Nations Unies

CRC/C/78/D/7/2016

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

9 août 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications concernant la communication no 7/2016 * , **

Communication présentée par :

Z. Y. et J. Y. (représentés par un conseil, N. E. Hansen)

Au nom de :

A. Y.

État partie :

Danemark

Date de la communication :

25 novembre 2016 (date de la lettre initiale)

Date des constatations :

31 mai 2018

Objet :

Expulsion d’une famille avec enfant en Afghanistan, où la famille affirme courir un risque de persécution en raison de sa conversion alléguée à une religion autre que l’islam

Question ( s ) de procédure :

Épuisement des recours internes ; fondement des griefs

Question ( s ) de fond :

Interdiction de la discrimination ; intérêt supérieur de l’enfant ; protection de l’enfant contre toutes formes de violence ou de mauvais traitements

Article(s) de la Convention :

1, 2, 3, 6, 7, 8 et 19

Article(s) du Protocole facultatif :

7 e) et f)

1.1Les auteurs de la communication sont J. Y. et Z. Y., tous deux de nationalité afghane, nés respectivement en 1992 et 1994. Ils agissent au nom de leur fils, A. Y., né en Turquie le 4 février 2014. Les auteurs et leur fils font l’objet d’un arrêté d’expulsion vers l’Afghanistan. Ils affirment que leur expulsion constituerait une violation des droits garantis à A. Y. par les articles 1, 2, 3, 6, 7, 8 et 19 de la Convention. Ils sont représentés par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Danemark le 7 janvier 2016.

1.2.Le 29 novembre 2016, le Groupe de travail chargé des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a demandé à l’État partie de ne pas renvoyer les auteurs et leur fils en Afghanistan tant que leur communication serait à l’examen. Le 6 décembre 2016, l’État partie a décidé de surseoir à l’exécution de la décision d’expulsion visant les auteurs et leur fils.

Exposé des faits

2.1L’auteur (J. Y.) a quitté l’Afghanistan et demandé l’asile à la Norvège en 2009. Pendant son séjour en Norvège, il s’est converti au christianisme. Sa demande d’asile a été rejetée à une date non précisée et il a été expulsé vers Kaboul le 24 avril 2012. Le 19 juillet 2012, J. Y. a déposé une demande d’asile en Suisse, qui a également été rejetée. Le 20 septembre 2012, il a été transféré de Suisse en Norvège, en application du Règlement Dublin III. Le 8 octobre 2012, les autorités norvégiennes l’ont de nouveau expulsé vers l’Afghanistan, où il a rencontré l’auteure (Z. Y.). Les parents de cette dernière ont toutefois refusé de consentir à leur mariage. Quelques mois plus tard, le couple a quitté l’Afghanistan pour la Turquie, où est né leur fils, A. Y.

2.2Le 7 août 2014, les auteurs sont partis pour le Canada pour y demander une protection. Toutefois, ils ont été arrêtés par la Police danoise alors qu’ils étaient en transit à l’aéroport de Copenhague, si bien qu’ils ont déposé une demande d’asile au Danemark. Dans leur demande, les auteurs ont déclaré craindre que l’oncle de Z. Y. ne tue J. Y. parce que le couple avait quitté l’Afghanistan ; que l’auteur ne soit considéré comme un « ennemi de l’État islamique d’Iraq et du Levant » parce qu’il appartenait à l’ethnie Hazara et était de confession musulmane chiite ; et qu’il ne soit tué en raison de sa conversion au christianisme. Ils ont en outre déclaré craindre que l’auteure ne soit tuée par sa famille pour avoir refusé d’épouser son cousin, à qui elle avait été promise en mariage, et pour avoir épousé l’auteur. Le 12 juin 2015, le Service danois de l’immigration a rejeté la demande des auteurs. Le 19 août 2015, cette décision a été confirmée en appel par la Commission de recours des réfugiés. Celle-ci a conclu que les déclarations présentées par les auteurs − au Service de l’immigration et à la Commission − étaient incohérentes, tant à propos du conflit censé les opposer à la famille de l’auteure que des persécutions qu’ils auraient à craindre des Taliban. La Commission a noté que les auteurs avaient vécu en Afghanistan en 2012 sans être nullement inquiétés par les Taliban. Elle a enfin estimé que la conversion de l’auteur n’était pas sincère, étant donné qu’il ne connaissait pas la religion chrétienne, n’allait pas à l’Église et n’avait pas informé son épouse de cette conversion présumée.

