Observations finales concernant le rapport initial du Timor-Leste *

Le Comité a examiné le rapport initial du Timor-Leste (CMW/C/TLS/1) à ses 298e et 299eséances (voir CMW/C/SR.298 et CMW/C/SR.299), tenues les 3 et 4 septembre 2015. À sa 302e séance, le 8 septembre 2015, le Comité a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité se félicite de la soumission du rapport initial de l’État partie, qui a été établi en réponse à la liste de points à traiter avant la présentation du rapport (CMW/C/TLS/QPR/1), et des informations additionnelles fournies pendant le dialogue par la délégation multisectorielle, qui était conduite par Marciano da Silva, Ambassadeur et Représentant permanent du Timor-Leste auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, et comprenait des représentants du Secrétariat d’État aux politiques de formation professionnelle et d’emploi, du Ministère des affaires étrangères et de la coopération, et de la Mission permanente du Timor-Leste auprès de l’Office des Nations Unies à Genève. Le Comité regrette toutefois que le rapport n’ait été soumis que le 1er septembre 2015, ce qui ne lui a pas laissé suffisamment de temps pour le faire traduire dans ses langues de travail ni pour l’examiner convenablement.

Le Comité apprécie le dialogue constructif tenu avec la délégation mais note avec regret que les informations fournies avaient souvent un caractère général ou étaient incomplètes, en particulier s’agissant de l’application concrète de la Convention dans l’État partie.

Le Comité note que certains pays dans lesquels sont employés des travailleurs migrants timorais ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut constituer un obstacle à l’exercice des droits des migrants au titre de la Convention.

B.Aspects positifs

Le Comité constate que l’État partie a conclu des accords bilatéraux et multilatéraux aux niveaux régional et international et encourage la conclusion de tels accords dans la mesure où ils visent à promouvoir et à protéger les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le Comité note, en particulier, que l’État partie a ratifié les instruments suivants ou qu’il y a adhéré :

a)Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnels à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en novembre 2009;

b)Les Protocoles additionnels I et II aux Conventions de Genève du 12 août 1949, en avril 2005, et le Protocole additionnel III, en juillet 2011;

c)La Convention (no 29) de l’Organisation internationale du Travail concernant le travail forcé ou obligatoire, 1930, en juin 2009;

d)La Convention (no 87) de l’Organisation internationale du Travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, en juin 2009;

e)La Convention (no 98) de l’Organisation internationale du Travail sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, en juin 2009;

f)La Convention (no 182) de l’Organisation internationale du Travail sur les pires formes de travail des enfants, 1999, en juin 2009.

Le Comité salue l’adoption du Code du travail en 2012.

Le Comité accueille aussi avec satisfaction les mesures institutionnelles et de politique générale ci-après :

a)La mise en place de la Direction nationale pour l’emploi et la protection des chômeurs, en 2013;

b)La mise en place du Service des migrations, en 2008.

C.Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

Le Comité est conscient des nombreuses difficultés auxquelles l’État partie et sa population doivent faire face en raison des conflits et de l’occupation qui ont marqué l’histoire récente du pays. Il est également conscient des nombreux défis que l’État partie doit relever en tant qu’État nouvellement indépendant, et des autres facteurs associés à cette situation qui peuvent entraver la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)

Législation et application

Le Comité prend note avec satisfaction des mesures prises par l’État partie en vue de l’adoption de lois et de politiques visant à protéger les droits des travailleurs migrants, notamment le projet de loi sur la migration et l’asile et le projet de plan national d’action pour la migration de main-d’œuvre. Toutefois, le Comité a plusieurs motifs de préoccupation :

a)La législation en vigueur en matière de migration est insuffisante; elle n’est pas pleinement conforme à la Convention et, dans certains cas, elle contient des dispositions contradictoires. Ainsi, l’article 11 de la loi sur l’immigration et l’asile viole le droit à la liberté d’expression et d’association des travailleurs migrants garanti par la Constitution, et a été jugé inconstitutionnel par la Cour d’appel;

