Nations Unies

CCPR/C/101/D/1758/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

21 avril 2011

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

101 e session

14 mars-1er avril 2011

Constatations

Communication no 1758/2008

Présentée par:

Emelysifa Jessop (représentée par deux conseils, Tony Ellis et Alison Wills)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Nouvelle-Zélande

Date de la communication:

16 octobre 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 7 février 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations:

29 mars 2011

Objet:

Arrestation, procès et condamnation d’une délinquante mineure

Questions de procédure:

Griefs non étayés; non-épuisement des recours internes; qualité de victime; irrecevabilité des griefs ratione materiae

Questions de fond:

Droit à un recours utile; détention arbitraire; droit des personnes privées de liberté d’être traitées avec humanité et respect; droit des mineurs d’être jugés le plus promptement possible; droit à un procès équitable; droit à la défense; impartialité des juges; égalité des armes; droit d’interroger les témoins; diligence de la procédure; présomption d’innocence; droit de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même; délinquants mineurs; droit de faire réexaminer la déclaration de culpabilité et la condamnation; droit de chacun à la reconnaissance de sa personnalité juridique; droit au respect de la vie privée; droit des enfants à des mesures de protection; interdiction de la discrimination

Articles du Pacte:

2 (par. 3), 9 (par. 1 et 3), 10 (par. 2 b) et 3), 14 (par. 1, 2, 3 a), b), c), d), e), g), 4 et 5), 16, 17, 24 et 26

Articles du Protocole facultatif:

1, 2, 3 et 5 (2 b))

Le 29 mars 2011, le Comité des droits de l’homme a examiné le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1758/2008.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (101e session)

concernant la

Communication no 1578/2008 **

Présentée par:

Emelysifa Jessop (représentée par deux conseils, Tony Ellis et Alison Wills)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Nouvelle-Zélande

Date de la communication:

16 octobre 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 29 mars 2011,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1758/2008 présentée au nom de Mme Emelysifa Jessop en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Mme Emelysifa Jessop, née en 1983, qui était âgée de 15 ans lorsqu’elle a été condamnée à une peine d’emprisonnement de quatre ans pour vol qualifié. Elle se déclare victime de violations par la Nouvelle-Zélande des droits qu’elle tient des articles suivants du Pacte international relatif aux droits civils et politiques: article 2 (par. 3); article 9 (par. 1 et 3); article 10 (par. 2 b) et 3); article 14 (par. 1, 2, 3 a), b), c), d), e), g), 4 et 5); article 16; article 17; article 24; et article 26. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la Nouvelle-Zélande le 26 mai 1989. L’auteur est représentée par deux conseils, M. Tony Ellis et Mme Alison Wills.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est une immigrée, née en 1983 de parents niouéens, avec lesquels elle est arrivée en Nouvelle-Zélande à l’âge de 2 mois. Le 2 juin 1998, elle a été inculpée de vol qualifié. La victime, un homme âgé de 87 ans, avait été violemment agressé et volé le jour même à son domicile. Aux environs de 15 heures, l’auteur et sa cousine âgée de 15 ans avaient rendu visite à une amie de cette dernière, chez qui elles avaient bu jusqu’à s’enivrer. À un certain moment, la cousine de l’auteur avait quitté l’appartement, laissant l’auteur avec son amie. Le vol avec agression avait eu lieu aux alentours de 18 heures. Peu après, un voisin avait signalé à la police qu’il avait vu deux filles devant l’appartement. Il avait pu décrire leurs vêtements mais pas leur visage. L’auteur et la coïnculpée avaient été arrêtées autour de 19 h 30.

2.2La cousine de l’auteur (la coïnculpée) avait par la suite reconnu l’agression et le vol et, dans sa déclaration au procès, elle a affirmé que l’auteur n’était pas présente lorsque l’infraction avait été commise. Cela concorde avec la déclaration initiale de la victime indiquant que le vol avait été perpétré par une seule fille. Après l’arrestation de l’auteur et celle de sa cousine, le vieil homme a affirmé que les voleuses étaient deux. Des raisons de santé l’ont empêché de témoigner au procès.

2.3L’auteur, qui était âgée de 14 ans et 9 mois au moment de l’infraction, a toujours clamé son innocence. Elle affirme avoir été détenue arbitrairement après son arrestation, alors qu’elle était ivre, pour être soumise à une séance d’identification organisée par la police peu de temps après les faits. Le voisin qui avait été témoin de l’infraction a identifié l’auteur et la coïnculpée.

2.4Quelques heures plus tard, au poste de police, l’auteur avait d’abord nié; l’interrogatoire avait été enregistré. Toutefois, cédant aux pressions de la police et de sa mère, elle avait ensuite fait des «aveux», qui commençaient par une phrase en niouéen, sa langue maternelle, signifiant «Maintenant je vais mentir.», et qui avaient été enregistrés par vidéo. Juste après ces aveux, l’auteur a été arrêtée et inculpée.

2.5Une réunion avec la famille a eu lieu le 15 juin 1998 mais elle n’a pas permis d’aboutir à un accord sur la juridiction compétente en l’espèce. Le 30 juin 1998, le juge du tribunal pour mineurs d’Otahuhu a rendu un jugement sur la compétence, mais il a renvoyé l’affaire devant la High Court de Nouvelle-Zélande qui, le 22 juillet 1998, a condamné l’auteur et la coïnculpée à un emprisonnement de quatre ans. L’auteur, qui était alors âgée de 14 ans et 10 mois, fait valoir que les procédures suivies par cette juridiction ne sont pas adaptées pour les enfants.

2.6Le 2 mars 1999, la Cour d’appel de Nouvelle-Zélande a admis le recours formé par l’auteur car elle a estimé que la procédure telle qu’elle avait été menée par le tribunal pour mineurs n’était pas conforme aux prescriptions de la loi sur les procédures sommaires, qui dispose qu’il doit être donné lecture de l’acte d’accusation à l’inculpé, lequel est ensuite invité à indiquer s’il plaide coupable ou non coupable. Le tribunal pour mineurs n’ayant pas respecté cette règle, la Cour d’appel a annulé la condamnation et la peine prononcées par la High Court et a renvoyé l’affaire devant le tribunal pour mineurs pour que l’auteur puisse dire ce qu’elle entendait plaider, conformément à la loi.

2.7Le 24 juin 1999, l’auteur a plaidé non coupable devant le tribunal pour mineurs et a exposé des motifs suffisants à l’appui de sa cause. Le tribunal pour mineurs a renvoyé l’affaire devant la High Court de Nouvelle-Zélande pour jugement. L’auteur a choisi le procès avec jury.

2.8Le 8 octobre 1999, la High Court a adopté une décision préliminaire établissant que l’enregistrement vidéo de l’interrogatoire de la police constituait une preuve recevable. Le tribunal a estimé que les aveux de culpabilité faits par l’auteur pendant le deuxième interrogatoire étaient sincères et spontanés au sens de la loi sur la preuve car ils n’avaient pas été obtenus par la persuasion ou des pressions et il n’y avait eu aucune irrégularité.

2.9Après une seconde décision préliminaire rejetant la demande d’abandon des accusations déposée par l’auteur, la juge Potter a donné des instructions au jury le 14 octobre 1999; le jury a déclaré l’auteur coupable de vol qualifié. Le 14 décembre 1999 la High Court a rendu un jugement condamnant l’auteur à une peine d’emprisonnement de quatre ans et huit mois. L’auteur avait alors 16 ans et était enceinte de six mois.

2.10Le 14 décembre 1999, soit le jour même de sa condamnation par la High Court, l’auteur a formé un recours devant la Cour d’appel de Nouvelle-Zélande en faisant valoir que ses aveux n’étaient pas sincères et qu’ils n’auraient pas dû être présentés au jury comme une preuve.

2.11En date du 1er février 2000, l’aide juridictionnelle a été refusée et la décision a été confirmée, après réexamen, le 3 mars 2000. Les raisons de ce refus ont été expliquées au défenseur de l’auteur, mais non à elle. Le 30 mars 2000, la Cour d’appel a rejeté l’appel de la condamnation dans une décision ex parte.

2.12Le 26 mars 2000, l’auteur a accouché d’un garçon. On lui a laissé les menottes pendant tout le travail, qui a duré plusieurs heures, et on ne les lui a finalement ôtées qu’au moment de la naissance. Juste après la naissance, l’auteur a dû accepter qu’une gardienne de prison la surveille pendant qu’elle prenait une douche. Son bébé lui a été enlevé vingt-quatre heures après.

2.13En janvier 2002, l’auteur a été libérée après avoir accompli sa peine.

2.14Le 19 mars 2002, dans l’affaire R. v. Taito , le Conseil privé a examiné des requêtes de plusieurs appelants déboutés par la Cour d’appel de Nouvelle-Zélande, dont l’auteur. Le Conseil privé a considéré que la procédure de rejet des appels ex parte était illégale. Cette décision valant pour l’appel de l’auteur de mars 2000, son affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Nouvelle-Zélande.

2.15En date du 19 décembre 2005, la Cour d’appel a rejeté l’appel de la déclaration de culpabilité et de la peine.

