NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/93/D/1486/20065 août 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑treizième session7‑25 juillet 2008

CONSTATATIONS

Communication n o  1486/2006

Présentée par:

Andreas Kalamiotis (représenté par l’Organisation mondiale contre la torture et par l’Observatoire grec des Accords d’Helsinki − Greek Helsinki Monitor)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Grèce

Date de la communication:

28 mars 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 19 juillet 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

24 juillet 2008

Objet: Allégation de mauvais traitements infligés à l’auteur

Questions de procédure: Non‑épuisement des recours internes; affaire déjà portée devant une autre instance internationale d’enquête; abus du droit de présenter une communication

Question s de fond: Absence de recours utile concernant la plainte de l’auteur pour mauvais traitements

Article s du Pacte: 2 (par. 3) lu conjointement avec 7

Article s du Protocole facultatif: 3, 5 (par. 2 a) et b))

Le 24 juillet 2008, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte figurant en annexe en tant que constatations concernant la communication no 1486/2006 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L ’ ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑treizième session

concernant la

Communication n o  1486/2006*

Présentée par:

Andreas Kalamiotis (représenté par l’Organisation mondiale contre la torture et par l’Observatoire grec des Accords d’Helsinki − Greek Helsinki Monitor)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Grèce

Date de la communication:

28 mars 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 24 juillet 2008,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1486/2006 présentée au nom de M. Andreas Kalamiotis, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l ’ ar ticle 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est M. Andreas Kalamiotis, Grec d’origine rom, né le 7 janvier 1980. Il se dit victime d’une violation par la Grèce des droits garantis au paragraphe 3 de l’article 2 et à l’article 7 (lus séparément et conjointement), au paragraphe 1 de l’article 2 et à l’article 26 du Pacte. Il est représenté par un conseil. Le Pacte et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte sont entrés en vigueur pour la Grèce le 5 mai 1997.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1Dans la soirée du 14 juin 2001, l’auteur se trouvait chez lui avec des amis et ils écoutaient de la musique. Vers 1 h 30 du matin, le 15 juin 2001, une voiture de police est arrivée et un policier a demandé à l’auteur d’arrêter la musique car elle dérangeait les voisins. L’auteur et ses amis ont répondu qu’ils éteindraient dans cinq minutes et le policier est parti. Quelques minutes plus tard, ils ont arrêté la radio et l’auteur a raccompagné ses amis à leurs voitures. Ils étaient sur le point de partir et l’auteur était déjà rentré chez lui lorsqu’il a entendu du bruit dehors et il est ressorti sur le seuil de la porte. Plusieurs voitures de police étaient garées dans la rue et les policiers mettaient en joue. L’un des policiers visait l’auteur et menaçait de l’abattre. D’autres policiers se sont approchés de lui, lui ont passé les menottes et l’ont traîné vers la voiture de police, où ils l’ont jeté sur le capot et ont commencé à le tabasser et à lui donner des coups de pied devant ses enfants. Il n’a pas vu les instruments utilisés pour le frapper mais pense qu’il s’agissait de matraques. Pendant qu’il était passé à tabac, quelques policiers ont fouillé la maison.

2.2L’auteur a été conduit au commissariat de police d’Aghia Paraskevi, où on lui a laissé les menottes et où il y aurait eu un échange d’insultes avec les policiers. Le 15 juin 2001, vers 11 heures du matin, l’auteur a été conduit au siège de la police à Athènes, où on a pris des photos de lui alors qu’il avait encore les menottes. Il a ensuite été conduit devant le Procureur près du tribunal correctionnel d’Athènes avec un avocat de son choix. Il a été inculpé de résistance à officier public et d’insultes et menaces visant les autorités de police. Le procès a été fixé au 18 juin 2001. Le jour en question, avant l’audience, l’auteur et son avocat se sont rendus aux services médico‑légaux, qui ont refusé d’examiner l’auteur au motif qu’il devait d’abord engager des poursuites ou déposer une plainte au commissariat de police d’Aghia Paraskevi. À ce moment‑là, l’auteur a hésité à déposer une plainte, craignant des représailles de la part des policiers qui l’avaient passé à tabac.

2.3Le tribunal n’a pas eu le temps d’examiner l’affaire et le procès a été reporté au 25 janvier 2002. Après un autre report, l’auteur a été jugé par défaut le 5 avril 2002 et reconnu coupable de rébellion, d’insultes et de menaces dirigées contre les policiers. Il a été condamné à un an et quatre‑vingts jours d’emprisonnement convertibles en une amende, avec sursis à exécution pendant la procédure d’appel. L’appel a été jugé le 19 janvier 2005 par la cour d’appel d’Athènes, qui a confirmé la condamnation pour rébellion et insultes mais a acquitté l’auteur du chef de menaces dirigées contre les policiers. La sentence définitive était d’un an et un mois d’emprisonnement convertibles en amende.

