Nations Unies

CCPR/C/105/D/1867/2009, 1936, 1975, 1977-1981, 2010/2010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

5 septembre 2012

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communications nos 1867/2009, 1936/2010, 1975/2010, 1977/2010, 1978/2010, 1979/2010, 1980/2010, 1981/2010 et 2010/2010

Constatations adoptées par le Comité à sa 105e session(9-27 juillet 2012)

Communication s p résentée s par:

Pavel Levinov (non représentépar un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de s communication s:

2 juin 2008, 17 février 2010, 10 décembre 2009, 8 janvier 2010, 18 mars 2010, 20 avril 2010, 10 juin 2010, 18 juin 2010, 8 novembre 2009 (dates des lettres initiales)

Références:

Décisions prises par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, transmises à l’État partie le 19 février 2009, le 1er avril 2010, le 24 septembre 2010 et le 1er décembre 2010 (non publiées sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations:

19 juillet 2012

Objet:

Il a été interdit à l’auteur d’organiser des piquets publics

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes

Questions de fond:

Liberté d’expression, liberté de réunion

Articles du Pacte:

2 (par. 1 et 2), 5 (par. 1), 14 (par. 1), 18, 19, 21 et 26

Article du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (105e session)

concernant les

Communications nos 1867/2009, 1936/2010, 1975/2010, 1977/2010, 1978/2010, 1979/2010, 1980/2010, 1981/2010 et 2010/2010 *

Présentée s par:

Pavel Levinov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de s communication s:

2 juin 2008, 17 février 2010, 10 décembre 2009, 8 janvier 2010, 18 mars 2010, 20 avril 2010, 10 juin 2010, 18 juin 2010, 8 novembre 2009 (dates des lettres initiales)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 19 juillet 2012,

Ayant achevé l’examen des communications nos 1867/2009, 1936/2010, 1975/2010, 1977/2010, 1978/2010, 1979/2010, 1980/2010, 1981/2010 et 2010/2010, présentées par Pavel Levinov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.1L’auteur des neuf communications est Pavel Levinov, de nationalité bélarussienne, né en 1961. Dans toutes les communications, il se déclare victime de violations par le Bélarus des droits qu’il tient des paragraphes 1 et 2 de l’article 2, du paragraphe 1 de l’article 5, du paragraphe 1 de l’article 14, de l’article 19 et de l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans les communications nos 1867/2009, 1975/2010 et 2010/2010, il se déclare aussi victime de violations par le Bélarus des droits qui lui sont garantis par l’article 26 du Pacte et, dans la communication no 1975/2010, des droits qui lui sont garantis par l’article 18 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 19 juillet 2012, le Comité a décidé, en application du paragraphe 2 de l’article 94 de son règlement intérieur, d’examiner conjointement les neuf communications compte tenu des fortes similarités qu’elles présentent sur le plan des faits et du droit.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur affirme que les autorités exécutives de la ville de Vitebsk (Bélarus) lui ont refusé à neuf reprises la permission d’organiser des piquets.

Piquet 1 − communication no 1867/2009

2.2Les 19, 21 et 23 novembre 2007, l’auteur a déposé auprès du Comité exécutif de la municipalité de Vitebsk (ci-après le Comité exécutif) des demandes d’autorisation relatives à l’organisation de piquets, le 9 décembre 2007, dans trois lieux différents, dans le but de renforcer et de promouvoir les droits de l’homme, de sensibiliser l’opinion aux questions relatives aux droits de l’homme et d’exprimer publiquement un intérêt pour ces questions. Il précisait dans ses demandes qu’il serait le seul à tenir les piquets. Les 28 et 30 novembre et le 3 décembre 2007, le Comité exécutif a répondu qu’il interdisait les piquets en application du paragraphe 1 de la décision no 820 du Comité exécutif, en date du 24 octobre 2003 («relative à la procédure régissant l’organisation et le déroulement des rassemblements publics dans la ville de Vitebsk») − qui prévoit que les rassemblements publics ne peuvent être organisés que dans un petit nombre de lieux bien précis à Vitebsk − au motif que les lieux envisagés par l’auteur ne faisaient pas partie des emplacements autorisés.

2.3Le 5 décembre 2007, l’auteur a formé devant le tribunal régional de Vitebsk un recours contre les décisions du Comité exécutif qui a été rejeté le 7 décembre 2007. Le 18 décembre 2007, l’auteur a fait appel de la décision de première instance devant le tribunal de district de Vitebsk. Le 14 janvier 2008, le tribunal de district a confirmé la décision du tribunal régional et a rejeté l’appel de l’auteur. L’auteur a déposé un recours au titre de la procédure de contrôle auprès de la Cour suprême du Bélarus, qui a été rejeté le 28 avril 2008.

