NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/304/Add.79

12 avril 2001

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALECinquante-cinquième session

Examen des rapports prÉsentés par les états partiesconformément à l’article 9 de la Convention

Conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Lettonie*

Le Comité a examiné le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques de la Lettonie (CERD/C/309/Add.1) à ses 1348e et 1349e séances (voir CERD/C/SR.1348 et 1349), tenues les 11 et 12 août 1999. Il a adopté à sa 1367e séance (voir CERD/C/SR.1367), le 23 août 1999, les conclusions suivantes.

A.Introduction

Le Comité se félicite de la présentation, en un même document, du rapport initial et des deuxième et troisième rapports périodiques de la Lettonie, qui ont été rédigés conformément à ses principes directeurs pour l’établissement des rapports. Il prend note également du projet de document de base présenté comme document de travail pour faciliter l’examen du rapport. Il se félicite de l’occasion qui lui est offerte d’engager un dialogue franc et constructif avec l’État partie.

Difficultés et facteurs entravant l’application

de la Convention

Ayant reconquis son indépendance et obtenu la qualité de Membre de l’Organisation des Nations Unies en 1991, l’État partie a entamé un processus de réforme législative au cours d’une période de grande transition économique et politique. Au cours de ce processus, l’État partie est amené à faire face à une situation de relations difficiles entre différents groupes ethniques héritée du passé.

C.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que, malgré les difficultés inhérentes à cette période de transition, l’État partie est parvenu à une stabilité sociale appréciable et a fait d’importants progrès en matière de réforme législative. Il note que la ratification des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme figure au nombre des objectifs premiers que s’est fixés Lettonie. Il se félicite de l’indication donnée par l’État partie selon laquelle les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de même que d’autres traités internationaux, ont valeur constitutionnelle dans la législation nationale et peuvent être directement invoqués devant les tribunaux. Il note également l’inclusion dans la Constitution d’un nouveau chapitre intitulé «Droits fondamentaux de l’homme», qui énumère une grande partie des droits énoncés dans la Convention.

Le Comité note avec satisfaction que l’article 69 du Code pénal interdit et sanctionne la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale ou ethnique, de même que les organisations et individus qui propagent de telles idées.

Le Comité note qu’un certain nombre de restrictions, qui avaient été appliquées à des non-citoyens ont été rapportées, en particulier en ce qui concerne le droit de détenir des biens fonciers et autres, l’accès à l’emploi dans différents secteurs et le droit à la sécurité sociale.

Le Comité se félicite des efforts déployés pour assurer un enseignement dans les langues des minorités et pour fournir les moyens didactiques nécessaires. Il note également les mesures prises pour faciliter l’enseignement de la langue nationale, le letton, aux membres des groupes minoritaires, en particulier aux adultes qui n’ont pas eu la possibilité d’étudier cette langue pendant leur scolarité.

Le Comité se félicite aussi des études comparées qui ont été entreprises, des consultations qui ont eu lieu et des invitations qui ont été adressées aux résidents de Lettonie en vue de tenir un débat national sur des questions telles que les différences de traitement des citoyens et des non-citoyens, la révision de la loi sur la citoyenneté et le document-cadre pour un programme national d’intégration sociale.

Le Comité note avec intérêt que des mesures ont été prises dans le cadre de l’enseignement des droits de l’homme pour faire figurer dans les programmes scolaires aux différents niveaux le culte de la tolérance mutuelle et le respect de l’identité des différents groupes ethniques.

D.Principaux sujets de préoccupation

L’absence d’une disposition juridique définissant explicitement la discrimination raciale, conformément au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention, suscite des préoccupations.

Il est pris acte de la législation adoptée en ce qui concerne l’article 4 de la Convention, mais il est noté avec inquiétude qu’aucun cas de diffusion d’idées fondées sur la supériorité ethnique ou la haine raciale, d’utilisation de termes diffamatoires ou d’incitation à la violence fondée sur de telles idées n’a été porté devant la justice, et qu’aucune organisation impliquée dans de telles activités n’a été interdite, bien que l’existence de tels cas ait été largement rapportée.

Le Comité note que seules les personnes qui possédaient la citoyenneté lettone avant 1940 et leurs descendants bénéficient automatiquement de la citoyenneté, alors que les autres sont tenues de présenter une demande pour l’obtenir. De ce fait, plus de 25 % des résidents, dont un grand nombre appartiennent à des groupes ethniques non lettons, doivent présenter une telle demande et se trouvent en situation de discrimination. Bien que le processus de naturalisation ait récemment été rendu plus accessible pour les personnes âgées et les enfants, il est noté avec inquiétude que les conditions exigées risquent d’être difficiles à satisfaire et que le processus de naturalisation demeure très lent.

