Nations Unies

CCPR/C/119/D/2216/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

1er novembre 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2216/2012*, **, ***, * ***

Communication p résentée par :

C (représentée par des conseils, Michelle Hannon, Ghassan Kassisieh et Clancy King)

Au nom de :

L’auteure et sa fille mineure

État partie :

Australie

Date de la communication :

27 avril 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 28 novembre 2012 (non publiée sous forme de document)

Date de s constatat ion s :

28 mars 2017

Objet :

Interdiction de l’accès à la procédure de divorce pour un couple homosexuel marié à l’étranger

Question(s) de procédure :

Irrecevabilité ratione loci ; absence de qualité de victime

Question(s) de fond :

Égalité d’accès aux cours et tribunaux ; discrimination fondée sur l’orientation sexuelle

Article(s) du Pacte :

14 (par. 1), lu conjointement avec les articles 2 (par. 1), et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

1

1.1L’auteure de la communication est C, de nationalité australienne et britannique, née le 12 avril 1963. Elle soumet la communication en son nom propre et au nom de sa fille mineure, R. Elle affirme être victime d’une violation par l’Australie des droits qui lui sont garantis par le paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 2, et l’article 26 du Pacte. L’auteure est représentée par des conseils.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1Mme C vit dans l’État du Queensland, en Australie. Pendant une dizaine d’années, elle a vécu avec Mme A en couple, d’abord dans l’État de Victoria, puis dans le Queensland. À un moment donné, les deux femmes ont décidé de recourir à la procréation médicalement assistée et de choisir un donneur de sperme. Elles sont convenues que C serait la mère biologique. Leur fille est née en 2001. Elles ont toujours souhaité être parentes de l’enfant à égalité. Or les lois du Queensland à l’époque ne permettaient pas de désigner un second parent du même sexe sur un certificat de naissance. Cependant, en vertu de la modification ultérieure des lois du Queensland et du Commonwealth, les deux femmes sont maintenant reconnues comme les parentes légales de leur fille. C et A avaient une relation stable et mettaient leurs ressources financières en commun. C représentait la principale source de revenus tandis que A travaillait à temps partiel et s’occupait principalement du foyer. Leurs finances étant communes, la maison familiale, l’hypothèque, les prêts automobiles et les comptes bancaires étaient à leurs deux noms.

2.2En 2004, à la suite de la réforme des lois sur le mariage au Canada, le couple s’est rendu au Canada et s’est marié conformément à la législation canadienne. Cependant, peu de temps après, des tensions dans la relation ont vu le jour et A a quitté le domicile conjugal le 22 décembre 2004. Depuis lors, les deux femmes vivent séparément et C s’occupe seule de leur fille.

2.3À la suite de la séparation, C a pris contact avec un avocat pour qu’il établisse un acte de séparation financière en vertu de la loi du Queensland sur le partage des biens entre couples non mariés (« unions de fait »), qui avait été modifiée pour couvrir également les couples de même sexe. L’auteure a été informée qu’elle ne pouvait pas demander une pension alimentaire pour enfant en sollicitant les mécanismes ordinaires. Elle n’a pas tenté de réclamer une pension de ce type après les réformes législatives introduites en 2008. Le 3 mars 2005, C et A ont signé un acte de séparation contraignant relevant du régime du Queensland relatif au partage des biens entre conjoints de fait. Tous contacts entre elles ont cessé en 2006. Aucune procédure officielle de garde n’a été engagée et l’auteure est la seule parente de l’enfant depuis le 22 décembre 2004. A n’a pris aucun contact avec sa fille depuis le début de 2005 et ne lui fournit aucun soutien financier. Elle a également cessé ses paiements liés à l’emprunt hypothécaire contracté au nom des deux femmes. C ne sait plus où se trouve A.

2.4L’auteure souhaite dissoudre officiellement son mariage légal canadien pour d’importantes raisons personnelles et pratiques, notamment pour se ménager la possibilité de se remarier ou de conclure un partenariat civil. Selon la loi du Queensland sur les partenariats civils, un partenariat ne peut être conclu, et est déclaré nul, si l’une des parties est déjà mariée ou en partenariat. En outre, C se trouve assaillie de questions de créanciers au sujet des dettes de A, dont elle ignorait pour certaines l’existence. De plus, C voyage régulièrement à l’étranger dans le cadre de son travail et s’inquiète de ce que son statut de personne mariée fasse de A sa conjointe légale lorsqu’elle se rend dans des pays (dont le Canada, le Royaume-Uni, le Danemark et certaines parties des États-Unis) où elle est considérée comme mariée au regard des lois nationales. Cela a des conséquences pour des questions telles que celle de savoir quelle est la personne à joindre en cas d’urgence lors d’un de ses séjours à l’étranger. Une ordonnance de divorce permettrait à l’auteure de disposer d’une preuve incontestable de ce que sa relation avec A est officiellement terminée.

2.5Les procédures de divorce dans le Queensland sont régies par la loi australienne de 1975 sur le droit de la famille. Une ordonnance de divorce dissout de manière officielle et définitive une relation matrimoniale. Pour que la demande de divorce soit valide et que le tribunal puisse rendre une ordonnance de divorce, la relation conjugale doit être reconnue comme un « mariage » aux fins de la loi. La loi ne définit pas précisément ce qui constitue un « mariage ». Toutefois, la reconnaissance juridique de certaines unions comme des mariages aux fins de la loi dépend : a) de la définition du « mariage » et des règles relatives à la reconnaissance des mariages étrangers énoncées dans la loi de 1961 sur le mariage ; b) des règles de common law du droit international privé (en cas de divergence, les dispositions de la loi sur le mariage priment toujours sur celles du droit international privé) ; et c) des dispositions spécifiques de la loi sur le droit de la famille qui qualifient certaines unions de mariages aux fins des procédures engagées en vertu de ladite loi.

2.6Le paragraphe 1 de l’article 5 de la loi sur le mariage définit le mariage comme « l’union d’un homme et d’une femme à l’exclusion de toute autre personne, volontairement scellée à vie ». Cette définition vaut pour la totalité de la loi, que le mariage ait été célébré en Australie ou à l’étranger, et reflète la manière dont la common law définit le mariage dans l’État partie. La loi régit également la reconnaissance en Australie des mariages contractés à l’étranger. D’une manière générale, les mariages qui ont été célébrés à l’étranger conformément aux lois locales sont considérés comme valides en Australie, sauf en cas d’exceptions spécifiquement prévues dans la législation. À cet égard, l’article 88EA de la loi dispose qu’« une union célébrée dans un pays étranger entre : a) un homme et un autre homme ; ou b) une femme et une autre femme, ne doit pas être reconnue comme un mariage en Australie ».

2.7C’est la loi de 2004 portant modification de la loi sur le mariage qui a ajouté à celle‑ci le paragraphe 1 de l’article 5 et l’article 88EA. L’exposé des motifs accompagnant le projet de loi indiquait que celui-ci avait pour but de « donner effet à l’engagement du Gouvernement de protéger l’institution du mariage en veillant à ce que le mariage signifie l’union d’un homme et d’une femme et qu’une relation entre personnes de même sexe ne puisse être assimilée à un mariage ». Le projet de loi confirmait également que les unions célébrées à l’étranger entre personnes de même sexe ne seraient pas reconnues comme des mariages en Australie.

2.8L’auteure reconnaît qu’elle n’a pas déposé de demande de divorce en Australie. Toutefois, une telle demande (ou un recours formé contre le refus probable de la juridiction sollicitée d’examiner une telle demande) serait totalement inutile, compte tenu des dispositions législatives expresses qui privent l’auteure de la capacité d’agir à cette fin. En outre, il n’existe pas en Australie de déclaration des droits fédérale qui permettrait à l’auteure de contester la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans des lois du Commonwealth telles que la loi sur le mariage ou la loi sur le droit de la famille. En conséquence, aucune voie juridictionnelle ou administrative efficace n’est ouverte en Australie pour contester des dispositions législatives qui établissent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Étant donné que la plainte de l’auteure découle de dispositions législatives, toute constatation de la Commission australienne des droits de l’homme qui estimerait que les lois violent les droits fondamentaux de l’auteure pourrait uniquement conduire à une recommandation dépourvue de toute valeur contraignante. Seule une réforme législative adoptée par le Parlement peut constituer un recours interne utile pour l’auteure.

