Le 6 novembre 2003, le Comité des droits de l’homme a adopté ses constatations concernant la communication no 1090/2002 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif. Le texte des constatations figure en annexe au présent document.
[ANNEXE]
ANNEXE
Constatations adoptées par le Comité des droits de l’homme en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Soixante-dix ‑neuvième session
concernant la
Communication n o 1090/2002 *
Présentée par: |
M. Tai Wairiki Rameka et consorts(représentés par un conseil, M. Tony Ellis) |
Au nom de: |
Les auteurs |
État partie: |
Nouvelle‑Zélande |
Date de la communication: |
9 mars 2002 (lettre initiale) |
Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 6 novembre 2003,
Ayant achevé l’examen de la communication no 1090/2002, présentée par M. Tai Wairiki Rameka et consorts en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par les auteurs de la communication et l’État partie,
Adopte les constatations ci‑après:
Constatations adoptées en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif
1.Les auteurs de la communication, qui est datée du 9 mars 2002, sont MM. Tai Wairiki Rameka, Anthony James Harris et Tai Rangi Tarawa, tous ressortissants néo‑zélandais qui exécutent actuellement des peines d’emprisonnement à la suite de condamnations pénales. Ils affirment être victimes de violations par la Nouvelle‑Zélande de l’article 7, des paragraphes 1 et 4 de l’article 9, des paragraphes 1 et 3 de l’article 10, et du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte. Ils sont représentés par un conseil.
Rappel des faits présentés par les auteurs
Cas de M. Rameka
2.1Le 29 mars 1996, M. Rameka a été reconnu coupable par la Haute Cour de Napier de deux viols, de cambriolage à main armée, d’agression en vue de commettre un viol et d’attentat à la pudeur. Le rapport préalable au prononcé de la sentence et le rapport psychiatrique présentés à la Cour ont appelé l’attention, entre autres, sur les infractions sexuelles commises dans le passé par l’auteur, sa propension à commettre de telles infractions, son manque de remords et son recours à la violence, et la conclusion était qu’il y avait une probabilité de 20 % qu’il commette d’autres infractions sexuelles.
2.2M. Rameka a été condamné à une peine d’internement préventif (internement d’une durée indéterminée, la libération ne pouvant intervenir que sur décision de la Commission des libérations conditionnelles), en vertu de l’article 75 de la loi sur la justice pénale de 1985, pour le premier viol, en même temps qu’à 14 ans de réclusion pour le deuxième viol, à deux années d’emprisonnement pour le vol à main armée, et à deux années d’emprisonnement pour l’agression commise dans l’intention de commettre un viol. La condamnation pour attentat à la pudeur n’a pas été prise en compte parce que le juge qui avait prononcé la sentence avait estimé que l’accusation correspondante était comprise dans les autres chefs d’accusation. M. Rameka a fait appel de la condamnation à l’internement préventif, au motif qu’elle était, selon lui, manifestement excessive et non appropriée, ainsi que de la condamnation à 14 ans de réclusion pour viol, jugeant cette peine manifestement excessive.
2.3Le 18 juin 1997, la Cour d’appel a rejeté l’appel, statuant que le juge qui avait prononcé la sentence était habilité à conclure, au vu des éléments de preuve présentés, qu’il y avait un «risque important» que M. Rameka commette de nouveaux actes de violence sexuelle s’il était libéré et qu’il «continuerait de représenter dans l’avenir un grand danger» dont il fallait protéger la collectivité. La Cour a fondé sa conclusion sur l’emploi répété par M. Rameka d’un couteau et son recours à plusieurs reprises à la violence dans la commission d’infractions sexuelles et à la longue période durant laquelle il a séquestré sa victime pour commettre chacune de ces infractions. Elle a également conclu que le juge n’avait en rien outrepassé son pouvoir discrétionnaire en condamnant l’intéressé à 14 ans de réclusion pour viol.
Cas de M. Harris
2.4Le 12 mai 2000, M. Harris a été, après avoir plaidé coupable, convaincu par la Haute Cour d’Auckland de 11 infractions sexuelles commises sur une période de trois mois à l’encontre d’un garçon, qui venait d’atteindre l’âge de 12 ans au cours de la période en question. Parmi ces infractions figuraient deux agressions sexuelles (contact génital oral) et neuf attentats à la pudeur ou incitations à des actes impudiques sur la personne d’un garçon de moins de 12 ans. M. Harris avait été auparavant reconnu coupable sur deux chefs, de relations sexuelles illégales avec un garçon de moins de 16 ans et d’avoir attenté à la pudeur d’un garçon de moins de 12 ans, la victime étant dans chaque cas un enfant de 11 ans. Il a été condamné à six ans d’emprisonnement sur les deux chefs de relations sexuelles illégales en même temps qu’à quatre ans d’emprisonnement sur les autres chefs.
2.5Le Conseiller juridique de la Couronne a demandé l’autorisation de faire appel au motif que la Cour aurait dû imposer l’internement préventif ou au moins une condamnation pour une plus longue période de durée déterminée. Le 27 juin 2000, la Cour d’appel a fait droit à la requête du Conseiller juridique de la Couronne, remplaçant la peine imposée par la Haute Cour par une mesure d’internement préventif pour chaque chef. La Cour a tenu compte de la mise en garde contre de graves conséquences lancée par le tribunal qui avait condamné l’auteur pour ses précédentes infractions, du refus de ce dernier de s’amender comme en témoignait le fait qu’il avait continué à avoir en prison un comportement de délinquant sexuel, du fait qu’il avait trahi la confiance d’un enfant en commettant ses infractions, du refus de tenir compte des avertissements de la police, qui lui avait enjoint de s’abstenir de tout contact illicite avec la victime, ainsi que du volumineux rapport psychiatrique, qui qualifiait l’auteur de pédophile homosexuel attiré par des garçons prépubères, et des risques analysés dans ledit rapport. Tout en notant qu’une peine de durée déterminée d’«au moins» sept ans et demi se justifiait, la Cour a cependant conclu qu’en l’espèce aucune peine de durée déterminée ne permettrait de protéger convenablement le public, et que l’internement préventif assorti d’un contrôle continu après la libération et d’une possibilité de réincarcération immédiate en cas de récidive constituaient les mesures appropriées.
Cas de M. Tarawa
2.6Le 2 juillet 1999, M. Tarawa a été déclaré coupable d’une atteinte sexuelle sous la forme d’un viol, de deux atteintes sexuelles sous la forme de relations sexuelles illégales, d’attentat à la pudeur, de cambriolage, de deux cambriolages à main armée, de deux rapts (complicité après les faits), de trois cambriolages à main armée, de tentative d’extorsion sous la menace et d’entrée par effraction dans un bâtiment. Auparavant, il avait commis de multiples infractions lors de trois incidents, durant lesquels il était entré par effraction dans des habitations et s’était livré à des actes de violence à motivation sexuelle, y compris deux viols. Par la suite, il s’était rendu coupable d’un autre cambriolage et d’autres voies de fait. Le juge qui a prononcé la sentence a conclu à l’existence d’un comportement criminel caractérisé se traduisant par des actes planifiés et exécutés avec professionnalisme, aggravé par le fait que certaines infractions avaient été commises alors qu’il était en liberté sous caution. Après avoir pris en considération la nature des infractions, leur gravité et leur durée dans le temps, les caractéristiques des victimes, les résultats des efforts de réadaptation passés, la période qui s’était écoulée depuis la dernière infraction, les mesures prises pour éviter de nouvelles infractions, le refus de l’auteur d’assumer la moindre responsabilité, le rapport préalable au prononcé de la sentence, le rapport psychologique et l’évaluation psychiatrique, qui concluait à l’existence d’un risque important de récidive, en plus d’autres facteurs de risque, le juge a condamné M. Tarawa à l’internement préventif sur les trois chefs d’agression sexuelle et l’a encouragé à tirer parti des services de conseil et de réadaptation disponibles en prison. Dans le même temps, M. Tarawa a été condamné à quatre ans d’emprisonnement sur le chef de cambriolage à main armée, à six ans d’emprisonnement pour le chef de rapt, à trois ans d’emprisonnement pour la tentative d’extorsion sous la menace, à trois ans d’emprisonnement pour vol à main armée et cambriolage à main armée, à 18 mois d’emprisonnement pour cambriolage et complicité après les faits, à six ans d’emprisonnement pour un autre rapt, à cinq ans d’emprisonnement pour un autre vol à main armée, à six mois d’emprisonnement pour attentat à la pudeur et à neuf mois d’emprisonnement pour entrée par effraction.
2.7Le 20 juillet 2000, la Cour d’appel, examinant un recours contre cette décision sur la base des observations écrites de l’auteur, a estimé, après avoir passé en revue les circonstances de chaque groupe d’infractions et tenu compte de tous les éléments du passé du requérant, de l’échec des efforts de réadaptation dont il avait fait l’objet, ainsi que du rapport préalable à la sentence et des rapports psychiatrique et psychologique, que la conclusion à l’existence d’un risque majeur nécessitant la protection du public était légitime, dès lors que le juge qui avait prononcé la sentence avait écarté, après les avoir convenablement évaluées, les possibilités de condamnation à des peines de durée déterminée.
2.8Le 19 septembre 2001, la section judiciaire du Conseil privé a rejeté les demandes d’autorisation spéciale de faire recours présentées par les trois auteurs.
