Présentée par:

Chanderballi Mahabir (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Autriche

Date de la communication:

18 mai 1999 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 91 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 29 août 2000 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

26 octobre 2004

[ANNEXE]

ANNEXE

Décision DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑deuxième session

concernant la

Communication n o 944/2000**

Présentée par:

Chanderballi Mahabir (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Autriche

Date de la communication:

18 mai 1999 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le26 octobre 2004

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est Chanderballi Mahabir, ressortissant de la Trinité‑et‑Tobago, né en 1964. Bien qu’aucun article du Pacte ne soit spécifiquement invoqué, les faits allégués semblent soulever des questions au regard des articles 8, 10, 17 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le Pacte). L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l’État partie le 10 décembre 1978 et le 10 mars 1988, respectivement. Au moment de la ratification du Pacte, l’État partie a formulé la réserve suivante concernant le paragraphe 2 a) de l’article 5: «En sus des dispositions du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole, le Comité prévu par l’article 28 dudit Pacte ne devra examiner aucune communication émanant d’un particulier avant de s’être assuré que la même question n’a pas déjà été examinée par la Commission européenne des droits de l’homme établie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.».

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Par un jugement du 27 septembre 1993, le tribunal pénal régional de Graz a reconnu l’auteur coupable de plusieurs infractions liées à la drogue et d’autres délits et l’a condamné à une peine de prison de neuf ans et huit mois. L’auteur a exécuté sa peine dans différentes prisons de Graz. Le 11 mai 1994 et le 2 septembre 1995, il a tenté de s’évader. Il a été libéré le 3 août 2001 et expulsé immédiatement vers Port‑of‑Spain (Trinité‑et‑Tobago).

2.2Alors qu’il exécutait sa peine, l’auteur a été obligé de travailler, pour un salaire horaire de 51,40 schillings autrichiens. Conformément au paragraphe 2 de l’article 32 de la loi sur l’application des peines, une somme correspondant à 75 % de sa rémunération a été prélevée pour couvrir ses frais de détention. Par exemple, en octobre 1998, après une déduction supplémentaire de 376,80 schillings au titre de la cotisation à l’assurance chômage, l’auteur a perçu un salaire net de 1 892 schillings (pour un salaire brut de 8 840,80 schillings) pour 172 heures de travail.

2.3Le 3 mars 1997, l’auteur a demandé l’autorisation d’acheter un ordinateur pour ses études. Les autorités carcérales ont fait droit à sa demande le 13 mars 1997, l’auteur ayant suivi des cours d’informatique et ayant fait preuve de bonne conduite et de bons résultats professionnels. En novembre 1997, elles lui ont retiré l’autorisation d’utiliser un ordinateur privé et lui ont confisqué son ordinateur car il ne travaillait pas. Le 5 novembre 1997, il a demandé que son ordinateur lui soit restitué, demande qui a été rejetée trois semaines plus tard, au motif qu’il fallait avoir produit un travail de qualité pour bénéficier du privilège d’utiliser un ordinateur privé. Après qu’une nouvelle demande a fait également l’objet d’un refus le 16 décembre 1997 pour les mêmes raisons, l’auteur, par une lettre du 25 février 1998, s’est plaint au Ministère de la justice, au motif que la durée de confiscation de son ordinateur avait dépassé la durée maximale autorisée, à savoir trois mois (art. 111 de la loi sur l’application des peines).

2.4Le 27 juillet et le 10 août 1998, l’auteur a demandé l’autorisation de recevoir des colis alimentaires de sa famille tous les trois mois. Un refus lui a été opposé à chaque fois, au motif qu’il exécutait une peine pour des infractions liées à la drogue et qu’il lui était donc interdit de recevoir des colis alimentaires. Le 17 septembre 1998, l’auteur s’est plaint au directeur de la prison et, le 5 octobre 1998, au Ministère de la justice, qui a rejeté sa plainte le 9 octobre. Le 19 octobre, l’auteur a informé l’Organisation des Nations Unies et Amnesty International de ces décisions, faisant valoir qu’elles constituaient une discrimination raciale, puisque d’autres détenus qui exécutaient eux aussi une peine pour des infractions liées à la drogue recevaient des colis alimentaires de leur famille et de leurs amis.