2.9L’auteure affirme qu’elle n’a pas le droit de demander le divorce dans un autre pays ayant un lien avec l’objet de la communication, c’est-à-dire au Canada (où son mariage a été célébré) ou au Royaume-Uni (dont elle a aussi la nationalité). Elle ne peut pas obtenir le divorce au Canada parce que, conformément à l’article 3 1) de la loi canadienne de 1985 sur le divorce, l’auteur de la demande doit avoir sa résidence habituelle dans le pays depuis au moins un an. Au Royaume-Uni, bien que le mariage de l’auteure au Canada n’y soit pas reconnu comme un mariage, il y est reconnu comme une union civile. Toutefois, les articles 221 1) et 219 de la loi de 2004 sur le partenariat civil disposent que les tribunaux internes ne sont compétents en matière de dissolution ou d’annulation de partenariats civils non enregistrés dans le pays que si l’un au moins des partenaires a sa résidence habituelle ou son domicile au Royaume-Uni, dans certains cas depuis les six mois précédant immédiatement le dépôt de la demande. De plus, le point de savoir si une ordonnance de dissolution accordée par le Royaume-Uni serait reconnue par d’autres États n’est pas clair. Compte tenu de sa situation personnelle, l’auteure n’est pas en mesure de se réinstaller au Canada ou au Royaume-Uni. Le fait de devoir y résider pour une période de six mois à un an pour pouvoir présenter une demande de divorce rendrait un tel recours manifestement déraisonnable, préjudiciable et inefficace.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme que le fait que le droit australien prive de l’accès à la procédure de divorce les couples homosexuels qui se sont validement mariés à l’étranger et que ces couples soient en conséquence privés de solution judiciaire sous la forme d’une ordonnance de divorce constitue une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, contraire au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 2 (égalité d’accès aux tribunaux), ainsi qu’à l’article 26 (égalité devant la loi). Si l’auteure avait contracté mariage avec une personne de sexe opposé, ce mariage serait reconnu aux fins de la loi sur le droit de la famille et elle aurait le droit de déposer une demande de divorce qui pourrait être examinée par un tribunal australien compétent en droit de la famille. Comme elle satisfait à tous les autres critères pour qu’une telle demande aboutisse, elle obtiendrait une ordonnance de divorce. L’unique distinction faite par la loi a trait à ce que son ancienne partenaire est du même sexe qu’elle. La nature homosexuelle de son mariage est une caractéristique liée à son orientation sexuelle en tant que lesbienne.

3.2Les lois australiennes qui refusent à l’auteure l’accès aux procédures judiciaires de divorce sur le seul fondement de son orientation sexuelle ne peuvent être justifiées par aucun motif objectif ou raisonnable pour les raisons ci-après.

3.3L’Australie reconnaît généralement les mariages étrangers aux fins du divorce, même si ces mariages ne sont pas reconnus par d’autres lois ou ne peuvent avoir lieu en Australie pour quelque autre raison que ce soit. Les mariages entre personnes de même sexe (qui ne peuvent être contractés en Australie) font l’objet, dans la loi sur le droit de la famille et la loi sur le mariage, d’un traitement moins favorable que les mariages entre personnes de sexe opposé qui ne peuvent pas non plus être contractés en Australie. Par exemple, l’Australie n’autorise pas le mariage polygame dans sa juridiction et la bigamie est une infraction pénale. Pourtant, les mariages polygames entre personnes de sexe opposé célébrés à l’étranger sont considérés comme des mariages aux fins de la loi sur le droit de la famille. Ainsi, un homme qui épouse une deuxième femme à l’étranger aurait le droit de demander le divorce en vertu de la loi australienne, tout comme sa deuxième épouse, malgré le fait que leur mariage n’aurait pu être contracté en Australie et, d’une manière générale, n’y serait pas reconnu. La différence de traitement en matière d’accès au divorce entre ces deux types de mariages non reconnus donne à penser qu’il existe des raisons non objectives et discriminatoires à l’origine du traitement moins favorable réservé aux couples homosexuels qui se marient à l’étranger. En outre, du fait de la reconnaissance générale en Australie des mariages hétérosexuels célébrés à l’étranger, d’autres types de mariages qui ne pourraient pas être contractés en Australie y sont également reconnus. Par exemple, un mariage entre un homme et une femme âgés tous deux de plus de 16 ans est reconnu en Australie lorsque les lois locales en vigueur dans le pays où le mariage a eu lieu l’autorisent, en dépit du fait que l’âge du mariage en Australie est de 18 ans. Un tel mariage pourrait donc faire l’objet d’une procédure de divorce.

3.4Le refus de l’accès aux mécanismes de divorce pour les conjoints de même sexe ne contribue en rien à la réalisation des objectifs visés par les lois australiennes sur le divorce et peut même l’entraver. Ces objectifs consistent à faciliter un règlement civil et peu onéreux des ruptures matrimoniales d’une manière propre à réduire au minimum les conflits et à protéger le bien-être des enfants. Aujourd’hui, le divorce en Australie passe par une procédure nationale, simplifiée, en libre-service, qui requiert comme unique motif une période avérée de séparation de douze mois consécutifs. Les parties et leurs représentants légaux ne sont pas tenus d’assister aux audiences si la demande de divorce n’est pas contestée et qu’il n’y a pas d’enfants mineurs, ni d’établir les causes de la rupture du mariage. Lorsqu’il y a des enfants de moins de 18 ans issus du mariage, un tribunal doit vérifier que des mesures appropriées ont été prévues pour assurer leur protection, leur bien‑être et leur développement, ou décider que l’ordonnance de divorce doit prendre effet même en l’absence de telles mesures. La privation de l’accès à la procédure de divorce et à une ordonnance de divorce prolonge les conflits et empêche les conjoints qui se séparent de donner une forme officielle à la dissolution de leur mariage et à leur séparation. Cela expose les conjoints et leurs enfants à un risque accru de problèmes de santé physique et psychologique et à des difficultés financières et économiques.

3.5En outre, l’auteure est dans l’incertitude quant à sa situation juridique au regard du régime de reconnaissance des relations actuellement en vigueur dans le Queensland. Elle n’est pas en mesure de conclure un partenariat civil avec son actuelle partenaire parce qu’elle est déjà « mariée ou en partenariat civil », et pourtant son mariage n’est pas reconnu par la loi fédérale aux fins d’une dissolution. De plus, le Queensland peut, comme la Tasmanie l’a déjà fait, considérer le mariage canadien de l’auteure comme un partenariat civil, ce qui favoriserait la reconnaissance rétroactive de cet ancien mariage à un moment donné. Il est difficile de prévoir quels droits (par exemple, en matière de succession et de vocation successorale) cela pourrait ouvrir à A ou à ses ayants droit, droits par lesquels l’auteure pourrait alors être liée. L’auteure n’a aucune possibilité légale de corriger son statut matrimonial au regard de la loi et de lever cette incertitude juridique.

3.6Les lois discriminatoires contribuent de manière directe et indirecte à entretenir un climat d’hostilité qui, outre qu’il constitue une forme de discrimination et de préjudice en soi, ouvre la voie à des actes homophobes de violence, de harcèlement et de discrimination. Des études ont montré que de telles lois peuvent contribuer à la survenue de problèmes de santé mentale chez les personnes non hétérosexuelles.

3.7En Australie, l’opinion publique est largement favorable à l’égalité de traitement pour les couples homosexuels, ce qui est une raison supplémentaire de ne pas considérer la discrimination comme objectivement ou raisonnablement justifiée. Plusieurs responsables politiques, juges, dirigeants syndicaux, chefs religieux et notables australiens ont exprimé leur soutien à un traitement égal des couples homosexuels dans la législation nationale relative au mariage.

3.8Entre 1999 et 2004, tous les États et territoires australiens ont mis en place une réforme globale visant à reconnaître les unions libres (de fait) de personnes de même sexe au même titre que celles de personnes de sexe opposé dans presque tous les domaines du droit, et les conjoints de fait, qu’ils soient de sexe opposé ou de même sexe, bénéficient des mêmes droits que les couples mariés dans presque tous les domaines du droit. Cela implique la reconnaissance égale des partenaires de même sexe pour des questions telles que l’héritage, l’indemnisation des victimes, les proches à consulter dans la prise de décisions médicales, les droits de timbre et le partage des biens en cas de rupture d’une relation. En 2008, le Parlement a adopté des réformes tendant à reconnaître les conjoints de fait de même sexe au même titre que les partenaires de fait hétérosexuels dans tous les domaines du droit fédéral, et a uniformisé le traitement des couples de fait et des couples mariés dans tous les domaines de discrimination qui subsistaient dans la loi fédérale. Ces réformes ont abouti à une reconnaissance égale des partenaires de même sexe et de leurs enfants dans des domaines comme les droits des travailleurs, le régime général des retraites, les pensions et prestations sociales versées par l’État, l’accès aux droits en matière de prestations de santé, les avantages fiscaux, la migration, les pensions alimentaires pour enfants, les pensions d’entretien et le partage des biens en cas de rupture d’une union de fait. Le droit au mariage (et au divorce) et la reconnaissance des mariages homosexuels étrangers sont les seules exceptions notables, une anomalie qui donne à penser que la discrimination dans ce domaine ne saurait être considérée comme objectivement ou raisonnablement justifiée. La fille de l’auteure a subi le préjudice supplémentaire et considérable d’être privée du bénéfice d’une enquête judiciaire visant à déterminer si sa protection, son bien-être et son développement ont été garantis après la séparation de ses parentes ; il est procédé à ce type d’enquête dans toutes les procédures de divorce.