Teneur de la plainte
3.1Les auteurs se plaignent, tout d’abord, du fait que la décision prise dans l’affaire de référence R. c. Leitch,dans laquelle la Cour d’appel plénière a établi les principes applicables en matière d’internement préventif, était, selon eux, abusive. Ils font valoir que cette décision n’offre aucun repère utile sur la façon dont les tribunaux doivent déterminer l’existence d’un «risque majeur» d’infraction future. Selon eux, l’existence de cet élément doit être établie selon les règles de la preuve utilisées en matière pénale, c’est‑à‑dire d’une manière quasi certaine, comme le font les tribunaux canadiens dans des cas pareils. Ils affirment en outre que les éléments exposés au paragraphe 2 de l’article 75 de la loi sur la justice pénale sont trop vagues et arbitraires. Ils estiment aussi que la décision dans l’affaire Leitch procède d’une analyse erronée de ce qui est «opportun pour la protection du public» et contredit à tort la jurisprudence antérieure «de dernier ressort». Ils font valoir que la Cour n’a pas étudié les arguments avancés dans ladite affaire selon lesquels l’internement préventif était incompatible avec le Pacte.
3.2Deuxièmement, les auteurs affirment qu’il était arbitraire d’imposer une peine discrétionnaire sur la base d’éléments de preuve attestant l’existence d’un danger futur, dès lors qu’une telle conclusion ne pouvait satisfaire en l’espèce aux critères juridiques de «risque majeur de récidive» ou d’«opportunité pour la protection du public». Ils se réfèrent à plusieurs spécialistes qui appellent l’attention sur les difficultés qu’il y a à prévoir un comportement criminel futur en s’appuyant sur des catégories et des tendances statistiques. Quoi qu’il en soit, ils affirment que, d’après les faits, pour aucun d’eux les critères juridiques permettant de conclure à l’existence d’un «risque majeur» ou qu’un internement préventif est «opportun pour la protection du public» ne sont remplis.
3.3Troisièmement, les auteurs affirment qu’ils ont été condamnés sans que le tribunal, qui a prononcé la sentence ou qui a examiné leur appel, ne tienne compte des questions relatives i) à la détention arbitraire [par. 1 et 3 de l’article 10 du Pacte, art. 9, et par. 5 de l’article 23 de la loi de 1990 sur la Déclaration des droits, la Magna Carta et/ou la Déclaration des droits de 1689 (Imp.)]; ii) à la présomption d’innocence (art. 9 et/ou par. 2 de l’article 14 du Pacte tels qu’interprétés par le Comité); iii) à l’examen périodique (absence présumée de mesures de contrôle suffisantes) d’une condamnation à une peine de durée indéterminée (par. 4 de l’article 9 du Pacte); et iv) aux châtiments cruels, inhabituels, inhumains ou dégradants (art. 7 du Pacte ou Déclaration des droits de 1689).
3.4Pour ce qui est de la question de la détention arbitraire, les auteurs déclarent qu’il n’y a pas suffisamment d’examens périodiques de leur future «dangerosité» et qu’ils sont en fait condamnés pour ce qu’ils pourraient faire lorsqu’ils seraient libérés plutôt que pour ce qu’ils ont fait. Ils se réfèrent à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et à des écrits spécialisés à l’appui de l’affirmation selon laquelle un détenu a le droit à ce que la prorogation ou la poursuite d’une détention qui lui est imposée à des fins de prévention ou de protection soit examinée par un organe judiciaire indépendant. Les auteurs notent que, selon le mécanisme mis en place par l’État partie, il n’y a aucune possibilité de libération avant 10 ans, période au terme de laquelle la Commission des libérations conditionnelles pourra examiner le dossier. Du point de vue de la présomption d’innocence, les auteurs font valoir que l’internement préventif doit être considéré comme un châtiment pour des crimes qui n’ont pas été et qui ne seront peut‑être jamais commis, et qu’il constitue donc une violation du paragraphe 2 de l’article 14.
3.5Pour ce qui est des deux questions susmentionnées, les auteurs se réfèrent aussi aux préoccupations exprimées par le Comité lors de l’examen du troisième rapport périodique de l’État partie au sujet de la compatibilité du mécanisme d’internement préventif avec les articles 9 et 14 du Pacte.
3.6S’agissant des questions soulevées au titre des articles 7 et 10, les auteurs font valoir que, ne pouvant prétendre à la libération conditionnelle qu’après 10 ans d’internement, le traitement qui peut être dispensé aux délinquants sexuels pour réduire le risque et le danger qu’ils représentent pour la collectivité ne sera disponible pour eux que peu de temps avant la fin de cette période. Il semble aussi qu’ils contestent, en général, la condamnation à 10 ans d’internement sans possibilité de demander une libération conditionnelle. Ce type de peine est selon eux contraire aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 10 qui exigent que les personnes ainsi condamnées soient traitées avec humanité et dignité, ne répond pas aux impératifs de réadaptation et de réinsertion sociale consacrés par le paragraphe 3 de l’article 10, et constitue un châtiment cruel, inhabituel, dégradant et excessivement sévère contraire à l’article 7.
3.7Les auteurs formulent également plusieurs plaintes se rapportant à leur propre cas. M. Rameka estime que la Cour n’aurait pas dû admettre qu’une possibilité de récidive évaluée à 20 % constitue un risque majeur au sens de la législation et qu’imposer une peine d’une durée déterminée en même temps qu’une peine d’une durée indéterminée est abusif en soi. Dans le cas de M. Tarawa, il est affirmé que les autorités ont eu tort de lui refuser l’aide juridictionnelle pour son appel (ce qui l’a obligé à établir lui‑même les documents nécessaires à cet effet). Enfin, M. Harris affirme que la peine à laquelle il a été condamné était manifestement excessive et que la Cour d’appel a estimé à tort que la possibilité de récidive, c’est-à-dire la possibilité qu’un délinquant qui a été libéré avant d’avoir exécuté la totalité de sa peine mais qui commet une nouvelle infraction soit réincarcéré pour purger le reste de ladite peine, constituait un argument pertinent en faveur de sa condamnation à l’internement préventif.
Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1Dans ses observations du 19 février 2003, l’État partie conteste la recevabilité et le fond de la communication. Décrivant tout d’abord les caractéristiques générales du mécanisme d’internement préventif, il note qu’une telle mesure n’est imposée qu’aux personnes âgées d’au moins 21 ans qui ont été condamnées à la suite d’un procès où tous les droits à une procédure équitable et à un appel ont été respectés, pour certaines infractions spécifiées. La peine est imposée à ceux qui ont commis dans le passé des infractions graves chaque fois qu’elle est jugée appropriée et proportionnelle à la nature de l’infraction. Elle est déterminée en tenant compte du passé de l’auteur de l’infraction et d’autres informations le concernant, y compris le risque de récidive.
4.2La peine en question peut être imposée dans deux cas: premièrement, lorsqu’une personne a fait l’objet par le passé de condamnations similaires pour des infractions spécifiées (principalement sexuelles) graves, et a récidivé. Cette mesure existe depuis une centaine d’années et est généralement imposée après un dernier avertissement adressé à l’auteur de l’infraction par un juge qui l’a déjà condamné auparavant à une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée. Deuxièmement, en application d’un amendement adopté en 1993, une personne peut être condamnée à l’internement préventif pour une agression sexuelle, indépendamment de ses antécédents criminels. Dans ce cas, l’intéressé bénéficie cependant de garanties additionnelles: le tribunal doit obtenir un rapport psychiatrique et être convaincu qu’il y a un risque majeur de récidive après la libération.
4.3Les garanties sont appliquées à la fois au stade de la condamnation et à celui de l’exécution de la peine. Le seul tribunal capable d’imposer une telle peine est la plus haute juridiction du premier degré, la Haute Cour. L’intéressé a le droit de déposer un recours devant la Cour d’appel et ce moyen de droit est exercé par la plupart des personnes condamnées à l’internement préventif. La peine n’est encourue que pour certaines infractions bien déterminées. Des rapports psychiatriques sont, dans la pratique, toujours demandés. Les tribunaux examinent la question de savoir si une condamnation à une peine d’une durée déterminée peut répondre au besoin de protection. Si la Haute Cour impose, après avoir examiné tous les faits de la cause, l’internement préventif, la Cour d’appel peut y substituer une peine de durée déterminée (comme ce fut le cas par exemple dans l’affaire R. c. Leitch). Selon les critères établis dans cette affaire, le tribunal qui prononce la sentence doit examiner: la nature des infractions, leur gravité et leur durée, les caractéristiques des victimes et les effets de l’infraction sur elles, la réaction de l’auteur aux efforts de réadaptation, la période écoulée depuis les dernières infractions et les mesures prises pour éviter toute récidive, l’acceptation de la responsabilité et l’existence de remords, la propension à commettre des infractions (compte tenu de l’évaluation des risques par des spécialistes) et les chances de réussite du traitement disponible. Même si les critères légaux sont remplis, la peine reste discrétionnaire plutôt qu’obligatoire.