2.3Le 29 janvier 2016, les auteurs ont demandé la réouverture de leur dossier et présenté de nouveaux motifs d’asile, fondés sur la conversion de l’auteure au christianisme. Le 11 mars 2016, la Commission de recours des réfugiés a refusé de rouvrir le dossier, jugeant que la conversion de l’auteure n’était pas sincère. Elle a notamment relevé que l’intérêt de cette dernière pour le christianisme ne s’était manifesté qu’au moment où son expulsion était devenue imminente et a rappelé que, lors d’une audience tenue devant la Commission en août 2015, l’auteure avait déclaré être de confession musulmane chiite.

2.4Le 28 mars 2016, l’auteure a déposé une deuxième demande de réouverture du dossier, fondée cette fois encore sur sa conversion au christianisme. Elle a également invoqué une « évolution de la situation des familles avec enfants en Afghanistan » et fait valoir que son fils, A. Y., serait tué parce qu’il serait considéré comme un « enfant illégitime né hors mariage » et comme un chrétien, et parce qu’il n’était pas circoncis. Le 16 août 2016, la Commission a décidé de rouvrir le dossier des auteurs.

2.5Le 9 octobre 2016, Z. Y. et A. Y. ont été baptisés. Les auteurs ont présenté leur certificat de baptême à la Commission de recours des réfugiés avant l’audience.

2.6Le 17 novembre 2016, la Commission a rejeté la demande de réexamen présentée par Z. Y. La Commission a conclu que Z. Y. n’avait pas fourni de nouveaux éléments probants quant à l’authenticité de sa conversion ou de celle de son mari. La Commission a relevé à cet égard que l’auteur avait déclaré au Service de l’immigration en mars 2015 qu’il ne se sentait pas chrétien. Qui plus est, dans la déclaration qu’il avait faite devant la Commission en août 2015, il avait été incapable de donner des précisions sur ses convictions de chrétien et avait dit ne pas aller à l’Église et ne pas connaître les fêtes chrétiennes. Quant à l’auteure, son intérêt pour le christianisme ne s’était manifesté qu’en août 2015, soit au moment où son expulsion était devenue imminente, et elle avait déclaré que c’était son mari, dont la conversion n’avait pas été jugée sincère, qui l’avait persuadée de se convertir. Bien qu’elle ait montré qu’elle possédait quelques connaissances sur le christianisme, la Commission a conclu que sa conversion n’était pas l’expression d’une intime conviction et n’était de ce fait pas sincère.

2.7Les auteurs font observer que les décisions de la Commission ne sont pas susceptibles d’appel devant les juridictions nationales et qu’ils ont par conséquent épuisé tous les recours internes qui leur étaient ouverts.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs dénoncent une violation des droits garantis à leur fils par les articles 1, 2, 3 et 19 de la Convention. Ils font valoir que la Commission de recours de réfugiés n’a pris en considération ni le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ni le principe de non-refoulement, et n’a pas évalué les risques liés à ses conditions de vie en Afghanistan.

3.2Les auteurs affirment que leur fils a fait l’objet d’une discrimination, en violation de l’article 2 de la Convention, parce que son cas n’a été traité que par la Commission, sans possibilité de recours contre la décision prise par celle-ci le 17 novembre 2016.

3.3Les auteurs rappellent qu’en vertu de l’article 19 de la Convention, les États parties ont l’obligation de protéger les enfants contre toute forme d’atteinte ou de violence. Ce faisant, ils doivent toujours prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond de la communication

4.1Dans ses observations datées du 24 mai 2017, l’État partie fait valoir que les griefs des auteurs sont irrecevables ou tout au moins dénués de fondement. Il considère que les auteurs n’ont pas fourni de commencement de preuve, dans la mesure où ils n’ont pas suffisamment étayé le grief selon lequel leur fils serait exposé à un risque réel de préjudice irréparable s’il était renvoyé en Afghanistan et que, par conséquent, ce grief devrait être déclaré irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

4.2L’État partie estime que le grief que les auteurs tirent de l’article 2 de la Convention est manifestement infondé et irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

4.3L’État partie informe le Comité sur la procédure devant la Commission de recours des réfugiés.