2.16Le 27 mars 2006, la demande d’autorisation de former recours devant la Cour suprême a été rejetée sans qu’il y ait une audience. Les griefs de l’auteur, de même que les raisons invoquées par la Cour suprême pour les rejeter, étaient analogues à ce qui figurait dans la décision antérieure de la Cour d’appel.

2.17Le 16 août 2007, l’auteur a déposé auprès de la Cour suprême une requête en annulation du rejet de sa demande d’autorisation de former recours (décision du 27 mars 2006), au motif que la Cour n’avait pas agi de manière impartiale, eu égard à sa composition.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur invoque plusieurs violations du Pacte commises par l’État partie à son endroit, relativement aux faits et aux droits suivants:

Séance d’identification organisée par la police et transport au poste de police

3.2L’auteur affirme qu’elle a été détenue arbitrairement par les services de police de l’État partie aux fins d’une enquête pénale illégale, en violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, jusqu’au moment où elle a été officiellement arrêtée et inculpée. En tant que mineure de 14 ans qui était sous l’emprise de l’alcool, elle ne pouvait pas avoir «consenti» à participer à une séance d’identification organisée par la police. Celle-ci n’avait pas pris contact avec ses parents pour obtenir, en son nom, leur consentement.

Interrogatoire au poste de police

3.3L’auteur affirme qu’une fois au poste de police, et bien que la police prétende qu’elle a été informée de son droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat, les policiers n’avaient pas vérifié qu’elle avait bien compris que c’était nécessaire, ce qui constituait une violation du paragraphe 1 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10 et des paragraphes 3 b) et 4 de l’article 14 du Pacte.

3.4L’auteur fait valoir en outre que l’État partie ne s’est pas assuré que la personne désignée pour la soutenir en application de la loi sur les enfants, les adolescents et les familles (1989), qui en l’occurrence était sa mère, agissait au mieux de ses intérêts.

Droit de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s’avouer coupable

3.5L’auteur affirme qu’elle a été contrainte d’avouer une infraction qu’elle n’avait pas commise, en raison des pressions exercées par la police et sa mère, agissant en qualité de personne désignée pour la soutenir, et de l’absence de garanties compte tenu de sa vulnérabilité en tant qu’enfant. Elle avait d’abord nié catégoriquement sa participation à l’infraction, mais la coïnculpée l’avait par la suite mise en cause dans sa déclaration à la police. La police et sa propre mère, qui avait peur de la police, n’avaient pas tenu compte de la phrase qu’elle avait prononcée avant ses aveux: «Maintenant je vais mentir.». Par conséquent, le fait de retenir ses aveux au procès était contraire aux droits consacrés par le paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte.

Violation du droit à la présomption d’innocence et du droit à un recours utile

3.6L’auteur affirme que le droit à la présomption d’innocence a été violé parce qu’elle a été condamnée à un emprisonnement de quatre ans sans qu’elle ait plaidé coupable. Bien que l’affaire ait été renvoyée devant le tribunal pour mineurs pour être rejugée à cause de cette irrégularité initiale, la peine a été confirmée. Dès lors, l’État partie a enfreint le paragraphe 2 de l’article 14, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, car il ne lui a pas assuré un recours utile pour la violation du droit à la présomption d’innocence.

Renvoi de l’affaire devant la High Court et procès équitable

3.7L’auteur affirme que le renvoi de l’affaire devant la High Court par le tribunal pour mineurs, le 30 juin 1998 et le 24 juin 1999, constitue une violation du droit à un procès équitable. En l’absence de demande de la part de l’une des parties, le tribunal pour mineurs aurait dû exercer d’office le pouvoir discrétionnaire qu’il détient de déterminer si l’intérêt supérieur de l’auteur était respecté et analyser les conséquences qu’auraient pour elle des poursuites devant la High Court.

3.8L’auteur ajoute que rien n’a été fait pour garantir qu’elle puisse participer efficacement à la procédure pénale, compte tenu de sa condition de mineur et de la capacité psychologique qu’elle avait, en tant que telle, de comprendre la procédure et d’y prendre part. L’auteur affirme qu’ainsi l’État partie a commis des manquements aux paragraphes 2, 3 d) et 4 de l’article 14 du Pacte, et aux articles 16, 24 et 26.

Retards dans la procédure

3.9L’auteur fait valoir que le renvoi de l’affaire devant la High Court a entraîné un retard indu de seize mois dans le procès, imputable à l’erreur de fond commise en ce qui concerne ce qu’elle entendait plaider, formé ensuite devant la Cour d’appel et la décision du tribunal pour mineurs de renvoyer l’affaire devant la High Court. Ce retard important a été aggravé par le fait qu’elle soit restée détenue pendant un an avant le procès.

3.10Elle ajoute qu’il y a eu un retard supplémentaire de deux ans entre le 30 mars 2000, date à laquelle il a été statué ex parte sur son deuxième recours, et le 19 mars 2002, date de la décision du Conseil privé dans l’affaire R. v. Taito .

3.11En outre, l’auteur fait valoir que trois autres années se sont écoulées entre la décision du Conseil privé, en mars 2002, et l’examen de son recours par la Cour d’appel, le 19 décembre 2005, dont au moins une année peut être imputée à la Cour d’appel, qui ne disposait pas des pièces nécessaires, comme l’exposé final du juge, les notes du jugement, et un dossier complet du recours. L’auteur ajoute que, en tout, entre la date du deuxième recours, en mars 2000, et la date du cinquième recours, déposé en août 2007 devant la Cour suprême, il s’est écoulé six ans et demi, dont quatre ans et demi étaient injustifiés. Pour ces raisons elle se dit victime de violations du paragraphe 3 de l’article 9, du paragraphe 2 b) de l’article 10 et des paragraphes 3 c), 4 et 5 de l’article 14 du Pacte. Elle ajoute que ces violations ont été aggravées du fait qu’elle était en détention pendant toute la procédure devant la Cour d’appel, de mars 2000 à janvier 2002. Elle avait déjà exécuté sa peine au moment de son troisième appel.

Partialité judiciaire

i) High Court

3.12L’auteur fait valoir que la juge Potter, qui l’avait condamnée à un emprisonnement de quatre ans lorsqu’elle siégeait à la High Court, était Présidente au procès avec jury pour juger les mêmes faits. S’il est vrai qu’à ce moment son conseil n’a pas demandé la récusation de la juge, l’auteur n’a pas été consultée et n’a pas renoncé à ce droit en connaissance de cause. Cela constitue une atteinte aux paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte. L’auteur affirme aussi qu’un autre juge, le juge Robertson, n’aurait pas dû connaître de la demande d’abandon des charges déposée en octobre 1999 car il était membre de la Cour d’appel quand celle-ci a examiné le recours de mars 1999.

ii)Cour d’appel de Nouvelle-Zélande

3.13L’auteur fait valoir en outre que la Cour d’appel était composée de deux juges permanents de la Cour et d’un juge de la High Court (le juge Panckhurst), nommé par le Président de la Cour suprême. L’auteur a demandé copie de l’ordonnance de désignation du juge, ce qui lui a été refusé. Sa contestation de la décision a aussi été rejetée. Elle a ensuite demandé à la juge Glazebrook, Président par intérim de la Cour d’appel, de se déporter en rapport avec la nomination du juge Panckhurst, au motif qu’elle avait fait preuve de parti pris et d’une partialité manifeste, mais la juge a refusé. La Cour a aussi rejeté la demande par laquelle l’auteur sollicitait que le recours soit renvoyé à la formation plénière, et a examiné le recours. C’est pourquoi, et dans les circonstances décrites plus haut, l’auteur affirme que la Cour s’est montrée hostile.

iii)Cour suprême

3.14L’auteur affirme aussi que l’examen en mars 2006 du recours formé devant la Cour suprême était également entaché de vices au sens de l’article 14 du Pacte. D’après elle les juges Elias et Tipping étaient de parti pris. À l’appui de son allégation, elle explique que le Président de la Cour suprême, le juge Elias, était membre de la Cour d’appel lorsqu’elle avait annulé le jugement, le 2 mars 1999. En outre, le juge Tipping était un des juges qui avait rejeté son recours ex parte en mars 2000 et qui avait, avec d’autres juges, fourni des éléments à une commission parlementaire de réforme du droit portant sur la révision de la procédure d’appel au pénal évoquée dans la décision Taito. Selon l’auteur, ces éléments constituent une violation supplémentaire des paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte.

Impossibilité d’interroger des témoins

3.15L’auteur affirme que l’État partie n’a pas fait en sorte que la victime, M. K., puisse subir un contre-interrogatoire au procès, ce qui a eu de graves conséquences pour elle compte tenu des propos contradictoires de M. K. qui, dans sa première déclaration du 3 juin 1998, avait dit qu’il était presque aveugle mais n’avait entendu qu’une fille crier après lui. Dans la seconde, il avait indiqué que deux filles étaient entrées dans son appartement en criant toutes les deux. Il a été considéré comme inapte à comparaître au procès à cause de son état de santé. Les demandes présentées au procureur par l’avocat de la défense pour que M. K. soit interrogé par un conseil indépendant ont été rejetées. Le procureur a considéré que l’auteur et sa coïnculpée avaient toutes deux admis leur présence dans l’appartement de M. K. Il serait compréhensible que celui-ci ne soit plus sûr de ce qui s’était passé étant donné la nature de l’agression, le temps qui s’était écoulé depuis et sa mauvaise vue. De la même manière, le tribunal a rejeté la demande d’abandon des charges contre l’auteur au titre de l’article 347 de la loi pénale de 1961 au motif que l’absence de M. K. au procès lui porterait préjudice. Il aurait dû étudier de façon approfondie la possibilité que M. K. témoigne depuis son domicile ou ajourner le procès jusqu’à ce qu’il le puisse. En ne faisant pas ces démarches, le tribunal a compromis l’équité du procès. Ces faits constituent une violation du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte.