b)La coordination entre les institutions et les services qui s’occupent des diverses mesures visant à réaliser les droits au titre de la Convention est insuffisante.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que ses lois et politiques nationales soient conformes aux dispositions de la Convention et que les contradictions existantes soient résolues. Il recommande aussi à l’État partie d’adopter, de mettre en œuvre et de financer à hauteur des besoins le Plan national d’action pour l a migration de main-d’œuvre et d’adopter la Loi sur la migration et l’asile, conformément aux dispositions de la Convention et en t enant compte de la différence entre les sexes . Il recommande en outre à l’État partie de redoubler d’efforts pour améliorer la coordination entre les ministères et les organismes à tous les niveaux du Gouvernement en vue de l’application effective des droits protégés au titre de la Convention, notamment en garantissant des ressources financières et humaines et des capacités d’action suffisantes aux principales institutions qui s’occupent des questions relatives aux migrations, telles que le Service des migrations du Ministère de l’intérieur, le Secrétariat d’État chargé de la formation professionnelle et d es politiques d’ emploi, le Ministère des affaires étrangères et de la coopération et le Secrétariat d’État chargé du soutien et de la promotion socioéconomique des femmes.

Le Comité est préoccupé par le manque d’informations concernant l’application de la Convention par les tribunaux nationaux.

Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son deuxième rapport périodique, des informations sur l’application de la Convention par les tribunaux nationaux.

Le Comité note que l’État partie n’a pas fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications d’États parties et de particuliers se rapportant à des violations des droits consacrés par la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Le Comité note que l’État partie a ratifié plusieurs conventions de l’Organisation internationale du Travail ou a adhéré auxdites conventions, mais qu’il n’a pas encore ratifié la Convention (no 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, la Convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975, la Convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 et d’autres conventions fondamentales de l’OIT ou adhéré à ces instruments.

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager, dès que possible, de ratifier la Convention (révisée) de l’OIT ( n o  97 ) sur les travailleurs migrants , 1949, la Convention ( n o  143 ) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) , 1975 et la Convention ( n o  189 ) sur les travailleuses et travailleurs domestiques , 2011, ou d’y adhérer.

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations sur les mesures spécifiques qui ont été prises pour mettre en œuvre la Convention.

Le Comité exhorte l’État partie à faire figurer dans son deuxième rapport périodique des informations actualisées, étayées par des statistiques, concernant les mesures concrètes qui ont été adoptées pour mettre en œuvre les droits des travailleurs mig rants énoncés dans la Convention, tant en droit que dans la pratique.

Collecte de données

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas été en mesure de fournir suffisamment d’informations sur les flux migratoires et sur d’autres questions liées aux migrations, informations qui auraient permis au Comité d’évaluer précisément dans quelle mesure et par quels moyens les droits consacrés par la Convention sont mis en œuvre dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un système pour rassembler des statistiques et des informations migratoires, tant qualitatives que quantitatives, couvrant tous les aspects de la Convention, y compris en ce qui concerne les travailleurs migrants en situation irrégulière, et de recueillir des données détaillées sur le statut des travailleurs migrants dans l’État partie. Il l’encourage à collecter des informations et des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité, motif d’entrée et de sortie et type de travail effectué, afin d’orienter efficacement les politiques pertinentes et l’application de la Convention. Le Comité recommande également à l’État partie de coopérer avec ses représentations diplomatiques et consulaires à l’étranger afin de rassembler des données sur les migrations, notamment sur la situation des migrants en situation irrégulière et l es victimes de la traite. Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir des renseignements précis, par exemple en ce qui concerne les travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité serait heureux de recevoir des informations fondées sur des études ou des estimations.

Formation et diffusion de la Convention

Le Comité est préoccupé par le manque de documents et programmes de formation portant spécifiquement sur la Convention et les droits qui y sont consacrés, et par l’absence de diffusion de telles informations auprès des parties prenantes, notamment les autorités nationales, régionales et locales, les tribunaux, les organisations de la société civile, ainsi que les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des programmes d’éducation et de formation portant sur la Convention et de veiller à ce que cette formation soit dispensée à tous les agents publics et aux autres personnes qui travaillent dans des domaines liés aux migrations. Il lui recommande également de veiller à ce que les travailleurs migrants aient accès à l’information sur les droits que leur reconnaît la Convention, et de collaborer avec les organisations de la société civile et les médias pour diffuser des informations sur la Convention et promouvoir son application.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