Piquet 2 − communication no 1936/2010

2.4Le 30 janvier 2009, l’auteur a déposé auprès du Comité exécutif une demande d’autorisation relative à l’organisation, le 14 février 2009, d’un piquet avec le slogan «Vitebsk − ville de l’amour», à l’occasion de la Saint-Valentin. Il précisait dans sa demande que le piquet serait tenu uniquement par lui-même et que le lieu envisagé était le passage pour piétons de la rue Lénine et du boulevard Frounze, en face de la place de la liberté, à Vitebsk. Le Président en exercice du Comité exécutif a rendu une décision interdisant le piquet, qui a été notifiée à l’auteur le 10 février 2009. Le piquet a été interdit en application du paragraphe 1 de la décision no 820 du Comité exécutif, en date du 24 octobre 2003, au motif que le lieu envisagé par l’auteur ne faisait pas partie des emplacements autorisés. La décision du Comité exécutif était fondée sur la loi «relative aux manifestations publiques en République du Bélarus». La permission d’organiser le piquet aurait aussi été refusée parce que la demande n’avait été déposée que le 2 février 2009, en violation des articles 5 et 9 de ladite loi, qui disposent que les demandes d’autorisation pour l’organisation de rassemblements publics doivent être déposées au plus tard quinze jours avant la date de l’événement.

2.5Le 15 février 2009, l’auteur a formé un recours contre la décision du Président en exercice du Comité exécutif devant le tribunal régional de Vitebsk, qui l’a débouté le 11 mars 2009. Le même jour, l’auteur a saisi le tribunal de district de Vitebsk. Le 16 avril 2009, le tribunal de district a confirmé la décision du tribunal régional et a rejeté l’appel de l’auteur. L’auteur a déposé des recours au titre de la procédure de contrôle auprès du Président du tribunal de district de Vitebsk (le 20 avril 2009) et auprès du Président de la Cour suprême du Bélarus (le 26 mai 2009). Ils ont tous deux rejeté ces recours (le 15 mai 2009 et le 24 juillet 2009, respectivement) et ont affirmé que la décision du tribunal de première instance était légale.

Piquet 3 − communication no 1975/2010

2.6À une date non précisée, l’auteur a déposé auprès du Comité exécutif une demande d’autorisation concernant l’organisation, le 7 janvier 2009, d’un piquet visant à célébrer le Noël orthodoxe. Dans sa demande, il précisait que le piquet serait tenu seulement par lui-même et qu’il envisageait de souhaiter un joyeux Noël à ses concitoyens en se tenant dans une zone piétonne de la route de Novoroshansk, à Vitebsk. La demande a été examinée par le Vice-Président du Comité exécutif, qui a rendu, le 30 décembre 2008, une décision interdisant le piquet. Le piquet a été interdit en application de la décision no 820 du Comité exécutif, en date du 24 octobre 2003, au motif que le lieu proposé par l’auteur ne faisait pas partie des emplacements autorisés. Le 10 janvier 2009, l’auteur a engagé un recours contre la décision du Vice-Président du Comité exécutif devant le tribunal du district d’Oktyabrsky, qui l’a débouté le 27 janvier 2009. Le même jour, l’auteur a formé un recours en annulation contre la décision du tribunal de district devant le tribunal régional de Vitebsk. Le 19 février 2009, le tribunal régional a confirmé le jugement de première instance et a rejeté le recours de l’auteur. L’auteur a introduit des recours au titre de la procédure de contrôle auprès du Président du tribunal régional de Vitebsk (le 4 mars 2009) et auprès du Président de la Cour suprême du Bélarus (le 4 avril 2009). Ils ont tous deux rejeté ces recours (le 31 mars 2009 et le 18 juin 2009, respectivement).

Piquet 4 − communication no 1977/2010

2.7À une date non précisée, l’auteur a déposé auprès du Comité exécutif de Vitebsk une demande d’autorisation concernant l’organisation, le 25 janvier 2009, d’un piquet consacré à l’anniversaire de la naissance du poète Vladimir Vysotsky. Il précisait dans la demande que le piquet serait tenu par lui seul et qu’il envisageait de se tenir devant la bibliothèque de district V. I. Lénine. La demande a été examinée par le Vice-Président du Comité exécutif, qui a rendu, le 19 janvier 2009, une décision interdisant le piquet en application de la décision no 820 du Comité exécutif, en date du 24 octobre 2003 («relative à la procédure régissant l’organisation et le déroulement des rassemblements publics dans la ville de Vitebsk»), au motif que le lieu envisagé par l’auteur ne faisait pas partie des emplacements autorisés. La décision du Comité exécutif était fondée sur la loi «relative aux manifestations publiques en République du Bélarus». Le 21 janvier 2009, l’auteur a engagé un recours contre la décision du Vice-Président du Comité exécutif devant le tribunal du district d’Oktyabrsky, qui l’a débouté le 16 février 2009. Le même jour, l’auteur a formé un recours en annulation contre la décision du tribunal de district devant le tribunal régional de Vitebsk. Le 30 mars 2009, le tribunal régional a confirmé le jugement de première instance et a rejeté l’appel de l’auteur. L’auteur a formé des recours au titre de la procédure de contrôle auprès du Président du tribunal régional de Vitebsk (le 3 avril 2009) et auprès du Président de la Cour suprême (le 21 avril 2009). Ils ont tous deux rejeté ces recours (le 15 avril 2009 et le 23 juin 2009, respectivement).