3.9Outre qu’elles reconnaissent les partenaires de même sexe, toutes les juridictions australiennes reconnaissent la plupart des familles homosexuelles (c’est-à-dire les couples avec enfants) comme des familles légales. Ainsi, elles attribuent désormais automatiquement le statut de parente à la partenaire lesbienne (la comère) d’une mère biologique qui a eu un enfant grâce à l’assistance médicale à la procréation. La comère figure avec sa partenaire sur le certificat de naissance de l’enfant et jouit pleinement des droits parentaux. Cette reconnaissance s’applique désormais à la famille de C, en dépit de sa séparation d’avec A, en raison de l’effet rétroactif des réformes. A est reconnue en tant que parente légale de la fille qu’elle a en commun avec C, même si le mariage ne peut être reconnu.

3.10L’auteure cite la jurisprudence de différents pays dont il ressort que le fait de refuser aux couples homosexuels l’accès au mariage et aux avantages qui en découlent en vertu de la loi, y compris le droit au divorce, constitue une discrimination illégale. Elle écarte la décision de la Cour européenne des droits de l’homme en l’affaire Schalk et Kopf c.Autriche, dans laquelle la Cour a rejeté un grief de discrimination fondé sur le refus d’accès au mariage soulevé par un couple homosexuel, et soutient que l’Australie devrait être tenue de reconnaître les mariages homosexuels étrangers afin de permettre aux personnes concernées de se prévaloir des dispositions de la loi sur le droit de la famille, à l’instar du traitement qu’elle accorde déjà aux personnes de sexe opposé unies par des mariages qui ne seraient pas autorisés en Australie. En fait, la reconnaissance attendue de l’Australie aurait le même caractère incident que celle qui permet l’accès aux tribunaux et la dissolution du mariage pour des personnes de sexe opposé qui se sont mariées à l’étranger. La demande de l’auteure est donc relativement modeste et reste strictement dans le champ d’application des articles 14 et 26. L’auteure demande uniquement l’égalité de traitement en matière de droit d’accès aux tribunaux des affaires familiales pour obtenir la dissolution du mariage qu’elle a contracté à l’étranger, un droit que l’Australie accorde actuellement à tous les autres résidents ayant épousé à l’étranger une personne de sexe opposé, que les mariages en question soient ou non reconnus de manière plus générale ou autrement autorisés dans le pays.

3.11Le Comité devrait soit écarter les constatations qu’il a adoptées dans l’affaire Joslin et consorts  c. Nouvelle-Zélande au vu des faits en l’espèce, soit conclure que le même raisonnement ne peut être suivi compte tenu des importants changements intervenus depuis lors sur le plan social, juridique et culturel.

3.12Pour le cas où le Comité constaterait une violation de ses droits au titre des articles 14 et 26 du Pacte, l’auteure sollicite les mesures correctives suivantes :

a)La partie VI de la loi de 1975 sur le droit de la famille, concernant le divorce et la nullité du mariage, devrait être modifiée pour permettre aux personnes qui ont conclu un mariage homosexuel de demander un règlement judiciaire selon les mêmes modalités que celles applicables aux personnes qui ont épousé un partenaire de sexe opposé ;

b)Le paragraphe 4 de l’article 88B et l’article 88EA de la loi de 1961 sur le mariage devraient être abrogés et la définition du « mariage » donnée à l’article 5 devrait être modifiée de façon à reconnaître, aux fins du droit australien, la validité des mariages homosexuels valablement conclus à l’étranger, dans les mêmes conditions que celle des mariages hétérosexuels contractés à l’étranger ;

c)Une législation fédérale antidiscriminatoire devrait être adoptée afin d’offrir un recours utile devant les tribunaux nationaux en cas de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, y compris de discrimination causée par les lois du Commonwealth ou de l’État ou territoire concerné.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et commentaires de l’auteur en réponse

4.Les observations de l’État partie sur la recevabilité et les commentaires de l’auteure en réponse sont résumés dans l’annexe IV au présent document.

Observations de l’État partie sur le fond

5.1Dans sa lettre datée du 27 novembre 2013, l’État partie relève que, bien que l’objet de la communication ne soit pas l’absence de reconnaissance par le droit australien des mariages homosexuels, l’auteure fait un certain nombre de déclarations qui ont davantage trait à la reconnaissance de ces mariages plutôt qu’aux lois australiennes sur le divorce. Ces déclarations sont dénuées de pertinence vu que le mariage homosexuel n’est pas protégé par le Pacte, comme l’a considéré le Comité dans l’affaire Joslin et consorts c. Nouvelle ‑Zélande. Les griefs concernant la reconnaissance du mariage homosexuel devraient donc être écartés.

5.2Suivant la jurisprudence du Comité, pour établir une violation de l’article 26, l’auteure doit démontrer : a) qu’elle a fait l’objet d’une distinction, d’une exclusion, d’une restriction ou d’une préférence (traitement différencié) pour un motif interdit ; b) que le traitement différencié n’était pas légitime, c’est-à-dire qu’il ne visait pas un but légitime, n’était pas fondé sur des critères raisonnables et objectifs et n’était pas proportionné au but visé.

5.3L’égalité et la non-discrimination n’exigent pas un traitement identique de toutes les personnes en toutes circonstances. Selon la loi australienne, tout couple en Australie, qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel, a accès aux mêmes mécanismes de règlement des litiges, de répartition des biens et de détermination de la garde des enfants en vertu de la loi de 1975 sur le droit de la famille. Les couples homosexuels et les couples hétérosexuels sont traités de la même manière et bénéficient des mêmes protections et services de résolution des conflits lors de la rupture de leur relation. L’affaire Joslin et les opinions individuelles jointes aux constatations du Comité concernant cette communication permettent de penser que le refus d’accorder le divorce aux couples homosexuels ne constitue pas en soi une violation des droits que l’auteure tient de l’article 26. En effet, pour établir une violation de cet article, l’auteure doit d’abord démontrer qu’elle a été privée de certains droits ou avantages (autres que le fait de n’avoir pu obtenir une ordonnance de divorce). L’État partie maintient que l’auteure n’a pas été soumise à un traitement différencié pour les raisons exposées ci‑dessous.

5.4Parce que l’auteure n’est pas considérée comme mariée selon la loi australienne, la question de l’obtention d’un divorce en Australie ne se pose pas. Pour la même raison, l’auteure n’est pas empêchée de conclure un partenariat enregistré en vertu de la loi australienne. En vertu de la loi de 2011sur les relations, une personne ne peut conclure un nouveau partenariat enregistré si elle est mariée ou a déjà conclu un partenariat enregistré. Or, aux fins de ladite loi, un mariage ne s’entend pas d’un mariage homosexuel contracté à l’étranger et, par conséquent, le mariage de l’auteure n’est pas un partenariat enregistré. L’auteure peut donc conclure un partenariat enregistré dans le Queensland. En outre, son incapacité à conclure un tel partenariat est à l’heure actuelle une pure spéculation. Par conséquent, en l’absence de toute atteinte effective aux droits de l’auteure, le Comité devrait ignorer ce grief.

5.5L’auteure n’est pas privée de recours effectif vu que la législation australienne prévoit des mécanismes permettant de résoudre les questions relatives aux biens comme aux enfants en cas de rupture d’une union de fait. Selon l’article 4AA de la loi sur le droit de la famille, une « union de fait » est une relation entre deux personnes de même sexe ou de sexe opposé qui ne sont pas mariées ni unies par des liens familiaux et qui font véritablement vie commune. Le point de savoir si une relation donnée constitue une union de fait est une question factuelle déterminée au cas par cas en fonction de divers facteurs tels que la durée de la relation, les modalités de résidence commune du couple, le degré d’interdépendance financière et, le cas échéant, l’éducation et l’entretien des enfants. Au moment de la séparation de l’auteure d’avec A, en 2006, le partage des biens en cas de rupture d’une union de fait était régi par les lois de l’État. L’auteure était donc en mesure de faire établir un acte de séparation officiel grâce aux modifications apportées à la loi de 1974 sur les droits de propriété (Queensland) par la loi de 2002 modifiant la loi contre la discrimination (Queensland). Les questions relatives aux biens sont maintenant régies par la loi sur le droit de la famille et les couples de fait qui se sont séparés après le 1er mars 2009 peuvent obtenir des règlements patrimoniaux fondés sur les mêmes principes que ceux valant pour les couples mariés. De plus, l’auteure a actuellement la possibilité de se prévaloir des recours offerts par les tribunaux des affaires familiales en vertu des dispositions de la loi sur le droit de la famille relatives aux arrangements parentaux. La loi permet aux parents et à toutes autres personnes se préoccupant de l’éducation et du bien‑être d’un enfant de solliciter une ordonnance parentale. Une telle démarche permettrait aux tribunaux de veiller à ce que les modalités de garde mises en œuvre après la séparation servent le meilleur intérêt de l’enfant. Ces voies de recours étaient ouvertes à l’auteure au moment de sa séparation. L’auteure a en outre, et ce depuis 2009, la possibilité de demander le versement d’une somme d’argent par l’intermédiaire du dispositif australien d’administration des pensions alimentaires pour enfants.

5.6Un certain nombre d’autres griefs relatifs à des préjudices potentiels, notamment le traitement que des juridictions étrangères pourraient réserver à l’auteure et l’incidence des lois discriminatoires sur l’enfant de l’auteure et sur les couples homosexuels en général, sont irrecevables et, subsidiairement, ne sont pas pertinents pour l’examen au fond, car ils n’établissent pas que l’auteure a été personnellement soumise à un traitement moins favorable.

