêtes nécessaires, puis engage des poursuites contre les responsables. Elle tient aussi des dossiers spéciaux sur les criminels et les victimes qui aident à établir des

tableaux et des statistiques sur ce type de crime et l'endroit où ils sont commis, ainsi que sur les poursuites et l'arrestation des membres de réseaux criminels et des mafias du sexe.

487. A l'heure actuelle, les forces de sécurité ont de plus en plus tendance à consacrer une attention spéciale à la sécurité de protection, qui a désormais acquis autant d'importance que la sécurité criminelle, surtout en ce qui concerne la criminalité juvénile. Cependant, pour s'attaquer à cette question épineuse, aux dimensions criminelles, éducatives, psychologiques et sociales multiples, il est indispensable de créer une force de police spécialisée dans les enfants qui renferme des sociologues et des psychologues dans ses rangs et qui soit directement reliée aux institutions gouvernementales et non gouvernementales qui s'occupent d'enfants 7 .

CHAPITRE XII

LES ENFANTS ET LES STUPÉFIANTS, LE TABAC ET L'ALCOOL

12.1 Le Liban et les stupéfiants

488. Au Liban, l'origine du problème de la drogue remonte à l'époque du mandat, au début du siècle, quand certains types de drogues, le haschisch (ou chanvre indien) en particulier, étaient largement cultivés dans certaines régions du nord de la Beqaa. Ces cultures, dans des régions accidentées, loin de la capitale, se sont poursuivies tout au long des dernières décennies, avec cependant des hauts et des bas. Au Liban, le problème est malgré tout d'une nature qui lui est propre en ce sens que ces cultures sont destinées au trafic ou à l'exportation, plutôt qu'à la consommation intérieure. En l'absence quasi totale de tout pouvoir central pendant les années de guerre (1995-1990), cette activité illégale s'est sensiblement développée, car la culture du haschisch était pratiquement la seule activité économique dans le nord de la Beqaa où la plupart des agriculteurs se sont mis à cultiver des plantes interdites.

489. Dans les années 70 et 80 en particulier, de nouveaux phénomènes troublants ont été signalés :

- L'économie des stupéfiants en est venue à représenter une ressource financière et économique importante, dont les miettes bénéficiaient à des milliers d'agriculteurs qui cultivaient le haschisch et le traitaient en vue de son exportation. Il faudrait malgré tout ajouter que les gros trafiquants en étaient les principaux bénéficiaires.

- Vu l'extension de ce type de cultures et leur statut en tant que principale activité économique sur une grande partie du territoire libanais, elles étaient devenues une activité à laquelle participait l'ensemble de la famille, puisqu'il n'y avait rien pour empêcher les enfants et les femmes d'y jouer un rôle aux différents stades.

- Pendant la deuxième moitié des années 80, ce type de cultures s'était diversifié et s'étendait au pavot, plante qui, au Liban, était essentiellement cultivée pour l'exportation et était de meilleur rapport que le haschisch.

- Les longues années de guerre ont aggravé les difficultés sociales et psychologiques qui touchaient les jeunes en particulier. Comme les stupéfiants étaient facilement disponibles dans le pays, la toxicomanie a commencé à se répandre sur une plus grande échelle dans le pays alors qu'il ne s'agissait auparavant que d'un phénomène circonscrit, par rapport à la culture et à l'exportation vers l'étranger.

Avec le développement de la toxicomanie, le problème des stupéfiants est devenu un problème interne, après n'avoir été dans un premier temps qu'un problème extérieur exposant le pays aux pressions de la communauté internationale qui l'exhortait à mettre fin à ces cultures sur son territoire ainsi qu'à l'exportation de ces produits.

12.2 Le cadre législatif

490.Le Liban n'a cessé de se conformer aux conventions internationales relatives aux stupéfiants. Il a répondu à l'appel de l'Organisation des Nations Unies l'engageant à signer la Convention unique sur les substances psychotropes de 1961, approuvée par l'Assemblée nationale conformément à la Loi No 60/1964. Il a aussi signé la Convention sur les substances psychotropes de 1971 (approuvée par l'Assemblée nationale conformément à la Loi No 291/1994) et ratifié la Convention des Nations Unies pour la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 conformément à la Loi No 426/1995. La raison pour laquelle le Liban a tardé à signer ces deux dernières Conventions tenait à la situation de guerre qui entravait l'action législative dans le pays et imposait d'autres priorités.

491. Dans le domaine de la législation nationale, la puissance mandataire avait déjà promulgué le Décret No 193 du 28 août 1934 qui posait des règles spéciales en matière de fabrication, possession, trafic, importation et exportation de stupéfiants. Une fois que le Liban a accédé à l'indépendance en 1943, la question des stupéfiants est demeurée régie par le Code pénal de 1943, en particulier les articles 630 et 631, qui punissaient les infractions de consommation et de trafic de stupéfiants. Elle tombait aussi sous le coup de la Loi du 18 juin 1946 qui interdisait la culture de chanvre indien et de haschisch et soumettait la fabrication, l'extraction et le commerce de stupéfiants à une autorisation préalable. Ces lois sont demeurées en vigueur jusqu'à la promulgation de la Loi sur les stupéfiants et les substances psychotropes No 673 du 16 mars 1997, qui a abrogé la loi de 1946. Il sera fait référence en temps opportun à cette nouvelle loi 1 .

12.3 La dimension sociale et éducative

492.Sur le plan pratique, une fois que les opérations militaires eurent cessé au Liban et que le gouvernement central eut repris ses fonctions, les pouvoirs publics ont pris une mesure radicale en 1992 au regard de la culture de stupéfiants dans le nord de la Beqaa en faisant détruire complètement les champs de haschisch et de pavot et démolir les laboratoires de fabrication de stupéfiants. Cette opération radicale s'est faite en une seule fois et en un temps record par rapport à l'action d'autres Etats qui rencontrent le même genre de problème.

493. Les pouvoirs publics partaient de l'hypothèse qu'une aide non négligeable accompagnerait cette mesure en vue de développer sans tarder des cultures de substitution qui évitent la détérioration des moyens de vie des agriculteurs et des habitants de la région en général. Mais le volume d'assistance requis ne s'est pas matérialisé. Malgré tout, à partir de 1993, le Gouvernement libanais, soucieux de relever le niveau de vie des ménages, a lancé, avec le soutien du PNUD et d'Etats donateurs, un programme intégré de cultures de

substitution et de développement rural dans les districts de Baalbek et de Harmal. Ce programme a eu des résultats relativement satisfaisants, mais les ressources disponibles et la situation ambiante n'ont pas arrêté le déclin des conditions de vie des ménages dans cette région, considérée encore aujourd'hui comme l'une des plus défavorisées du Liban. On peut certainement en dire autant de la condition des enfants dans cette région qui, en raison de cet état de choses, se voient priver de différents services et droits fondamentaux.

