Nations Unies

CERD/C/GTM/CO/16-17

Convention internationale sur l ’ élimination de t outes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

27 mai 2019

Français

Original : espagnol

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport du Guatemala valant seizième et dix-septième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport du Guatemala valant seizième et dix‑septième rapports périodiques (CERD/C/GTM/16-17) à ses 2715e et 2716e séances (CERD/C/SR.2715 et 2716), les 25 et 26 avril 2019. À ses 2731e et 2732e séances, les 7 et 8 mai 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation en temps voulu du rapport de l’État partie valant seizième et dix-septième rapports périodiques (CERD/C/GTM/16-17). Il se félicite également du dialogue ouvert qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, qui représentait toutes les branches du Gouvernement, et apprécie les informations complémentaires fournies après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures de politique générale ci-après adoptées par l’État partie :

a)La politique d’accès des peuples autochtones à la justice 2017‑2025 et la création par le ministère public d’un Secrétariat des peuples autochtones chargé de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation de cette politique ;

b)La politique nationale des sages-femmes des quatre peuples du Guatemala, adoptée en 2015 par le Ministère de la santé publique et de la protection sociale.

4.Le Comité se félicite de la tenue du XIIe recensement national de la population et du VIIe recensement de l’habitat en 2018, dans le cadre duquel la variable de l’appartenance ethnique et de l’ascendance a été introduite pour la première fois, sur la base du principe de l’auto-identification.

5.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays. À cet égard, le Comité salue la visite de la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones en mai 2018 et encourage l’État partie à veiller à ce que toutes les recommandations figurant dans son rapport (A/HRC/39/17/Add.3) soient dûment appliquées.

6.Le Comité se félicite de la participation active des organisations de la société civile guatémaltèques, y compris les autorités et les organisations de peuples autochtones et d’ascendance africaine, ainsi que de la contribution du Bureau du Procureur des droits de l’homme du Guatemala à l’examen des rapports par la présentation d’informations écrites et orales au Comité. Le Comité encourage l’État partie à continuer de promouvoir les possibilités de participation de la société civile et à renforcer sa coopération avec le Bureau du Procureur des droits de l’homme.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Collecte de statistiques

7.Le Comité note que le critère de l’auto-identification a été introduit dans le cadre du XIIe recensement national de la population et du VIIe recensement de l’habitat et que les résultats préliminaires seront communiqués dans le courant de l’année, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles le manque d’informations sur les catégories utilisées aurait pu rendre difficile l’auto-identification, notamment pour les personnes d’ascendance africaine qui ne se définissent pas comme garifunas et pour d’autres groupes ethniques, dont les Roms. Le Comité regrette également l’absence d’indicateurs relatifs aux droits de l’homme et d’indicateurs socioéconomiques qui permettraient d’évaluer les conditions de vie des différents groupes ethniques et les progrès accomplis en vue de la réalisation des droits énoncés dans la Convention (art. 2).

8. Le Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ il importe de disposer de données statistiques fiables, à jour et complètes sur la composition démographique de la population pour mettre au point des politiques publiques et des programmes adaptés en faveur des groupes de population victimes de discrimination raciale, ainsi que pour évaluer l ’ application de la Convention à l ’ égard des groupes qui composent la société. Dans cette optique , le Comité recommande à l ’ État partie de promouvoir la collecte systématique de données par les institutions publiques compétentes, notamment en intégrant la variable de l ’ appartenance ethnique et de l ’ ascendance, et d ’ élaborer des indicateurs relatifs aux droits de l ’ homme et des indicateurs socioéconomiques ventilés par race, couleur, ascendance, origine nationale ou ethnique, puis par sexe, âge, région et zone urbaine ou rurale, notamment les plus éloigné e s. En outre, le Comité recommande à l ’ État partie de revoir les catégories utilisées pour l ’ auto ‑ identification afin de pouvoir recueillir des informations sur tous les groupes ethniques du pays . À ce sujet, il le renvoie à sa recommandation générale n o  4 (1973) sur la présentation des rapports par les États parties, en ce qui concerne particulièrement la composition démographique de la population.

Législation

9.Le Comité constate toujours avec préoccupation qu’aucun progrès n’a été fait en ce qui concerne l’examen et l’adoption des initiatives législatives visant à lutter contre la discrimination raciale et à protéger les droits des peuples autochtones et de la population d’ascendance africaine (art. 2).