5.7L’allégation de l’auteure selon laquelle elle subit une discrimination parce que les couples homosexuels mariés à l’étranger n’ont pas accès à une procédure de divorce dans des situations où les couples hétérosexuels mariés à l’étranger bénéficient d’un tel accès est dénuée de fondement. L’accès à une procédure de divorce en cas de mariage conclu à l’étranger dépend, non pas du fait que le mariage soit homosexuel ou hétérosexuel, mais de la nécessité ou non d’un accès à une procédure de divorce dans les circonstances propres à chaque catégorie de mariage conclu à l’étranger. Le principe général est qu’en cas de mariage étranger non reconnu en Australie, il n’est pas nécessaire d’avoir accès à une procédure de divorce. Il existe toutefois certaines exceptions, en fonction des circonstances particulières de ces mariages. Il y a plusieurs catégories de mariages étrangers, chacune faisant l’objet d’un traitement différent selon les circonstances du mariage.

5.8En vertu de la loi sur le mariage, un mariage conclu à l’étranger est reconnu en Australie lorsqu’il est valide dans le pays concerné et qu’il serait considéré comme valide au regard du droit australien s’il avait eu lieu en Australie. Les mariages étrangers ne sont pas reconnus en Australie dans les cas ci-après : l’un ou l’autre des conjoints n’était pas en âge de se marier ; l’un ou l’autre des conjoints était déjà lié par un mariage valide ; le consentement de l’un ou l’autre des conjoints n’était pas réel ; les conjoints entretiennent une relation interdite, par exemple entre frère et sœur ; les deux conjoints sont de même sexe. Certains mariages hétérosexuels conclus à l’étranger donnent accès à une procédure de divorce en Australie, d’autres non. Par exemple, lorsque l’un des conjoints n’est pas en âge de se marier, lorsque le consentement de l’un ou l’autre des conjoints n’était pas réel ou lorsque les conjoints entretiennent une relation interdite, le mariage n’ouvre pas accès à une procédure de divorce en Australie. Étant donné que les mariages conclus à l’étranger donnent lieu au même traitement en matière d’accès à la procédure de divorce, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels, la distinction qu’évoque l’auteure entre mariages homosexuels étrangers et mariages hétérosexuels étrangers est erronée.

5.9Si le Comité refuse d’admettre que les lois australiennes sur le divorce n’instituent pas un traitement différencié, l’État partie fait valoir, à titre subsidiaire, qu’un éventuel traitement différencié dans ses lois sur le divorce serait admissible car légitime. Les éléments retenus par le Comité pour qualifier un traitement différentiel de légitime sont que le traitement en cause doit viser un but légitime, être fondé sur des critères raisonnables et objectifs et être proportionné au but visé. Tout traitement différencié de l’auteure satisfait à ce critère. Tout d’abord, le cadre législatif australien relatif au divorce vise à faire en sorte que les personnes dont le mariage à l’étranger est reconnu comme valide en Australie aient la possibilité de divorcer en Australie. Ce but est légitime.

5.10Les personnes qui ont conclu à l’étranger un mariage reconnu en Australie peuvent obtenir une ordonnance de divorce et celles dont le mariage à l’étranger n’est pas reconnu ne le peuvent pas. Cette interdiction est énoncée dans la loi et elle est donc objective. Il est raisonnable que la pratique et les lois australiennes concernant les personnes autorisées à se marier soient reflétées dans la loi australienne sur la reconnaissance des mariages étrangers. Les exceptions prévues pour les mariages polygames et les mariages conclus à l’étranger entre personnes âgées de 16 à 18 ans sont justifiées. C’est précisément pour ouvrir l’accès au divorce que la loi de 1959 sur les causes matrimoniales puis la loi sur le droit de la famille ont prévu que les mariages polygames légalement contractés à l’étranger étaient bien des « mariages » aux fins des procédures prévues par lesdites lois. L’objectif raisonnable était de permettre aux personnes liées par un mariage étranger polygame d’avoir accès à l’assistance, aux solutions et à l’aide fournies par les tribunaux des affaires familiales, notamment (mais pas uniquement) en ce qui concernait les questions relatives aux enfants, aux biens, à l’entretien ou au divorce. L’exception est objective, puisqu’elle s’applique de manière égale aux mariages étrangers polygames.

5.11En ce qui concerne les mariages étrangers de personnes âgées de 16 à 18 ans, le paragraphe 3 de l’article 88D de la loi sur le mariage dispose qu’un tel mariage n’est pas reconnu en Australie tant que l’un ou l’autre conjoint a moins de 16 ans. Lorsque les deux conjoints ont 16 ans révolus, le mariage peut être considéré comme valide à condition de satisfaire à toutes les autres exigences énoncées dans la loi australienne en ce qui concerne le consentement, la polygamie, les unions interdites et les unions homosexuelles. Cette exception à la règle générale tient au fait qu’une fois que les deux conjoints ont atteint l’âge de 16 ans, la loi australienne reconnaît leur mariage. Sur cette base, les personnes ayant conclu un tel mariage ont accès à la procédure de divorce. Cette exception est raisonnable et objective parce qu’il existe une justification claire et qu’elle repose sur un critère objectif, à savoir l’âge.

5.12Le traitement différencié est proportionné au but visé. Les dispositions de la loi australienne sur le divorce représentent une façon proportionnée de faire en sorte que les personnes ayant conclu à l’étranger un mariage reconnu en Australie puissent obtenir la dissolution de ce mariage. Il n’est pas nécessaire pour les personnes en union de fait ou mariées d’obtenir le divorce pour avoir accès à un recours devant les tribunaux des affaires familiales. Toute personne, que son mariage à l’étranger soit ou non reconnu en Australie, a accès à des mécanismes efficaces pour le règlement de tout litige relevant du droit de la famille. Il se peut que les recours en question soient régis par des dispositions législatives différentes, mais en cas de rupture d’une relation, les mêmes services et protections sont accessibles à toutes les personnes s’étant mariées à l’étranger. Étant donné qu’aucun groupe n’est traité de manière défavorable, un cadre relatif au divorce reflétant la pratique de l’Australie en matière de reconnaissance du mariage est un moyen proportionné d’atteindre le but visé.

5.13L’État partie fait valoir que le grief de l’auteure au titre du paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, est dépourvu de fondement. Le paragraphe 1 de l’article 14 ne prévoit un droit d’accès aux tribunaux que pour qu’il soit statué sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale ou sur une contestation sur des « droits et obligations de caractère civil ». Dès lors que le droit interne ne prévoit pas l’existence d’un droit à une ordonnance de divorce, il n’y a pas lieu de statuer sur des « droits et obligations de caractère civil ». L’auteure n’étant pas censée être mariée, une ordonnance de divorce n’est pas nécessaire, si bien que l’auteure sollicite une mesure dont elle n’a pas besoin. Il n’existe aucun droit d’accès aux tribunaux en l’espèce. Néanmoins, l’auteure a accès à tous les autres recours qui sont rendus disponibles par une telle ordonnance, puisque le système australien accorde les mêmes protections et droits à toutes les personnes en cas de rupture d’une relation. Toute mesure d’ordre pratique que l’auteure souhaiterait solliciter après l’obtention d’une ordonnance de divorce (comme un règlement patrimonial) lui est déjà accessible. Elle n’est pas privée du droit d’obtenir un règlement de ses demandes et, au regard du paragraphe 1 de l’article 14, elle n’est donc pas privée de l’accès aux tribunaux.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant le fond

6.1L’auteure a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie le 17 février 2014. Elle soutient que la jurisprudence Joslin n’est pas directement pertinente pour l’examen de la présente communication. Elle demande une égalité de traitement seulement en ce qui concerne l’accès aux tribunaux de la famille afin d’obtenir la dissolution de son mariage étranger à l’instar de ce que l’État partie accorde actuellement à la plupart des autres résidents qui contractent un mariage hétérosexuel à l’étranger. Si le Comité considère comme pertinentes les constatations adoptées dans l’affaire Joslin, il faudrait alors revoir l’interprétation de l’article 23 compte tenu de l’évolution de la jurisprudence internationale depuis leur adoption. Si le Comité considère que Joslin constitue encore une interprétation appropriée d’un refus à des couples homosexuels de droits ou d’avantages dont disposent les couples mariés, le grief de l’auteure reste valide. L’État partie dénature les solutions offertes aux couples de fait homosexuels et hétérosexuels après la rupture d’une relation. La situation de l’auteure doit être comparée, non pas à la rupture d’une relation hétérosexuelle, mais à la rupture d’un mariage conclu à l’étranger. L’Australie accorde l’accès au divorce à la plupart des couples hétérosexuels mariés à l’étranger, y compris dans certains cas à ceux dont le mariage n’est pas autrement reconnu ou autorisé en Australie.