Le Comité note que la Constitution dispose que les droits qu’elle consacre doivent être interprétés conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il note aussi qu’outre la Convention, l’État partie a ratifié six des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui interdisent toute discrimination quel qu’en soit le fondement. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que la législation nationale ne couvre pas tous les motifs de discrimination interdits énumérés dans la Convention (voir le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention et son article 7). En outre, le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale en matière de migration ne comporte pas de disposition claire et spécifique interdisant la discrimination fondée sur le sexe, non plus qu’elle n’octroie une protection spéciale aux migrantes. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des migrants sont victimes de traitements discriminatoires fondés sur la langue, l’âge et l’apparence physique de la part de la police des migrations et des agents publics chargés des questions relatives au travail, et par les signalements de traitements discriminatoires de travailleurs migrants de la part des employeurs, en particulier s’agissant des rémunérations, des congés et des autres conditions de travail. Le Comité regrette le manque d’informations sur les pratiques réelles et l’absence d’exemples qui permettraient d’évaluer le degré de réalisation du droit à la non-discrimination consacré par la Convention en ce qui concerne tous les travailleurs migrants, qu’ils soient ou non pourvus de documents.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en modifiant sa législation, pour que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui se trouvent sur son territoire ou sous sa juridiction, qu’ils soient pourvus ou non de documents, jouissent sans discrimination des droits consacrés par la Convention, conformément à son article 7. En particulier, il recommande à l’État partie d’in troduire dans sa législation une interdiction claire et spécifique de la discrimination fondée sur le sexe s’agissant des migrantes. Il lui recommande également de fournir dans son deuxième rapport périodique des informations sur la pratique à cet égard, en donnant des exemples pertinents; et de sensibiliser les autorités locales, les fonctionnaires travaillant dans le domaine de la migration et le grand public aux droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi qu’à la nécessité d’éliminer la discrimination à l’égard des migrants et de lutter contre leur stigmatisation sociale.

Droit à un recours utile

Le Comité note qu’il est possible de porter plainte auprès du Bureau du Médiateur des droits de l’homme et de la justice soit en personne, soit par téléphone ou par Internet et que des boîtes aux lettres ont été installées dans 65 administrations locales pour recueillir ces plaintes. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait qu’à ce jour, le Médiateur n’a reçu aucune plainte en rapport avec les droits des travailleurs migrants et de leur famille et qu’aucune affaire de violation de leurs droits n’a été portée devant les tribunaux, ce qui peut laisser penser que les travailleurs migrants ne connaissent pas bien leurs droits ni les voies de recours qui leur sont offertes.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que, en droit et dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, aient la même possibilité que les nationaux de porter plainte et d’obtenir réparation devant les tribunaux lorsque les droits qui leur sont reconnus par la Convention ont été violés. Il lui recommande également de prendre des mesures supplémentaires pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, des recours judiciaires et autres qui leur sont ouverts en cas de violation des droits qui leur sont reconnus par la Convention.

3.Droits de l’homme de tous les migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que des garçons (et des hommes) originaires du Myanmar, du Cambodge et de Thaïlande sont contraints de travailler à bord de bateaux de pêche étrangers évoluant dans les eaux territoriales timoraises, qu’ils y sont enfermés, mal nourris et n’ont pas accès aux soins médicaux.

Le Comité recommande à l’État partie d’accroître le nombre des inspections du travail et d’infliger des sanctions appropriées aux employeurs qui exploitent des enfants travailleurs migrants ou les soumettent au travail forcé et à d’autres abus, en particulier dans le secteur informel. Il lui recommande également de fournir une assistance, une protection et une réadaptation adéquates, notamment une réadaptation psychologique, aux enfants qui ont été victimes d’exploitation par le travail.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de violences physiques et sexuelles, d’intimidation et d’attitudes négatives envers les travailleurs migrants.

Le Comité recommande à l’État partie d’enquêter sérieusement sur tous les cas de violences et d’intimidation envers les travailleurs migrants, de former les agents publics au respect des droits de l’homme et de mener des actions de sensibilisation auprès du grand public en vue de prévenir de tels actes.

Le Comité est préoccupé par le manque d’informations concernant les mesures que l’État partie a prises pour que, dans les procédures pénales et administratives, notamment les procédures relatives à la détention et à l’expulsion, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient d’une procédure régulière, sur un pied d’égalité avec les nationaux de l’État partie, et pour qu’ils aient accès aux informations dans une langue qu’ils comprennent. Le Comité est également préoccupé par le fait que les lieux de détention existants ne fournissent pas des services de base adéquats, notamment en ce qui concerne l’alimentation, les soins médicaux et les conditions d’hygiène, et que les travailleurs migrants retenus pour infraction à la législation sur l’immigration ne sont pas séparés des détenus de droit commun.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que, dans les procédures administratives et judiciaires, notamment celles relatives à la détention et à l’expulsion, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient d’une procédure régulière, sur un pied d’égalité avec les nationaux de l’État partie. Compte tenu de son observation générale n o  2 (2013) sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille, le Comité rappelle que la détention administrative ne doit être utilisée qu’en dernier ressort, et il recommande à l’État partie d’envisager des mesures de substitution à la détention administrative. Il lui recommande également :