Peine prononcée

3.16Le juge de jugement n’a pas décompté les onze mois que l’auteur avait passés en détention, au motif que, conformément à la loi, la période de détention avant jugement dans un établissement pour mineurs ne pouvait pas être prise en compte. L’auteur fait aussi valoir que la peine de quatre ans et huit mois visait exclusivement à punir et non à assurer la réinsertion, qu’elle était disproportionnée au regard des circonstances et de la gravité de l’infraction commise et contrevenait au principe qui veut que la privation de liberté des mineurs soit une mesure de dernier ressort. Selon l’auteur, il y a eu violation des droits reconnus au paragraphe 3 de l’article 9, au paragraphe 3 de l’article 10, au paragraphe 4 de l’article 14 et à l’article 24 du Pacte.

Droit de faire examiner par une juridiction supérieure la condamnation et la déclaration de culpabilité

3.17L’auteur dit qu’elle n’a pas pu bénéficier du droit de faire examiner la déclaration de culpabilité par une juridiction supérieure conformément à la loi, en violation des paragraphes 3 d), 3 e) et 5 de l’article 14 et de l’article 26 du Pacte, quand la Cour d’appel a rejeté son recours ex parte, sans tenir d’audience. Les motifs du rejet ont été communiqués uniquement à son conseil.

3.18L’auteur allègue également que le rejet par la Cour suprême, le 27 mars 2006, du recours qu’elle avait formé constitue aussi une violation de l’article 14, car la décision ne comportait que quatre paragraphes et qu’il n’y avait pas eu d’audience.

Droit au respect de la vie privée

3.19Le nom de l’auteur a été divulgué publiquement dès le premier jugement de la High Court, en juillet 1998, qui a été annulé par la Cour d’appel en mars 1999 puis confirmé au procès avec jury en octobre 1999, ainsi que dans les recours formés en mars 2000 et octobre 2005 et dans la demande d’autorisation de recours devant la Cour suprême en mars 2006. Si elle avait été jugée par le tribunal pour mineurs, son nom n’aurait pas été divulgué étant donné la protection spéciale accordée aux mineurs qui comparaissent devant ces juridictions. Aussi, l’auteur estime-t-elle que le fait d’avoir confié l’affaire à la High Court constitue une violation du paragraphe 4 de l’article 14 et de l’article 17 du Pacte.

Absence d’activités éducatives et récréatives en détention

3.20L’auteur met en avant les effets que peut avoir une condamnation à une privation de liberté absolue pour une jeune fille de 16 ans, en particulier l’incidence sur le droit à l’éducation et au développement. Quand elle était dans un établissement pour mineurs, avant d’être jugée, elle préparait un diplôme. Mais quand elle a été placée dans une prison pour adultes, après le jugement, elle n’a pas pu poursuivre correctement ses études. L’auteur souligne aussi que la perte de sa culture niouéenne pendant sa détention l’a beaucoup perturbée.

Commentaires supplémentaires de l’auteur

4.1Dans une note du 18 mars 2008, l’auteur informe le Comité, entre autres choses, que sa demande déposée le 16 août 2007, aux fins de réexamen par la Cour suprême de la décision de ne pas autoriser l’appel, en date du 27 mars 2006, a été rejetée le 30 novembre 2007. L’auteur avait donc épuisé tous les recours internes disponibles en Nouvelle-Zélande.

4.2L’auteur indique que le quorum atteint par la Cour suprême dans sa dernière décision comportait deux juges qui l’avaient déjà déboutée de sa demande en mars 2006 (les juges Elias et Blanchard). Elle affirme que la participation du juge Elias (qui avait aussi connu de l’appel de 1999), ne s’était pas limitée à des considérations techniques et avait conduit à une violation des droits consacrés au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Elle conteste aussi la participation dans la décision rendue par la Cour suprême le 27 mars 2006 du juge Tipping, qui avait aussi connu du recours formé par l’auteur en 2000, et avait aussi été associé à des groupes de pression parlementaires concernant la question des décisions d’appel rendues ex parte. Étant donné que les juges de la Cour suprême n’avaient pas révélé leur rôle dans ces groupes de pression, il n’avait pas été possible de demander leur récusation. La Cour suprême a rejeté les allégations de partialité avancées par l’auteur, considérant qu’aucun élément objectif et fondé ne justifiait de mettre en doute l’aptitude des juges à statuer sur l’affaire.

4.3Dans la même note, l’auteur informe le Comité que le 11 mars 2008 elle a adressé au Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats une plainte, reprenant les mêmes allégations.

4.4Dans une lettre du 28 octobre 2009, l’auteur fait part d’informations supplémentaires; elle attire l’attention sur l’Observation générale no 10 du Comité des droits de l’enfant et sur les observations finales de celui-ci en ce qui concerne l’administration de la justice des mineurs. Elle réaffirme que son droit à la présomption d’innocence, son droit d’être entendue et son droit au respect de la vie privée ont été violés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Dans une note du 7 août 2008, l’État partie fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable, essentiellement parce que plusieurs des allégations avancées par l’auteur ont déjà été examinées par des juridictions internes et que le Comité ne peut pas agir comme un «organe de quatrième instance».

5.2L’État partie estime que le fait que l’auteur n’ait pas eu la possibilité d’indiquer ce qu’elle entendait plaider lors de sa première comparution devant le tribunal pour mineurs et la procédure viciée qui a suivi ont été réparés par la première décision de la Cour d’appel, qui a renvoyé l’affaire devant le tribunal pour mineurs afin que l’auteur puisse faire savoir si elle entendait plaider coupable ou non coupable. De même, l’examen en mars 2000 du recours formé ensuite par l’auteur auprès de la Cour d’appel, qui s’est prononcée ex parte, a été invalidé en mars 2002, à la suite d’un recours interjeté par l’auteur et 11 autres personnes devant le Conseil privé. Une nouvelle audience devant la Cour d’appel a donc été ordonnée. Par conséquent, ces deux parties de la communication devraient être déclarées irrecevables en vertu de l’article premier du Protocole facultatif, étant donné que l’auteur n’a pas la qualité de victime en ce qui concerne les griefs présentés.

Plainte concernant la séance d’identification organisée par la police

5.3L’État partie considère que les allégations de l’auteur, qui affirme qu’elle a subi la séance d’identification sans donner son consentement parce qu’elle était ivre, qu’elle n’a pas pu consulter un avocat, qu’elle a été forcée de témoigner contre elle-même et a été détenue arbitrairement, devraient être déclarées irrecevables. La Cour d’appel a établi qu’aucun élément ne permettait d’ajouter foi à la plainte de l’auteur qui disait avoir été arrêtée ou retenue avant la séance d’identification. Cette conclusion a été confirmée par la Cour suprême. Aucune preuve n’a été produite au procès tendant à étayer l’affirmation qu’elle était ivre, ou qu’elle n’avait pas consenti à participer à la séance d’identification.

5.4L’État partie affirme en outre, sur le fond, que la communication ne soulève pas de questions au regard des paragraphes 3 b) et g) de l’article 14, vu que l’auteur n’a pas été accusée d’une infraction pénale.

Conduite au poste de police

5.5Pour ce qui est des griefs de violation du paragraphe 1 de l’article 9, des paragraphes 3 b), 3 g) et 4, relativement à une détention arbitraire, l’État partie estime qu’ils devraient être déclarés irrecevables, car ils ont été minutieusement examinés par les juridictions internes et ils ne sont pas fondés. Le grief a été soulevé devant la Cour d’appel, qui l’a écarté après examen des faits, ne trouvait pas d’éléments permettant d’établir que l’arrestation avait été illégale. La Cour suprême a confirmé cette conclusion.

Interrogatoire au poste de police

5.6L’État partie rejette les griefs tirés des paragraphes 3 b) et 3 g) de l’article 14 et du paragraphe 1 de l’article 10, qu’il considère comme irrecevables dans la mesure où l’auteur ne montre pas qu’elle a subi de la part de sa mère, de la police ou de la coïnculpée, des pressions pour avouer sa culpabilité, ou qu’elle n’a pas compris que la présence d’un avocat était de droit. Les faits montrent qu’elle s’est rendue au poste de police de son plein gré, qu’elle a bien compris la déclaration de la police lui expliquant ses droits, y compris le droit d’être assistée par un avocat, et le droit de quitter les lieux à tout moment. Sa mère a été désignée pour la soutenir, conformément à la loi. Elle a de nouveau été informée de ses droits devant sa mère et n’a été interrogée qu’en présence de cette dernière. À aucun moment, qui que ce soit n’a suggéré qu’elle ne comprenait pas ce qu’on lui disait. Étant donné que l’auteur invoque aussi le paragraphe 1 de l’article 10, l’État partie objecte que cette disposition n’est pas applicable puisque l’auteur n’a pas été placée en détention. La High Court, au vu de tous les éléments pertinents, a conclu que l’auteur avait reçu pendant l’enquête un traitement approprié eu égard à son âge.