10. Le Comité réitère sa recommandation précédente (CERD/C/GTM/CO/14-15, par. 9) et prie instamment l ’ État partie d ’ accorder la priorité à l ’ examen et à l ’ adoption des initiatives législatives visant à renforcer la lutte contre la discrimination raciale, ainsi que la promotion et la protection des droits des peuples autochtones et des personnes d ’ ascendance africaine, notamment les initiatives législatives présentées au Congrès de la République en application des accords de paix.

Mesures institutionnelles

11.Le Comité constate avec inquiétude que, malgré les efforts déployés, les institutions créées pour lutter contre la discrimination raciale, notamment la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme, et les institutions pour la promotion des droits des peuples autochtones, telles que le Bureau pour la défense des femmes autochtones, ne peuvent s’acquitter efficacement de leur mandat et apporter une réponse satisfaisante aux problèmes de discrimination et de protection des droits des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine, en raison notamment du manque de ressources et de capacités, et de la sous‑représentation des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine dans ces institutions (art. 2).

12. À la lumière de sa recommandation précédente (CERD/C/GTM/CO/14-15, par. 25) et de sa recommandation générale n o  17 (1993) relative à la création d ’ organismes nationaux pour faciliter l ’ application de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De procéder à un examen et à une évaluation de l ’ efficacité du cadre institutionnel créé pour protéger les droits des peuples autochtones et combattre la discrimination raciale ;

b) D ’ adopter, dans des conditions de transparence et avec une vaste participation des peuples autochtones et de la population d ’ ascendance africaine, les mesures nécessaires pour restructurer et renforcer le cadre institutionnel, notamment la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme et le Bureau pour la défense des femmes autochtones ;

c) De veiller à ce que les institutions chargées de lutter contre la discrimination raciale et de protéger les droits des peuples autochtones disposent de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour fonctionner efficacement et s ’ acquitter pleinement de leur mandat.

Discrimination structurelle

13.Le Comité est préoccupé par les effets persistants de la discrimination historique et structurelle dont sont victimes les peuples autochtones, notamment les Garifunas, ainsi que les personnes d’ascendance africaine dans l’État partie, comme en témoignent les taux élevés de pauvreté et d’exclusion sociale. Il est également gravement préoccupé par les effets de la discrimination sur l’exercice effectif des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit à l’alimentation, à la santé et à l’éducation. Le Comité regrette l’absence d’informations sur la part des dépenses sociales publiques consacrée à la mise en œuvre de politiques en faveur des peuples autochtones (art. 2 et 5).

14. Rappelant ses recommandations générales n o  23 (1997) sur les droits des peuples autochtones , n o  32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales prévues dans la Convention et n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une politique nationale globale de lutte contre la discrimination raciale et le racisme qui favorise efficacement l ’ intégration sociale et fasse baisser les taux élevés de pauvreté et d ’ inégalité qui touchent les membres des peuples autochtones et les personnes d ’ ascendance africaine, notamment en adoptant des mesures spéciales visant à éliminer la discrimination structurelle à l ’ égard des peuples autochtones  ;

b) D ’ adopter les mesures nécessaires pour réduire les taux de malnutrition chronique chez les enfants autochtones et garantir le droit des peuples autochtones à une alimentation adéquate ;

c) D ’ assurer l ’ accessibilité, la disponibilité et la qualité des services et des prestations de santé, compte tenu en particulier des besoins, des traditions et des différences culturelles des peuples autochtones ;

d) De garantir la disponibilité, l ’ accessibilité et la qualité de l ’ éducation pour les enfants autochtones, y compris dans leur langue maternelle, en élaborant des plans d ’ éducation interculturelle qui répondent à l ’ objectif de promotion et de préservation de l ’ identité culturelle des peuples autochtones, et de redoubler d ’ efforts pour éliminer l ’ analphabétisme chez les autochtones, en particulier les femmes ;

e) De procéder à une évaluation des dépenses publiques allouées aux politiques en faveur des peuples autochtones et des personnes d ’ ascendance africaine, en tenant dûment compte des différences et des inégalités qui existent entre eux et le reste de la population, afin de prendre les mesures correctives nécessaires et d ’ accroître la proportion des dépenses sociales publiques allouées aux peuples autochtones et aux personnes d ’ ascendance africaine.

