Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/CO/83/GRC25 avril 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑troisième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

GRÈCE

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial de la Grèce (CCPR/C/GRC/2004/1) de sa 2267e à sa 2269e séance, les 22 et 23 mars 2005 (CCPR/C/SR.2267 à 2269). À sa 2279e séance, le 31 mars 2005, il a adopté les observations finales ci‑après (voir CCPR/C/SR.2279).

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Grèce et les renseignements détaillés que lui a fournis par écrit et oralement la délégation grecque en réponse à ses questions. Le Comité regrette que le rapport ne lui ait été présenté que près de six ans après la date prévue, mais il apprécie le dialogue constructif instauré avec l’État partie.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de ce que la Constitution de la Grèce prévoie que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est directement applicable dans le contexte du droit interne, et prend acte des efforts qui sont faits pour faire largement connaître le texte du Pacte ainsi que la jurisprudence du Comité aux membres de l’appareil judiciaire.

4.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi no 3169/2003 relative au port et à l’utilisation des armes à feu par les fonctionnaires de police, à leur formation et autres dispositions pertinentes, et d’un Code de déontologie policière qui contient entre autres choses des directives concernant l’arrestation et la détention.

5.Le Comité salue l’adoption récente par le Parlement d’une loi sur l’application du principe de l’égalité de traitement indépendamment de l’origine raciale ou ethnique, des convictions religieuses ou autres, du handicap, de l’âge ou de l’orientation sexuelle.

6.Le Comité se félicite de la mise en place d’une législation et d’un plan national d’action contre la traite des êtres humains, en vue de prévenir et de réprimer cette activité criminelle et d’apporter une assistance aux victimes.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité regrette qu’en dépit des divers programmes mis en place pour régler le problème des violences domestiques, les femmes restent exposées à de telles violences et que le Code pénal ne comporte actuellement aucune disposition visant spécifiquement les violences domestiques, notamment le viol conjugal (art. 3 et 7).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour sensibiliser l’opinion au problème des violences domestiques et assurer une protection aux victimes et d’inclure dans sa législation pénale des disposition s visant spécifiquement les violences domestiques.

8.Le Comité est préoccupé par les obstacles auxquels peuvent se heurter les femmes musulmanes du fait que le droit général grec ne s’applique pas à la minorité musulmane en matière de mariage et d’héritage (art. 3 et 23).

Le Comité demande instamment à l’État partie de faire en sorte que les femmes musulmanes prennent davantage conscience de leurs droits et des recours à leur disposition et qu’elles bénéficient des dispositions du droit civil grec.

9.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de cas de recours excessif à la force par la police, notamment d’usage d’armes à feu ayant eu des conséquences fatales, et de mauvais traitements au cours d’arrestations et de gardes à vue. Il semble que les migrants et les Roms fassent régulièrement l’objet de violences policières. Le Comité est préoccupé également d’apprendre que les organes judiciaires et administratifs ne s’occupent pas rapidement et efficacement de telles affaires et que les tribunaux aient fait preuve d’indulgence dans les rares cas où des fonctionnaires de police ont été reconnus coupables (art. 2 et 7).

a) L’État partie devrait faire cesser sans délai les violences policières. Il devrait s’employer davantage à garantir que la formation des membres des forces de l’ordre contienne un enseignement sur l’interdiction de la torture et des mauvais traitements, et sensibilise le personnel concerné aux questions de discrimination raciale;

b) L’État partie devrait veiller à ce que tous les cas de torture, mauvais traitements et recours excessif à la force imputés à des fonctionnaires de police fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies, que les personnes reconnues coupables soient punies en vertu d’une législation prévoyant que les sentences sont proportionnelles à la gravité de l’infraction, et veiller à ce que les victimes ou leur famille soient indemnisées. L’État partie est prié de fournir au Comité des données statistiques détaillées concernant les plaintes déposées pour torture, mauvais traitements et recours excessif à la force imputés à des membres de la police, ainsi que l’issue des enquêtes, ventilées en fonction de l’origine nationale et ethnique des personnes sur lesquelles il a été fait usage de la force;

c) L’État partie devrait informer le Comité de l’état d’avancement de la réforme de la loi sur les mesures disciplinaires pour les fonctionnaires de police, et du statut, du mandat et des conclusions des organes auxquels sont soumises les plaintes déposées contre la police.