2.4Le 2 juillet 2001, l’auteur a déposé une plainte devant le Procureur près du tribunal correctionnel d’Athènes contre le policier Georgios Yannadakis, et s’est constitué partie civile, pour lésions corporelles simples. Le même jour, le Procureur a transmis la plainte au magistrat de Koropi pour qu’il procède à une enquête judiciaire. À la demande de l’auteur, le Procureur a ordonné qu’il soit examiné par les services de médecine légale. Cet examen a eu lieu le 3 juillet 2001, c’est‑à‑dire dix‑huit jours après l’incident. Le rapport médico‑légal indiquait que «vu le délai écoulé depuis l’incident signalé et l’évolution de la cicatrice, il n’est pas possible de rechercher de manière plus approfondie d’éventuelles lésions corporelles qui se seraient produites au moment de l’incident dénoncé».

2.5Le 28 septembre 2001, le magistrat a renvoyé la plainte au Procureur en l’informant qu’il se dessaisissait de l’enquête pour défaut de compétence, sans fournir d’autre explication. Le Procureur a ensuite adressé la plainte, le 26 juillet 2002, au commissariat de police d’Halandri pour enquête. Il s’agit d’un commissariat qui dépend de la Direction de la police où le policier concerné était en poste et qui jouxte le commissariat d’Aghia Paraskevi, où l’auteur a été placé en détention. L’enquête a commencé le 4 novembre 2002. Selon l’auteur, il y a eu plusieurs irrégularités de procédure. Par exemple, on ne lui a jamais demandé de fournir l’adresse des témoins alors que la police n’a pu trouver ces derniers aux adresses initialement indiquées. Aucune démarche n’a été faite pour obtenir le témoignage de sa femme, qui était présente au moment de son arrestation. L’auteur lui‑même n’a pas été convoqué pour faire une déposition plus détaillée. D’autres policiers impliqués dans l’incident n’ont pas été cités comme témoins non plus. Le rapport d’enquête a été adressé au Procureur le 25 novembre 2002.

2.6En mai 2003, l’affaire a été jugée par le Conseil judiciaire des délits correctionnels d’Athènes qui, suivant la réquisition du Procureur, a décidé d’abandonner les charges contre le policier faute de preuves. La décision a été rendue publique le 28 août 2003 avec la mention qu’«aucun témoin de l’accusation n’ayant témoigné en faveur du plaignant, et les deux témoins cités par ce dernier n’ayant pas été trouvés aux adresses indiquées, le récit et les arguments du défendeur sont déterminants et susceptibles de faire la lumière, à notre avis, sur la véritable version des événements». Ce texte a été notifié à l’auteur par affichage sur la porte de son domicile, le 8 septembre 2003. Ce type de décision n’est pas susceptible d’appel en droit grec.

2.7Outre le dépôt d’une plainte, l’auteur a adressé une lettre au Médiateur grec le 2 juillet 2001, pour se plaindre des mauvais traitements subis et demander qu’une enquête officielle − «Enquête administrative sous serment» − soit effectuée. À la suite de cette lettre, le brigadier général du siège de la Police de l’Attique Nord‑Est a écrit à l’auteur le 28 septembre 2001 pour lui indiquer qu’une enquête officieuse avait été menée et qu’il avait été conclu que la police avait respecté les procédures et que l’auteur avait notamment résisté à l’arrestation, proféré des insultes et menacé les policiers.

2.8Dans deux lettres adressées par la suite à la Direction de l’état‑major de la Police hellénique et au Médiateur, l’auteur a demandé qu’il soit procédé à une enquête administrative sous serment. Le 6 mars 2002, il a reçu une réponse de refus étant donné que l’enquête déjà menée ne faisait apparaître aucune responsabilité d’ordre disciplinaire. Les conclusions de l’enquête mentionnée dans la lettre faisaient apparaître un décalage avec les conclusions énoncées dans la lettre du 28 septembre 2001.

2.9Le 22 janvier 2004, le Médiateur a écrit au siège de la Police hellénique en indiquant, entre autres choses, qu’une enquête officieuse ne peut remplacer une enquête administrative sous serment lorsqu’il s’agit d’allégations de lésions corporelles et de comportements cruels et que cette dernière présente des garanties de procédure que ne donnent pas les méthodes informelles d’une enquête officieuse.