Piquet 5 − communication no 1978/2010

2.8Le 16 février 2009, l’auteur a déposé auprès du Comité exécutif de la municipalité de Vitebsk une demande d’autorisation concernant l’organisation, le 4 mars 2009, d’un piquet visant à attirer l’attention des citoyens sur la question des violations des droits individuels et libertés commises par des policiers en République du Bélarus. Il précisait dans la demande que le piquet serait tenu par une seule personne et que le lieu envisagé était le passage pour piétons de la rue Lénine et du boulevard Frounze, en face de la place de la Liberté, à Vitebsk. La demande a été examinée par le Président en exercice du Comité exécutif de la municipalité de Vitebsk, qui a rendu, le 24 février 2009, une décision interdisant le piquet en application du paragraphe 1 de la décision no 820 du Comité exécutif, en date du 24 octobre 2003, au motif que le lieu envisagé par l’auteur ne faisait pas partie des emplacements autorisés. La décision du Comité exécutif était fondée sur la loi «relative aux manifestations publiques en République du Bélarus». Le 26 février 2009, l’auteur a engagé un recours contre la décision du Président en exercice du Comité exécutif devant le tribunal régional de Vitebsk, qui l’a débouté le 1er avril 2009. À la même date, l’auteur a formé un recours en annulation contre la décision du tribunal régional devant le tribunal de district de Vitebsk. Le 4 mai 2009, le tribunal de district a confirmé le jugement du tribunal régional et a rejeté le recours de l’auteur. L’auteur a introduit des recours au titre de la procédure de contrôle auprès du Président du tribunal de district de Vitebsk (le 25 mai 2009) et auprès du Président de la Cour suprême (le 22 juin 2009). Ils ont tous deux rejeté ces recours (le 9 juin 2009 et le 24 juillet 2009, respectivement).

Piquet 6 − communication no 1979/2010

2.9Le 14 mai 2009, l’auteur a déposé auprès du Comité exécutif de la municipalité de Vitebsk une demande d’autorisation concernant l’organisation, le 1er juin 2009, d’un piquet visant à attirer l’attention des citoyens sur la question des violations des droits de l’enfant. Il précisait dans la demande que le piquet serait tenu par une seule personne et que le lieu envisagé était le passage pour piétons de la rue Lénine et du boulevard Frounze, en face de la place de la liberté, à Vitebsk. La demande a été examinée par le Vice-Président du Comité exécutif, qui a rendu, le 14 mai 2009, une décision interdisant le piquet, en application de la décision no 820 du Comité exécutif, en date du 24 octobre 2003, au motif que le lieu envisagé par l’auteur ne faisait pas partie des emplacements autorisés. La décision du Comité exécutif était fondée sur la loi «relative aux manifestations publiques en République du Bélarus». Le 24 juin 2009, l’auteur a engagé un recours contre la décision du Vice-Président du Comité exécutif devant le tribunal du district Oktyabrsky, qui l’a débouté le 24 juillet 2009. À la même date, l’auteur a formé un recours en annulation contre la décision du tribunal de district devant le tribunal régional de Vitebsk. Le 17 août 2009, le tribunal régional a confirmé le jugement de première instance et a rejeté le recours de l’auteur. L’auteur a introduit des recours au titre de la procédure de contrôle auprès du Président du tribunal régional de Vitebsk (le 16 octobre 2009) et auprès du Président de la Cour suprême (le 8 novembre 2009). Ils ont tous deux rejeté ces recours (le 4 novembre 2009 et le 10 décembre 2009, respectivement).

Piquet 7 − communication no 1980/2010

2.10Le 9 novembre 2009, l’auteur a présenté à l’administration du district Oktyabrsky de Vitebsk une demande d’autorisation concernant l’organisation, le 10 décembre 2009, d’un piquet visant à encourager les institutions de l’État à renforcer et à promouvoir les droits de l’homme et à vulgariser les instruments relatifs aux droits de l’homme. Il précisait dans la demande que le piquet serait tenu par une seule personne et que le lieu envisagé était le passage pour piétons de la rue Lénine et du boulevard Frounze, en face de la place de la Liberté, à Vitebsk. La demande a été examinée par le chef de l’administration du district Oktyabrsky, qui a rendu, le 20 novembre 2009, une décision interdisant le piquet. Le piquet a été interdit en application de la décision no 881 du Comité exécutif, en date du 10 juillet 2009 («relative aux manifestations publiques dans la ville de Vitebsk»), au motif que le lieu envisagé par l’auteur ne faisait pas partie des emplacements autorisés. Il était aussi indiqué dans la décision que l’auteur n’avait pas présenté de contrats conclus avec le Département de l’intérieur de l’administration du district en vue d’assurer l’ordre public pendant le piquet; avec le Département de la santé, en vue de garantir la fourniture de soins médicaux pendant le piquet; et avec le Département des services collectifs, en vue d’assurer le nettoyage de l’emplacement où se tiendrait le piquet, conformément à la décision no 881 du Comité exécutif. Le 1er décembre 2009, l’auteur a engagé un recours contre la décision du chef de l’administration du district Oktyabrsky devant le tribunal du district Oktyabrsky, qui l’a débouté le 24 décembre 2009. Le 3 janvier 2010, l’auteur a formé un recours en annulation contre la décision du tribunal de district auprès du tribunal régional de Vitebsk, qui a rejeté le recours le 8 février 2010. L’auteur a introduit des recours au titre de la procédure de contrôle auprès du Président du tribunal régional de Vitebsk (le 19 février 2010) et auprès du Président de la Cour suprême (le 25 mars 2010). Ils ont tous deux rejeté ces recours (le 18 mars 2010 et le 5 mai 2010, respectivement).