4.4L’État partie note que, conformément à l’observation générale no 6 du Comité, les États parties ne devraient pas renvoyer un enfant dans un pays s’il y a des motifs sérieux de croire que cet enfant serait exposé à un risque réel de dommage irréparable, comme ceux envisagés dans les articles 6 et 37 de la Convention, dans ledit pays ou dans tout autre pays vers lequel l’enfant est susceptible d’être transféré ultérieurement. Ce risque devrait être apprécié eu égard à l’âge et au sexe de l’enfant.

4.5L’État partie note que les auteurs n’ont fourni sur leur situation aucune information nouvelle et précise qui diffère des informations déjà présentées à la Commission et appréciées par celle-ci dans sa décision du 17 novembre 2016. Il fait observer que les autorités nationales sont mieux placées pour apprécier non seulement les faits de l’espèce, mais aussi, plus particulièrement, la crédibilité des auteurs, puisqu’elles ont la possibilité d’entendre ces derniers. En l’espèce, la situation particulière des auteurs et de leur fils a été examinée avec soin. Se fondant sur cet examen, la Commission a conclu que les auteurs n’avaient pas démontré qu’il était probable qu’ils soient exposés à un risque de persécution ou de mauvais traitements s’ils étaient renvoyés en Afghanistan. Les auteurs n’ont relevé aucune irrégularité dans la procédure de prise de décisions ni aucun facteur de risque que la Commission aurait omis de prendre dûment en compte.

4.6L’État partie fait observer que le fils des auteurs était âgé de moins de 2 ans lors de l’examen de l’affaire par la Commission et que les motifs de sa demande d’asile étaient indissociables de ceux de ses parents. Sa situation spécifique a par conséquent été évaluée en même temps que celle de ces derniers. La Commission n’ayant pas considéré que le conflit présumé avec la famille de l’auteure était un fait établi, elle a également dû rejeter le grief des parents selon lequel leur fils serait considéré comme un enfant illégitime à son retour en Afghanistan. L’État partie note à cet égard que les auteurs se sont mariés en 2012 et que leur fils est né en février 2014. La Commission a également conclu qu’aucun des auteurs ne s’était effectivement converti. Compte tenu de son âge au moment de la procédure, leur fils n’a pu faire aucune déclaration pendant les entretiens. Dans ce contexte, c’est aux auteurs qu’il incombait de fournir toute information pertinente au nom de leur fils, ce qu’ils n’ont pas fait.

4.7L’État partie note que le fait que la Commission n’ait pas expressément invoqué la Convention dans sa décision ne permet pas de conclure qu’elle n’a pas tenu compte de cet instrument. Il relève que le grief des auteurs selon lequel la Commission n’a pas pris en considération l’intérêt supérieur de leur fils figurait dans la demande de réouverture du dossier qu’ils ont présentée le 28 mars 2016. La Commission disposait donc de ces informations, ainsi que de la version révisée (datée du 6 août 2013) des Principes directeurs du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) relatifs à l’éligibilité dans le cadre de l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile afghans, lorsqu’elle a adopté sa décision du 17 novembre 2016. L’État partie fait observer que la Commission tient dûment compte de la Convention et des autres traités internationaux pertinents, ces instruments jouant un rôle crucial dans son examen des demandes d’asile dans les affaires où des enfants sont en cause.

4.8L’État partie note que la révision par le HCR de ses Principes directeurs relatifs à l’éligibilité n’a porté que sur les critères permettant d’orienter des particuliers vers la possibilité d’une fuite interne. Le HCR a estimé à cet égard que la fuite ou réinstallation interne pouvait être une solution raisonnable si et seulement si l’individu pouvait compter sur le soutien véritable d’un réseau de membres de sa famille (étendue) ou de sa communauté ethnique dans la zone de réinstallation envisagée. Les seules exceptions à cette condition d’aide extérieure étaient les hommes célibataires et valides et les couples mariés en âge de travailler pour lesquels aucun élément de vulnérabilité n’avait été identifié et qui pouvaient, dans certaines circonstances, subsister sans le soutien de leur famille ou de leur communauté dans des zones urbaines et semi-urbaines dotées des infrastructures et des moyens de subsistance nécessaires. Le HCR a remplacé le terme « core family » (famille), utilisé précédemment, par celui de « couples mariés en âge de travailler ». Toutefois, en l’espèce, la Commission a refusé les motifs d’asile présentés par les auteurs parce qu’elle ne pouvait pas accepter comme un fait établi qu’un conflit les opposant aux autorités afghanes ou à des membres de leur famille justifiait l’octroi de l’asile. Les auteurs ne sont par conséquent pas tenus de trouver une possibilité de fuite interne et la modification terminologique introduite dans les Principes directeurs du HCR relatifs à l’éligibilité n’est en l’espèce pas pertinente. Dans sa jurisprudence, la Commission de recours des réfugiés a estimé que la situation en matière de sécurité en Afghanistan n’était pas de nature à justifier à elle seule la délivrance d’un permis de résidence au titre de l’article 7 de la loi danoise relative aux étrangers.