494. Il y a lieu de noter malgré tout que les pouvoirs publics ont commencé à s'attaquer à la question des stupéfiants de façon plus sérieuse et objective qu'auparavant dans la mesure où ils ne l'abordent plus simplement sous l'angle de la sécurité et du Code pénal, mais en tenant compte d'autres considérations, économiques, sociales et éducatives. Dans ce contexte et afin de soulager les tensions sociales graves que connaît la région où l'on cultivait autrefois des stupéfiants, l'Assemblée nationale a promulgué la Loi No 666 du 29 décembre 1997, qui proclamait une amnistie générale en faveur des auteurs d'infractions à la législation sur les stupéfiants perpétrées au cours des années précédentes. Ce sont environ 4 000 personnes recherchées par la justice qui en ont profité. La majorité d'entre elles s'étaient adonnées à la culture ou au trafic de stupéfiants pendant les années de guerre 2 .

495. Le principal fait nouveau touchant la condition des enfants toutefois, c'est que l'attitude à l'égard des toxicomanes a changé : considérés naguère comme de simples criminels ou des personnes ayant enfreint la loi, ils sont désormais considérés comme des malades qui ont besoin d'être soignés. Le rôle que des organisations non gouvernementales ont joué pour sensibiliser l'opinion aux dangers des stupéfiants et au traitement des toxicomanes a contribué à cette évolution des mentalités. Le climat international et les organisations internationales qui ont lancé diverses campagnes, tenu des conférences et publié des prospectus visant à lutter contre l'extension de la consommation et le trafic de stupéfiants y sont aussi pour quelque chose. Il ne fait aucun doute que le Liban est tout à fait prêt à s'adapter à cette évolution.

496. Influencée par l'évolution générale et en réponse au besoin de s'attaquer au problème des stupéfiants sur le plan interne, l'Assemblée nationale a approuvé en 1997 une toute nouvelle loi sur les stupéfiants (Loi No 673) dont plusieurs articles assurent la protection et le traitement des enfants auteurs d'infractions (consommation de drogue) et prévoient des peines plus lourdes dans le cas d'infractions perpétrées contre des enfants.

497. L'article 127 de cette loi autorise les tribunaux à surseoir à l'exécution d'une peine infligée à un mineur qui était en possession de drogue, s'en est procuré ou en a acheté pour sa consommation personnelle ou qui en est arrivé de toute évidence à un état d'accoutumance. Elle permet par ailleurs d'exempter un mineur de l'application de la peine à condition que, si besoin est, il soit soumis au traitement et aux soins décrétés par le tribunal. (Par peine, cette loi entend l'emprisonnement pour une période variant de trois mois à trois ans, assorti d'une amende de 2 à 5 millions de livres libanaises; la consommation de stupéfiants est punie d'une peine de prison variant de deux mois à deux ans, assortie d'une amende d'un à trois millions de livres libanaises).

498. Pour assurer aux enfants une plus grande protection contre les infractions en relation avec les stupéfiants, la loi aggrave la peine infligée aux personnes qui s'en rendent coupables et interdit aux tribunaux de reconnaître aux inculpés des circonstances atténuantes dans les cas suivants :

- Si le stupéfiant est donné à un mineur ou à une personne atteinte de troubles mentaux ou si un mineur ou une personne atteinte de troubles mentaux a participé à la commission du crime.

- Si le crime a été commis dans une maison de correction, une école militaire, un établissement de soins, un centre de services sociaux ou tout autre lieu fréquenté par des élèves et des étudiants à des fins éducatives, sportives et sociales ou à proximité immédiate de tels établissements et lieux.

12.4 Evaluation de l'étendue du phénomène

499.Il est difficile de procéder à une évaluation correcte de l'ampleur de la consommation et du trafic de stupéfiants en tant que phénomène national en général et parmi les moins de 18 ans en particulier. Les estimations actuelles sont soit tirées d'enquêtes à partir d'échantillons non représentatifs pour l'ensemble du Liban, soit produites par les organisations non gouvernementales actives dans ce domaine. La question devrait faire partie d'études spéciales qui seront menées à l'échelon national le moment venu. Mais son caractère délicat est l'une des raisons pour lesquelles on ne dispose pas de statistiques ou on n'est en possession que de données inexactes. Les types de stupéfiants les plus couramment consommés par les enfants sont tout d'abord le haschisch, suivi de la cocaïne, de l'héroïne et enfin du LSD.

500. Pour donner une image indirecte de l'étendue du problème, on reproduira ci-dessous des statistiques émanant de la Direction générale des Forces de sécurité intérieures qui incluent le nombre de cas et le nombre de jeunes de moins de 18 ans dont il est établi qu'ils ont commis des infractions à la législation sur les stupéfiants, ventilés par sexe et par gouvernorat entre 1994 et 1997.

Infractions à la législation sur les stupéfiants : contrevenants âgés de moins de 18 ans

Année

Infraction

Nombre de cas

Garçons

Filles

Total

1994

Consommation

374

50

35

85

Trafic

506

107

36

143

1995

Consommation

336

38

1

39

Trafic

385

167

0

167

1996

Consommation

207

155

6

161

Trafic

271

243

57

300

1997

Consommation

126

53

0

53

Trafic

158

34

30

64

Source : Direction centrale des Forces de sécurité intérieures.

501. Ces tableaux illustrent ce qui suit :

a) Le nombre de cas d'infractions pour trafic de stupéfiants est bien supérieur à celui de cas d'infractions pour consommation, bien que logiquement et si l'on veut être réaliste, le nombre de toxicomanes soit supérieur à celui des trafiquants. De ce fait, les efforts déployés au plan légal et de la sécurité, portent surtout sur le trafic, alors que dans le cas de la consommation, ils portent sur l'éducation et le traitement, ce qui donne à penser que l'on s'emploie dans la mesure du possible à veiller à ce que les enfants et les jeunes toxicomanes n'en supportent pas les conséquences légales, ce qui va de pair avec l'approche moderne de la question de la toxicomanie.

b) Le nombre de cas signalés aux organes de sécurité est manifestement supérieur à celui des personnes contre qui des actions en justice sont engagées. Ceci s'explique d'abord par l'absence de preuves ou les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise ou la préférence accordée comme on l'a vu au traitement par rapport aux mesures judiciaires dans le cas des mineurs.

c) Le nombre de cas sur dossier faisait apparaître une tendance à la baisse entre 1994 (374 cas de toxicomanie et 506 de trafic) et 1997 (126 cas de toxicomanie et 158 de trafic), encore que les statistiques pour 1997 sont incomplètes. Cette tendance est un facteur positif.

d) La majorité des infractions à la législation sur les stupéfiants sont commises par des jeunes gens, car le pourcentage de contrevenants de sexe masculin est clairement supérieur à celui des contrevenantes, bien que la proportion de ces dernières reste assez importante.

e) La proportion d'infractions commises dans les différents gouvernorats est de toute évidence irrégulière et change d'une année à l'autre. En 1995 et 1996, un nombre extrêmement élevé d'infractions pour trafic ont été enregistrées dans le Nord, tandis qu'en 1996, des nombres records d'infraction pour consommation de drogue ont été signalés dans la Beqaa; en 1994 c'est Beyrouth qui enregistrait la proportion la plus forte. Aussi est-il difficile de tirer une conclusion générale. Ces écarts peuvent être liés à l'activité particulière des forces de sécurité dans une région donnée et à leur succès dans la capture des membres d'un réseau, mais la raison peut aussi résider ailleurs.