Piquet 8 − communication no 1981/2010

2.11Le 30 novembre 2009, l’auteur a déposé auprès du Comité exécutif de la municipalité de Vitebsk une demande d’autorisation concernant l’organisation, le 31 décembre 2009, d’un piquet visant à souhaiter un joyeux Noël et une bonne année à ses concitoyens. Il précisait dans la demande que le piquet serait tenu par une seule personne déguisée en père Noël et que l’emplacement envisagé était le passage pour piétons de la rue Lénine et du boulevard Frounze, en face de la place de la Liberté, à Vitebsk. En violation de la législation locale, la demande a été examinée, non pas par le Président du Comité exécutif de la municipalité de Vitebsk, mais par le chef de l’administration du district Oktyabrsky, qui a rendu, le 7 décembre 2009, une décision interdisant le piquet. Le piquet a été interdit en application de la décision no 881 du Comité exécutif, en date du 10 juillet 2009, au motif que le lieu envisagé par l’auteur ne faisait pas partie des emplacements autorisés. Il était aussi indiqué dans la décision que l’auteur n’avait pas présenté de contrats conclus avec le Département de l’intérieur de l’administration du district en vue d’assurer l’ordre public pendant le piquet; avec le Département de la santé, en vue d’assurer la fourniture de soins médicaux pendant le piquet; et avec le Département des services collectifs, en vue d’assurer le nettoyage de l’emplacement où se tiendrait le piquet, conformément à la décision no 881 du Comité exécutif. Le 15 décembre 2009, l’auteur a engagé un recours contre la décision du Vice-Président du Comité exécutif devant le tribunal du district Oktyabrsky, qui l’a débouté le 5 janvier 2010. Le 25 janvier 2010, l’auteur a formé un recours en annulation contre la décision du tribunal de district devant le tribunal régional de Vitebsk. Le 25 février 2010, le tribunal régional a confirmé le jugement de première instance et rejeté le recours de l’auteur. L’auteur a déposé des recours au titre de la procédure de contrôle auprès du Président du tribunal régional de Vitebsk (le 13 mars 2010) et auprès du Président de la Cour suprême (le 6 avril 2010). Ils ont tous deux rejeté ces recours (le 29 mars 2010 et le 15 mai 2010, respectivement).

Piquet 9 − communication no 2010/2010

2.12À une date non précisée, l’auteur a déposé auprès du Comité exécutif de la municipalité de Vitebsk une demande d’autorisation concernant l’organisation, les 7 et 10 décembre 2008, de piquets consacrés au soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et au dixième anniversaire de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, dans le but d’encourager les institutions de l’État à renforcer et à promouvoir les droits de l’homme, de vulgariser les instruments relatifs aux droits de l’homme et d’exprimer publiquement un intérêt pour les questions relatives aux droits de l’homme. Il précisait dans sa demande que les piquets seraient conduits par une seule personne et qu’il envisageait de se tenir à l’intersection du boulevard Moskovskaya et du boulevard de la Victoire, le 7 décembre 2008, et dans le parc Zheleznodorozhnikov, le 10 décembre 2008. La demande a été examinée par le Vice-Président du Comité exécutif de la municipalité de Vitebsk, qui a rendu une décision interdisant le piquet du 7 décembre 2008 sur la base de la décision no 820 du Comité exécutif, en date du 24 octobre 2003, au motif que le lieu envisagé par l’auteur ne faisait pas partie des emplacements autorisés, et parce que l’auteur n’avait pas payé les frais liés au maintien de l’ordre public pendant le piquet. Le Comité exécutif a aussi rejeté la demande de l’auteur concernant la tenue d’un piquet le 10 décembre 2008 sur un emplacement autorisé en vertu de la décision no820, à savoir dans le parc de loisirs Zheleznodorozhnikov. La raison invoquée était que les autorités municipales avaient prévu d’organiser dans le parc un piquet sur le thème «La jeunesse pour un mode de vie sain − 2008». L’auteur fait observer que l’emplacement qu’il avait choisi pour tenir son piquet dans le parc était situé à 100 mètres de celui où il était prévu d’organiser le piquet intitulé «La jeunesse pour un mode de vie sain − 2008».