2.10Le 21 mars 2002, l’ONG Greek Helsinki Monitor (Observatoire grec des Accords d’Helsinki) a présenté un rapport au Procureur recensant plusieurs cas, dont celui de l’auteur, d’irrégularités procédurales et judiciaires qui avaient eu pour effet de priver les victimes de recours utile. En droit grec, le procureur qui reçoit un procès‑verbal, une plainte ou toute information indiquant qu’un acte punissable a été commis est tenu d’engager une procédure pénale en renvoyant l’affaire pour enquête. Selon l’auteur, l’enquête sur le procès‑verbal de son cas n’a commencé que le 12 octobre 2005 et a été rapidement classée sans qu’une véritable enquête soit ouverte par le Procureur, qui a rendu le 25 novembre 2005 une décision rejetant toutes les allégations d’irrégularités commises par la police. Un recours a également été rejeté par un «procureur des recours» (Appeals Prosecutor), sans aucune enquête additionnelle, le 23 septembre 2006.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que les faits font apparaître des violations du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, pris séparément et lu conjointement avec l’article 7, étant donné que l’État partie n’a pas assuré des recours utiles pour les actes de torture et les mauvais traitements qu’il avait subis. Il rappelle la jurisprudence du Comité et l’Observation générale no 20 selon lesquelles les plaintes pour torture et mauvais traitements doivent faire l’objet d’enquêtes rapides et impartiales des autorités compétentes pour rendre les recours efficaces.

3.2L’auteur fait valoir que sa plainte n’a pas fait l’objet d’une enquête par un organe indépendant ayant la capacité d’examiner de manière impartiale des allégations formulées contre les policiers, mais que ce sont des collègues de ces derniers qui ont simplement procédé à une enquête administrative orale.

3.3L’auteur ajoute que la procédure disciplinaire n’offre aucune garantie d’impartialité. L’enquête administrative orale est une enquête interne et confidentielle visant le policier incriminé, qui est menée par des collègues policiers. Les éléments de preuve et les témoignages recueillis pendant cette enquête sont inaccessibles au plaignant, ce qui met les victimes des exactions policières dans l’incapacité d’en contester les constatations et les conclusions. L’investigation se limite généralement à un interrogatoire des policiers impliqués et, comme dans le cas de l’auteur, ni la victime ni ses témoins ne sont interrogés.

3.4L’enquête administrative sous serment est également une procédure policière interne et confidentielle, dont les garanties visent à protéger les droits du policier objet de l’enquête, et non ceux du plaignant. C’est ainsi que l’enquête garantit le droit pour le policier «accusé» de désigner des témoins, de demander le report de la procédure ou l’exclusion du policier enquêteur, ainsi que le droit d’accès aux éléments de preuve et le droit d’appel. Inversement, il n’y a pas de dispositions énonçant les droits du plaignant, qui n’a pas le droit d’être présent aux auditions et ne peut pas faire appel des conclusions. Dans les deux types d’enquête, le plaignant a seulement le droit d’être informé de leur issue, au moyen d’un simple paragraphe sans aucune référence au type de sanction disciplinaire éventuellement imposée. Le plaignant n’a généralement pas le droit de demander des copies des documents figurant dans le dossier de l’enquête.

3.5En ce qui concerne l’enquête judiciaire, elle a été ouverte plus d’un an après les faits et n’a été ni rapide ni efficace, car elle se composait uniquement de la déposition du défendeur. La version de l’auteur et les dépositions de ses témoins n’ont jamais été demandées. En outre, l’examen médico‑légal a été inutile, étant donné que les services de médecine légale n’ont fait aucune observation objective sur les blessures de l’auteur.

3.6En droit grec, les particuliers ne peuvent pas demander directement à être examinés par les services de médecine légale. Un tel examen ne peut être obtenu que sur ordre des responsables de l’enquête sur la base d’une demande de la victime qui a déposé plainte pour mauvais traitements ou sur ordre du procureur. La condition selon laquelle une plainte doit avoir été déposée au préalable restreint l’accès à un examen efficace par la médecine légale. Normalement, la victime de mauvais traitements a besoin de temps pour examiner les conséquences du dépôt d’une plainte officielle et cela peut prendre des semaines ou même des années, alors que certaines blessures causées par de mauvais traitements guérissent relativement rapidement. En conséquence, si les autorités compétentes manquent à leur obligation d’ordonner un examen médico‑légal rapide, cela peut effectivement entraîner la perte totale ou partielle de preuves décisives.

3.7Le traitement subi par l’auteur constitue une violation de l’article 7 du Pacte. Outre le passage à tabac, le fait d’avoir été mis en joue lui a fait craindre pour sa vie. Il a également eu peur pour la sécurité de sa femme et de ses enfants, qui étaient sans défense face à la police. Par exemple, sa femme a reçu des insultes lorsqu’elle a essayé de donner des chaussures à son mari avant qu’il soit emmené au commissariat, et ses enfants pleuraient en voyant leur père tabassé. De plus, il a fait l’objet d’un traitement dégradant. Par exemple, pendant sa garde à vue, il a demandé un verre d’eau et le policier lui a répondu qu’il pouvait boire l’eau des toilettes. Il a également été menacé et insulté. Ces actes sont aggravés par la forte motivation raciale qui les caractérisait.