2.5Le 30 mars 1999, l’auteur s’est plaint au Ministère de la justice de violations de ses droits en tant que détenu car un colis contenant des vêtements envoyés par sa tante avait été ouvert par l’agent de garde en son absence et sans sa signature, puis refermé et renvoyé à l’expéditeur. Bien qu’un travailleur social de la prison lui ait promis que les colis qui lui seraient envoyés à l’avenir seraient acceptés, un autre paquet a été ouvert et retourné à l’envoyeur quelque temps plus tard. Dans une lettre du 5 avril 1999, l’auteur a informé le Ministère de la justice qu’un travailleur social lui avait dit qu’un des gardes de la prison, le Major W., avait exprimé l’intention d’empêcher l’auteur de recevoir quelque colis que ce soit tant qu’il ne retirait pas sa plainte auprès du Ministère de la justice.

2.6Le 10 mai 1999, les autorités carcérales ont rejeté la demande de l’auteur qui souhaitait téléphoner à un membre de sa famille comme il en avait le droit une fois par mois, faisant valoir qu’il avait déjà téléphoné le 21 avril 1999. L’administration de la prison n’a pas donné suite aux précisions apportées par l’auteur le 16 mai, selon lesquelles sa demande portait sur le mois de mai et non d’avril.

2.7En mai 1999, l’auteur a acheté une imprimante, mais n’a pas reçu de cartouches d’encre, alors que l’achat de cartouches aurait été autorisé. Après qu’une autre demande visant à récupérer les cartouches a été rejetée le 20 mai 1999, au motif que la demande se fondait sur de fausses informations, il s’est plaint au Ministère de la justice de discrimination raciale, car deux autres détenus, P. B. et H. S., avaient obtenu des cartouches. Dans l’intervalle, les autorités de la prison ont de nouveau confisqué l’ordinateur de l’auteur.

2.8Le 18 mai 1999, l’auteur a déposé auprès de la Cour européenne des droits de l’homme une requête dans laquelle il se plaignait des faits susmentionnés. Par une décision du 19 novembre 1999, un Comité de trois juges a rejeté sa requête, conformément au paragraphe 4 de l’article 35 de la Convention européenne, estimant que les griefs invoqués ne faisaient apparaître aucune violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses protocoles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir que l’inégalité de traitement dont il a été victime en prison constitue une discrimination raciale, au motif qu’il est noir et étranger. Il indique en outre que le fait d’avoir été obligé à travailler pour payer les frais de sa détention et que ce travail soit une condition préalable à la restitution de son ordinateur constitue une forme moderne d’esclavage.

3.2L’auteur souligne que, alors que le règlement de la prison autorise les détenus à recevoir des sous-vêtements envoyés par leur famille, ainsi que quatre colis alimentaires par an, ce droit lui a été refusé, à la différence d’autres détenus exécutant eux aussi des peines pour des infractions liées à la drogue. Il indique qu’au moment où il a écrit au Comité il lui était interdit d’utiliser le téléphone depuis trois mois.

3.3L’auteur dénonce le prélèvement sur son salaire de la cotisation à l’assurance chômage, faisant valoir que, si les prisonniers autrichiens peuvent «réclamer cet argent» à leur sortie de prison, cela n’est pas possible pour les étrangers qui quittent le pays une fois leur peine exécutée.

3.4L’auteur indique qu’il a obtenu l’autorisation de s’entretenir avec deux responsables de la prison en août 1996 mais que ces entretiens n’ont pas eu lieu. De même, la seule réponse du Ministère de la justice à ses plaintes a été de lui conseiller de régler ses problèmes directement avec les autorités de la prison.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une lettre du 23 février 2001, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication, au motif que l’auteur n’avait pas épuisé tous les recours internes, que la même question avait été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme et que l’auteur ne définissait pas clairement dans la communication lesquels de ses droits au titre du Pacte auraient été violés.

