Nations Unies

CCPR/C/107/D/1857/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

10 mai 2013

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1857/2008

Décision adoptée par le Comité des droits de l’homme à sa 107e session (11-28 mars 2013)

Communication p résentée par:

A. P. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

20 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 29 décembre 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

28 mars 2013

Objet:

Entraves à la possibilité d’être enregistré comme candidat individuel à des élections; contrainte visant à faire accepter une idéologie; limitation de la personnalité juridique; déni du droit à la détermination des droits de caractère civil par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi

Questions de procédure:

Fondement des griefs

Questions de fond:

Droit d’être élu

Articles du Pacte:

14 (par. 1) lu conjointement avec l’article 2, 16, 18 (par. 2), 25 a) et b)

Article du Protocole facultatif:

2

Annexe

Décision du Comité des droits de l’hommeen vertu du Protocole facultatif se rapportantau Pacte international relatif aux droits civilset politiques (107e session)

concernant la

Communication no1857/2008 *

Présentée par:

A. P. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

20 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur est A. P., de nationalité russe, né en 1969. Il se déclare victime de violations par la Fédération de Russie des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques lu conjointement avec l’article 2, l’article 16, du paragraphe 2 de l’article 18 et de l’article 25 a) et b). L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 12 septembre 2007, l’auteur a présenté au Président de la Commission électorale centrale de la Fédération de Russie (CEC) une demande d’enregistrement de sa candidature aux élections à venir à la Douma d’État (chambre basse) de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie.

2.2Le 18 septembre 2007, l’auteur a reçu d’un membre de la CEC une réponse expliquant que, conformément à la première partie de l’article 37 de la loi fédérale relative à l’élection des députés à la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie (loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État), au plus tard trois jours à compter de la publication officielle de la décision d’organiser les élections des députés à la Douma d’État, tout citoyen de la Fédération de Russie apte à être élu qui n’est membre d’aucun parti politique peut adresser une demande à la section régionale d’un parti politique afin d’être inscrit sur la liste fédérale des candidats proposés par ce parti politique. La CEC n’est pas habilitée à décider de l’inscription de citoyens sur la liste fédérale des candidats.

2.3Le 4 octobre 2007, l’auteur a déposé un recours auprès de la Cour suprême contre le refus de la CEC d’enregistrer sa candidature, affirmant que cette décision contrevenait à plusieurs dispositions constitutionnelles.

2.4Le 8 octobre 2007, la Cour suprême a rejeté le recours en vertu de l’article 28 de la loi fédérale relative aux garanties fondamentales des droits électoraux et au droit des citoyens de la Fédération de Russie de participer à un référendum (loi fédérale sur le droit de participer à un référendum), qui dispose que la Cour suprême examine uniquement les recours contestant les décisions de la CEC qui ont été prises collégialement et sont signées par le Président et le Secrétaire de la Commission. La réponse de la CEC envoyée à l’auteur le 18 septembre 2007, qui ne comportait qu’une signature, ne constituait pas une telle «décision» et ne pouvait pas faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême.

2.5Le 8 octobre 2007, l’auteur a adressé un recours à la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, dans lequel il demandait de déterminer si les articles 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État étaient compatibles avec les dispositions des articles 3, 13, 19 et 30 de la Constitution. Le même jour, l’auteur a envoyé par voie électronique une lettre ouverte au Président de la Fédération de Russie lui demandant de soumettre à la Cour constitutionnelle une demande d’examen de la constitutionnalité de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État.

2.6Le 10 octobre 2007, la lettre ouverte a été affichée sur plusieurs sites Internet de médias et d’organisations de la société civile.

2.7Le 18 octobre 2007, l’auteur a déposé un recours contre le refus de la CEC d’enregistrer sa candidature auprès du tribunal du district de Tver de la ville de Moscou, auquel il a demandé d’ordonner à la CEC de l’enregistrer. Le 19 octobre 2007, le tribunal du district de Tver a rejeté le recours en indiquant que la CEC n’était pas habilitée à décider de l’inscription de citoyens de la Fédération de Russie sur la liste fédérale des candidats (en vertu de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État). Le 25 octobre 2007, l’auteur a fait appel de la décision du tribunal du district de Tver auprès du tribunal municipal de Moscou.

2.8Le 19 octobre 2007, l’auteur a de nouveau demandé au Président de la CEC d’examiner sa demande du 12 septembre 2007 à la session ordinaire de la CEC. Le 26 octobre 2007, le Secrétaire de la CEC a expliqué à l’auteur, dans une lettre, la procédure d’enregistrement des candidats aux élections de la Douma, telle que prévue par la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Le Secrétaire a explicitement indiqué que l’inscription sur la liste fédérale des candidats devait se faire par l’intermédiaire d’un parti politique, mais que le candidat n’était pas tenu d’être membre de ce parti. Pour être candidat, l’auteur aurait dû déposer auprès de la section régionale d’un parti politique une demande d’inscription sur la liste fédérale des candidats, avant la date limite du 8 octobre 2007.