3.8Enfin, l’auteur invoque des violations du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 26, étant donné qu’il a fait l’objet d’une discrimination fondée sur son origine rom. Les policiers ont employé des termes racistes et ont mentionné son origine ethnique d’une manière péjorative. Il faut situer ce fait dans le contexte plus large de racisme et d’hostilité systématiques dont les organes de la sécurité publique en Grèce font preuve à l’égard des Roms, comme l’ont montré des ONG et des organisations intergouvernementales. Malgré les informations données à ce propos aux autorités grecques, il n’existe aucune preuve que cette question ait été prise en compte dans l’enquête judiciaire menée par le Procureur ou l’enquête administrative conduite par la police. Aucune information n’a été donnée concernant les mesures prises pour vérifier si les policiers avaient adressé des insultes raciales à l’auteur.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 15 septembre 2006, l’État partie a envoyé des observations et formulé des objections à la recevabilité de la communication. Il fait valoir que lorsque deux policiers sont arrivés au domicile de l’auteur et lui ont demandé de cesser de troubler la paix du voisinage, ce dernier a réagi de manière menaçante et a refusé d’obtempérer. En même temps, des coups ont été tirés d’une source non identifiée. Ces incidents ont obligé les policiers à quitter les lieux afin de chercher des renforts. Par la suite, six voitures de patrouille de police sont arrivées et l’auteur est sorti de chez lui en invectivant les policiers. Lorsque ceux‑ci ont tenté de le maîtriser et de le conduire au commissariat de police, il a réagi violemment et leur a résisté. Ce faisant, il est tombé et s’est fait des égratignures aux mains et au visage. Il s’est conduit de la même façon au commissariat de police, où il a essayé d’agresser les policiers et a refusé d’obéir à leurs ordres. Un particulier qui se trouvait au commissariat de police à ce moment‑là a témoigné à cet égard. Trois autres personnes qui se trouvaient au domicile de l’auteur ont également été conduites au commissariat de police. Mais elles n’ont pas opposé de résistance et, après un contrôle de leur identité, ont été relâchées sans aucune inculpation.

4.2À la suite de ces événements, la police a engagé des poursuites contre l’auteur pour menaces, insultes et rébellion et il a été présenté au Procureur, accompagné d’un avocat. Il ne s’est pas plaint d’avoir été tabassé par les policiers. Le Procureur n’a remarqué aucune blessure justifiant l’ouverture d’une procédure d’enquête préliminaire. Après avoir demandé un report de trois jours, l’auteur a comparu de nouveau devant le Procureur le 18 juin 2001, accompagné cette fois de son avocat. Là encore, il n’a pas signalé les mauvais traitements qu’il aurait subis. Il a attendu le 2 juillet 2001 pour déposer plainte, se bornant à imputer à un seul policier des lésions corporelles simples relevant de l’article 308, paragraphe 1, du Code pénal. C’est seulement à ce moment‑là qu’il a mentionné, en termes vagues, un passage à tabac et des coups reçus sur différentes parties du corps et a demandé un examen médico‑légal. Le Procureur a immédiatement engagé une procédure pénale pour lésions corporelles, a envoyé le dossier au magistrat de Kropia pour une enquête préliminaire et a demandé aux services médico‑légaux d’examiner l’auteur.

4.3Le rapport du médecin légiste indique que, un long délai s’étant écoulé depuis l’incident allégué, il était impossible de rechercher les lésions corporelles éventuelles correspondant aux allégations. Vu ces conclusions, vu le fait que les témoins proposés par l’auteur n’ayant pas été trouvés à leur résidence n’avaient donc pas pu témoigner et vu la déclaration de culpabilité de l’auteur pour rébellion, insultes et menaces visant des policiers, la chambre d’accusation du tribunal pénal de première instance d’Athènes a abandonné les poursuites contre le policier concerné.

4.4L’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas signalé les mauvais traitements lorsqu’il a comparu devant le Procureur les 15 et 18 juin 2001, d’où il résulte qu’il n’a pas donné à l’État, du moins dans les délais voulus, l’occasion de réparer une éventuelle violation du Pacte grâce à l’ouverture d’une procédure pénale par le Procureur. Le Procureur n’a pas pu engager d’office une procédure d’enquête car il n’avait pas de source d’information autre que l’auteur et son épouse.