4.9S’agissant des griefs que les auteurs tirent de l’article 2 de la Convention, l’État partie note que la décision du Service de l’immigration de refuser l’asile aux auteurs a fait l’objet d’un recours devant la Commission de recours des réfugiés et que c’est seulement après que celle-ci a rendu sa décision finale que l’auteure a fait valoir de nouveaux motifs d’asile, à savoir qu’elle s’était convertie au christianisme et que son fils et elle-même avaient été baptisés. L’État partie note que, conformément à la jurisprudence de la Commission, la présentation de nouveaux motifs d’asile après que le Service de l’immigration a rendu sa décision n’entraîne pas automatiquement le renvoi du dossier audit service pour un nouvel examen en première instance. Dans la plupart des cas, un tel renvoi n’est pas nécessaire car la Commission est en mesure d’évaluer les nouveaux éléments en toute connaissance de cause à l’audience. Un dossier sera normalement renvoyé au Service de l’immigration si de nouveaux renseignements ont été communiqués sur le pays d’origine du demandeur d’asile ou dans le cas de modifications de la base juridique qui sont jugées essentielles pour la prise de décisions. De plus, un représentant du Service de l’immigration assiste aux audiences de la Commission. Par conséquent, le Service de l’immigration examine la question de savoir s’il existe des motifs d’octroi de l’asile avant que la Commission ne se prononce sur l’affaire. Enfin, aucune disposition de la Convention ne garantit le droit de faire appel dans une affaire de ce type.

4.10L’État partie ajoute que le fils des auteurs n’a fait l’objet d’aucune discrimination fondée sur des considérations de race, de couleur, de sexe ou de religion de l’enfant ou de ses parents, ou sur toute autre situation, qui permettrait d’établir une violation de l’article 2 de la Convention.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Dans leurs observations datées du 14 août 2017, les auteurs notent que la situation en Afghanistan s’est considérablement détériorée depuis la présentation de la communication et évoquent notamment le nombre de victimes parmi les enfants. Ils soulignent que, dans ce contexte, l’Allemagne a décidé de mettre un terme à toutes les expulsions vers l’Afghanistan. Ils font valoir qu’ils sont originaires de la province de Ghazni, qui est le théâtre de violents combats entre les forces gouvernementales et les Taliban, et ajoutent que leur fils n’est jamais allé en Afghanistan et qu’il a besoin d’une protection internationale.

5.2Les auteurs affirment que, même s’il y a lieu de tenir compte de leur propre situation pour évaluer le besoin de protection internationale de leur fils, la situation de ce dernier doit également être prise en compte et son intérêt supérieur devrait être une considération primordiale. Il conviendrait également d’évaluer les conditions sociales et économiques dans lesquelles il serait appelé à vivre en cas de renvoi.

5.3Les auteurs affirment que le renvoi de leur fils en Afghanistan limiterait sérieusement ses possibilités de survie et de développement, en violation des articles 1, 3 et 6 de la Convention. De plus, il souffrirait d’un manque d’accès aux services de santé. Il risquerait en outre d’être séparé de ses parents et de ne pas pouvoir être enregistré en Afghanistan, en violation des articles 7 et 8 de la Convention, respectivement. Les auteurs soutiennent que l’application du principe de non-refoulement ne se limite pas aux articles 6 et 37 de la Convention mais s’étend également aux situations dans lesquelles l’enfant peut être exposé à un risque de « conséquences graves » en cas de renvoi.

5.4 Les auteurs affirment que, même si le nom de leur fils était mentionné dans la décision de la Commission en date du 17 novembre 2016, ladite décision ne contenait pas d’arguments montrant que leur fils pourrait résider en Afghanistan en toute sécurité ou qu’il ne serait pas contraire à son intérêt supérieur de l’expulser ; elle ne renvoyait pas non plus aux dispositions de la Convention, bien que les auteurs aient expressément demandé à la Commission de tenir compte de cet instrument dans sa décision.

