Nations Unies

CCPR/C/NZL/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

7 avril 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-huitième session

New York, 8-26 mars 2010

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 40 du Pacte

Nouvelle-Zélande

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le cinquième rapport périodique de la Nouvelle-Zélande (CCPR/C/NZL/5), à ses 2696e et 2697e séances, les 15 et 16 mars 2010 (CCPR/C/SR.2696 et 2697). À ses 2711e et 2712e séances, tenues le 25 mars 2010 (CCPR/C/SR.2711 et 2712), il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a respecté les délais impartis pour la présentation de son cinquième rapport périodique, où il donne des renseignements détaillés sur les mesures qu’il a prises pour continuer d’appliquer les dispositions du Pacte. En outre, il est satisfait de la qualité des réponses qu’il reçues par écrit à la liste de questions (CCPR/C/NZL/Q/5/Add.1) ainsi que de celles que l’État partie a fournies oralement lors de l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures législatives et autres ci-après:

a)L’adoption de la loi 2005 relative à l’union civile, qui reconnaît les unions civiles des personnes de même sexe et le droit à l’égalité des gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels;

b)La modification de la loi sur les infractions supprimant le châtiment corporel à des fins d’éducation comme moyen de défense en cas de violence contre les enfants dans la famille;

c)L’adoption de la loi de 2009 sur l’immigration;

d)La ratification de traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

4.Le Comité salue la contribution de la Commission néo-zélandaise des droits de l’homme et d’organisations non gouvernementales à ses travaux.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité remercie l’État partie d’avoir signalé qu’il procédait à la modification de ses règlements relatifs à la détention en vue de lever la réserve qu’il avait formulée concernant les paragraphes 2b) et 3 de l’article 10 du Pacte. Il note également que l’État partie entend maintenir les autres réserves qu’il a formulées.

L ’ État partie devrait lever les réserves qu ’ il a formulées concernant les paragraphes 2  b) et 3 de l ’ article 10 du Pacte et envisager de lever toutes les autres réserves concernant le Pacte.

6.Le Comité se félicite que la Commission néo-zélandaise des droits de l’homme ait adopté un plan d’action national en faveur des droits de l’homme (2005-2010) et prend note des propos tenus par la délégation selon lesquels tous les services gouvernementaux sont invités à prendre en compte le plan d’action lorsqu’ils élaborent leurs politiques et leurs programmes, mais il s’inquiète que l’État partie n’ait pas officiellement entériné ledit plan (art. 2).

L ’ État partie devrait établir et adopter officiellement un plan d ’ action en faveur des droits de l ’ homme (2010-2015).

7.Le Comité constate une fois de plus avec inquiétude que la Charte des droits de 1990 ne reprend pas tous les droits énoncés dans le Pacte. Il reste préoccupé également par le fait qu’elle ne prime pas les lois ordinaires malgré la recommandation qu’il a faite en 2002 à ce sujet. Il continue de s’inquiéter en outre que des lois ayant des conséquences négatives pour la défense des droits de l’homme aient été adoptées dans l’État partie, même si le Procureur général les a déclarées incompatibles avec la Charte des droits (art. 2).

L ’ État partie devrait adopter des lois propres à donner effet à tous les droits énoncés dans le Pacte et offrir aux victimes l ’ accès à des recours efficaces dans le droit interne. Il devrait également renforcer les mécanismes existants pour s ’ assurer de la compatibilité des lois nationales avec le Pacte.

8.Le Comité se félicite que l’État partie ait décidé d’entreprendre une analyse des procédures de gestion des affaires au Tribunal de la famille afin de raccourcir les délais dans lesquels les décisions sont rendues, conformément aux constatations adoptées au sujet de la communication no 1368/2005 (CCPR/C/89/D/1368/2005/Rev.1) mais il est préoccupé par le fait que les auteurs de la communication n’ont pas encore obtenu réparation (art. 2).