2.13Le 1er décembre 2008, l’auteur a engagé un recours contre la décision du Vice-Président du Comité exécutif devant le tribunal du district Oktyabrsky de Vitebsk, qui l’a débouté le 19 décembre 2008. Le 16 janvier 2009, l’auteur a formé un recours en annulation contre la décision du tribunal de district devant le tribunal régional de Vitebsk. Le 12 février 2009, le tribunal régional a confirmé le jugement de première instance et rejeté le recours de l’auteur. L’auteur a déposé des recours au titre de la procédure de contrôle auprès du Président du tribunal régional de Vitebsk (le 26 février 2009), et auprès du Président de la Cour suprême (le 3 avril 2009). Les deux recours ont été rejetés le 27 avril 2009 et le 18 juin 2009, respectivement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

3.2Dans toutes les communications, l’auteur affirme que le Bélarus contrevient à l’obligation qui lui incombe en vertu du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte de prendre les dispositions voulues pour adopter des mesures d’ordre législatif ou autre propres à donner effet au droit à la liberté de réunion et d’association, ce qu’il n’a pas fait étant donné que les particuliers ne sont pas autorisés à soulever de telles questions devant la Cour constitutionnelle. L’auteur renvoie à la communication no628/1995, au sujet de laquelle le Comité a estimé incompatible avec le Pacte que l’État partie ait fait passer l’application de sa législation nationale avant l’exécution des obligations qui lui incombaient en application du Pacte, et affirme que le Bélarus a aussi donné la priorité à sa législation nationale, en violation du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte.

3.3Dans toutes les communications, l’auteur déclare que des restrictions ont été imposées arbitrairement à sa liberté d’expression, en violation de la Constitution et de l’article 19 du Pacte, puisque les restrictions en question n’étaient pas nécessaires à la sauvegarde de la sécurité nationale, de la sécurité ou de l’ordre publics, de la santé ou de la moralité publiques, ni au respect des droits et des libertés d’autrui.

3.4Dans toutes les communications, l’auteur déclare que les restrictions imposées à son droit de réunion pacifique constituent une violation de l’article 21 du Pacte, puisqu’elles contreviennent aux dispositions de la Constitution du Bélarus et ne sont pas nécessaires dans une société démocratique.

3.5Dans toutes les communications, l’auteur affirme aussi que les tribunaux qui ont examiné les décisions du Comité exécutif ont agi en violation des obligations internationales du Bélarus en matière de droits de l’homme et étaient soumis à l’influence du pouvoir exécutif. Par conséquent, il affirme que le droit qui lui est reconnu à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal compétent, indépendant et impartial (par. 1 de l’article 14 du Pacte) a été violé. À l’appui de son affirmation, il renvoie au rapport du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, daté du 8 février 2001, et indique que ses recommandations n’ont pas été mises en œuvre par les autorités.

3.6Dans toutes les communications, l’auteur indique que les décisions en question visent à des limitations de la liberté de réunion et de la liberté d’association plus amples que celles prévues dans le Pacte et violent par conséquent le paragraphe 1 de l’article 5 du Pacte.

3.7Dans les communications nos 1867/2009, 1975/2010 et 2010/2010, l’auteur se déclare aussi victime de violations par le Bélarus des droits qu’il tient de l’article 26 du Pacte. Il soutient que la décision des autorités municipales d’interdire l’organisation de piquets était fondée sur des motifs politiques et représente une discrimination en matière de réalisation par les citoyens du droit à la liberté d’expression et du droit de réunion pacifique, en violation de l’article 26 du Pacte.

3.8Dans la communication no 1975/2010, l’auteur déclare aussi être victime de violations par le Bélarus des droits qu’il tient de l’article 18 du Pacte. Il affirme que la législation interne ne prévoit pas de restrictions au droit d’exprimer ses opinions religieuses et, par conséquent, que le refus des autorités de l’autoriser à souhaiter un joyeux Noël orthodoxe à ses concitoyens à l’occasion de cette fête constitue une restriction arbitraire de sa liberté d’exprimer ses sentiments religieux et une violation de l’article 18 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité de la communication no 1867/2009