4.5Lorsque l’auteur a déposé plainte le 2 juillet 2001, il l’a fait seulement à l’égard d’un policier. Au lieu de l’accuser de lésions corporelles graves, en vertu des articles 309 et 310 du Code pénal, l’auteur l’a accusé de lésions corporelles simples (entraînant une peine plus légère), au titre du paragraphe 1 de l’article 308, et s’est seulement porté partie civile. Il en est résulté que les autorités de poursuite se sont orientées vers une enquête sur une affaire mineure, ce qui a rendu impossible de poursuivre l’accusé, puisque l’examen médico‑légal s’est déroulé dix‑huit jours après les incidents. Par conséquent, il était impossible de faire des constatations crédibles après une période aussi longue, et le Procureur du tribunal pénal de première instance a dû introduire l’affaire devant la chambre d’accusation en requérant l’acquittement. Dès lors qu’un acquittement a été prononcé, le juge pénal est dans l’impossibilité de traiter l’action civile qui s’éteint.

4.6Ce qui précède montre que l’auteur n’a pas épuisé les recours utiles de manière opportune et cohérente et que, par conséquent, sa communication doit être jugée irrecevable.

4.7L’État partie note aussi que la communication avait été présentée au titre de la procédure établie conformément à la résolution 1503 et son examen abandonné. En conséquence, elle devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.8Enfin, l’État partie fait valoir que la présentation de la communication au Comité quelque trois ans après l’acquittement prononcé par la chambre d’accusation du tribunal pénal de première instance d’Athènes doit être considérée comme abusive.

4.9Dans une note du 15 février 2007, l’État partie a présenté des observations sur le fond de la communication. Il fait valoir que les éléments de preuve figurant dans le dossier dont ont eu à connaître les autorités judiciaires et policières nationales ne font pas apparaître le moindre élément de cruauté requis pour établir une violation de l’article 7 du Pacte. Le 2 juillet 2001, devant le Procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes, l’auteur s’est plaint d’une agression par le policier Georgios Yannadakis qui, toutefois, a entraîné seulement une lésion corporelle simple. Cette infraction est définie au paragraphe 1 de l’article 308 du Code pénal. Il s’agit de la forme la plus légère de lésion corporelle prévue et punie par la législation pénale, contrairement à l’infraction de lésion corporelle dangereuse et grave visée dans les articles 309 et 310 du Code. L’auteur a également notifié au Procureur les noms et adresses de deux témoins de l’accusation. Toutefois, ces personnes ont été recherchées afin de témoigner pendant l’enquête préliminaire sur l’affaire, mais elles n’ont pu être trouvées aux adresses indiquées par l’auteur.

4.10L’auteur affirme qu’il est resté couché chez lui pendant douze jours après les faits du 15 juin 2001. Mais, au lieu de se rendre au service médico‑légal immédiatement après l’incident, il ne l’a fait que dix‑huit jours plus tard, ce qui rendait l’examen médical impossible. Selon le rapport médical, aucune lésion n’a été observée, si ce n’est quelques cicatrices circulaires à la paume des mains et au coude gauche. L’enquête par procédure sommaire sur l’affaire a été menée sans dépositions des témoins de l’accusation. En revanche, les policiers ayant pris part aux incidents et témoigné dans le cadre de l’enquête administrative ont confirmé que l’auteur avait constamment refusé d’obéir à leurs ordres, qu’ils lui avaient donc passé les menottes et l’avaient conduit au commissariat de police. Aucun des témoignages des cinq policiers n’apporte la preuve que la police ait fait usage de la force contre l’auteur. Ce dernier a été arrêté, inculpé pour rébellion, désobéissance et insultes et condamné à quatorze mois et quinze jours d’emprisonnement.

4.11Pendant l’enquête administrative officieuse menée par le Directeur adjoint de la Direction de la Police de l’Attique Nord‑Est, une personne, qui se trouvait au commissariat de police d’Aghia Paraskevi pour une démarche personnelle lorsque l’auteur y a été amené, a témoigné que ce dernier semblait pris de boisson et avait semé la confusion dans le commissariat, mais que les policiers avaient été patients avec lui. L’auteur n’a pas formulé de griefs contre les policiers et n’a pas déposé plainte contre eux lorsqu’il se trouvait au commissariat.

4.12D’après les éléments de preuve figurant dans le dossier établi pendant l’enquête préliminaire menée aux niveaux judiciaire et administratif, les lésions corporelles légères que l’auteur a pu subir étaient dues à la résistance qu’il a opposée à son arrestation et ne dépassaient pas le niveau minimum de gravité requis par l’article 7 du Pacte. Le jugement rendu par les autorités judiciaires grecques pourrait seulement être examiné par le Comité pour caractère manifestement arbitraire ou déni de justice; or aucun de ces éléments n’a été mis en évidence dans la présente affaire.