Infractions à la législation sur les stupéfiants : contrevenants âgés de moins de 18 ans, par gouvernorat

Gouvernorat

1994

1995

1996

1997

Consom-mation

Trafic

Consom-mation

Trafic

Consom-mation

Trafic

Consom-mation

Trafic

Beyrouth

39

70

43

15

15

13

27

30

Mont Liban

11

17

4

5

17

69

11

22

Nord

17

7

0

121

21

141

0

0

Beqaa

3

10

12

3

75

45

12

9

Sud

8

33

0

15

32

5

0

0

Inconnu

7

6

0

8

1

4

0

0

Total

85

143

59

167

161

288

50

61

Source : Direction générale des Forces de sécurité intérieure.

f) Pour ce qui est du métier des contrevenants, il est frappant de constater que la majorité d'entre eux sont des travailleurs manuels (du bâtiment, de l'industrie, etc.), alors que les étudiants viennent en second par ordre d'importance. La part des chômeurs est faible par comparaison à ces deux groupes, attendu qu'il faut un minimum de ressources financières pour pouvoir consommer de la drogue et en faire le trafic. Au vu d'articles parus dans la presse quotidienne, on peut conclure que les infractions à la législation sur les stupéfiants sont particulièrement courantes dans les milieux modestes (ouvriers qui sont aussi des mineurs) et les milieux aisés ou de revenu moyen (étudiants, des universités privées en particulier). Cette conclusion repose sur une observation générale, puisqu'on ne peut pas fournir d'estimations exactes.

Infractions à la législation sur les stupéfiants : contrevenants âgés de moins de 18 ans, par profession

Profession

1994

1995

1996

1997

Consom-mation

Trafic

Consom-mation

Trafic

Consom-mation

Trafic

Consom-mation

Trafic

Ouvrier du bâtiment et de l'industrie

33

42

10

45

65

46

27

20

Travailleur dans les secteurs du commerce et des services

9

0

5

28

13

51

15

0

Employé

0

0

4

12

0

2

0

3

Etudiant

10

42

14

55

6

15

8

0

Chômeur

14

5

0

0

1

16

1

30

Agriculteur

0

19

0

0

0

26

0

5

Divers

19

35

5

27

76

95

0

0

Total

85

143

38

167

161

251

51

51

Source : Direction générale des Forces de sécurité intérieures.

g) Les conditions générales dans lesquelles se pose la question ont amené à la conclusion que le phénomène était plus répandu que les chiffres de ces tableaux ne le donnaient à penser, car en plus des informations divulguées dans ce domaine par les organes de sécurité, le nombre de cas signalés qui atteignent le stade d'une enquête poussée ou du procès est bien inférieur au nombre réel pour toutes sortes de raisons sociales et éducatives.

502. Enfin, il faut insister sur l'importance d'une étude de portée nationale pour déterminer l'ampleur du phénomène et relever les caractéristiques des contrevenants, les causes etc. En attendant, les données jusqu'ici disponibles sur la question ne permettent pas d'élaborer une stratégie efficace pour lutter contre ce problème.

12.5 Politique et organes concernés

503.Dans le cadre de l'approche éducative/thérapeutique du problème des stupéfiants, la nouvelle loi a créé une commission chargée de lutter contre la toxicomanie, présidée par un magistrat et composée de représentants du ministère des affaires sociales et de la Direction centrale pour la lutte contre les stupéfiants, en plus d'un médecin du ministère de la santé et d'un représentant d'institutions privées qui s'intéressent à ces questions. La commission a la responsabilité de superviser le traitement des toxicomanes et de prendre les décisions qui s'imposent en matière de traitement après avoir tout d'abord enquêté sur les aspects personnels, sociaux, professionnels et familiaux de la vie du toxicomane. Si elle parvient à la conclusion que le placement d'un toxicomane dans un sanatorium laissera sa famille sans ressources financières, elle peut proposer au ministère des affaires sociales d'accorder à sa famille une allocation mensuelle.

504. Un toxicomane qui persévère dans son traitement se voit décerner un certificat symbolique par la commission qui atteste de sa guérison, auquel cas il est libre de poursuites et le coût de son traitement est pris en charge par les pouvoirs publics. Lorsqu'un patient est remis en liberté, la commission doit aussi décider

d'exiger ou non qu'il consulte un dispensaire psychosocial. La commission continue par ailleurs de se préoccuper du patient après sa libération et l'aide à se réinsérer dans la société.

505. La loi portait aussi création d'un conseil national pour les questions de stupéfiants, présidé par le président du Conseil des ministres. Ce conseil est chargé de formuler une politique nationale de lutte contre la drogue et, en particulier, de promouvoir d'autres cultures et d'organiser des campagnes d'information en vue de sensibiliser l'opinion publique aux dangers des stupéfiants.

506. Il faut malgré tout se souvenir que ces dispositions et les organes qui en sont issus sont de création récente (1997) et que ces dispositions n'ont pas encore été mises en oeuvre, pas plus que ces organes n'ont encore vu le jour dans la pratique. Il demeure qu'en soi ces mesures vont dans la bonne direction.

507. Les organisations non gouvernementales se sont elles aussi rendu compte de la croissance et de l'exacerbation du phénomène survenu pendant les années de guerre, si bien qu'elles ont pris l'initiative de jouer directement un rôle dans ce domaine. A cet effet, une vingtaine d'organisations spécialisées dans la lutte contre la toxicomanie ont été créées, outre les trois centres médicaux spécialisés dans le traitement des toxicomanes. On peut noter cependant que le Liban ne s'est pas encore doté de centre spécialisé dans le traitement des enfants toxicomanes. Pour ce qui est de l'activité de ces organisations, elles portent surtout sur la sensibilisation, l'organisation de conférences et de cours de formation et les soins aux toxicomanes, mais pas spécifiquement des enfants, comme on vient de le signaler.

12.6 Consommation d'alcool et de tabac chez les enfants

508.Contrairement aux stupéfiants, l'alcool et le tabac ne sont pas interdits. Aussi peut-on facilement s'en procurer sur le marché local et les enfants y ont accès sans problèmes. C'est pourquoi il ne suffit pas de dispositions législatives pour protéger correctement les enfants de la consommation de substances nuisibles à leur santé. Au contraire, c'est un problème qui dépend pour une bonne part du rôle joué par l'environnement familial et scolaire, ainsi que par les médias qui peuvent sensibiliser l'opinion et promouvoir des types de comportement et des habitudes contribuant à la prévention d'une consommation excessive d'alcool et de tabac.

