Nations Unies

CCPR/C/105/D/1558/2007

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

30 août 2012

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Communication no 1558/2007

Constatations adoptées par le Comité à sa 105e session(9-27 juillet 2012)

Communication p résentée par:

Nikolaos Katsaris (représenté par l’Organisation mondiale contre la torture et l’Observatoire grec des accords d’Helsinki)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Grèce

Date de la communication:

6 octobre 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 4 mai 2007 (non publiée sous forme de document)

CCPR/C/101/D/1558/2007 − décision concernant la recevabilité adoptée le 9 mars 2011

Date de l ’adoption des constatations:

18 juillet 2012

Objet:

Absence d’enquête approfondie sur les violences policières et des mauvais traitements infligés à des personnes d’origine rom

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes

Questions de fond:

Droit à un recours; droit de ne pas être soumis à la torture; droit à l’égalité devant la loi

Articles du Pacte:

2 (par. 3) seul et lu conjointement avec les articles 7, 2 (par. 1) et 26

Article du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (105e session)

concernant la

Communication no 1558/2007 *

Présentée par:

Nikolaos Katsaris (représenté par l’Organisation mondiale contre la torture et l’Observatoire grec des accords d’Helsinki)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Grèce

Date de la communication:

6 octobre 2006 (date de la lettre initiale)

Date de la décision concernant la recevabilité

9 mars 2011

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 18 juillet 2012,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1558/2007 présentée par M. Nikolaos Latsaris en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication, datée du 6 octobre 2006, est Nikolaos Katsaris, Grec d’origine rom, né le 20 novembre 1975. À la date de la lettre initiale, il résidait au campement rom d’Halandri. Il se dit victime de violations par la Grèce du paragraphe 3 de l’article 2, lu séparément et conjointement avec l’article 7 ainsi que du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 26 du Pacte. L’auteur est représenté par des conseils, l’Organisation mondiale contre la torture et l’Observatoire grec des accords d’Helsinki.

1.2Le 9 mars 2011, le Comité a décidé que la communication était recevable en ce qu’elle soulevait des questions au regard du paragraphe 3 de l’article 2, seul et lu conjointement avec l’article 7, ainsi que du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 26 du Pacte.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 12 septembre 1999 l’auteur, son père, Yannis Katsaris, son frère, Loukas Katsaris, et son cousin, Panayiotis Mitrou, se sont rendus en voiture d’Athènes à Nauplie (Péloponnèse) pour chercher un véhicule professionnel d’un prix modique sur des marchés de véhicules d’occasion en plein air. Au moment où ils quittaient le troisième point de vente, la voiture de l’auteur a été arrêtée par trois policiers en uniforme. Ils ont braqué leurs armes sur l’auteur et ses proches et leur ont ordonné de sortir du véhicule et de mettre les mains en l’air. Les policiers les ont alors fouillés, ainsi que leur véhicule. Lorsque l’auteur a essayé d’expliquer le but de leur visite, l’un des policiers l’a insulté. Au bout d’un certain temps, on a demandé à l’auteur d’expliquer pourquoi il se rendait sur les marchés d’occasion de voitures. L’auteur a proposé de montrer aux policiers les notes qu’il avait prises sur les modèles et les prix des véhicules qui l’intéressaient, mais le policier n’en a tenu aucun compte.

2.2Lorsque le cousin de l’auteur a demandé s’il pouvait baisser les bras, le policier D. a donné de violents coups de pied à l’auteur, probablement parce que les policiers pensaient que c’était lui qui avait parlé sans y être autorisé. Lorsque le cousin de l’auteur a avoué que c’était lui qui avait parlé, il a été éloigné du véhicule, roué de coups de pied et de coups de poing et insulté. L’auteur a été témoin de ces violences. L’auteur a remarqué que l’élève policier qui braquait son arme sur lui tremblait et il a eu peur que le coup ne parte accidentellement. Lorsque le père de l’auteur a essayé de demander ce que voulaient les policiers, on lui a donné des coups de poing dans les côtes en le tirant par les cheveux.

2.3Les policiers ont accusé l’auteur et ses proches de s’être rendus à la foire aux automobiles pour voler une voiture et d’avoir sauté par-dessus une clôture sur l’un des marchés. L’auteur et ses proches étaient menottés, à l’exception du père à qui l’on a ordonné de suivre le véhicule de la police au volant de la voiture de l’auteur.

2.4À l’arrivée au commissariat de police, les policiers ont remarqué que des mandats d’arrestation avaient été établis pour tous les intéressés sauf pour le frère de l’auteur. L’auteur et ses proches ont été placés dans des cellules de garde à vue qui étaient déjà surpeuplées. Au bout d’une heure environ, l’auteur a entendu quelqu’un hurler «Amenez le “Gyftoi”!», insulte à caractère racial visant les personnes d’origine rom. Le cousin et le frère de l’auteur ont été relâchés lorsqu’on a vérifié qu’il n’y avait pas de mandat d’arrestation contre eux.

2.5L’auteur et son père en revanche ont été placés dans des cellules séparées parce qu’ils faisaient l’objet de mandats d’arrestation. L’auteur a réussi à utiliser le téléphone situé dans le couloir menant aux cellules et a appelé un avocat. Lorsque l’avocat a téléphoné au commissariat de police pour dénoncer les mauvais traitements et les actes racistes infligés à l’auteur et à son père, le policier a répondu que «ce sont des choses qui arrivent». Le 13 septembre 1999, l’auteur a été remis en liberté et a ensuite pris contact avec un avocat qui a réussi à faire libérer son père le même jour. À aucun moment pendant leur garde à vue l’auteur et ses proches n’ont été informés de leur droit de communiquer avec un avocat, d’avertir leur famille de leur placement en garde à vue ou d’être examinés par un médecin.

2.6Le 27 octobre 1999, l’auteur a déposé plainte auprès du procureur du tribunal correctionnel de Nauplie contre les policiers du service de police de Nauplie qui étaient impliqués dans les violences, notamment le policier D., que l’auteur pouvait désigner par son prénom. L’auteur a accusé les policiers de lui avoir infligé des humiliations à caractère racial ainsi que des mauvais traitements physiques et psychologiques. Il a déclaré en outre que l’arrestation et les violences subies étaient motivées par ses origines roms. Malgré ses allégations faisant état de violences physiques, aucun examen médico-légal n’a été ordonné. En novembre et décembre 2000, trois policiers, G. K., G. P.et D. T., ont été interrogés devant le juge de Nauplie. Le chef du service de police, G. K., a confirmé que le 12 septembre 1999 trois policiers, G. P., D. T. et N. L. (N. L. n’a jamais été interrogé), avaient été impliqués dans un incident avec des Roms sur un marché aux voitures en plein air. Toutefois, dans une déposition séparée, D. T. a nié tout contact avec l’auteur et ses proches. Le 14 janvier 2002, A. D., policier en poste au service de la police de sécurité, a témoigné devant le juge qu’il avait vérifié l’identité de l’auteur et de ses proches, tandis que le policier C. K., chargé des détenus, a déclaré qu’il ne connaissait pas l’auteur car il ne s’occupait pas des personnes en état d’arrestation.