4.2L’État partie fait valoir qu’en vertu des articles 120 et 121 de la loi sur l’application des peines, les décisions du personnel pénitentiaire sont susceptibles d’être contestées auprès du directeur de la prison, puis des autorités pénales suprêmes ou, éventuellement, du Ministère fédéral de la justice. En vertu des articles 140 et 144 de la Constitution fédérale, l’auteur aurait pu contester les dispositions pertinentes de la loi sur l’application des peines concernant la réception de colis, les appels téléphoniques ou les cotisations obligatoires à l’assurance chômage devant la Cour fédérale constitutionnelle, par exemple en invoquant l’interdiction constitutionnelle de la discrimination ou son droit à la propriété. L’auteur n’ayant pas fait usage de ces recours, l’État partie conclut que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.3L’État partie fait valoir que la communication est également irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, car l’auteur avait déjà présenté une requête auprès de la Cour européenne.

4.4Enfin, l’État partie indique que la communication ne donne pas suffisamment d’informations sur les violations présumées des droits de l’auteur en vertu du Pacte, sur les mesures éventuelles qu’il aurait prises pour épuiser les recours internes, et sur le fait que la même question était déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Commentaires et réponses complémentaires de l’auteur

5.1Dans une lettre du 22 mai 2001, l’auteur a commenté la réponse de l’État partie concernant la recevabilité, maintenant ses arguments et déclarant que son «refus» d’épuiser les recours internes était justifié compte tenu des éléments déjà fournis.

5.2Dans une lettre du 4 juin 2001, l’auteur a présenté des informations complémentaires, concernant, d’une part, la décision des autorités carcérales du 29 mars 2001 de rejeter ses demandes répétées de restitution de son ordinateur, alors que sa requête auprès de la Cour européenne y était stockée et, d’autre part, le rejet de la plainte qu’il avait présentée au directeur de la prison, ainsi que de la plainte formulée le 30 avril 2001 auprès du Ministère de l’intérieur. Dans cette dernière, il affirmait être enfermé dans sa cellule 23 heures par jour depuis le 30 novembre 2000, soi-disant parce qu’il était considéré comme un «fauteur de troubles».

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

6.1Dans une lettre du 22 octobre 2003, l’État partie a apporté des réponses complémentaires concernant la recevabilité et, à titre subsidiaire, le fond. Il réaffirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, étant donné qu’il a lui-même évoqué son «refus d’épuiser les recours internes» dans sa lettre du 22 mai 2001.

6.2L’État partie invoque sa réserve au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, faisant valoir que la même question était déjà examinée par la Cour européenne des droits de l’homme. Bien que la réserve ne fasse explicitement référence qu’aux questions qui ont déjà été examinées par la Commission européenne des droits de l’homme, il ressort clairement de la jurisprudence du Comité qu’elle s’applique aussi aux affaires dans lesquelles la question a déjà été examinée par la Cour européenne. Celle-ci a «examiné» la question, déclarant la requête irrecevable en vertu du paragraphe 4 de l’article 35 de la Convention européenne, au motif que les griefs de l’auteur ne faisaient apparaître aucune violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses Protocoles. La Cour a donc fondé sa décision non seulement sur des questions de procédure mais aussi sur un examen au fond.

6.3Pour l’État partie, la communication est également irrecevable en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif parce que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses allégations très générales et que certains de ses griefs sont incompatibles ratione materiae avec les dispositions du Pacte. Ainsi, l’obligation de travailler en prison, qui a davantage pour objectif de faciliter la réinsertion des détenus en les préparant à retourner sur le marché du travail que de couvrir les frais de détention, ne relève pas de la notion de «travail forcé ou obligatoire» en application du paragraphe 3 c) i) de l’article 8 du Pacte. De même, l’utilisation d’un ordinateur personnel en prison n’est pas couverte par l’article 10 du Pacte, qui porte sur les besoins fondamentaux des détenus, comme la nourriture, l’habillement, l’accès aux médicaments, un exercice régulier, etc., qui dans le cas de l’auteur ont tous été satisfaits.