509. Pour ce qui est de la consommation d'alcool, il est interdit par les articles 625 et 626 du Code pénal de servir de l'alcool à un mineur de moins de 18 ans, que ce soit dans les bars, les commerces ou ailleurs. L'article 627 interdit aussi aux propriétaires de bars d'employer des jeunes filles ou des femmes de moins de 21 ans, à l'exception des membres de leur famille.

510. Les amendes imposées aux contrevenants sont cependant extrêmement faibles puisqu'elles vont de 10 000 à 20 000 livres libanaises. De plus, rien n'indique qu'elles devraient être revues à la hausse en cas d'infractions répétées à la loi. Elles n'exercent donc pas d'effet dissuasif.

511. Avec un certain effort, il est possible de contrôler le respect de l'obligation faite aux bars de ne pas servir d'alcool aux mineurs. Il est impossible par contre de contrôler les achats d'alcool dans les lieux publics, d'autant que les enfants sont souvent envoyés en courses par leurs parents.

512. Pour ce qui est de la consommation de tabac, conformément aux recommandations de l'OMS, les Ministres de l'intérieur et de la santé ont publié une décision en 1993 interdisant de fumer dans les hôpitaux, les dispensaires, les pharmacies, les cinémas, les clubs sportifs et les lieux d'études dans les écoles et les universités, ainsi que dans les transports en commun. En 1996, sur la proposition du ministère de la santé

publique, le Conseil des Ministres a aussi publié une décision qui interdisait de fumer dans les salles de réunion de tous les bâtiments administratifs, y compris la propre salle de réunion du Conseil.

513. Cela dit, il est plus facile aux enfants de se procurer du tabac que de l'alcool et le même problème se pose pour ce qui est d'en contrôler la consommation par les enfants.

514. Quoiqu'il en soit, la promotion d'habitudes et d'un comportement sains est plus importante lorsqu'il s'agit de lutter contre la consommation d'alcool et le tabagisme chez les enfants. Il faut noter que le climat général au Liban facilite la consommation d'alcool par les mineurs et ce, pour différentes raisons, dont les suivantes :

- Au Liban, les prix des alcools et du tabac sont parmi les moins élevés du monde, ce qui encourage adultes comme mineurs à en consommer en grande quantité.

- Le Liban n'a pas de loi interdisant ou restreignant la publicité pour les alcools et le tabac. Au contraire, il y a plus de promotion commerciale pour ces substances que pour d'autres articles de consommation et la publicité s'adresse avec grand succès aux adolescents et aux jeunes. Elle les incite à une consommation que n'entame pas la décision timide et inefficace de placer en petits caractères sur les paquets de cigarettes et les affiches publicitaires la phrase : "Le ministère de la santé publique vous avertit que fumer est mauvais pour votre santé". On se préoccupe peu de l'éducation sanitaire et les activités récréatives et sportives offertes aux enfants et aux adolescents sont limitées, de même que les autres activités qui seraient susceptibles de diminuer les cas où les enfants recourent à l'alcool ou à la cigarette faute de distractions ou pour imiter les adultes. Au contraire, l'ouverture sans discernement à toutes sortes d'influences culturelles, combinée aux tendances de consommation et d'exhibition parfois distinctifs d'un certain comportement social, crée un environnement propice à la consommation de ces substances qui se trouve ainsi banalisée.

515.Dans ces conditions, l'impact des dispositions législatives dans la lutte contre le problème demeurera minime. L'exactitude de cette conclusion est confirmée par l'observation pratique que les groupes d'adolescents et de jeunes qui sont impliqués dans un travail social et de développement, influencés par les idées modernes de développement, d'environnement et de santé, sont loin de cultiver la même attitude à l'égard du tabac et de l 'alcool.

CHAPITRE XIII

DÉLINQUANCE JUVÉNILE ET SYSTÈME JUDICIAIRE

13.1 Introduction

516.Au Liban, on se préoccupe désormais davantage de ce qui touche à la délinquance juvénile, comme des mesures de protection des jeunes et des poursuites légales engagées à leur encontre. Plusieurs facteurs y ont contribué, dont l'intérêt international croissant pour la question et le fait que cet intérêt pouvait se traduire par des mesures bien spécifiques. En outre, les traditions libanaises de justice et d'action législative allaient dans le sens de la pensée contemporaine. Un rôle important a aussi été joué par l'initiative d'un groupe de magistrats et de jeunes accusés de délinquance issus de milieux sociaux et politiques respectés, qui ont créé en 1936 la Société pour la protection de la jeunesse, considérée comme une institution du service public depuis 1939.

517. L'intérêt porté aux jeunes délinquants et l'attitude des pouvoirs publics et de la société envers eux permettent d'apprécier l'évolution de la culture et des valeurs d'une société, car autrefois, l'attitude à l'égard de ce groupe social était largement négative. Mais l'utilité de ces indicateurs ne se limite pas à l'évaluation des textes de lois, vu qu'ils sont aussi indispensables pour prendre acte du respect plus ou moins scrupuleux de ces textes dans la pratique, notamment en ce qui concerne la création des institutions prévues pour la prestation de soins et d'un suivi.

13.2 Mesures sociales et légales

518. Les partisans de la doctrine pénale classique considèrent la délinquance juvénile comme un type de criminalité et de violation du droit qui appelle une peine proportionnelle au préjudice subi par la société. Mais celle-ci s'est progressivement faite à l'idée qu'il faudrait traiter la délinquance juvénile au moyen d'une supervision et d'une orientation plutôt que par des peines. En conséquence, il était indispensable que les textes de lois pénales relatifs aux jeunes respectent cette idée, tiennent compte de l'âge et de la situation sociale particulière des jeunes et envisagent des procédures spécifiques et des peines moins lourdes susceptibles, le cas échéant, de laisser la place à des mesures d'une autre nature 1 .

519. Des études effectuées tant au plan national qu'au plan international confirment qu'un nombre récurrent de facteurs sociaux, familiaux et économiques se présentent chaque fois que le phénomène de la délinquance juvénile se répand. Moyennant plusieurs études et enquêtes sur le terrain sur la situation des jeunes délinquants, on peut répertorier les facteurs de délinquance suivants (ils ne sont pas énumérés par ordre d'importance) 2  :

- La guerre et les circonstances et les effets de la guerre;

- La pauvreté et l'aggravation des conditions de vie 3 ;

- Les problèmes familiaux : familles éclatées et absence de contrôle familial;

- Les problèmes affectifs : incapacité de l'enfant de s'adapter affectivement à son milieu;

- L'influence du milieu et d'amis délinquants;

- L'ignorance de la part des enfants de ce qui est interdit et des conséquences de la violation du droit, outre l'absence de moyens dissuasifs;

- Le rôle indirect des médias, qui encouragent la violence et la criminalité.