2.7Après les dépositions des policiers, le ministère public, contrairement à la procédure normale, qui consiste à recueillir d’abord les dépositions du demandeur et de ses témoins, a demandé à l’auteur (le demandeur) et à ses témoins de faire leur déposition devant un magistrat d’Athènes. En mars 2002, le cousin et le frère de l’auteur ont été convoqués comme témoins. Néanmoins, la citation à comparaître n’a pas été remise au lieu de résidence des témoins et ne comportait aucune signature attestant qu’elle avait été signifiée. Le 20 mars 2002, les deux témoins ont été cités à comparaître; mais la police a noté qu’elle n’avait pas pu les trouver car «ils vagabondaient dans le pays». Le 12 septembre 2002, le magistrat a cité l’auteur à comparaître et les policiers ont déclaré que la convocation avait été remise à la mère de l’auteur, identifiée à tort comme étant sa colocataire; toutefois, la convocation ne porte aucune signature d’accusé de réception. L’auteur n’avait jamais reçu la convocation; il ne s’est donc pas présenté. Le 23 janvier 2003, le procureur du tribunal correctionnel de première instance a conclu que la plainte de l’auteur était sans fondement et a noté que l’auteur et ses témoins ne s’étaient pas présentés pour témoigner parce qu’«ils vagabondaient dans le pays». Le 19 février 2003, la décision du procureur a été signifiée à la femme de l’auteur.

2.8Le 2 juin 2000, à la suite d’une lettre de plainte pour mauvais traitements subis par l’auteur adressée au Ministre de la justice par un membre de l’organisation non gouvernementale Amnesty International, une deuxième enquête d’office a été ouverte. La deuxième enquête a commencé par des dépositions de l’auteur et de ses témoins, le 3 novembre 2000 et les 10 et 12 avril 2001. Ils ignoraient qu’ils déposaient dans le cadre d’une procédure différente de celle engagée par l’auteur le 27 octobre 1999 car ils n’en avaient pas été informés. Contrairement à ce qui s’était passé lors de la première procédure, les dépositions de l’auteur et de ses témoins et celles des policiers n’ont pas été recueillies par des magistrats du tribunal de Nauplie mais par des collègues policiers en poste au même commissariat.

2.9Le 25 mai 2001, A. D., K. K. et P. P. ont déclaré dans leurs dépositions qu’ils étaient bien les policiers en civil ayant procédé aux arrestations, que l’auteur et ses proches n’avaient opposé aucune résistance et qu’aucune violence ne leur avait été infligée. P. P. a qualifié les allégations de l’auteur de mensonges. Aucun des trois policiers, G. P., D. T. et N. L., qui avaient fait des dépositions au cours de la première enquête dans lesquelles ils déclaraient avoir procédé aux arrestations, n’a témoigné ou n’a été mentionné dans la deuxième enquête. En outre, l’auteur souligne que, le 25 mai 2001, dans le cadre de la deuxième enquête, le policier A. D. a déclaré dans sa déposition être l’un des policiers ayant procédé à l’arrestation, alors que, dans la première enquête, il a déclaré, le 14 janvier 2002, avoir seulement vérifié l’identité de l’auteur et de ses proches.

2.10Le 10 octobre 2001, le procureur du tribunal de première instance de Nauplie a rendu trois décisions rejetant les plaintes déposées par l’auteur, son père et son cousin. Dans les décisions, le procureur déclarait que les trois policiers avaient affirmé que l’auteur et ses proches n’avaient formulé aucune plainte au moment de quitter le commissariat de police et que l’auteur n’avait donné aucune raison pour expliquer qu’il n’avait pas signalé l’incident. Le procureur n’a tenu aucun compte de la plainte déposée par l’auteur le 27 octobre 1999. Dans ses décisions, il réfute toute allégation de mauvais traitements et ajoute que, à supposer même que les allégations de l’auteur soient vraies, les actes punissables auraient été ceux ayant causé des lésions corporelles, actes qui ne peuvent être poursuivis que si une plainte est déposée dans un délai de trois mois. Dans une lettre datée du 15 octobre 2001, le procureur de première instance a communiqué ses décisions ainsi que le dossier de l’affaire au bureau du procureur de la juridiction d’appel pour approbation.

2.11Le 16 décembre 1999, après avoir reçu la plainte de l’auteur datée du 3 décembre 1999, le Médiateur grec a envoyé une lettre à la Direction de la police pour lui demander d’ouvrir immédiatement une enquête approfondie sur ces allégations. Le 2 juin 2000, la police a communiqué à un membre d’Amnesty International les résultats de «l’enquête administrative approfondie» menée sur les allégations de l’auteur. Contrairement à la décision rendue par le procureur de première instance de Nauplie le 10 octobre 2001 (deuxième enquête), mais conformément à la décision rendue par le procureur de première instance de Nauplie le 23 janvier 2003, l’enquête administrative a conclu que les policiers ayant procédé à l’arrestation étaient D. T., G. P. et N. L. En outre, les conclusions de l’enquête comportent des affirmations qu’aucun des policiers n’avait faites dans ses dépositions au cours des deux enquêtes, par exemple que deux Roms avaient tenté de s’enfuir et avaient été rattrapés par les policiers qui avaient dégainé leur arme, qu’il s’en était suivi «une réaction et des protestations générales de la part de l’auteur et de ses proches», et que l’arrestation n’avait pu se faire qu’avec l’arrivée d’un deuxième véhicule de patrouille de la police. Il est en outre indiqué dans ces conclusions que le policier que l’auteur pouvait désigner par son prénom est D. T., mais les allégations de fautes graves commises par la police ont été rejetées. Le rapport d’enquête original, identique à celui qui a été envoyé à Amnesty International, était daté du 24 janvier 2000 et a été envoyé au Médiateur le 21 avril 2000; toutefois, ce dernier n’en a jamais informé l’auteur.

2.12En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours disponibles en déposant plainte auprès du procureur de première instance, le 27 octobre 1999, plainte qui a été rejetée par ce procureur après trois ans et demi d’enquêtes préliminaires. La deuxième enquête préliminaire d’office a abouti au rejet de la plainte le 10 octobre 2001. Le 3 décembre 1999, l’auteur a déposé plainte auprès du Médiateur, pour demander une enquête administrative sous serment contre les policiers incriminés. Le 16 décembre 1999, le Médiateur a envoyé une lettre à la police grecque, lui demandant d’ouvrir immédiatement une enquête approfondie. L’enquête administrative a conclu que les policiers avaient agi légitimement. Le Médiateur a décidé de ne pas demander d’enquête administrative sous serment, alléguant la nécessité de faire appel au commissariat de Nauplie pour maîtriser des agitations anti-Roms dans la région en mai 2000.