6.2Le régime des unions de fait n’accorde pas tous les droits et avantages auxquels pourrait prétendre un couple hétérosexuel et, par exemple, un tribunal ne peut pas délivrer une ordonnance de divorce si les parties n’ont pas pris des dispositions appropriées pour l’avenir de leurs enfants. Le refus d’accorder un divorce signifie aussi que l’auteure reste mariée dans un nombre croissant de juridictions, et il existe une différence considérable entre le souhait de l’auteure d’être traitée comme une personne dont le mariage a pris fin et la volonté de l’État partie de traiter l’auteure comme si son mariage n’avait jamais existé.

6.3La loi sur le mariage donne effet à la ratification par l’État partie de la Convention sur la célébration et la reconnaissance de la validité des mariages. Or, cette convention laisse ouverte la possibilité, dans le cas où un mariage homosexuel est valide dans la juridiction il est célébré, de traiter cette union sur un pied d’égalité avec tout autre mariage. L’exclusion par l’État partie des mariages homosexuels dans la loi sur le mariage s’écarte de manière importante des règles du droit international privé et démontre une différence de traitement pour un motif prohibé. Si l’Australie s’était dotée d’une législation objective et proportionnée, elle n’aurait pas exclu la reconnaissance de tous les mariages homosexuels étrangers, ne fût-ce que pour l’accès au divorce, mais aurait pu limiter la non‑reconnaissance aux mariages susceptibles d’être considérés à juste titre comme inacceptables pour des considérations légitimes et objectives d’ordre public. En fait, l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteure n’a pas besoin d’avoir accès à un mécanisme de divorce est contredite par son propre exposé des modifications législatives qui ont été mises en place pour faire en sorte que les personnes liées par un mariage polygame aient accès aux solutions offertes par les tribunaux, notamment le divorce, bien que la loi australienne ne reconnaisse pas la polygamie et n’autorise personne à épouser plusieurs conjoints à la fois. La relative facilité avec laquelle une telle solution a été offerte aux personnes liées par un mariage polygame conclu à l’étranger fait ressortir le caractère disproportionné et discriminatoire réservé aux couples homosexuels qui se sont mariés à l’étranger. De plus, en reconnaissant certains mariages étrangers entre deux personnes qui seraient trop jeunes pour se marier en Australie, l’État partie donne plus de latitude aux lois étrangères qui abaissent l’âge du mariage qu’il n’est prêt à en offrir aux lois étrangères qui autorisent les mariages homosexuels. En réalité, les observations de l’État partie n’expliquent en rien pourquoi il est raisonnable et proportionné d’interdire aux couples homosexuels liés par un mariage conclu valablement à l’étranger l’accès à un mécanisme de dissolution de leur mariage qui est par ailleurs à la disposition de couples hétérosexuels mariés à l’étranger et dont le mariage, comme celui de l’auteure, a été monogame, consensuel, non incestueux et contracté entre personnes ayant atteint l’âge légal requis.

6.4L’auteure conteste l’idée qu’une procédure de divorce ne relève pas de la notion de contestation sur des « droits et obligations de caractère civil ». Sa contestation porte sur la fin de son mariage et les droits et obligations qui y sont liés. Elle réaffirme par ailleurs qu’elle n’a pas l’accès au tribunal dont elle a besoin et que sa fille n’a pas accès à une enquête relative à son bien-être. Par conséquent, sa fille a potentiellement été privée de la possibilité de maintenir une forme de relation avec A.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Eu égard aux conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité prend note du grief de l’auteure selon lequel une demande de divorce serait inutile et n’aurait aucune chance véritable d’aboutir, compte tenu des dispositions législatives expresses qui privent l’auteure de la capacité de déposer une telle demande devant quelque juridiction australienne que ce soit. En l’absence d’objection de la part de l’État partie à ce sujet, le Comité considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont réunies.

7.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les griefs de l’auteure sont irrecevables ratione loci, en vertu de l’article premier du Protocole facultatif et du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte. L’État partie indique que les mariages homosexuels conclus à l’étranger ne sont pas reconnus par la législation australienne et que, par conséquent, la législation australienne ne prévoit aucun mécanisme pour dissoudre ces mariages. L’État partie reconnaît que l’auteure relève de sa juridiction, mais la plainte de l’auteure exige de l’Australie qu’elle fournisse une voie de recours concernant un acte qui a eu lieu en dehors de sa juridiction et n’a aucun effet juridique à l’intérieur de celle-ci. En outre, certains des griefs de l’auteure ont trait à des conséquences hypothétiques que son mariage canadien pourrait avoir en dehors de l’Australie. Enfin, l’État partie fait valoir que certains des griefs de l’auteure sont trop généraux ou théoriques et que, les concernant, l’auteure n’a pas la qualité de victime au sens de l’article premier du Protocole facultatif.

7.5Le Comité note que l’auteure affirme être dans l’incertitude quant à sa situation juridique en Australie et ne pas avoir accès à une voie de droit qui lui permettrait de modifier son statut matrimonial et de lever l’incertitude juridique au plan national. Dans la mesure où l’auteure affirme être directement affectée en Australie, pays où elle réside, par l’impossibilité d’avoir accès à la procédure de divorce dans des conditions d’égalité au regard de la loi, le Comité considère que sa communication est recevable ratione loci au regard de l’article premier du Protocole facultatif.

7.6Le Comité prend note du grief de l’auteure relatif au préjudice subi par sa fille et de sa demande que celle-ci soit considérée comme coauteure de la communication (voir annexe IV). L’auteure affirme que le fait de ne pas avoir accès à la procédure judiciaire de divorce l’a privée du bénéfice de mécanismes de procédure qui auraient pu aider sa fille à maintenir une certaine forme de relation avec sa comère et améliorer les chances de l’auteure d’obtenir une pension alimentaire pour l’enfant de la part de son ex‑conjointe. Le Comité considère toutefois que l’auteure n’a pas démontré que, sur le plan juridique, sa fille était défavorisée parce que l’auteure n’avait pas accès à une procédure de divorce. D’après l’État partie, en vertu de la loi sur le droit de la famille, l’auteure peut se prévaloir des voies de droit disponibles devant les tribunaux des affaires familiales, et notamment déposer une demande d’ordonnance parentale. L’auteure n’a pas démontré non plus que sa fille avait tenté sans succès de maintenir une certaine forme de relation avec sa comère ni qu’elle-même avait été dans l’impossibilité de demander une pension alimentaire à son ex‑conjointe. En conséquence, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable au regard de l’article premier du Protocole facultatif.

7.7Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que les griefs au titre des articles 14 et 26 du Pacte sont suffisamment étayés, déclare la communication recevable en ce qu’elle semble soulever des questions au regard de ces dispositions à l’égard de l’auteure et procède à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note des griefs de l’auteure qui affirme que le fait que le droit australien prive de l’accès à la procédure de divorce les couples homosexuels qui se sont validement mariés à l’étranger constitue une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et que les mariages homosexuels, qui ne peuvent être contractés en Australie, font l’objet dans la loi australienne d’un traitement moins favorable que les mariages hétérosexuels qui ne peuvent pas non plus être contractés en Australie, comme les mariages polygames et les mariages entre personnes n’ayant pas l’âge légal requis. Le Comité prend note également des griefs de l’auteure concernant les difficultés auxquelles elle se heurte dans sa vie quotidienne du fait qu’elle n’a pas accès à une procédure judiciaire de divorce, et de l’anxiété et du sentiment d’humiliation qu’elle éprouve à cause de l’incertitude quant à son statut matrimonial, par exemple lorsqu’elle est obligée de faire des déclarations à ce sujet. L’auteure indique qu’elle n’est pas considérée comme ayant jamais été mariée en Australie. Elle est cependant considérée comme étant mariée dans certains des pays où elle se rend pour son travail, mais le statut de « divorcée » est le seul qui reflète de manière exacte sa situation personnelle. Pour l’auteure, il y a une différence importante entre le fait d’être traitée comme une personne dont le mariage a pris fin et le fait d’être traitée comme une personne dont le mariage n’a jamais existé. Le Comité note par ailleurs que d’après l’État partie, le grief de discrimination que soulève l’auteure est dénué de fondement vu qu’en règle générale, les mariages étrangers qui ne sont pas reconnus en Australie ne nécessitent pas l’accès à une procédure de divorce ; il existe des exceptions fondées sur les circonstances particulières de ces mariages ; et il y a plusieurs catégories de mariages étrangers dont chacune fait l’objet d’un traitement différent. Par exemple, lorsque dans le cadre d’un mariage hétérosexuel conclu à l’étranger, l’un des conjoints n’est pas en âge de se marier, lorsque le consentement de l’un ou l’autre des conjoints n’était pas réel ou lorsque les conjoints entretiennent une relation interdite, le mariage n’ouvre pas accès à une procédure de divorce en Australie. De l’avis de l’État partie, étant donné que les mariages hétérosexuels étrangers et les mariages homosexuels étrangers donnent lieu dans certains cas au même traitement pour ce qui est de l’accès à la procédure de divorce, la distinction générale que fait l’auteure entre mariages hétérosexuels étrangers et mariages homosexuels étrangers n’est pas appropriée.

