Nations Unies

CCPR/C/120/D/2170/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

31 août 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2170/2012 * , **

Communication présentée par :

Shanta Neupane et Nisha Neupane (représentées par un conseil, Philip Grant, Track Impunity Always-TRIAL)

Au nom de :

Les auteures et Danda Pani Neupane (respectivement leur époux et père)

État partie :

Népal

Date de la communication :

14 décembre 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 2 août 2012 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

21 juillet 2017

Objet :

Disparition forcée

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Droit à la vie ; interdiction de la torture et des traitements cruels et inhumains ; droit à la liberté et à la sûreté de la personne ; respect de la dignité inhérente à la personne humaine ; reconnaissance de la personnalité juridique ; droit à un recours utile

Article(s) du Pacte :

6, 7, 9, 10 et 16 lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3)

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 2 b))

1.Les auteures de la communication sont Shanta Neupane, née le 27 juin 1955, et Nisha Neupane, née le 13 avril 1980. Elles affirment que l’État partie a violé les droits que Danda Pani Neupane, époux de la première et père de la seconde, de nationalité népalaise, né le 26 mars 1946 et porté disparu, tient des articles 6, 7, 9, 10 et 16 du Pacte, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, ainsi que leurs propres droits au titre de l’article 7, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2. Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour le Népal le 14 août 1991. Les auteures sont représentées par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteures

2.1En 1996 a commencé un conflit armé interne entre le Gouvernement népalais et le Parti communiste népalais-maoïste, qui a duré dix ans, avec pour conséquence une détérioration de la situation des droits de l’homme. Le nombre de violations des droits de l’homme (arrestations et détentions arbitraires, torture, exécutions sommaires et disparitions forcées, notamment) a fortement augmenté. De nombreuses disparitions se sont produites entre 1998 et 2004 dans le contexte des opérations anti-insurrectionnelles lancées par les forces de sécurité contre des membres et des sympathisants du Parti communiste. Les étudiants, hommes d’affaires, salariés, fermiers, journalistes et défenseurs des droits de l’homme, notamment, représentaient une grande partie des victimes.

2.2Danda Pani Neupane et Shanta Neupane ont eu trois enfants, dont Nisha Neupane. M. Neupane a été un membre actif du Parti communiste népalais (maoïste) depuis 1985. Quand il a été arrêté, il était membre de son comité central et dirigeait son service des publications. M. Neupane est entré dans la clandestinité dès le début du conflit armé. Deux ans avant son arrestation et la disparition forcée qui a suivi, il a quitté le comité public de développement des villages de Gitanagar, dans le district de Chitwan, pour rejoindre la quatrième circonscription de Katmandou (circonscription de Kalanki). Mme Neupane est restée à Gitanagar avec ses beaux‑parents et ses deux filles.

2.3Le 21 mai 1999, à environ 17 h 30, M. Neupane a été interpelé par quatre policiers en uniforme dans le quartier de Sundhara, près du Tebahal, à Katmandou. Après lui avoir demandé son nom, ils l’auraient fait monter dans une camionnette avec cinq ou six autres policiers en uniforme et l’auraient conduit à une destination inconnue. S. A., une cadre du Parti communiste, était avec M. Neupane quand il a été arrêté. Elle en a informé B. G., un cadre local du Parti communiste, lequel en a ensuite informé Mme Neupane.

2.4Le 25 mai 1999, Mme Neupane a commencé à chercher son époux. Elle s’est rendue au bureau de la police de district à Hannumandhoka (Katmandou), où on lui a dit que son mari n’avait jamais été détenu par la police. Entre le 26 et le 30 mai, Mme Shanta Neupane s’est rendue dans les trois principaux centres de détention de Katmandou − la prison centrale, la prison de Nakhla et la prison de Charkal − où on l’a informée que M. Neupane n’y avait jamais été détenu.

2.5Le 26 mai 1999, Mme Shanta Neupane a introduit une requête en habeas corpus devant la Cour suprême. La Cour a pris une ordonnance de justification à l’adresse du bureau de police de district, qui a nié l’arrestation de M. Neupane. S. A. et M. P. ont toutefois déclaré à l’audience de la Cour qu’ils avaient été témoins de l’arrestation de M. Neupane par la police. Le 12 juillet, la Cour a rejeté la requête en habeas corpus, au motif que l’auteure n’avait pas pu prouver que son époux était détenu et n’avait pas indiqué son lieu de détention.