4.13Outre la plainte présentée par l’auteur le 2 juillet 2001, une seconde plainte a été déposée le 12 octobre 2005 par l’organisation Hellenic Helsinki Monitor (Observatoire grec des Accords d’Helsinki) contre des policiers et le personnel judiciaire pour violation de leurs obligations professionnelles dans le cadre de cette affaire. Le Procureur de la cour d’appel du Pirée a rejeté la plainte car elle a considéré que, dans l’affaire, aucun acte punissable n’avait été commis par les policiers ou par les membres de la profession judiciaire. Une enquête judiciaire a certes été menée visant les organes compétents de l’État, mais il a été conclu que ces derniers avaient traité l’affaire sans aucune trace d’arbitraire ou de déni de justice.

4.14En ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, l’État partie explique qu’une enquête administrative sous serment est ordonnée en même temps que l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre des policiers afin de vérifier les infractions commises telles que le fait d’infliger des lésions corporelles. En revanche, lorsque les éléments de preuve sont insuffisants pour engager une procédure disciplinaire, on procède à une enquête préliminaire. Ordonner une enquête préliminaire n’équivaut pas à engager une procédure disciplinaire, et le but recherché est de procéder à une enquête informelle mais objective et impartiale en recueillant les éléments de preuve nécessaires. Si les éléments recueillis sont suffisants, une procédure disciplinaire sera engagée contre le policier responsable. Dans le cadre d’une enquête préliminaire, tous les actes nécessaires à l’établissement de la vérité sont accomplis, comme l’interrogatoire du plaignant et des témoins, l’inspection des lieux ou des recherches confiées à un expert, ainsi que la collecte d’éléments de preuve documentaires. Étant donné le caractère informel de l’enquête préliminaire, il n’est pas établi de rapport administratif/d’enquête et les témoins ne sont pas appelés à déposer sous serment. L’enquête préliminaire informelle et l’enquête administrative officielle sous serment menées par la police offrent les mêmes garanties de fiabilité et d’efficacité. Elles diffèrent seulement du point de vue de la procédure, puisque la seconde n’est ordonnée qu’à la suite de l’ouverture d’une procédure disciplinaire, alors que l’enquête préliminaire informelle sert seulement à déterminer si les conditions sont réunies pour l’ouverture d’une telle procédure.

4.15L’enquête préliminaire informelle a été menée par un policier de rang supérieur de la Police hellénique qui était en poste dans une autre direction de la police (Direction de la Police de l’Attique Nord‑Est), hiérarchiquement supérieure au commissariat de police auquel appartenaient les policiers impliqués. On peut donc considérer son indépendance comme acquise. Si l’affaire avait fait l’objet d’une enquête conduite par une autre autorité administrative, les éléments de preuve recueillis n’auraient pas été différents.

4.16Pour que l’affaire soit examinée sous l’angle de l’article 2 du Pacte, il faudrait une violation de l’article 7. Or, en l’espèce, il n’y a pas eu violation de cet article, étant donné que les éventuels mauvais traitements subis par l’auteur n’atteignaient pas le degré minimum de gravité requis pour établir une atteinte à la dignité humaine. En conséquence, il n’est pas possible d’examiner indépendamment la plainte de l’auteur qui invoque l’absence de recours utiles susceptibles de permettre d’identifier et de punir les responsables, étant donné qu’il ne peut être conclu à une violation de l’article 7. Si le Comité devait conclure à une violation de l’article 7, il faudrait alors souligner que l’enquête menée sur cette affaire au niveau administratif et au niveau judiciaire a été approfondie, efficace et de nature à permettre d’identifier et de punir les responsables. Par conséquent, l’allégation de violation de l’article 2 est sans fondement.

4.17En ce qui concerne les allégations de traitement discriminatoire faites par l’auteur, c’est au Comité qu’elles ont été formulées pour la première fois. L’auteur ne s’est pas plaint d’un tel traitement devant l’une quelconque des autorités judiciaires et policières compétentes. La force dont la police a fait usage pendant l’arrestation et le transport de l’auteur restait dans les limites posées par la loi et proportionnelle à la résistance qu’il a opposée. Le traitement subi par l’auteur n’était pas dû à son origine raciale mais à la vigueur de sa rébellion et à la manière dont il a résisté aux efforts des policiers pour l’arrêter. En conséquence, quant au fond, cette partie de la communication doit aussi être considérée comme non fondée.

Commentaires de l ’ auteur

5.1Dans des commentaires datés du 18 juin 2007, le conseil rejette la version des faits présentée par l’État partie. Il déclare que le policier contre lequel l’auteur a déposé plainte, dans son témoignage du 4 novembre 2002, n’a pas parlé d’attitude menaçante de l’auteur et a dit que les renforts avaient été demandés non pas en raison de l’attitude de l’auteur mais à cause du coup de feu qui avait été tiré. Concernant la cause des blessures de l’auteur, les documents de la police indiquent que ces blessures résultaient non pas d’une chute mais de la lutte de l’auteur avec les policiers pour résister à son arrestation. En ce qui concerne le témoignage du particulier qui se trouvait au commissariat de police au moment où l’auteur y a été amené, l’État partie n’apporte pas de preuve d’un tel témoignage, qui est simplement mentionné comme ayant été donné oralement à l’enquêteur de la police. En conséquence, l’auteur exprime des doutes quant à sa véracité. Ce témoignage aurait été mentionné dans le rapport du policier de la Direction de l’Attique Nord‑Est. Toutefois, ce rapport n’a jamais été fourni à l’auteur ni au Comité.