2.13L’auteur affirme que les plaintes qu’il a déposées n’ont pas constitué une voie de recours utile. Le procureur de première instance n’a pas ordonné un examen médico-légal immédiat comme il était tenu de le faire; aucun lien n’a été établi entre les deux enquêtes criminelles préliminaires et aucun effort n’a été fait pour expliquer des faits s’excluant mutuellement et des incohérences. La décision rendue par le procureur de première instance de Nauplie ne constitue pas une décision judiciaire et l’on peut douter sérieusement de l’indépendance et de l’impartialité des enquêtes et de la décision. L’auteur ajoute que la procédure disciplinaire ne présente aucune garantie d’impartialité, étant donné que l’enquête administrative orale est une procédure interne menée par des collègues policiers et que le plaignant n’a accès ni aux pièces à conviction ni aux témoignages. En outre, l’enquête administrative avait manqué de rigueur: la date du dépôt de la plainte indiquée était erronée et le rapport d’enquête ne cherchait pas à expliquer ou à faire concorder les renseignements contradictoires recueillis auprès des policiers pendant les deux enquêtes préliminaires. De plus, des éléments nouveaux avaient été introduits, tels que le fait que l’auteur et ses proches avaient résisté suffisamment pour que les policiers dégainent leur arme, alors qu’aucune déposition de policiers ne corroborait cela. D’après l’auteur, il n’existe pas de recours disponible pour les Roms victimes de violences policières, en raison du sentiment d’hostilité à l’égard des Roms qui règne fréquemment chez les policiers et parmi les autorités publiques, et parce que les autorités n’assurent pas l’impartialité et la transparence des enquêtes, ne garantissent pas les droits des détenus pendant la garde à vue et ne les soumettent pas sans délai à un examen médico-légal.

2.14L’auteur rappelle que, conformément à la jurisprudence du Comité, l’obligation d’assurer des recours utiles implique: a) d’enquêter sur les actes constituant la violation; b) de traduire en justice toute personne considérée comme responsable des mauvais traitements; c) d’accorder une indemnisation pour toute lésion et/ou tout préjudice subi; d) de veiller à ce que pareilles violations ne se reproduisent pas à l’avenir. Selon l’Observation générale no 20 du Comité, le premier élément de recours, en particulier dans les cas de torture et mauvais traitements, est l’ouverture d’enquêtes rapides et impartiales par les autorités compétentes. Lorsqu’il a été arrêté et mis en garde à vue, les droits de l’auteur, en tant que détenu, de prévenir sa famille, de communiquer avec un avocat, de demander un examen médical et d’être informé de ses droits n’ont pas été respectés. L’auteur reconnaît que le procureur a la liberté d’engager ou non des poursuites pénales, mais il estime qu’il y avait un motif légitime et suffisant pour engager de telles poursuites, du fait que les procureurs étaient saisis d’allégations de Roms faisant état de brutalités policières. L’auteur ajoute que, dans son cas, seules deux enquêtes préliminaires ont été menées, sans que l’affaire ne soit soumise au conseil judiciaire ni portée devant un juge. L’affaire n’a donc pas fait l’objet d’une décision rendue par une autorité judiciaire indépendante, ce qui constitue une violation du droit de l’auteur à une voie de recours judiciaire.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que, outre leurs incohérences et leurs lacunes, les enquêtes préliminaires ont eu une durée excessive. L’auteur a déposé sa plainte le 27 octobre 1999 et le procureur de première instance a rendu sa décision le 11 février 2003 seulement. L’auteur rappelle la jurisprudence du Comité, dont il ressort qu’une durée de plus de trois ans pour juger une affaire en première instance excède les délais raisonnables. Il ajoute que, selon l’article 31 du Code de procédure pénale, une enquête préliminaire ne peut pas durer plus de quatre mois. Il considère par conséquent qu’il y a eu violation par l’État partie du paragraphe 3 de l’article 2, seul et lu conjointement avec l’article 7 du Pacte.

3.2Selon l’auteur, les actes de violence physique dirigés contre lui n’étaient pas proportionnés à la situation. Il n’a fait courir aucun danger ni opposé de résistance, comme cela a été confirmé par les dépositions des policiers dans les deux enquêtes préliminaires. L’auteur déclare avoir ressenti une douleur physique lorsqu’il a été frappé à coups de pied sans raison par un policier; il a également vécu un moment d’angoisse lorsqu’une arme a été soudain braquée sur lui, d’autant qu’il s’agissait d’un élève policier nerveux et inexpérimenté. L’auteur a vu ses proches battus et mis en joue. Il a subi en outre un traitement dégradant visant à l’humilier et à le rabaisser, puisqu’il a dû essuyer des insultes. La nature de ces actes est aggravée par le fait qu’ils avaient une motivation raciale. L’emploi des termes «Athinganoi» (terme méprisant utilisé autrefois par la police pour désigner les Roms en Grèce) dans la déposition de G. K., de «Gyftoi» (voir par. 2.4), et de la formule «ils vagabondent dans le pays» dans la décision rendue par le procureur montre bien l’intention discriminatoire et l’hostilité raciale derrière la volonté d’humilier des Roms. Ces faits constituent par conséquent une violation de l’article 7.

3.3L’auteur affirme en outre être victime d’une violation du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 26, parce qu’il a fait l’objet d’une discrimination fondée sur ses origines roms, discrimination qui s’est manifestée par les mauvais traitements que lui a infligés la police. L’absence d’enquête effective sur cet incident fait apparaître une discrimination au regard de la loi. Les policiers ont agi de manière dégradante à l’égard de l’auteur, en employant des termes racistes et en évoquant son origine ethnique d’une façon péjorative. Ce comportement doit être replacé dans le contexte plus large d’un racisme et d’une hostilité systématiques à l’égard des Roms de la part des organes de la force publique de l’État partie. Bien que les ONG aient largement rendu compte de l’affaire et que le dossier contienne des informations plausibles, on n’a pas vérifié au cours des enquêtes de police ni au cours de la procédure administrative si les policiers avaient proféré des insultes racistes à l’adresse de l’auteur ou si les policiers accusés avaient auparavant été impliqués dans des incidents semblables révélateurs d’une hostilité à l’égard des Roms. L’État partie a par conséquent négligé de prendre des mesures pour enquêter sur le point de savoir si la discrimination avait ou non joué un rôle dans les événements.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une réponse du 3 juillet 2007, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité. En ce qui concerne les faits, l’État partie explique que le 12 septembre 1999 la Direction de la police d’Argolida a été informée que des individus circulant à bord d’une voiture avaient sauté par-dessus une clôture et pénétré sans autorisation sur le site de deux foires-expositions d’automobiles en plein air. La voiture a ensuite été repérée par une patrouille du commissariat de police de Nauplie dans laquelle se trouvaient les sergents D. T., G. P. ainsi qu’un stagiaire, N. L. Lorsque les policiers ont demandé à l’auteur et aux membres de sa famille de s’arrêter, trois des quatre passagers ont tenté de fuir. Comme il était tard le soir, les policiers ont dû appliquer les procédures de contrôle avec leur arme à portée de main. Néanmoins, vu que les suspects n’ont pas obtempéré, une deuxième voiture de patrouille est venue prêter main-forte. Au service de la sécurité de Nauplie, un contrôle d’identité officiel a montré que l’auteur et son père avaient déjà été condamnés pour d’autres infractions pénales mais n’avaient pas exécuté leur peine: ils ont par conséquent été mis en détention pour ce faire. Les deux autres ont été remis en liberté après leur identification. Le 13 septembre 1999, l’auteur et son père ont également été remis en liberté. Le 27 octobre 1999, un mois et quinze jours après l’incident, l’auteur a déposé plainte auprès du procureur de la République du tribunal correctionnel de Nauplie. Une enquête préliminaire a été ordonnée et D. T. a déclaré dans sa déposition qu’il n’avait eu aucun contact avec les personnes arrêtées. A. D. et G. P. ont déclaré qu’ils n’avaient observé aucune lésion ni entendu des insultes. L’auteur en qualité de plaignant, ainsi que son père, son frère et son cousin en qualité de témoins, ne se sont pas présentés pour déposer malgré une citation à comparaître envoyée aux adresses qui avaient été indiquées au procureur. Le 19 février 2003, la plainte a été rejetée comme étant infondée.