Recevabilité des aveux de culpabilité

5.7Sur la question des aveux de culpabilité, l’État partie note en outre qu’une audience préliminaire a été expressément consacrée à la question de la recevabilité de ces aveux comme moyen de preuve. Le juge a tenu compte de la vulnérabilité de l’auteur en tant que mineure et de ce qu’elle avait dit en niouéen au début de sa première déclaration, mais a conclu que la police avait pris les précautions voulues et que les faits ne montraient pas qu’elle était désemparée ou perturbée en raison d’une quelconque pression exercée sur elle. Ainsi, le juge a conclu qu’elle s’était soumise volontairement au deuxième interrogatoire La Cour d’appel et la Cour suprême ont toutes deux conclu que la mère de l’auteur avait correctement compris son rôle de personne désignée comme soutien, et il n’y a aucune raison de contester cette appréciation. L’État partie souligne aussi que l’auteur n’a pas contesté la recevabilité des aveux, au regard de la loi sur les enfants, les jeunes et leur famille devant la High Court, ni dans aucun de ses deux premiers recours devant la cour d’appel. Ce n’est que dans le mémoire du troisième appel devant la Cour d’appel, et plus tard devant la Cour suprême, qu’elle a soulevé ces griefs, qui ont été rejetés.

Renvoi de l’affaire devant la High Court

5.8L’État partie, se référant à l’arrêt de la Cour d’appel du 19 décembre 2005, fait remarquer que l’auteur n’a jamais dit qu’elle renonçait à un procès avec jury, et n’a pas non plus formé un recours contre la décision de renvoyer l’affaire devant la High Court, alors que cette possibilité lui était ouverte à ce moment-là. En outre, devant la Cour d’appel, elle n’a pas non plus fait valoir un quelconque vice dans la procédure suivie par la High Court dans le procès avec jury. En conséquence, l’État partie estime que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes sur ce point. Pour ce qui est des griefs tirés du paragraphe 3 a) de l’article 2 et du paragraphe 2 de l’article 14, l’État partie fait remarquer que l’auteur a consenti dans un mémoire à l’admission du recours et au renvoi de l’affaire au tribunal pour mineurs afin de lui permettre d’indiquer ce qu’elle entendait plaider. L’auteur aurait dû raisonnablement prévoir que l’affaire, étant trop grave pour être du ressort du tribunal pour mineurs, allait de nouveau être renvoyée devant la High Court une fois qu’elle aurait annoncé ce qu’elle entendait plaider.

Examen de l’affaire par la juridiction pénale

5.9L’État partie rappelle les antécédents judiciaires de l’auteur, notant qu’elle avait déjà été condamnée en 1997 pour deux chefs de vol avec utilisation de couteaux. L’affaire avait à l’époque été jugée par le tribunal pour mineurs, qui avait prononcé la peine maximale de trois mois d’assignation à résidence, suivie d’une période de liberté surveillée de trois mois. Dans ce contexte, et vu la gravité de l’infraction, l’auteur a été déférée devant la High Court sur l’inculpation de vol qualifié défini à l’article 235 de la loi sur les infractions (1961), délit passible d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à quatorze ans. Comme l’auteur avait moins de 15 ans au moment des faits, les seules possibilités qu’avait le tribunal pour mineurs étaient: a) de prononcer la peine maximale de trois mois d’assignation à résidence suivie de trois mois de liberté surveillée; ou b) de renvoyer l’affaire devant la High Court qui pouvait prononcer une peine plus sévère. Étant donné la gravité de l’infraction, la Cour d’appel a rejeté l’idée que le tribunal pour mineurs aurait pu être la juridiction appropriée pour juger l’auteur.

Condamnation

5.10L’État partie note que la Cour d’appel a confirmé la peine prononcée par la High Court. La condamnation initiale tenait compte des principes régissant les peines applicables aux enfants et la Cour d’appel a considéré qu’il n’y avait rien d’inapproprié dans le fait que le juge de la High Court ait accordé peu d’importance à l’âge de l’auteur au moment des faits eu égard à sa réinsertion future, compte tenu de ses antécédents judiciaires.

Question du décompte du temps passé par l’auteur dans des centres de détention pour mineurs

5.11L’argument de l’auteur, qui fait valoir que la High Court, en prononçant en décembre 1999 une deuxième peine de quatre ans et huit mois, n’avait pas tenu compte des onze mois qu’elle avait déjà passés dans des centres de détention pour mineurs, n’a jamais été soulevé devant les juridictions nationales et pour cette raison est irrecevable. L’État partie apporte en outre les précisions suivantes: après son arrestation le 3 juin 1998, l’auteur a été placée en institution en vertu de la loi sur les enfants, les jeunes et leur famille jusqu’à sa condamnation le 22 juillet 1998. Conformément à la loi en vigueur à l’époque, le temps passé dans un centre de détention pour mineurs avant le jugement n’était pas pris en compte dans la condamnation finale, mais le juge avait la possibilité de le décompter quand il fixait la durée de la peine d’emprisonnement. C’est ce qui s’est produit dans le cas de l’auteur puisque le juge de la High Court a décompté quatre mois.

5.12Du 22 juillet au 4 août 1998, l’auteur a commencé à exécuter sa peine à la prison de Mt Eden à Auckland. Ce temps a été déduit de la peine d’emprisonnement. Le 5 août 1998, elle a été transférée dans un centre de détention pour mineurs à Christchurch en application de l’article 142A de la loi sur la justice pénale (détention de mineurs condamnés à un emprisonnement) et a continué à exécuter sa peine dans ce centre jusqu’à ce que la Cour d’appel accueille son recours, en mars 1999. Cette période a été décomptée de la peine.

5.13Quand la Cour d’appel a infirmé la déclaration de culpabilité et la peine, le 2 mars 1999, l’auteur est restée dans le centre de détention pour mineurs en application de l’article 142A de la loi sur la justice pénale, mais elle a été transférée de l’unité de sécurité à une unité en régime ouvert le 8 mars 1999. En théorie, la période allant du 2 mars au 7 avril 1999 ne devait pas nécessairement être prise en considération dans le temps de la peine à exécuter, mais le Département des services pénitentiaires en a en fait tenu compte pour fixer la date de sa remise en liberté.

5.14Le 7 avril 1999, l’auteur a une nouvelle fois été transférée à la prison de Mt Eden à Auckland en vue de sa comparution devant le tribunal pour mineurs où elle devait indiquer ce qu’elle entendait plaider. Le 13 avril 1999, elle a sollicité la libération sous caution et a été libérée sous caution le 15 avril 1999. La période allant du 7 au 15 avril a été comptée comme temps de détention provisoire pour le calcul de la date de sa remise en liberté.

5.15L’auteur est restée en liberté sous caution jusqu’en octobre 1999, quand la High Court l’a déclarée coupable et ordonné son incarcération à la prison de Mt Eden à Auckland, en attendant le prononcé de la peine, intervenu le 14 décembre 1999. Cette période de détention a été comptée dans le calcul de la date de sa remise en liberté. L’auteur a ensuite continué à exécuter sa peine de quatre ans et huit mois, jusqu’à sa remise en liberté conditionnelle en janvier 2002, soit deux ans et un mois après la deuxième condamnation et trois ans et six mois après la première, dont cinq mois en liberté sous caution. Au total, elle a purgé trente-sept mois, soit deux tiers de la peine définitive, ce qui est conforme à la pratique actuelle si l’on tient compte des journées de remise de peine retirées pour mauvaise conduite en prison.

5.16La date de remise en liberté définitive de l’auteur a été calculée à partir de la date de la condamnation initiale le 22 juillet 1998, et tout le temps qui s’est écoulé depuis cette date dans quelque lieu de détention que ce soit, y compris le centre de détention pour mineurs, a été pris en considération dans le calcul de la peine exécutée. Par conséquent, le temps de détention dans un centre pour mineurs qui n’aurait pas été pris en compte dans le calcul de la peine effectuée, depuis l’inculpation jusqu’au prononcé de la peine, ne dépasse pas quarante-neuf jours. On est donc loin du chiffre de onze mois que mentionne l’auteur dans sa communication. De plus, le juge qui a prononcé la peine a autorisé une réduction de quatre mois au titre des procédures suivies devant le tribunal pour mineurs.

Retard excessif

5.17Se référant à la jurisprudence du Comité et à l’Observation générale no 32 relative à l’article 14, l’État partie rejette les allégations de l’auteur. Pour ce qui est des allégations de retard dans le procès avec jury devant la High Court, l’auteur pouvait demander que la procédure engagée soit suspendue ou que les charges soient abandonnées en raison du retard pris par le tribunal des mineurs (en vertu de l’article 322 de la loi sur les enfants, les jeunes et leur famille) ou par la High Court (en vertu de l’article 347 de la loi sur les infractions ou de l’article 25 b) de la Charte des droits). Aucune demande dans ce sens n’ayant été faite, l’auteur n’a pas épuisé les recours internes sur ce point.