5.2Lorsqu’il a comparu devant le Procureur le 18 juin 2001, l’auteur n’a pas eu la possibilité de parler des mauvais traitements qu’il avait subis, car l’audition a été remise d’office. C’est à cette même date qu’il s’est rendu au service médico‑légal, qui a toutefois refusé de l’examiner.

5.3L’auteur rappelle que ni lui ni aucun de ses amis ayant été les témoins oculaires de l’incident n’ont été requis de témoigner pendant l’enquête de la police ni pendant l’enquête judiciaire, et il maintient la version des faits qu’il a présentée dans la lettre initiale.

5.4En ce qui concerne l’allégation de non‑épuisement des recours internes, l’auteur rappelle qu’il ne s’est pas plaint de mauvais traitements le 15 juin 2001 parce qu’il se trouvait en garde à vue et craignait des représailles. En outre, l’État affirme à tort que l’auteur a été conduit devant le Procureur le 18 juin 2001. À cette date, l’auteur devait passer en jugement, mais l’audience a été reportée. C’est pourquoi il s’est rendu auprès d’un expert médico‑légal, espérant être examiné afin de renforcer sa thèse.

5.5L’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes parce que, dans sa plainte, il a seulement fait état de lésions corporelles simples. Toutefois, en droit grec, le procureur n’a pas besoin d’une plainte émanant de la victime mais peut ouvrir une enquête d’office sur tout acte non provoqué d’atteinte à l’intégrité corporelle, toute lésion corporelle grave et lésion corporelle dangereuse. De la même manière, le procureur peut enquêter d’office sur des violations de la loi antiraciste et sur des actes de torture et autres infractions connexes d’atteinte à la dignité humaine. L’auteur escomptait qu’une enquête en bonne et due forme, une fois que les faits seraient établis, porterait sur quelques‑unes ou la totalité de ces infractions passibles de poursuites d’office. C’est pourquoi il réaffirme avoir épuisé les recours internes.

5.6Pour ce qui est de l’argument de l’État partie qui fait valoir que l’affaire a été examinée au titre de la procédure 1503, l’auteur n’est pas d’avis que cela constitue un motif valable d’irrecevabilité. Il s’élève également contre l’idée que la communication soit considérée comme abusive parce qu’elle a été présentée environ trois ans après la dernière décision rendue par une juridiction nationale et invoque la jurisprudence du Comité à cet égard.

5.7Quant aux allégations de violation de l’article 7 du Pacte, l’auteur rappelle qu’aucun tribunal n’a jamais statué sur sa plainte. Le Conseil judiciaire des délits correctionnels, qui a décidé de ne pas engager de poursuites à la suite d’une requête du Procureur, n’est pas un tribunal qui siège en audience publique où les deux parties peuvent plaider leur cause. Il siège à huis clos, n’entend que le procureur et la décision qu’il rend n’est pas publique. Il peut décider qu’il n’y aura pas de procès lorsqu’il a la conviction que la plainte est «infondée dans les faits». Pendant les deux ans qui ont suivi l’incident, ni l’auteur ni aucun de ses témoins n’ont été appelés à témoigner par aucun des enquêteurs, que ce soit dans le cadre de l’enquête administrative ou dans le cadre de l’enquête judiciaire. L’enquête a consisté en tout et pour tout en une seule et unique déclaration faite par le défendeur à ses collègues policiers. La police n’a pas tenu compte de l’intervention du Médiateur qui a insisté pour qu’une enquête administrative sous serment soit menée. Dans le contexte d’une telle enquête, le plaignant et ses témoins devaient être cités à comparaître.

5.8Les observations de l’État partie qui affirme que l’auteur a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel d’Athènes également pour refus d’obtempérer sont diffamatoires car l’auteur n’a jamais été poursuivi pour cette infraction.

