NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/TZA/CO/16 * 1 novembre2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑septième session1- 19 août 2005

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE

Le Comité a examiné les huitième à seizième rapports périodiques de la Tanzanie, soumis en un seul document (CERD/C/452/Add.7) à ses 1713e et 1714e séances (CERD/C/SR.1713 et 1714), tenues les 9 et 10 août 2005. À sa 1725e séance (CERD/C/SR.1725), tenue le 17 août 2005, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par l’État partie ainsi que les renseignements supplémentaires que la délégation a fournis oralement. Il doit cependant regretter que le rapport ne donne pas suffisamment de renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux dispositions de la Convention.

Le Comité a noté avec appréciation la présence d’une délégation de haut niveau et s’est félicité des entretiens francs et constructifs qu’il a eus avec elle et de la possibilité qui lui était ainsi offerte de renouer le dialogue avec l’État partie.

Notant que le rapport lui était soumis avec 17 ans de retard, le Comité invite l’État partie à respecter pour ses rapports futurs les délais qui lui sont impartis.

B. Aspects positifs

GE.07-41002Le Comité constate que la Tanzanie continue d’accueillir plus de 600 000 réfugiés, soit la population de réfugiés la plus nombreuse d’Afrique malgré un certain recul du phénomène.

Le Comité est conscient que la Tanzanie est un État multiethnique qui compte plus de 120 groupes ethniques et minoritaires et il prend note des efforts entrepris par le pays pour édifier un État où tous ces groupes vivraient en harmonie.

Le Comité se félicite de la création de la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, qui a notamment compétence pour faire enquête sur les plaintes pour violation des droits de l’homme et diffuser des renseignements sur les droits de l’homme.

Le Comité prend acte du rôle que jouent les ward tribunals dans l’administration de la justice au niveau local, qui donnent de la promptitude à l’action judiciaire et la rendent accessible à la population.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité prend note des raisons qu’a présentées l’État partie pour expliquer pourquoi il n’a pas rassemblé de données détaillées sur les groupes ethniques qui composent sa population, mais il constate que l’absence de statistiques sur la composition de la population fait qu’il est impossible d’avoir un tableau complet de la société tanzanienne dans toute sa complexité.

Le Comité recommande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique l’évaluation au moins approximative de la composition ethnique et linguistique de sa population et du nombre de non ‑ressortissants; à cet égard, il attire l’attention de l’État partie sur le paragraphe 8 de ses directives pour la présentation des rapports et sur sa recommandation générale XXIV (1999).

Le Comité note que l’article 13 de la Constitution tanzanienne interdit la discrimination raciale et que son article 9 impose aux organes de l’État de garantir l’égalité, mais il s’inquiète de l’absence dans l’État partie de législation visant expressément la discrimination raciale (art. 1 et 2).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation expresse sur la discrimination raciale donnant effet aux dispositions de la Convention et, notamment, de définir la discrimination raciale en termes légaux dans le sens de l’article premier de la Convention.

Gardant à l’esprit que l’État partie est doté d’un système juridique double, le Comité s’inquiète que la Convention n’ait pas été intégrée au droit interne et que son application directe dans l’État partie ne soit pas évidente (art. 2).

Le Comité recommande fortement à l’État partie d’envisager d’incorporer la Convention dans son ordre juridique interne.

Le Comité prend note de l’alinéa 1) du paragraphe b) de l’article 63 du Code pénal mais s’inquiète de l’insuffisance des dispositions pénales donnant expressément suite à l’article 4 de la Convention (art. 4).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter, à la lumière de sa recommandation générale XXV (1993) une législation incorporant pleinement dans son ordre juridique interne l’article 4 de la Convention.

Le Comité se réjouit que la mutilation génitale des femmes ait été érigée en crime dans l’État partie en 1998, mais il reste préoccupé par le fait que cette pratique reste courante dans certaines communautés ethniques (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur la mutilation génitale des femmes. Il lui recommande également de renforcer les mesures qu’il a prises pour en faire disparaître la pratique, grâce notamment à des programmes de sensibilisation visant à faire évoluer les attitudes, en consultation avec les communautés traditionnelles.

Le Comité note avec inquiétude que l’État partie ne donne aucun renseignement sur l’expropriation de certains groupes ethniques de leurs territoires ancestraux, de leur déplacement et leur réinstallation forcés (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de donner des renseignements détaillés sur l’expropriation des terres de certains groupes ethniques, sur les indemnisations versées et sur la situation de ces groupes après leur éviction.

Le Comité regrette de ne pas disposer de renseignements sur le nombre de non‑ressortissants qui vivent dans l’État partie ni sur leur statut du point de vue de l’exercice de leurs droits (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les non ‑ressortissants et leur statut − en ce qui concerne notamment les immigrants et les demandeurs d’asile − ainsi que sur les étrangers résidents de longue durée et la possibilité qu’ils ont d’acquérir la citoyenneté, conformément à sa recommandation générale XXX (2004).

Le Comité constate également avec inquiétude qu’aucun renseignement n’est fourni sur certains groupes ethniques vulnérables, notamment les populations nomades et semi‑nomades − par exemple les Barbaigs, les Massaïs et les Hadzabes − quant aux difficultés qu’ils pourraient rencontrer en raison de leur mode de vie particulier, ni sur les mesures spéciales prises pour garantir dans leur cas l’exercice des droits de l’homme (art. 5 et 2).