2.9Le 25 octobre 2007, l’auteur a reçu une réponse du Premier Conseiller du Département du fondement constitutionnel des organes du pouvoir et de la structure fédérale de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, indiquant que le recours formé par l’auteur le 8 octobre 2007 ne remplissait pas les conditions énoncées au paragraphe 4 de l’article 125 de la Constitution et aux articles 3 (première partie, par. 3), 96 et 97 de la loi fédérale sur la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, qui disposent que la Cour constitutionnelle vérifie la constitutionnalité de la loi appliquée ou susceptible d’être appliquée dans une affaire concrète, conformément aux procédures établies par la loi fédérale. Le Premier Conseiller concluait que la réponse d’un membre de la CEC, en date du 18 septembre 2007, était de nature informative et qu’il ne ressortait pas du recours déposé par l’auteur le 8 octobre 2007 que les articles 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État avaient été appliqués dans son affaire particulière. Le 30 octobre 2007, l’auteur a adressé au Président de la Cour constitutionnelle un mémoire contestant la réponse datée du 25 octobre 2007.

2.10Le 31 octobre et le 1er novembre 2007, l’auteur a écrit au Président, aux Présidents des deux chambres de l’Assemblée fédérale, au chef du Gouvernement et au Président de la Cour suprême, en les priant de demander à la Cour constitutionnelle de vérifier la constitutionnalité de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État.

2.11À une date non précisée, l’auteur a reçu un appel téléphonique d’un agent de l’État qui l’a informé que le Gouvernement n’avait pas compétence pour renvoyer des affaires devant la Cour constitutionnelle. Le 3 novembre 2007, l’auteur a été informé par le chef du Département de l’information et de la documentation du Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement) que sa lettre du 31 octobre 2007 avait été transmise au Comité de la législation constitutionnelle.

2.12Le 11 décembre 2007, l’auteur a reçu de la Cour suprême une réponse indiquant qu’elle pouvait soumettre à la Cour constitutionnelle une demande d’examen de la constitutionnalité d’une loi fédérale appliquée dans une affaire précise, mais qu’elle n’était à cette heure saisie d’aucune affaire de ce type. L’auteur affirme toutefois qu’à l’époque en question une plainte, qu’il avait déposée le 13 novembre 2007, était en instance devant la Cour suprême (voir plus bas par. 2.15).

2.13Le 2 novembre 2007, l’auteur a reçu une réponse de l’Administration présidentielle, datée du 26 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.6), indiquant qu’il n’y avait pas motif à adresser à la Cour constitutionnelle une demande d’examen de la constitutionnalité de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Le 6 novembre 2007, l’auteur a soumis un mémoire à l’intention du Président, contestant la réponse du 26 octobre 2007.

2.14Le 6 novembre 2007, l’auteur a formé un recours auprès de la Cour suprême contre la réponse de la CEC en date du 26 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.8). Le 9 novembre 2007, un juge de la Cour suprême lui a retourné sa plainte au motif que la CEC n’avait pas compétence pour inscrire des candidats sur les listes fédérales et que par conséquent, conformément à la première partie de l’article 134 du Code de procédure civile, sa plainte ne pouvait pas être examinée dans le cadre d’une procédure civile.

2.15Le 13 novembre 2007, l’auteur a attaqué devant la Cour suprême la décision rendue par celle-ci le 9 novembre 2007. Le 27 décembre 2007, la chambre d’appel de la Cour suprême a confirmé la décision du 9 novembre 2007. Le 5 février 2008, l’auteur a demandé au Présidium de la Cour suprême d’examiner, dans le cadre d’une procédure de contrôle, la décision rendue le 9 novembre 2007. Le 24 mars 2008, sa demande a été rejetée.

2.16Dans une lettre du 1er novembre 2007, le Premier Conseiller du Département de l’Administration présidentielle chargé des requêtes des citoyens a répondu à la lettre de l’auteur datée du 31 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.10). L’auteur était informé que ni le Président ni son administration ne pouvaient s’ingérer dans le fonctionnement de la justice. Le 13 novembre 2007, l’auteur a demandé au chef de l’Administration présidentielle que ses arguments écrits contestant la réponse du 1er novembre 2007 soient transmis directement au Président. Le 23 novembre 2007, l’auteur a reçu de l’Administration présidentielle une réponse dans laquelle il était réaffirmé qu’il n’y avait pas motif à soumettre à la Cour constitutionnelle une demande d’examen de la constitutionnalité du système électoral proportionnel de la Fédération de Russie.

2.17Le 20 novembre 2007, l’auteur a demandé au Président de la CEC de reporter les élections à la Douma d’État de l’Assemblée fédérale jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle ait examiné sa plainte du 8 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.5). En décembre, l’auteur a reçu une réponse du Secrétaire de la CEC, datée du 27 novembre 2007, qui l’informait qu’il n’y avait pas motif à reporter les élections.

2.18Le 20 novembre 2007, le tribunal municipal de Moscou a examiné la plainte déposée par l’auteur le 25 octobre 2007 (voir plus haut par. 2.7), a cassé la décision rendue par un juge du tribunal du district de Tver de la ville de Moscou le 19 octobre 2007 et a ordonné un nouvel examen de l’affaire. Le 30 novembre 2007, le tribunal du district de Tver a rejeté la demande en se fondant sur les articles 21 et 28 de la loi fédérale sur le droit de participer à un référendum et sur l’article 25 de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État.