2.6M. A., un policier du comité public de développement des villages de Gitanagar temporairement en poste au centre de formation de la police népalaise de Maharajgunj (Katmandou), aurait vu, en juin 1999, M. Neupane, alors qu’il était détenu par la police dans ce centre de formation. Il en a informé M. D., son voisin à Gitanagar. M. D. connaissait M. Neupane, car il était allé à l’école avec Nisha Neupane, à qui il a donc transmis l’information. Shanta Neupane a ensuite rencontré M. A. à Katmandou et lui a montré trois photographies de M. Neupane. M. A. a confirmé qu’il avait vu celui-ci à plusieurs reprises, menotté et les yeux bandés, pendant qu’on l’emmenait aux toilettes. Mme Neupane a demandé à M. A. de témoigner de ces faits par écrit. M. A. a toutefois été transféré dans la région ouest du Népal, et Mme Neupane n’a pas pu entrer à nouveau en contact avec lui.

2.7Le 6 août 1999, des représentants d’organisations de la société civile et des militants des droits de l’homme ont rencontré le Premier Ministre de l’époque, Krishna Prasad Bhatterai, pour demander des informations sur leurs proches disparus. Pendant cette rencontre, le Premier Ministre aurait dit aux membres de l’Association des familles de victimes de disparitions dues à l’État que leurs proches, y compris M. Neupane, avaient été tués.

2.8Le 17 août 1999, Mme Neupane a introduit une seconde requête en habeas corpus devant la Cour suprême. Les défendeurs étaient : a) le Ministère de l’intérieur ; b) le siège de la police népalaise, à Naxal (Katmandou) ; c) le chef du bureau central de la police de district (Katmandou) ; et d) le bureau de la police de district à Hannumandhoka (Katmandou). Tous ont nié l’arrestation, la détention, la soumission à la torture et la disparition de Danda Pani Neupane.

2.9Le 31 août 1999, un quotidien national, le Mahanagar Daily, a publié un article selon lequel six personnes, dont M. Neupane, qui avaient été arrêtées car elles étaient soupçonnées d’être maoïstes et avaient disparu plus tôt dans l’année, étaient vivantes et étaient détenues « pour leur propre sécurité » par la police antiémeute à Pokhara, dans le district de Kaski. L’article affirmait également que, pendant leur détention par la police antiémeute, M. Neupane et ses codétenus avaient été torturés. Mme Neupane a alors appris de M. B, un policier à la retraite, que son époux avait la jaunisse et avait été transféré à Katmandou pour y être soigné. M. C., un policier du district de Chitwan qui connaissait M. Neupane, aurait essayé de lui rendre visite après son transfert à Katmandou. On lui aurait refusé l’accès, mais il aurait été informé que l’intéressé était malade et recevait des soins médicaux.

2.10Au vu des informations publiées par le Mahanagar Daily, qui recoupaient les déclarations de M. B. et M. C., le 27 septembre 1999, Mme Neupane a demandé à la Cour suprême d’émettre un mandat de perquisition et d’enquêter sur le lieu où se trouvait son époux. Le 24 janvier 2000, l’Inspecteur adjoint du bureau de police de la région Ouest a démenti l’information selon laquelle M. Neupane avait été détenu par ses services. Le 11 février, la Cour suprême a ordonné à l’Inspecteur général de la police de fournir, dans un délai de quinze jours, une réponse écrite concernant le lieu où se trouvait M. Neupane. En l’absence de réponse, le 20 mars, la Cour a renouvelé sa demande. Le 22 mars, un représentant de la Direction générale de la police a déclaré devant la Cour qu’il n’avait pas été possible de localiser M. Neupane et que celui-ci n’était pas détenu par la police.

2.11Le 5 juillet 2000, la Cour suprême a rejeté la seconde requête en habeas corpus introduite le 17 août 1999 au motif que, comme pour la première déposée le 26 mai 1999, les griefs de l’auteure n’étaient pas étayés. La Cour a indiqué qu’après épuisement de tous les recours, on ne pouvait confirmer, sur la base de simples soupçons, que Danda Pani Neupane était détenu par la police.

2.12Les auteures affirment qu’elles ont également adressé une pétition écrite au Parlement et au Premier Ministre, demandant des informations sur le lieu où se trouvait M. Neupane. Avec d’autres familles dont des proches étaient aussi victimes de disparitions forcées, elles ont tenu une conférence de presse au cours de laquelle elles ont demandé à la population et aux autorités de leur communiquer toute information sur le lieu où se trouvaient leurs proches. De surcroît, en août 1999 et en février 2000, Amnesty International a publié deux appels urgents pour demander des informations sur le lieu où se trouvait M. Neupane. Le nom de celui-ci a été inscrit sur la liste relative aux disparitions liées au conflit établie par la Commission nationale des droits de l’homme. Il figure également dans la base de données des personnes disparues du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Malgré tous ces efforts, on ne sait toujours pas ce qu’il est advenu de M. Neupane, ni où il se trouve. En 2008, Mme Neupane a reçu 100 000 roupies népalaises à titre d’indemnisation provisoire.

