Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/CO/83/MUS27 avril 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-troisième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

MAURICE

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de Maurice (CCPR/C/MUS/2004/4) à ses 2261e et 2262e séances (CCPR/C/SR.2261 et CCPR/C/SR.2262 ), tenues les 17 et 18 mars 2005, et adopté les observations finales suivantes à sa 2278e séance (CCPR/C/SR.2278), le31 mars 2005.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de pouvoir renouer le dialogue avec l’État partie, neuf années s’étant écoulées depuis l’examen du rapport précédent. Il note que le rapport soumis par l’État partie contient des informations utiles sur la législation interne ainsi que sur l’évolution qui a eu lieu dans certains domaines juridiques et institutionnels depuis l’examen du troisième rapport périodique. Le Comité se félicite des discussions avec la délégation de haut rang et prend note, avec satisfaction, des réponses aussi bien orales qu’écrites apportées à ses questions.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de certaines initiatives prises par l’État partie, ces dernières années, en matière des droits de l’homme, en particulier l’adoption de la loi sur la protection des droits de l’homme de 1998, la loi sur la discrimination sexuelle de 2002 portant création d’une division de la discrimination sexuelle au sein de la Commission nationale des droits de l’homme, la loi portant révision du Code pénal de 2003 introduisant un nouvel article 78 sur la «Torture par un agent de la fonction publique», et la loi de novembre 2003 sur l’«Ombudsperson pour enfant».

4.Le Comité prend également acte avec satisfaction des mesures prises par l’État partie afin de promouvoirl’usage de la langue créole, sous forme écrite, dans les écoles.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité prend note dudifférendcontinu entre l’État partie et le Gouvernement du Royaume‑Uni quant au statut juridique de l’archipel des Chagos dont les populations ont été renvoyées vers la principale île de Maurice et d’autres lieux après 1965 (art. 1er du Pacte).

L’État partie devrait déployer tous ses efforts pour permettre aux populations concernées renvoyées de ces territoires de jouir pleinement des droits reconnus par le Pacte.

6.Le Comité réitère sa préoccupation sur la non‑intégration dans la législation nationale de tous les droits garantis dans le Pacte et en l’occurrence le maintien de dispositions législatives, y compris constitutionnelles, non conformes au Pacte, et souligne, à nouveau, que le système juridique de Maurice n’offre pas de recours efficace dans tous les cas de violations des droits garantis par le Pacte (art. 2 du Pacte). Le Comité constate à nouveau que le maintien de la disposition de l’article 16 de la Constitution en vertu de laquelle l’interdiction de la discrimination ne s’applique pas aux lois relatives au statutpersonnel et aux étrangers est susceptible de se traduire par des violations des articles 3 et 26 du Pacte.

L’État partie devrait donner plein effet aux dispositions du Pacte dans son droit interne interdisant toutes les formes de discrimination .

7.Tout en se félicitant de la création de la Commission nationale des droits de l’homme en avril 2001, le Comité constate les lacunes d’une telle institution quant aux garanties d’indépendance au niveau du mode de désignation et de révocation de ses membres. En outre, la Commission ne dispose pas de son propre budget et ses pouvoirs d’enquête sont limités. Enfin, saisie de plaintes, elle procède souvent à leur renvoi aux autorités de police pour enquête (art. 2 du Pacte).

L’État partie devrait veiller à la mise en conformité de la loi sur la protection des droits de l’homme de 1998 portant création de cette Commission et de sa pratique avec les Principes de Paris.

8.Si le Comité apprécie les progrès réalisés dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le secteur public, il note avec inquiétude que l’emploi des femmes dans le secteur privé et à des postes de responsabilité reste faible. Il demeure aussi préoccupé par les disparités de rémunération entre les hommes et les femmes. Enfin, la participation des femmes à la vie politique reste insuffisante (art. 3 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait poursuivre et renforcer ses mesures afin que les femmes jouissent de l’égalité d’accès au marché du travail dans le secteur privé, y compris à des postes de responsabilité, et de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. La participation des femmes à la vie politique devrait également être renforcée par le biais de mesures volontaristes appliquées effectivement.

9.Le Comité note avec inquiétude que les dispositions de la section 235 du Code pénal pénalisent l’avortement même lorsque la vie de la mère est en danger risquant ainsi d’inciter les femmes à recourir à des avortements peu sûrs, illégaux, avec les risques qui en découlent pour leur vie et leur santé (art. 6 du Pacte).

L’État partie devrait réviser sa législation afin que les femmes ne soient pas obligées de mener des grossesses à terme , et ce en violation des droits garantis par le Pacte.

10.Tout en notant la nouvelle loi de 1997 relative à la protection contre la violence dans la famille et son amendement en 2004, la mise en place de structures de soutien aux victimes, et des programmes de sensibilisation dont des formations à l’intention des policiers et procureurs afin que les cas de violence ne soient pas considérés comme des affaires privées, le Comité regrette que le nombre de cas de violence familiale signalés par des sources non gouvernementales concordantes demeure élevé (art. 3 et 7 du Pacte).

L’État partie devrait renforcer ses mesures de prévention et de réduction des cas de violence familiale à l’encontre des femmes et des enfants et s’attaquer aux obstacles qui empêchent les femmes de les signaler, telle la dépendance économique envers leur partenaire.

11.Le Comité constate la persistance du travail et de la prostitution des enfants (art. 7, 8 et 24 du Pacte).