2.19Le 3 décembre 2007, l’auteur a fait appel devant le tribunal municipal de Moscou de la décision rendue le 30 novembre 2007 par le tribunal du district de Tver, en faisant observer que, selon les articles 25 (parties 9 et 12) et 44 (parties 1, 8 et 9) de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État, c’était à la CEC et non aux partis politiques qu’appartenait la décision d’enregistrer ou de ne pas enregistrer la liste fédérale de candidats. L’auteur a déposé un appel supplémentaire le 5 décembre 2007. Le 13 décembre 2007, le tribunal municipal de Moscou a rejeté cet appel en vertu de l’article 75 de la loi fédérale sur le droit de participer à un référendum et de l’article 28 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. À une date non précisée, l’auteur a demandé au tribunal du district de Tver de solliciter de la Cour constitutionnelle un avis sur la constitutionnalité de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État et a adressé la même demande le 13 décembre 2007 au tribunal municipal de Moscou. Toutefois, selon lui, aucun des deux tribunaux n’y a donné suite.

2.20Le 6 février 2008, l’auteur a demandé au Présidium du tribunal municipal de Moscou d’engager une procédure de contrôle de la décision rendue le 30 novembre 2007 par le tribunal du district de Tver et de la décision rendue le 13 décembre 2007 par le tribunal municipal de Moscou. Il n’a reçu aucune réponse.

2.21À la fin de février 2008, l’auteur a reçu de la Cour constitutionnelle une décision d’irrecevabilité de sa plainte, datée du 18 décembre 2007. La Cour constitutionnelle déclarait que l’auteur contestait essentiellement le passage d’un système électoral majoritaire proportionnel à un système électoral proportionnel qui ne prévoyait pas l’application d’un mode de scrutin uninominal pour les élections des membres de la Douma d’État (députés), ni l’autodésignation des candidats. Dans le même temps, la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État n’excluait pas le droit pour un particulier non membre d’un parti politique d’être élu député à la Douma d’État, car il était possible d’être inscrit sur la liste fédérale des candidats d’un parti politique, soit de la propre initiative de l’intéressé, soit sur proposition du parti. Par conséquent, aucune des dispositions contestées par l’auteur (art. 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État) ne portait atteinte aux droits garantis par la Constitution.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé le droit garanti par l’article 25 a) et b) du Pacte de prendre part à la direction des affaires publiques et d’être élu au cours d’élections périodiques honnêtes parce que les articles 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État font dépendre des partis politiques l’exercice du droit d’être élu.

3.2Il se déclare de plus victime d’une violation du droit qu’il tient du paragraphe 2 de l’article 18 du Pacte, car nul ne peut être contraint d’adhérer à l’idéologie d’un parti politique pour pouvoir être inscrit sur la liste fédérale des candidats aux élections à la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie.

3.3En outre, pour tous les citoyens russes qui ne sont membres d’aucun parti politique, dont l’auteur lui-même, la personnalité juridique est limitée, en violation des droits garantis par l’article 16 du Pacte.

3.4L’auteur soutient qu’en violation du droit qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 lu conjointement avec l’article 2 du Pacte, les tribunaux lui ont de façon irrégulière refusé le droit de faire déterminer ses droits et obligations de caractère civil par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 31 mars 2009, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. Il relève que les procédures d’élection varient selon les pays du monde et sont généralement établies non pas par la Constitution mais par une loi. Il appartient à l’organe législatif de déterminer si le régime électoral est majoritaire, proportionnel ou semi-proportionnel. Le choix d’un régime particulier dépend de la situation sociopolitique. En Fédération de Russie, c’est l’Assemblée fédérale qui détermine le système.

4.2L’État partie ajoute, entre autres choses, que les garanties permettant aux citoyens d’exercer le droit d’être élus sont énoncées à l’article 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Conformément à cet article, tout citoyen de la Fédération de Russie apte à être élu qui n’est pas membre d’un parti politique peut pressentir la section régionale d’un parti politique régional et demander que son nom soit porté sur la liste fédérale des candidats proposés par ce parti. De plus, après avoir obtenu le consentement écrit de la personne en question, le parti politique peut l’inscrire sur la liste en tant que candidat même si elle n’est pas membre du parti.

4.3À ce sujet, l’État partie note que la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a établi que la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État n’exclut pas le droit d’un citoyen qui n’est membre d’aucun parti politique d’être élu à la Douma − il ou elle pourrait être inscrit(e) sur la liste fédérale de candidats d’un parti politique de sa propre initiative ou sur désignation du parti. Or dans la présente affaire, il ressort du dossier que l’auteur n’a jamais demandé à une quelconque section régionale d’un parti politique de l’inscrire sur la liste fédérale des candidats. L’État partie explique que si un parti politique avait refusé de l’inscrire, l’auteur aurait pu s’adresser aux tribunaux pour contester la décision. Or l’auteur a contesté par la voie administrative et civile les actions de la CEC, qui n’était pas l’institution compétente dans de telles situations. Pour ces raisons, les tribunaux de l’État partie n’ont pas pu examiner les griefs de l’auteur sur le fond et ne pouvaient pas appliquer la loi qui ultérieurement aurait pu être soumise devant la Cour constitutionnelle afin d’obtenir une décision sur sa compatibilité avec la Constitution.