L ’ État partie devrait donner plein effet à toutes les constatations concernant des communications individuelles adoptées par le Comité afin d’appliquer le paragraphe 3 de l ’ article 2 du Pacte qui vise à garanti r que toute victime d ’ une violation des droits de l ’ homme disposera d ’ un recours utile et obtiendra réparation en cas d ’ atteinte aux dispositions du Pacte.

9.Le Comité s’inquiète que les femmes soient peu représentées aux postes de responsabilité élevée et aux postes de direction ainsi qu’aux conseils d’administration des entreprises privées (art. 2, 3, 25 et 26).

Compte tenu de l ’ Observation générale n o 28 (2000) du Comité relative à l ’ article 3 ( É galité des droits entre les hommes et les femmes), l ’ État partie devrait s ’ employer à encourager davantage la participation des femmes aux postes de responsabilité élevée et aux postes de direction ainsi qu ’ aux conseils d ’ administration des entreprises privées en favorisant la coopération et le dialogue avec les partenaires du secteur privé.

10.Le Comité prend note du fait que les pistolets neutralisants à impulsion électrique «TASER» ne sont utilisés que par des agents de la force publique ayant reçu l’entraînement voulu et dans les situations où le recours à ces dispositifs répond à des directives claires et strictes, mais il s’inquiète que l’usage de ces armes puisse entraîner des douleurs aiguës notamment des blessures mettant la vie en danger (art. 6 et 7).

L ’ État partie devrait envisager de mettre fin à l ’ utilisation de pistolets neutralisants à impulsion électrique «TASER». Tant que ces armes s er ont utilisées, il devrait intensifier ses efforts afin de veiller à ce que les agents de la force publique respectent en toutes circonstances ses directives, qui limitent l ’ utilisation de ces armes aux situations dans lesquelles un degré de force accru ou une force meurtrière serai en t justifiés. L ’ État partie devrait continuer à mener des recherches sur les effets de l ’ utilisation de ces armes.

11.Le Comité note que l’État partie a pris des mesures pour lutter contre le risque de violations des droits de l’homme liées au projet de loi de 2009 portant modification de la loi sur la gestion des établissements pénitentiaires (Contrats de gestion des prisons) mais il se déclare à nouveau préoccupé par la privatisation de la gestion des prisons. Cette privatisation, dans un domaine où l’État partie est responsable de la défense des droits de l’homme des personnes privées de liberté, est-elle vraiment compatible avec les obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte et avec sa responsabilité face à toute violation, indépendamment des garanties existantes (art. 2 et 10)?

L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté puissent jouir de tous les droits consacrés dans le Pacte. En particulier, il faudrait continuer de suivre de près toutes les mesures de privatisation de la gestion des prisons afin de veiller à ce que la responsabilité de l ’ État partie visant à garantir à toutes les personnes privées de liberté tous les droits consacrés dans le Pacte, en particulier ceux visés à l ’ article 10, ne soit limitée en aucune circonstance .

12.Même si la délégation a reconnu l’existence du problème, le Comité constate avec inquiétude que le taux d’incarcération des Maoris, en particulier des femmes, est anormalement élevé. Il s’inquiète également de voir que la part des Maoris par rapport aux personnes accusées d’avoir commis une infraction et aux victimes d’infractions est nettement plus élevée que leur part par rapport à l’ensemble de la population, ce qui laisse entrevoir des causes sociales et semble dénoter une forme de discrimination dans l’administration de la justice (art. 2, 10 et 14).

L ’ État partie devrait s ’ employer davantage à réduire la surreprésentation des Maori s , en particulier des femmes, dans les prisons et continuer de s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène. Il devrait également redoubler d ’ efforts pour empêcher la discrimination à l ’ égard des Maori s dans l ’ administration de la justice. Les agents de la force publique et de l ’ appareil judiciaire devraient recevoir la formation aux droits de l ’ homme voulue, notamment en ce qui concerne le principe d ’ égalité et de non-discrimination.