8.3Le Comité note que l’auteure n’a pas accès à la procédure de divorce en Australie parce que son mariage homosexuel à l’étranger n’y est pas reconnu au titre des articles 5 (par. 1) et 88EA de la loi australienne sur le mariage, alors que les couples ayant contracté certaines catégories de mariages hétérosexuels à l’étranger qui ne seraient pas non plus reconnus en Australie ont accès à la procédure de divorce. L’auteure se réfère aux mariages polygames et aux mariages dont les conjoints ont entre 16 et 18 ans ; ces mariages ne sont pas reconnus comme tels aux fins de la loi sur le mariage mais peuvent donner lieu à une procédure de divorce en Australie au titre de la loi sur le droit de la famille alors que les mariages homosexuels ne sont pas reconnus et ne peuvent donner lieu à cette procédure. Le Comité considère que cette situation constitue un traitement différencié.

8.4Le Comité renvoie à sa jurisprudence dont il ressort que l’article 26 du Pacte confère non seulement à toutes les personnes l’égalité devant la loi et la protection égale de la loi, mais interdit aussi toute discrimination découlant de la loi et garantit à toutes les personnes une protection égale et effective contre toute discrimination fondée sur des motifs tels que la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Le Comité renvoie également à sa jurisprudence dont il ressort que l’interdiction de la discrimination consacrée par l’article 26 couvre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et qu’une différence de traitement ne constitue pas systématiquement une discrimination, pour autant qu’elle repose sur des motifs raisonnables et objectifs, dans la poursuite d’un but légitime au regard du Pacte. La question pour le Comité est donc de savoir s’il a été démontré que la différence de traitement qu’a connue l’auteure en matière d’accès à la procédure de divorce en Australie après son mariage homosexuel à l’étranger, par rapport aux personnes qui ont contracté un mariage hétérosexuel à l’étranger, satisfait aux critères du caractère raisonnable et objectif et de la légitimité du but visé.

8.5Le Comité note que l’État partie soutient que le cadre législatif australien relatif au divorce vise à faire en sorte que les personnes dont le mariage à l’étranger est reconnu comme valide en Australie aient la possibilité de divorcer en Australie et que cet objectif est légitime, que l’impossibilité de divorcer en cas de mariage à l’étranger non reconnu en Australie est énoncée dans le droit interne et donc objective, et que les exceptions à cette règle sont fondées sur des critères objectifs et raisonnables. D’après l’État partie, il est raisonnable que l’Australie reflète ses pratiques et ses lois relatives aux conditions du mariage dans sa législation relative à la reconnaissance des mariages étrangers et au divorce. L’État partie indique que le but de l’exception prévue pour les mariages étrangers polygames est de permettre aux parties d’avoir accès à l’assistance, aux solutions et à l’aide fournies par les tribunaux des affaires familiales, notamment (mais pas uniquement) en ce qui concerne les questions relatives aux enfants, aux biens, à l’entretien ou au divorce. Pour ce qui est des mariages étrangers entre personnes âgées de 16 à 18 ans, lorsque les deux conjoints ont 16 ans révolus, le mariage peut être considéré comme valide au regard de la loi australienne.

8.6Le Comité considère que l’explication de l’État partie quant au caractère raisonnable, objectif et légitime de la distinction qui motive la différence de traitement entre les deux catégories de mariages mentionnées plus haut, à savoir les mariages étrangers non reconnus en Australie et les mariages homosexuels contractés à l’étranger, n’est pas convaincante, et que la conformité avec le droit interne ne suffit pas en soi à établir le caractère raisonnable, objectif et légitime d’une distinction. En particulier, le Comité relève que l’État partie ne fournit pas de justification raisonnable du fait que les motifs avancés pour la prise en compte d’exceptions ne valent pas également pour le mariage homosexuel que l’auteure a contracté à l’étranger. Par exemple, l’État partie n’a pas expliqué pourquoi le motif qu’il avance pour justifier l’accès à une procédure de divorce en cas de mariage polygame étranger non reconnu ne s’applique pas également aux mariages homosexuels étrangers non reconnus. En l’absence d’explications plus convaincantes de la part de l’État partie, le Comité considère que la différence de traitement fondée sur son orientation sexuelle à laquelle l’auteure est soumise en matière d’accès à une procédure de divorce ne repose pas sur des critères raisonnables et objectifs et constitue donc une discrimination au regard de l’article 26 du Pacte.

8.7Étant parvenu à cette conclusion, le Comité ne se penchera pas sur le grief de violation que l’auteure soulève au titre de l’article 14 (par. 1) lu conjointement avec l’article 2 (par. 1) du Pacte.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 26 du Pacte.

10.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteure un recours utile et une réparation effective. Il a l’obligation d’accorder pleine réparation aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie a l’obligation d’accorder à l’auteure pleine réparation pour la discrimination qu’elle a subie, faute d’accès à une procédure de divorce. Il est également tenu de prendre des mesures pour que des violations analogues ne se reproduisent pas et de revoir sa législation pour donner effet aux présentes constatations.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement.

Annexe I

[Original : français]

Opinion individuelle (dissidente) de Yadh Ben Achour

1.Dans la présente affaire, objet de la communication no 2216/2012, je voudrais, avec respect, exprimer mon désaccord avec le Comité. Ce dernier a cru bon de retenir une violation par l’Australie de l’article 26 du pacte, au motif que : « ...la différence de traitement fondée sur son orientation sexuelle à laquelle l’auteure est soumise en matière d’accès à une procédure de divorce ne repose pas sur des critères raisonnables et objectifs et constitue donc une discrimination au regard de l’article 26 du Pacte » (par. 8.6). Je considère, au contraire, que l’attitude de l’Australie dans cette affaire ne constitue pas une discrimination et repose sur des critères raisonnables et objectifs, pour les raisons qui suivent.

2.Le grief essentiel relevé par le Comité est que l’Australie a traité différemment des catégories de personnes se trouvant dans des situations comparables. Ces catégories sont celle des homosexuels, dont ni le mariage ni le divorce ne sont reconnus en Australie, celle des polygames, dont le mariage est interdit, mais qui peuvent demander et obtenir le divorce en Australie et celle des personnes âgées entre 16 et 18 ans mariées à l’étranger, ce qui n’est pas possible en Australie, mais qui, également, peuvent y demander le divorce. Par conséquent, le Comité « ...considère que cette situation constitue un traitement différencié » (par. 8.3) et ajoute que « ...en l’absence d’explications plus convaincantes de la part de l’État partie, le Comité considère que la différence de traitement fondée sur son orientation sexuelle à laquelle l’auteure est soumise en matière d’accès à une procédure de divorce ne repose pas sur des critères raisonnables et objectifs et constitue donc une discrimination au regard de l’article 26 du Pacte » (par. 8.6) et de la jurisprudence du Comité relative à la discrimination à raison de l’orientation sexuelle (par. 8.4). Je n’approuve pas cette conclusion pour les raisons qui suivent.

3.J’estime en effet que les trois catégories de personnes susmentionnées ne se trouvent pas dans des situations comparables, au regard du Pacte, pour la raison que les homosexuels, contrairement aux deux autres catégories, ne répondent pas à l’une des conditions fondamentales posées par le Pacte pour la conclusion du mariage. Les traiter différemment ne constitue donc pas un traitement discriminatoire constitutif d’une violation de l’article 26. L’article 23 du Pacte dispose en effet que « 1. Le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme à partir de l’âge nubile. » et que « 2. Nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des futurs époux. ». Ainsi, l’hétérosexualité est posée, à côté du libre consentement, comme la condition sine qua non de validité du mariage. Sans cela, le mariage n’est pas simplement vicié, mais inexistant et non susceptible de produire quelque effet de droit, comme le serait, par exemple, le mariage putatif.

4.Parmi les trois catégories de personnes que nous avons évoquées précédemment, seule la catégorie des homosexuels ne répond pas à cette condition d’existence du contrat de mariage, telle qu’elle découle de l’article 23 du Pacte et de la loi interne australienne. Le divorce étant intrinsèquement lié au mariage, on pourrait donc le reconnaître pour les deux catégories et le refuser pour la troisième, parce que les trois catégories ne se trouvent pas dans des situations comparables.

5.Ceci peut être regrettable pour les droits des homosexuels, d’un point de vue général de respect de l’orientations sexuelle. J’approuve, je respecte et je plaide pour la liberté de chacun de choisir son orientation sexuelle. Mais le Comité est chargé de mettre en application le Pacte. Sa capacité d’interprétation ne peut aller au-delà de ce que permet une disposition claire du texte du Pacte. La solution adoptée par le Comité n’est pas celle qui s’impose du point de vue du droit positif international, tel qu’il ressort de l’article 23 du Pacte, que le Comité est tenu d’appliquer, et du droit positif interne australien. En statant comme il l’a fait, le Comité me semble s’être écarté du droit découlant du Pacte, pour statuer en équité. Cela ne peut être accepté, comme l’indique clairement, par exemple, l’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice. Pour justifier sa démarche, le Comité a recours à la formule traditionnelle : « ...en l’absence d’explications plus convaincantes de la part de l’État partie ». Mais, en l’occurrence, point n’était besoin de recourir à des explications supplémentaires de l’État partie, parce que le droit s’imposait de lui-même.