4.4Par conséquent, l’État partie objecte que l’auteur n’a jamais exprimé sa volonté d’exercer son droit d’être élu conformément à la procédure établie par la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Il précise que l’auteur a été informé plusieurs fois par différentes autorités nationales y compris par la CEC des démarches qu’il devait faire pour être inscrit sur la liste des candidats, le 18 septembre et le 27 novembre 2007 respectivement.

4.5De surcroît, la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État est parue au Journal officiel en mai 2005 et la campagne électorale a débuté en septembre 2007. Par conséquent, l’auteur avait la possibilité de faire les démarches nécessaires pour exercer son droit d’être élu.

4.6L’État partie réaffirme que l’auteur a contesté la légalité des décisions de la CEC par une procédure administrative et civile. Or les plaintes pour refus d’enregistrer un candidat ne sont pas du ressort d’une juridiction administrative ou civile. Si l’auteur avait essuyé un refus d’un parti quelconque il aurait pu contester ce refus en engageant une action en justice. Mais d’après le dossier l’auteur n’a même pas essayé de se faire enregistrer par un parti quel qu’il soit.

4.7À la lumière de ce qui précède, l’État partie fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable car elle constitue un abus du droit de plainte. De plus, l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Par conséquent l’État partie affirme que la communication ne satisfait pas à tous les critères de recevabilité établis dans le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 11 mai 2009 l’auteur dit qu’il ne comprend pas bien pourquoi l’État partie considère que la communication représente un abus du droit de plainte.

5.2La Cour suprême et la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie ont déjà statué sur l’affaire et il n’y a plus d’autres recours internes qui lui sont ouverts. L’auteur conteste l’argument de l’État partie qui relève qu’il n’a pas pressenti une section régionale d’un parti politique quelconque pour se faire inscrire sur la liste fédérale des candidats désignés par ce parti politique et objecte qu’en fait toutes les plaintes qu’il a déposées au niveau national et la communication qu’il a soumise au Comité sont fondées sur l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’exercer le droit d’être élu par l’intermédiaire des «organes de pouvoir de l’État». Il cite l’article 3 de la Constitution de la Fédération de Russie qui dispose que: «1) Le peuple multinational est le détenteur de la souveraineté et la seule source du pouvoir en Fédération de Russie. 2) Le peuple de la Fédération de Russie exerce le pouvoir directement ainsi que par les organes de l’État et les organes des collectivités locales.». De plus, l’auteur rappelle qu’il a saisi la Cour constitutionnelle pour contester la compatibilité avec la Constitution des articles 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Il affirme que l’État partie a présenté au Comité une vision déformée de l’objet de sa plainte.

5.3L’auteur reconnaît qu’il appartient au pouvoir législatif de choisir le régime électoral (majoritaire, proportionnel ou semi-proportionnel). Toutefois quel que soit le régime retenu, il ne devrait pas compromettre l’exercice par les citoyens de leur droit d’être élu. L’auteur décrit les pesantes procédures à suivre par un particulier n’appartenant pas à un parti pour être désigné candidat à la Douma par un parti politique et pour la répartition des mandats parlementaires entre les candidats. Il fait valoir qu’en Fédération de Russie l’exercice par les particuliers qui n’appartiennent pas à un parti du droit d’être élu (97,5 % de tous les votants qui ont participé aux élections de 2007) dépend de la volonté des membres et des dirigeants des partis politiques. À l’appui de cet argument il fait remarquer qu’il n’y a pas un seul député à la Douma d’État dans sa composition actuelle qui n’appartienne pas à un parti.

5.4En réponse à l’argument de l’État partie qui objecte que les juridictions nationales ne pouvaient pas examiner son grief sur le fond et ne pouvaient pas appliquer la loi qui ensuite aurait pu être soumise à la Cour constitutionnelle, l’auteur dit qu’il doute que l’appareil judiciaire de l’État partie remplisse les conditions d’indépendance et d’impartialité énoncées au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Conformément à l’article 128 de la Constitution, «les juges de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême et de la Cour supérieure d’arbitrage sont désignés par le Conseil de la Fédération sur proposition du Président de la Fédération de Russie. Les juges des autres tribunaux fédéraux sont désignés par le Président de la Fédération de Russie, selon les règles établies par la loi fédérale». En même temps, le Conseil de la Fédération a deux représentants de chaque entité constitutive de la Fédération de Russie: un représentant du pouvoir législatif et un autre du pouvoir exécutif. L’Assemblée législative de chaque entité constitutive est formée selon une procédure analogue à celle qui vaut pour la Douma d’État, alors que le représentant du pouvoir exécutif est désigné par un gouverneur, un maire ou un président de l’entité constitutive, qui est à son tour nommé par le Président de la Fédération de Russie. L’auteur ajoute que même si de jure l’appareil judiciaire est formé par le Président de la Fédération de Russie et par le Conseil de la Fédération, de facto l’initiative émane du Président de la Fédération de Russie et des dirigeants des partis politiques dominants.