2.13Les auteures indiquent également qu’après l’arrestation arbitraire de M. Neupane et la disparition forcée qui a suivi, Mme Neupane a aussi été harcelée. Avec un groupe de représentants de familles de personnes disparues, elle a fondé l’Association des familles de victimes de disparitions dues à l’État, une organisation qui mène campagne auprès de la population pour obtenir des informations sur le sort des victimes de disparition forcée et le lieu où elles se trouvent. Alors que l’association gagnait en notoriété, la police et l’Armée royale népalaise ont commencé à venir régulièrement perquisitionner le domicile de Mme Neupane.

2.14De surcroît, le 31 mars 2005, Nisha Neupane a été arrêtée par des membres de l’Armée royale népalaise et détenue à la caserne de Kasara, dans le district de Chitwan, pendant trente jours. Elle a ensuite été transférée dans les locaux du 1er bataillon de fusiliers, à Bharaptur (Chitwan), où elle a été détenue pendant quinze jours. Elle a ensuite été remise au bureau de la police de district de Chitwan, avant d’être écrouée à la prison du district de Chitwan, où elle a été détenue pendant quatre mois. Finalement, en août 2005, elle a été transférée à la prison centrale de Katmandou, où elle a été détenue pendant six mois en vertu de la loi sur les activités terroristes et les troubles à l’ordre public. Les auteures affirment que pendant sa détention, Mme Neupane a été régulièrement interrogée, maltraitée et même torturée. Elle était menottée, et ses jambes étaient attachées ensemble en permanence.

2.15Les auteures soutiennent qu’elles n’ont pas déposé de premier rapport d’information auprès de la police à propos de la disparition de M. Neupane, car cette procédure ne concerne que les infractions énumérées à l’annexe 1 de la loi de 1992 sur les affaires auxquelles l’État est partie. La disparition forcée n’étant pas au nombre de ces infractions, les proches des victimes de disparition forcée n’ont pas la possibilité de déposer un premier rapport d’information.

Teneur de la plainte

3.1Les auteures affirment que M. Neupane a été victime de disparition forcée et que l’État partie a violé ses droits au titre des articles 6, 7, 9, 10 et 16, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 ; et leurs droits propres au titre de l’article 7, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2.

3.2M. Neupane a été arbitrairement arrêté le 21 mai 1999 et, malgré les efforts des auteures, on ne sait toujours pas ce qui est advenu de lui ni où il se trouve. M. Neupane aurait été vu pour la dernière fois alors qu’il était aux mains d’agents de l’État. Les autorités népalaises ont toutefois systématiquement nié l’avoir arrêté et le détenir. En août 1999, le Premier Ministre de l’époque avait annoncé que M. Neupane avait été tué, mais un article de presse avait indiqué qu’avec cinq autres personnes que les forces de sécurité avaient aussi fait disparaître en 1999, il était vivant et détenu par la police à Pokhara. Aucune de ces informations n’a été confirmée. Compte tenu de ce qui précède, les auteures estiment que la charge de la preuve incombe aux autorités, qui doivent donner une explication satisfaisante et convaincante, établir avec certitude ce qui est arrivé à M. Neupane et le lieu où il se trouve, et donner des informations à ce propos. Les autorités n’ayant pas démontré le contraire, les auteures affirment que la privation de liberté de M. Neupane et la disparition forcée qui a suivi constituent une violation par l’État partie de l’article 6 du Pacte.

3.3M. Neupane a été arbitrairement privé de liberté par les autorités népalaises, n’ayant pas été inculpé. Son sort et le lieu où il se trouve sont tenus secrets depuis plus de treize ans, et sa famille n’a pas été autorisée à entrer en contact avec lui. Sa détention au secret constitue en elle-même une forme de traitement inhumain et dégradant. Les auteures indiquent également que selon l’article du Mahaganar Daily, M. Neupane et cinq autres personnes ont été torturés alors qu’ils étaient détenus par la police à Pokhara. Au vu de ces éléments, c’est à l’État partie qu’il incombe, au titre de la charge de la preuve, de fournir des éclaircissements sur le traitement réservé à M. Neupane pendant sa détention, et en ne le faisant pas il viole l’article 7 du Pacte.

3.4Il est allégué que M. Neupane a été placé en détention dans le contexte d’une augmentation du nombre d’arrestations de personnes soupçonnées d’être maoïstes et qu’il a été vu vivant pour la dernière fois alors qu’il était aux mains de la police au siège de la police népalaise à Naxal (Katmandou). Ces éléments indiquent que M. Neupane a été privé de liberté par des agents de l’État. Sa privation de liberté n’était pas fondée juridiquement et n’a pas été consignée dans un registre officiel. Aucune accusation n’a été portée contre lui et il n’a pas été traduit devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Il n’a pas pu contester de manière effective la légalité de son arrestation et de sa détention. Les auteures affirment que tous ces faits constituent une violation de l’article 9 du Pacte.