4.2Le 30 janvier 2000, un représentant d’Amnesty International a dénoncé l’incident du 12 septembre 1999 auprès du Ministère de la justice et a demandé qu’une enquête indépendante et objective soit menée. Parallèlement l’auteur, son père et son cousin ont déposé leurs plaintes le 3 novembre 2000 et les 10 et 12 avril 2001. Ces plaintes ont été déposées dans le cadre de l’enquête préliminaire ayant suivi la transmission de la lettre envoyée par un représentant d’Amnesty International. Le 10 octobre 2001, le procureur de la République du tribunal de première instance de Nauplie a rendu une décision dans laquelle il déclarait que les dépositions des proches de l’auteur n’élucidaient pas le point de savoir si l’auteur avait subi des lésions ou un préjudice et qu’aucun certificat médical n’avait été présenté. Il relevait en outre des manques de concordance entre la déclaration de l’auteur et celle de ses proches concernant les insultes proférées contre son père et son cousin. Le 3 novembre 2001, la décision du 10 octobre 2001 a été notifiée à la mère de l’auteur. De plus une enquête administrative a été menée, au cours de laquelle des passants ont confirmé que l’auteur et sa famille avaient refusé de se soumettre à un contrôle d’identité. En outre, les mauvais traitements qui leur auraient été infligés au commissariat de police n’ont pas été prouvés car aucune pièce à conviction n’a été produite et les plaintes n’ont pas été déposées rapidement, ce qui explique qu’il n’y ait pas eu d’examen médico-légal.

4.3Renvoyant à l’article 48 du Code de procédure pénale, l’État partie affirme que l’auteur aurait pu se prévaloir d’un recours spécial sous la forme d’un appel formé, dans un délai de quinze jours à compter de la notification, devant le procureur général de la cour d’appel. Selon le Code de procédure pénale, le procureur général de la cour d’appel est habilité à mener une enquête préliminaire s’il considère que l’enquête menée par le procureur de la République du tribunal correctionnel était insuffisante. Il a également le droit d’ordonner la poursuite de l’examen préliminaire ou de l’enquête criminelle obligatoire. L’ordre de poursuites du 21 janvier 2003, qui a été notifié à la femme et colocataire de l’auteur, aurait pu faire l’objet d’un appel, dans un délai de quinze jours, auprès du procureur général de la cour d’appel. S’il avait abouti, l’appel aurait pu déboucher sur l’ouverture de poursuites pénales et sur une autre enquête préliminaire. L’État partie déclare également que l’auteur n’a pas fait appel de la décision de poursuivre du 10 octobre 2001. Cette décision a été notifiée à sa mère, qui n’habitait pas avec lui. À supposer même que cette notification ait été nulle et non avenue, l’auteur aurait pu s’appuyer sur la nullité de cette notification et faire appel même après l’expiration du délai. L’auteur n’a par conséquent pas épuisé les recours internes comme l’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1En date du 29 janvier 2008, l’auteur présente ses commentaires et souligne que la relation des faits donnée par l’État partie est non seulement contraire à la version de l’auteur mais est également contredite par les annexes qu’il a jointes.

5.2L’auteur conteste la déclaration de l’État partie selon laquelle la police avait été informée que l’auteur et ses proches avaient «sauté par-dessus une clôture et pénétré sans autorisation sur le site de deux foires-expositions d’automobiles en plein air». Il fait valoir que, si cela était vrai, ils auraient dû être inculpés d’une infraction et traduits en justice, au lieu d’être relâchés le lendemain. L’auteur reconnaît qu’une telle déclaration a été faite par deux policiers dans le cadre de la première enquête, mais il relève qu’aucun des policiers de la seconde enquête n’a fait une telle déposition. L’auteur affirme que lui et ses proches sont restés à l’extérieur de la clôture et ne faisaient que relever des plaques d’immatriculation.

5.3L’auteur souligne une contradiction dans les déclarations de l’État partie qui affirme que «les policiers à bord du véhicule de patrouille étaient les sergents D. T., G. P. et le sergent stagiaire N. L.». Ce sont effectivement les noms indiqués par la police pendant la première enquête, mais dans la deuxième enquête, les noms des policiers indiqués étaient A. D., K. K. et P. P. Personne n’a jamais demandé à l’auteur et à ses proches d’identifier des policiers; par conséquent, ils ne peuvent pas savoir quels sont, sur les six policiers mentionnés, les trois qui les ont arrêtés.

5.4Pour ce qui est de l’affirmation de l’État partie, selon laquelle «lorsque les policiers leur ont demandé de s’arrêter pour un contrôle d’identité, trois des quatre passagers du véhicule ont ouvert les portes et se sont mis à courir pour prendre la fuite. Ils ont toutefois été rapidement interceptés par les policiers qui les ont empêchés de fuir», l’auteur fait valoir qu’aucun des cinq policiers interrogés, censés être dans le véhicule de patrouille (le sixième n’a jamais déposé), n’a parlé d’une tentative de fuite dans sa déposition et que, si une telle tentative avait bien eu lieu, l’auteur et ses proches auraient dû être inculpés de cette infraction.

5.5L’auteur conteste en outre que le contrôle effectué par la police avait eu lieu «tard le soir» comme l’affirme l’État partie. Il cite le commandant en chef de la police, qui a déclaré dans sa déposition avoir envoyé le véhicule de patrouille dans l’après-midi, et le témoignage des trois policiers de la deuxième enquête, indiquant que le contrôle avait eu lieu à 18 heures. L’auteur fait valoir qu’avec cette fausse déclaration, l’État partie essaie d’expliquer pourquoi les policiers ont procédé au contrôle «avec leur arme à portée de main» et affirme que cela confirme l’allégation de comportement menaçant faite par l’auteur.

5.6En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui affirme que «les suspects ne voulaient pas obtempérer aux ordres des policiers, et que par conséquent un deuxième véhicule de patrouille est venu prêter main-forte pour arrêter les suspects et les conduire au commissariat de Nauplie pour identification», l’auteur souligne qu’il considère cette fausse affirmation comme la plus grave de toutes, car aucun des policiers n’a fait une telle déclaration; au contraire, ils ont tous signalé que l’auteur et ses proches avaient été conduits au commissariat dans un seul véhicule de patrouille et dans leur propre voiture. Il déclare aussi que cette affirmation est diffamatoire et constitue une violation du droit à la présomption d’innocence. Si cette affirmation était exacte, l’auteur et ses proches auraient dû être inculpés d’une infraction.

5.7De plus, l’auteur relève que l’État partie n’a pas expliqué la contradiction qui apparaît entre le fait de citer le nom de D. T. parmi les policiers de la patrouille et de citer la déposition de ce dernier dans laquelle il réfute tous les faits reprochés et déclare n’avoir eu aucun contact avec l’auteur et ses proches.

5.8L’auteur conteste en outre la déclaration de l’État partie qui affirme que les témoins proposés par l’auteur ont été cités à comparaître «dans les délais prescrits», sans toutefois mentionner de date. L’auteur relève que l’État partie ne présente aucun argument pour réfuter l’allégation, dûment étayée, de l’auteur, qui objecte que ni lui ni ses témoins n’ont jamais été cités à comparaître aux dates indiquées.