L’État partie devrait poursuivre et renforcer ses mesures en vue de l’éradication de la prostitution et du travail des enfants.

12.Tout en comprenant les exigences de sécurité liées à la lutte contre le terrorisme, le Comité estime que les conséquences de la loi sur la prévention du terrorisme de 2002 peuvent être d’autant plus graves que la notion de terrorisme est vague et susceptible d’interprétations extensives. Tout en notant qu’il n’y a pas eu de cas d’arrestations dans le contexte de la législation antiterroriste, et malgré certaines garanties prises par l’État partie telles que l’enregistrement vidéo des interrogatoires des suspects en détention, le Comité fait part de sa préoccupation quant aux dispositions de cette loi n’autorisant pas la libération sous caution et l’accès à un avocat durant 36 heures contrairement aux dispositions du Pacte (art. 7 et 9 du Pacte).

L’État partie devrait veiller à ce que la législation adoptée au titre de la lutte contre le terrorisme soit pleinement conforme à l’ensemble des dispositions du Pacte , y compris celle qui est relative à l’article 4 , compte tenu de l’Observation générale  n o  29.

13.Le Comité note avec préoccupation les informations concordantes provenant d’organisations non gouvernementales faisant état de nombreux cas de mauvais traitements pendant la garde à vue et dans les prisons à l’encontre des personnes détenues, ainsi que de nombreux cas de décès, dont seraient responsables des agents de la force publique. Le Comité est préoccupé par le fait que, dans la pratique, peu de plaintes aboutissent à des enquêtes, à l’établissement des responsabilités et à la sanction des agents responsables. Il relève avec préoccupation les limites des enquêtes du Bureau d’investigation des plaintes et les lacunes de la Commission nationale des droits de l’homme (art. 6, 7 et 10 du Pacte). Il est, à cet égard, préoccupé par l’absence d’un conseil indépendant de recours contre les autorités de police.

L’État partie devrait s’assurer de la poursuite d’enquêtes sur toutes les violations relevant des articles 6, 7 et 10 du Pacte. Il devrait diligenter, selon les résultats de ces enquêtes, des poursuites à l’encontre des auteurs de ces violations, ainsi que l’octroi de réparations aux victimes. L’État partie devrait également s’assurer de la mise à disposition des victimes de véritables organes indépendants d’enquête sur ces plaintes. L’État partie est invité à fournir, dans le cadre du prochain rapport, des statistiques détaillées portant sur le nombre de plaintes à l’encontre des agents de l’État, la nature des infractions en question, les services de l’État mis en cause, le nombre et la nature des enquêtes et des poursuites engagées, ainsi que les réparations accordées aux victimes.

14.Le Comité réitère, avec inquiétude, que les pouvoirs de détention prévus par les paragraphes 1 k) et 4 de l’article 5 de la Constitution sont incompatibles avec les paragraphes 3 et 4 de l’article 9 du Pacte.

L’État partie devrait réviser ces dispositions constitutionnelles incompatibles avec le Pacte .

15.Le Comité constate avec inquiétude que la loi de 2000 relative aux drogues dangereuses n’autorise pas la libération sous caution de personnes arrêtées ou détenues pour vente de drogues, en particulier lorsque celles-ci ont déjà été condamnées pour une infraction en matière de stupéfiants. Cette loi permet, en outre, de garder des suspects durant 36 heures en détention sans consulter un avocat (art. 9 du Pacte).

L’État partie devrait réviser la loi de 2000 relative aux drogues dangereuses afin de permettre au juge d ’apprécier au cas par cas en fonction de l’infraction commise et de donner plein effet aux dispositions de l’article 9 , paragraphe 2, du Pacte .

16.Le Comité note avec préoccupation le constat alarmant du rapport sur les «Développements dans la gestion de l’emprisonnement», établi suite aux incidents de la prison de Beau Bassin du 26 septembre 2003, montrant, en particulier, le fort taux de la population en détention préventive (36 %) et la durée excessive de cette détention pour les délits graves (art. 9 du Pacte).

L’État partie est prié de tirer toutes les conséquences du rapport précité en assurant la conformité de la pratique de la détention préventive aux exigences de l’article 9 du Pacte.

17.Tout en prenant note des explications fournies par la délégation, le Comité réitère sa préoccupation tenant à l’incompatibilité de la législation de Maurice avec l’article 11 du Pacte.

L’État partie est, à nouveau, invité à rendre sa législation compatible avec les dispositions de l’article 11 du Pacte.

18.Le Comité constate l’absence de dispositions garantissant le respect des droits protégés par le Pacte dans les procédures d’expulsion (art. 13 du Pacte).

L’État partie devrait intégrer dans sa législation toutes les garanties devant entourer une procédure d’expulsion.

19.Le Comité constate que la loi sur les relations industrielles toujours en vigueur impose des restrictions aux droits syndicaux non conformes à l’article 22 du Pacte.

L’État partie devrait s’assurer que la révision en cours de cette législation aboutisse au plein respect des dispositions de l’article 22 du Pacte.

20.L’État partie devrait diffuser largement le texte de son quatrième rapport périodique et des présentes observations finales.

21.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait fournir, dans un délai d’un an, des renseignements complémentaires faisant le point de la situation et concernant l’application des recommandations du Comité figurant aux paragraphes 10, 13 et 16. Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans son prochain rapport, qui doit lui être présenté d’ici le 1er avril 2010, des renseignements concernant les autres recommandations formulées et l’application du Pacte dans son ensemble.

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