3.5Les auteures affirment que l’isolement et la privation de communication prolongés constituent en eux-mêmes un traitement cruel et inhumain, qui nuit à l’intégrité psychologique et morale de la personne, ainsi qu’une violation du droit de tout détenu au respect de la dignité inhérente à la personne humaine. En l’espèce, même s’il existe peu d’informations sur les conditions de détention de M. Neupane, son maintien au secret, sans accès aux recours légaux ni contact avec les membres de sa famille, constitue en lui-même une violation de l’article 10 du Pacte.

3.6Malgré les preuves attestant que M. Neupane était détenu par la police népalaise, les autorités de l’État ont nié catégoriquement être impliquées dans son placement en détention ou dans la disparition forcée qui a suivi. En n’enregistrant pas officiellement le placement en détention de M. Neupane et en ne le traduisant pas devant un juge ou une autre autorité exerçant un pouvoir judiciaire, les autorités népalaises l’ont soustrait à la protection de la loi, le laissant complétement sans défense, en violation de l’article 16 du Pacte.

3.7Les auteures affirment qu’en refusant de reconnaître la privation de liberté de M. Neupane, les autorités népalaises ont empêché celui-ci d’exercer son droit à un recours utile. Les auteures ont demandé aux autorités népalaises de faire la lumière sur ce qui était arrivé à M. Neupane et le lieu où il se trouvait, mais leurs efforts ont tous été vains, car les recours utiles sont de facto inexistants dans l’État partie. Le fait que le Népal n’ait pas garanti à M. Neupane un recours utile pour protéger les droits qu’il tient des articles 6, 7, 9, 10 et 16 du Pacte constitue donc une violation continue de ces articles lus conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2.

3.8Les auteures affirment également que la disparition forcée de M. Neupane a eu de profondes conséquences sur leur vie en les maintenant dans une incertitude et une angoisse permanentes. Elles affirment également que, pendant environ trois ans à compter du placement arbitraire en détention de M. Neupane, des agents des forces de sécurité se sont régulièrement rendus au domicile de sa famille à Gitanagar (Chitwan). Les auteures se sentaient menacées et craignaient constamment de subir des violences physiques de la part des forces de sécurité, voire d’être tuées. Les filles de M. Neupane ont aussi été harcelées par les forces de sécurité et, le 31 mars 2005, Nisha Neupane a été arrêtée et emprisonnée par l’armée et a subi de graves tortures pendant sa détention. Les auteures pensent qu’elle a été arbitrairement détenue parce qu’elle était la fille de M. Neupane. À ce jour, l’État partie a systématiquement enfreint le droit des auteures de connaître la vérité sur les circonstances de la disparition forcée de M. Neupane, de savoir ce qu’il est advenu de lui et où il se trouve et d’être informées des progrès et résultats de toute enquête à ce sujet. Ainsi, les auteures affirment que l’ensemble de ces faits constitue une violation par l’État partie de l’article 7 du Pacte, lu seul ou, en ce qui les concerne, conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2.

3.9Les auteures demandent au Comité de recommander à l’État partie, notamment : a) d’ouvrir d’urgence une enquête sur la disparition de M. Neupane en vue de déterminer où il se trouve et, dans le cas où il ne serait plus en vie, de localiser, d’exhumer, d’identifier et de restituer sa dépouille à sa famille, avec le respect qui lui est dû ; b) de traduire devant les autorités compétentes les responsables des actes en cause afin qu’ils soient poursuivis, jugés et punis, et de rendre publics les résultats de cette mesure ; c) de suspendre tous les agents de la police népalaise dont l’implication dans la détention arbitraire et la disparition forcée de M. Neupane est établie prima facie ; et d) de veiller à ce que la réparation couvre le préjudice matériel et moral et à ce que des mesures de restitution, de réadaptation et de satisfaction soient prises et des garanties de non-répétition données. Elles demandent en particulier que l’État partie reconnaisse sa responsabilité internationale à l’occasion d’une cérémonie publique à laquelle assisteront des représentants des autorités et la famille de M. Neupane, qui devra recevoir des excuses officielles ; nomme une rue, construise un monument ou pose une plaque commémorative pour préserver la mémoire de toutes les victimes de disparition forcée ; fournisse immédiatement aux auteures des soins médicaux et psychologiques gratuits, et leur permette, quand cela est nécessaire, d’accéder à une aide juridictionnelle gratuite. Afin de garantir que de tels actes ne se reproduisent pas, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que la disparition forcée et la torture, ainsi que les différentes formes de participation à ces crimes, soient expressément réprimées dans le Code pénal népalais, et punies de peines appropriées à la mesure de leur extrême gravité. Il devrait également mettre en place dès que possible des programmes d’éducation dans le domaine du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire à l’intention de tous les membres de l’Armée royale népalaise, des forces de sécurité et de l’appareil judiciaire.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 13 mai 2013, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. En ce qui concerne la recevabilité, l’État partie affirme que les auteures n’ont pas épuisé les recours internes.