Observations complémentaires des parties

6.1Dans ses observations datées du 16 octobre 2017, l’État partie note que les auteurs n’ont pas fourni d’informations nouvelles et précises sur les conflits qu’ils auraient eus en Afghanistan et sur lesquels ils avaient fondé leur demande d’asile.

6.2En ce qui concerne la situation générale en Afghanistan sur le plan de la sécurité, l’État partie insiste sur le fait que, au vu des informations disponibles − notamment les Principes directeurs du HCR relatifs à l’éligibilité − cette situation n’est pas d’une gravité telle qu’elle justifierait à elle seule l’octroi d’un permis de résidence au Danemark. L’État partie cite à ce propos la jurisprudence du Comité des droits de l’homme et de la Cour européenne des droits de l’homme.

6.3L’État partie fait observer que l’obligation de tenir compte des conditions de sûreté et de sécurité et des conditions socioéconomiques dans lesquelles l’enfant aurait à vivre en cas de renvoi ne peut être comprise comme l’obligation de faire en sorte que le demandeur d’asile ait exactement le même niveau de vie que les enfants vivant au Danemark et signifie plutôt que son intégrité physique doit être protégée. La Commission a estimé que les motifs d’asile présentés par les auteurs ne pouvaient pas être considérés comme des faits établis et que les auteurs ne couraient donc pas un risque de persécutions justifiant l’octroi de l’asile. Les articles 3 et 19 de la Convention ont été dûment pris en compte dans l’évaluation effectuée par la Commission, même si celle-ci n’a pas expressément fait mention de « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

6.4En ce qui concerne les nouveaux griefs fondés sur les articles 6, 7 et 8 de la Convention, l’État partie fait observer que les auteurs n’ont fourni aucun argument susceptible de les étayer et qu’ils devraient donc être considérés comme manifestement infondés et irrecevables au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif. L’État partie ajoute que les auteurs peuvent opter pour un retour volontaire assisté, dispositif qui permet de garantir que tous les membres de la famille soient renvoyés ensemble. Enfin, il n’existe aucune raison de supposer que l’enregistrement du fils des auteurs en Afghanistan présenterait des difficultés particulières.

7.Le 17 novembre 2017, les auteurs ont de nouveau fait valoir leurs arguments précédents.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

8.2Le Comité prend note de l’argument des auteurs, qui n’a pas été contesté, selon lequel les décisions de la Commission de recours des réfugiés ne sont pas susceptibles de recours devant les juridictions nationales et, par conséquent, tous les recours internes ont été épuisés s’agissant des griefs fondés sur les articles 1, 3 et 19 de la Convention.

8.3Le Comité note toutefois que les griefs que les auteurs tirent des articles 7 et 8 de la Convention concernant le risque qu’ils soient séparés de leur fils en cas de renvoi et qu’ils ne puissent pas l’enregistrer en Afghanistan n’ont jamais été formulés devant les autorités nationales et que les recours internes n’ont par conséquent pas été épuisés. Le Comité considère donc que ces griefs sont irrecevables au regard de l’article 7 e) du Protocole facultatif.

8.4Le Comité note que le grief que les auteurs tirent de l’article 6 de la Convention selon lequel la survie de leur fils serait menacée n’a jamais été formulé devant les autorités nationales et le déclare par conséquent irrecevable au regard de l’article 7 e) du Protocole facultatif.

8.5Le Comité prend note du grief que les auteurs tirent de l’article 2 de la Convention, selon lequel leur fils a fait l’objet d’une discrimination dans la mesure où son cas n’a été traité que par la Commission de recours des réfugiés, sans aucune possibilité de recours. Le Comité note toutefois que le grief des auteurs est d’ordre général et ne démontre nullement que l’absence de recours contre la décision rendue par la Commission le 17 novembre 2016 serait fondée sur l’origine des auteurs ou de leur fils ou sur tout autre motif de discrimination. Le Comité note que les auteurs n’ont présenté de motifs d’asile concernant spécifiquement leur fils, A. Y., que dans leur deuxième demande de réouverture du dossier, qui a été déposée auprès de la Commission le 28 mars 2016. Le Comité considère par conséquent que ce grief est manifestement infondé et est irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

8.6Enfin, le Comité prend note de l’argument des auteurs selon lequel les droits garantis à leur fils par les articles 1, 3 et 19 ont été violés parce que la Commission n’a tenu compte ni du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ni du principe de non-refoulement.