5.9En ce qui concerne la déclaration de l’État partie selon laquelle la police a procédé à une enquête administrative approfondie, l’auteur maintient qu’il s’agissait d’une enquête informelle étant donné que ni lui ni ses proches n’ont été appelés à témoigner. Le rapport d’enquête n’indique pas sur quels témoignages il est fondé.

5.10L’auteur fait observer que l’État partie ne décrit pas ce qui s’est passé au commissariat de police, où se sont produites la plupart des violences contre l’auteur et ses proches.

5.11L’auteur réaffirme que, même si «l’appel» défini à l’article 48 du Code de procédure pénale était effectivement possible, il n’aurait eu aucun effet car la procédure aurait excédé des délais raisonnables. L’enquête préliminaire avait duré environ trois ans et demi, ce qui est contraire à l’article 31 du Code de procédure pénale, qui dispose qu’une enquête préliminaire ne peut pas durer plus de quatre mois. De surcroît, l’auteur souligne l’importance de procéder rapidement à une enquête sur des allégations de mauvais traitements en raison de la fragilité de la mémoire humaine et des soupçons de collusion policière.

5.12Rappelant la jurisprudence du Comité, l’auteur déclare que le recours censément ouvert aurait été dénué d’effet, en raison de l’absence de garanties de procédure assurant un procès public et équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial. L’auteur souligne qu’en 2003, trois ans et demi après l’incident, il s’est vu notifier la décision du procureur indiquant que l’auteur et ses témoins n’avaient jamais témoigné car «ils vagabondaient dans le pays», alors que l’auteur a une adresse fixe et que lui-même et ses témoins avaient déposé en novembre 2000 et en avril 2001. En juillet 2006, le conseil a demandé à prendre connaissance du dossier et c’est à ce moment-là seulement qu’il est apparu que deux procédures avaient été engagées.

5.13L’auteur déclare en outre que l’appel censément ouvert ne constitue pas un recours utile mais un recours extraordinaire, qui n’entre pas dans la catégorie des recours devant être épuisés. L’auteur fait valoir que la procédure définie à l’article 48 du Code de procédure pénale n’est pas correctement traduite en anglais et qu’il ne s’agit pas d’un appel (efessi) mais d’une requête en réexamen (prosfygi). Il s’agit d’une procédure de réexamen par le procureur de la cour d’appel de la décision rendue par le procureur de première instance, sans audience publique devant un tribunal. Le résultat d’une telle requête, concernant un réexamen en l’absence de témoignage des parties, est que le procureur de la cour d’appel peut renvoyer le dossier au procureur de première instance en demandant une enquête préliminaire additionnelle. En outre, en droit interne, les enquêtes préliminaires sont secrètes et l’auteur n’aurait pas pu avoir accès au dossier pour préparer la requête en réexamen à présenter au titre de l’article 48 du Code de procédure pénale.

5.14Enfin, le 15 octobre 2001, le procureur de première instance a soumis le dossier de la deuxième enquête d’office au procureur de la cour d’appel pour réexamen et approbation du rejet de la plainte. Le procureur de la cour d’appel a entériné le rejet; par conséquent, vu cette décision, une requête en réexamen déposée deux ans plus tard sur la même affaire aurait été vaine.

Décision concernant la recevabilité

6.1Le Comité a examiné la recevabilité de la communication à sa 101e session, le 9 mars 2011.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3En ce qui concerne l’objection soulevée au titre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif par l’État partie qui affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, le Comité a noté l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur aurait pu former un recours spécial sous la forme d’un appel devant le procureur de la cour d’appel, en vertu de l’article 48 du Code de procédure pénale.

6.4Le Comité a également noté l’argument de l’auteur qui objecte que le recours défini à l’article 48 du Code de procédure pénale n’était pas un recours utile, étant donné qu’il s’agissait d’un recours extraordinaire et que le réexamen est effectué par le procureur de la cour d’appel, sans témoignages des parties. De plus, le Comité a noté que, selon l’auteur, la procédure de recours aurait excédé des délais raisonnables du fait que l’enquête préliminaire avait déjà duré environ trois ans et demi.

6.5Le Comité a rappelé que l’expression «tous les recours internes disponibles» utilisée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif vise au premier chef les recours juridictionnels. Il a également rappelé que, selon le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, l’auteur était tenu d’utiliser toutes les voies de recours juridictionnelles ou administratives qui lui offraient des perspectives raisonnables d’obtenir réparation. Le Comité a noté que deux enquêtes préliminaires distinctes avaient été menées sur les allégations de mauvais traitements formulées par l’auteur; la première avait été déclenchée par la plainte déposée par l’auteur le 27 octobre 1999 et avait abouti à un rejet de la plainte par le procureur de première instance, le 23 janvier 2003, trois ans et trois mois plus tard; la seconde enquête avait été ouverte d’office le 2 juin 2000 et avait abouti à un rejet de la plainte le 10 octobre 2001, un an et quatre mois plus tard. Le Comité a observé que le moyen de recours fondé sur l’article 48 du Code de procédure pénale pouvait aboutir à des enquêtes préliminaires menées par le procureur de la cour d’appel ou à de nouvelles enquêtes préliminaires ou enquêtes criminelles menées par le procureur de première instance. Le Comité a considéré que, vu la longueur des deux procédures préliminaires, qui avaient duré trois ans et trois mois et un an et quatre mois respectivement, et l’éventualité que l’appel formé au titre de cet article débouche sur de nouvelles enquêtes préliminaires ou criminelles, le moyen de recours prévu à l’article 48 du Code de procédure pénale n’offrait pas à l’auteur de chances raisonnables d’obtenir réparation. Le Comité a rappelé que l’utilité d’un recours dépendait également de la nature de la violation alléguée. Dans la présente affaire, l’auteur allègue de mauvais traitements infligés par la police ainsi qu’une discrimination fondée sur son origine rom, ce qui aux yeux du Comité aurait justifié une enquête approfondie avec la possibilité de porter l’affaire devant un tribunal compétent, indépendant et impartial. En outre, le Comité a considéré qu’une durée de trois ans et trois mois et d’un an et quatre mois, respectivement, pour des enquêtes préliminaires, faisait qu’il était justifié de conclure que les procédures de recours internes avaient excédé des délais raisonnables au sens du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Compte tenu de l’absence de recours utiles et de la durée des procédures, le Comité a considéré qu’aux fins de la recevabilité l’auteur n’était pas tenu de former l’appel devant le procureur prévu à l’article 48 du Code de procédure pénale et a donc déclaré la communication recevable.

6.6En conséquence, le Comité a décidé que la communication était recevable dans la mesure où elle soulevait des questions au regard du paragraphe 3 de l’article 2, seul et lu conjointement avec l’article 7, et au regard du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 26 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

7.1Dans une note datée du 6 octobre 2011, l’État partie a fait tenir ses observations sur le fond. Il rappelle que le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif porte sur la durée nécessaire pour mener à terme la procédure de recours, et que la disponibilité de ce recours ne peut pas être mise en doute par des considérations liées à la durée nécessaire pour conduire des procédures antérieures, comme des enquêtes criminelles préliminaires. Il dit que le caractère utile du recours formé devant le procureur de la cour d’appel en vertu de l’article 48 du Code de procédure pénale ne devrait pas dépendre du déroulement des enquêtes préliminaires. Il relève qu’on ne peut exclure qu’il soit statué rapidement sur le recours formé au titre de l’article 48 du Code de procédure pénale. Il note également que si le procureur de la cour d’appel admet le recours, il peut demander l’ouverture d’une action afin que des poursuites soient engagées et que l’affaire soit entendue par le tribunal pénal compétent.