4.2L’État partie note que les faits allégués ont eu lieu pendant le conflit armé au Népal. La Constitution népalaise provisoire de 2007 et l’Accord de paix global de 2006 ont fixé les moyens et les méthodes à utiliser pour traiter des questions concernant les violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire survenues pendant le conflit. L’État partie renvoie également à la décision de la Cour suprême du 1er juin 2007 dans l’affaire Rabindra Prasad Dhakal c. le Gouvernement népalais, qui a ordonné au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi permettant d’établir un mécanisme de justice transitionnelle indépendant, impartial et compétent, et de traduire les auteurs de violations des droits de l’homme en justice.

4.3L’État partie indique que le 14 mars 2013, le Président a promulgué une ordonnance portant création d’une commission de haut niveau pour la recherche des personnes disparues, la vérité et la réconciliation. L’ordonnance contenait une définition des « violations graves des droits de l’homme », notamment les disparitions. À cet égard, l’État partie affirme que les faits dénoncés par les auteures relèveraient de la compétence de cette commission. L’État partie fait valoir qu’au vu de ces éléments, on ne saurait considérer que les auteures ont épuisé les recours internes disponibles, et que la communication est donc irrecevable.

4.4En ce qui concerne le fond, l’État partie indique que la Commission pour la recherche des personnes disparues, la vérité et la réconciliation doit bientôt être mise en place et mènera une enquête diligente, indépendante, impartiale et crédible. Aux yeux de l’État partie, cela constituerait pour les auteures un recours utile et en bonne et due forme. L’État partie renvoie également aux requêtes en habeas corpus qui ont été rejetées par la Cour suprême faute de preuves. Il affirme en outre que le montant de l’indemnisation provisoire versée aux auteures a été substantiellement relevé, passant de 100 000 à 300 000 roupies népalaises.

Commentaires des auteures sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 25 juin 2013, les auteures ont présenté leurs commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond.

5.2En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, les auteures indiquent que, selon la jurisprudence constante du Comité, les recours internes doivent être non seulement disponibles, mais aussi utiles. Elles ajoutent que le Comité a aussi estimé que lorsque la plus haute juridiction interne s’est prononcée sur les faits de la cause, il ne reste plus d’autre recours à exercer. Les auteures renvoient à leurs démarches pour épuiser les recours au Népal. Mme Shanta Neupane a cherché à plusieurs reprises à retrouver son époux, notamment en se rendant dans les locaux de la police de district et dans d’autres centres de détention de Katmandou. Elle a aussi introduit devant la Cour suprême du Népal, au nom de M. Neupane, deux requêtes en habeas corpus qui ont été rejetées. Les auteures ajoutent qu’elles ont aussi fait appel par écrit au Parlement et au Premier Ministre.

5.3Les auteures rappellent également qu’elles n’ont pas essayé de faire enregistrer un premier rapport d’information car, la disparition forcée n’étant pas réprimée au Népal, une telle démarche n’aurait pas constitué un recours utile. De surcroît, l’absence d’un premier rapport d’information ne devrait pas empêcher les autorités népalaises de mener d’office une enquête pénale.

5.4Les auteures affirment également que la Commission créée par l’ordonnance de mars 2013 n’offrirait pas un recours utile conforme aux normes internationales, car il ne s’agit pas d’un organe judiciaire et elle n’a pas le pouvoir de prononcer des peines appropriées à l’encontre d’auteurs de violations graves des droits de l’homme. De surcroît, deux recours contestant la constitutionnalité du texte et sa conformité au droit international ont été déposés devant la Cour suprême le 24 mars 2013. Les auteures affirment qu’on ne peut raisonnablement espérer bénéficier d’un recours utile par le biais de cette commission.

5.5Les auteures notent que, dans ses observations concernant le fond de la communication, l’État partie a examiné les questions de recevabilité et n’a pas contesté leurs affirmations concernant les faits.

5.6Les auteures affirment enfin que Mme Neupane a reçu 100 000 roupies népalaises à titre d’indemnisation provisoire, car, le sort de M. Neupane ou le lieu où il se trouve étant toujours inconnus, elle ne pouvait prétendre à plus. Elles ajoutent que l’État ne peut pas se libérer, au moyen d’une indemnisation provisoire, de son obligation de mener d’office une enquête diligente, impartiale, approfondie et indépendante, de poursuivre, juger et punir les responsables des crimes concernés, et d’accorder une réparation complète aux victimes.