a) De faire figurer dans son deuxième rapport périodique des informations détaillées et ventilées sur le nombre de travailleurs migrants détenus pour des infractions à la législation relative à l’immigration, ainsi que sur le lieu, la durée moyenne et les conditions de leur détention;

b) De fournir des informations actualisées, notamment des statistiques ventilées, sur le nombre d’expulsions de travailleurs migrants ainsi que sur les procédures utilisées;

c) De faire en sorte que les travailleurs migrants détenus pour des infractions à la loi relative à l’immigration soient placés dans des établissements spéciaux et séparés des prisonniers de droit commun, et que les hommes et les femmes soient séparés;

d) De veiller à ce que les garanties minimales consacrées dans la Convention soient respectées en ce qui concerne les charges pénales ou administratives retenues contre des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité note que la Direction nationale pour les questions consulaires du Ministère des affaires étrangères et de la coopération offre une protection et une assistance consulaire aux travailleurs migrants timorais en Corée, aux Philippines et en Australie. Le Comité est toutefois préoccupé par les informations faisant état de cas non résolus d’expulsion de migrants timorais séropositifs et de migrantes enceintes, et de migrants timorais travaillant sans formation adéquate et sans équipement de protection adapté, en particulier lors de la manipulation de pesticides et d’autres produits chimiques dangereux.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille puissent bénéficier d’un appui consulaire pour faire protéger les droits énoncés dans la Convention. Il lui recommande aussi de faire en sorte que le personnel de ses ambassades et de ses consulats à l’étranger ait une connaissance suffisante de la législation et des procédures des pays d’emploi de travailleurs migrants timorais.

Le Comité note que la législation timoraise du travail prévoit qu’un travailleur étranger employé dans l’État partie a les mêmes droits et obligations qu’un travailleur timorais (Code du travail de 2012, art. 77). Il est cependant préoccupé par les informations faisant état de violations et de pratiques discriminatoires en ce qui concerne les salaires et le temps de repos, ainsi que du désintérêt des inspecteurs du travail vis-à-vis des conditions de travail des travailleurs migrants, y compris ceux employés par l’industrie extraterritoriale et dans les secteurs du commerce, de la construction, de la pêche et de l’hôtellerie. Le Comité s’inquiète également de ce que les inspections du travail porteraient davantage sur le statut des travailleurs migrants que sur les conditions de travail, et que les inspecteurs du travail préféreraient s’entretenir avec les employeurs plutôt qu’avec les salariés.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir en droit et dans la pratique, conformément à l’article 25 de la Convention, les droits liés au travail de tous les travailleurs migrants résidant sur son territoire, y compris en veillant à ce que les inspections du travail soient axées sur les conditions de travail des travailleurs migrants et qu’au cours de ces inspection s les travailleurs migrants soient interrogés en personne et de manière confidentielle. Le Comité recommande également à l’État partie de veiller à ce que les inspecteurs du travail soient indépendants d’autres organismes, notamment des services de l’immigration, afin que les travailleurs migrants puissent signaler aux autorités chargées des questions d e travail les cas de mauvais traitement et d’exploitation sans avoir peur d’attirer l’attention des services de l’immigration.

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles seul un nombre très limité de travailleurs migrants résidant dans l’État partie aurait adhéré à des syndicats, certains travailleurs migrants n’adhéreraient pas à des syndicats par crainte d’être renvoyés et les employeurs ne permettraient pas aux travailleurs migrants d’adhérer à des syndicats, de participer à leurs activités ou de bénéficier de leurs services.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris de modifier la législation, pour garantir à tous les travailleurs migrants le droit de prendre part à des activités syndicales et d’adhérer librement à des syndicats, conformément à l’article 26 de la Convention.

Tout en notant les efforts déployés par l’État partie pour s’assurer que la naissance de toute personne vivant au Timor-Leste est enregistrée et que tous les enfants nés sur le territoire timorais ont le droit à l’enregistrement de leur nationalité immédiatement à la naissance, le Comité est préoccupé par l’absence de mesures spécifiques pour enregistrer les enfants de migrants à la naissance et garantir leurs droits à la nationalité et à la citoyenneté.