7.2L’État partie considère que si le Comité maintient que le recours interne prévu à l’article 48 du Code de procédure pénale n’est pas utile, il devrait noter que le Code a été modifié en 2010 de façon à accélérer les procédures pénales et garantir ainsi que l’enquête préliminaire n’excède pas des délais raisonnables. Ainsi, l’enquête préliminaire ne peut pas durer plus de trois mois et le procureur a deux mois pour présenter sa proposition. L’État partie réaffirme que la grande majorité des tribunaux et des autorités de poursuite du pays considèrent que le recours prévu à l’article 48 du Code de procédure pénale constitue un recours utile et qu’il a été établi que cette voie de recours consiste en l’exercice d’une compétence de deuxième instance par le procureur de la cour d’appel. Il relève également que la décision du procureur de la cour d’appel de ne pas admettre un recours n’est pas considérée comme définitive et qu’il est donc possible de procéder à un réexamen de l’affaire si de nouvelles preuves ou informations sont apportées. Il objecte que ce n’est pas parce que les enquêtes préliminaires en matière pénale sont d’une longueur excessive que le recours prévu à l’article 48 du Code de procédure pénale est inutile.

7.3Sur le fond, l’État partie rappelle que, conformément à la jurisprudence du Comité, l’État partie est responsable de la sécurité de toute personne qu’il prive de liberté et que dès lors qu’une personne privée de liberté est blessée en détention, il incombe à l’État partie d’apporter une explication plausible des circonstances dans lesquelles les faits se sont produits et d’apporter des éléments pour réfuter les allégations avancées. Il rappelle également que la charge de la preuve ne peut pas incomber uniquement à l’auteur de la communication, en particulier si l’on considère que l’auteur et l’État partie n’ont pas toujours les mêmes possibilités d’accès aux preuves et que, fréquemment, l’État partie est seul à détenir l’information pertinente. Il fait observer également qu’il découle implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte portées contre lui et ses représentants et de transmettre au Comité l’information qu’il détient. Il relève que le Comité a conclu que lorsque l’État partie ne nie pas qu’il y a eu emploi de la force, que les enquêtes n’ont pas permis d’identifier les responsables et que la victime de brutalités n’a pas pu exercer son droit à un recours utile dans la mesure où il n’y a pas eu d’enquête en bonne et due forme sur les mauvais traitements qui lui ont été infligés, les faits constituent une violation de l’article 7 lu conjointement avec l’article 2 du Pacte.

7.4L’État partie relève que les affirmations de l’auteur qui dit avoir subi des mauvais traitements avant et pendant la garde à vue n’ont pas été confirmées. Il note que le frère de l’auteur a indiqué dans la déclaration sous serment qu’il a faite le 10 avril 2001 qu’il n’avait pas été frappé par les policiers. L’enquête a également révélé que l’auteur et son père n’avaient pas exécuté les peines auxquelles ils avaient été condamnés dans d’autres affaires. L’État partie affirme que c’est pour cette raison que la voiture de l’auteur avait été arrêtée. L’auteur et ses proches voulaient éviter le contrôle de la police et deux des quatre passagers avaient tenté de s’échapper. L’État partie note que l’enquête administrative informelle a confirmé ces faits et ajoute que des passants qui ont aidé la police à maîtriser l’auteur et ses proches en ont été témoins. L’enquête n’a pas établi qu’il y avait eu usage de la force; l’État partie dit que les faits ont eu lieu de jour sur une route publique et que des passants ont prêté main forte aux policiers, ce qui rend l’usage de la force improbable. L’État partie note que, sauf dans les déclarations sous serment faites en 2001 par l’auteur et son cousin dans lesquelles chacun affirmait avoir reçu des coups de pied une fois, l’auteur et ses proches n’ont jamais signalé de blessures au procureur ou à la police et n’ont pas demandé à être examinés par un médecin lorsqu’ils ont quitté le commissariat de police. L’État partie dit que l’auteur et ses proches n’ont pas déposé de plainte auprès des autorités compétentes, ni le 12 septembre 2001 ni les jours suivants.

7.5L’État partie affirme également qu’il n’y a eu aucun usage de la force pendant la garde à vue de l’auteur et de ses proches. Il renvoie aux déclarations faites par l’auteur et ses proches le 3 novembre 2000, le 10 avril 2001 et le 12 avril 2001, où il n’est pas indiqué que les intéressés ont été soumis à des actes de force, quels qu’ils soient, de la part de la police pendant leur détention. L’État partie conclut que, étant donné que l’auteur et ses proches n’ont pas subi de blessures pendant l’arrestation ni pendant la détention, il ne devrait pas être tenu de donner une explication plausible sur les causes de ces blessures ni de produire des preuves pour réfuter ces allégations.

7.6En ce qui concerne les allégations de l’auteur qui dit avoir été l’objet de violences verbales sous la forme de commentaires racistes, l’État partie note que ni l’intéressé ni ses proches n’ont formulé de plainte; il note également que l’auteur n’a pas informé l’Observatoire grec des accords d’Helsinki ni son avocat de ses allégations de discrimination raciale pendant la détention.

7.7D’après la décision rendue par le procureur de la juridiction de première instance de Nauplie le 10 octobre 2001, la déclaration sous serment faite par l’auteur le 3 novembre 2000 ne permet pas de savoir s’il a subi des lésions corporelles ou des atteintes à la santé et aucun certificat médical pertinent n’a été produit. Il est également indiqué que l’auteur n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas signalé les mauvais traitements allégués avant le 3 novembre 2000, date de la déclaration sous serment qu’il a faite dans le cadre d’une enquête ouverte d’office à la suite de la plainte déposée par un membre d’Amnesty International.

7.8Toutefois, l’État partie affirme que des enquêtes ont été menées de bonne foi sur tous les griefs de l’auteur et que le 10 octobre 2001, le procureur du tribunal de première instance de Nauplie a rejeté ses plaintes. Par la suite, le 23 janvier 2003, le procureur du tribunal de première instance de Nauplie a rejeté les plaintes de l’auteur et de ses proches car, bien qu’ils aient été cités à comparaître conformément à la loi, ils n’avaient pas témoigné devant le procureur. Des déclarations supplémentaires ont été recueillies le 10 septembre 2007 dans le cadre de l’enquête administrative et les policiers A. G. et G. P. ont dit que l’auteur et ses proches n’avaient pas demandé à être examinés par un médecin pendant la détention. L’enquête administrative a abouti à des conclusions similaires à celles de l’enquête criminelle, ne révélant pas de comportement inapproprié de la part de la police pendant le contrôle du véhicule et la garde à vue. L’État partie affirme donc que la communication devrait être déclarée irrecevable et, en tout état de cause, dénuée de fondement.