Observations complémentaires

Présentées par les auteures

6.Le 10 janvier 2014, les auteures ont informé le Comité que le 2 janvier, la Cour suprême avait déclaré inconstitutionnelle et contraire aux normes internationales l’ordonnance du 14 mars 2013 portant création d’une commission pour la recherche des personnes disparues, la vérité et la réconciliation. La Cour a ordonné aux autorités népalaises de créer une commission différente. Les auteures réaffirment que cette future commission ne peut en aucun cas être considérée comme offrant un recours utile.

Présentées par l ’ État partie

7.1Le 11 août et le 11 décembre 2014, l’État partie a informé le Comité que la loi sur la Commission pour la recherche des personnes disparues et la vérité et la réconciliation avait été adoptée par le Parlement. L’État indique qu’une commission vérité et réconciliation et une commission des disparitions forcées seront bientôt mises en place, et décrit brièvement les principales dispositions de la loi. L’État partie explique qu’il s’agit d’un instrument historique visant à régler le problème des violations des droits de l’homme commises par le passé, tant par l’État partie que par des acteurs non étatiques. Il indique également que des projets de loi réprimant la torture et la disparition forcée ont été élaborés et vont être présentés au Parlement. À cet égard, l’État partie affirme que les griefs des auteures feront l’objet d’un examen complet après la création de ces mécanismes.

7.2L’État partie affirme également que les auteures n’ont pas déposé de plainte auprès des autorités compétentes pour dénoncer la disparition forcée dont aurait été victime M. Neupane, alors qu’il existe dans le Code général (Muluki Ain) un chapitre consacré à l’enlèvement et à la prise d’otage.

7.3L’État partie rappelle que la famille de M. Neupane s’est vu accorder 300 000 roupies népalaises à titre d’indemnisation provisoire, et réitère ses précédents arguments concernant la situation du système de justice transitionnelle au Népal.

Présentées par les auteures

8.Le 1er septembre 2014 et le 12 janvier 2015, les auteures ont renouvelé leurs allégations concernant le mécanisme de justice transitionnelle et fait valoir que plusieurs dispositions de la loi étaient incompatibles avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme et ne pouvaient leur offrir un recours utile.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les auteures n’ont pas épuisé les recours internes au motif que le cas de M. Neupane relèverait du mécanisme de justice transitionnelle créé en vertu de la Constitution provisoire de 2007. Le Comité prend également note des allégations des auteures quant aux démarches entreprises par Mme Neupane pour tenter de retrouver son époux. Entre le 25 et le 30 mai 1999, Mme Neupane s’est rendue dans plusieurs centres de détention de Katmandou. Elle a aussi introduit, le 26 mai et le 17 août 1999, deux requêtes en habeas corpus en faveur de son mari devant la Cour suprême, qui ont toutes les deux été rejetées au motif que les faits dénoncés n’étaient pas établis. Mme Neupane a également fait appel par écrit au Parlement et au Premier Ministre, demandant que le lieu où se trouvait son époux soit rendu public. Le Comité prend également note de l’argument des auteures selon lequel un premier rapport d’information n’aurait pas constitué un recours utile en l’espèce, car la disparition forcée n’est pas réprimée en tant que telle par la législation nationale. Malgré les efforts de Mme Neupane, la disparition de son époux n’est toujours pas élucidée au bout de dix‑sept ans, et aucune enquête n’a encore été ouverte. Le Comité rappelle en outre sa jurisprudence selon laquelle, en cas de violations graves, un recours judiciaire doit être ouvert. À ce sujet, le Comité observe que les organes de justice transitionnelle mis en place par la loi de 2014 sur la Commission pour la recherche des personnes disparues, la vérité et la réconciliation ne sont pas des organes juridictionnels à même d’offrir un recours judiciaire. En conséquence, il considère que les recours invoqués par l’État partie sont dépourvus d’effet et conclut que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la communication.

9.4Toutes les conditions de recevabilité étant satisfaites, le Comité déclare la communication recevable et va procéder à son examen au fond.

Examen au fond

10.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

10.2 Le Comité prend note des allégations des auteures selon lesquelles M. Neupane a été victime de disparition forcée, qui sont appuyées par les témoignages de deux personnes qui étaient présentes lors de l’arrestation de l’intéressé. Mme Neupane a tenté de localiser son époux, mais son sort et le lieu où il se trouve restent inconnus. Il n’a pas été mené d’enquête diligente, impartiale, approfondie et indépendante malgré les deux requêtes en habeas corpus que Mme Neupane a introduites devant la Cour suprême. Personne n’a été traduit en justice ni reconnu coupable des actes susmentionnés.