5.5Pour toutes ces raisons, l’auteur considère que les juridictions de tous les degrés ne sont pas indépendantes et ne peuvent pas être impartiales dans l’examen de son cas.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1En date du 21 juillet 2009, l’État partie a réaffirmé que les allégations de l’auteur étaient dénuées de fondement. D’après la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État, les députés sont élus dans le district électoral fédéral proportionnellement au nombre de voix attribuées aux listes des candidats, qui ont été nommés et inscrits sur ces listes par le parti politique concerné, conformément à la loi fédérale relative aux partis politiques. Toutefois, si quelqu’un n’appartient pas à un parti politique, le droit pour lui d’être élu ainsi que la marche à suivre pour exercer ce droit sont énoncés à l’article 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État.

6.2L’État partie relève que l’auteur n’a pas suivi la procédure prévue à l’article 37 de cette loi afin de pouvoir exercer le droit d’être élu. Contrairement à la procédure établie, il a saisi la CEC d’une demande d’enregistrement comme candidat sur la liste des candidats députés à la Douma d’État. Par conséquent, sa demande ne pouvait pas être prise en considération.

6.3L’État partie note en outre que, d’après le dossier, l’auteur n’est pas satisfait de la procédure d’élection des députés à la Douma d’État, procédure qui a été déterminée par le législateur de la Fédération. De plus, le 26 octobre et le 23 novembre 2007, l’Administration présidentielle a informé l’auteur que la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie ne considérait pas que le système proportionnel était inconstitutionnel. Dans son arrêt du 18 décembre 2007 (affaire no 921-O-O), suite à l’action engagée par l’auteur, la Cour constitutionnelle a relevé que généralement les régimes électoraux étaient régis non pas par la Constitution mais par un texte de loi. Il appartient au législateur, et à lui seul, compte tenu de la situation sociopolitique et de la faisabilité politique, de déterminer si le régime électoral doit être majoritaire, proportionnel ou semi-proportionnel. De plus, la révision du 16 juillet 2007 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État a introduit des réformes au système électoral et le régime majoritaire-proportionnel a été remplacé par un système proportionnel. La Cour a fait remarquer que conformément à la législation nationale, les partis politiques, qui détiennent des fonctions publiques particulières, sont les seuls sujets du processus électoral.

6.4L’État partie réaffirme que conformément à l’arrêt de la Cour constitutionnelle mentionné, la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État n’exclut pas le droit d’un citoyen qui n’est membre d’aucun parti politique d’être élu député à la Douma. Les personnes dans ce cas peuvent être inscrites sur la liste fédérale des candidats d’un parti politique de leur propre initiative ou à l’initiative du parti. À ce propos, l’État partie note que l’auteur ne s’est jamais prévalu de cette possibilité. La loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État a été officiellement publiée en mai 2005. La campagne électorale pour la cinquième élection à la Douma d’État a débuté en septembre 2007. Par conséquent, et indépendamment de ses opinions politiques, l’auteur avait suffisamment de temps pour exercer son droit de se faire élire dans le cadre de la procédure établie à l’article 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État.

6.5De surcroît, l’État partie réaffirme que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours disponibles avant d’adresser sa communication au Comité. En outre, les tribunaux lui avaient clairement expliqué que pour demander son enregistrement en tant que candidat, ce n’était pas à la CEC qu’il aurait fallu s’adresser mais à un parti politique. Par conséquent, étant donné que l’auteur n’avait jamais été inscrit dans un parti politique, il n’y avait pas de violation de son droit d’être élu.

6.6L’État partie réaffirme qu’à son avis la communication devrait être déclarée irrecevable étant donné que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Elle constitue de plus un abus du droit de plainte. Par conséquent, l’État partie fait valoir que la communication ne répond pas aux critères de recevabilité énoncés à l’article 3 et au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Commentaires supplémentaires de l’auteur

7.1Dans une lettre du 13 octobre 2009, l’auteur réaffirme que conformément à l’article 3 de la Constitution, «le peuple» est la seule source du pouvoir dans le pays. Le peuple exerce le pouvoir directement ainsi que par les organes de l’État et les organes des collectivités locales. Fort de ce principe démocratique, l’auteur a déposé auprès d’une institution de l’État une demande d’inscription sur la liste des candidats des députés à la Douma d’État. Il explique qu’il s’est adressé à la CEC parce que c’est l’organe autorisé à enregistrer les candidatures. Les partis politiques n’enregistrent pas les candidats. Ils ne font qu’établir des listes de candidats qu’ils soumettent ensuite à la CEC aux fins d’enregistrement. C’est pourquoi l’auteur a formé recours contre le refus de la CEC auprès de plusieurs institutions et juridictions nationales. Il a donc épuisé tous les recours internes disponibles.

