Nations Unies

CRC/C/SDN/CO/3-4

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

22 octobre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-cinquième session

13 septembre-1er octobre 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 44 de la Convention

Observations finales: Soudan

1.Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques du Soudan (CRC/C/SDN/3-4) à ses 1560e et 1561e séances (CRC/C/SR.1560 et CRC/C/SR.1561), tenues le 20 septembre 2010, et a adopté à sa 1583e séance, le 1er octobre 2010, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission des troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie ainsi que ses réponses écrites à sa liste des points à traiter (CRC/C/SDN/Q/3-4/Add.1) et se félicite du dialogue constructif mené avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec les observations finales concernant le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SDN/CO/1), adoptées le 8 juin 2007, et au titre du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/SDN/CO/1), adoptées le 1er octobre 2010.

B.Mesures de suivi adoptées et progrès accomplis par l’État partie

4.Le Comité se félicite de la promulgation de la loi sur les enfants (2010), de la loi sur les enfants du Sud-Soudan (2008) et de la loi sur les mutilations génitales féminines du Kordofan méridional (2008).

5.Le Comité se félicite aussi de la ratification, le 30 juillet 2005, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

6.Le Comité est conscient des grandes difficultés économiques auxquelles se heurtent l’État partie et sa population, enfants compris, compte tenu des nombreuses années de conflit armé qu’ont subies les régions est, nord et sud du pays.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

7.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour mettre en œuvre les observations finales qu’il a adoptées en octobre 2002 (CRC/C/15/Add.190) à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie. Il regrette toutefois qu’un bon nombre de ces préoccupations et recommandations n’aient reçu qu’une suite insuffisante ou partielle.

8. Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures requises pour donner suite aux recommandations figurant dans les observations finales sur son deuxième rapport périodique qui n’ont pas encore été mises en œuvre ou qui l’ont été insuffisamment, dont celles concernant la diffusion et la formation (par. 22), l’allocation de ressources (par. 12), les structures de suivi (par. 16), la définition de l’enfant (par. 24), la non-discrimination (par. 26), le nom et la nationalité (par. 33), la maltraitance et les violences (par. 35) et les pratiques traditionnelles néfastes (par. 47). Le Comité recommande également à l’État partie de donner une suite adéquate aux recommandations contenues dans les présentes observations finales.

Législation

9.Le Comité se félicite de la promulgation de la loi sur les enfants (2010) mais constate toutefois avec inquiétude que l’État partie n’a pas encore institué de cadre réglementaire et politique pour en assurer la mise en œuvre dans les faits. Le Comité note avec une inquiétude particulière qu’un ensemble complet de textes d’application fait défaut et que bon nombre d’organismes publics sont dans l’incapacité d’appliquer la loi sur les enfants, faute d’avoir reçu les instructions nécessaires du Conseil national pour la protection de l’enfance.

10. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’adopter un cadre réglementaire et politique exhaustif, notamment des textes d’application, afin de faciliter la mise en œuvre de la loi sur les enfants (2010);

b) D’adresser de toute urgence les instructions nécessaires à tous les organismes publics intéressés afin de leur permettre d’appliquer la loi sur les enfants;

c) De prendre des mesures efficaces pour surveiller l’application de la loi sur les enfants (2010), notamment de créer un mécanisme national et intersectoriel de suivi.

Coordination

11.Le Comité constate avec préoccupation que le Conseil national pour la protection de l’enfance, institué en 1990 pour coordonner les actions de mise en œuvre de la Convention, n’a pris aucune mesure efficace pour remplir sa mission, en partie en raison de ressources humaines et financières insuffisantes et par manque de soutien politique.

12. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer le Conseil national pour la protection de l’enfance et de développer la coordination à tous les niveaux de l’État, y compris aux niveaux régional et local. Le Comité recommande aussi à l’État partie de doter tous les mécanismes de coordination de ressources humaines, financières et techniques requises pour leur permettre d’assumer leurs fonctions.

Plan d’action national

13.Le Comité prend acte des informations communiquées par l’État partie indiquant que deux plans d’action nationaux ont été adoptés, l’un pour combattre la violence envers les enfants (2007-2011) et l’autre pour mettre un terme aux mutilations génitales féminines (2007-2018). Il demeure néanmoins préoccupé par l’absence de plan d’action complet et axé sur les droits visant à assurer la mise en œuvre effective et intégrale de la Convention.

14. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer un plan d’action national pour la mise en œuvre des droits de l’enfant et d’adopter une approche de la mise en œuvre de la Convention qui soit holistique et centrée sur les droits de l’enfant. L’État partie devrait envisager de solliciter l’assistance technique du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) à cet effet.

Mécanisme indépendant de surveillance

15.Tout en se félicitant de l’adoption de la loi nationale relative à la Commission des droits de l’homme, en avril 2009, le Comité note avec préoccupation que la Commission des droits de l’homme n’a pas encore été établie et qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de mécanisme national indépendant chargé de suivre la mise en œuvre de la Convention, de recevoir les plaintes relatives à des violations des droits de l’enfant et de prendre les mesures correctives qui s’imposent.

16. Le Comité engage l’État partie à mettre en place la Commission nationale des droits de l’homme, dont la représentation devrait être assurée aux niveaux national, régional et local, en veill ant à sa conformité avec les principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris, résolution de l’Assemblée générale 48/134). L’État partie devrait en particulier veiller à ce que la Commission nationale des droits de l’homme soit habilitée à recevoir les plaintes relatives aux violations des droits de l’enfant et à y donner suite et dotée des ressources humaines et financières propres à garantir son indépendance et son efficacité.

Allocation de ressources

17.Le Comité constate avec préoccupation que les ressources financières allouées à la protection et à la promotion des droits de l’enfant sont loin de suffire et prend note avec préoccupation des informations fournies par l’État partie indiquant qu’aucune dotation budgétaire spécifique n’a été affectée à la mise en œuvre des droits de l’enfant. Le Comité s’inquiète de la place marginale des dépenses sociales, qu’illustre le montant considérable des dépenses militaires par rapport aux crédits à la santé et à l’éducation.