Conflit armé et accords de paix

15.Le Comité demeure préoccupé par les progrès limités accomplis dans la mise en œuvre des accords de paix, notamment l’Accord sur l’identité et les droits des peuples autochtones, et par l’absence de prise en compte des droits de l’homme et des questions de genre dans l’application du Programme national de réparation. Il constate avec préoccupation que, malgré les progrès réalisés en matière de condamnations pour de graves violations des droits de l’homme commises pendant le conflit armé interne, des cas de violations des droits de l’homme des peuples autochtones restent impunis et les procédures judiciaires qui ont été engagées connaissent souvent des retards considérables, compromettant l’accès des victimes à la justice et à une réparation utile. Le Comité est gravement préoccupé par le projet de loi no 5377, qui propose de modifier la loi de réconciliation nationale afin d’instaurer une amnistie générale pour les auteurs de graves violations des droits de l’homme commises pendant le conflit armé interne (art. 2, 5 et 6).

16. Le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Redoubler d ’ efforts pour mener des enquêtes efficaces afin de poursuivre et de sanctionner les auteurs des violations commises pendant le conflit armé ;

b) Adopter les mesures nécessaires pour que les peuples autochtones aient accès à des recours judiciaires utiles et rapides, ainsi qu ’ à une réparation complète tenant compte d ’ une perspective interculturelle et des questions de genre, et pour donner effet aux mesures de réparation qui ont été accordées par voie judiciaire ;

c) Respecter pleinement l ’ Accord sur l ’ identité et les droits des peuples autochtones et veiller à ce que le Programme national de réparation soit mis en œuvre dans une perspective de droits de l ’ homme et de genre et dispose de ressources humaines, financières et techniques suffisantes ;

d) Envisager de retirer du Congrès de la République le projet de loi n o  5377 portant réforme de la loi de réconciliation nationale, ainsi que tout autre projet de loi visant à laisser impunis les auteurs de violations des droits de l ’ homme commises pendant le conflit armé interne ou à les exonérer de toute responsabilité.

Incitation à la discrimination ou à la haine raciale

17.Le Comité constate avec inquiétude l’absence de législation interne érigeant en infraction pénale toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tout acte de violence à motivation raciale ou toute incitation à de tels actes, comme le prévoit l’article 4 de la Convention. Le Comité est également préoccupé par les allégations concernant des discours et des manifestations discriminatoires à l’égard de peuples autochtones et de personnes d’ascendance africaine, qui seraient parfois même le fait d’agents de l’État (art. 2, 4 et 7).

18. Le Comité réitère une fois de plus ses précédentes recommandations (CERD/C/GTM/CO/12-13, par. 7, et CERD/C/GTM/CO/14-15, par. 19) tendant à donner pleinement effet à l ’ obligation énoncée à l ’ article 4 de la Convention d ’ ériger en infraction pénale tout acte d ’ incitation à la discrimination raciale et tout acte de violence à motivation raciale, de sorte qu ’ ils soient punis de peines proportionnées à leur gravité. Le Comité engage en outre instamment l ’ État partie à prendre des mesures efficaces pour prévenir et combattre les discours d ’ incitation à la discrimination raciale et les manifestations de racisme dans les médias, en particulier sur les réseaux sociaux, et à enquêter sur leurs auteurs et à les sanctionner, quel que soit le poste qu e ceux-ci occupent. Le Comité recommande à l ’ État partie de mener des campagnes de sensibilisation à l ’ intention de la population sur le respect de la diversité et l ’ élimination de la discrimination raciale. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses recommandations générales n o  15 (1993) relative à l ’ article 4 de la Convention et n o  35 (2013) relative à la lutte contre le s discours de haine raci al e.

Consultation préalable

19.Le Comité constate avec préoccupation que, malgré la ratification de la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (no 169) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et les arrêts de la Cour constitutionnelle, l’État partie n’a pas adopté de mécanismes garantissant le respect du droit des peuples autochtones, notamment des Garifunas, d’être consultés en vue d’exprimer leur consentement libre, préalable et éclairé sur toute mesure législative ou administrative susceptible de porter atteinte au bon exercice de leurs droits. Le Comité regrette que les politiques et programmes destinés aux peuples autochtones n’aient pas donné lieu à des consultations en bonne et due forme. En outre, il est gravement préoccupé par les effets des projets de développement économique sur les territoires et les ressources des peuples autochtones, ainsi que sur leurs modes de vie traditionnels, et par le fait qu’avant leur lancement, ces projets n’ont fait l’objet d’aucune consultation ou étude d’impact sur les droits de l’homme par des organismes indépendants et dûment habilités (art. 2 et 5).