10.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui fait valoir que le cas de M. Neupane a été examiné deux fois par la Cour suprême dans le cadre de la procédure d’habeas corpus engagée par Mme Neupane, et que, dans ce cadre, les instances concernées ont toutes déclaré que l’intéressé n’avait été ni arrêté ni détenu par les forces de sécurité. Il n’a donc pas été possible de le localiser.

10.4Le Comité note qu’il a eu par le passé à connaître de plusieurs affaires concernant des pratiques similaires, dont certaines concernant l’État partie. Au vu de ces précédents, le Comité réaffirme sa position quant au fait que la charge de la preuve ne peut incomber uniquement à l’auteur de la communication, d’autant que l’auteur et l’État partie n’ont pas toujours un accès égal aux éléments de preuve et que, souvent, seul l’État partie dispose des renseignements nécessaires. Il ressort implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte formulées contre lui et ses représentants, et de transmettre au Comité les informations qu’il détient. Dans les cas où l’auteur a communiqué à l’État partie des allégations corroborées par des éléments crédibles et où tout éclaircissement supplémentaire dépend de renseignements que l’État partie est seul à détenir, le Comité peut juger ces allégations fondées si l’État partie ne les réfute pas en apportant des preuves et des explications satisfaisantes.

10.5Le Comité rappelle que si l’expression « disparition forcée » n’est explicitement utilisée dans aucun des articles du Pacte, la disparition forcée constitue un seul et même ensemble intégré d’actes qui représente une violation continue de plusieurs droits consacrés par cet instrument.

10.6En l’espèce, l’État partie n’a pas contesté les allégations des auteures concernant l’arrestation et la disparition forcée de M. Neupane en mai 1999. Après avoir appris l’arrestation de son époux, Mme Neupane a tenté de le localiser et s’est rendue au bureau de la police de district de Katmandou, ainsi qu’aux trois principaux centres de détention de Katmandou, à savoir la prison centrale, la prison de Nakhu et la prison de Charkhal. Les autorités ont nié avoir arrêté M. Neupane ou le détenir. Malgré les dépositions de deux personnes devant la Cour suprême, les autorités continuent à nier le détenir. Les deux requêtes en habeas corpus déposées par Mme Neupane en faveur de son époux ont donc été rejetées. Le Comité observe également que le Premier Ministre de l’époque avait déclaré que M. Neupane avait été tué, mais qu’un article du Mahanagar Daily indiquait que l’intéressé était en fait vivant et détenu par la police antiémeute à Pokhara. Le Comité note également que Mme Neupane a reçu des informations selon lesquelles son époux avait été transféré de Pokhara au bureau de la police de district de Katmandou pour y recevoir un traitement médical. L’État partie n’a informé le Comité ni des mesures prises pour mener une enquête approfondie et efficace ni de leurs résultats. On ignore toujours où se trouve M. Neupane et, s’il n’est plus en vie, son corps n’a pas été retrouvé ni rendu à sa famille. Le Comité rappelle qu’en matière de disparition forcée, la privation de liberté, suivie du refus de reconnaître celle-ci ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue, soustrait cette personne à la protection de la loi et fait peser sur sa vie un risque constant et sérieux, dont l’État doit rendre compte. En l’espèce, l’État partie n’a fourni aucun élément démontrant qu’il s’est acquitté de son obligation de protéger la vie de M. Neupane. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a manqué à son devoir de protéger la vie de M. Neupane, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte.

10.7Le Comité prend note des allégations des auteures, qui avancent que le placement en détention arbitraire de M. Neupane le 21 mai 1999, puis sa disparition forcée, constituent en elles-mêmes un traitement contraire à l’article 7. Le Comité reconnaît le degré de souffrance qu’implique une détention sans contact avec le monde extérieur pendant une durée indéfinie. Il prend en outre note de l’article du Mahanagar Daily publié trois mois après la disparition de M. Neupane, qui indiquait que celui-ci était détenu par la police népalaise à Pokhara et était soumis à la torture. Comme l’État partie n’a fourni aucun élément d’information concernant la façon dont M. Neupane était traité pendant sa détention, le Comité estime que la disparition forcée de M. Neupane et son traitement pendant sa détention constituent une violation de l’article 7 du Pacte. Étant parvenu à cette conclusion, il n’examinera pas les griefs de violation du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte pour les mêmes faits.

10.8Le Comité note l’angoisse et la détresse dans lesquelles les auteures ont été plongées par la disparition de M. Neupane et par l’absence d’informations sur les circonstances de cette disparition, et relève qu’aucune enquête n’a été menée pour déterminer ce qui lui était arrivé et, au cas où il serait décédé, en vue de remettre sa dépouille à sa famille. Le Comité note en outre les allégations des auteures selon lesquelles, après la disparition de M. Neupane, des agents des forces de sécurité sont venus régulièrement chez elles, ce qui a exacerbé leur peur et leur angoisse. Il note de surcroît qu’en raison de son lien de parenté avec M. Neupane, Nisha Neupane a elle aussi été détenue arbitrairement et torturée. Le Comité considère que ces faits font apparaître une violation de l’article 7 du Pacte au préjudice des auteures.