Exemples de délinquance juvénile4

Fadi, 16 ans, Awza'i : Il a trois demi-frères ou sœurs. Son père est chauffeur. Il est analphabète et porte des armes depuis 1989. Il a commis un meurtre après un différend avec un voisin armé. C'est son conflit permanent avec son père qui l'a incité à porter des armes.

Ibrahim, 16 ans, Awza'i : Il a trois frères dont l'un est issu du premier mariage de son père, épicier. A cause de la guerre et d'un différend avec son père, il a quitté la maison pour travailler dans une boulangerie. Après la fermeture de la boulangerie à cause de la guerre, il s'est mis à porter des armes comme ses amis.

Rabi', 16 ans, Sharun : Il a six frères et son père est employé d'entreprise. Victime dans son village de différends familiaux qui se réglaient par les armes, il a été accusé de meurtre.

Hadi, 16 ans, de la banlieue sud : Il a 10 demi-frères. Son père est décédé des suites d'alcoolisme pendant la guerre. Hadi était constamment en conflit avec sa belle-mère et les enfants de celle-ci. Il a commis plusieurs vols qualifiés pour se procurer de l'argent.

Jacques, 15 ans, Ain Rumana : Il a quatre sœurs dont l'aînée est paralysée des suites de la guerre. Son père, petit fonctionnaire, a refusé de le laisser aller à l'école faute de moyens financiers et Jacques a dû choisir entre travailler et quitter la maison. Il a préféré rester dans la caserne voisine. Il a été arrêté alors qu'il essayait de dérober quelque chose dans une voiture.

Ahid, 17 ans, Badaru : Migrant de Kamid Luz dans l'ouest de la Beqaa, son père est sergent dans l'armée et divorcé. A cause de la guerre et de l'absence constante de son père, Ahid s'est acoquiné avec une bande de mauvais garçons. Il a tué l'un de ses amis alors qu'il était en état d'ébriété. Il prend différents types de drogues.

Rabi', 14 ans, Beyrouth : Il a quatre frères. Son père est paralysé et sa mère est morte après avoir été blessée par des éclats d'obus en 1982. Rabi' a passé cinq ans dans un établissement de soins et a alors essayé d'apprendre le tissage des tapis, mais la tentation du vice, la vue d'hommes en armes et son besoin d'argent l'ont poussé à tenter d'entrer par effraction dans une maison pour y voler.

Khalil, 17 ans, Zahlé : Il avait 9 ans lorsqu'il a perdu toute sa famille dans le bombardement de son village. Il n'a pas réussi à retrouver des membres de sa famille qui le recueillent et s'est acoquiné avec une bande qui remplace sa famille décimée.

13.3 Statistiques sur la délinquance

520.Les chiffres ci-dessous sont tirés de dossiers judiciaires et donnent une idée approximative de l'étendue du phénomène de la délinquance des jeunes et de ses caractéristiques. Mais ces chiffres ont été recueillis sans méthode, de façon désorganisée et sans supervision de la part de chercheurs spécialisés dans la collecte et l'analyse des données, d'où leur inexactitude. De plus, ces informations ne sont pas toujours cohérentes. Les conclusions que l'on en tire doivent donc être traitées comme rien de plus que des indications approximatives.

521. Au total, 1 924 affaires ont été inscrites au rôle des tribunaux pour enfants des différents gouvernorats du Liban, dans lesquelles 2 678 jeunes étaient impliqués 5 . La plupart d'entre elles concernent deux gouvernorats, Beyrouth et le Mont Liban, où la concentration de population est la plus forte, suivis du gouvernorat du Nord. Ces chiffres ne permettent pas de tirer des conclusions précises sur les taux de délinquance, car le nombre d'affaires dépend de l'activité des greffes, des forces de sécurité et de divers autres facteurs indépendants des taux de délinquance dans la région concernée. Toutefois, on peut être catégorique sur la répartition des délinquants par sexe, car la délinquance apparaît clairement comme un phénomène masculin, qui touche les garçons à 96,2 % contre 3,8 % de filles.

Nombre total d'affaires et de jeunes concernés entre 1993 et 1996

Gouvernorat

Affaires

Nombre total de jeunes concernés

Garçons

Filles

Nbre

%

Nbre

%

Nbe

%

Nbre

%

Beyrouth

418

21,7

599

22,4

571

95,3

28

4,7

Mont Liban

650

33,8

1 103

37,8

978

96,5

35

3,5

Nord

412

21,4

490

18,3

482

98,4

8

1,6

Beqaa

109

5,7

145

5,4

141

97,2

4

2,8

Nabatiyé

61

3,2

70

2,6

68

97,1

2

2,9

Sud

274

14,2

361

13,5

337

93,4

24

6,6

Liban

1 924

100

2 678

100

2 577

96.2

101

3.8

Source : Société pour la protection de la jeunesse - 60 ans, extrait de dossiers judiciaires.

522. Pour ce qui est de la nationalité des jeunes délinquants, sur un total de 1 845 qui ont été condamnés, 64 % étaient Libanais, 17,7 % Syriens et 10,6 % Palestiniens. Les pourcentages pour les autres nationalités étaient inférieurs, y compris ceux dont la nationalité était à l'examen (3,2 %) et ceux dont la nationalité n'était pas déclarée (1,2 %).

Jeunes condamnés, par nationalité

Nationalité

Total

% du nombre total

Libanaise

1 180

64,0

Syrienne

327

17,7

Palestinienne

195

10,6

Egyptienne

29

1,6

Non déclarée

23

1,2

A l'examen

59

3,2

Diverses

32

1,9

Total

1 845

100

Source : Société pour la protection de la jeunesse - 60 ans, extrait

de dossiers judiciaires.

523.Ces dernières années, le nombre d'affaires est passé de 540, pour 765 jeunes impliqués, en 1993, à 1 007 pour 1 289 jeunes impliqués, en 1996. L'augmentation annuelle du nombre de jeunes délinquants était de 24 % entre 1993 et 1994 et de 28 % l'année suivante, pour se stabiliser sensiblement en 1996, quand une augmentation de 6 % seulement a été enregistrée par rapport à 1995. Le nombre total de jeunes impliqués dans des affaires au cours des quatre années (1993-1996) est malgré tout de 4 216 (encore que l'on puisse compter des récidivistes parmi eux), chiffre élevé.

Evolution du nombre d'affaires et de jeunes concernés, par an (1993-1996)

Année

Affaires

Jeunes

Evolution annuelle en %

1993

540

765

-

1994

775

947

24

1995

938

1 215

28

1996

1 007

1 289

6

1993-1996

3 260

4 216

-

Source : Société pour la protection de la jeunesse - 60 ans, extrait de dossiers judiciaires.