20. Le Comité rappelle que le respect des droits de l ’ homme et l ’ élimination de la discrimination raciale sont un aspect essentiel d ’ un développement économique durable, et que l ’ État et le secteur privé ont un rôle de premier plan à jouer à cet égard. Il recommande en conséquence à l ’ État partie :

a) D ’ adopter, en concertation avec les peuples autochtones, y compris le peuple garifuna, les mesures propres à garantir le respect de le ur droit d ’ être consultés en vue d ’ exprimer leur consentement préalable, libre et éclairé au sujet de toute mesure législative ou administrative susceptible d ’ avoir des incidences sur leurs droits et, en outre, de tenir compte des traditions et caractéristiques culturelles de chaque peuple, notamment en ce qui concerne les décisions à prendre ;

b) De faire en sorte que soit dûment respecté le droit des peuples autochtones d ’ être consultés afin d ’ exprimer leur consentement préalable, libre et éclairé concernant l ’ exécution de projets de développement économique, industriels, énergétiques, d ’ infrastructures et d ’ exploitation des ressources naturelles susceptibles d ’ avoir des incidences sur leurs territoires et leurs ressources naturelles, et de veiller à ce que de telles consultations soient menées en bonne et due forme, de manière systématique et transparente, et à ce que les peuples concernés soient dûment représentés ;

c) De veiller à ce que, dans le cadre du processus de consultation préalable, des organismes impartiaux et indépendants réalisent des études d ’ impact sur les droits de l ’ homme, y compris sur l ’ impact social, environnemental et culturel que les projets de développement économique et d ’ exploitation des ressources naturelles peuvent avoir sur les territoires des peuples autochtones afin de protéger leurs modes de vie et de subsistance traditionnels ;

d) De définir, en concertation avec les peuples autochtones dont les territoires et les ressources sont touchés, des mesures d ’ atténuation, d ’ indemnisation des dommages ou des pertes subis et de participation aux bénéfices tirés de ces activités.

Terres, territoires et ressources naturelles

21.Le Comité est préoccupé par l’absence de protection de la propriété collective des peuples autochtones, en particulier l’absence de sécurité juridique et de garanties concernant la délivrance de titres de propriété, la délimitation, la démarcation et la restitution des terres et territoires traditionnellement occupés par ceux-ci. Les allégations d’expulsions forcées de peuples autochtones de leurs territoires sans protection juridique adéquate et, dans certains cas, au moyen d’un recours excessif à la force sont très préoccupantes (art. 2 et 5).

22. À la lumière de sa recommandation générale n o 23 (1997) concernant les droits des peuples autochtones, l e Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Établir un mécanisme approprié et efficace qui permette de revendiquer des terres et territoires ancestraux et d ’ en obtenir la restitution, en veillant à l ’ allocation de ressources humaines, techniques et financières adéquates pour assurer le fonctionnement efficace de ce mécanisme ;

b) Garantir la protection des droits qu ’ ont les peuples autochtones de posséder, d ’ utiliser, de mettre en valeur et de contrôler en toute sécurité leurs terres, territoires et ressources, y compris par la reconnaissance légale et la protection juridique nécessaires, conformément aux normes internationales ;

c) Assurer une protection adéquate contre les expulsions forcées, dans le respect des droits, des coutumes, des traditions et de la culture des peuples autochtones, notamment en obtenant le ur consentement préalable, libre et éclairé ou un accord préalable sur une indemnisation juste et équitable, ou en leur offrant le choix d ’ un autre site culturellement approprié ou, si possible, l ’ option du retour conformément à l ’ article 10 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ainsi qu ’ un recours judiciaire utile en cas de violation de leurs droits ;

d) Adopter des mesures, notamment d ’ ordre législatif , pour prévenir l ’ usage excessif de la force, les mauvais traitements et l ’ abus d ’ autorité contre des membres de peuples autochtones, y compris en garantissant le respect du principe de proportionnalité et de stricte nécessité dans l ’ usage de la force et en organisant à l ’ intention des agents des forces de l ’ ordre des activités de formation sur l ’ usage de la force et le maintien de l ’ ordre par des moyens conventionnels .