5.18Concernant le grief relatif à la période de seize mois écoulée entre les faits et le procès avec jury devant la High Court, l’État partie refait la chronologie de la procédure judiciaire, et note que l’auteur a été condamnée en juillet 1998, c’est-à-dire moins d’un mois après avoir été renvoyée devant la High Court. L’auteur a attendu quatre mois avant de faire appel (le 24 novembre 1998), et son avocat a assumé la responsabilité de ce retard, reconnaissant qu’on lui avait demandé de former recours en août 1998. Après le dépôt de l’appel, un mémoire d’acceptation a été signé, le 27 février 1999, et la Cour d’appel a rendu un jugement en faveur de l’auteur deux jours ouvrables plus tard, le 2 mars 1999.

5.19L’auteur a ensuite été libérée sous caution en attendant son procès. Plusieurs audiences ont eu lieu devant le tribunal des mineurs en avril, en mai et en juin 1999, pour recueillir des dépositions. Le 24 juin 1999, l’auteur a indiqué ce qu’elle entendait plaider et le jour même l’affaire a été renvoyée devant la High Court. L’auteur ayant opté pour un procès avec jury en août 1999, deux audiences préliminaires ont été tenues et le procès s’est déroulé en octobre 1999.

5.20En 2005, la Cour d’appel a rejeté la plainte pour retard excessif, estimant au vu des faits que les sept mois écoulés entre le premier appel (mars 1999) et le procès avec jury devant la High Court (octobre 1999) ne constituaient pas une durée excessive.

5.21L’État partie rejette l’allégation factuelle de l’auteur qui affirme qu’elle était en détention pendant une année avant son procès, ce qui avait aggravé le retard dénoncé, en violation du paragraphe 2 b) de l’article 10 du Pacte. Elle est restée en détention pour exécuter sa peine, depuis sa condamnation en juillet 1998 jusqu’à son premier appel qui a été accueilli en mars 1999. Depuis cet appel jusqu’au procès, l’auteur a été détenue en tout pendant un mois et onze jours dans un centre de détention pour mineurs. Durant cette période, elle a passé six jours seulement dans une unité de sécurité. Pour le reste, elle a été libérée sous caution (le 2 mars 1999) en attendant son procès.

5.22Le deuxième appel a été rejeté ex parte en mars 2000. En juin 2000, l’auteur a soumis une requête en révision judiciaire à la High Court. Vers le mois de novembre 2000, elle a essayé d’obtenir le même résultat en se joignant à la demande d’autorisation de faire appel déposée par Fa’afete Taito. Cette demande a été examinée en février 2001 par le Conseil privé, qui a rendu sa décision en mars 2002. La période séparant la décision d’autoriser l’appel et l’audience sur le fond a permis de préparer le dossier et les mémoires pour les 12 appelants.

5.23La Cour d’appel a mis plus de trois ans avant de réexaminer l’affaire, selon la décision du Conseil privé. L’avocat de l’auteur a admis sa responsabilité pour les deux tiers de cette période (deux ans et neuf mois). Les allégations de l’auteur qui affirme que le retard restant d’une année est imputable à la Cour, responsable de retards systémiques et de non-présentation de documents, sont incorrectes. Durant les onze mois avant l’audience, la Cour s’est efforcée avec diligence de faire avancer le dossier. Entre mai 2004 et janvier 2005, elle a adressé plusieurs lettres à l’avocat de l’auteur mais ce dernier ne cessait de demander de nouvelles pièces et a voulu obtenir un ajournement. Le 23 juin 2005, la Cour a fixé la date de l’audience au 27 octobre. Le 26 octobre 2005 (c’est-à-dire la veille), l’avocat de l’auteur a demandé que le procès soit ajourné, transféré ou confié à un tribunal de cinq juges (au lieu des trois juges habituels) afin de permettre d’examiner de nouveau la question de la désignation des juges. L’audience s’est tenue comme prévu le 27 octobre 2005.

5.24Le 17 août 2007, soit dix-sept mois après le rejet par la Cour suprême de la demande d’autorisation de former recours, l’auteur a soumis une demande en annulation de cette décision et a continué de déposer de nouvelles demandes jusqu’au 14 novembre 2007. La Cour suprême a statué dans une décision écrite le 30 novembre 2007, soit deux semaines après la soumission des dernières demandes.

5.25L’État partie souligne de plus que l’auteur ne peut pas se prévaloir de la qualité de victime au sens de l’article premier du Protocole facultatif, dans la mesure où le temps qu’a pris chaque recours formé n’a en fin de compte rien changé à sa condamnation et par suite à son emprisonnement. Un procès plus rapide ou des procédures d’appel moins longues n’auraient pas entraîné sa remise en liberté.

Partialité de la justice

5.26À propos de l’allégation de l’auteur selon laquelle le juge Robertson n’aurait pas dû être membre de la High Court pour connaître de la demande d’abandon des charges en octobre 1999 parce qu’il avait siégé à la Cour d’appel ayant infirmé la condamnation de l’auteur en mars 1999, l’État partie affirme qu’elle n’est pas recevable dans la mesure où elle n’a jamais été formulée devant une juridiction interne. En outre, elle n’est pas fondée: dans sa décision du 2 mars 1999, la Cour d’appel ne faisait qu’exprimer son accord avec l’accusation et la défense qui avaient objecté que les règles concernant le «plaider coupable» n’avaient pas été respectées. Elle ne s’est prononcée sur aucun aspect des accusations portées contre l’auteur.

5.27Concernant l’allégation de partialité de la juge Potter, qui présidait le procès avec jury devant la High Court en 1999, alors qu’elle avait condamné l’auteur en juillet 1998, l’État partie fait observer que l’auteur n’a pas soulevé cette objection devant la High Court. Au contraire, l’avocat qui assurait alors la défense de l’auteur avait spécifiquement demandé que ce soit la juge Potter qui prononce le jugement après que le jury l’eut déclarée coupable. Si cette question a été soulevée lors de l’audience au fond de la Cour d’appel, elle a été rejetée comme étant sans fondement. La Cour suprême a également examiné la question dans sa décision de ne pas reconsidérer son refus d’accéder à la demande d’autorisation de recours. Selon l’État partie, cette partie de la communication n’est donc pas recevable étant donné que les recours internes n’ont pas été épuisés et qu’elle n’est pas suffisamment étayée. Elle est en outre dénuée de fondement.

5.28L’État partie a également examiné l’opposition de l’auteur à la procédure prévue par la loi sur la magistrature (1908), en vertu de laquelle le juge Panckhurst avait été désigné pour siéger à la Cour d’appel. L’auteur avait demandé à voir l’ordonnance de désignation et, cela ayant été refusé, elle a demandé la récusation de la Présidente par intérim de la Cour d’appel, la juge Glazebrook, parce que celle-ci avait participé à la désignation du juge Panckhurst. La juge Glazebrook a refusé de se déporter vu que sa participation à la désignation était sans rapport avec le fond de l’affaire. La Cour d’appel a relevé que la loi sur la magistrature ne prévoyait pas une procédure formelle de désignation des juges, par le biais d’une ordonnance, mais qu’il s’agissait d’un acte ordinaire de l’administration de la justice. La demande de l’auteur était donc dénuée de fondement.

5.29L’État partie a également rejeté les allégations de l’avocat de l’auteur selon lesquelles la Cour d’appel était «hostile», et a noté que c’était plutôt l’avocat qui avait fait de l’obstruction et s’était montré discourtois en refusant de faire ses plaidoiries devant la Cour.

5.30L’État partie rejette l’allégation de partialité visant le juge Elias, Président de la Cour suprême, qui avait siégé à la Cour d’appel quand celle-ci avait annulé la condamnation de l’auteur en mars 1999. Cette allégation a été examinée et rejetée, dans sa décision du 30 novembre 2007, par la Cour suprême, qui a conclu à l’absence d’éléments pour fonder une suspicion légitime de partialité, étant donné que le recours dont elle était saisie supposait l’examen de l’éventualité d’un nouveau procès alors que celui que la Cour d’appel avait examiné en 1999 portait sur un vice de procédure.

5.31L’État partie note en outre que le juge Tipping s’est abstenu à la Cour suprême de connaître du recours formé par l’auteur en 2007 contre le réexamen de la décision de cette cour de refuser l’autorisation de faire appel. Il a été remplacé aux fins du réexamen de cette décision, bien que la Cour ait jugé douteux qu’il puisse y avoir un problème de partialité.

5.32L’auteur a objecté au fait que trois hauts magistrats aient donné des informations aux membres du Parlement néo-zélandais à la fin de 2000 et vers le milieu de 2001 à propos du projet de réforme de la loi sur les infractions (recours en matière pénale) qui portait notamment sur la question des appels ex parte en matière pénale, pratique qui devait ultérieurement être invalidée par le Conseil privé, en 2002. L’État partie fait observer que donner des informations devant des commissions parlementaires sur des questions de procédure et d’autres aspects de l’administration de la justice est une pratique admise, et que les informations données n’étaient pas secrètes. Entre autres documents le Parlement avait eu connaissance d’une opinion du Président de la Cour d’appel de l’époque, qui était une proposition de caractère général sans le moindre rapport avec l’affaire de l’auteur. Selon l’État partie, il en résulte que la plainte de l’auteur au titre du paragraphe 1 de l’article 14 est dénuée de fondement sur ce point.