4.4Au stade de l’exécution de la peine, il y a en général une période minimum de 10 ans durant laquelle l’intéressé ne peut prétendre à la libération conditionnelle, étant entendu qu’une commission indépendante des libérations conditionnelles a le pouvoir discrétionnaire d’examiner le dossier avant la fin de ce délai (art. 97 (5)). Par la suite, des examens obligatoires de la détention sont effectués au moins une fois par an par ladite Commission, qui a le pouvoir discrétionnaire de libérer le prisonnier (art. 97 (2)). L’examen de la détention peut même avoir lieu plus fréquemment si la Commission le souhaite ou si le prisonnier le demande et obtient l’accord de la Commission (art. 97 (3)). Les décisions de la Commission peuvent elles‑mêmes être revues par la Haute Cour.
4.5L’État partie note que l’internement préventif n’est en aucun cas spécifique à la Nouvelle‑Zélande et que, même si aucune communication sur la question n’a été adressée au Comité, la Cour européenne des droits de l’homme a examiné plusieurs affaires dans ce domaine. Dans l’affaire V. c. Royaume ‑Uni, la Cour a statué que la condamnation à la «détention selon le bon vouloir de Sa Majesté» n’est ni arbitraire, ni inhumaine, ni dégradante. L’État partie concerné avait souligné qu’une telle formule permettait d’examiner les circonstances particulières d’un délinquant et de ne le libérer qu’après s’être assuré que sa remise en liberté ne représente pas de danger pour le public. De même, dans l’affaire T. c. Royaume ‑Uni, la Cour, rappelant l’obligation qu’avaient les États de prendre des mesures pour protéger le public face à des actes criminels violents, a estimé que la Convention n’interdisait pas aux États d’imposer à une personne une peine d’une durée indéterminée, lorsqu’ils considèrent une telle mesure comme nécessaire pour la protection du public.
4.6L’État partie affirme qu’il a le pouvoir discrétionnaire de recourir à des peines comme l’internement préventif en tenant dûment compte de la nécessité de faire en sorte que de telles peines soient parcimonieusement appliquées et minutieusement surveillées et de mettre en place les mécanismes d’examen requis pour s’assurer que le maintien en détention est justifié et nécessaire. La Cour européenne reconnaît qu’une fois que le but de la détention n’est plus la répression, mais l’internement préventif, la détention peut devenir illégale si des systèmes adéquats pour surveiller la prorogation de la mesure ne sont pas en place. Un examen périodique de la détention par un organe dûment habilité à déterminer si la mesure reste valide doit être mis en place. L’État partie affirme que sa Commission des libérations conditionnelles a toutes ces caractéristiques: elle est indépendante, elle est présidée par un ancien juge de la Haute Cour, elle suit une procédure établie et est dotée des pleins pouvoirs pour libérer les prisonniers. Elle examine chaque cas au moins une fois par an après l’expiration du délai de 10 ans, et même plus tôt et plus souvent. En outre, l’habeas corpus reste garanti.
4.7Tout en considérant le dispositif en vertu duquel les auteurs ont été condamnés comme tout à fait conforme au Pacte, l’État partie note qu’il a été depuis lors modifié pour ramener de 10 à 5 ans la période d’internement non sujette à révision, et le tribunal qui fixe la durée de cette période doit le faire individuellement pour chaque condamné.
4.8Pour ce qui est de la recevabilité, l’État partie estime, en ce qui concerne la partie de la communication relative à la période durant laquelle l’internement ne peut faire l’objet d’une révision, que les auteurs ne sont pas des victimes au sens du Protocole facultatif. En outre, un des auteurs n’a pas épuisé tous les recours internes. Les auteurs exécutent actuellement leur peine mais ils ne sont pas encore arrivés au terme de la période qu’ils auraient dû purger s’ils avaient été condamnés à une peine d’une durée déterminée. Au contraire, ils ne font actuellement que purger la partie dissuasive ordinaire de leur peine, et l’internement préventif n’a pas encore commencé. Pour MM. Rameka et Tarawa, toute peine d’une durée déterminée aurait duré au moins autant que la période de 10 ans non susceptible de révision (à la fin de laquelle l’examen annuel obligatoire aurait commencé). N’ayant pas purgé la période minimum prévue pour leur infraction, ils ne sont pas encore des «victimes» en ce qui concerne les plainte relatives à l’internement préventif.
4.9Pour ce qui est de M. Harris, l’État partie fait observer que, même s’il n’a été condamné qu’à une peine de durée déterminée de moins de 10 ans, il est encore loin d’être arrivé au stade où la mesure d’internement préventif doit prendre effet. Qui plus est, lorsque ce stade aura été atteint, la Commission des libérations conditionnelles pourra examiner son dossier, et un éventuel refus de le faire (qui ferait alors de M. Harris une «victime» d’une mesure d’internement préventif) pourra être examiné par les tribunaux. En conséquence, aucun des auteurs n’est à l’heure actuelle victime d’un «préjudice réel», au sens du Protocole facultatif, résultant d’un des différents aspects du dispositif d’internement préventif qui est l’objet de la plainte. L’État partie invoque la jurisprudence du Comité dans l’affaire A.R.S. c. Canada, dans laquelle ce dernier a jugé irrecevable, sur cette base, la plainte de l’auteur concernant un système de contrôle obligatoire qui ne lui était pas encore applicable.
4.10En ce qui concerne M. Tarawa, l’État partie fait observer que les recours internes n’ont pas été épuisés. Le 10 décembre 2001, la loi de 2001 portant modification de la loi sur les infractions pénales (recours pénaux) est entrée en vigueur, donnant à l’auteur le droit de demander un réexamen complet de sa condamnation. Bien qu’une autorisation doive être obtenue, la Cour d’appel a clairement indiqué que les requêtes qui seraient présentées par des personnes telles que M. Tarawa seraient automatiquement acceptées. La situation actuelle pour M. Tarawa est que, s’il le souhaite, il pourra de nouveau faire appel de sa condamnation; toutefois, il n’a pas encore présenté de requête. Sa plainte est donc irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.
4.11Pour ce qui est du fond de la communication, l’État partie fait valoir que toutes les allégations formulées par les auteurs sont infondées. S’agissant de la plainte au titre de l’article 9, il affirme que le maintien en détention est justifié parce que la condamnation a été imposée pour punir des infractions pénales prouvées et parce que, à mesure que l’aspect préventif devient plus marqué, des mécanismes de révision appropriés (dont une description a été donnée plus haut) deviennent disponibles. Il s’agit toutefois d’abord et avant tout d’une peine du même ordre que la réclusion à perpétuité lorsqu’elle est imposée d’une manière discrétionnaire.
4.12L’État partie fait observer que de nombreux spécialistes reconnaissent l’existence de facteurs et de caractéristiques qui rendent plus probable la commission de nouvelles infractions par une personne; il est par exemple généralement admis qu’il y a une nette tendance à récidiver chez les pédophiles qui ont déjà commis des infractions à l’égard d’enfants. Il existe de nombreux modèles actuariels d’aide à la prévention des risques qui confèrent des valeurs croissantes à une douzaine de facteurs types significatifs tels que les antécédents criminels, l’état mental sous‑jacent, les résultats des efforts de réadaptation antérieurs, etc. La question clef est celle de savoir où fixer le seuil d’inclusion. Plusieurs de ces modèles, auxquels la Nouvelle‑Zélande a contribué, sont actuellement en usage à travers le monde. Il est généralement reconnu qu’une prévision des risques fondée sur un ensemble de modèles actuariels et d’examens cliniques produit les meilleurs résultats. En conséquence, l’État partie affirme qu’il n’y a dans les écrits spécialisés aucun élément à l’appui de l’opinion selon laquelle la prévision des risques de récidive dans un nombre limité d’infractions est trop arbitraire pour justifier l’incorporation dans la peine imposée d’un élément de prévention.
4.13Pour ce qui est des allégations selon lesquelles les tribunaux n’auraient pas pris en considération les normes et la jurisprudence internationales, l’État partie affirme que si les recours pour incompatibilité avec le Pacte ne sont pas justifiés, les tribunaux ne peuvent être critiqués pour ne pas avoir tenu compte d’incompatibilités présumées. Leur tâche est d’interpréter et d’appliquer le droit, en se référant aux obligations internationales lorsqu’ils font face à un manque de clarté ou à des ambiguïtés. Dans l’affaire Leitch, les auteurs ont critiqué le tribunal pour ne pas avoir tenu compte de ces questions mais, comme le recours intenté a abouti et que la condamnation à une mesure d’internement préventif a été abandonnée, il n’a pas été nécessaire d’aborder des questions de droit international de portée plus générale. Après la présentation de la communication à l’examen, le conseil des auteurs a adressé des arguments similaires à la Cour d’appel dans le cadre de l’affaire R. c. Dittmer. La Cour a noté que le tribunal qui avait examiné l’affaire Leitch, sous l’angle des obligations de l’État partie, s’était prononcé en faveur des observations de la Couronne sur les questions relatives au Pacte et avait souligné que le rapport entre le nouveau régime et le Pacte avait été examiné au sein de la Commission parlementaire de la justice et des questions électorales et que cette dernière n’avait relevé aucune incompatibilité.