13.4 Types de crimes perpétrés

524. Entre 1993 et 1996, le vol, généralement lié à la dégradation des conditions de vie, a été le type de crime le plus fréquent (représentant environ 51,3 % de l'ensemble des affaires). Mais il y a des caractéristiques frappantes qui méritent d'être explicitées. Premièrement, la proportion de vols qualifiés était de 29,7 %, celle des vols simples, vols à la tire etc. était de 21,6 %. Le vol qualifié est une opération complexe bien plus élaborée que le vol commis au hasard et par opportunisme. En second lieu viennent les préjudices corporels, les insultes, les coups et blessures et l'intimidation (16 %), suivis par le meurtre avec préméditation (6,2 %); les infractions à la législation sur les stupéfiants ne représentent que 2,1 %. de l'ensemble des crimes et délits. Ces chiffres seraient révélateurs d'un climat généralisé de violence et de recours à la force dans la société 6 .

Evolution du nombre d'affaires et de jeunes concernés entre 1993 et 1996

Types de crimes perpétrés par année et en pourcentage du nombre total

Type de crime

1993

1994

1995

1996

Nombre

%

Vol qualifié

667

615

563

542

2 387

92.7

Vol simple, vol à la tire et tentative de vol

562

432

416

324

1 734

21.6

Dommage corporel, insultes, violences physiques, menaces, trouble de la tranquillité publique et port d'arme à feu

213

363

357

353

1 286

16

Meurtre avec préméditation

102

170

133

93

498

2

Entrée clandestine sur le territoire

47

75

100

127

349

4.3

Destruction de récoltes, atteinte à la propriété publique et infractions mineures

46

75

135

72

328

4.1

Contrefaçon et mise en circulation de fausse monnaie, fraude, tromperie et transgression de l'inviolabilité du domicile

73

55

101

67

296

3.7

Tentative de meurtre et incitation au meurtre

85

54

41

43

223

2.8

Attentat à la pudeur

48

49

58

45

200

2.5

Distribution, vol et consommation de stupéfiants

52

37

42

36

167

2.1

Dommages corporels ou accident ayant entraîné la mort

27

65

37

30

159

2

Autres

69

90

81

197

437

5.4

Total

1 961

2 080

2 064

1 930

8 035

100

Source :Société pour la protection de la jeunesse - 60 ans, extrait des casiers judiciaires.

13.5 Les jeunes délinquants au regard de la législation nationale

525.Il a déjà été question de l'attention portée à la question au Liban au niveau officiel et des fondements posés à cet effet dans la législation comme dans la tradition judiciaire. Les principaux textes de lois qui prennent en considération la question de la délinquance juvénile et s'appliquent à un système spécial pour l'examen des cas intéressant les jeunes sont les suivants :

- Décret législatif No 119 du 16 septembre 1983, tel qu'il a été modifié par la Loi No 182 du 22 décembre 1992, loi fondamentale qui prend en considération la protection des jeunes délinquants;

- Décret No 18767 du 21 février 19658 relatif à la création de centres;

- Décret No 16734 du 22 juin 1964 qui réglemente l'emploi dans les établissements de correction.

526. Outre ces textes, il existe dans des textes de lois de caractère général, comme le Code pénal, la Loi sur la procédure pénale, la Loi sur les stupéfiants, la Loi sur le travail, etc., des dispositions applicables aux enfants. Des décrets et résolutions modifient ou réglementent par ailleurs l'application de certains articles des lois susmentionnées.

527. En général, le système judiciaire et la législation nationale présentent les caractéristiques suivantes qui sont compatibles avec l'esprit de la Convention relative aux droits de l'enfant :

a) Des textes de lois et dispositions de procédure pénale concernant les enfants leur garantissent une protection spéciale, distincte de celle accordée aux adultes,

b) Les mesures ou les peines prévues dans la législation applicable aux enfants comportent des mesures éducatives ou des peines réduites;

c) La législation applicable aux enfants part d'un mode d'approche social et psychologique qui transcende la doctrine pénale classique en ce qu'elle assure la participation de la société civile au suivi du problème de la délinquance en conférant directement des responsabilités à la Société pour la protection de la jeunesse (et, dans une moindre mesure, à d'autres organismes sociaux) pour surveiller l'application des mesures adoptées envers les jeunes conformément à des dispositions légales contraignantes.

Extrait du Décret législatif No 119/83

Article premier : Le présent décret législatif s'applique à tout jeune âgé de plus de 7 ans et de moins de 18 ans auteur d'une infraction qui tombe sous le coup de la loi, ou qui se trouve sans abri, en état de mendicité ou susceptible de tomber dans la délinquance ou dont la sécurité, la santé physique ou morale ou l'éducation est en danger. Nul, s'il n'a pas atteint l'âge de 7 ans au moment des faits, ne peut faire l'objet de poursuites.

Article 2 : Les mesures suivantes s'appliquent aux jeunes :

1.Protection;

2.Mise à l'épreuve;

3.Correction;

4.Discipline;

5.Réduction de peine.

13.6 Mesures prescrites pour les jeunes délinquants

528. Un enfant n'a aucune responsabilité légale tant qu'il n'a pas 7 ans révolus, âge minimum de la responsabilité pénale. Différentes instances nationales et internationales estiment que cet âge est trop bas et demandent à ce qu'il soit relevé.

529. Quand un enfant a 7 ans accomplis, sa responsabilité s'accroît progressivement et les mesures suivantes peuvent être prises à son encontre :

1. Protection

530. Les mesures de protection sont les suivantes :

a)Le jeune est remis entre les mains de la personne qui en a la garde ou de son responsable légal;

b) Si ces derniers ne présentent pas des garanties suffisantes, il est remis entre les mains d'un parent ou membre de sa famille;

c) Dans l'hypothèse où aucune des conditions ci-dessus ne peut être remplie, il est remis entre les mains d'un bienfaiteur ou d'une famille en qui on peut avoir confiance.

La philosophie qui préside aux mesures de protection consiste à assurer que l'enfant demeure dans son milieu familial ou en reste aussi proche que possible, auquel cas un représentant de la Société pour la protection de la jeunesse opère régulièrement des contrôles et donne des directives aux personnes auxquelles l'enfant a été confié.

2. Mise à l'épreuve

531. Le jeune mis à l'épreuve est placé sous le contrôle de la Société pour la protection de la jeunesse. La mise à l'épreuve se poursuit sur une période d'un à cinq ans, pendant laquelle la Société soumet régulièrement au tribunal des rapports sur la situation du jeune, le tribunal ayant le pouvoir discrétionnaire de réduire la période de mise à l'épreuve.

3. Correction

532. Le jeune peut se voir astreint à une mesure de correction, c'est-à-dire être placé dans une maison de correction où il est mis à l'épreuve et fait l'objet d'une réadaptation et suit une formation professionnelle.