Peuple xinka

23.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles il aurait été porté atteinte à l’identité et à la culture du peuple xinka, situation aggravée par le déni du droit à la consultation préalable dans le cadre des opérations menées par la compagnie minière San Rafael sur le territoire que ce peuple occupe traditionnellement (art. 2, 5 et 7).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour protéger et préserver l ’ identité culturelle des peuples autochtones, en particulier du peuple xin k a, notamment en créant des conditions propres à leur permettre de préserver, de développer, d ’ exprimer et de diffuser leur identité, leur histoire, leur culture, leurs langues, leurs traditions et leurs coutumes.

Liberté d’expression

25.Le Comité constate toujours avec inquiétude qu’aucun progrès n’a été accompli en ce qui concerne l’adoption du cadre juridique relatif aux médias communautaires autochtones. Il est particulièrement préoccupé par les informations concernant la criminalisation des opérateurs de radios communautaires (art. 2, 5 et 7).

26. Le Comité réitère sa recommandation précédente (CERD/C/GTM/CO/14-15, par. 24) et prie instamment l ’ État partie d ’ adopter, avec la participation des peuples autochtones, un cadre juridique pour les médias communautaires et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que le droit pénal ne soit utilisé arbitrairement pour criminaliser les opérateurs de radios communautaires autochtones.

Défenseurs des droits de l’homme

27.Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie à propos de l’élaboration de la politique publique de protection des défenseuses et défenseurs des droits de l’homme et de l’adoption par le ministère public de l’instruction no 5-2018 relative aux enquêtes sur les délits commis contre les défenseurs et les défenseuses des droits de l’homme. Toutefois, le Comité reste fortement préoccupé par les actes de violence, les menaces et les atteintes à la vie dont sont victimes des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, y compris des responsables et des défenseurs des droits de peuples autochtones et de personnes d’ascendance africaine. En particulier, il juge préoccupant que parfois, la procédure pénale soit utilisée indûment pour incriminer des défenseurs des droits des peuples autochtones et des territoires de ces peuples, en particulier ceux qui s’opposent à l’exécution de projets économiques à grande échelle sur lesdits territoires. Le Comité exprime aussi sa préoccupation devant les campagnes de diffamation qui ont lieu dans les médias contre des défenseurs des droits fondamentaux des peuples autochtones, y compris contre des responsables autochtones (art. 2 et 5).

28. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ enquêter de manière approfondie, impartiale et efficace sur toutes les allégations d ’ atteintes à la vie, à l ’ intégrité physique et à la liberté, ainsi que d ’ actes de violence, de menaces, de harcèlement, d ’ intimidation et de diffamation à l ’ égard de responsables autochtones et de défenseurs des droits des peuples autochtones et de personnes d ’ ascendance africaine ;

b) Avec la participation effective de la société civile, y compris des représentants des peuples autochtones et des personnes d ’ ascendance africaine, d ’ accélérer le processus d ’ élaboration et d ’ approbation de la politique publique de protection des défenseuses et défenseurs des droits de l ’ homme, en veillant à ce qu ’ elle comporte des mécanismes et des stratégies de protection efficaces ; tienne compte des différences culturelles, régionales et entre les sexes ; et dispose de ressources humaines, techniques et financières suffisantes ;

c) De prendre en temps utile des mesures efficaces pour empêcher les actes de harcèlement, les campagnes de diffamation et les mesures d ’ incrimination à l ’ égard des défenseurs des droits de l ’ homme, en particulier des responsables autochtones et des défenseurs des droits des peuples autochtones, grâce notamment à des campagnes d ’ information et de sensibilisation sur le travail fondamental qu ’ ils mènent pour favoriser un climat de tolérance leur permettant de mener leurs activités à l ’ abri de toute forme d ’ intimidation, de menaces et de représailles.

Participation politique

29.Le Comité demeure préoccupé par la représentation insuffisante des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine dans la vie politique du pays, en particulier des femmes autochtones. Il regrette que, dans le cadre de la réforme de la loi sur le régime électoral et les partis politiques menée en 2017, des dispositions n’aient pas été prises pour promouvoir la participation politique des peuples autochtones, ce qui a été préjudiciable à leur participation au processus électoral de 2019 (art. 2 et 5).