13.Tout en notant les obligations imposées au titre de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité, le Comité se déclare préoccupé par l’incompatibilité de certaines dispositions de la loi de 2007 portant modification de la loi intitulée Terrorism Suppression Act(loi relative à la répression du terrorisme) avec le Pacte. Il est particulièrement préoccupé par la procédure de désignation de groupes ou d’individus comme des entités terroristes et par l’absence dans la loi d’une disposition permettant de contester une telle désignation, qui sont incompatibles avec l’article 14 du Pacte. Le Comité est également préoccupé par l’introduction dans la loi d’une nouvelle section autorisant les tribunaux à recevoir ou à examiner des renseignements de sécurité confidentiels concernant des groupes ou des individus désignés comme des entités terroristes en leur absence (art. 2, 14 et 26).

L ’ État partie devrait veiller à ce que sa législation antiterroriste soit pleinement conforme au Pacte. Il devrait en particulier prendre des mesures pour veiller à ce que les mesures prises pour appliquer la résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité et la procédure nationale de désignation des groupes terroristes so ie nt pleinement conformes aux garanties juridiques prévues à l ’ article 14 du Pacte.

14.Tout en prenant note des explications fournies par la délégation à cet égard, le Comité déplore l’absence d’information sur les procédures engagées en ce qui concerne l’opération dénommée Opération 8 (raids antiterroristes menés le 15 octobre 2007), au cours de laquelle des communautés maories auraient été victimes d’un usage excessif de la force. Il note également avec préoccupation que le procès des suspects arrêtés au cours de cette opération ne s’ouvrira qu’en 2011 (art. 2, 7, 14 et 26).

L ’ État partie devrait veiller à ce que la loi portant modification de la loi relative à la répression du terrorisme ne soit pas appliquée de manière discriminatoire et ne conduise pas à un usage excessif de la force contre des suspects, eu égard à la nécessité d ’ établir un équilibre entre la préservation de la sécurité publique et le respect des droits individuels. Il devrait également fournir au Comité dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les résultats de toute enquête menée, toutes poursuites engagées et mesures disciplinaires prises à l ’ égard d ’ agents des forces de l ’ ordre suite aux allégations faisant état de violations des droits de l ’ homme, en particulier de cas d ’ usage excessif de la force, qui auraient été perpétrées dans le contexte de l ’ Opération 8. En outre, l ’ État partie devrait veiller à ce que les procès des personnes arrêtées dans le contexte de cette opération aient lieu dans un délai raisonnable.

15.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures adoptées à propos de la traite des êtres humains, mais est préoccupé par le fait qu’à ce jour, l’État partie n’a enregistré aucun cas de traite (art. 8).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour identifier les victimes de la traite et veiller à ce que des données sur les flux de la traite et sur le transit à travers son territoire soient recueillies systématiquement. Une formation devrait être dispensée aux agents de la force publique et de la police des frontières, aux juges, aux avocats et autres personnels concernés, afin de susciter une prise de conscience accrue du caractère sensible de la question de la traite des êtres humains et des droits des victimes.

16.Le Comité prend note de la politique de l’État partie consistant à mettre en détention les demandeurs d’asile dans des circonstances très limitées. Il est également préoccupé par sa politique de «pays tiers sûr», qui lui permet de refuser d’examiner une demande de protection ou une demande d’octroi du statut de réfugié au motif que le requérant a déposé ou aurait pu déposer une demande dans un autre pays, ce qui risque d’aboutir à des violations du principe de non-refoulement. Il s’inquiète également devant les informations selon lesquelles des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière sont internés dans des établissements pénitentiaires avec les condamnés (art. 13).

L ’ État partie devrait:

a) Rendre sa législation pleinement conforme au principe d e non-refoulement;

b) Veiller à ce qu ’ aucun demandeur d ’ asile ou réfugié ne soit interné dans un établissement pénitentiaire ou un autre lieu de détention avec des détenus condamnés, et modifier en conséquence la loi sur l ’ immigration;

c) Envisager d ’ élargir le mandat de la Commission néo-zélandaise des droits de l ’ homme de manière à ce qu ’ elle puisse recevoir des plaintes de violation s des droits de l ’ homme en rapport avec la législation, la politique et les pratiques en matière d’ immigration et faire rapport à ce sujet.