4. Discipline

533. Par cette mesure, le jeune est placé dans un centre de détention pour jeunes qui lui évite d'être envoyé dans une prison normale, même si la prison fait le nécessaire pour séparer les mineurs des adultes.

5. Réduction de peine

534.Dans ce cas, en raison de son âge, un jeune qui est reconnu coupable conformément au Code pénal est condamné à une peine plus légère que celle à laquelle un adulte aurait été condamné. En particulier, cela signifie qu'une peine de mort ou d'emprisonnement à perpétuité ne peut être prononcée contre quiconque n'a pas 18 ans révolus.

535. Les relations entre le type de crime et l'âge du jeune sont les suivants :

- Entre les âges de 7 et de 18 ans, des mesures de protection sont prises, quelque que soit l'infraction commise;

- Entre les âges de 12 et 15 ans, des mesures de protection sont prises, assorties de mesures de mise à l'épreuve, de correction et de discipline, selon le type d'infraction commise et les conditions dans lesquelles elle a été commise;

- Entre les âges de 15 et 18 ans, des mesures de mise à l'épreuve, de correction et de discipline sont prises, et une peine réduite prononcée selon le type d'infraction commise et les conditions dans lesquelles elle a été commise.

536. Dans la pratique, 31,8 % des verdicts prononcés dans le cas de jeunes délinquants sont des acquittements, des peines avec sursis, des décisions d'incompétence, etc. Quant aux mesures prévues à l'article 2 du Décret législatif No 119, elles peuvent se répartir comme suit :

Mesures de protection : 3,5 % de jeunes remis à leur famille ou aux personnes en ayant la garde;

Mesures de mise à l'épreuve : 7 % de jeunes remis à leur famille et mis à l'épreuve et 0,4 % placés en institution, soit un total de 7,4 %;

Mesures de correction : 2,4 % de jeunes placés dans une maison de correction;

Mesures disciplinaires : 4,9 % des jeunes placés dans un centre de détention pour jeunes, mais dans la pratique, ils sont incarcérés dans une aile à part de la prison, faute de centres adéquats;

Réduction de peine : 27,3 % de jeunes condamnés à une peine de prison.

537. Contrairement à ce que l'on peut supposer, la proportion de peines de prison est sensiblement plus élevée que les condamnations à des mesures disciplinaires et de protection.

Jugements prononcés à l'encontre de jeunes entre 1993 et 1996

1993

1994

1995

1996

Nombre

%

Acquittement, renvoi, peine avec sursis, incompétence

8,9

30,8

31,6

37,7

1 083

31,8

Emprisonnement

4,7

19,2

36,3

29,8

929

37,3

Extinction par prescription

27,9

25,5

9,4

8,1

492

14,4

Période de détention jugée suffisante, relaxe, expulsion du Liban

16,3

6

7,8

6,3

255

7,5

Remise à la famille et mise à l'épreuve ou placement dans une institution

12,4

4,2

8,3

6,9

252

7,4

Placement du jeune dans un centre de détention pour jeunes

12

9,5

0,1

4,4

167

4,9

Remise du mineur à la personne qui en a la garde

8,9

1,6

2,6

4,5

119

3,5

Placement du jeune dans une maison de correction

8,5

2,7

2,2

0,9

81

2,4

Autres

0,4

0,8

1,8

1,2

29

0,8

Total

100

100

100

100

3 407

100

Source :Société pour la protection de la jeunesse - 60 ans, extrait des casiers judiciaires.

13.7 Lacunes et progrès

538. Les textes de lois garantissent les droits essentiels du jeune délinquant traduit en justice conformément au principe de protection et eu égard à l'intérêt supérieur de l'enfant. Outre les points déjà mentionnés, la loi garantit le caractère confidentiel du procès d'un enfant ainsi que la présence des personnes qui en ont la garde, d'avocats et d'un représentant de la Société pour la protection de la jeunesse à toutes les étapes du procès. De plus, elle prévoit qu'un jeune ne peut être interrogé qu'en présence d'un représentant de la Société pour la protection de la jeunesse, que des travailleurs sociaux et des psychologues doivent être invités à présenter des rapports et qu'une enquête doit être faite sur la situation du jeune avant que tout jugement ne soit prononcé. Même si, dans l'ensemble, elles exigent d'être mises constamment à jour, toutes ces dispositions garantissent les droits fondamentaux stipulés dans la Convention relative aux droits de l'enfant.

539. A cet égard, il est indispensable de préciser que les mesures qui devraient dissuader de ne pas respecter la loi manquent d'efficacité et que, comme dans le cas de tous les textes de lois, les amendes imposées aux contrevenants sont trop faibles, car elles ne sont plus réalistes suite à l'inflation des années de guerre. Un autre inconvénient tient à ce que la loi continue de considérer les cas de mendicité et de vagabondage sous l'angle de la sécurité et du Code pénal. De ce fait, mendier et vagabonder sont considérés comme des infractions qui tombent sous le coup du Code pénal, plutôt que comme un problème social dont la victime est le mendiant ou le vagabond.

540. Les principales lacunes néanmoins résident dans le plus ou moins grand respect de ces dispositions par les organes de sécurité officiels et l'appareil judiciaire, ainsi que dans l'inexistence ou le mauvais fonctionnement des institutions prévues. A cet égard, il faudrait noter ce qui suit :

a) Le non-respect dans la pratique de l'obligation faite à un représentant de la Société pour la protection de la jeunesse d'assister à l'interrogatoire préliminaire mené par les forces de sécurité suite à l'arrestation d'un jeune et le non-respect de l'obligation de respecter le caractère confidentiel des procès intentés aux jeunes 7 ;

b) La perte du centre de mise à l'épreuve des jeunes au début de la guerre;

c) La perte de la maison de correction de Jumhur et le transfert de ses fonctions à deux maisons de correction, la première à Fanar, et la seconde à Ba'asir, qui accueille une soixantaine de jeunes;

d) Le fait que le centre de détention pour jeunes n'a pas été créé et le recours à sa place aux prisons ordinaires où les mesures de séparation des jeunes des prisonniers adultes ne suffisent pas;

e) Le manque de ressources, si bien qu'il est impossible de satisfaire aux conditions légales.

541. En revanche, ces dernières années, le Liban a pris un train de mesures positives qui révèlent un intérêt général susceptible de se traduire par un certain nombre de dispositions pratiques. Les médias par exemple se sont mis à manifester de l'intérêt pour la question, auparavant tabou, alors que l'idée que les

parties impliquées dans la justice pour les jeunes devrait recevoir une formation spéciale a commencé à prendre racine.