6.4Sur le fond, l’État partie fait valoir que les mesures dont se plaint l’auteur ne constituent pas un traitement discriminatoire, car elles se fondent sur des critères objectifs. La confiscation de l’ordinateur de l’auteur était justifiée par le fait qu’il n’aille pas travailler. Après un vol de viande dans la boucherie de la prison, où l’auteur avait travaillé jusqu’au 29 octobre 1997, il a été placé en confinement en cellule ordinaire et le privilège en vertu duquel il avait le droit d’utiliser un ordinateur lui a été retiré jusqu’à ce qu’il reprenne le travail, en février 1998. Après d’autres incidents, dont des insultes visant un responsable de la prison, le 30 novembre 2000, ainsi que le refus, les 23 et 30 janvier 2001, de déménager dans une autre cellule qui lui avait été assignée, l’auteur a été placé en confinement en cellule pendant 12 jours en décembre 2000 et durant deux périodes de sept et huit jours début 2001, sans précision de dates. Il n’a pas travaillé entre le 5 décembre 2000 et le 21 mai 2001, et son ordinateur ne lui a pas été rendu avant sa libération, le 3 août 2001.

6.5L’État partie fait valoir que l’auteur a été traité conformément à la norme minimale exigée par l’article 10 du Pacte, vue que ses besoins essentiels − nourriture, habillement, médicaments, hygiène sanitaire, lumière, chauffage et exercices physiques réguliers − ont été satisfaits en tous temps.

6.6L’État partie indique qu’en falsifiant un bon de commande l’auteur a trompé l’administration en ce qui concerne l’achat d’une tête de scanner pour son imprimante, prétendant qu’il voulait seulement acheter des cartouches d’encre. L’achat d’une tête de scanner n’était pas autorisé pour des raisons de sécurité.

6.7L’État partie considère que le fait de ne pas autoriser l’auteur à recevoir des colis était justifié parce que l’auteur, qui avait à deux reprises essayé de s’évader, représentait un danger. Il a été autorisé à passer des appels téléphoniques au moins une fois par mois. En outre, en vertu de l’article 17, lu conjointement avec l’article 10 du Pacte, l’auteur pouvait seulement prétendre à communiquer avec sa famille et ses amis par courrier et à recevoir des visites.

6.8En ce qui concerne l’obligation de l’auteur de cotiser à l’assurance chômage, l’État partie fait valoir que dans une communauté réunissant les membres d’une profession ou d’un groupe donnés, l’élément pension l’emporte sur l’élément assurance. Par conséquent, les cotisations obligatoires à un plan d’assurance sociale ne donnent pas automatiquement lieu à versement de prestations sociales. L’objectif premier de l’intégration des détenus dans le plan d’assurance chômage est de veiller à leur réinsertion dans la société. Si l’auteur n’a pas perçu d’allocations chômage puisqu’il a été expulsé dès sa libération, un nombre important d’anciens détenus ont bénéficié de ces allocations.

Commentaires de l’auteur

7.Dans une lettre du 15 décembre 2003, l’auteur a fait valoir qu’il avait pleinement étayé sa plainte et que les observations formulées par l’État partie le 22 octobre 2003 étaient sans fondement.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité note que l’État partie a invoqué sa réserve concernant le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, qui empêche le Comité d’examiner une communication si la même question a déjà été examinée par la Commission européenne des droits de l’homme. S’agissant de vérifier l’existence de procédures parallèles ou successives devant le Comité ou les organes de Strasbourg, le Comité rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme a succédé à l’ancienne Commission européenne en reprenant ses fonctions, après l’entrée en vigueur du Protocole no 11 se rapportant à la Convention européenne. Par conséquent, la réserve formulée par l’État partie s’applique aussi aux cas dans lesquels la même question a déjà été examinée par la Cour européenne.