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que tous les enfants de travailleurs migrants soient enregistrés à la naissance et pourvus de documents personnels d’identité, et de sensibiliser les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux en situation irrégulière, à l’importance de l’enregistrement à la naissance.

Le Comité s’inquiète de l’absence d’informations sur des programmes spécifiques qui permettraient aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille d’accéder à l’éducation dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures concrètes et efficaces pour garantir aux travailleurs migrants, en particulier à leurs enfants, l’accès au système éducatif, y compris en éliminant les barrières linguistiques, conformément à l’article 30 de la Convention.

Le Comité note que le Secrétariat d’État à la politique de l’emploi et à la formation professionnelle, en collaboration avec les gouvernements des pays d’accueil, fournit aux citoyens timorais qui participent au Programme de l’Australie pour les travailleurs saisonniers ou qui bénéficient du régime de permis de travail mis en place par la Corée du Sud, des informations de préparation au départ, y compris sur leurs droits dans les pays d’emploi. Le Comité note toutefois avec préoccupation que l’État partie ne donnerait pas de renseignements suffisamment clairs sur le coût d’un voyage vers la Corée du Sud. Le Comité regrette également de ne pas disposer d’informations sur les mesures prises par l’État partie pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille des droits protégés par la Convention ainsi que de leurs droits et obligations dans l’État partie, autres que celles prises dans le cadre des programmes mentionnés ci-dessus.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures qui s’imposent pour diffuser des informations sur les droits reconnus aux travailleurs migrants au titre de la Convention, ainsi que sur les conditions de leur admission et de leur emploi, et sur leurs droits et obligations en vertu de la législation et des usages des États d’emploi. Il lui recommande également de mettre en place davantage de programmes ciblés de préparation au départ et de sensibilisation, notamment en consultation avec les organisations non gouvernementales intéressées, les travailleurs migrants et les membres de leur famille , et des agences de recrutement reconnues et fiables.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Le Comité note que les articles 44 à 46 de la loi relative à l’immigration et à l’asile reconnaissent le droit au regroupement familial. Le Comité est cependant préoccupé par le fait que ce droit ne soit garanti qu’aux étrangers titulaires d’un permis de séjour permanent, ce qui exclut la plupart des travailleurs migrants pourvus de documents.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour protéger l’unité des familles de travailleurs migrants et pour faciliter la réunion des travailleurs migrants avec leur conjoint ou avec les personnes ayant avec eux des relations qui, en vertu de la loi applicable, produisent des effets équival e nt s au mariage, ainsi qu’avec leurs enfants à charge mineurs et célibataires, conformément à l’article 44 de la Convention.

Le Comité se félicite de la ratification, en juin 2009, de la Convention de l’OIT (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il s’inquiète toutefois de ce que l’article 11 de la loi relative à l’immigration et à l’asile interdise expressément aux non-nationaux de « participer à l’administration ou aux organes sociaux d’un syndicat, d’une société ou d’une organisation professionnelle, ou aux agences qui contrôlent les activités rémunérées », malgré la décision de la Cour d’appel qui avait jugé, en 2013, que cette disposition ainsi que d’autres dispositions de ladite loi étaient anticonstitutionnelles.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, tant en droit que dans la pratique, le droit de constituer des associations et des syndicats afin de promouvoir et de protéger leurs intérêts économiques, sociaux, culturels et autres, ainsi que de devenir membres de leurs organes de direction, conformément à l’article 40 de la Convention et à la Convention de l’OIT ( n o  87 ) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical , 1948.

Le Comité regrette qu’à l’heure actuelle la loi n’autorise les électeurs timorais à voter que dans le village où ils ont été enregistrés, cette disposition limitant considérablement les droits de vote des travailleurs migrants timorais.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment celles d’ordre législatif, pour garantir que les travailleurs migrants timorais résidant à l’étranger puissen t exercer leur droit de vote.

Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations au sujet de partenariats avec des institutions financières destinés à faciliter le transfert des revenus du travail et de l’épargne des travailleurs migrants timorais se trouvant à l’étranger et des travailleurs migrants résidant dans l’État partie. En particulier, le Comité relève avec préoccupation que l’État partie ne dispose d’aucune réglementation concernant les institutions financières non bancaires, ce qui fait obstacle à la croissance et à l’expansion des institutions de microfinance et limite leur capacité à faciliter le transfert des revenus du travail et de l’épargne des travailleurs migrants. Le Comité est également préoccupé par l’ingérence de l’État partie dans les transferts de fonds des travailleurs timorais bénéficiant du régime de permis de travail mis en place par la Corée du Sud en contrôlant l’accès, quoique de manière temporaire, à l’un des deux comptes qui sont obligatoirement ouverts pour chaque travailleur.

Le Comité encourage l’État partie à faciliter le transfert de fonds des travailleurs migrants timorais résidant à l’étranger sans s’immiscer dans ce processus. Il lui recommande également de prendre des mesures pour faciliter le transfert des revenus du travail et de l’épargne des travailleurs migrants résidant au Timor-Leste en leur concédant des frais de transfert et de réception préférentiels, et de rendre l’épargne plus accessible pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

Le Comité relève avec préoccupation que la législation nationale régulant le rapport entre la migration de main-d’œuvre et le droit de séjour est floue, que l’octroi d’un permis de travail est subordonné à l’existence d’un emploi et que la perte de celui-ci peut entraîner l’annulation du permis de travail, ce qui a une incidence sur la situation juridique des travailleurs migrants.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre sa législation et sa pratique en conformité avec l’article 49 de la Convention afin de garantir que le droit d es travailleurs migrants de résider dans le pays à des fins d’emploi n’est pas abrogé en cas de perte prématurée de leur emploi.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Le Comité regrette de ne disposer que d’informations limitées sur les mesures spécifiques prises pour promouvoir des conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales, et lutter contre les mouvements et l’emploi illégaux et clandestins de travailleurs migrants en situation irrégulière, y compris par le biais d’accords, de politiques et de programmes internationaux.

Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son deuxième rapport périodique, des informations sur les migrations irrégulières en provenance et à destination de l’État partie, et sur les mesures prises pour lutter contre ce phénomène, y compris par le biais d’accords, de politiques et de programmes internationaux.

Le Comité regrette de ne disposer que d’informations limitées sur l’existence dans l’État partie d’agences de placement privées qui recrutent des travailleurs migrants pour les faire travailler à l’étranger, ainsi que sur les lois, règles et règlements relatifs au recrutement privé.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Mettre en place une réglementation applicable aux agences de recrutement privées, notamment un système d’octroi de licences ainsi que des contrôles et des inspections portant sur les recrutements afin d’empêcher les dites agences de percevoir des commissions excessives pour leurs services et de servir d’intermédiaire s à des recruteurs étrangers agissant de façon illicite ;

b) Veiller à ce que les agences de recrutement privées fournissent des renseignements complets aux personnes qui cherchent un emploi à l’étranger et assurent le respect effectif de toutes les prestations liées à l’emploi qui ont été convenues, en particulier les salaires;

c) Adopter une politique de « gratuité du placement » pour les personnes qui se proposent d’aller travailler à l’étranger.

Le Comité note que l’État partie a récemment présenté au Parlement un projet de loi visant à prévenir et combattre la traite des êtres humains, et qu’il a intensifié ses efforts pour faire en sorte que les cas présumés de traite à des fins sexuelles fassent l’objet d’une enquête et aider la société civile à ouvrir un refuge pour les femmes et les enfants victimes de traite. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que :

a)Les ressources financières consacrées à la détection et à l’élimination de la traite des êtres humains sont insuffisantes;

b)Le projet de plan national d’action pour la lutte contre la traite des êtres humains au Timor-Leste 2010-2013, élaboré par le Groupe de travail interinstitutions pour la lutte contre la traite, n’a jamais été adopté ni mis en œuvre;

c)Les données sur l’ampleur de la traite dans l’État partie et, en particulier, sur le nombre de femmes et d’enfants concernés, et les études exhaustives sur le phénomène de la traite destinée à l’industrie du sexe sont quasi-inexistantes;

d)Les efforts visant à identifier les victimes sont inadéquats;

e)Les agents chargés de l’application des lois ne sont pas suffisamment formés aux questions relatives à la traite;

f)Des fonctionnaires de police accepteraient des pots-de-vin de la part d’établissements impliqués dans la traite ou de trafiquants qui essaient de passer la frontière illégalement, et des fonctionnaires de police seraient des clients d’établissements proposant des services sexuels qui font l’objet d’une enquête en rapport avec la traite.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De consacrer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de stratégies visant à détecter et à éliminer la traite des êtres humains;