542. En conséquence, en 1997 et 1998, toutes sortes d'activités ont été organisées en vue de développer l'action judiciaire concernant les jeunes. Grâce à quoi un processus d'interaction fécond entre l'appareil judiciaire d'une part et les experts et travailleurs sociaux de l'autre s'est engagé. Ces activités étaient les suivantes :

a) Premièrement, le 27 novembre 1997, s'est tenu un séminaire spécialement consacré aux droits sociaux et juridiques de l'enfant, à l'intention des agents des forces de sécurité intérieures. Il était organisé en coopération avec la direction générale des forces de sécurité intérieures, l'UNICEF et la Société pour la protection de la jeunesse au Liban. Au total, 19 agents des forces de sécurité intérieures y ont pris part.

b) Deuxièmement, les 3 et 5 avril 1998, un groupe d'études spécial s'est réuni à l'intention des magistrats, des avocats et des travailleurs sociaux, dans le bâtiment des Nations Unies à Beyrouth. Au total, 125 personnes y ont participé. La réunion portait sur les procédures de substitution dans la justice pour les jeunes et notamment sur des études dans lesquelles on faisait des comparaisons avec des pays européens.

c) Troisièmement, du 3 juin au 3 juillet 1998, s'est déroulée une série de séminaires sur les droits de l'enfant et la justice pour les jeunes, qui s'adressaient à des magistrats et travailleurs sociaux stagiaires. Cette activité était organisée en coopération avec l'Institute for Judicial Studies, l'UNICEF, le Human Planet Institute et le Centre des Nations Unies pour la prévention internationale de la criminalité de Vienne. Les participants étaient 44 magistrats stagiaires de deuxième et troisième années de l'Institut d'études judiciaires et 15 femmes de Planet Earth, de la Société pour la protection de la jeunesse et du Mouvement social, engagées auprès de jeunes délinquants.

CHAPITRE XIV

CONCLUSION : OBSERVATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

543. Le Comité des droits de l'enfant a fait un certain nombre d'observations sur le rapport initial du Liban en 1996 et formulé des recommandations qu'il espérait voir adoptées par les autorités nationales compétentes. Ces observations ont été examinées dès leur réception et le Conseil supérieur pour l'enfance a transmis à l'époque les précisions nécessaires demandées quant au fond.

544. Dans le laps de temps qui s'est écoulé entre la communication des précisions en 1996 et la rédaction du présent rapport, de nouvelles mesures ont été prises, souvent en réponse aux recommandations faites par le Comité. En outre, des informations plus précises ont été soumises à la lumière des statistiques nationale set sectorielles compilées.

545. On trouvera récapitulés ci-dessous les principaux résultats et échecs enregistrés suite aux observations du Comité.

546. En ce qui concerne l'existence de politiques et d'un plan national d'action destinés à assurer les droits de l'enfant conformément à la Convention, des mesures d'ordre général, sectoriel, législatif, institutionnel et pratique ont été prises. Le Conseil supérieur pour l'enfance avait aussi mis au point auparavant un plan national d'action, comme il est déjà dit dans le rapport. Mais on ne saurait prétendre qu'un plan national d'action correspondant aux exigences ait pris forme. L'élaboration d'un tel plan est donc l'une des premières tâches auxquelles le Conseil supérieur pour l'enfance se consacrera une fois la dernière main mise au présent rapport national. Ajoutons que le gouvernement et le ministère des affaires sociales, directement intéressé par les questions touchant l'enfance, n'ont cessé d'exprimer une volonté politique ferme d'élaborer un tel plan.

547. Quant à la disponibilité de statistiques et de mécanismes de contrôle et de suivi, on peut confirmer que l'on dispose maintenant d'informations statistiques et qu'il ne se pose plus de problème à cet égard. S'agissant des mécanismes de contrôle et de suivi et des moyens de déterminer des indicateurs, il faut dire qu'un certain nombre de projets gouvernementaux, avec le soutien d'organisations internationales et régionales arabes sont en cours d'exécution, dont des projets tendant à assurer la continuité, la coordination et le développement du courant d'informations, proposant notamment des indicateurs. Pour ce qui est des mécanismes de suivi de l'application de la Convention, les campagnes de sensibilisation, le rôle joué par les médias et les organisations non gouvernementales et l'intérêt manifesté officiellement pour la promotion de la Convention et le respect des droits de l'enfant sont en soi les mécanismes de contrôle et de suivi les plus efficaces. Viennent s'y ajouter les fonctions confiées en la matière au Conseil supérieur pour l'enfance et le contrôle législatif et pratique exercé par la Commission libanaise pour les droits de l'enfant et les organisations non gouvernementales, ce qui n'empêche pas les parties intéressées au Liban de penser qu'il faudrait développer et activer ces mécanismes dans un proche avenir.

548. Des mesures importantes liées à un certain nombre de droits fondamentaux de l'enfant ont été prises. A cet égard, le Liban a atteint, sinon dépassé, les objectifs fixés aux sommets mondiaux pour l'an 2000. Il demeure toutefois des lacunes dans certains domaines, en particulier les domaines non sectoriels. Les progrès sont surtout lents dans tout ce qui touche aux politiques publiques et les questions qui demeurent délicates pour des raisons sans rapport avec les enfants, dont par exemple : les questions de politique économique et les priorités de reconstruction et de dépenses, la Loi sur la nationalité et la

distinction entre femmes et hommes dans l'octroi de la nationalité aux enfants, le nombre de lois relatives au statut personnel et l'incohérence entre elles en raison du caractère confessionnel des relations politiques et des systèmes de représentation, et enfin la combinaison des dimensions politiques et humanitaires du problème des réfugiés palestiniens au Liban et les responsabilités régionales et internationales en ce qui concerne la fourniture des ressources nécessaires pour améliorer leur situation.

549. En conclusion, le bilan global demeure positif. De réels progrès ont été accomplis au Liban dans des domaines essentiels par rapport à des Etats se trouvant dans une situation comparable. De plus, la coopération entre les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales est considérée comme un excellent signe. La plupart des observations et recommandations du Comité des droits de l'enfant ont été prises en considération et dépassées par les progrès réalisés, comme le montrent les indicateurs mentionnés dans le rapport, grâce à la préparation et à l'exécution de projets et de plans, actuellement ou dans un proche avenir. Les priorités nationales doivent cependant cibler les points ci-après :

a) Eliminer les différences régionales et sociales en ce qui concerne les indicateurs de base de la condition des enfants et insister sur l'égalité des chances pour tous;

b) Elargir la portée de l'attention prêtée aux droits de l'enfant au-delà des droits traditionnels, en particulier eu égard au droit de participation :

c) Combler les lacunes dans certains domaines où aucun progrès n'a été réalisé pour des raisons complexes liées aux politiques économiques et d'intérêt général globales;

d) Réaliser des progrès sensibles en termes d'indicateurs quantitatifs et par la suite insister davantage sur la qualité des services et les droits offerts aux enfants;

e) Se préoccuper de créer un environnement national et international qui encourage la survie et le développement des enfants, à commencer par l'application de la résolution 425 (1978) du Conseil de sécurité qui invite Israël à se retirer du Sud-Liban, puis d'examiner les structures et les politiques économiques qui engendrent pauvreté généralisée et disparités.

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