7.2Pour ce qui est de l’arrêt de la Cour constitutionnelle en date du 18 décembre 2007, l’auteur affirme qu’en fait la Cour n’a pas examiné ses griefs concernant l’incompatibilité avec la Constitution des articles 3, 4, 7 et 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Il maintient par conséquent que la Cour constitutionnelle n’a pas confirmé la constitutionnalité de ces articles. À ce propos, il note que, indépendamment du fait qu’il approuve ou n’approuve pas les procédures d’élection des députés à la Douma d’État, la Cour aurait dû examiner ses griefs et n’aurait pas dû les écarter. De l’avis de l’auteur cette attitude démontre que le pouvoir judiciaire dans l’État partie n’est pas indépendant.

7.3Enfin, l’auteur fait remarquer que l’État partie n’a pas répondu à son grief de violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

Nouvelles observations de l’État partie

8.1En date du 19 août 2010, l’État partie a de nouveau souligné que la communication était irrecevable parce que l’auteur n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles et parce que la communication constituait un abus du droit de plainte.

8.2L’État partie réfute l’argument de l’auteur qui affirme qu’il n’a pas traité du grief de violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte et note que ses deux premières réponses sur la recevabilité concernent l’ensemble de la communication ainsi que chacun des griefs.

8.3L’État partie explique que toutes les procédures internes ont été menées par les autorités nationales compétentes avec la diligence voulue. Le fait que l’auteur ne soit pas satisfait des résultats ne montre pas en soi que l’appareil judiciaire manque d’indépendance ou de compétence. À ce sujet l’État partie fait valoir qu’une telle spéculation démontre que l’auteur commet un abus du droit de plainte au sens de l’article 3 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.4L’État partie réaffirme que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Il relève que l’auteur a contesté la légalité des décisions de la CEC par la voie administrative et par la voie civile. Or l’examen de la plainte de l’auteur, c’est-à-dire le refus de l’inscrire comme candidat, n’est pas du ressort d’une juridiction administrative ou civile. Les tribunaux ont clairement expliqué à l’auteur que pour un grief relatif à l’enregistrement sur les listes des candidats il fallait s’adresser non pas à la CEC mais à un parti politique.

8.5Concernant l’allégation de violation du droit de se présenter aux élections, l’État partie réaffirme que l’auteur aurait pu exercer ce droit en application de l’article 37 de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État. Or il n’a jamais tenté d’exercer ce droit.

8.6L’État partie note en outre que l’auteur conteste la constitutionnalité des dispositions régissant la procédure d’élection des députés à la Douma d’État. Il rappelle à ce sujet que cette question a déjà été examinée par la Cour constitutionnelle, le 20 novembre 1995, laquelle a établi que les dispositions contestées étaient bien compatibles avec la Constitution de la Fédération de Russie.

Nouveaux commentaires de l’auteur

9.1En date du 19 septembre 2010 l’auteur a répondu, au sujet de l’article 14 du Pacte, qu’il ne prétendait pas que le pouvoir judiciaire de l’État partie était incompétent et qu’il ne disait pas non plus qu’il n’était pas satisfait des résultats de la procédure engagée devant les juridictions nationales. Ce qu’il affirme c’est que l’appareil judiciaire n’est pas indépendant et que pour cette raison les griefs qu’il a portés devant les juridictions nationales n’ont pas été examinés avec objectivité ou équité. L’auteur rappelle que les magistrats sont nommés par le Président de la Fédération de Russie et par le Conseil de l’Assemblée fédérale. Par conséquent, l’appareil judiciaire ne pouvait pas examiner avec indépendance et objectivité ses griefs qui étaient de nature politique.

9.2L’auteur conteste en outre l’argument de l’État partie qui affirme que la CEC n’était pas l’organe approprié pour traiter de la demande d’inscription d’un particulier sur la liste des candidats députés. Il précise entre autres choses que, conformément à l’article 44 de la loi sur l’élection des députés à la Douma d’État, la CEC «rend sa décision sur l’enregistrement dans les dix jours après avoir reçu tous les documents nécessaires pour l’inscription sur la liste fédérale des candidats ou, si elle refuse l’inscription, elle expose ses motifs».

9.3Enfin, l’auteur souligne que dans un arrêt du 20 novembre 1995 la Cour constitutionnelle a rejeté la demande déposée notamment par un groupe de députés de la Douma d’État qui voulaient faire examiner la compatibilité avec la Constitution de la loi fédérale sur l’élection des députés à la Douma d’État.

9.4En date du 18 septembre 2011, l’auteur a présenté une brève analyse de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 7 juillet 2011 concernant la constitutionalité du paragraphe 3 de l’article 23 de la loi fédérale relative aux principes généraux d’organisation des collectivités territoriales de la Fédération de Russie, et des paragraphes 2 et 3 de l’article 9 de la loi de la région de Tcheliabinsk relative aux élections municipales dans la région de Tcheliabinsk. Il fait remarquer que la Cour a conclu notamment que le fait qu’un particulier puisse pressentir un parti déterminé afin d’obtenir son inscription comme candidat n’aboutit pas nécessairement à son inscription sur la liste, car cette décision dépend de l’avis du parti politique rendu collectivement.