Le Comité appelle l’attention sur la situation des personnes qui ne répondent pas aux conditions prévues par la loi sur la citoyenneté et qui ne sont pas immatriculées comme résidents, y compris celles qui quittent temporairement le pays. Il est noté avec inquiétude que ces personnes risquent de n’être pas protégées contre la discrimination raciale dans l’exercice de leurs droits aux termes des paragraphes d) i) et ii) et e) de l’article 5 de la Convention.

Il est pris note avec inquiétude des rapports selon lesquels il existe encore des différences de traitement injustifiées entre les citoyens et les non-citoyens, en particulier les membres des minorités, dans l’exercice des droits énoncés au paragraphe e) de l’article 5 de la Convention.

S’agissant du paragraphe d) i) de l’article 5, il est jugé préoccupant que les passeports des non-citoyens, qui remplacent ceux qui étaient délivrés par l’ex-URSS, soient délivrés à un rythme excessivement lent. Les anciens passeports n’étant plus valables, les personnes qui ne sont pas en possession d’un nouveau passeport letton se trouvent effectivement empêchées de quitter le pays ou, l’ayant quitté, d’y revenir.

Il est noté avec préoccupation que la législation de l’État partie exige l’indication de l’appartenance ethnique d’une personne sur son passeport, ce qui risque d’exposer les membres de certaines minorités à une discrimination fondée sur cette appartenance.

Il est pris note avec inquiétude des difficultés qui entravent le fonctionnement du Bureau national des droits de l’homme, créé en 1996 conformément aux normes internationales relatives aux institutions nationales de défense des droits de l’homme, de telles difficultés ayant des conséquences directes pour l’application de l’article 6 de la Convention.

Il est noté avec inquiétude que l’enseignement dans les langues des minorités risque d’être réduit dans l’avenir proche.

E.Suggestions et recommandations

Le Comité recommande que l’État partie prenne en considération dans sa législation la définition de la discrimination raciale telle qu’elle figure au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention.

Le Comité recommande que l’État partie s’emploie activement à appliquer toutes les dispositions de l’article 4 de la Convention et fasse figurer dans ses rapports futurs des renseignements sur les plaintes reçues et les jugements rendus par les tribunaux.

Le Comité engage l’État partie à rationaliser le processus de naturalisation pour toutes les personnes qui demandent la citoyenneté. Il encourage également l’État partie à examiner la question des critères à satisfaire, de manière à résoudre ce problème le plus tôt possible.

Le Comité recommande que des mesures soient prises pour régulariser dès que possible la situation des personnes qui ne remplissent pas les conditions voulues pour obtenir la citoyenneté et qui n’ont pas la qualité de résidents, afin d’éviter toute discrimination à leur encontre.

Il est également recommandé à l’État partie d’examiner les différences de traitement entre citoyens et non-citoyens, en particulier pour les personnes appartenant à des groupes ethniques, compte tenu des dispositions du paragraphe e) de l’article 5, de manière à éliminer toute différence injustifiée.

Le Comité recommande à l’État partie de réexaminer l’obligation d’inscrire l’appartenance ethnique sur les passeports.

Le Comité attache une grande importance à la solution rapide des problèmes du Bureau national des droits de l’homme et invite l’État partie à s’en préoccuper d’urgence. Il souhaite obtenir dans le prochain rapport périodique de l’État partie des renseignements sur les activités de ce bureau et être informé, en particulier du nombre de cas qui lui ont été soumis, des solutions qu’il a obtenues pour les pétitionnaires et de son rôle dans l’examen de la législation nationale et des nouveaux projets de lois à l’étude dans le domaine des droits de l’homme.

Le Comité engage l’État partie à maintenir la possibilité de recevoir un enseignement dans les langues des divers groupes ethniques ou d’étudier ces langues à différents niveaux du système scolaire, sans que cela porte préjudice à l’enseignement de la langue officielle, ainsi que d’utiliser sa langue maternelle en privé et en public.

Les personnes chargées de l’administration de la justice ayant à s’adapter à un système juridique en rapide évolution, le Comité recommande que l’État partie organise, à titre prioritaire, une formation portant sur les normes internationales des droits de l’homme à l’intention des juges et autres membres de l’autorité judiciaire.

Le Comité recommande qu’une large diffusion soit donnée dans les langues lettone et russe au rapport qui lui a été soumis ainsi qu’aux présentes conclusions.

Le Comité recommande que l’État partie ratifie les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992, à la quatorzième réunion des États parties.

Il est noté que l’État partie n’a pas fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention; certains membres du Comité ont demandé qu’il envisage la possibilité de faire une telle déclaration.

Le Comité recommande que le prochain rapport de l’État partie, qui doit être présenté le 14 mai 1999, constitue une mise à jour et aborde les points soulevés dans les présentes conclusions.

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