5.9L’État partie reconnaît que le policier chargé de l’enquête appartenait à la Direction régionale de la Police de l’Attique Nord‑Est à laquelle le commissariat de police d’Aghia Paraskevi est subordonné hiérarchiquement. En revanche, il est inexact d’affirmer qu’il s’agissait d’une autre direction de la police. Le commissariat de police d’Aghia Paraskevi est l’un des 35 commissariats administrativement subordonnés à la Direction de la Police de l’Attique Nord‑Est; tel est également le cas du commissariat d’Halandri qui a mené l’enquête judiciaire au nom du Procureur. En réalité, le commissariat de police d’Aghia Paraskevi se trouve dans le même bâtiment que la Direction de la Police de l’Attique Nord‑Est. Ce qui fait que le policier enquêteur «indépendant» était le supérieur immédiat des policiers impliqués dans l’affaire et avait son bureau un étage au‑dessus du bureau de ces derniers, dans le même bâtiment. En fait, le règlement disciplinaire de la police a changé depuis et ne permet plus à une direction de la police de lancer une enquête sur des allégations d’irrégularités commises par un policier qui lui est subordonné. Dans ce cas, cette enquête doit être confiée à un policier appartenant à une autre direction de la police.

5.10Selon l’auteur, l’État partie se trompe quand il affirme que l’auteur s’est plaint pour la première fois de discrimination raciale dans la communication présentée au Comité. En fait, il s’en est plaint au Médiateur le 2 juillet 2001 et cette plainte a été envoyée à la Police hellénique. Toutefois, il n’en a été tenu aucun compte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui objecte que la communication doit être considérée irrecevable parce que l’affaire a été présentée dans le cadre de la procédure établie en vertu de la résolution 1503 (XLVIII) du Conseil économique et social, le Comité rappelle sa jurisprudence constante, à savoir que cette procédure ne constitue pas une autre instance internationale d’examen au sens du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. Cette affirmation préliminaire de l’État partie doit par conséquent être rejetée.

6.4L’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, parce qu’il a déposé une plainte le 2 juillet 2001 seulement au lieu de le faire immédiatement après les incidents, et parce qu’il n’a pas invoqué l’article pertinent du Code pénal. Le Comité considère que le retard mentionné par l’État partie et la manière dont la plainte a été formulée seront traités de façon plus appropriée dans le cadre de l’examen de l’affaire au fond. En outre, l’État partie ne dit pas de quels autres recours additionnels l’auteur aurait pu se prévaloir. Par conséquent, le Comité considère que les conditions requises par le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ont été réunies.

6.5En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui affirme que la communication doit être considérée comme un abus de droit de présenter une communication parce qu’elle a été soumise quelque trois ans après la décision d’acquittement, le Comité rappelle que le Protocole facultatif ne fixe pas de délai pour lui adresser une communication et considère que le délai en l’espèce n’était pas déraisonnable au point de constituer un abus du droit de présenter une communication.

6.6En ce qui concerne la plainte formulée par l’auteur au titre du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 26 du Pacte, le Comité considère qu’elle n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.7En l’absence d’autres obstacles à la recevabilité, le Comité conclut que la communication est recevable car elle soulève des questions au regard de l’article 7 et du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte et il procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

7.2En ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 3 de l’article 2 lu conjointement avec l’article 7 du Pacte, le Comité note que l’auteur a déposé plainte devant le Procureur près du tribunal correctionnel d’Athènes le 2 juillet 2001 et que ce dernier a renvoyé la plainte au magistrat de Koropi afin qu’il procède à une enquête judiciaire. Cependant, le magistrat a refusé d’enquêter en se déclarant incompétent, sans fournir d’explication justifiant sa décision. Le Comité note également que la procédure disciplinaire n’a pas été engagée non plus, et que la seule enquête effectuée a été une enquête préliminaire de police. Comme l’État partie l’a confirmé, cette enquête était officieuse, et ni l’auteur ni les témoins qu’il avait cités n’ont été entendus. Enfin, l’affaire a été classée par le Conseil judiciaire des délits correctionnels qui, en se fondant sur l’enquête de police, a décidé de ne pas poursuivre les accusés. Cette décision a été prise à la suite d’une procédure à laquelle l’auteur n’a pas été autorisé à participer et dans laquelle c’est la déclaration du policier concerné qui a servi de base principale à la décision.

7.3Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que les plaintes pour mauvais traitements doivent faire l’objet d’enquêtes rapides et impartiales de la part des autorités compétentes et que la rapidité et l’efficacité sont particulièrement importantes dans le jugement des affaires portant sur des allégations de torture et autres formes de mauvais traitements. Compte tenu de la manière dont il a été enquêté et statué sur la plainte de l’auteur, comme cela est indiqué dans le paragraphe précédent, le Comité estime que le critère requis n’a pas été respecté dans la présente affaire. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a commis une violation du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, lu conjointement avec l’article 7. Ayant constaté cette violation, le Comité n’estime pas nécessaire de statuer sur la question d’une éventuelle violation de l’article 7 du Pacte pris séparément.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte lu conjointement avec l’article 7.

9.Conformément au paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile et une réparation adéquate. Il est également tenu de prendre des mesures pour que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est également prié de rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe, dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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