Le Comité recommande à l’État partie de donner des renseignements détaillés sur la situation des groupes ethniques nomades et semi ‑nomades et sur les mesures spéciales qu’il aurait éventuellement prises pour garantir dans leur cas l’exercice des droits que leur reconnaît la Convention, notamment la liberté de mouvement et le droit de participer aux décisions qui les touchent.

Le Comité constate avec inquiétude que, selon les informations qu’il a reçues de source sûre, certains réfugiés ont été renvoyés de force dans des pays où il y a de bonnes raisons de croire que leurs droits fondamentaux seront gravement violés (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de donner des renseignements sur la situation des réfugiés, sur le fondement légal de leur déportation et sur la protection juridique qui leur est accordée, y compris le droit à l’aide juridictionnelle et le droit de faire appel des ordonnances de déportation. Le Comité prie instamment l’État partie de s’assurer, selon le paragraphe b) de l’article 5 de la Convention, qu’aucun réfugié n’est renvoyé de force dans un pays où il y a de bonnes raisons de croire que ses droits fondamentaux seront gravement violés.

Le Comité est préoccupé par les indications selon lesquelles des réfugiés, notamment les femmes, feraient l’objet d’arrestations et de détentions arbitraires, de brutalités et de mauvais traitements de la part des fonctionnaires chargés de l’application des lois, ainsi que par l’absence d’enquête sur ce genre d’affaires (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour faire disparaître toute forme de mauvais traitement infligé par les fonctionnaires chargés de l’application des lois à des réfugiés, en particulier les femmes, et de faire procéder promptement à des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales sur toute présomption de mauvais traitements de réfugiés. Il lui recommande aussi de poursuivre et de punir les personnes responsables de ce genre de mauvais traitements et d’indemniser les victimes.

Le Comité note que l’État partie a entrepris de réformer son secteur judiciaire et de s’interroger sur l’accessibilité de la justice, mais il s’inquiète des difficultés qu’éprouvent particulièrement les pauvres et les membres des groupes minoritaires à recourir au système judiciaire (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place des dispositifs améliorant la capacité et l’efficacité de l’appareil judiciaire pour garantir à tous sans exclusive l’accès à la justice, et d’établir des mécanismes mettant l’aide juridictionnelle à la disposition de tous les membres des groupes vulnérables.

Les questions religieuses relèvent des compétences du Comité lorsqu’elles sont liées à l’ethnicité et à la discrimination raciale. À cet égard, le Comité s’inquiète de ne pas disposer de renseignements sur la composition ethnoreligieuse de la population de l’État partie ni sur les tensions qui existeraient entre groupes ethnoreligieux (art. 5 et 7).

Le Comité recommande à l’État partie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur la situation des communautés ethnoreligieuses et sur les mesures prises pour favoriser la tolérance entre elles.

Le Comité regrette de ne pas disposer de renseignements suffisamment détaillés sur l’indépendance, les compétences et l’efficacité réelle de la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance. Il note qu’alors que sa charge a été instituée en 1966, le Médiateur n’a été saisi d’aucune plainte pour discrimination raciale (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie de présenter dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur l’indépendance, les compétences et les résultats effectifs de la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance. Il l’encourage à renforcer cette institution conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale) et à la doter de ressources suffisantes. Il lui recommande d’autre part de faire largement connaître l’existence de cette institution, notamment ses compétences en matière d’enquête sur les violations des droits de l’homme.

Le Comité constate l’absence de renseignements sur les plaintes pour discrimination raciale et l’inexistence de la jurisprudence dans cette matière (art. 6 et 7).

Le Comité rappelle que l’absence d’affaires peut s’expliquer par le fait que les victimes manquent d’informations sur les recours qui leur sont offerts; il recommande donc à l’État partie de prévoir dans la législation nationale des dispositions contre toute violation de la Convention et sur les recours offerts éventuellement, et d’informer l’ensemble de l’opinion publique des droits existants et des recours disponibles en cas d’infraction. Il lui recommande enfin de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plaintes et les affaires apparues dans l’entretemps.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre en considération les passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lorsqu’il donne suite à la Convention dans son ordre juridique interne, en ce qui concerne notamment les articles 2 à 7 de celle‑ci. Il lui recommande également d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action.

Le Comité demande que le rapport de l’État partie et ses propres observations soient largement diffusés dans tout le pays et que le prochain rapport périodique, avant de lui être présenté, soit porté à l’attention des organisations non gouvernementales qui y travaillent.

Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111, concernant le financement de ses sessions par le budget ordinaire de l’Organisation des Nations Unies. À cet égard, il rappelle les dispositions de la résolution 59/176 du 20 décembre 2004 dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement en question et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

En application du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et de l’article 65 de son propre règlement, le Comité prie l’État partie de l’informer de la suite donnée aux recommandations figurant ci‑dessus aux paragraphes 13, 17 et 18 dans l’année suivant l’adoption des présentes conclusions.

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dix‑septième et dix‑huitième rapports périodiques en un seul document le 26 novembre 2007 et d’y traiter tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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