30. Le Comité rappelle sa recommandation précédente (CERD/C/GTM/CO/14-15, par. 1 6 ) et prie instamment l ’ État partie de prendre , en consultation avec les peuples autochtones et les personnes d ’ ascendance africaine et avec leur participation, des mesures efficaces, y compris législatives, pour garantir la pleine participation aux affaires publiques des peuples autochtones et des personnes d ’ ascendance africaine, en particulier des femmes, tant aux postes de décision qu ’ au sein de s instances représentatives. Il recommande à l ’ État partie de garantir l ’ égalité des chances et l ’ égalité de participation aux peuples autochtones et aux personnes d ’ ascendance africaine, en particulier aux femmes autochtones et d ’ ascendance africaine , à tous les niveaux de l ’ administration publique, tant à l ’ échelle national e que local e .

Droits du travail

31.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les membres des peuples autochtones sont soumis à des conditions de travail précaires, particulièrement dans le secteur de la culture du palmier africain, étant privés de leurs droits liés au travail et à la sécurité sociale, et bien souvent victimes d’exploitation ou de travail forcé (art. 2 et 5).

32. Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les personnes autochtones et d ’ ascendance africaine, en particulier les travailleurs du secteur agricole, bénéficient en droit comme dans la pratique de conditions de travail équitables et satisfaisantes, y compris d ’ une rémunération qui leur assure, de même qu ’ à leurs proches, des conditions d ’ existence dignes, et de l ’ accès à la sécurité sociale ;

b) De prévenir tous les cas de travail forcé ou d ’ exploitation par le travail, d ’ enquêter sur ces cas et d ’ en poursuivre les responsables, en veillant à ce que les victimes aient accès à des recours judiciaires efficaces et bénéficient d ’ une protection et de réparations appropriées et à ce que les responsables soient dûment poursuivis et sanctionnés en fonction de la gravité des actes commis ;

c) De r enforcer l ’ inspection du travail en veillant à ce que celle-ci dispose des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour s ’ acquitter efficacement de son mandat.

Situation des femmes autochtones et d’ascendance africaine

33.Le Comité est préoccupé par les formes multiples de discrimination auxquelles se heurtent les femmes autochtones et d’ascendance africaine, en particulier en ce qui concerne l’accès au travail, à l’éducation et à la santé. Le Comité prend bonne note des mesures prises pour que les femmes et les adolescentes autochtones bénéficient plus aisément de services de santé sexuelle et procréative, mais s’inquiète de ce que, pour des problèmes de pertinence culturelle et linguistique, celles-ci n’aient toujours pas effectivement accès à des prestations et à des informations dans ce domaine. En outre, le Comité est alarmé par le taux élevé de violence, y compris sexuelle, à l’égard des femmes autochtones, et par les niveaux élevés d’impunité, imputables en partie aux difficultés d’accès à la justice que rencontrent ces femmes.

34. À la lumière de sa recommandation générale n o  25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour lutter contre les formes multiples de discrimination auxquelles se heurtent les femmes autochtones et d ’ ascendance africaine, notamment en intégrant une perspective de genre dans toutes les politiques et stratégies de lutte contre la discrimination raciale ;

b) De prendre des mesures pour que les femmes autochtones et d ’ ascendance africaine aient accès à l ’ éducation, à l ’ emploi et à la santé, en tenant compte des différences culturelles et linguistiques ;

c) De garantir aux femmes autochtones l ’ accès à des services de santé sexuelle et procréative adaptés à leur culture, y compris en appliquant comme il convient la politiq ue nationale relative aux sages ‑ femmes autochtones ;

d) D ’ adopter des mesures pour prévenir la violence sexiste à l ’ égard des femmes autochtones et d ’ ascendance africaine et de mener des enquêtes approfondies sur tous les cas de violence sexiste, y compris les actes de violence sexuelle commis contre ces femmes, en veillant à ce que les responsables soient dûment sanctionnés et en garantissant aux victimes l ’ accès à la justice et à des mécanismes de protection efficaces et culturellement appropriés.

Formes multiples de discrimination

35.Le Comité prend note des renseignements fournis sur les mesures adoptées pour favoriser l’inclusion des personnes handicapées. Il regrette cependant le manque d’informations sur les résultats concrets de ces mesures s’agissant de lutter contre les formes multiples de discrimination subies par les personnes handicapées issues de peuples autochtones ou d’ascendance africaine (art. 1er, 2 et 5).

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre les formes multiples de discrimination auxquelles se heurtent les personnes handicapées, y compris en intégrant une perspective ethnique dans les mesures adoptées pour lutter contre la discrimination à leur égard.