4.14En réponse aux critiques formulées par les auteurs au sujet de la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Leitch, l’État partie se réfère à la jurisprudence du Comité selon laquelle les questions de droit interne et l’application du droit à des faits particuliers sont du ressort des tribunaux locaux. Il souligne que les questions en cause, comme par exemple celle de la «dangerosité», portent sur les faits, lesquels relèvent de dispositions particulières du droit interne. Ces questions ont été pleinement prises en compte à tous les niveaux du système judiciaire local. Pour ce qui est de l’interprétation de la Cour selon laquelle des expressions comme celle de «preuve quasi certaine» ne permettent pas de préciser le sens du mot «opportunité», l’État partie souligne que ce terme a toujours été interprété de cette manière. Les auteurs semblant suggérer que le Pacte impose le critère de la «quasi‑certitude» en tant que norme, l’État partie souligne que cela s’applique à l’infraction pour laquelle la culpabilité a été établie d’une manière quasi certaine. En revanche, ce concept n’est pas de mise pour ce qui est du choix de la peine appropriée qui a toujours été considéré comme nécessitant un effort d’évaluation et dans lequel le juge exerce un pouvoir discrétionnaire.
4.15S’agissant des objections des auteurs à l’interprétation par la Cour du concept d’«opportunité», l’État partie note qu’ils semblent faire valoir que le seuil fixé n’est pas suffisamment élevé. Selon lui, il s’agit dans une large mesure d’une objection à l’application d’un critère aux faits en cause; or le juge qui a prononcé la sentence était habilité à conclure qu’elle était opportune dans chacun des cas, et les tribunaux supérieurs étaient en droit de confirmer cette décision. La conception de la Cour d’appel − selon laquelle le mot «opportun» était pris, du point de vue de la législation, dans son acception ordinaire − était orthodoxe et son énumération de l’ensemble des facteurs qu’un tribunal devait prendre en considération avant d’imposer une mesure d’internement préventif était appropriée.
4.16S’agissant du droit à la présomption d’innocence, l’État partie affirme qu’il n’y a pas eu de violation dès lors que les auteurs n’ont été inculpés d’aucune autre infraction pénale. Il n’y a aucune nouvelle accusation ou allégation pour laquelle la présomption d’innocence doit être respectée. Les auteurs ont été condamnés à l’internement préventif après avoir été reconnus coupables d’une infraction spécifiée, dans le cadre d’un procès au cours duquel la présomption d’innocence avait été pleinement respectée et qui avait satisfait à de nombreuses autres exigences. De ce fait, la question qui se pose n’est pas celle de savoir si la loi peut autoriser le juge qui prononce la sentence à tenir compte de la nécessité de protéger la société face à une personne qui a commis des infractions par le passé (l’État partie estime qu’elle le peut), mais plutôt si les mécanismes de révision en place remplissent les conditions requises pour assurer une évaluation appropriée de la nécessité de maintenir une personne en détention après qu’elle a purgé la peine minimale prévue.
4.17Pour ce qui est de la violation présumée des paragraphes 1 et 3 de l’article 10 du fait que les cours de réadaptation interviennent à un stade tardif, l’État partie fait observer que ce qui est allégué en l’espèce est bien en deçà de ce que le Comité considère généralement comme une violation des dispositions susmentionnées. Il souligne qu’en prison les prisonniers disposent d’un vaste éventail de cours qui visent tous à améliorer leurs qualifications et leurs connaissances pour faciliter leur réinsertion et réduire ainsi le risque de récidive. Certains de ces cours sont spécialement conçus pour les délinquants sexuels et visent à aider un prisonnier à apprendre comment se conduire au sein d’une collectivité, à éviter les situations à risque et à minimiser ainsi les possibilités de récidive. La règle est que le prisonnier suive ces cours quand sa libération est proche car l’objectif est de le préparer à la vie en société. C’est à ce stade de la détention que de tels cours sont les plus efficaces. Il ne s’agit pas en l’occurrence de l’accès à des services et à un traitement psychiatrique et psychologique ou aux autres cours de caractère général qui sont disponibles tout au long de la période pendant laquelle le prisonnier exécute sa peine. L’État partie doute que les auteurs aient démontré qu’ils étaient personnellement victimes d’une carence dans ce domaine puisqu’ils n’ont pas indiqué quels cours et/ou traitements ils ont eus ou quelles ont été les insuffisances dans leur cas.
▪ M. Rameka
4.18Abordant les différents cas, l’État partie note qu’en ce qui concerne M. Rameka, les nombreuses accusations graves dont il a fait l’objet sont toutes liées à un incident. Il connaissait l’endroit où vivait la victime, a décidé de la violer, est entré par effraction chez elle en portant un masque, a pris un couteau sur place et a soumis sa victime à quatre heures de calvaire, la violant à deux reprises et commettant à son encontre d’autres infractions. En tant que personne reconnue coupable d’agression sexuelle, M. Rameka pouvait être soumis à un internement préventif à condition qu’une évaluation psychiatrique soit obtenue et que le juge qui prononce la sentence soit convaincu de l’existence d’un risque important qu’il commette après sa libération une des infractions spécifiées et que l’internement préventif est de surcroît opportun pour assurer la protection du public. Même lorsqu’il acquiert cette conviction, le juge garde le pouvoir discrétionnaire d’imposer ou non un internement préventif. L’évaluation psychiatrique a, contrairement à ce qui se fait d’habitude, quantifié le risque d’une manière précise («20 %») au lieu de se limiter, comme c’est souvent le cas, à le qualifier, en termes généraux, d’«élevé» ou de «très élevé». L’État partie souligne que la question de l’existence d’un risque élevé n’a pas été tranchée simplement sur la base de ce chiffre. En effet, c’est seulement après avoir analysé le rapport, les arguments qu’il contient et les facteurs sous‑jacents ainsi que les circonstances des infractions passées et actuelles de M. Rameka que le juge a estimé qu’un internement préventif était justifié. La Cour d’appel a confirmé cette conclusion, notant, entre autres, les différents indices figurant dans le rapport psychiatrique, les similarités avec des infractions commises dans le passé durant lesquelles un couteau avait été utilisé et la victime avait été longuement séquestrée, et les facteurs inquiétants qui avaient caractérisé la dernière infraction.
4.19Pour ce qui est de la condamnation de l’auteur à une peine d’une durée déterminée (14 ans de réclusion) pour le deuxième viol, qui a été imposée en même temps qu’un internement préventif, l’État partie estime qu’on peut difficilement trouver à objecter à cet aspect de la question. Il est important de distinguer entre les différentes infractions commises, surtout pour la collectivité et sur le plan de l’exemple, même si les peines sont confondues. En outre, le prononcé de plusieurs peines d’une durée déterminée peut aider la Commission des libérations conditionnelles à évaluer la gravité des autres infractions commises en même temps que l’infraction principale.
4.20Pour ce qui est de la durée de la peine non susceptible de révision, l’État partie souligne que, comme suite à la condamnation de M. Rameka à 14 ans d’emprisonnement pour le deuxième viol, selon la législation locale il devrait purger au total une peine de neuf ans et quatre mois d’emprisonnement pour cette seule infraction. Si on ajoute à cela les peines imposées pour les autres infractions, il ne fait aucun doute qu’une condamnation à une peine d’une durée déterminée l’obligeant à exécuter au moins 10 ans d’emprisonnement aurait été inévitable. En conséquence, l’auteur aurait eu à purger la période non susceptible de révision de 10 ans prévue au titre de la mesure d’internement préventif, même si cette mesure n’avait pas été prise, en sorte que cette allégation est non seulement irrecevable mais aussi infondée puisque l’auteur aurait de toutes les façons droit à un examen annuel de sa détention au bout de cette période.
▪ M. Tarawa
4.21Pour ce qui est de M. Tarawa, l’État partie note qu’il a plaidé coupable pour des actes commis dans quatre incidents distincts qui avaient donné lieu à 15 chefs d’accusation, le principal, dans l’optique de l’internement préventif, étant le viol commis après qu’il fut entré par effraction chez une femme. Au cours de cet incident, la femme a été soumise à d’autres sévices sexuels, kidnappée et obligée à retirer de l’argent par la force à un distributeur automatique de billets de banque. Les autres incidents ont consisté à entrer par effraction dans une habitation (à tenir le couple qui y résidait sous la menace d’un revolver et à agresser une des personnes présentes avant que les deux victimes ne réussissent à s’échapper), à cambrioler une maison, à se livrer à une agression et à un vol sur la personne d’une femme âgée de 76 ans, à cambrioler une ferme (en menaçant la femme qui l’occupait d’un couteau, en l’obligeant à se déshabiller et en la ligotant avant qu’elle ne parvienne à s’échapper).
4.22Le juge qui a prononcé la sentence a examiné les infractions ultérieures de M. Tarawa qui à deux reprises était entré par effraction dans une maison où se trouvait une femme. La première fois, il avait obligé la victime à se déshabiller sous la menace d’un couteau mais elle avait pu s’échapper. La deuxième fois, la victime avait été violée à deux reprises. Le juge a estimé que l’infraction dont il avait à connaître était une réplique de celle que l’auteur avait commise auparavant mais se caractérisait par un plus grand «professionnalisme». Il y a eu par la suite d’autres infractions, une libération sous caution et les trois derniers incidents qui ont eu lieu après cette libération. Les deux premiers étaient des vols et le troisième un autre cambriolage dans une maison, commis dans les mêmes conditions qu’un autre qui avait visé une femme par le passé, et durant lequel l’aspect sexuel avait occupé une tout aussi large place.