6.Ce droit, comme le souligne le paragraphe 13 de l’observation générale no 18 (1989) sur la non-discrimination, admet que toute différenciation ne constitue pas une discrimination si elle est fondée sur des critères raisonnables et objectifs et si le but visé est légitime au regard du Pacte. Dans la présente espèce, la différence de traitement entre des personnes ne se trouvant pas dans une situation comparable au regard de l’article 23 du Pacte, combiné avec l’article 26, ne constitue donc pas une discrimination, dans la mesure où elle peut être considérée comme reposant sur des critères acceptables, parce que raisonnables et objectifs. De ce point de vue, on ne peut donc reprocher à l’Australie d’avoir violé l’article 26 du Pacte.

Annexe II

Opinion individuelle (concordante) de Sarah Cleveland

1.Je souscris à la constatation d’une discrimination en violation de l’article 26. Dans cette opinion rédigée séparément, j’entends expliquer que même si l’Australie avait justifié par des motifs raisonnables et objectifs, fondés sur un objectif légitime, le fait d’accorder le divorce à certains mariages étrangers interdits, mais pas aux mariages étrangers homosexuels, cela n’aurait pas réglé la question. Le Comité aurait dû encore examiner si l’auteure avait été traitée de manière discriminatoire en se voyant refuser l’accès au divorce en application de la loi sur le mariage.

2.L’auteure affirme que l’Australie, en refusant l’accès au divorce pour les mariages homosexuels étrangers, établit une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. L’Australie défend son régime juridique en soutenant tout d’abord que celui-ci traite de manière générale tous les mariages étrangers sur un pied d’égalité : l’Australie ne donne accès au divorce qu’aux mariages étrangers qui seraient juridiquement reconnus s’ils étaient contractés en Australie. Vu que la loi sur le mariage ne reconnaît pas la possibilité de conclure des mariages homosexuels dans le pays, la reconnaissance (et, partant, l’accès au divorce) des mariages homosexuels étrangers se trouvent exclue.

3.En second lieu, l’Australie affirme que les exceptions à la règle ci-dessus énoncée, dans les cas où le divorce est autorisé pour certains mariages étrangers (mariages polygames et mariages conclus entre conjoints n’ayant pas atteint l’âge légal) ne sont pas discriminatoires.

4.Le Comité axe sa constatation de discrimination sur les seconds motifs. Mais, même si l’Australie avait dûment justifié la différence de traitement des mariages étrangers polygames ou conclus entre personnes n’ayant pas atteint l’âge légal, le Comité aurait dû examiner si l’Australie opère une discrimination en refusant le divorce aux couples homosexuels étrangers sur la base de la loi sur le mariage.

5.Le paragraphe 1 de l’article 5 de la loi sur le mariage, tel que modifié en 2004, définit le « mariage » comme « l’union d’un homme et d’une femme ». L’article 88EA, intitulé « Certaines unions ne sont pas des mariages » dispose par ailleurs qu’« [u]ne union célébrée dans un pays étranger entre : a) un homme et un autre homme ; ou b) une femme et une autre femme, ne doit pas être reconnue comme un mariage en Australie ». L’auteure précise que l’adjonction de ces dispositions visait à empêcher les juridictions nationales d’appliquer les principes de la common lawet du droit international privé pour reconnaître les mariages entre personnes de même sexe.

6.Tous les autres mariages prohibés sont visés dans l’article 23B de la loi sur le mariage (intitulé « Motifs de nullité des mariages »), notamment les mariages bigames, incestueux, conclus sans consentement réel ou dont les conjoints n’ont pas atteint l’âge légal. De même, l’article 88D interdit la reconnaissance des mariages étrangers bigames, incestueux ou conclus sans consentement réel, ainsi que certains mariages dont les conjoints n’ont pas atteint l’âge légal. Il convient de noter que la loi sur le mariage réprime pénalement le fait de conclure certains mariages considérés comme nuls, qu’elle punit d’une peine d’emprisonnement de cinq ans (par exemple, en vertu des articles 94 et 95, les mariages bigames ou conclus entre conjoints n’ayant pas atteint l’âge légal).

7.Par contre, les parties s’accordent sur le fait qu’en Australie aujourd’hui, les unions entre personnes de même sexe bénéficient d’une protection juridique essentiellement équivalente à celle accordée aux mariages entre personnes de sexe opposé, sauf en ce qui concerne l’accès au divorce et le mariage. Depuis 2008, la législation fédérale accorde aux couples homosexuels de fait des droits, sur le plan fédéral, égaux à ceux des couples mariés. Selon l’auteure, toutes les juridictions australiennes reconnaissent aussi la plupart des familles homosexuelles comme des familles légales et attribuent automatiquement l’intégralité des droits parentaux à la partenaire lesbienne de la mère biologique.

8.En vertu de l’article 26 du Pacte, c’est à l’Australie qu’incombe la lourde charge de démontrer que la distinction établie dans sa législation quant à l’accès au divorce, fondée sur les motifs interdits de relations sexuelles et l’orientation sexuelle, n’a pas un caractère discriminatoire. À cet égard, l’Australie s’appuie de manière répétée sur l’interdiction du mariage homosexuel dans la loi sur le mariage pour expliquer le refus de donner accès au divorce aux couples homosexuels étrangers. Indépendamment de la question de savoir si l’accès au divorce devrait nécessairement être traité de la même manière que le mariage, le simple fait que le droit interne établisse une distinction particulière ne prive pas celle-ci de son caractère discriminatoire, comme le relève le Comité (par. 8.6).

9.L’Australie n’explique pas autrement en quoi la distinction opérée dans la loi sur le mariage a un caractère raisonnable et objectif et vise un but légitime, comme l’exige l’article 26. En particulier, aucun élément dans les observations de l’Australie n’explique pourquoi des unions monogames conclues entre des personnes adultes de même sexe consentantes, sans relation incompatible entre elles, qui par ailleurs sont pleinement protégées en Australie, sont en réalité assimilées aux mariages « nuls » (et réprimés pénalement) que sont les mariages bigames, incestueux, conclus sans consentement réel ou entre des enfants, aux fins du mariage et du divorce.

10.La seule justification proposée est que l’article 23 du Pacte ne garantit pas la protection du mariage entre personnes de même sexe. Cependant, rien dans le texte de l’article 23 garantissant la protection du droit de se marier reconnu « à l’homme et à la femme » n’exclut grammaticalement le mariage entre personnes de même sexe, comme la Cour européenne des droits de l’homme l’a relevé à propos d’un texte comparable. Et la question de la relation entre l’article 23 et l’interdiction de toute discrimination énoncée dans le Pacte n’a pas non plus été analysée dans le contexte australien.

11.Dans la présente communication comme dans une autre affaire récente, les auteures ont souligné qu’il n’existait pas en Australie de déclaration des droits fédérale ou tout autre mécanisme qui leur permettrait de contester au plan interne la législation comme instituant une discrimination pour des motifs liés à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Il est regrettable que la loi n’offre à ces personnes aucun moyen de contester une inégalité de traitement au plan interne, là où de telles questions devraient être abordées de manière optimale en première instance.

12.Il reste que le respect du Pacte oblige l’Australie à justifier par des motifs raisonnables, objectifs et légitimes le maintien dans la loi de la distinction entre mariages homosexuels et autres mariages. À mon avis, il incombe à l’Australie la lourde charge d’expliquer quels impératifs valables l’obligent à traiter de manière inégale les couples homosexuels et les autres couples formés à l’étranger qui veulent se marier ou divorcer.

Annexe III

Opinion individuelle (dissidente) de Anja Seibert-Fohr, rejointe par Photini Pazartzis

1.Nous ne pouvons pas nous associer à la majorité du Comité qui a constaté une violation de l’article 26 du Pacte. Le Comité critique le fait que des conjoints adolescents âgés de 16 à 18 ans et des personnes polygames ayant contracté leur mariage à l’étranger aient accès à la procédure de divorce en Australie, alors que des partenaires homosexuels qui se sont mariés à l’étranger n’ont pas accès à cette procédure. Selon le Comité, l’explication donnée par l’État partie quant au caractère raisonnable, objectif et légitime de la distinction n’est pas convaincante. Nous nous permettons de ne pas souscrire à cette conclusion.

2.Le Comité, qui est chargé de veiller à la protection des droits de l’homme, omet à notre avis de prendre dûment en considération la situation particulièrement vulnérable dans laquelle peuvent se trouver des adolescents ou des personnes liées par une union polygame dont le mariage a été célébré à l’étranger. Des femmes qui se sont mariées à l’étranger et qui subissent une union polygame peuvent connaître une situation difficile. Bien que leur mariage ne soit pas légalement reconnu dans l’État partie, l’accès à la procédure de divorce peut être le seul moyen pour elles d’échapper à une relation inégale et de rechercher l’assistance, les solutions et l’aide fournies par les tribunaux des affaires familiales en ce qui concerne des questions comme celles relatives aux enfants, aux biens et à l’entretien. Indépendamment des actes de séparation portant sur la question des biens et des solutions concernant les droits parentaux, la procédure de divorce dans de telles situations peut être indispensable pour établir et renforcer le rejet de la polygamie vis-à-vis du mari polygame. Il s’agit là de l’égale protection des femmes, que les États parties se sont engagés à assurer en vertu de l’article 3 du Pacte.