Commentaires de l’auteur sur la recevabilité et sur le fond

8.1Dans une note datée du 12 décembre 2011, l’auteur a fait part de ses commentaires; il dit que la décision du Comité concernant la recevabilité devrait être considérée comme définitive étant donné que l’État partie n’a présenté aucun nouveau renseignement justifiant un réexamen. L’auteur dit en particulier qu’il ne voit pas en quoi les modifications apportées au Code de procédure pénale en 2010 concernent son affaire. Quoi qu’il en soit, les modifications tendent à réduire la durée maximale de l’enquête préliminaire de quatre à trois mois. Il rappelle que dans la présente affaire les deux enquêtes menées ont duré respectivement un an et quatre mois et trois ans et trois mois. Il souligne que les dispositions législatives qui limitent la durée des enquêtes ne prévoient pas de cause de nullité et que le non-respect des délais n’entraîne aucune conséquence.

8.2Sur le fond, l’auteur mentionne la déclaration faite par son frère le 10 avril 2001, sur laquelle l’État partie s’appuie pour réfuter ses allégations et dit qu’il faut prendre en considération la déclaration complète. Il rappelle que son frère a indiqué que leur père avait immédiatement arrêté la voiture lorsqu’il avait entendu la sirène de la police et que les policiers braquaient leur arme sur eux pendant la fouille du véhicule. Son frère a indiqué que l’auteur avait été roué de coups de pied et que leur cousin et leur père avaient été frappés à coups de poing par un policier. Le frère avait également expliqué qu’à l’exception du père, à qui l’on avait demandé de suivre le véhicule de la police jusqu’au commissariat, les intéressés avaient été menottés et enfermés dans une cellule de garde à vue. Trois heures plus tard, le frère et le cousin avaient été relâchés. Le frère a indiqué qu’il n’avait pas été brutalisé par les policiers.

8.3L’auteur ajoute que l’allégation selon laquelle les intéressés auraient tenté d’éviter le contrôle de police est réfutée par les déclarations sous serment des policiers G. P., A. D., K. K. et P. P. du 7 décembre 2000 et du 25 mai 2001. Tous les policiers indiquent que l’auteur et ses proches, que certains policiers désignent par le terme d’«athiganoi», ont été contrôlés près d’un marché de voitures en plein air puis conduits au commissariat de police car ils ne pouvaient pas présenter de carte d’identité. L’auteur note également les conclusions rendues le 10 octobre 2001 par le procureur de première instance, qui a relevé que les policiers avaient demandé à l’auteur et à ses proches de s’identifier et que, comme ils n’avaient pas leurs papiers d’identité sur eux, le policier A. D. avait procédé à une fouille manuelle puis ils avaient été amenés au commissariat pour confirmer leur identité et vérifier qu’ils ne faisaient pas l’objet d’une condamnation. L’auteur relève également qu’il n’est pas indiqué dans les déclarations des policiers ni dans la décision du procureur de première instance que des passants témoins des faits avaient prêté main forte aux policiers pour maîtriser l’auteur et ses proches. L’auteur fait également valoir que si les intéressés avaient opposé une résistance, on n’aurait pas demandé à l’un d’eux de suivre la voiture de la police jusqu’au commissariat au volant de leur propre véhicule.

8.4En ce qui concerne les mauvais traitements au moment de l’arrestation, l’auteur réfute les observations de l’État partie et relève qu’il est indiqué dans la déclaration de son frère à laquelle l’État partie se réfère, et qui est donc considérée comme crédible, que l’auteur et Panagiiotis Mitrou ont reçu l’un et l’autre des coups de pied une fois, que le père a reçu un coup de poing et que des pistolets ont été braqués sur eux. L’auteur réaffirme qu’il a décrit ces mauvais traitements en détail dans sa plainte du 27 octobre 1999.

8.5Pour ce qui est de l’argument de l’État partie qui affirme que ni l’auteur ni ses proches n’ont signalé des blessures au procureur ou à la police et qu’ils n’ont pas demandé à être examinés par un médecin, l’auteur rappelle qu’il a écrit dans sa lettre initiale que, alors qu’il se trouvait encore en détention, son conseil avait soulevé auprès de la police la question des mauvais traitements et des actes racistes, que l’auteur avait déposé une plainte le 27 octobre 1999 et que, le 1er décembre 1999, Amnesty International avait publié un communiqué de presse fondé sur les renseignements qu’il lui avait transmis. Enfin, le 3 décembre 1999, l’auteur avait déposé une plainte auprès du Médiateur.

8.6L’auteur confirme qu’il ne s’est pas plaint d’avoir subi des brutalités au commissariat; toutefois, il réaffirme que les policiers ont eu des mots racistes et l’ont menacé d’utiliser la force.

8.7L’auteur note que les observations de l’État partie contiennent des arguments qui sont réfutés par ses propres agents ou par les pièces du dossier. Il considère que l’affirmation de l’État partie qui prétend que l’auteur et son père ont opposé une résistance est diffamatoire.

8.8En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui objecte que l’auteur et ses proches n’ont pas déposé devant le procureur, l’auteur rappelle sa lettre initiale et réaffirme que les intéressés n’ont pas été notifiés conformément à la loi dans le cadre de la première enquête et qu’ils ont exposé en détail les mauvais traitements et les actes racistes qu’ils avaient subis dans le cadre de la deuxième enquête, ce dont l’État partie n’a pas tenu compte dans ses observations.

8.9L’auteur rappelle les arguments qu’il a avancés, auxquels l’État partie n’a pas répondu dans ses observations, concernant notamment le fait que le bureau du procureur n’a pas ordonné d’examen médico-légal, les contradictions au sujet de l’identité des policiers ayant procédé à l’arrestation entre la première et la seconde enquête et les déclarations des six policiers qui affirment tous avoir procédé à l’arrestation. En outre, l’État partie a affirmé que la deuxième plainte de l’auteur avait été rejetée parce qu’elle n’avait pas été déposée dans les délais prescrits; toutefois, l’auteur réaffirme qu’il a déposé sa plainte un mois après les faits. L’État partie n’a fait aucun commentaire au sujet de la décision du Médiateur qui, après avoir demandé l’ouverture d’une enquête approfondie, a mis fin à l’enquête en raison d’une agitation dirigée contre les Roms dans la région de Nauplie en mai et en juin 2000.

8.10Enfin, l’auteur dit que son cas devrait être examiné dans le contexte du déni de justice dont les Roms font l’objet dans l’État partie. Il renvoie aux observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale qui a recommandé à l’État partie de prendre des mesures énergiques pour combattre la discrimination que subissent les Roms dans différents domaines, notamment celui de la justice.

Délibérations du Comité

Réexamen de la décision concernant la recevabilité

9.1Le Comité note que l’État partie demande le réexamen de la décision de recevabilité rendue le 9 mars 2011, en vertu du paragraphe 4 de l’article 99 du Règlement intérieur du Comité, pour non-épuisement des voies de recours interne.

9.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que le caractère utile du moyen de recours prévu à l’article 48 du Code de procédure pénale ne peut pas dépendre de la durée des enquêtes préliminaires et que le procureur de la cour d’appel est compétent. Il note également les commentaires de l’auteur qui indique que, quelles que soient les modifications apportées au Code de procédure pénale en 2010 concernant la durée maximale de l’enquête préliminaire, les deux enquêtes menées dans l’affaire ont duré respectivement un an et quatre mois et trois ans et trois mois. Il note également l’argument de l’auteur qui affirme que sa cause ne serait pas entendue par le procureur de la cour d’appel.