18. À la lumière des articles 2, 3 et 6 de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D’établir de toute urgence des priorités en matière de crédits budgétaires qui garantissent la réalisation des droits de l’enfant dans toute la mesure des ressources disponibles;

b) D’assurer une répartition équilibrée des ressources sur l’ensemble du territoire, en veillant à ce qu’elles soient consacrées en priorité à la lutte contre la pauvreté chez les enfants; et

c) D’introduire un système de suivi des ressources dans l’optique des droits de l’enfant dans le but d’assurer un contrôle des allocations de ressources à l’enfance.

Collecte de données

19.Le Comité note, que selon les informations fournies par l’État partie, un centre national pour l’information sur l’enfance est en cours de création au sein du Conseil national pour la protection de l’enfance, mais est préoccupé par l’absence de système de collecte de données centralisé dans l’État partie. Il constate que cette absence se traduit par un manque de données à jour et ventilées sur nombre de domaines visés par la Convention, notamment les enfants handicapés, les enfants des rues, les enfants touchés par le VIH/sida, la mortalité chez les enfants et la traite des enfants.

20. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mettre en pace un système exhaustif de collecte des données afin d’assurer la collecte et l’analyse systématique de données ventilées, notamment, par âge, sexe, zone géographique et contexte socioéconomique;

b) De se servir des données recueillies pour formuler des politiques d’application de la Convention et évaluer les progrès sur la voie de la réalisation de cet objectif; et

c) De solliciter à cet effet l’assistance des organismes et programmes compétents des Nations Unies , dont l’UNICEF.

Diffusion et sensibilisation

21.Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie concernant les réunions, séminaires et autres activités organisés pour faire connaître la Convention, le Comité constate avec préoccupation que les efforts de diffusion de la Convention n’ont pas été systématiques et que ses dispositions restent de ce fait peu connues du grand public.

22. Le Comité engage l’État partie à:

a) Diffuser largement la Convention dans toutes les langues vernaculaires, pour veiller à ce que ses dispositions soient largement connues et comprises par les enfants, leurs parents et toute autre personne appelée à s’occuper d’eux;

b) Intégrer les droits de l’homme et les droits de l’enfant dans les programmes scolaires à tous les niveaux;

c) Encourager la participation des médias aux efforts de diffusion des principes et dispositions de la Convention; et

d) Solliciter le soutien actif des notables locaux, dont les chefs religieux et communautaires, aux initiatives de sensibilisation.

Formation

23.Le Comité relève avec préoccupation que la formation relative aux principes et dispositions de la Convention dispensée aux magistrats, avocats, policiers et autres professionnels travaillant dans le domaine des droits de l’enfant demeure insuffisante et que pour bon nombre d’entre eux cette formation est même inexistante.

24. Le Comité engage l’État partie à redoubler d’efforts pour assurer une formation aux catégories professionnelles travaillant avec et pour des enfants, en s’attachant à ce que les droits de l’enfant en fassent partie intégrante.

Coopération avec la société civile

25.Le Comité s’inquiète vivement des restrictions auxquelles sont soumises certaines organisations de la société civile et regrette, en particulier, les sévères restrictions imposées au fonctionnement des organisations non gouvernementales (ONG) internationales et nationales, notamment celles travaillant dans les domaines des droits de l’homme et de l’assistance humanitaire aux enfants. Le Comité note aussi avec inquiétude que les organisations de la société civile n’ont pas été associées au suivi des précédentes observations finales du Comité et n’ont pas suffisamment pu exposer leurs vues lors de l’élaboration du document regroupant les troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie.

26. Le Comité recommande vivement à l’État partie de respecter le rôle essentiel que doit jouer la société civile dans la poursuite de la mise en œuvre de la Convention et à cette fin l’engage:

a) À lever les restrictions imposées aux organisations de la société civile et aux ONG travaillant dans les domaines des droits de l’homme et de l’assistance humanitaire; et

b) À intensifier sa coopération avec les organisations de la société civile et à les associer systématiquement à tous les stades de la mi se en œuvre de la Convention, y  compris l’élaboration des rapports périodiques.

2.Définition de l’enfant (art. 1er de la Convention)

27.Tout en notant avec satisfaction que la loi sur les enfants (2010) définit l’enfant comme toute personne âgée de moins de 18 ans, le Comité s’inquiète du manque de cohérence de la législation et de la pratique en matière de définition de l’enfant dans l’État partie. Il constate en particulier que dans les faits une personne est considérée adulte dès qu’elle a, entre autres, atteint la puberté conformément à la loi islamique dans le nord de l’État partie ou à la coutume dans d’autres régions du pays. Le Comité souligne que cette détermination incorrecte de l’enfance a de graves incidences sur la protection des droits de l’enfant, s’agissant en particulier de la justice des mineurs et des mariages précoces.

28. Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer la loi sur les enfants (2010) partout sur son territoire. Il lui recommande aussi d’harmoniser sa législation et sa pratique en la matière avec la Convention.

3.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination

29.Le Comité s’inquiète des inégalités économiques marquées entre les régions nord et sud de l’État partie, ainsi que de la discrimination dont souffrent les Soudanais du sud et non musulmans dans tous les domaines, y compris la vie sociale et politique, et de la discrimination ethnique. Le Comité s’inquiète tout particulièrement des retombées de cette situation sur l’exercice des droits énoncés dans la Convention par les enfants appartenant à ces groupes.

30. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures propres à éliminer les inégalités économiques et les disparités régionales et de veiller à ce que tous les enfants soient protégés contre la discrimination, pour quelque motif que ce soit, notamment la discrimination religieuse, ethnique ou raciale.

31.Le Comité s’alarme de la discrimination sociétale dont souffrent encore les femmes non mariées et les enfants nés hors mariage.

32. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces, y compris d’ordre législatif, pour remédier à la discrimination envers les enfants nés hors mariage et envers les femmes non mariées. Il encourage l’État partie à mener des programmes de sensibilisation à ce problème, en collaboration avec des organisations de la société civile et les chefs religieux ou communautaires.

Respect de l’opinion de l’enfant

33.Face à la prédominance des idées traditionnelles sur les droits de l’enfant, le Comité craint que les opinions des enfants ne soient pas suffisamment prises en considération et que le respect de ces opinions ne demeure limité, tant au sein de la famille qu’à l’école, devant les tribunaux ou les autorités administratives et dans la société en général.