4.23Devant la Haute Cour, un psychologue et un psychiatre ont repéré, chacun de leur côté, des risques importants de récidive, estimant que les chances de réadaptation dépendaient d’un changement de personnalité chez un homme qui s’était montré jusque‑là peu désireux de s’améliorer. Selon l’État partie, l’auteur représente un risque extrêmement important en particulier pour les femmes, et la décision de la Cour d’appel a confirmé celle de la Haute Cour.
4.24Pour ce qui est de la détention non susceptible de révision, le juge a noté qu’il aurait imposé une peine d’une durée déterminée (15 à 16 ans) pour le viol s’il n’avait pas opté pour l’internement préventif en sorte que, selon la législation locale sur les libérations conditionnelles, l’auteur aurait eu à purger au moins 10 ans d’emprisonnement avant de pouvoir prétendre à une éventuelle remise en liberté. Par conséquent, la période non susceptible de révision est la même que s’il n’avait pas fait l’objet d’une mesure d’internement préventif et, outre que sa communication est irrecevable, l’auteur n’est pas fondé à se plaindre au titre du Pacte.
4.25La question de l’aide juridictionnelle ne concerne que M. Tarawa. À l’époque, l’appel de sa condamnation avait été tranché dans le cadre d’une procédure ex parte sur dossier durant laquelle la Cour d’appel s’était prononcée sur la question de savoir si les auteurs de recours recevraient une aide juridictionnelle. Chaque fois que la Cour concluait dans le cadre d’une telle procédure qu’il n’y avait pas matière à recours et qu’il fallait donc refuser d’octroyer l’aide juridictionnelle, elle se trouvait face à un dilemme, car il fallait tenir compte du cas des requérants incarcérés qui ne pouvaient pas se présenter au tribunal et qui n’avaient pas d’avocat. En conséquence, elle a mis au point un système consistant à examiner sur dossier les appels émanant de personnes dans cette situation, donnant aux requérants la possibilité de faire des observations par écrit. Le Conseil privé a jugé par la suite ce système ex parte illégal parce qu’il n’avait aucun fondement législatif, et l’État partie reconnaît donc que M. Tarawa a été injustement privé d’aide juridictionnelle. Depuis lors, une loi corrective a chargé un organe indépendant de se prononcer sur les demandes d’aide juridictionnelle et a assorti la procédure de plus larges garanties pour les appels sur dossier. Dans le même temps, le législateur a donné à toutes les personnes dont les appels avaient été tranchés selon une méthode jugée illégale la possibilité de déposer un nouveau recours, ce que l’auteur n’a pas encore fait. Pour l’État partie, la possibilité de déposer un nouvel appel constitue en l’espèce un recours suffisant.
▪ M. Harris
4.26L’État partie note en ce qui concerne l’auteur qu’il a été reconnu coupable de 11 infractions sexuelles sur la personne d’un jeune garçon. Le tribunal l’a condamné à une peine d’une durée déterminée (six ans d’emprisonnement). La Couronne a fait appel de la sentence, affirmant qu’une mesure d’internement préventif aurait dû être imposée ou que la peine de durée déterminée à laquelle l’auteur avait été condamné était manifestement insuffisante, et la Cour d’appel lui a donné raison. L’État partie souligne que ce cas représente un exemple typique d’affaire d’internement préventif − l’auteur a été condamné par le passé pour des infractions pédophiles, il a exécuté une peine d’emprisonnement, et a été averti lors de sa dernière condamnation qu’il courait le risque de se voir imposer une mesure d’internement préventif en cas de récidive.
4.27Dans la présente affaire, l’auteur était entré dans les bonnes grâces d’un jeune garçon, l’incitant à se livrer avec lui à diverses activités sexuelles. Après que cette relation eut éveillé des soupçons, la police lui a enjoint de rester à l’écart du garçon, mais l’auteur n’a pas pu s’abstenir d’autres contacts, commettant d’autres infractions. Le rapport psychiatrique a confirmé qu’il était un pédophile homosexuel attiré par les garçons prépubères. Les efforts de réadaptation dont il avait bénéficié par le passé, notamment dans le cadre du programme spécialisé de l’État partie pour les auteurs d’infractions sexuelles, n’ont pas donné de résultats, et les pulsions de l’auteur étaient si fortes qu’il avait persisté dans la même voie en dépit des avertissements qui lui avaient été adressés et alors même qu’il se savait observé par la police. Dans ces circonstances, la Cour d’appel a estimé qu’une condamnation à une peine de durée déterminée ne serait pas suffisante pour protéger le public et qu’un internement préventif était nécessaire.
4.28En réponse à l’argument de l’auteur selon lequel la peine à laquelle il a été condamné était excessive, l’État partie affirme que la conclusion de la Cour d’appel, qui a été confirmée par le Conseil privé, était tout à fait légitime. L’auteur représente un grave danger pour le public et une peine d’une durée déterminée aboutissant à une libération n’aurait pas assuré la protection voulue. Si l’auteur parvient à changer, il sera libéré avec les restrictions nécessaires, mais une libération dans les conditions actuelles exposerait la collectivité et en particulier les jeunes garçons à de nouveaux sévices.
4.29Pour ce qui est du droit à l’auteur à ce que sa détention soit examinée, l’État partie note que la Cour d’appel aurait imposé une peine d’une durée déterminée de sept ans et demi à l’auteur s’il ne s’était pas révélé nécessaire de protéger le public. À l’inverse de M. Tarawa, l’auteur peut théoriquement affirmer que, faisant l’objet d’une mesure d’internement préventif, il doit exécuter une peine non susceptible de révision d’une plus longue durée que s’il avait été condamné à une peine d’une durée déterminée. Toutefois, l’État partie fait observer que, lorsque viendra le moment où la possibilité d’une libération conditionnelle concernant la peine de durée déterminée applicable pourra être examinée, il aura la possibilité de demander sa libération à la Commission des libérations conditionnelles (qui a le pouvoir discrétionnaire d’examiner des demandes avant la fin des 10 ans d’internement préventif). C’est seulement en cas de refus d’une telle demande par la Commission, décision qui elle-même est sujette à révision, que l’auteur pourra affirmer être une victime.
Commentaires sur les observations de l’État partie
5.1En réponse, les auteurs font valoir que le Pacte n’est pas directement appliqué en droit interne et que, dans l’arrêt clef prononcé dans l’affaire R. c. Leitch, le Pacte n’a été évoqué que pour la forme. Il considère que l’avis donné par l’État partie au Parlement − lors de l’évaluation de la compatibilité des amendements à la législation relative à l’internement préventif avec le Pacte − était intéressé.
5.2Les auteurs notent que dans les affaires V. c. Royaume-Uni et T. c. Royaume-Uni , la Cour européenne a fixé un «barème» spécifique pour chaque cas, représentant la durée de la peine au cours de laquelle la libération conditionnelle était exclue. C’est seulement par la suite que la question de l’aspect préventif de la détention se pose. Les auteurs déclarent qu’ils ne contestent pas la légalité de la mesure d’internement préventif prise à leur encontre mais estiment que la durée de cet internement aurait dû être fixée en fonction d’un «barème» tenant compte de chaque cas individuel et dont l’application ferait l’objet d’examens périodiques. Dans les cas des auteurs, une période standard de 10 ans s’applique à chacun d’eux avant que les examens ne commencent. Il est en outre affirmé que la Commission des libérations conditionnelles n’a jamais exercé son pouvoir discrétionnaire d’examiner un cas avant l’écoulement de la période de 10 ans; cette possibilité est donc illusoire. Ils affirment également qu’un recours en habeas corpus et des demandes d’examen judiciaire ne donneraient probablement aucun résultat, et en tout état de cause il ne serait possible de se prévaloir de ces recours qu’à la fin de la période incompressible de 10 ans.
5.3Pour ce qui est de l’évaluation de leur future «dangerosité», les auteurs se réfèrent à des études et des écrits spécialisés montrant l’existence d’erreurs ou d’imprécisions dans les méthodes courantes servant à prévoir un risque. Ils affirment que les évaluations psychiatriques individuelles faites dans leur cas laissaient à désirer, que les tribunaux se sont montrés trop empressés à se fonder sur elles et que les mesures de détention prises sur cette base étaient donc arbitraires. Ils se réfèrent à cet égard à la jurisprudence canadienne relative au régime d’internement préventif selon laquelle, d’après eux, la «dangerosité» doit être prouvée d’une manière quasi certaine, un préavis d’une semaine doit être accordé au prévenu avant l’audience, deux psychiatres doivent être entendus et un examen de la «dangerosité» a lieu dans un premier temps après trois ans et par la suite tous les deux ans.
5.4Pour ce qui est des cours dispensés en prison, les auteurs précisent qu’ils veulent uniquement parler du fait que des cours en rapport avec leur «dangerosité» ne sont donnés que lorsque la date de la libération est proche. Ils affirment donc qu’ils n’ont aucune possibilité de se débarrasser de leur «dangerosité» à un stade précoce de l’exécution de leur peine alors qu’une telle option devrait être offerte le plus tôt possible. Ils considèrent que cette pratique est cruelle et inhabituelle, qu’elle dénote un manque d’humanité et qu’elle n’est pas en accord avec le principe de réadaptation. Qui plus est, leurs demandes de libération conditionnelle avant terme peuvent pâtir du fait qu’ils n’ont pas subi de traitement.