Accès à la justice

37.Si le Comité prend note des efforts que l’État partie a menés pour garantir l’accès des peuples autochtones à la justice, il s’inquiète du manque d’indépendance de la justice, de la persistance de la discrimination raciale dans le système judiciaire et du manque de pertinence culturelle et linguistique, qui continuent d’entraver l’accès effectif des peuples autochtones à la justice, et en particulier des femmes autochtones. Le Comité constate aussi avec préoccupation qu’en dépit de la reconnaissance jurisprudentielle de la coexistence des juridictions autochtones, le projet de loi sur les juridictions autochtones n’a pas encore été adopté, outre le fait que certaines institutions ne reconnaissent toujours pas ces juridictions. Enfin, le Comité est préoccupé par le faible nombre de procès pour discrimination raciale (art. 2 et 6).

38. Sur la base de sa recommandation générale n o  31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ œuvrer davantage pour garantir l ’ accès des peuples autochtones à la justice, en veillant à ce que leurs droits fondamentaux et l es garanties d ’ une procédure régulière soient respectés , et à ce que toutes les victimes de discrimination raciale aient accès à des recours judiciaires rapides et efficaces et à une indemnisation ;

b) De prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ indépendance de la justice en tant que moyen de protéger l ’ exercice des droits de l ’ homme et de lutter contre la discrimination raciale, notamment en veillant à ce que l ’ intégrité des juges et des magistrats soit protégée ;

c) De prendre les mesures nécessaires à la reconnaissance et au respect du système de justice autochtone conformément au droit international des droits de l ’ homme, y compris en envisageant d ’ adopter le projet de loi sur l es juridictions autochtone s et en renforçant la coopération et la coordination entre les autorités du système judiciaire ordinaire et les juridictions autochtones ;

d) De mettre fin à la discrimination raciale dans le système judiciaire, notamment en formant les policiers, les procureurs, les avocats, les défenseurs, les juges et les professionnels de la justice afin de les sensibiliser aux effets néfastes de la discrimination raciale et de garantir l ’ application effective de la Convention.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

39. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l ’ homme, le Comité encourage l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie , comme la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées , le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques , visant à abolir la peine de mort, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturel s et le Protocole facultatif à la Conv ention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications . En outre, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier la Convention interaméricaine contre toutes les formes de discrimination et d ’ intolérance et la C onvention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d ’ intolérance .

Amendement à l’article 8 de la Convention

40. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier l ’ amendement au paragraphe 6 de l ’ article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l ’ Assemblée générale dans sa résolution 47/111 .

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

41. Le Comité encourage l ’ État partie à faire la déclaration facultative visée à l ’ article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles .

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

42. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d ’ examen de Durban, le Comité recommande à l ’ État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d ’ examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d ’ action qu ’ il aura adoptés et les autres mesures qu ’ il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d ’ action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

43. À la lumière de la résolution 68/237 de l ’ Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d ’ activités de la Décennie, le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour élaborer et mettre en œuvre un programme, des mesures ou des politiques adaptés, en collaboration avec des organisations de personnes d ’ ascendance africaine, y compris le peuple garifuna. Il lui demande d ’ inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ égard d es personnes d ’ ascendance africaine .

Consultations avec la société civile

44. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et d ’ élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l ’ élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion d’information

45. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les présentes observations finales dans s a langue officielle et les autres langues couramment utilisées dans le pays .

Document de base commun

46. Le Comité encourage l ’ État partie à mettre à jo ur son document de base commun, qui date du 2 février 2012, conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I). À la lumière de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État part ie de respecter la limite de 42  400 mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

47. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 9 de la Convention et à l ’ article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai d ’ un an à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes  10 (législation) et 16 a), c) et d) (conflit armé et accords de paix).

Paragraphes d’importance particulière

48. Le Comité souhaite appeler l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes  14 (discrimination structurelle), 20 (consultation préalable) et 22 (terres, territoires et ressources naturelles) et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises pour y donner suite .

Élaboration du prochain rapport périodique

49. Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant dix ‑ huitième à vingtième rapports périodiques , d ’ ici au 17 février 2022 , en tenant compte des directives pour l ’ établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales . À la lumière de la résolution  68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État part ie de respecter la limite de 21  200 mots fixée pour les rapports périodiques .