Conditions à remplir pour demander l’autorisation de faire appel auprès dela Cour suprême

5.33L’État partie rejette l’argument de l’auteur selon lequel les conditions pour demander l’autorisation de faire appel auprès de la Cour suprême contreviennent au paragraphe 5 de l’article 14, considérant que cet argument est sans fondement. Le droit de faire appel devant la Cour d’appel d’une condamnation ou d’une peine est inscrit dans la loi sur les infractions (1961). Les motifs d’appel énoncés sont nombreux, et il est possible de contester tous les aspects de la condamnation, en fait et en droit. La Cour suprême est une juridiction du troisième degré dotée de fonctions constitutionnelles, ce qui justifie que seuls soient admis les recours portant sur des questions de droit suffisamment importantes, prévues dans la loi sur la Cour suprême (2003).

Droit de l’auteur au respect de la vie privée

5.34L’État partie rejette cette allégation, en faisant observer que l’auteur n’a jamais demandé devant aucune juridiction que son nom n’apparaisse pas. Par conséquent, les recours internes n’ont pas été épuisés.

Non-comparution de la victime au procès

5.35L’État partie rejette le grief de l’auteur qui invoque une violation du paragraphe 3 e) de l’article 14 résultant du refus de la High Court, lors d’une audience préliminaire, d’abandonner les charges (ce qui équivaut à un acquittement) parce que la victime n’était pas disponible pour témoigner. Cette allégation a été rejetée par les juridictions internes au vu des faits et elle est sans fondement. La non-comparution de la victime au procès a fait l’objet d’un incident préjudiciel qui a été réglé par le juge Robertson et a de nouveau été soulevée devant la Cour d’appel. La High Court a considéré que, compte tenu des éléments de l’affaire et notamment des aveux de l’auteur qui mettent en évidence sa connaissance directe des faits, l’absence de la victime au procès n’entraînait pas d’injustice, et que la défense aurait pu choisir de produire toutes les déclarations de M. K. L’auteur a décliné cette offre. Elle n’a pas été condamnée sur la base d’éléments de preuve fournis par la victime. Il n’a pas été donné lecture au jury des déclarations de la victime, même avec leurs contradictions apparentes. L’avocat de l’auteur, qui avait la possibilité de produire ces déclarations devant le tribunal, a décidé de ne pas le faire. Les aveux de l’auteur sont l’élément de preuve prépondérant. Ce n’est pas la présence ou l’absence de la victime qui a déterminé le chef d’accusation. Ce grief n’est donc pas fondé.

L’accouchement de l’auteur

5.36L’État partie estime que cette allégation, pour laquelle l’auteur n’invoque aucune disposition du Pacte, devrait être déclarée irrecevable dans la mesure où l’auteur n’a jamais présenté de plainte à ce sujet devant une juridiction interne.

5.37L’État partie précise qu’en mars 2000, l’auteur était une prisonnière présentant un risque moyen à élevé pour la sécurité, ayant des antécédents d’actes violents et de toxicomanie avérée. Les autorités pénitentiaires ont été obligées d’appliquer des restrictions appropriées pendant son séjour à l’hôpital public. Le personnel pénitentiaire avait pour instructions de prévoir des menottes, à utiliser «si nécessaire», et de faire assurer par un personnel féminin une surveillance visuelle constante de l’auteur, sauf pendant l’accouchement. Elle est entrée à l’hôpital en étant menottée par le poignet à un agent pénitentiaire de sexe féminin, et la menotte lui a été ôtée quand le travail a commencé. Elle est restée trois jours à l’hôpital et quand elle est retournée en prison, le bébé a été confié à la garde de ses parents, avec son consentement. Des dispositions ont été prises pour qu’elle puisse rester à la prison de Mt Eden, près de ses parents, pour pouvoir recevoir des visites tous les jours. L’auteur a toutefois été transférée hors d’Auckland à sa propre demande en mai 2000.

Absence de possibilités éducatives et culturelles en prison

5.38L’État partie rejette également l’allégation de l’auteur qui affirme qu’aucune disposition n’a été prise dans la perspective de sa réinsertion et qu’elle n’a pas pu continuer ses études lorsqu’elle a été placée dans une prison pour adultes après sa condamnation. Il affirme que l’auteur a en fait été transférée de la prison à un centre de détention pour mineurs dans les deux semaines suivant sa condamnation, le 8 août 1998, et a ainsi de nouveau eu accès aux mêmes possibilités de réinsertion et d’éducation qu’avant son jugement.

5.39Après son premier appel, en mars 1999, l’auteur a été libérée sous caution. Après sa condamnation, elle a été renvoyée à la prison de Mt Eden, où elle est restée après le prononcé de la peine en décembre 1999, avant et après la naissance de son fils. À l’âge de 17 ans, elle a été transférée à la prison pour femmes d’Arohata, où elle a eu accès aux importants moyens de la prison en termes de réinsertion et d’éducation, et aurait ainsi pu poursuivre des études si elle l’avait souhaité. L’État partie considère par conséquent que cette allégation est sans fondement.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

6.1Dans une note du 19 décembre 2008, l’auteur a contesté le fait que l’État partie s’en soit remis aux conclusions des tribunaux nationaux. Elle a objecté que les observations de l’État partie ne répondaient pas à son grief fondamental, qui était que les procédures n’étaient pas appropriées pour un enfant et n’étaient pas compatibles avec le Pacte. Pour ce qui est des griefs tirés du paragraphe 4 de l’article 14 et de l’article 24 du Pacte, et relativement au procès mené par la High Court, l’auteur affirme que si on a bien posé la question à son conseil, on ne lui a pas demandé, à elle, si elle acceptait que la juge Potter soit la juge du fond. Il faudrait présumer, conformément à la loi, qu’un enfant jugé dans un procès pénal ne comprend pas la procédure. Elle précise également qu’elle s’était bien opposée à la recevabilité de ses aveux de culpabilité, en vertu des règles de common law et de la Charte des droits de 1990, dans son troisième recours devant la Cour d’appel et la Cour suprême. Elle affirme qu’elle a cité, devant la Cour d’appel, de nombreuses références à la doctrine, relatives à la loi sur les enfants, les mineurs et leur famille.

6.2Pour ce qui est du jugement de la High Court, l’auteur réaffirme qu’elle aurait dû être jugée par le tribunal pour mineurs et que la peine aurait dû être prononcée par une autre juridiction, de préférence le tribunal de district. Elle réfute l’argument de l’État partie qui affirme que comme elle avait moins de 15 ans elle ne pouvait être jugée que par la chambre pour mineurs de la High Court. Un procès devant le tribunal pour mineurs avec renvoi au tribunal de district n’aurait été possible que pour un défendeur plus âgé. L’auteur en conclut que la loi accorde moins de droits aux enfants de moins de 15 ans.

6.3En ce qui concerne le fait que l’auteur n’avait pas indiqué ce qu’elle entendait plaider et les griefs de violation du paragraphe 3 a) de l’article 2 et des paragraphes 2 et 5 de l’article 14 du Pacte formulés à cet égard, l’auteur réfute l’argument de l’État partie qui affirme que l’irrégularité a été corrigée en ordonnant un nouveau procès, car elle n’a pas disposé d’un recours utile et il y a eu des retards excessifs dans la procédure. Quant au mémoire d’acceptation mentionné par l’État partie, qui a permis de renvoyer l’affaire devant le tribunal pour mineurs afin qu’elle puisse dire ce qu’elle entendait plaider, l’auteur objecte que le tribunal n’aurait jamais dû l’accepter. Elle souligne également qu’elle n’avait pas été consultée par son avocat à ce sujet et qu’elle ne comprenait pas certains aspects essentiels du procès.

6.4Concernant les griefs tirés du paragraphe 3 de l’article 9, du paragraphe 2 b) de l’article 10 et du paragraphe 3 c) de l’article 14 et la question de la durée de la peine, l’auteur réfute l’argument de l’État partie et réaffirme que la période qu’elle a passée dans un établissement des services sociaux n’a pas été prise en compte. Elle réaffirme également qu’elle a été victime d’un retard excessif dans le jugement en appel et ajoute que pour déterminer s’il y avait eu un retard excessif, l’État partie n’a pas respecté les principes du Pacte.

6.5L’auteur réaffirme aussi les griefs de violation des paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du fait que la procédure était viciée par le manque d’indépendance institutionnelle des juges de Nouvelle-Zélande et la partialité manifeste dont ils avaient fait preuve dans son cas, notant en particulier que la Cour d’appel n’était pas indépendante, ou ne semblait pas l’être, vu qu’il était impossible de savoir comment le juge Panckhurst avait été désigné pour y siéger.

6.6L’auteur réaffirme aussi qu’elle ignore toujours la situation exacte des juges liés aux groupes de pression parlementaires. Elle souligne en outre qu’une réunion secrète s’est tenue entre des juges et des membres du Parlement, et que cet élément était important et pouvait avoir eu une incidence sur l’équité du procès, puisque l’auteur ne pouvait pas savoir quel juge considérait que, dans l’affaire Taito, la procédure d’appel ex parte n’avait pas entraîné une erreur judiciaire.

6.7En ce qui concerne plusieurs faits précis, l’auteur réaffirme qu’elle était ivre quand la séance d’identification a eu lieu et que l’État partie n’aurait pas dû obliger une fille de 14 ans dans cet état d’y participer. Elle insiste sur le fait qu’elle ne comprenait pas ses droits.