34.Eu égard à son Observation générale n o  12 (2009) concernant le droit de l’enfant d’être entendu, le Comité recommande à l’État partie de favoriser la pleine mise en œuvre du droit de l’enfant de prendre une part active aux décisions qui concernent son bien-être au sein de sa famille, à l’école, devant les tribunaux, devant les autorités administratives et dans la société en général. L’État partie devrait aussi intégrer ce droit dans tous ses politiques et programmes touchant à l’enfance et accorder un rang de priorité élevé à la sensibilisation du public et des professionnels travaillant dans le domaine des droits de l’enfant.

Droit à la vie, survie et développement

35.Le Comité constate avec alarme qu’en dépit de l’adoption de la loi sur les enfants (2010), qui interdit de condamner un enfant à la peine capitale, en vertu de l’article 36 de la Constitution transitoire la peine de mort peut être imposée à des personnes de moins de 18 ans dans le cas des crimes sanctionnés par la rétribution ou les houdoud. Le Comité s’inquiète aussi d’informations récentes indiquant que l’on continue à condamner des enfants à mort. Le Comité rappelle à l’État partie que l’application de la peine de mort à des enfants constitue une grave violation des articles 6 et 37 a) de la Convention.

36. Le Comité engage l’État partie à veiller à ce qu’aucun enfant ne soit condamné à mort, y compris dans le cas des crimes sanctionnés par la rétribution ou les houdoud, et de commuer en une peine de substitution appropriée toute peine capitale déjà prononcée contre une personne de moins de 18 ans.

4.Droits et libertés civils (art. 7, 8, 13 à 17, 19 et 37 a) de la Convention)

Enregistrement des naissances

37.Le Comité note avec préoccupation que même si la loi sur les enfants (2010) et la loi sur les enfants du Sud-Soudan (2008) prévoient l’enregistrement gratuit des naissances, le coût du service est dans la pratique inabordable pour la plupart des familles. Le Comité note aussi avec préoccupation que les services d’enregistrement des naissances sont inadéquats et que, dans l’ensemble, la population ignore l’importance que revêt l’enregistrement des naissances, en conséquence de quoi de nombreux enfants ne sont pas inscrits à l’état civil. Le Comité regrette le manque d’information sur l’exécution et l’impact du plan de l’État partie visant à améliorer l’enregistrement des naissances, mentionné au paragraphe 72 de son rapport.

38. Le Comité recommande à l’État partie, en vue d’améliorer les taux d’enregistrement des naissances:

a) De veiller à ce que l’enregistrement des naissances soit gratuit et obligatoire dans la pratique;

b) De mettre en place des services d’enregistrement des naissances, y compris des unités mobiles, au niveau des localités, des communautés et des villages;

c) De mener, avec le soutien actif des responsables communautaires, des campagnes de sensibilisation en faveur de l’enregistrement des naissances;

d) De fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements sur l’exécution et l’impact de son plan visant à améliorer les taux d’enregistrement des naissances.

Châtiments corporels

39.Le Comité note que la loi sur les enfants (2010) interdit les châtiments corporels à l’école et qu’un plan national de lutte contre la violence intitulé «Un Soudan digne des enfants» a été adopté. Le Comité constate toutefois avec une profonde préoccupation que les châtiments corporels, en particulier les coups de bâton et de fouet, sont pratique courante dans les écoles, au sein des familles, dans le système judiciaire et dans les prisons.

40.Eu égard à son Observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser la pratique des châtiments corporels, en particulier à:

a) Interdire expressément par une loi les châtiments corporels dans tous les cadres, veiller à l’application effective de la loi et poursuivre les infracteurs;

b) Veiller à ce que dans les écoles la discipline soit assurée dans le respect de la dignité de l’enfant, comme le veut l’article 28 2) de la Convention; et

c) Mener des campagnes d’éducation, de sensibilisation et de mobilisation sociale contre les effets nuisibles des châtiments corporels en vue de faire évoluer les mentalités dans ce domaine et de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d’éducation.

Suivi de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants

41. Eu égard à l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants (A/61/299), le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre toutes les mesures requises pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans l’Étude, en tenant compte des résultats et recommandations des consultations régionales pour l’Afrique occidentale et centrale (tenues à Bamako du 23 au 25 mai 2005). Le Comité recommande en particulier à l’État partie d’accorder une attention spéciale aux recommandations ci-après:

Interdire toutes les formes de violence à l’encontre des enfants;

Renforcer les engagements et les actions aux niveaux national et local;

Promouvoir les valeurs de non-violence et la sensibilisation;

Renforcer les compétences de tous ceux travaillant avec et pour les enfants;

Mettre en cause les responsables et faire cesser l’impunité;

b) De faire des recommandations de l’Étude un instrument d’action en partenariat avec la société civile et, notamment, avec la participation des enfants afin d’assurer la protection de chaque enfant contre toutes formes de violence physique, sexuelle et psychologique, et de donner l’impulsion nécessaire à des actions concrètes assorties d’un échéancier pour prévenir les violences et les sévices de ce type et les combattre; et

c) De solliciter à cet effet une coopération technique auprès du Représentant spécial du Secrétaire général sur la violence à l’encontre des enfants, du HCDH, de l’UNICEF, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’autres organismes intéressés, dont l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ainsi que d’ONG partenaires.

5.Environnement familial et protection de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2); 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4) et 39 de la Convention)

Environnement familial

42.Le Comité relève avec préoccupation l’absence d’informations détaillées sur le soutien financier et les services dont disposent les familles monoparentales.

43. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour fournir un soutien financier et des services aux familles monoparentales et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur l’impact de ces mesures.

Enfants privés de milieu familial

44.Le Comité note avec inquiétude que de nombreux bébés sont abandonnés dans l’État partie. Il note aussi avec inquiétude que dans l’État partie les structures de protection de remplacement sont inadéquates, que ces structures assurent une prise en charge médiocre et que le nombre de «familles d’accueil d’urgence» disponibles est faible. Le Comité note avec une vive inquiétude que, entre autres, par manque de personnel de santé qualifié et d’équipements et de fournitures, le taux de mortalité des enfants est extrêmement élevé à l’orphelinat de Maygoma, à Khartoum.

45. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’amplifier ses efforts, y compris d’ordre législatif, en vue de protéger les enfants contre l’abandon;

b) D’étendre le système de protection de remplacement et de fournir aux familles d’accueil un soutien financier et autre adapté afin d’encourager davantage de familles à accueillir sous leur toit des enfants privés d’environnement familial;

c) D’établir des mécanismes de contrôle, d’inspection et d’évaluation pour veiller à la qualité des structures de protection de remplacement;

d) De prendre des mesures efficaces pour réduire le taux de mortalité des enfants à l’orphelinat de Maygoma et y améliorer la qualité des soins en la dotant de tout le personnel qualifié et des équipements et fournitures requis; et

e) De tenir compte des Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, figurant dans la résolution 64/142 de l’Assemblée générale, adoptée le 20 novembre 2009.

Adoption et kafalah

46.Le Comité s’inquiète de la pratique consistant à placer les bébés abandonnés d’abord dans une institution puis dans un foyer familial d’urgence (provisoire) avant leur intégration dans une famille d’accueil définitive (kafalah). Le Comité note avec une vive inquiétude que l’évaluation, la formation et la supervision du personnel des institutions comme des familles ne sont pas définies et gérées avec clarté. Il souligne en outre que les jeunes enfants ont besoin de continuité, de stabilité et d’attachement aux personnes prenant soin d’eux, ce que ne garantit pas le système actuel.

47. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre toutes les mesures envisageables possibles pour assurer le placement dans leur famille biologique des bébés nés hors mariage ou abandonnés pour toute autre raison;

b) De mettre en place un cadre et un programme clairs afin de garantir que l es bébés abandonnés soient placés dès que possible dans la famille dans laquelle ils grandiront, dans un souci de stabilité et de continuité;

c) De limiter au minimum les placements en institution et en orphelinat et de placer directement les enfants dans une famille, de préférence leur famille d’adoption ( kafalah ); et

d) De veiller, dans la mesure du possible, au respect de l’identité culturelle de l’enfant.

6.Santé de base et protection sociale (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26 et 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

48.Le Comité note que selon les informations communiquées par l’État partie diverses mesures ont été prises pour mettre en œuvre les droits des personnes handicapées, dont l’adoption d’une politique nationale du handicap. Il constate cependant avec préoccupation l’absence de cadre réglementaire exhaustif assurant la prise en considération du handicap dans l’aménagement urbain, le secteur des services sociaux et la protection globale des droits de l’enfant. Il s’inquiète aussi de l’exclusion dont souffrent les enfants handicapés en matières sociale, éducative et autres ainsi que de leur accès limité aux services essentiels.

49. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’assurer la prise en considération des droits des enfants handicapés tant dans la législation que dans les politiques adoptées dans tous les domaines des droits de l’enfant;

b) De prendre des mesures efficaces pour combattre l’isolement, la stigmatisation sociale et les autres formes de discrimination dans tous les domaines, y compris à l’école, dans le cadre d’une politique globale d’insertion;

c) De garantir l’accès équitable des enfants handicapés aux services essentiels, y compris la santé et l’éducation; et

d) De mener, avec le concours des médias, des organisations de la société civile et des chefs communautaires, des programmes de sensibilisation aux droits des enfants handicapés et de lutte contre la discrimination envers ces enfants.

Santé et services de santé

50.Le Comité note avec préoccupation que l’accès aux soins de santé est limité dans l’État partie et, en particulier, que les structures de soins de santé primaires et les dispensaires sont mal dotés en personnel, manquent d’équipements médicaux essentiels et que leurs médecins doivent assurer la prise en charge d’un nombre extrêmement élevé de personnes. Le Comité relève à ce sujet que la situation est particulièrement grave dans l’État du Darfour-Ouest et au Sud-Soudan en raison des destructions de structures médicales et d’hôpitaux dans ces régions imputables aux conflits armés.

51. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre des mesures efficaces pour améliorer l ’ accès aux soins de santé, en particulier dans les zones rurales et reculées, et pour remettre en état l ’ infrastructure de santé au Darfour et au Sud-Soudan;

b) De veiller à ce que les services de santé soient conformes aux normes en affectant des ressources financières suffisantes au secteur de la santé et en mettant à disposition du personnel médical qualifié, y compris dans les zones rurales et reculées;

c) D ’ envisager de constituer, à titre provisoire, un réseau de structures mobiles de soins de santé dans les zones affectées par les conflits.

52.Le Comité s’alarme des taux élevés de mortalité infantile et juvénile, en particulier au Sud-Soudan et au Darfour imputables, notamment, aux maladies d’origine hydrique, au paludisme et aux infections respiratoires aiguës. Il relève que cette situation est exacerbée par la faiblesse des ressources humaines et des capacités institutionnelles ainsi que par l’insuffisance des crédits affectés aux secteurs sociaux.

53. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De veiller à ce que t ous les enfants, en particulier ceux du Sud-Soudan et du Darfour, régions les plus durement touchées, aient accès à des soins de santé primaire s ;

b) D ’ axer ses efforts sur la définition et l ’ exécution d ’ une politique nationale visant à garantir une approche intégrée et pluridimensionnelle du développement du jeune enfant, en portant une attention particulière à la lutte contre les maladies évitables, à la malnutrition et à l ’ approvisionnement en eau potable;

c) De renforcer les ressources humaines et les capacités institutionnelles dans le domaine du développement du jeune enfant et d ’ allouer des fonds suffisants à cet effet; et

d) De solliciter l ’ assistance technique du PNUD, de l ’ UNICEF et d ’ autres partenaires concernés.

Santé des adolescents

54.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’as pas été assez attentif aux problèmes de santé procréative et mentale des adolescents et que le rapport de l’État partie manque d’informations sur la santé des adolescents. Il est préoccupé également par la prévalence des grossesses d’adolescentes dans l’État partie.

55. Eu égard à l ’ Observation générale n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l ’ adolescent (CRC/GC/2003/4), le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De réaliser une étude approfondie visant à déterminer la nature et l ’ ampleur des problèmes de santé des adolescents, avec la pleine participation des adolescents, et de se fonder sur ses résultats pour élaborer des politiques et programmes axés sur la santé des adolescents, en portant une attention particulière à la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles; et

b) De solliciter l ’ assistance technique d ’ organisations internationales ayant des compétences en matière de santé des adolescents, notamment l ’ OMS et l ’ UNICEF.