8.3Pour ce qui est de savoir si la Cour européenne a «examiné» la question, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle, dans les cas où les organes de Strasbourg ont rendu une décision d’irrecevabilité non seulement pour des questions de procédure mais aussi pour des raisons qui supposent un examen même limité du fond, la même question est considérée avoir été «examinée» au sens des réserves au paragraphe 2 a) du Protocole facultatif. Il considère qu’en l’espèce la Cour européenne est allée au-delà de l’examen de critères de recevabilité reposant uniquement sur des questions de procédure, estimant que les griefs avancés par l’auteur ne faisaient apparaître aucune violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses Protocoles.

8.4Le Comité doit donc déterminer si la question qui fait l’objet de la présente communication est la «même question» que celle examinée par la Cour européenne. Il note que la requête de l’auteur au titre de la Convention européenne des droits de l’homme a été déposée le même jour que sa communication au titre du Protocole facultatif et que l’affirmation de l’État partie selon laquelle les deux plaintes visaient les mêmes questions n’a pas été contestée par l’auteur. En conséquence et étant donné que l’État partie a invoqué sa réserve concernant le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité conclut que la même question a déjà été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme.

8.5Toutefois, la Cour européenne n’a pu examiner la même question que dans la mesure où le contenu des droits protégés par la Convention européenne correspond à celui des droits protégés au titre du Pacte et dans la mesure où les faits dont se plaint l’auteur se sont produits avant le 18 mai 1999, date à laquelle il a déposé sa requête auprès de la Cour européenne. Le Comité observe que les articles 8 et 17 du Pacte correspondent largement aux articles 4 et 8 de la Convention européenne. Cependant, ni la Convention européenne ni ses protocoles ne contiennent de dispositions équivalentes aux articles 10 et 26 du Pacte. Par conséquent, le Comité considère que la réserve de l’État partie s’applique dans la mesure où l’affaire soulève des questions au titre des articles 8 et 17 du Pacte et dans la mesure où elle est liée à des faits qui ont eu lieu avant le 18 mai 1999. Cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.6En ce qui concerne le grief de l’auteur selon lequel le prélèvement sur son salaire de la cotisation à l’assurance chômage constituait un fait discriminatoire contraire à l’article 26 du Pacte, puisqu’il était clair qu’il ne pourrait percevoir aucune prestation de chômage en tant qu’étranger devant être expulsé vers son pays d’origine immédiatement après sa sortie de prison, le Comité note, sur la base des documents mis à sa disposition, que l’auteur, au moment de la soumission de sa communication au Comité ou plus tard, n’a pas fait part de ce grief aux autorités et tribunaux autrichiens. À part le fait d’affirmer que son «refus» d’épuiser les recours internes était justifié, l’auteur n’a pas répondu à l’argument de l’État partie selon lequel il aurait pu contester, en saisissant la Cour constitutionnelle, l’effet discriminatoire que pourraient avoir les cotisations obligatoires à l’assurance chômage, ou indiquer si et, le cas échéant, pourquoi le recours devant la Cour constitutionnelle aurait été inefficace ou impossible dans les circonstances de l’espèce. Le Comité considère donc que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes à cet égard et conclut que cette partie de la communication est irrecevable au titre du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.7Pour ce qui est du reste de la communication, le Comité observe que l’auteur n’a pas montré, aux fins de la recevabilité, en quoi l’obligation qui lui a été faite de travailler en prison, le degré de restriction des communications téléphoniques avec sa famille ou toute autre mesure prise par les autorités carcérales, en particulier la confiscation de son ordinateur et le refus de le laisser acheter des équipements pour son imprimante ou recevoir des colis alimentaires ou d’autres colis envoyés par sa famille, constituaient une violation de son droit, en vertu de l’article 10 du Pacte, d’être traité, en tant que détenu, avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Il n’a pas non plus apporté d’éléments pour prouver qu’en tant qu’étranger ou noir il avait été victime de discrimination au sens de l’article 26 du Pacte.