9.5À la lumière de ce qui précède, l’auteur conclut que, en 2007, le droit de se porter candidat à des élections garanti à l’article 25 du Pacte a été violé et que la Cour constitutionnelle, par son arrêt du 18 décembre 2007, n’a pas dûment examiné ses griefs, en violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

9.6En date du 5 octobre 2012, l’auteur a fait parvenir un rapport daté du 15 juillet 2012 intitulé «Comment garantir l’indépendance des magistrats en Russie» établi par l’Institut du droit, qui d’après l’auteur montre que le pouvoir judiciaire en Fédération de Russie n’est pas indépendant.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

10.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement.

10.3Le Comité a pris note des observations de l’État partie selon lesquelles l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles en l’espèce. Le Comité constate que l’État partie n’a donné aucune explication au sujet des recours dont dispose l’auteur, en particulier eu égard au grief qu’il tire de l’article 25 du Pacte. À cet égard, le Comité considère que l’État partie n’a pas démontré que sa législation offre à l’auteur un recours utile concernant le grief de violation de l’article 25 du Pacte. En conséquence, et en l’absence de toute autre information utile dans le dossier, le Comité considère que, en l’espèce, le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la recevabilité de la communication.

10.4Pour ce qui est de l’allégation de violation du paragraphe 1 de l’article 14 lu conjointement avec l’article 2 du Pacte, le Comité note que l’auteur s’est limité à dénoncer un manque général d’indépendance du pouvoir judiciaire. En l’absence d’autres informations utiles dans le dossier, le Comité considère que ce grief n’est pas suffisamment étayé et déclare par conséquent qu’il est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.5En outre, en ce qui concerne le grief de violation de l’article 16 et du paragraphe 2 de l’article 18 du Pacte, le Comité note que l’auteur n’a pas donné de détail au sujet de ces allégations. Par conséquent, et à la lecture des renseignements figurant dans le dossier, le Comité estime que les allégations de violation de l’article 16 et du paragraphe 2 de l’article 18 du Pacte sont insuffisamment étayées et sont donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.6Le Comité a pris note des griefs de violation des paragraphes a) et b) de l’article 25 du Pacte, à savoir que l’auteur n’a pas pu prendre part à la direction des affaires publiques ou être élu au cours d’élections périodiques honnêtes, parce ce que le système électoral fédéral de l’État partie ne permettait à l’époque de se présenter en tant que candidat indépendant aux élections de la Douma qu’en étant inscrit sur la liste d’un parti politique enregistré pour les élections en question. À ce propos, l’auteur affirme qu’il ne voulait pas que son nom soit associé à l’un des partis existants car il n’adhérait à l’idéologie d’aucun d’entre eux, mais il ne fournit toutefois aucun détail supplémentaire à ce sujet. Le Comité note en outre que l’État partie a expliqué qu’il était possible, pour les candidats indépendants, d’être inscrits pour les élections fédérales sur la liste de l’un des partis enregistrés pour les élections en question. L’État partie a aussi expliqué que si l’un des partis enregistrés refusait d’inscrire un candidat indépendant sur sa liste, l’intéressé pouvait déposer une plainte auprès d’un tribunal. À ce sujet, l’État partie note toutefois que l’auteur ne pouvait pas saisir un tribunal car il n’avait fait aucune tentative de quelque nature que ce soit pour obtenir l’inscription de son nom sur la liste de l’un des partis existants en tant que candidat indépendant. Le dossier ne contient aucune information sur les raisons pour lesquelles l’auteur n’a pas pu créer son propre parti politique en s’associant à des personnes ayant des opinions politiques similaires et se présenter aux élections par l’intermédiaire de ce parti, ce qui est révélateur.

10.7Le Comité note que les informations dont il dispose ne lui permettent pas de vérifier si les restrictions imposées à l’auteur, en tant que candidat indépendant à des élections législatives fédérales, par les exigences du système électoral alors en vigueur, étaient conformes aux dispositions de l’article 25 du Pacte. À ce propos, le Comité note que les auteurs doivent fournir des informations suffisamment détaillées pour permettre au Comité de rendre une décision éclairée sur le fond de la plainte. Par conséquent, le Comité considère que la présente communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

11.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle (dissidente) de M. Yuval Shanyet de M. Konstantine Vardzelashvili

1.Le Comité a déclaré la communication irrecevable parce que l’auteur n’a pas étayé l’allégation de violation de l’article 25 du Pacte. Cette conclusion est fondée sur le principe selon lequel il incombe à l’auteur de prouver que la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État en vigueur à l’époque et telle qu’elle lui a été appliquée imposait des restrictions déraisonnables à son droit d’être élu.