Pratiques traditionnelles néfastes

56.Le Comité note avec inquiétude que les mutilations génitales féminines demeurent répandues dans le nord du pays, malgré l’adoption du Plan national pour la protection de l’enfance (2007-2011). Il relève avec inquiétude qu’alors que la loi sur les enfants du Sud-Soudan (2008) et la loi sur les mutilations génitales féminines du Kordofan méridional (2008) interdisent et incriminent les mutilations génitales féminines, cette pratique n’est pas interdite par la loi sur les enfants (2010). Le Comité prend également note avec inquiétude de la prévalence des mariages précoces et forcés des filles, lesquels nuisent fréquemment à leur santé, à leur éducation et à leur développement social.

57. À la lumière du paragraphe 3 de l ’ article 24 de la Convention, le Comité engage l ’ État partie:

a) À légiférer au niveau fédéral pour interdire expressément les mutilations génitales féminines et les mariages précoces et à veiller à ce que le texte adopté soit appliqué dans la pratique;

b) À intensifier ses programmes d ’ éducation et de sensibilisation aux effets préjudiciables des mariages précoces et forcés et des mu tilations génitales féminines;

c) À prendre en considération les recommandations formulées par les ONG spécialisées dans ces domaines ainsi que celles des chefs religieux modérés.

VIH/sida

58.Le Comité constate que les taux de prévalence du VIH/sida demeurent faibles dans l’État partie, mais s’inquiète de leur montée, en particulier au Sud-Soudan. Compte tenu, entre autres, de la forte prévalence élevée du VIH/sida dans les pays voisins, des forts taux de migration dans la région et de la faiblesse du taux d’alphabétisation, le Comité s’inquiète de la méconnaissance du VIH/sida et de ses modes de transmission, en particulier chez les adolescents.

59. Le Comité recommande à l ’ État partie, compte tenu de son Observation générale n o 3 sur le VIH/sida et les droits de l ’ enfant (2003) ainsi que de ses Directives internationales concernant le VIH/sida et les droits de l ’ homme (E/CN.4/1997/37):

a) De prendre des mesures efficaces, en collaboration avec la société civile et les chefs religieux et communautaires, en vue de sensibiliser les adolescents au VIH/sida, en particulier ceux appartenant à des groupes vulnérables et à haut risque, ainsi que la population en général; et

b) De solliciter l ’ assistance technique du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et de l ’ UNICEF, entre autres.

Niveau de vie

60.Le Comité note avec inquiétude que la grande majorité des Soudanais, en particulier dans les zones rurales et reculées, n’a pas facilement accès à l’eau potable et à des équipements d’assainissement satisfaisants. Le Comité s’inquiète plus particulièrement des informations indiquant que jusqu’à 40 % des écoles primaires du nord du Soudan n’ont ni eau ni assainissement. Il note avec inquiétude que les conditions de vie des enfants des familles vivant dans l’extrême pauvreté nuisent grandement au développement holistique des capacités de ces enfants que préconise le paragraphe 2 de l’article 27 de la Convention.

61. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attacher à garantir la facilité d ’ accès à l ’ eau potable et à des équipements d ’ assainissement satisfaisants, en particulier dans les zones rurales et reculées. Il lui recommande aussi de mettre en place des programmes ciblés en faveur du développement de l ’ enfant, ciblant spécialement ceux qui vivent dans la pauvreté durant leurs jeunes années.

Enfants vivant en prison avec leur mère

62.Le Comité note avec inquiétude que bon nombre des femmes détenues dans les prisons du Sud-Soudan et de Khartoum gardent leurs enfants avec elles, dans des conditions difficiles, et s’inquiète des informations signalant que des enfants sont restés en prison après l’exécution de leur mère en application d’une condamnation à mort.

63. Le Comité recommande vigoureusement à l ’ État partie:

a) De prendre d ’ urgence des mesures pr opres à assurer aux enfants en prison vivant avec leur mère des conditions de vie, dont l ’ accès aux services de santé et d ’ éducation, adaptés au développement physique, mental, moral et social de l ’ enfant, conformément à l ’ article 27 de la Convention;

b) De préférer, chaque fois que possible, des mesures de substitution à l ’ emprisonnement pour les femmes enceintes et les mères d ’ enfants en bas âge;

c) De faire en sorte que les professionnels de l ’ enfance concernés tiennent soigneusement compte, en toute indépendance, du principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant avant et pendant leur placement auprès de leur mère en prison;

d) De veiller à ce que tous les enfants dont les mères ont été exécutées soient remis en liberté dans un environnement sûr; et

e) De solliciter l ’ assistance technique de l ’ UNICEF et d ’ autres partenaires compétents en la matière.

7.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31 de la Convention)

Éducation, y compris formation et orientation professionnelles

64.Le Comité constate avec une profonde inquiétude que du fait du conflit armé prolongé et de l’instabilité persistante, la majorité des enfants du Sud-Soudan ne reçoivent pas d’éducation primaire ou secondaire. Il prend note avec inquiétude de l’extrême faiblesse des crédits budgétaires affectés à l’éducation, qui se traduit par une pénurie d’enseignants qualifiés, une infrastructure scolaire médiocre et un manque chronique de fournitures et d’équipements. Le Comité relève en outre avec inquiétude que de nombreux enfants sont contraints de travailler hors du foyer familial pour gagner de quoi payer leurs frais de scolarité. Le Comité s’inquiète aussi des possibilités limitées de suivre un enseignement primaire, ainsi que de l’impossibilité de suivre un enseignement secondaire dans les camps de personnes déplacées du Darfour.

65. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à consacrer des ressources financières adéquates au secteur de l ’ éducation, en particulier au Sud-Soudan et au Darfour. L ’ État partie est en particulier engagé à axer ses efforts sur les points suivants:

a) Veiller à ce que l ’ enseignement primaire soit gratuit et l ’ enseignement secondaire disponible et accessible pour tous les enfants;

b) Reconstruire l ’ infrastructure endommagée, dont les bâtiments scolaires et les équipements d ’ assainissement;

c) Redoubler d ’ efforts pour augmenter les dotations en personnel qualifié et garantir un approvisionnement suffisant en matériel et équipement; et

d) Assurer l ’ accès à l ’ enseignement primaire et secondaire à tous les enfants vivant dans les camps de personnes déplacées au Darfour.

66.Le Comité note avec préoccupation que les taux de scolarisation et de réussite scolaire demeurent extrêmement faibles, dans le primaire comme dans le secondaire, dans l’État partie dans son ensemble. Il constate aussi avec préoccupation que de nombreuses filles ne sont pas scolarisées à cause de différents facteurs, dont le faible degré de priorité généralement accordée à l’éducation des filles, les mariages précoces et la pauvreté. Le Comité regrette le manque d’informations sur l’enseignement professionnel et les possibilités de formation accessibles aux enfants dans l’État partie.

67. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir à tous les enfants l ’ accès à un enseignement primaire gratuit et à une éducation secondaire abordable. Ces mesures devraient:

a) Viser à remédier à la faiblesse des taux de scolarisation et de réussite scolaire;

b) Tenir compte de l ’ effet de la pauvreté et des disparités en termes de revenus sur la réalisation du droit à l ’ éducation;

c) Accorder toute l ’ attention voulue à la vulnérabilité particulière des filles et au rôle que joue la conception traditionnelle de la place des femmes et des filles dans la société;

d) Prévoir des programmes à long terme visant à sensibiliser à l ’ importance de l ’ éducation et des droits de tous les enfants en la matière;

e) Mettre en place des structures éducatives pour la petite enfance, en particulier en faveur des enfants issus de milieux défavorisés; et

f) Instituer des services d ’ enseignement et de formation professionnelle afin de mieux préparer les enfants au marché de l ’ emploi et au travail qualifié.

8.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32 à 36, 37 b) à d) et 38 à 40 de la Convention)

Enfants demandeurs d’asile et enfants réfugiés

68.Le Comité note avec préoccupation que la loi sur l’asile de 1974 ne prévoit pas de procédures spécifiques en matière de détermination du statut de réfugié et ne tient pas compte de la vulnérabilité et des besoins particuliers des enfants demandeurs d’asile. Le Comité relève en particulier avec préoccupation que selon certaines informations, le Commissaire aux réfugiés rejette systématiquement les demandes d’asile présentées par des enfants érythréens de moins de 14 ans.

69. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la loi sur l ’ asile pour la mettre en conformité avec le droit international des réfugiés et y inclure des procédures spécifiques de détermination du statut de réfugié et des mesures pour répondre aux besoins spécifiques des enfants demandeurs d ’ asile. L ’ État partie devrait en particulier veiller au respect du principe de non-refoulement dans toutes les décisions concernant des enfants demandeurs d ’ asile. Le Comité encourage l ’ État partie à solliciter à cet égard l ’ assistance technique du HCR.

70.Le Comité note avec préoccupation que dans l’État partie les enfants réfugiés et les enfants demandeurs d’asile sont particulièrement exposés, entre autres, à l’exploitation, à la maltraitance, à la traite et au trafic d’êtres humains. Il note aussi avec préoccupation qu’en raison, pour une part, de la politique de l’État partie consistant à imposer à tous les demandeurs d’asile et réfugiés, y compris les enfants, de vivre dans un camp, ils n’ont que peu de chances de s’intégrer à la société soudanaise et ont un accès limité à l’éducation, ce qui aboutit fréquemment à des mariages précoces et au travail des enfants.

71. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De veiller, y compris en légiférant, à ce que les enfants réfugiés et demandeurs d ’ asile bénéficient d ’ une protection effective contre toutes les formes de sévices, négligences et exploitation, ainsi que d ’ un accès à l ’ éducation, aux soins de santé et aux autres services essentiels;

b) De fournir un appui pour faciliter l ’ intégration des enfants réfugiés et demandeurs d ’ asile dans la société soudanaise; et

c) D ’ envisager de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Les enfants dans les conflits armés

72.Le Comité constate avec une profonde inquiétude que des civils, dont des enfants, continuent à être tués, mutilés et déplacés du fait du conflit armé au Darfour. Il s’inquiète en particulier des attaques délibérées et de l’usage excessif de la force contre les civils, notamment avec le bombardement aérien de villages et de diverses infrastructures civiles par des milices ayant le soutien du Gouvernement et par les forces de sécurité gouvernementales, ainsi que par des groupes armés. Le Comité prend note avec une vive inquiétude de la forte incidence des viols et autres formes de violences sexuelles à l’encontre d’enfants, ainsi que du recrutement d’enfants par des groupes armés et leur implication dans les hostilités. Il relève aussi avec inquiétude qu’en dépit de la création de tribunaux spéciaux pour le Darfour, les responsables des graves violations des droits de l’homme commises dans le cadre de ce conflit ne sont pas mis en cause.

73. Soulignant qu ’ il incombe au premier chef à l ’ État partie de garantir protection et secours à tous les enfants affectés par un conflit armé sur son territoire, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De respecter les règles applicables du droit international humanitaire, notamment les principes de proportionnalité et de distinction, et de les faire respecter par toutes les parties au conflit armé au Darfour;

b) De prendre des mesures efficaces en vue de protéger les enfants contre des violations graves des droits de l ’ homme, dont les viols et autres violences sexuelles, notamment en déployant du personnel de police supplémentaire au Darfour, en enquêtant minutieusement sur les cas de violation des droits de l ’ homme et en poursuivant sans complaisance les auteurs;

c) D ’ intensifier ses efforts contre l ’ enrôlement d ’ enfants dans les groupes armés et leur utilisation dans les hostilités, notamment en adoptant un plan d ’ action conforme aux résolutions 1539 (2004), 1612 (2005) et 1882 (2009) du Conseil de sécurité de l ’ ONU;

d) De resserrer sa coopération avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés afin de donner effet aux résolutions 1539 (2004), 1612 (2005) et 1882 (2009) du Conseil sur son territoire ; et

e) De mettre en place, en collaboration avec les organisations de la société civile et les organisations internationales, un système complet de soutien psychosocial et d ’ assistance aux enfants touchés par le conflit, en particulier aux enfants soldats et aux enfants déplacés ou réfugiés non accompagnés.

74.Le Comité s’inquiète de l’augmentation du nombre de conflits armés localisés et d’affrontements intertribaux, souvent caractérisés par des attaques de civils, en particulier de femmes et d’enfants, au Sud-Soudan. Il note avec une vive inquiétude que l’Armée de résistance du Seigneur continue à perpétrer des violences dans la région, notamment de graves violations des droits de l’homme à l’encontre d’enfants. Le Comité note avec inquiétude que le climat d’insécurité est aggravé par l’incapacité de l’État partie à mettre en cause les responsables de violation des droits de l’homme, à endiguer la prolifération des armes de petit calibre et d’autres armes et à maintenir l’ordre public.

75. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour:

a) Protéger les enfants contre les violations de leurs droits de l ’ homme par des groupes armés actifs dans la région ainsi que dans le contexte d ’ affrontements armés intertribaux, notamment en déployant du personnel de police supplémentaire, en menant des enquêtes approfondies sur tous les cas de violation des droits de l ’ homme et en poursuivant leurs auteurs sans complaisance;

b) Allouer suffisamment de ressources financières au Gouvernement du Sud-Soudan en vue de la création de services de police et de sécurité qualifiés et compétents aptes à faire face avec efficacité à des troubles;

c) Endiguer la prolifération des armes, en particulier des armes de petit calibre, dans tout le Sud-Soudan.

76.Le Comité s’alarme du nombre élevé d’attaques armées contre les travailleurs humanitaires et le personnel de l’Opération hybride Union africaine/Nations Unies au Darfour (MINUAD) et de la Mission des Nations Unies au Soudan. Il relève avec inquiétude que parmi ces attaques on a recensé des attaques directes contre du personnel de maintien de la paix de la MINUAD et des enlèvements de personnel des organismes internationaux de secours. Il relève aussi avec inquiétude qu’aucune action concrète n’a été entreprise pour mettre un terme à ces attaques ou en poursuivre les auteurs.

77. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures propres à garantir, conformément au droit international humanitaire et au droit international des droits de l ’ homme, le respect du personnel humanitaire et du personnel de maintien de la paix par toutes les parties au conflit du Darfour. Le Comité engage l ’ État partie à veiller à ce que toutes les attaques de ce type donnent lieu à des enquêtes approfondies et à ce que leurs auteurs soient traduits en justice sans délai.

Exploitation économique et travail des enfants

78.Le Comité note avec préoccupation que le travail des enfants est répandu dans l’État partie, de nombreux enfants étant en particulier employés en usine, comme domestiques, dans le secteur agricole ou dans l’économie informelle. Il constate aussi avec préoccupation que la législation ne limite pas les secteurs d’activité, entreprises ou types de travaux dans lesquels les enfants peuvent être employés et que les enfants ne sont pas assez protégés contre l’affectation à des travaux dangereux. Le Comité s’alarme des enlèvements d’enfants aux fins de travail forcé et de l’impunité dont les auteurs de ces actes jouissent de facto.

79. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre des mesures législatives et autres en vue de protéger les enfants contre le travail forcé, notamment en enquêtant avec diligence sur les cas d ’ enlèvement et de travail forcé et en poursuivant les infracteurs;

b) De prendre les dispositions requises pour arracher des enfants à des situations de travail forcé;

c) De remédier aux causes profondes de l’exploitation économique des enfants, notamment en adoptant et menant une stratégie d’éradication de la pauvreté;

d) De renforcer les moyens financiers et humains de l’inspection du travail;

e) De faire le maximum, notamment par une action de prévention, pour que les enfants qui travaillent le fassent conformément aux normes internationales, ne travaillent pas dans des conditions qui leur soient préjudiciables, bénéficient d ’ un salaire décent et des autres avantages liés au travail et continuent d ’ avoir accès à l ’ éducation formelle et aux autres possibilités d ’ épanouissement.

Enfants des rues

80.Le Comité relève avec inquiétude que les grandes villes, dont Khartoum, comptent de nombreux enfants des rues, qui sont autant d’enfants vulnérables aux violences sexuelles et à diverses formes d’exploitation et de violence. Le Comité prend aussi note avec inquiétude des informations selon lesquelles les enfants des rues sont fréquemment arrêtés, emprisonnés ou envoyés dans des camps fermés tels que ceux de Tybah et d’Elrashad. Le Comité regrette l’absence d’information sur l’impact de mesures telles que l’Initiative de protection de l’enfance et la Stratégie nationale pour la lutte contre le vagabondage, mentionnées aux paragraphes 314 à 316 du rapport de l’État partie.

81. Le Comité recommande vigoureusement à l’État partie de s’employer à:

a) Remédier aux causes profondes du phénomène des enfants des rues;

b) Protéger les enfants des rues contre les violences, ainsi que contre toutes les formes d’exploitation, dont l’exploitation sexuelle;

c) Veiller à ce que les enfants des rues ne soient pas traités comme des délinquants, soumis à des violences par les policiers ou placés en détention;

d) Faire libérer tous les enfants envoyés dans un camp fermé ou autre lieu de détention et faciliter leur réunification avec leur famille, si possible;

e) Veiller à ce que tous les enfants arrêtés soient traités dans le respect de leur dignité, conformément à l’ article 40 de la Convention;

f) Assurer aux enfants des rues l’accès aux soins de santé, services éducatifs et autres services sociaux essentiels auxquels ils ont droit en vertu de la Convention.

82. Le Comité invite l’État partie à fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur la mise en œuvre des mesures mentionnées aux paragraphes 314 à 316 de son rapport périodique.

Exploitation et sévices sexuels

83.Le Comité salue l’État partie pour ses efforts tendant à combattre et incriminer les sévices sexuels à enfant par le canal de la loi sur les enfants (2010). Il constate toutefois avec inquiétude que les sévices sexuels à enfant demeurent répandus, et largement ignorés dans le contexte familial. Le Comité note également avec inquiétude que les filles sont particulièrement vulnérables aux violences sexuelles.

84. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De s’employer efficacement à protéger les enfants contre les sévices sexuels, notamment par des interventions précoces, en tenant compte de la vulnérabilité particulière des filles;

b) De mener des enquêtes approfondies sur les cas de sévices sexuels à enfant et de poursuivre leurs auteurs;

c) De veiller à ce que les professionnels appelés à s’occuper des enfants victimes potentielles ou avérées de sévices sexuels reçoivent une formation adaptée en matière de protection de l’enfance, de services de conseil et de droits de l’enfant;

d) De faire en sorte que les enfants victimes de sévices reçoivent une aide à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale; et

e) De mener aux niveaux national et local des campagnes de sensibilisation à long terme, en consultation avec les chefs religieux et communautaires et les organisations de la société civile, sur la prévalence et les séquelles des sévices sexuels à enfants ainsi que sur la vulnérabilité particulière des filles dans ce domaine.