b) D’adopter sans délai la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains et de veiller à ce qu’elle soit conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme et appliquée;

c) D’évaluer l’ampleur de la traite des êtres humains, de procéder à la collecte systématique de données ventilées en vue de mieux combattre ce phénomène, en particulier la traite de femmes et d’enfants, et de traduire les personnes qui se livrent à la traite en justice;

d) De redoubler d’efforts pour repérer les victimes et d’apporter protection et assistance à toutes les victimes de la traite des êtres humains, en particulier en leur fournissant un hébergement, des soins médicaux et un appui psychosocial et en prenant d’autres mesures pour faciliter leur réinsertion sociale;

e) De renforcer la formation des responsables de l’application des lois, des juges, des procureurs, des inspecteurs du travail, des enseignants, des travailleurs de santé et du personnel des ambassades et des consulats, et de diffuser plus largement des informations sur la traite des êtres humains et l’assistance aux victimes;

f) De faire en sorte que tous les cas de corruption impliquant des fonctionnaires de police fassent l’objet d’une enquête et que les responsables soient traduits en justice.

6.Suivi et diffusion

Suivi

Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son deuxième rapport périodique des informations détaillées sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations contenues dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures appropriées afin de garantir la mise en œuvre de ces recommandations, notamment en les transmettant pour examen et suite à donner aux membres du Gouvernement et au Parlement , ainsi qu’ aux autorités locales.

Le Comité demande à l’État partie d’impliquer la société civile dans la mise en œuvre des recommandations contenues dans les présentes observations finales.

Rapport de suivi

Le Comité demande à l’État partie de fournir , d’ici à deux ans, à savoir le  9 septembre 2017 au plus tard, des informations écrites sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 28, 48, 50 et 60 ci-dessus.

Diffusion

Le Comité demande aussi à l’État partie de diffuser la Convention et les présentes observations finales à grande échelle, notamment aux organismes publics, à l’appareil judiciaire, aux organisations non gouvernementales et à d’autres membres de la société civile et au grand public, afin de mieux les faire connaître.

7.Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie de se prévaloir de l’assistance internationale, y compris de l’assistance technique, afin d’élaborer un programme exhaustif pour la mise en œuvre des recommandations précitées et de la Convention dans son ensemble. Il exhorte aussi l’État partie à poursuivre sa coopération avec les institutions et programmes spécialisés du système des Nations Unies, notamment en demandant à bénéficier des services d’assistance technique et de renforcement des capacités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour pouvoir s’acquitter de ses obligations en matière de présentation de rapports.

8.Prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique d’ici au 9 septembre 2020 et d’y faire figurer des informations sur la mise en œuvre des présentes observations finales. L’État partie peut par ailleurs opter pour la procédure simplifiée de soumission de rapports, selon laquelle le Comité établit à l’intention de l’État partie une liste de points à traiter qui lui est communiquée avant la présentation de son rapport suivant. Les réponses de l’État partie à cette liste constituent son rapport aux fins de l’article 73 de la Convention, ce qui le dispense de soumettre un rapport périodique traditionnel. Cette nouvelle procédure facultative a été adoptée par le Comité à sa quatorzième session, en avril 2011 (voir A/66/48, par. 26).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les directives harmonisées pour l’établissement des rapports périodiques (CMW/C/2008/1) et lui rappelle que ceux -ci ne devraient pas excéder 21  200 mots, conformément auxdites directives (résolution 68/268 de l’Assemblée générale). Dans l’éventualité où un rapport dépasserait le nombre de mots prévus, l’État partie serait invité à le réduire conformément aux directives susmentionnées. Si l’État partie n’est pas en mesure de revoir son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de celui-ci aux fins de son examen par les organes conventionnels ne saurait être garantie.

Le Comité prie l’État partie d’assurer une large participation de tous les ministères et des organes publics à l’élaboration du prochain rapport périodique et, parallèlement, de consulter largement toutes les parties prenantes, notamment la société civile et les organisations de travailleurs migrants et de défense des droits de l’homme.

Le Comité invite également l’État partie à lui soumettre un document de base commun actualisé, ne dépassant pas 42 400 mots, conformément aux critères établis pour les documents de base communs figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument, approuvés à la cinquième réunion intercomités des organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme en juin 2006 (voir HRI/MC/2006/3 et Corr.1).