5.5Pour ce qui est de la recevabilité de la plainte de M. Tarawa au sujet des possibilités de recours, il est affirmé qu’il n’est devenu possible de faire de nouveau appel qu’après la récente décision de la Cour d’appel dans l’affaire R. c. Smith, c’est‑à‑dire après la présentation de la communication. Quoi qu’il en soit, une telle démarche serait vaine dès lors qu’un récent recours contre une mesure d’internement préventif présenté dans une autre affaire a été rejeté.
5.6Pour ce qui est de l’application, dans le cas de M. Rameka, d’une peine de durée déterminée assortie d’une mesure d’internement préventif, l’auteur rejette l’argument de l’État partie selon lequel l’objection formulée au sujet de cette pratique ne repose sur aucun fondement. Il se réfère, par analogie, à la pratique pénale anglaise selon laquelle il est abusif d’imposer une peine de durée déterminée en même temps qu’une peine de réclusion à perpétuité.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son Règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2Pour ce qui est de la question de savoir si la plainte des auteurs selon laquelle ils sont victimes d’une violation du Pacte du fait d’avoir fait l’objet d’une mesure d’internement préventif est fondée, sachant que les auteurs n’ont pas encore exécuté la peine qu’ils auraient dû purger pour pouvoir prétendre à une libération conditionnelle dans le contexte des peines de durée déterminée prévues pour les infractions qu’ils ont commises, le Comité note qu’ayant été condamnés à de telles peines et ayant commencé à les exécuter les auteurs seront effectivement soumis à un régime d’internement préventif après avoir purgé 10 ans de leur peine. De ce fait, il est inévitable qu’ils soient soumis, le moment venu, à un tel régime et ils ne pourront pas à ce moment-là contester leur soumission à un internement préventif; cette situation est à mettre en contraste avec celle examinée dans l’affaire A.R.S. c. Canada, dans laquelle l’application future du régime d’examen obligatoire au prisonnier concerné dépendait au moins en partie de son comportement antérieur et était donc spéculative à un stade précoce de son emprisonnement. En conséquence, le Comité ne considère pas comme non approprié que les auteurs contestent la compatibilité de leur condamnation avec le Pacte à un stade précoce plutôt qu’après 10 ans d’emprisonnement. La communication n’est donc pas irrecevable parce que les auteurs ne sont pas victimes d’une violation du Pacte.
6.3Pour ce qui est du cas de M. Tarawa, le Comité note qu’à la suite des vices constatés dans l’ancien système d’examen des appels sur dossier après un refus de l’aide juridictionnelle, l’État partie a adopté l’amendement de 2001 à la loi sur les infractions pénales (recours pénaux) qui habilite les personnes qui avaient pâti de ces vices, y compris M. Tarawa, à demander le réexamen d’un appel rejeté (dans le cas de M. Tarawa, il s’agit de son recours contre le verdict et la condamnation du 2 juillet 1999 qui avait été rejeté par la Cour d’appel le 20 juillet 2000). Un tel appel aurait permis de contester le bien‑fondé, au regard du droit interne, de sa condamnation à une mesure d’internement préventif compte tenu des circonstances de la cause, indépendamment des décisions en appel sur la peine applicable aux faits relatifs aux différentes infractions. En conséquence, le Comité note que M. Tarawa n’avait pas épuisé, au moment de la présentation de la communication, un recours interne, dont il aurait pu se prévaloir pour contester la sentence. De ce fait, ses allégations relatives à la mesure d’internement préventif prise contre lui et les autres plaintes qui en découlent sont irrecevables en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Pour ce qui est de l’autre plainte concernant le refus de l’aide juridictionnelle, le Comité constate que pour les mêmes raisons cette plainte était sans objet avant la présentation de la communication puisque l’auteur avait obtenu la possibilité de déposer un nouvel appel et d’obtenir un réexamen de sa demande d’aide juridictionnelle; en conséquence, cette plainte est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.
6.4Pour ce qui est de l’affirmation selon laquelle les auteurs n’avaient pas accès à certains cours de réadaptation en prison en violation des articles 7 et 10 du Pacte, le Comité constate que les auteurs n’ont pas donné la moindre précision quant au cours qu’ils estiment avoir le droit d’entreprendre à un stade moins tardif de leur emprisonnement, et que l’État partie note que tous les cours ordinaires sont disponibles pendant toute la période de l’emprisonnement alors que certains cours destinés à préparer les prisonniers en vue de leur libération ont lieu dans la période qui précède celle‑ci, l’objectif étant de leur permettre d’en tirer le maximum de profit. Le Comité considère par conséquent que les auteurs n’ont pas étayé aux fins de la recevabilité leur allégation selon laquelle le calendrier et le contenu des cours disponibles en prison soulèvent des questions au titre des articles 7 et 10 du Pacte.
6.5S’agissant de la question de savoir si l’internement préventif est, dans le cas de MM. Harris et Rameka (les autres auteurs), compatible avec le Pacte, le Comité considère que cette plainte a été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité au titre de l’article 7, des paragraphes 1 et 4 de l’article 9, des paragraphes 1 et 3 de l’article 10, et du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte.
Examen quant au fond (Affaires de MM. Rameka et Harris)
7.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.
7.2Le Comité note tout d’abord que, selon la Cour d’appel, M. Harris aurait eu à exécuter une peine de durée déterminée de sept ans et demi «au moins» pour les infractions qu’il avait commises. En conséquence, M. Harris devra purger deux ans et demi de détention, à des fins préventives, avant que la période découlant de sa condamnation à l’internement préventif qui n’est pas sujette à révision n’arrive à son terme. Sachant que l’État partie n’a cité aucun cas où la Commission des libérations conditionnelles a exercé ses pouvoirs exceptionnels l’habilitant à examiner de sa propre initiative le maintien en détention d’un prisonnier avant l’expiration de la période durant laquelle il ne peut prétendre à une libération conditionnelle, le Comité conclut que si la détention de M. Harris pendant deux ans et demi découle de la législation de l’État partie et n’est pas arbitraire, le fait qu’il n’a pu, pour cette période, contester l’existence, à ce moment‑là, de justification matérielle à son maintien en détention à des fins préventives, est une violation de son droit, en vertu du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte, de saisir un «tribunal» pour qu’il se prononce sur la question de la légalité de sa détention pendant cette période.
7.3Abordant la question de la compatibilité avec le Pacte des condamnations à l’internement préventif de MM. Rameka et Harris après l’expiration de la période de 10 ans durant laquelle le prisonnier ne peut prétendre à la libération conditionnelle, le Comité note qu’au terme de cette période des examens annuels obligatoires sont effectués par une commission des libérations conditionnelles indépendante et compétente pour ordonner la libération du prisonnier s’il ne représente plus un grand danger pour le public, et que les décisions de cet organe peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Le Comité estime que la détention des deux autres auteurs à des fins préventives, à savoir la protection du public, une fois que la partie punitive de la sentence a été exécutée, doit se fonder sur des raisons impérieuses pouvant être contrôlées par une autorité judiciaire et qui subsistent pendant toute la durée de la détention à ces fins. Le respect du principe selon lequel une prolongation de la détention doit être exempte d’arbitraire devra donc être assuré par des examens périodiques réguliers du cas d’espèce par un organe indépendant, le but étant de déterminer si le maintien en détention reste nécessaire pour assurer la protection du public. Le Comité est d’avis que les autres auteurs n’ont pas démontré que les examens annuels obligatoires de la détention par la Commission des libérations conditionnelles, organe dont les décisions sont sujettes au contrôle de la Haute Cour et de la Cour d’appel, ne répondent pas à ce critère. En conséquence, les autres auteurs n’ont pas établi qu’à l’heure actuelle l’application future des peines qu’ils ont commencé à exécuter constituera une détention arbitraire contraire à l’article 9, une fois que la partie préventive de la peine commencera.
7.4En outre, en ce qui concerne la capacité de la Commission des libérations conditionnelles de remplir les fonctions judiciaires assumées par un «tribunal» et de se prononcer sur la légalité d’un maintien en détention conformément au paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte, le Comité note que les deux autres auteurs n’ont avancé aucun argument permettant d’affirmer que la Commission, telle qu’elle a été instituée par la législation de l’État partie, devrait être considérée comme n’étant pas assez indépendante ou comme impartiale ou déficiente sur le plan de la procédure. Le Comité note en outre que la décision de la Commission est sujette au contrôle de la Haute Cour et de la Cour d’appel. De l’avis du Comité, il découle aussi du fait que l’internement préventif est en principe autorisé, à condition toujours que les garanties nécessaires existent et soient effectivement exercées, que la détention à cette fin n’est pas contraire à la présomption d’innocence dès lors que les autres auteurs n’ont fait l’objet d’aucune accusation pouvant soulever des questions au titre du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte. Comme l’internement à des fins préventives dans le cas des deux autres auteurs n’est pas arbitraire au regard de l’article 9 et qu’aucune souffrance allant au‑delà des incidents normaux dont s’accompagne une détention n’a été alléguée, le Comité conclut également que les autres auteurs ne sont pas fondés en vertu du paragraphe 1 de l’article 10 à affirmer que leur condamnation à l’internement préventif constitue une violation de leur droit en tant que prisonniers d’être traités avec le respect de leur dignité en tant qu’êtres humains.
8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte dans le cas de M. Harris.
9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à M. Harris un recours utile, y compris en lui donnant la possibilité de contester les motifs justifiant son maintien en détention à des fins préventives une fois purgée sa peine de sept ans et demi. L’État partie est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.