3.La situation des couples homosexuels en Australie qui ont contracté leur mariage à l’étranger est sensiblement différente de celle des mariages polygames. L’auteure n’a pas démontré de manière convaincante qu’elle est ou était dans une situation comparable à celle des femmes liées par un mariage polygame, ce qui exigerait qu’elle soit traitée de manière similaire, et elle n’a pas non plus étayé l’allégation selon laquelle elle a subi une privation de droits assimilable à une discrimination au regard de l’article 26. Sa partenaire a quitté le domicile conjugal en 2004 et depuis lors, les deux femmes vivent séparées. Lors de la séparation, l’auteure était en mesure de faire établir un acte de séparation officiel portant sur la question des biens et elle a eu accès aux solutions offertes par les dispositions de la loi sur le droit de la famille relatives aux arrangements parentaux. Les deux partenaires sont considérées comme célibataires par le droit australien et elles peuvent contracter une nouvelle relation et bénéficier des dispositions de la loi de 2011 sur les relations.

4.La situation des deux femmes diffère également de celle d’adolescents de 16 à 18 ans dont le mariage a été célébré à l’étranger. De tels mariages sont réputés valides en droit australien dès que les deux conjoints ont 16 ans révolus. Afin de se séparer légalement, ils doivent avoir accès à la procédure de divorce à l’instar de quiconque est légalement marié en Australie. Refuser l’accès au divorce à ces personnes alors qu’elles sont réputées légalement mariées pourrait constituer un refus de protection, en violation de l’article 24 du Pacte.

5.L’exception prévue pour les mariages polygames et les mariages entre adolescents ne confère pas un caractère discriminatoire au cadre législatif. Selon la jurisprudence établie du Comité, toute différenciation ne constitue pas une discrimination si elle est fondée sur des critères raisonnables et objectifs et si le but visé est légitime au regard du Pacte. En l’espèce, les distinctions légales visées par l’auteure quant à l’accès à la procédure de divorce entre les couples homosexuels et les mariages polygames ou adolescents peuvent s’expliquer par des motifs raisonnables et objectifs. La raison de la différence de traitement tient, non pas à l’orientation sexuelle de l’auteure, mais à la vulnérabilité particulière des adolescents âgés de 16 à 18 ans et des femmes liées par un mariage polygame. La protection de ces personnes dans de telles circonstances est non seulement légitime, mais indispensable au regard du Pacte. En conséquence, nous ne pouvons conclure à une violation de l’article 26.

6.Bien que nous estimions, comme la majorité, que l’État partie n’a pas présenté ses arguments de manière approfondie et structurée, le Comité n’est pas pour autant empêché de procéder à sa propre analyse juridique fondée sur les dispositions du Pacte. Le Comité doit évaluer si des personnes qui se disent victimes de discrimination au regard de l’article 26 sont dans une situation relativement comparable à celle d’autres personnes qui sont traitées différemment et se demander si la différence de traitement peut être justifiée par la poursuite d’un objectif légitime sur la base de critères raisonnables et objectifs. Nous ne pouvons seulement nous appuyer sur des considérations liées à la charge de la preuve lorsqu’il s’agit de protéger les droits énoncés dans le Pacte.

Annex IV

[Anglais seulement]

I.Observations by the State party on admissibility

1.In a submission dated 27 November 2013, the State party argues that the author’s claims under articles 2 (1), 14 (1) and 26 of the Covenant are inadmissible ratione loci, under article 1 of the Optional Protocol and article 2 (1) of the Covenant, to the extent that they relate to alleged violations of the Covenant that occurred or may occur outside Australia’s territory and jurisdiction. Foreign same-sex marriages are not recognized under Australian law and, consequently, Australian law provides no mechanism to invalidate such marriages. While Australia accepts that the author is in its jurisdiction, her claim requires Australia to provide a remedy for an action that occurred outside its jurisdiction which has no legal effect within Australia’s jurisdiction.

2.Additionally, or in the alternative, the State party submits that, as the author was married in Canada, she should seek a divorce order in that country. The fact that she is not entitled to access this order is a matter for her to pursue with the Canadian Government.

3.Additionally, or in the alternative, the State party submits that a number of the author’s claims of alleged harm are inadmissible ratione loci, as they concern hypothetical future consequences for her outside Australia’s territory and jurisdiction (see para. 2.9). Australia is not liable for any acts outside its jurisdiction and has no influence over the domestic laws of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland or Canada.

4.The State party also submits that aspects of the author’s claims are inadmissible under article 1 of the Optional Protocol as she has not demonstrated that she was a victim of the alleged violations under the Covenant. A number of the claims relate to alleged violations of the Covenant that have not actually occurred, and instead rely on conjecture and speculation as to events in the future. In the absence of any actual interference with the author’s rights, the Committee should rule these aspects of the communication inadmissible. Also, the author appears to make a number of claims on behalf of her daughter, who is not an author of the communication (see para. 5 below). For instance, she argues that Australia’s divorce laws render the federal family courts unable to inquire into her child’s care, welfare and development following the parents’ separation, and that discriminatory laws reinforce a prejudicial environment which fosters harassment, abuse and violence against lesbians and gay men. The author fails to specifically identify the victims of these allegations or demonstrate how these claims are relevant to the complaint. The State party therefore submits that this material is inadmissible under article 1 of the Optional Protocol.

II.Author’s comments on the State party’s observations on admissibility

5.The author submitted comments on the State party’s observations on 17 February 2014. She indicates that she wishes to join her daughter as co-author of the communication, highlighting the harm faced by the child as a result of the discrimination faced by the mother. She claims that Australian divorce laws cannot be considered proportionate because, if an objective aim of these laws is to promote the welfare of children, the exclusion of some children from that protection for no reason other than the same-sex nature of their parents’ marriage runs contrary to the stated objective.

6.Had access to the court-based divorce mechanism been available to the author, the family courts would have been prevented by section 55A of the Family Law Act 1975 from granting a divorce order to the author and her spouse unless it was satisfied that suitable arrangements had been made for the future care of the child. Furthermore, the denial of access to such mechanism has also prevented the author from harnessing procedural mechanisms (such as the ability to subpoena information about the whereabouts of her estranged spouse) which would have benefited the child. These mechanisms might have assisted the author’s daughter in maintaining some form of relationship with her co-mother. They would also have improved the author’s prospects for seeking child support from her estranged spouse, especially following law reforms in 2008 which opened the child-support scheme to same-sex couples.

7.The fact that the same-sex marriage took place outside Australia is irrelevant, as the matter complained of is the failure of the State party to provide a mechanism for divorce of same-sex relationships. That mechanism is currently provided within the State party’s jurisdiction to persons in the same position as the author whose marriages involve persons of the opposite sex. Marital status is generally a portable and internationally recognized status which is carried with a person wherever he or she goes. Accordingly, although a divorce order may be granted domestically, it has international effect. To alter one’s marital status necessitates access to a remedy for the dissolution of that marriage. Whether Canada or the United Kingdom should provide the author with a remedy cannot divert attention from the absence of a legitimate basis for Australia to withhold its own existing domestic remedies from the author. Australia is responsible for the breach, as it occurs solely within its territory and jurisdiction. Furthermore, regarding the State party’s argument that some of the author’s claims are hypothetical, the author responds that she has experienced and continues to experience harm domestically.

8.The author submits that there is nothing theoretical about her situation as the law has been applied to her and has suffered tangible harm as a result. Marital status is a legal and permanent state. The status itself is real, current and personal. It marks and defines her identity in the way that the formal recognition of her name, sex or nationality might. That Australia does not recognize her status as married does not affect the multiple nations which now do or the way in which the author herself identifies. By denying the author the mechanism to change her status Australia has denied her a degree of self-determination over a marker of her personal identity. In analogous cases the Committee has acknowledged, especially in relation to article 17 of the Covenant, that interference with a person’s ability to self-determine markers of their identity, such as name, is a real and tangible harm.

9.Australia’s refusal to allow the author to access a mechanism for finally resolving and adjusting her marital status leaves her in a position of vulnerability and anxiety. She is constantly forced to make declarations as to her marital status — for example, on government forms, to employers, to service providers — which expose her to vulnerability, humiliation and anxiety. In some cases, those declarations are reinforced by the risk of criminal sanction for knowingly making false declarations. Thus, the author faces constant dilemmas as, while in Australia she is not recognized as married, she is also neither properly “single” nor “divorced”, and she remains married in those countries which recognize her status. In the circumstances, the State party’s submission that she is not a victim or has not suffered harm are untenable.

10.The author’s submissions on the effect of discriminatory laws on lesbians and gay men are directed towards the lack of any justification for the discrimination in Australia’s divorce law. The State party has not disputed the fundamental tenet of this evidence, namely that discriminatory laws foster prejudicial environments and have been shown to contribute to negative mental effects among this population. The author, as a member of the group which has been targeted by this legal discrimination, therefore also suffers from the general harm perpetuated against lesbians and gay men from discriminatory laws.