6.8En ce qui concerne les allégations relatives à sa détention avant jugement, à la naissance de son fils et à l’absence de services éducatifs et de possibilités de faire des études pendant sa détention, l’auteur affirme avoir évoqué ces questions pour expliquer le contexte, sans attendre du Comité qu’il examine les potentielles violations du Pacte qui pouvaient en résulter.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité relève que deux des griefs soulevés par l’auteur ont été résolus par les tribunaux nationaux. Il note en particulier le grief de violation du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte invoqué conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, concernant le fait que la possibilité d’indiquer ce qu’elle entendait plaider n’avait pas été donnée à l’auteur lors de sa première comparution devant le tribunal pour mineurs et que, par suite, la High Court avait rendu le 22 juillet 2007 un jugement vicié. Le Comité note que cette condamnation a été annulée par la Cour d’appel le 2 mars 1999. Ainsi, le vice initial a été corrigé et pour cette raison le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article premier du Protocole facultatif.

7.4De même, en ce qui concerne l’allégation relative à l’illégalité de l’examen ex parte de son recours, en mars 2000, formulée au titre des paragraphes 3 d), 3 e) et 5 de l’article 14 et de l’article 26 du Pacte, le Comité note que la décision a été infirmée en mars 2002, à la suite d’un recours formé devant le Conseil privé, ce qui a permis à l’auteur d’interjeter un nouvel appel en octobre 2005. Le Comité rappelle qu’une personne ne peut se prétendre victime au sens de l’article premier du Protocole facultatif que s’il est effectivement porté atteinte à ses droits. Il déclare par conséquent ces deux allégations irrecevables en vertu de l’article premier du Protocole facultatif.

7.5Le Comité considère également que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les deux allégations de violation de l’article 26 du Pacte concernant le renvoi de sa cause devant la High Court et le rejet de son appel ex parte en mars 2000. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.6 Le Comité considère également que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les griefs de violation du paragraphe 3 de l’article 9 et du paragraphe 2 b) de l’article 10, qu’elle a invoqués au sujet du retard dans les procédures judiciaires. Par conséquent il déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.7De même, le Comité considère que l’auteur n’a pas étayé, aux fins de la recevabilité, ses allégations au titre de l’article 16 du Pacte, relativement au deuxième renvoi de l’affaire devant la High Court. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.8Le Comité estime aussi que l’auteur n’a pas étayé ses griefs de violation du paragraphe 3 d) de l’article 14, invoqué en relation avec le deuxième renvoi de l’affaire devant la High Court. Par conséquent, il déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.9En ce qui concerne les allégations relatives à sa participation à la séance d’identification organisée par la police, à sa conduite au poste de police et à l’interrogatoire par la police, pour lesquelles elle invoque le paragraphe 1 de l’article 9, le paragraphe 1 de l’article 10 et les paragraphes 3 b), 3 g) et 4 de l’article 14 du Pacte, le Comité note que depuis le moment où la séance d’identification a eu lieu jusqu’à la fin du deuxième interrogatoire enregistré en vidéo, dans lequel elle a avoué sa culpabilité, l’auteur n’était ni en état d’arrestation, ni en détention. Il ressort du dossier qu’après que l’auteur et la coïnculpée eurent été reconnues par un témoin, l’auteur a été conduite au poste de police et a été informée de son droit de ne pas accompagner le policier et de partir à tout moment, ainsi que de son droit à l’assistance d’un avocat. Ses droits lui ont été rappelés une nouvelle fois quand sa mère est arrivée au poste de police et au début de chaque interrogatoire.

7.10Ce n’est qu’à la fin du deuxième interrogatoire, dans lequel elle a avoué, que l’auteur a été inculpée de vol qualifié. On ne peut donc pas dire, au sens du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, que l’auteur a été arrêtée, détenue ou d’une autre manière privée de sa liberté. A fortiori, on ne peut pas non plus affirmer qu’à ce moment-là une procédure pénale était engagée puisque l’auteur n’avait pas encore été inculpée. Par conséquent, les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10 et des paragraphes 3 b), 3 g) et 4 de l’article 14, en ce qu’ils se rapportent à la période couvrant la séance d’identification, la conduite au poste de police et les interrogatoires, sont irrecevables ratione materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.11Le Comité relève que la plupart des autres griefs formulés par l’auteur ont trait à l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux de l’État partie. Il note tout d’abord que la question de la recevabilité des aveux comme preuve au procès, soulevée au titre du paragraphe 3 g) de l’article 14, a fait l’objet d’un examen approfondi et que la contestation a été rejetée en fait et en droit, en particulier par la Cour d’appel dans son arrêt du 19 décembre 2005, et par la Cour suprême, le 30 novembre 2007. Le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Les documents dont le Comité est saisi ne font apparaître aucun élément démontrant que l’examen par les tribunaux des allégations ait été entaché de telles irrégularités. En conséquence, le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.12De même, pour ce qui est du jugement de l’auteur par la High Court alors qu’elle était mineure, le Comité note que cette question a été examinée par la High Court et par la Cour d’appel. Les documents dont le Comité est saisi ne font apparaître aucun élément démontrant que, en violation du paragraphe 4 de l’article 14 et de l’article 24 du Pacte, l’examen de l’affaire par les tribunaux ait été entaché de vices de procédure ou ait représenté un déni de justice pour l’auteur en tant que mineure. En conséquence, le Comité considère que ce grief n’est pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.13Selon l’auteur, la peine de quatre ans et huit mois était purement punitive, en ce qu’elle était dépourvue de perspective de réinsertion, disproportionnée par rapport aux circonstances et à la gravité de l’infraction et contraire au principe selon lequel la privation de liberté de mineurs devrait être une mesure de dernier ressort; elle constituerait donc une violation des droits garantis au paragraphe 3 de l’article 10, au paragraphe 4 de l’article 14 et à l’article 24. Toutefois, eu égard aux observations de l’État partie concernant l’examen de l’affaire, la condamnation et l’accès de l’auteur à des services de réinsertion et d’éducation, le Comité estime que ce grief n’est pas suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et considère donc cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.14L’auteur fait valoir que quand la High Court l’a condamnée, le 14 décembre 1999, à un emprisonnement de quatre ans et huit mois, elle n’a pas tenu compte des onze mois qu’elle avait passés dans des centres de détention pour mineurs avant sa deuxième condamnation. Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie qui affirme que l’auteur n’a jamais soulevé ces allégations devant les juridictions nationales. L’auteur n’a présenté aucune preuve du contraire. La formulation de ces allégations devant les juridictions de l’État partie aurait permis de clarifier les faits, qui sont contestés en ce qui concerne le décompte du temps passé dans des centres de détention pour mineurs. Par conséquent, le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.15En outre, le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme que son droit au respect de la vie privée a été violé avec la publication de son nom dès la première condamnation par la High Court, en juillet 1998, et tout au long de la procédure, en violation du paragraphe 4 de l’article 14 et de l’article 17 du Pacte. Il apparaît toutefois que l’auteur n’a pas demandé devant les juridictions nationales que son identité ne soit pas divulguée, demande qui, selon toute vraisemblance, aurait pu être satisfaite. L’auteur ne le conteste pas. Le Comité déclare donc cette partie de la communication irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.16Le Comité note également que les allégations de violation des paragraphes 1 et 5 de l’article 14 formulées par l’auteur, qui fait valoir que la juge Potter, qui l’avait précédemment condamnée à quatre ans d’emprisonnement à la High Court, était plus tard la présidente du procès avec jury pour la même infraction, n’ont pas été soulevées par le moyen d’une demande de récusation. Si le Comité exprime des doutes sur la légitimité de faire juger et condamner l’inculpée par le même juge deux fois, et pour la même infraction, il renvoie à la demande expresse, versée au dossier, du conseil de l’auteur de l’époque qui voulait que la juge Potter préside le procès avec jury. Dans ces circonstances, le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 1er et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.17Pour ce qui est de l’argument de l’auteur qui fait valoir que le juge Robertson n’aurait pas dû connaître de la demande d’abandon des charges en octobre 1999 parce qu’il était membre de la Cour d’appel quand celle-ci avait annulé la condamnation prononcée en mars 1999 il apparaît que l’auteur n’a soulevé cette question à aucun moment de la procédure. Par conséquent, le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.18En ce qui concerne le grief portant sur les juges de la Cour d’appel au procès de mars 2005, le Comité relève que l’auteur conteste la désignation du juge Panckhurst, de la High Court, pour siéger à la Cour d’appel. Elle a demandé à voir l’ordonnance de désignation du juge, ce qui lui a été refusé. Elle a donc demandé à la Présidente par intérim de la Cour d’appel, la juge Glazebrook, de se récuser. Le Comité note que la désignation de juges de la High Court pour siéger à la Cour d’appel est prévue par la législation de l’État partie. Il considère que l’auteur, qui affirme que la désignation de ce juge a compromis l’impartialité du procès en appel, n’a pas étayé ses allégations de violation des paragraphes 1 ou 5 de l’article 14. Elle n’a pas non plus montré en quoi la non-présentation de l’ordonnance de désignation du juge Panckhurst avait engendré une suspicion légitime de partialité à l’égard de la Présidente par intérim de la Cour d’appel. Le Comité estime également que l’auteur n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité, que la Cour d’appel s’était montrée «hostile» à son égard. Par conséquent il considère que ces parties de la communication sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.19De même, le Comité estime que l’auteur n’a pas pu démontrer en quoi le fait que le juge Tipping − avec d’autres juges − ait donné des informations aux membres du Parlement au sujet de la réforme du système d’appel au pénal, qui allait plus tard être invalidée par une décision du Conseil privé, avait eu une quelconque incidence sur l’examen de l’affaire au fond. Par conséquent, le Comité considère que cette allégation est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.20En outre, le Comité estime que le grief de violation des paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte, relativement à la participation du Président de la Cour suprême, le juge Elias, à l’audience tenue en mars 2006 devant la Cour suprême est insuffisamment étayé aux fins de la recevabilité. Il note que le juge Elias était membre de la Cour d’appel qui avait annulé la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées en mars 1999, pour vice de procédure. Le procès avait recommencé dès le début. L’auteur n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité, que quand il avait examiné le recours dans ce nouveau procès, le juge Elias avait fait preuve de partialité ou avait eu des idées préconçues sur l’affaire. Le Comité déclare donc cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.21Pour ce qui est de l’allégation de l’auteur qui affirme que le deuxième renvoi de l’affaire devant la High Court, le 24 juin 1999, constitue une violation des paragraphes 2 et 4 de l’article 14 et de l’article 24 du Pacte, le Comité observe ce qui suit. Il ressort du dossier que l’auteur a soulevé la question devant la Cour d’appel mais que celle-ci n’avait pas compétence pour l’examiner. L’auteur n’a pas demandé au juge du tribunal pour mineurs d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi sur les enfants, les adolescents et leur famille pour permettre à l’auteur de renoncer au droit d’être jugée par un jury et d’opter pour l’examen de sa cause par le tribunal pour mineurs. Le Comité n’est pas convaincu par l’argument de l’auteur selon lequel le tribunal pour mineurs aurait dû considérer d’office que l’intérêt supérieur de l’auteur lui commandait de rester saisi. Comme l’auteur était représentée par un conseil et n’avait pas mis à profit une voie de recours utile qui lui aurait permis de renoncer au droit d’être jugée par un jury ou de s’opposer, par le moyen d’une révision judiciaire, au renvoi de l’affaire devant la High Court, le Comité considère qu’elle ne peut pas lui soumettre cette question car les recours internes n’ont pas été épuisés. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.22Concernant l’allégation de partialité de la justice due, selon l’auteur, à la participation du juge Tipping à la Cour suprême en mars 2006, le Comité note que ce magistrat n’a pas pris part à la décision de la Cour suprême du 30 novembre 2007. Il considère donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité et le déclare irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.23En ce qui concerne l’allégation de l’auteur qui affirme que les retards dans la procédure ont constitué une violation du paragraphe 3 de l’article 9 et du paragraphe 2 b) de l’article 10 du Pacte, le Comité estime que ce grief n’a pas été suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, et le déclare irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.24Enfin, le Comité note que l’auteur a affirmé avoir évoqué la question de la naissance de son fils et du problème de l’absence de services éducatifs et de possibilités de faire des études pendant l’exécution de sa peine pour expliquer le contexte, sans attendre du Comité qu’il examine les questions qu’ils pourraient soulever au regard du Pacte.