4.En date du 23 avril 2009, l’État partie fait observer, en ce qui concerne la communication no 1867/2009, que l’auteur a demandé les 19, 21 et 23 novembre 2007 l’autorisation d’organiser, le 9 décembre 2007, un piquet public. Cette autorisation lui a été refusée et il a engagé un recours devant le tribunal régional de Vitebsk, qui a été rejeté le 7 décembre 2007. Il affirme en outre que l’auteur a fait appel du jugement de première instance devant le tribunal de district de Vitebsk, qui a rejeté l’appel le 14 janvier 2008, et que la demande au titre de la procédure de contrôle dont l’auteur a saisi la Cour suprême a aussi été rejetée par le Vice-Président de la Cour suprême. L’État partie fait observer que, selon l’article 439 du Code de procédure civile, le Président de la Cour suprême, le Procureur général de la République et le Procureur en chef du district de Vitebsk peuvent aussi présenter des demandes de contrôle et note que l’auteur n’a pas utilisé ces voies de recours. Par conséquent, l’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles, qu’il n’y a aucune raison de croire que ces voies de recours ne seraient pas accessibles ou seraient inopérantes. Il en découle que la communication n’est pas recevable.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.En date du 4 juin 2009, l’auteur fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité de la communication no 1867/2009. Il affirme que les observations de l’État partie sur l’irrecevabilité de sa communication visent à dissimuler les violations des droits qui lui sont garantis par les articles 14, 19, 21 et 26 du Pacte. Il reconnaît que, en vertu de l’article 439 du Code de procédure civile, le Président et les vice-présidents de la Cour suprême, le Procureur général de la République et ses substituts, les procureurs en chef de la ville de Minsk et des districts peuvent aussi présenter des demandes de contrôle juridictionnel, mais il affirme qu’il s’agit d’une voie de recours inopérante, puisque la décision de présenter une demande au titre de la procédure de contrôle relève uniquement du pouvoir discrétionnaire de ces magistrats. Il affirme que la pratique a montré que, dans les affaires «fondées sur des motifs politiques», ces magistrats, qui dépendent du pouvoir exécutif, ne présentent pas de demandes de contrôle. De plus, un particulier qui fait une demande au titre de la procédure de contrôle doit payer des honoraires d’avocat et des frais de justice et l’auteur fait observer qu’il ne peut assumer ces dépenses, parce qu’il est pensionné. Il affirme en outre que la législation interne ne prévoit pas que les particuliers qui font une demande de contrôle juridictionnel doivent s’adresser à chacun des magistrats susmentionnés afin d’épuiser les recours internes. Il affirme qu’il a porté la question de la violation de ses droits devant des juridictions de première instance et de deuxième instance, qui ont rejeté ses recours, et qu’il a présenté une requête au titre de la procédure de contrôle à deux reprises (auprès du Président de la Cour suprême et auprès du Président du tribunal de district de Vitebsk) et que ses requêtes ont été rejetées. L’auteur réaffirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Observations de l’État partie sur la communication no 1936/2010

6.En date du 9 juillet 2010, l’État partie affirme qu’il considère la communication no 1936/2010 irrecevable au titre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Il fait observer que, selon les articles 5 et 9 de la loi «relative aux manifestations publiques en République du Bélarus», toute demande concernant l’organisation d’une manifestation publique doit être soumise par écrit au moins quinze jours avant la date prévue pour l’événement. Les autorités locales peuvent arrêter des emplacements permanents pour les manifestations publiques, ainsi que des lieux où de tels événements ne sont pas autorisés. Le Comité exécutif de la municipalité de Vitebsk a déterminé ces emplacements dans une décision en date du 24 octobre 2003. Étant donné que la demande de l’auteur a été soumise après la date limite et que l’emplacement envisagé par l’auteur pour le piquet n’était pas désigné à cette fin, sa demande a été rejetée, tout comme son recours en annulation et sa demande au titre de la procédure de contrôle devant les tribunaux. Selon l’article 439 du Code de procédure civile, le Procureur général de la République, ses substituts et les procureurs en chef de la ville de Minsk et des districts peuvent aussi présenter des demandes de contrôle et l’État partie note que l’auteur ne s’est pas adressé aux services du procureur pour qu’ils formulent une telle demande. L’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles, qu’il n’y a pas de raison de croire que les voies de recours susmentionnées ne seraient pas disponibles ou seraient inopérantes. En conséquence, la communication est irrecevable. L’État partie fait aussi observer que l’auteur avait abusé précédemment du droit de soumettre une communication et que ce qui précède devrait entraîner l’irrecevabilité de ses demandes en vertu du Protocole facultatif. En date du 27 décembre 2010, l’État partie informe le Comité que ses observations en date du 9 juillet 2010 portent à la fois sur la recevabilité et sur le fond de la communication no 1936/2010.

Observations supplémentaires de l’État partie

7.1En date du 6 janvier 2011, l’État partie affirme qu’en ce qui concerne les communications nos 1975/2010, 1977/2010, 1978/2010, 1979/2010, 1980/2010, 1981/2010 et 2010/2010 l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles au Bélarus, y compris «le recours auprès du Bureau du Procureur en vue du contrôle d’une décision ayant force de chose jugée». Il affirme en outre que, tout en étant partie au Protocole facultatif, il n’a pas donné son consentement à l’extension du mandat du Comité; qu’il considère les communications présentées plus haut comme ayant été enregistrées en violation des dispositions du Protocole facultatif; qu’il n’existe pas de motif légal pour leur examen par l’État partie; et que «toute référence de ce point de vue à la pratique traditionnelle du Comité est illégitime».

7.2En date du 5 octobre 2011, l’État partie affirme qu’il n’existe selon lui aucun motif juridique d’examiner les communications nos 1975/2010, 1977/2010, 1978/2010, 1979/2010, 1980/2010 et 1981/2010, puisqu’elles ont été enregistrées en violation de l’article premier du Protocole facultatif. Il soutient que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles comme l’exige l’article 2 du Protocole facultatif, puisqu’il n’a pas saisi «les services du Procureur pour contester les décisions rendues par les tribunaux».