Vente et enlèvement

85.Le Comité note avec inquiétude la prévalence de la pratique de l’enlèvement d’enfants, en particulier dans le contexte de conflits intertribaux au Sud-Soudan, ainsi que l’enrôlement forcé d’enfants dans des groupes armés. Il note aussi avec inquiétude que les filles enlevées par des groupes armés, en particulier l’Armée de résistance du Seigneur, le sont fréquemment à des fins d’esclavage sexuel.

86. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire le nécessaire pour en finir avec la pratique de l ’ enlèvement d ’ enfants, notamment en coopérant avec les pays voisins et en enquêtant sur les cas d ’ enlèvements d ’ enfants et en poursuivant les auteurs. Le Comité encourage l ’ État partie à mener des programmes de sensibilisation, en consultation avec les communautés touchées et avec le soutien des chefs tribaux. Il lui recommande aussi de veiller à ce que les victimes d ’ enlèvement bénéficient d ’ une aide à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale.

87.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas fourni d’informations sur la suite qu’il a donnée aux observations finales publiées par le Comité à l’issue de l’examen du rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SDN/CO/1).

88. Le Comité recommande vivement à l’État partie de fournir dans son prochain rapport sur l’application de la Convention des informations détaillées sur les mesures prises pour donner suite aux observations finales adoptées par le Comité à l’issue de l’examen de son rapport initial au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants .

Administration de la justice pour mineurs

89.Le Comité se félicite de la récente création d’un système de justice pour mineurs dans l’État partie, en vertu de la loi sur les enfants (2010), mais note avec regret que, faute de crédits budgétaires, essentiellement, ce système n’est pas pleinement opérationnel et qu’il n’a pas été créé de tribunaux ni d’établissements de détention distincts pour enfants. Le Comité s’inquiète aussi, entre autres, des points suivants:

a)L’âge de la responsabilité pénale est encore déterminé en fonction de la maturité physique apparente (puberté), plutôt qu’en fonction de l’âge effectif;

b)Les enfants sont fréquemment traduits devant des tribunaux pour adultes et détenus avec des adultes dans les prisons situées ailleurs qu’à Khartoum et en garde à vue;

c)Les enfants accusés d’avoir commis une infraction restent parfois très longtemps en détention avant jugement;

d)Les enfants sont très fréquemment entendus en l’absence de leurs parents ou tuteurs et le processus d’enquête et les processus judiciaires ne sont soumis à aucun véritable contrôle;

e)Au Sud-Soudan, la justice pour mineurs est administrée en vertu de la loi coutumière, qui n’est pas conforme aux normes internationales relatives à cette justice; et

f)Les avocats, juges, policiers et autres professionnels intervenant dans le système de justice pour mineurs n’ont pas la formation et les compétences requises en matière de justice pour mineurs et de protection des enfants en contact avec la loi.

90. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le système de justice pour mineurs soit pleinement conforme à la Convention, en particulier à ses articles 37, 39 et 40, ainsi qu’à d’autres normes des Nations Unies dans le domaine de la justice pour mineurs, dont l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane), les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale et l’Observation générale n o 10 du Comité (2007) sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie, en particulier:

a) D’appliquer les dispositions de la loi sur les enfants relatives à l’âge de la responsabilité pénale uniformément sur l’ensemble de son territoire;

b) D’affecter et de mobiliser les ressources financières nécessaires à la mise en place d’un système de justice pour mineurs pleinement opérationnel dans toutes les régions de l’État partie, notamment de tribunaux et lieux de détention séparés pour les enfants;

c) De garantir à tous les enfants détenus un réexamen périodique et impartial de leur détention;

d) D’accorder à tous les enfants en conflit avec la loi l’ensemble des droits et garanties judiciaires énoncés aux articles 37 et 40 de la Convention, dont le bénéfice rapide d’une assistance juridique et autre à tous les stades de l’enquête et du processus judiciaires;

e) De former tous les professionnels intervenant dans le système de justice pour mineurs aux normes internationales pertinentes;

f) De créer un mécanisme indépendant, adapté et accessible aux enfants chargé de recueillir et traiter les plaintes émanant d’enfants, ainsi que d’enquêter sur les cas de violations commises par des membres des forces de l’ordre ou des agents pénitentiaires en vue de les poursuivre et de les punir; et

g) De se servir des outils d’assistance technique élaborés par le Groupe interorganisations des Nations Unies sur la justice pour mineurs et par ses membres (entre autres l’ONUDC, l’UNICEF, le HCDH et des ONG) et de faire appel en matière de justice pour mineurs à l’assistance technique des membres de ce Groupe.

9.Ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

91. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier:

a) Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966);

b) La Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes (1979);

c) La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984);

d) Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1989); et

e) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2002).

10.Suivi et diffusion

Suivi

92. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communiquant au chef de l ’ État, à la Cour suprême, au Parlement, aux ministères concernés et aux autorités locales, pour dû examen et suite à donner.

Diffusion

93. Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement dans les langues du pays, y compris, mais pas exclusivement, par l’Internet, ses troisième et quatrième rapports périodiques et les recommandations y relatives (observations finales) du Comité auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants, pour susciter un débat et une prise de conscience concernant la Convention, son application et son suivi.

11.Prochain rapport

94. Le Comité invite l ’ État partie à lui soumettre en un seul document ses cinquième et sixième rapports périodiques d’ici au 1 er octobre 2015. Il appelle l’attention sur ses directives harmonisées concernant l’établissement des rapports (CRC/C/58/Rev.2), adoptées le 1 er octobre 2010, et rappelle à l’État partie q ue ses prochains rapports devront être établis suivant ces directives et ne pas comporter plus de 60 pages. Le Com ité exhorte l’État partie à soumettre son rapport en s’y conformant. Si le rapport soumis compte un nombre de pages supérieur à la limite, l’État partie sera invité à le réviser et à le soumettre conformément aux directives susmentionnées. Le Comité rappelle à l’État partie que s’il n’est pas en position de réviser le rapport et de le soumette à nouveau, sa traduction aux fins de l’examen par le Comité ne pourra être garantie.

95. Le Comité invite en outre l ’ État p artie à soumettre un document de base actualisé conforme aux prescriptions applicables au document de base commun figurant dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports (HRI/MC/2006/3), que les organes conventionnels ont approuvées à leur cinquième réunion intercomités en juin 2006. Pour s’acquitter de l’obligation en matière de rapports au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant conformément aux D irectives harmonisées , il convient de soumettre un rapport sur l’application de la Convention et un document de base commun.