7.25Le Comité considère que les autres griefs ont été suffisamment étayés. Il procède par conséquent à l’examen au fond des parties suivantes de la communication: le grief tiré des retards dans la procédure, au titre des paragraphes 3 c), 4 et 5 de l’article 14; l’impossibilité pour l’auteur d’interroger la victime au procès, au titre du paragraphe 3 e) de l’article 14; et le rejet de l’appel formé par l’auteur auprès de la Cour suprême, au titre du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2En ce qui concerne le grief concernant les retards dans la procédure soulevé au titre du paragraphe 3 de l’article 9, du paragraphe 2 b) de l’article 10 et des paragraphes 3 c), 4 et 5 de l’article 14, le Comité rappelle que les jeunes doivent bénéficier au moins des mêmes garanties et de la même protection que celles accordées aux adultes conformément à l’article 14 du Pacte. Le Comité note que, selon l’auteur, le deuxième renvoi de l’affaire devant la High Court a entraîné un retard excessif car la procédure devant le tribunal pour mineurs aurait été plus rapide. Le Comité rappelle sa jurisprudence et affirme que le droit à un procès équitable garanti par cette disposition suppose que la justice soit rendue avec diligence, sans retard excessif. Le Comité rappelle à ce propos que la question des retards doit être appréciée à la lumière de toutes les circonstances de l’espèce, en considération notamment de la complexité des faits et des points de droit en cause.

8.3Le Comité note à ce sujet qu’après le renvoi de l’affaire devant la High Court le 24 juin 1999, l’auteur a été condamnée le 14 décembre 1999, après deux demandes préliminaires et un procès avec jury. Cette procédure initiale devant la High Court a donc duré moins de six mois à compter du deuxième renvoi de l’affaire par le tribunal pour mineurs. Dès le rejet de son appel ex parte par la Cour d’appel, en mars 2000, l’auteur a déposé une requête en révision judiciaire, que son avocat a décidé de joindre à d’autres demandes en novembre 2000. Le Conseil privé a examiné les requêtes en février 2001 et a rendu sa décision en mars 2002. Selon l’État partie, ce laps de temps s’explique par le fait qu’il a fallu constituer des dossiers et rédiger des mémoires pour les 12 appelants.

8.4Le Comité observe qu’après la décision du Conseil privé, en date du 19 mars 2002, ordonnant le réexamen de l’affaire de l’auteur, l’audience de la Cour d’appel n’a eu lieu qu’en octobre 2005. Il relève que l’avocat de l’auteur a admis qu’il était responsable pour partie de ce retard (pour deux ans et neuf mois, soit les deux tiers) parce qu’il était à l’étranger. Le Comité note aussi que la Cour d’appel s’est efforcée avec diligence de fixer une date pour l’audience, et que l’auteur a demandé à plusieurs reprises de nouvelles pièces ainsi que l’ajournement de l’audience.

8.5Pour ce qui est de l’examen de l’affaire par la Cour suprême, il ressort du dossier qu’après avoir été déboutée par la Cour d’appel en décembre 2005, l’auteur a sollicité en janvier 2006 l’autorisation de former un recours auprès de la Cour suprême et que cette autorisation lui a été refusée le 27 mars 2006. Ce n’est qu’en août 2007, soit dix-sept mois après la décision de la Cour suprême, que l’auteur a déposé une requête en annulation de cette décision. La Cour suprême a rendu sa décision le 30 novembre 2007. Dans les circonstances particulières de l’affaire, le Comité estime que le retard mis à statuer sur le recours de l’auteur ne constitue pas une violation des paragraphes 3 c), 4 ou 5 de l’article 14 du Pacte.

8.6En ce qui concerne le grief de l’auteur qui fait valoir qu’elle n’a pas pu interroger la victime au procès devant la High Court et qu’il en résulte une violation des droits garantis par le paragraphe 3 e) de l’article 14, le Comité note que la victime, âgée de près de 89 ans au moment du procès devant la High Court, en 1999, a été considérée comme incapable de comparaître pour des raisons de santé. Le Comité relève l’importance du témoignage de la victime pour le procès, d’autant plus que l’intéressé avait fait des déclarations contradictoires, affirmant d’abord qu’il avait été agressé et volé par une seule personne, pour indiquer ensuite qu’il y avait deux personnes, mettant ainsi en cause l’auteur. Le Comité rappelle que le paragraphe 3 e) de l’article 14 garantit le droit de l’accusé d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Le Comité observe que le fait de donner au jury lecture des déclarations de la victime pourrait ne pas satisfaire aux prescriptions du paragraphe 3 e) de l’article 14 en ce qu’il ne donne pas à l’accusé une possibilité adéquate d’interroger les témoins et de les soumettre à un contre-interrogatoire, a fortiori quand le témoignage présente un intérêt direct pour le règlement de l’affaire et que les charges ont un tel degré de gravité. Toutefois, dans les circonstances particulières de l’espèce, le fait que l’auteur a été condamnée sur le fondement de ses propres aveux et sans que la déclaration de la victime ait été lue au jury, d’après l’affirmation de l’État partie qu’elle n’a pas démentie, n’autorise pas à conclure à une violation du principe de l’égalité des moyens consacré par le paragraphe 3 e) de l’article 14.

8.7L’auteur allègue également que le rejet par la Cour suprême, le 27 mars 2006, du recours qu’elle avait formé constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 14, parce que la décision de la Cour ne comportait que quatre paragraphes et qu’il n’y avait pas eu d’audience. Le Comité note qu’il n’est pas contesté que le procès et l’appel de l’auteur ont été ouverts et publics, et il rappelle sa jurisprudence selon laquelle il peut être statué sur un appel sans qu’il y ait nécessairement une audience. Par conséquent, le Comité constate que la procédure suivie par la Cour suprême en mars 2006 ne fait pas apparaître de violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte à l’égard de l’auteur.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation de l’une quelconque des dispositions du Pacte.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]