7.3En date du 25 janvier 2012, l’État partie affirme, en ce qui concerne les communications nos 1936/2010, 1975/2010, 1977/2010, 1978/2010, 1979/2010, 1980/2010, 1981/2010 et 2010/2010, que, lorsqu’il est devenu partie au Protocole facultatif, il a reconnu la compétence du Comité en vertu de l’article premier, mais que cette reconnaissance de compétence est liée à d’autres dispositions du Protocole facultatif, notamment celles fixant des critères relatifs aux personnes qui présentent des communications et à la recevabilité des communications, en particulier les articles 2 et 5 du Protocole facultatif. Il soutient que le Protocole facultatif ne fait pas obligation aux États parties de reconnaître le Règlement intérieur du Comité et l’interprétation que fait le Comité des dispositions du Protocole facultatif, qui «ne peut être efficace que lorsqu’elle est faite conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités». Il affirme que, «en ce qui concerne la procédure d’examen des plaintes, les États parties doivent s’appuyer en premier lieu sur les dispositions du Protocole facultatif» et que «les références à la pratique traditionnelle du Comité, à ses méthodes de travail et à sa jurisprudence ne relèvent pas du Protocole facultatif». Il affirme en outre que «toute communication enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques sera considérée par l’État partie comme incompatible avec le Protocole facultatif et sera rejetée sans commentaires sur la recevabilité ou sur le fond». L’État partie déclare en outre que les décisions prises par le Comité sur les «communications rejetées» seront considérées par ses autorités comme «non valides».

7.4En date du 14 février 2012, l’État partie indique qu’en ce qui concerne la communication no 2010/2010 il réitère les observations présentées le 25 janvier 2012.

Délibérations du Comité

Défaut de coopération de l’État partie

8.1Le Comité prend note des observations de l’État partie, à savoir: qu’il n’existe pas de motif légal pour l’examen des communications nos 1936/2010, 1975/2010, 1977/2010, 1978/2010, 1979/2010, 1980/2010, 1981/2010 et 2010/2010, étant donné qu’elles ont été enregistrées en violation de l’article premier du Protocole facultatif, parce que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes; que l’État partie n’est pas tenu de reconnaître le Règlement intérieur du Comité et l’interprétation que fait le Comité des dispositions du Protocole facultatif; et que les décisions prises par le Comité concernant les communications présentées plus haut seront considérées par ses autorités comme «non valides».

8.2Le Comité rappelle que le paragraphe 2 de l’article 39 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques l’autorise à établir son propre règlement intérieur, que les États parties sont convenus d’accepter. Le Comité fait observer en outre que tout État partie qui adhère au Protocole facultatif reconnaît que le Comité des droits de l’homme a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui se déclarent victimes de violations de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte (préambule et art. 1). En adhérant au Protocole facultatif, les États parties s’engagent implicitement à coopérer de bonne foi avec le Comité pour lui permettre et lui donner les moyens d’examiner les communications qui lui sont soumises et, après l’examen, de faire part de ses constatations à l’État partie et au particulier (art. 5, par. 1 et 4). Pour un État partie, l’adoption d’une mesure, quelle qu’elle soit, qui empêche le Comité de prendre connaissance d’une communication et d’en mener l’examen à bonne fin, et l’empêche de faire part de ses constatations, est incompatible avec ces obligations. Il appartient au Comité de décider si une communication doit être enregistrée. Le Comité relève qu’en n’acceptant pas la décision du Comité concernant l’opportunité d’enregistrer une communication et en déclarant purement et simplement qu’il n’acceptera pas la décision du Comité concernant la recevabilité et le fond des communications, l’État partie manque aux obligations qui lui incombent au titre de l’article premier du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 2 du Pacte, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle les dispositions de l’article 2 du Pacte, qui énoncent les obligations générales des États parties, ne sauraient, à elles seules, donner naissance à une plainte formulée dans une communication présentée en vertu du Protocole facultatif. Le Comité considère donc que les prétentions formulées par l’auteur à cet égard sont irrecevables en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

9.4En ce qui concerne la plainte relative à l’article 5 du Pacte, le Comité estime que cette disposition ne fait pas naître un droit individuel distinct. En conséquence, la plainte est incompatible avec le Pacte et irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