17.Le Comité est préoccupé par le fait que la conclusion de la Cour suprême selon laquelle la législation pénale sur la possession de drogues impliquait une violation du droit à la présomption d’innocence n’a pas encore conduit à la modification des lois en cause (art. 9 et 14).

Compte tenu de l ’ O bservation générale n o 32 (2007) du Comité sur l ’ article 14 ( D roit à l ’ égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable), l ’ État partie devrait accélérer l ’ adoption d ’ amendements à la loi de 1975 sur l ’ abus des drogues pour la rendre conforme aux articles 9 et 14 du Pacte et garantir le droit à la présomption d ’ innocence.

18.Tout en se félicitant des initiatives prises pour protéger les enfants contre la maltraitance et en notant que l’État partie a reconnu la nécessité de s’attaquer à ce problème, le Comité se déclare préoccupé par la prévalence de la maltraitance des enfants dans l’État partie (art. 7 et 24).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour lutter contre la maltraitance des enfants en améliorant les mécanismes qui permettent de la détecter rapidement, en encourageant la communication d ’ informations sur les actes de violence, soupçonnés ou effectifs, commis sur la personne d ’ enfants et en veillant à ce que les autorités compétentes poursuivent en justice les auteurs de tels actes.

19.Le Comité prend note du processus de négociation qui a été engagé en vue de la révision ou de l’abrogation éventuelle de la loi de 2004 sur l’estran et les fonds marins, mais estime que la loi établit une discrimination contre les Maoris et met fin à leurs droits fonciers coutumiers sur l’estran et les fonds marins (art. 2, 26 et 27).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour engager des consultations réelles avec des représentants de tous les groupes maoris au sujet de la révision en cours qui vise à modifier ou à abroger la loi de 2004 sur l’estran et les fonds marins . La période de consultation du public devrait en particulier être suffisamment longue pour permettre à tous les groupes maoris de faire connaître leur point de vue. En outre, eu égard à l ’ Observation générale n o 23 du Comité (1994) relative à l ’ article 27 (droits des minorités), une attention particulière devrait être accordée à l ’ importance culturelle et religieuse de l ’ accès des Maoris à l’estran et aux fonds marins.

20.Le Comité se félicite de l’initiative de réforme constitutionnelle entreprise par l’État partie qui vise également à améliorer l’application du Traité de Waitangi. Il note toutefois qu’à l’heure actuelle, le Traité ne fait pas partie officiellement du droit interne, si bien qu’il est difficile pour les Maoris de l’invoquer devant les tribunaux. Le Comité se félicite également des efforts déployés par l’État partie pour régler les revendications historiques des Maoris au titre du Traité, mais est préoccupé par les informations selon lesquelles, dans un cas particulier, l’État partie a mis fin aux consultations bien que certains groupes maoris aient déclaré que les règlements ne reflétaient pas de manière adéquate les droits de propriété tribale initiaux (art. 2, 26 et 27).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour revoir le statut du Traité de Waitangi dans le système législatif interne, y compris l ’ opportunité de l ’ incorporer dans le droit interne , en consultation avec tous les groupes maoris. Il devrait en outre veiller à ce que les vues exprimées par les différents groupes maoris au cours des consultations tenues dans le contexte du processus de règlement des revendications historiques au titre du Traité soient dûment prises en compte.

21.L’État partie devrait diffuser largement le Pacte, les deux Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte, le texte du cinquième rapport périodique, les réponses écrites qu’il a fournies en réponse à la liste de questions établie par le Comité, ainsi que les présentes observations finales afin de sensibiliser davantage les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile et les organisations non gouvernementales actives dans le pays, ainsi que le grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans l’autre langue officielle de l’État partie.

22.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie doit fournir dans un délai d’un an des informations pertinentes sur la suite qu’il a donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 12, 14 et 19.

23.Le Comité prie l’État partie de fournir dans son sixième rapport périodique, qu’il doit présenter avant le 30 mars 2015, des informations actualisées et précises sur toutes ses recommandations qu’il a formulées et sur le Pacte dans son ensemble. Le Comité prie également l’État partie, lorsqu’il établira son sixième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.