10.9Le Comité prend note du grief des auteures au titre de l’article 9 du Pacte selon lequel M. Neupane a été privé de sa liberté par des agents de l’État, à savoir la police népalaise, le 21 mai 1999. Aucun motif légal n’a été fourni pour expliquer sa détention. Son arrestation n’a été consignée dans aucun registre officiel. Il n’a jamais été présenté à un juge ou un autre agent public habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et n’a pas pu contester la légalité de sa détention devant un tribunal. En l’absence de réponse de l’État partie sur ce point, le Comité estime que la détention de M. Neupane constitue une violation de ses droits reconnus à l’article 9 du Pacte.

10.10Quant à la violation alléguée de l’article 16, le Comité note les allégations des auteures selon lesquelles, en dépit de preuves dont il ressortait que M. Neupane était détenu par la police népalaise, les autorités népalaises ont nié catégoriquement être impliquées dans sa disparition forcée. L’État partie ne leur a pas fourni d’informations pertinentes sur le sort de M. Neupane et aucune enquête sérieuse n’a été menée pour déterminer où il se trouve, ce qui soustrait effectivement l’intéressé à la protection de la loi. Le Comité considère que la soustraction délibérée d’une personne à la protection de la loi constitue un déni du droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en particulier si toute tentative des parents de la victime pour se prévaloir de recours utiles est systématiquement entravée. Le Comité estime donc que la disparition forcée de M. Neupane le prive de la protection de la loi et de son droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en violation de l’article 16 du Pacte.

10.11Les auteures invoquent le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, qui impose aux États parties l’obligation de garantir un recours utile à toute personne dont les droits reconnus dans le Pacte ont été violés. Le Comité attache de l’importance à la mise en place par les États parties de mécanismes judiciaires et administratifs appropriés pour examiner les plaintes faisant état de violations des droits. Il renvoie à son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, qui dispose notamment que le fait pour un État partie de ne pas mener d’enquête sur des violations présumées pourrait en soi donner lieu à une violation distincte du Pacte. En l’espèce, le Comité note qu’immédiatement après avoir appris que son époux était détenu par la police népalaise, Mme Neupane s’est rendue au bureau de la police de district et aux autres centres de détention de Katmandou pour recueillir des informations sur son arrestation. Elle a aussi introduit deux requêtes en habeas corpus devant la Cour suprême. Malgré les efforts de Mme Neupane pour retrouver son époux, l’État partie n’a pas lancé d’enquête indépendante et approfondie pour faire la lumière sur les circonstances de la détention de l’intéressé, son sort et le lieu où il se trouvait. À cet égard, le Comité estime que l’État partie n’a pas procédé rapidement à une enquête approfondie et efficace sur la disparition de M. Neupane. De plus, la somme reçue par les auteures à titre d’indemnisation provisoire ne constitue pas une réparation adéquate et proportionnée à la gravité des violations commises. En conséquence, le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 6 et les articles 7, 9 et 16 du Pacte, au préjudice de M. Neupane, ainsi qu’une violation du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, lu conjointement avec l’article 7 du Pacte, au préjudice des auteures.

11.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître des violations par l’État partie des articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte ; et du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec les articles 6, 7, 9 et 16 au préjudice de Danda Pani Neupane. Les faits font aussi apparaître des violations de l’article 7, et du paragraphe 3 de l’article 2 lu conjointement avec l’article 7, au préjudice des auteures, Shanta Neupane et Nisha Neupane.

12.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteures un recours utile. Il a l’obligation d’accorder pleine réparation aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres : a) de mener une enquête approfondie et efficace sur la disparition de M. Neupane et de fournir aux auteures des informations détaillées quant aux résultats de cette enquête ; b) si M. Neupane n’est plus en vie, de retrouver sa dépouille et de la remettre à sa famille ; c) de poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises et de rendre publiques les mesures prises à l’encontre de ces personnes ; d) de veiller à ce que les auteures puissent bénéficier de tous les soins médicaux et psychologiques nécessaires et adéquats ; et e) d’accorder une indemnisation adéquate et des mesures de satisfaction appropriées aux auteures, ainsi qu’à M. Neupane s’il est encore en vie, pour les violations subies. L’État partie est également tenu de prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues ne se reproduisent. Il devrait en particulier veiller à ce que : a) sa législation permette d’engager des poursuites pénales contre les auteurs de violations graves des droits de l’homme comme les actes de torture, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées ; et à ce que b) toute disparition forcée donne lieu rapidement à une enquête impartiale et efficace.

13.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.