10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est aussi tenu de publier lesdites constatations.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]
APPENDICE
Opinion individuelle, partiellement dissidente, de M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M me Christine Chanet, M. Glèlè Ahanhanzo et M. Hipólito Solari Yrigoyen
Lorsqu’il déclare au paragraphe 7.2 de sa décision que la détention de M. Harris découle de la législation de l’État partie et n’est pas arbitraire, le Comité procède par affirmation et non par démonstration.
À notre avis, le caractère arbitraire d’une telle détention, même légale, réside dans l’évaluation de la possibilité de récidive qui repose sur une base scientifique peu fiable. Comment peut-on sérieusement affirmer qu’une personne «présente un risque de récidive de 20 %»?
Un internement préventif fondé sur des prévisions établies à partir de critères aussi flous est à notre sens contraire au paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.
Aussi loin qu’aillent les contrôles effectués dans le cadre de la procédure de libération conditionnelle pour éviter des violations du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte, c’est le principe même de cette mesure exclusivement fondée sur une dangerosité potentielle que nous contestons, et ce d’autant plus qu’elle prend souvent le relais d’une peine d’emprisonnement dont elle devient le simple prolongement, pour ne pas dire le prolongement «facile».
Souvent présenté comme une mesure de sûreté, ce type d’internement est en réalité une véritable peine, et sa dénaturation est un moyen de contourner les exigences des articles 14 et 15 du Pacte.
L’internement préventif ordonné dans de telles conditions ne revêt aucun caractère de prévisibilité pour le justiciable: la durée peut en être indéterminée. S’en remettre à une prévision de dangerosité revient à substituer une présomption de culpabilité à la présomption d’innocence.
Paradoxalement, une personne censée être dangereuse mais qui n’a pas encore commis l’infraction dont on la croit capable est moins bien protégée par la loi que celle qui a effectivement commis une infraction.
Cette situation est source d’insécurité juridique et d’une grande tentation pour les juges qui voudraient s’affranchir des dispositions contraignantes des articles 14 et 15 du Pacte.
(Signé) Prafullachandra Natwarlal Bhagwati(Signé) Christine Chanet(Signé) Maurice Glèlè Ahanhanzo(Signé) Hipólito Solari Yrigoyen
[Adopté en anglais, en espagnol et en français (version originale). Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]
Opinion individuelle, partiellement dissidente, de M. Walter Kälin
Au paragraphe 7.2 de ses constatations, le Comité note que M. Harris purgera une peine d’emprisonnement de deux ans et demi, à des fins préventives, avant de pouvoir saisir la Commission des libérations conditionnelles au bout de 10 ans d’emprisonnement au total et que le fait de lui dénier l’accès à un «tribunal» pendant cette période est une violation de son droit en vertu du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte. Il part du principe que M. Harris aurait été condamné, selon la Cour d’appel, à une peine de durée déterminée «d’au moins» sept ans et demi pour les infractions qu’il a commises. Tout en notant qu’une peine fixe «d’au moins» sept ans et demi se justifiait, la Cour ne l’a cependant pas imposée, y substituant une peine d’internement administratif dès le départ. Les peines fixes doivent être proportionnelles à la gravité de l’infraction et au degré de culpabilité, et elles servent de nombreux objectifs, dont le châtiment, la réinsertion et la prévention. En revanche, comme l’énoncent clairement les dispositions de l’article 75 de la loi de 1985 de l’État partie sur la justice pénale, l’internement préventif ne contient pas d’élément punitif et a pour seul but de protéger le public contre un individu dont la justice considère qu’il présente «un risque important» de commettre une infraction donnée s’il était libéré. Bien que l’internement préventif soit toujours motivé par la commission d’une infraction grave, il n’est pas imposé pour ce que l’intéressé a fait dans le passé, mais bien pour ce qu’il représente, c’est-à-dire une personne dangereuse qui risque de commettre des infractions à l’avenir. Si l’internement préventif aux fins de mettre le public à l’abri de criminels dangereux n’est pas proscrit en tant que tel en vertu du Pacte et si son imposition est parfois inévitable, il doit faire l’objet des garanties de procédure les plus strictes, comme prévu à l’article 9 du Pacte, y compris d’un examen judiciaire périodique pour déterminer s’il reste légal. Ce contrôle est nécessaire étant donné que tout être humain peut changer et s’amender, c’est-à-dire devenir moins dangereux avec le temps (parce qu’il a fait un travail sur lui‑même, qu’il a suivi une thérapie qui a donné de bons résultats ou qu’une maladie a amoindri sa capacité physique de commettre une catégorie donnée d’infractions). En l’espèce, M. Harris ne s’est pas vu imposer une peine fixe visant à sanctionner son comportement passé, il a été emprisonné aux seules fins de protéger le public. Je conclus donc que son droit «d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale» (par. 4 de l’article 9) a été violé non seulement pendant les deux ans et demi des 10 premières années d’internement préventif, mais aussi pendant toute la durée de cette période. Pour les mêmes raisons, je conclurais que, dans le cas de M. Rameka, l’internement pendant la même durée initiale de 10 ans avant que la Commission des libérations conditionnelles ne se prononce serait aussi une violation du paragraphe 4 de l’article 9.
(Signé) Walter Kälin
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]
Opinion individuelle (dissidente) de M. Rajsoomer Lallah
Je ne peux malheureusement pas m’associer à la conclusion de la majorité des membres du Comité selon laquelle il n’y a pas eu violation du Pacte, sauf dans le cas de M. Harris où il y a eu violation du paragraphe 4 de l’article 9 (par. 7.2 des constatations du Comité). Je ne pense pas non plus, pour les raisons énoncées au deuxième paragraphe de cette opinion individuelle, que le Comité aurait dû déclarer la communication recevable pour ce qui concerne seulement l’article 7, les paragraphes 1 et 4 de l’article 9, les paragraphes 1 et 3 de l’article 10 et, enfin, le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte (par. 6.5 des constatations), et non pour ce qui concerne l’article 14 et le paragraphe 1 de l’article 15.
Certes, il semble ressortir du paragraphe 1 des constatations que les auteurs ont mentionné des dispositions particulières du Pacte. Toutefois, en vertu du Protocole facultatif, les auteurs sont seulement tenus de présenter leurs affirmations, leurs observations et leurs arguments à l’appui de leur plainte de manière à ce que l’État partie ait la possibilité d’y répondre. C’est ce que bien des auteurs ont fait par le passé. Il appartient au Comité d’examiner et de déterminer, à la lumière de toutes les informations fournies par les auteurs et par l’État partie, celles des dispositions du Pacte qui sont ou ne sont pas pertinentes. En tout état de cause, en examinant l’application ou l’interprétation de dispositions données, il peut s’avérer nécessaire de tenir compte de l’effet d’autres dispositions du Pacte, à condition qu’une partie ait toujours la possibilité d’examiner les faits, les observations ou les arguments présentés par l’autre partie.
La plainte des auteurs porte sur un certain nombre de questions. La plus importante, à mon avis, est qu’ils affirment que, dans leur cas, l’internement préventif est contraire au Pacte et, plus précisément, qu’ils ont en fait été condamnés et châtiés pour ce qu’ils pourraient faire après avoir été libérés plutôt que pour ce qu’ils ont fait, autrement dit qu’ils ont été punis pour des crimes qui n’ont pas été commis et pourraient ne jamais l’être. Cette plainte exige, à mon sens, l’examen de l’application de l’article 14 ainsi que du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte.
J’affirme respectueusement que la majorité des membres du Comité semblent être simplement partis de l’hypothèse que «l’internement préventif», prescrit expressément par la loi néo-zélandaise comme peine pour certaines infractions pénales, est légal au regard de l’article 9 du Pacte. La disposition contenue dans la deuxième phrase du paragraphe 1 de l’article 9 donne indéniablement aux États parties la latitude de déterminer les motifs pour lesquels une personne peut être privée de sa liberté et la procédure à suivre dans ce cas.
Comme le Comité l’a fait observer dès 1982 dans son Observation générale no 8 portant sur l’article 9 du Pacte, le paragraphe 1 de cet article s’applique à tous les cas de privation de liberté, qu’il s’agisse d’infractions pénales ou d’autres cas tels que, par exemple, les maladies mentales, le vagabondage, la toxicomanie, les mesures d’éducation ou le contrôle de l’immigration. Toutefois, et les motifs, et la procédure, qui doivent être prévus par la loi en vertu du paragraphe 1 de l’article 9, doivent être conformes aux autres droits énoncés dans le Pacte.
Il en découle donc nécessairement que, lorsque l’un des motifs invoqués est un certain type de comportement qui, dans des circonstances particulières, est érigé en infraction pénale et sanctionné par une peine privative de liberté, non seulement l’infraction mais aussi sa sanction doivent être conformes aux garanties prévues au paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte. À mon sens, les dispositions énoncées dans ce paragraphe contiennent, notamment, deux éléments importants. Premièrement, il ne peut y avoir infraction pénale que pour les actes passés. Deuxièmement, la sanction correspondante ne peut être infligée que pour ces actes. Elle ne peut être étendue à un état psychologique qui pourrait éventuellement être celui de l’auteur quelque 10 ans plus tard et lui faire courir le risque de rester en détention alors qu’il a déjà exécuté l’élément punitif de sa peine. De plus, la procédure à laquelle ces infractions donnent lieu et la sanction imposée doivent, elles aussi, satisfaire aux critères d’un procès équitable garanti par l’article 14 du Pacte.