2.Nous nous permettons de ne pas être d’accord avec l’avis de la majorité, puisque nous estimons que les informations dont dispose le Comité sont suffisantes pour inverser la charge de la preuve et demander à l’État partie de justifier les restrictions prévues par le cadre juridique de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État, telle qu’elle a été appliquée à l’auteur. Ces informations comportent les éléments suivants:

Le texte de la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État (en vigueur à l’époque), qui exige des candidats qu’ils se présentent aux élections par l’intermédiaire des partis politiques existants;

L’argument de l’auteur, qui n’a pas été contesté, selon lequel la procédure d’inscription sur les listes de partis de personnes n’appartenant pas à ces partis est pesante et qu’aucune personne non membre d’un parti ne siégeait à la Douma lorsque les événements décrits dans la communication ont eu lieu;

La position adoptée par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 12 avril 2011, réaffirmée par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans l’avis qu’elle a adopté le 19 mars 2012, selon lequel les conditions d’enregistrement des nouveaux partis politiques en Fédération de Russie (et les conditions de maintien de l’enregistrement des partis existants) sont abusivesa;

Le rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur l’observation des élections législatives de 2011 dans la Fédération de Russie, qui donne des détails sur le nombre élevé de membres que doivent compter les nouveaux partis en Fédération de Russie et le soutien dont ils doivent bénéficier pour pouvoir être enregistrés. Selon le rapport, «plusieurs tentatives d’enregistrement de partis politiques ont été menées depuis les élections de 2007 mais seul le parti “Juste cause” (Pravoe delo) a obtenu gain de cause pour le scrutin de 2011. Toutes les autres formations se sont vues refuser l’enregistrement»b.

3.En l’espèce, l’auteur se plaint de ne pas pouvoir se présenter aux élections en tant que candidat indépendant. L’État partie a fait observer que l’auteur pouvait demander à un parti existant de l’inscrire sur sa liste en tant que candidat même s’il n’était pas membre de ce parti. L’État partie ne fournit toutefois pas suffisamment de renseignements sur la question de savoir si cette démarche était réalisable dans la pratique, étant donné le pouvoir qu’ont les partis politiques d’établir leur propre liste de candidats et compte tenu de l’absence à la Douma, à l’époque, de députés non affiliés à un parti politique. Il n’a pas non plus fourni suffisamment de renseignements sur la question de savoir si une autre possibilité de se présenter aux élections, telle que celle consistant à créer un nouveau parti, était ouverte à l’auteur. Les informations dont dispose le Comité soulèvent des doutes sérieux quant au caractère réalisable de ces solutions et l’État partie n’a pas fourni suffisamment d’informations permettant de dissiper ces doutes.

4.En outre, l’État partie n’a pas apporté d’éclaircissements sur la question de savoir si le fait d’exiger que des particuliers se présentent aux élections par l’intermédiaire des partis politiques existants ne revenait pas à leur demander d’adhérer à ces partis. Il est évident qu’une telle obligation serait en conflit avec le paragraphe 17 de l’Observation générale no 25 (1996) du Comité concernant la participation aux affaires publiques, le droit de vote et le droit d’accéder dans des conditions d’égalité aux fonctions publiques, qui dispose que «le droit de se présenter à des élections ne devrait pas être limité de manière déraisonnable en obligeant les candidats à appartenir à des partis ou à un parti déterminé». La distinction entre le fait d’être officiellement membre d’un parti et le fait d’être inscrit sur une liste de candidats présentés par un parti, sur laquelle l’État partie semble s’appuyer, nous paraît être purement symbolique. On peut raisonnablement supposer que les candidats qui se présentent sur la liste d’un parti adhèrent à l’idéologie et au programme politique de ce parti et entretiennent avec celui-ci des relations encore plus étroites que les personnes qui en sont officiellement membres.

5.La combinaison des facteurs dans la présente affaire − c’est-à-dire la législation interne, qui exige de se présenter aux élections par l’intermédiaire des partis existants et qui rend manifestement la création de nouveaux partis extrêmement difficile − nous conduit à la conclusion que la loi fédérale sur les élections des députés à la Douma d’État (en vigueur à l’époque) et son application à l’auteur étaient à première vue incompatibles avec l’article 25 du Pacte. Si les États ont un pouvoir discrétionnaire étendu pour définir le système électoral, leur législation dans ce domaine devrait toujours viser à faciliter l’exercice des droits garantis par le Pacte plutôt qu’à le limiter de manière déraisonnable. Or, la loi et la pratique en matière d’enregistrement des candidatures individuelles et des partis politiques dans l’État partie, telles qu’appliquées à l’auteur, comportent de très importantes restrictions d’ordre juridique et pratiquec, qui semblent être en deçà des normes prescrites par le Pacte.

6.Nous estimons donc qu’un système qui, de fait, exige des candidats aux élections qu’ils se présentent par l’intermédiaire de partis politiques, qu’ils soient ou non membres desdits partis, va à l’encontre de l’objet et du but de l’article 25 du Pacte, qui vise à protéger le droit de chacun de se présenter aux élections et à assurer un degré élevé de démocratie et de pluralisme politique. Il n’est pas non plus conforme au principe selon lequel l’affiliation à un parti politique doit s’inscrire dans une démarche volontaire et nul ne devrait être contraint d’adhérer ou d’appartenir à une association contre sa volontéd.

7.L’État partie n’ayant par fourni les informations nécessaires pour lever la préoccupation concernant l’incompatibilité prima facie de ses lois et de ses pratiques avec le Pacte, nous pensons que le Comité aurait dû conclure à une violation de l’article 25 et devrait avoir demandé à l’État partie de fournir à l’auteur un recours utile en prenant toutes les mesures nécessaires pour mettre sa législation relative aux élections en conformité avec le Pacte.

[Fait en anglais. Paraîtra ultérieurement en arabe, chinois, espagnol, français et russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]