8.8Le Comité note également la contradiction qui existe entre, d’une part, la plainte de l’auteur auprès du Ministère de l’intérieur selon laquelle il était confiné dans sa cellule 23 heures par jour du 30 novembre 2000 au 30 avril 2001 et, d’autre part, les explications de l’État partie selon lesquelles l’auteur avait été placé en confinement en cellule ordinaire à trois reprises durant la période considérée, pour différentes violations du règlement de la prison le 30 novembre 2000 ainsi que les 23 et 30 janvier 2001, et pour une durée de 12, 7 et 8 jours, respectivement. Le Comité note que l’auteur n’a fait aucun commentaire sur cette contradiction, et conclut donc qu’aux fins de la recevabilité il n’a pas établi le bien‑fondé de cette prétention. La communication est donc irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif, dans la mesure où elle soulève des questions au regard de l’article 10 du Pacte.

9.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 a) et b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

APPENDICE

Opinion individuelle de M. Hipólito Solari ‑Yrigoyen (dissidente)

Je désapprouve en partie la décision du Comité, qui, à mon avis, aurait dû être libellée comme suit.

Examen de la recevabilité

Au sujet de l’affirmation de l’auteur selon laquelle il avait été puni d’un confinement en cellule 23 heures par jour, le Comité note que l’État partie admet la réalité de cette sanction et la description qui en est donnée, mais en conteste la durée. Alors que l’auteur affirme qu’elle a duré du 30 novembre 2000 au 30 avril 2001, l’État partie soutient que la sanction s’est étalée sur trois périodes ayant duré, respectivement, 12, 7 et 8 jours, soit un total de 27 jours.

Le Comité constate que l’État partie a fourni des informations incomplètes, étant donné qu’il ne mentionne pas les dates auxquelles l’auteur était supposé purger sa sanction et qu’il n’explique pas comment il a pu donner à l’auteur l’occasion de s’exercer «en tout temps», le traitant ainsi d’une manière conforme aux règles minimales énoncées à l’article 10 du Pacte (comme indiqué au paragraphe 6.5), alors qu’il admet que l’auteur était enfermé dans sa cellule 23 heures par jour pendant 27 jours. Le Comité observe que l’État partie est tenu de fournir «des explications ou déclarations éclaircissant la question à l’examen», comme stipulé au paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte.

Le Comité constate également que l’auteur a rejeté comme infondées les observations de l’État partie datées du 22 octobre 2003, comme indiqué au paragraphe 7. L’auteur conteste ainsi la durée plus courte de la sanction indiquée par l’État partie.

Il ressort de ce qui précède que la communication est recevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif, dans la mesure où elle soulève des questions au regard de l’article 10 du Pacte.

Examen quant au fond

Le Comité doit déterminer si le confinement en cellule auquel l’auteur, selon les informations complémentaires figurant dans sa lettre datée du 22 mai 2001, a été soumis par l’État partie constituait une violation de l’article 10 du Pacte. Il note que l’auteur et l’État partie sont d’accord sur le fait que la sanction consistait en un confinement en cellule de 23 heures par jour.

Le Comité souligne que tout régime pénitentiaire a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social des condamnés, et que les sanctions devraient avoir les mêmes objectifs, à condition que ceux‑ci ne portent pas atteinte au traitement humain auquel ont droit les personnes privées de leur liberté (par. 1 et 3 de l’article 10 du Pacte). Le Comité note que l’État partie n’a ni fait allusion à ces objectifs ni soutenu que la punition infligée à l’auteur était destinée à réaliser lesdits objectifs.

Le Comité conclut que la punition extrêmement dure infligée à l’auteur était, vu ses éventuelles conséquences mentales et physiques ainsi que sa durée, incompatible avec l’article 10 du Pacte, qui dispose que toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Conformément au paragraphe 4 de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

(Signé) Hipólito Solari-Yrigoyen

Genève, le 27 octobre 2004

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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