Le viol est indéniablement une infraction grave et la violence à l’égard des femmes exige qu’un État partie adopte toutes les mesures appropriées pour la combattre, y compris la criminalisation qui satisfait aux garanties énoncées dans les articles 14 et 15 du Pacte, ainsi que le traitement des condamnés, leur amendement et leur reclassement social, que l’État partie a l’obligation d’entreprendre en vertu du paragraphe 3 de l’article 10. En outre, rien n’empêche un État partie de prendre des mesures pour faire superviser et contrôler efficacement, par la voie administrative ou par la police, le comportement d’anciens délinquants après leur libération, lorsqu’il y a de bonnes raisons de craindre une récidive.
Selon les informations fournies par les auteurs et l’État partie, il semblerait que la durée minimale de l’internement préventif était à l’époque fixée à 10 ans par la loi et qu’elle a été aujourd’hui ramenée à 5 ans, mais que la loi ne prévoit pas de maximum. La détermination de la durée maximale de l’internement échappe donc à la compétence du tribunal et est laissée à l’appréciation d’une commission des libérations conditionnelles, avec le résultat que la loi empêche le tribunal de fixer la durée de la peine. L’État partie considère que le minimum de 10 ans prévu par la loi représente l’élément punitif de la sanction, la Commission des libérations conditionnelles étant chargée de revoir périodiquement la durée de la peine puisque celle‑ci prend un caractère préventif et, en principe, n’est pas assortie d’une limite maximale, ce qui, en soi, soulève manifestement une grave question de proportionnalité.
Je note que les informations à la disposition du Comité indiquent que l’internement après la période dite punitive se poursuit en prison. Dans ces conditions, la distinction entre l’élément «punitif» et l’élément «préventif» de la sanction devient en fait purement théorique. Une fois enlevés les oripeaux de la loi qui, prétendument, donne au tribunal le pouvoir de prononcer la peine, la réalité est que, quant au fond et dans la pratique, celui-ci ne peut fixer qu’une partie de la peine (qui de plus est sujette à une durée minimale fixée par la loi sur laquelle il n’a ni contrôle ni pouvoir discrétionnaire). C’est un organe administratif qui décide du reste de la peine, sans les garanties d’un procès équitable énoncées à l’article 14. Il n’y a évidemment rien à redire à des mesures légales qui permettent une libération anticipée, mais il en va tout autrement lorsqu’une instance administrative a le pouvoir de déterminer en fait la durée de la peine au‑delà du minimum fixé par la loi.
Mes conclusions seraient donc les suivantes:
i)S’il est légitime de considérer que le comportement passé, bon ou mauvais, est un facteur dont il faut tenir compte en fixant la peine, il y a eu violation du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte, parce que les dispositions de cet article prévoient uniquement la criminalisation et la sanction, par la loi, d’actes passés et non celles d’actes dont on craint qu’ils ne se produisent à l’avenir;
ii)Il y a aussi violation du paragraphe 1 de l’article 15 parce que la loi ne prescrit pas que le tribunal doit imposer une peine fixe;
iii)Il y a violation du paragraphe 1 de l’article 14 en ce qu’un procès équitable exige que le tribunal saisi ait compétence pour prononcer une peine fixe et non une peine de durée minimale fixée par la loi. De plus, la loi de l’État partie délègue en fait cette compétence à un organe administratif qui déterminera la durée de la peine à un moment donné par la suite, sans qu’il y ait respect des garanties d’un procès équitable prévues à l’article 14 du Pacte;
iv)Il y a aussi violation du paragraphe 2 de l’article 14, parce que l’appréciation anticipée de ce qui risque de se produire au bout d’une dizaine d’années, avant même que ne se fassent sentir les bienfaits du traitement, de l’amendement et de la réadaptation sociale exigés au paragraphe 3 de l’article 10, ne saurait en aucun cas satisfaire aux critères essentiels de la charge de la preuve. À cet égard, bien qu’ils entrent en ligne de compte dans le prononcé de la peine, même des comportements criminels passés ayant donné lieu à une condamnation doivent être prouvés au‑delà d’un doute raisonnable s’ils sont contestés par l’accusé;
v)Il est donc inexact de considérer qu’il y a violation du paragraphe 4 de l’article 9 qui n’est pas applicable à la lumière de ce qui précède. À supposer qu’il y ait eu violation de l’article 9, ce serait de son paragraphe 1, étant donné que l’État partie ne l’a pas interprété à la lumière d’autres dispositions applicables du Pacte, en particulier des articles 14 et 15. Mais une violation de ces articles, ou de leurs dispositions pertinentes, a déjà été constatée.
(Signé) Rajsoomer Lallah
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]
Opinion individuelle (partiellement dissidente) de M. Shearer et de M. Roman Wieruszewski, à laquelle M. Nisuke Ando s’associe
Les raisons pour lesquelles il a été décidé que l’État partie n’a pas violé le Pacte en ce qui concerne la peine d’internement préventif imposée à M. Rameka, avec lesquelles nous sommes d’accord, s’appliquent également à notre sens au cas de M. Harris. Le Comité a fait une distinction entre les cas de ces deux auteurs parce que, s’agissant de M. Rameka, une peine d’une durée déterminée de 14 ans d’emprisonnement a été imposée pour un chef d’inculpation, qui doit être purgée en même temps que la peine d’internement préventif imposée pour un autre chef. Dans le cas de M. Harris, la peine fixe aurait été de 7 ans et demi si la Cour d’appel n’avait pas décidé qu’un internement préventif était justifié aux fins de protéger la collectivité, laissant ainsi un écart de deux ans et demi entre l’expiration de cette peine potentielle et la fin de la période d’internement préventif qui n’est pas sujette à libération conditionnelle (10 ans).
L’auteur lui‑même n’a pas présenté d’arguments au Comité fondés sur cet «écart» réel ou hypothétique non sujet à révision.
Nous estimons qu’il n’est pas approprié de distinguer dans l’internement préventif de durée indéterminée une partie punitive et une partie préventive. Contrairement aux peines fixes, qui répondent aux objectifs traditionnels de l’emprisonnement − punir et réformer le condamné, le dissuader de récidiver et dissuader d’autres de commettre des infractions à l’avenir et offrir réparation à la victime et à la collectivité −, les peines d’internement préventif ne visent qu’à protéger le public contre tout comportement dangereux d’un condamné à l’avenir lorsque les peines fixes qui lui ont été imposées par le passé n’ont manifestement pas atteint leur but.
En vertu de la loi de l’État partie applicable aux auteurs, la peine d’internement préventif ne peut être révisée avant 10 ans par la Commission des libérations conditionnelles (dont les décisions doivent être examinées par un tribunal). À la suite d’un amendement récent à cette loi, la durée non sujette à révision a été ramenée à 5 ans. Même la peine la plus longue ne peut être considérée comme arbitraire ou déraisonnable à la lumière des circonstances dans lesquelles elle est imposée. La loi de l’État partie qui régit l’internement préventif ne peut à notre sens être considérée comme contraire au Pacte. Plus précisément, le paragraphe 4 de l’article 9 ne peut être interprété comme ouvrant droit au réexamen judiciaire d’une peine dans tous les cas sans exception.
(Signé) Ivan Shearer
(Signé) Roman Wieruszewski
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]
Opinion individuelle (partiellement dissidente) de M. Nisuke Ando
J’approuve sans réserve l’opinion de MM. Shearer et Wieruszewski et tiens, en outre, à préciser ce qui suit:
La majorité des membres du Comité semble constater une violation du paragraphe 4 de l’article 9 dans le cas de M. Harris, partant de l’hypothèse que la durée de l’emprisonnement en vertu de la loi néo‑zélandaise pertinente devrait être divisée en deux parties, une partie punitive qui consiste en une peine d’emprisonnement de durée déterminée (celle qui n’est pas sujette à libération conditionnelle), et une partie préventive qui est de durée indéfinie ou flexible. Cette hypothèse est à mon sens artificielle et dénuée de validité.
Dans bien d’autres États parties au Pacte, les tribunaux imposent souvent au condamné une peine d’emprisonnement de durée flexible (c’est‑à‑dire de 5 à 10 ans) si bien que celui‑ci, s’il doit être emprisonné au moins pour la durée minimale (5 ans), peut être libéré avant l’expiration de la durée maximale (10 ans) selon qu’il s’est ou non amendé ou réformé. En substance, cette peine d’emprisonnement de durée flexible est comparable au régime de l’internement préventif prévu par la loi néo‑zélandaise.
Les termes «internement préventif» peuvent donner l’impression qu’il s’agit essentiellement d’un internement de nature administrative par opposition à un internement de nature judiciaire. Mais le Comité devrait tenir compte non de l’appellation mais de la substance de toute institution juridique d’un État partie lorsqu’il en détermine le caractère légal. Autrement dit, si le Comité estime que la condamnation à une peine d’emprisonnement d’une durée flexible est compatible avec le Pacte, il n’y a aucune raison qu’il en aille autrement de l’internement préventif prévu par la loi néo‑zélandaise. En fait, le paragraphe 2 de l’article 31 du Pacte dispose que le Comité doit représenter «les principaux systèmes juridiques du monde».
(Signé) Nisuke Ando
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]
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