8.7Le Comité rappelle que l’existence d’un risque de violation grave de la Convention dans l’État d’accueil devrait être appréciée eu égard à l’âge et au sexe de l’enfant, que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale dans les décisions concernant le renvoi d’un enfant, et que ces décisions devraient garantir que l’enfant, à son retour, sera en sécurité, sera correctement pris en charge et jouira de ses droits. La prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être expressément assurée au moyen de procédures individuelles faisant partie intégrante de toute décision administrative ou judiciaire concernant le renvoi d’un enfant.

8.8Le Comité considère que, d’une manière générale, c’est aux organes des États parties qu’il incombe d’examiner et d’apprécier les faits et les éléments de preuve pour déterminer s’il existe un risque de violation grave de la Convention en cas de renvoi, à moins qu’il ne soit établi que cette évaluation a été manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice.

8.9En l’espèce, le Comité note que, dans sa décision du 17 novembre 2016, la Commission de recours des réfugiés a examiné de manière approfondie les motifs d’asile présentés par les auteurs, à savoir leur conversion au christianisme et leur conflit présumé avec la famille de l’auteure en Afghanistan, mais a rejeté ces deux motifs en raison du manque de crédibilité des auteurs. La Commission a estimé que les déclarations des auteurs étaient incohérentes et que leur conversion n’était pas sincère, compte tenu notamment des déclarations de l’auteur qui, en mars 2015, avait déclaré qu’il ne se sentait pas chrétien et n’allait pas à l’Église, des déclarations de l’auteure qui avait affirmé en août 2015 qu’elle était de confession musulmane chiite, du fait qu’elle ne s’était convertie que lorsque son expulsion était devenue imminente, et du fait qu’elle avait déclaré que c’était son mari, dont la conversion n’avait pas été considérée comme sincère, qui l’avait persuadée de se convertir.

8.10Le Comité fait observer que, s’ils sont en désaccord avec les conclusions de la Commission, les auteurs n’ont pas établi que l’appréciation par la Commission des faits et des éléments de preuve qu’ils avaient présentés était arbitraire ou avait constitué un déni de justice.

8.11Le Comité note que la Commission n’a pas expressément examiné le risque de violation de la Convention auquel le fils des auteurs, A. Y., serait exposé en cas de renvoi en Afghanistan ou explicitement pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant dans sa décision concernant le renvoi de la famille.

8.12Nonobstant ce qui précède, le Comité fait observer que, dans les circonstances particulières de l’espèce, les auteurs n’ont présenté aucun argument qui puisse montrer l’existence d’un risque spécifique et personnel de violation grave des droits garantis à A. Y. par la Convention en cas de renvoi. Le Comité note en particulier que les auteurs n’ont pas précisé les raisons pour lesquelles le fait de n’être pas circoncis ou d’être considéré comme un enfant « illégitime » ou « né hors mariage » exposerait leur enfant à ce risque, compte tenu notamment de l’argument de l’État partie, qui n’a pas été contesté, selon lequel les auteurs se sont mariés en 2012 et leur fils est né en 2014. Les auteurs n’ont pas non plus établi l’existence d’un risque distinct et individuel fondé sur le baptême de leur fils, compte tenu de la conclusion selon laquelle la conversion des auteurs n’était pas sincère. Le Comité prend note à cet égard de l’argument de l’État partie qui souligne que, vu le jeune âge d’A. Y. − moins de 2 ans − au moment où l’évaluation des risques a été effectuée, les motifs d’asile fondés sur son baptême étaient indissociables des motifs d’asile des auteurs, et qu’il avait été considéré que la conversion des auteurs n’était pas sincère. Le Comité note également que l’auteur avait été expulsé à deux reprises vers l’Afghanistan en 2012 − après sa conversion présumée − et n’avait eu aucun problème lié à cette conversion.

8.13Compte tenu de ce qui précède, et tout en étant conscient de la détérioration de la situation des droits de l’homme en Afghanistan, le Comité considère que les auteurs n’ont pas établi l’existence d’un risque de violation grave des droits d’A. Y. en cas de renvoi en Afghanistan. Le Comité considère donc que cette partie de la communication n’est pas non plus suffisamment étayée et la déclare irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

9.Le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 7 e) et f) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera transmise aux auteurs de la communication et, pour information, à l’État partie.