9.3Le Comité réitère les conclusions qu’il a rendues le 9 mars 2011 (voir par. 6.1 à 6.6). Certes, des modifications ont été apportées à la législation en 2010, mais l’État partie n’a pas montré en quoi elles sont applicables à la procédure dans la présente affaire. Le Comité note en outre que le moyen de recours prévu à l’article 48 du Code de procédure pénale ne peut être utilisé qu’une fois que le procureur de première instance a rendu une décision conformément à l’article 47 du Code de procédure pénale. En l’espèce, alors qu’à l’époque le délai pour mener les enquêtes préliminaires était de quatre mois, le procureur de première instance n’a rendu ses décisions de rejet des plaintes qu’au bout d’une année et quatre mois et trois ans et trois mois, respectivement. Le Comité réaffirme qu’il est d’avis que le recours prévu à l’article 48 du Code de procédure pénale n’offrait pas à l’auteur des perspectives raisonnables d’obtenir réparation, du fait en particulier que la nature des allégations de l’auteur aurait nécessité une enquête approfondie ainsi que la possibilité de saisir un tribunal compétent, indépendant et impartial. Il ajoute que, bien qu’il soit possible qu’un recours présenté en vertu de l’article 48 du Code de procédure pénale soit rapidement traité, il considère que la durée des enquêtes préliminaires a excédé les délais raisonnables et que l’appréciation du temps nécessaire pour épuiser les recours internes inclut le temps qui s’est écoulé avant que l’auteur puisse accéder au moyen de recours. Par conséquent, le Comité ne voit aucune raison de réviser sa décision de recevabilité et procède à l’examen quant au fond.

Examen au fond

10.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

10.2Le Comité note les griefs de l’auteur qui affirme que, le 12 septembre 1999, lors de son arrestation par la police, il a ressenti une douleur physique lorsqu’il a reçu des coups de pied et une angoisse lorsqu’une arme a été braquée sur lui et qu’il a vu les policiers frapper ses proches et les mettre en joue. Il note également les griefs de l’auteur qui affirme que les insultes racistes proférées ont constitué un traitement dégradant et représenté une discrimination. Il note aussi les griefs de l’auteur qui affirme qu’il y a eu des incohérences et des lacunes dans les enquêtes préliminaires, notamment le fait que dans la deuxième enquête préliminaire sa déclaration a été recueillie par des collègues des policiers incriminés et que l’enquête administrative n’était pas une enquête sous serment mais une procédure informelle où on ne lui a pas donné la possibilité de témoigner. Il prend également note de l’argument de l’auteur qui fait valoir que les enquêtes préliminaires ont excédé une durée raisonnable. Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que les allégations de mauvais traitements de l’auteur avant et pendant la garde à vue n’ont pas été confirmées étant donné que l’intéressé n’a pas signalé qu’il avait été blessé au procureur ni à la police. Il note également que l’État partie affirme que l’auteur n’a pas déposé plainte au sujet des violences verbales dont il dit avoir été l’objet sous la forme de commentaires racistes. Enfin, il note que l’État partie affirme que des enquêtes ont été menées de bonne foi sur les allégations de l’auteur.

10.3Le Comité relève que les parties ont donné chacune un récit différent des faits survenus le 12 septembre 1999, en particulier en ce qui concerne les circonstances du contrôle d’identité et les mauvais traitements allégués par l’auteur. Il note qu’en dépit de la longueur des enquêtes préliminaires, des incohérences entre les conclusions des trois enquêtes qui ont été menées n’ont pas été expliquées. Le Comité relève qu’il y a des incohérences sur des points essentiels, notamment sur l’identité des policiers ayant procédé à l’arrestation, en particulier D. T., qui a été désigné dans deux enquêtes préliminaires comme celui qui avait effectué l’arrestation mais qui a nié avoir eu quelque contact que ce soit avec l’auteur et ses proches, sur la date de la première plainte déposée par l’auteur et sur la question de savoir si une résistance avait été opposée au moment de la fouille et du contrôle d’identité effectués par la police. L’État partie n’a pas expliqué ces incohérences et l’enquête administrative complémentaire menée le 10 septembre 2007 n’a pas permis d’éclairer ces points.

10.4Le Comité rappelle que, conformément à sa jurisprudence, la charge de la preuve ne peut incomber uniquement à l’auteur de la communication, en particulier si l’on considère que l’auteur et l’État partie n’ont pas les mêmes possibilités d’accès aux preuves et que, fréquemment, l’État partie est seul à détenir l’information pertinente. Il note également qu’il découle implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur les allégations de violation du Pacte portées contre lui et ses représentants et de transmettre au Comité l’information qu’il détient. Le Comité rappelle son Observation générale no 20 (1992) sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et son Observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, ainsi que sa jurisprudence constante dont il ressort que les plaintes dénonçant des violations de l’article 7 doivent faire l’objet d’enquêtes rapides, approfondies et impartiales menées par des autorités compétentes et que des mesures appropriées doivent être prises à l’égard des personnes reconnues coupables. Cela s’applique à tous les éléments de l’article 7 du Pacte.

10.5Le Comité rappelle également que, conformément à son Observation générale no 18 (1989) sur la non-discrimination, la non-discrimination est un principe fondamental et général en matière de protection des droits de l’homme, au même titre que l’égalité devant la loi et l’égale protection de la loi. Ainsi, conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les États parties sont tenus de respecter et de garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Conformément à l’article 26, toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi, et, de plus, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

10.6Le Comité note que le conseil de l’auteur a formulé une plainte oralement auprès de la police pendant la détention de l’auteur le 12 septembre 1999. Il note que l’auteur a déposé auprès du procureur du tribunal correctionnel de Nauplie, le 27 octobre 1999, une plainte qui contient des informations détaillées sur les mauvais traitements et les actes de discrimination allégués. Le 3 décembre 1999, l’auteur a déposé une plaine auprès du Médiateur. Le Comité considère donc que l’auteur a fait tout son possible pour déposer dans les délais une plainte dénonçant les mauvais traitements et la discrimination subis. Il relève également que l’allégation de discrimination n’a pas été examinée dans le cadre des enquêtes préliminaires et que l’État partie s’est contenté de la réfuter en affirmant que l’auteur n’en avait pas parlé à son conseil quand il était en garde à vue.

10.7Compte tenu des lacunes nombreuses, graves et inexpliquées dans les enquêtes préliminaires, notamment a) le fait que la procureure de première instance a ignoré la plainte déposée par l’auteur le 27 octobre 1999 quand elle avait rendu sa décision concernant la seconde enquête, le 10 octobre 2001, alors qu’elle était chargée d’enquêter sur cette plainte, b) l’absence d’examen médico-légal, c) les incohérences au sujet de l’identité des policiers ayant procédé à l’arrestation, qui font douter du sérieux et de l’impartialité des enquêtes, d) les allégations d’utilisation par les autorités d’un langage discriminatoire pour désigner l’auteur ou son mode de vie, et e) la durée des enquêtes préliminaires, le Comité conclut que l’État partie ne s’est pas acquitté de son obligation de mener, dans les plus brefs délais, une enquête approfondie et impartiale sur les griefs de l’auteur et constate par conséquent une violation par l’État partie du paragraphe 3 de l’article 2 lu conjointement avec l’article 7, ainsi que du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 26 du Pacte.

10.8Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que M. Nikolaos Katsaris tient du paragraphe 3 de l’article 2 lu conjointement avec l’article 7, ainsi que du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 26 du Pacte.

11.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile sous la forme d’une indemnisation appropriée. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement dans les langues officielles.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]