9.5En ce qui concerne les allégations relatives au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, le Comité fait observer que ces plaintes ont principalement trait à l’appréciation des éléments de preuve obtenus dans le cadre de la procédure judiciaire et à l’interprétation des lois, questions qui relèvent en principe des juridictions nationales, à moins que l’appréciation des éléments de preuve ait manifestement été arbitraire ou ait constitué un déni de justice. En l’espèce, le Comité constate que l’auteur n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité, que la conduite de la procédure dans son affaire a été arbitraire ou a représenté un déni de justice. Le Comité considère par conséquent que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée et conclut donc qu’elle est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.6Le Comité relève que, dans la communication no 1975/2010, l’auteur se déclare victime d’une violation des droits qu’il tient de l’article 18 du Pacte. Le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité et déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.7Le Comité prend note des allégations de l’auteur concernant le fait que la liberté de réunion qui lui est garantie par l’article 21 du Pacte a été restreinte arbitrairement à neuf reprises, puisqu’on lui a refusé l’autorisation de tenir des piquets. Le Comité note toutefois que l’auteur, selon ses propres déclarations, envisageait de tenir les neuf piquets tout seul. En conséquence, dans les circonstances de l’espèce, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité et déclare cette partie de la communication irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.8Dans les communications nos 1867/2009, 1975/2010 et 2010/2010, l’auteur affirme aussi que le refus des autorités de l’État partie d’autoriser ces piquets était discriminatoire et a constitué une violation des droits qu’il tient de l’article 26 du Pacte. Toutefois, le Comité considère que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée et conclut donc qu’elle est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.9Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité des communications au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés, puisque l’auteur n’a saisi ni le Président de la Cour suprême, ni les services du Procureur général, ni les Procureurs en chef des districts de demandes de contrôle juridictionnel des décisions judiciaires interdisant les piquets. Le Comité renvoie à sa jurisprudence et réaffirme que les procédures de contrôle juridictionnel de décisions exécutoires constituent un moyen de recours extraordinaire dont l’exercice est laissé à la discrétion du juge ou du procureur. De telles procédures de réexamen sont limitées à des points de droit et ne concernent pas l’examen des faits et des éléments de preuve. Dans ces conditions, et notant aussi que, à plusieurs reprises, l’auteur avait saisi la Cour suprême de recours au titre de la procédure de contrôle, qui avaient été rejetés, le Comité conclut que le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la communication.

9.10Pour ce qui est des griefs de violation des droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte, le Comité estime qu’ils sont suffisamment étayés aux fins de la recevabilité, les déclare recevables et procède à leur examen au fond.

Examen au fond

10.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

10.2Le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme que sa liberté d’expression a été restreinte arbitrairement à neuf reprises, puisqu’on lui a refusé la permission de tenir des piquets publics et d’exprimer publiquement son opinion sur diverses questions. Le Comité considère que la question de droit qu’il doit examiner est le point de savoir si les interdictions imposées à l’auteur par les autorités de l’État partie, concernant l’organisation de piquets publics, constituent des violations de l’article 19 du Pacte. Il ressort des éléments d’information dont le Comité est saisi que les actes de l’auteur ont été qualifiés par les tribunaux de demandes d’organiser des manifestations publiques et que ces demandes ont été rejetées au motif que les lieux choisis ne faisaient pas partie des emplacements autorisés par les autorités municipales. De l’avis du Comité, ces mesures prises par les autorités, quelle que soit leur qualification juridique, constituent de facto des limitations des droits garantis à l’auteur, en particulier du droit de répandre des informations et des idées de toute espèce, énoncé au paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte.

10.3Le Comité doit ensuite déterminer si les restrictions imposées au droit à la liberté d’expression garanti à l’auteur sont justifiées en vertu de l’un quelconque des critères énoncés au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Le Comité renvoie à ce sujet à son Observation générale no 34, dans laquelle il affirme que la liberté d’expression est essentielle pour toute société et constitue le fondement de toute société libre et démocratique. Il note que le paragraphe 3 de l’article 19 autorise l’application de restrictions à la liberté d’expression uniquement dans la mesure où celles-ci sont fixées par la loi et sont nécessaires: a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui; et b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Le Comité fait observer que, en l’espèce, l’État partie n’a invoqué aucun motif précis au titre duquel les restrictions imposées aux activités de l’auteur auraient été nécessaires au sens du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Le Comité rappelle qu’il incombe à l’État partie de montrer que les restrictions imposées aux droits que l’auteur tient de l’article 19 sont nécessaires et que, même si un État adopte un régime d’autorisation destiné à instaurer un équilibre entre la liberté d’expression de chacun et le maintien de l’ordre public dans un espace donné dans l’intérêt de la collectivité, un tel régime ne doit pas être incompatible avec l’article 19 du Pacte. Le Comité fait observer que le fait de limiter la tenue de piquets à certains emplacements désignés à l’avance, indépendamment du type de manifestations en cause ou du nombre de participants, soulève des doutes sérieux quant à la nécessité d’établir une telle réglementation au titre de l’article 19 du Pacte. Le Comité considère que, dans les circonstances de l’espèce, les interdictions imposées à l’auteur, bien que fondées sur la législation interne, n’étaient pas justifiées au regard des conditions énoncées au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Il conclut par conséquent que les droits garantis à l’auteur par le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte ont été violés.

11.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître des violations des droits que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte, ainsi qu’une violation de l’article premier du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

12.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur une réparation effective, notamment sous la forme d’une indemnisation et du remboursement des frais de justice acquittés par l’auteur. Le Comité invite l’État partie à revoir sa législation relative à l’organisation des manifestations publiques en vue de la mettre en conformité avec les dispositions de l’article 19 du Pacte. L’État partie doit en outre veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

13.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsque l’existence d’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ces constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les faire diffuser largement dans l’État partie, en bélarussien et en russe.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]