10.Le Comité note que la Grèce est l’un des principaux pays de transit du trafic des êtres humains ainsi qu’un pays de destination. S’il salue les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre ce fléau, il reste préoccupé, en particulier, par l’absence de protection réelle des victimes, pour la plupart des femmes et des enfants, qui lui a été signalée, notamment de tout dispositif de protection des témoins (art. 3, 8 et 24).

a) L’État partie devrait prendre de nouvelles mesures pour lutter contre le trafic des êtres humains, qui constitue une violation de plusieurs des droits consacrés par le Pacte, notamment par les articles 3 et 24. Les droits fondamentaux de toutes les victimes de la traite devraient être protégés notamment en leur fournissant un refuge et en leur donnant la possibilité de témoigner contre les responsables devant des juridictions pénales ou civiles;

b) Le Comité demande instamment à l’État partie de protéger les enfants étrangers isolés et d’éviter de les laisser se fondre sans surveillance dans la population. L’absence de protection sociale spécifiquement prévue pour les enfants fait de ceux ‑ci des proies d’autant plus faciles pour le trafic et les expose à d’autres risques. L’État partie devrait faire mener une enquête judiciaire concernant les quelque 500 enfants qui ont disparu de l’institution Aghia Varvara entre 1998 et 2002, et informer le Comité de ses résultats.

11.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la détention des étrangers sans papiers dans des établissements surpeuplés où les conditions de vie et d’hygiène sont mauvaises, sans être informés de leurs droits et sans disposer de véritable moyen de communiquer avec leur famille ou leur avocat (art. 10).

L’État partie devrait veiller à ce que les étrangers sans papiers détenus aient des conditions de vie et d’hygiène décentes, soient informés de leurs droits, y compris celui de faire appel de leur détention et de déposer plainte, et à ce que des moyens effectifs de communiquer avec leur famille et leur avocat leur soient donnés.

12.Le Comité est préoccupé par le surpeuplement et les mauvaises conditions qui règnent dans certains centres de détention et établissements pour peines (art. 10).

Le Comité prend note des efforts de l’État partie pour remédier à cette situation mais recommande à celui ‑ci de continuer à prendre des mesures en ce sens, notamment d’examiner de nouvelles mesures de substitution à l’emprisonnement.

13.Le Comité s’inquiète des dispositions de droit civil en vertu desquelles il semblerait que l’emprisonnement pour dette soit autorisé. Malgré l’utilisation interprétative du Pacte qui permet d’atténuer ces dispositions, la loi peut être appliquée d’une façon incompatible avec l’article 11 (art. 11).

L’État partie devrait mettre sa législation en totale conformité avec les obligations de fond imposées par l’article 11 du Pacte.

14.Le Comité s’inquiète des allégations de discrimination dont seraient victimes les personnes professant des religions minoritaires, notamment dans le domaine de l’éducation. Les élèves des établissements publics, notamment, sont tenus d’assister à des cours d’instruction religieuse de confession chrétienne orthodoxe dont ils ne peuvent être dispensés qu’après avoir déclaré leur propre religion (art. 18).

a) L’État partie devrait prendre des mesures pour assurer que les droits et libertés de chaque communauté religieuse soient pleinement respectés, conformément au Pacte;

b) Le Comité invite l’État partie à tenir des consultations avec les représentants des religions minoritaires, de façon à trouver des solutions pratiques pour que les élèves désireux de recevoir une instruction religieuse aient tous la possibilité d’en bénéficier. Les élèves qui ne souhaitent pas suivre de cours d’instruction religieuse ne devraient pas être obligés de déclarer leur religion.

15.Le Comité s’inquiète de la durée du service civil de remplacement imposée aux objecteurs de conscience, qui est bien supérieure à celle du service militaire, et de ce que l’évaluation des demandes de service de remplacement relève uniquement du Ministère de la défense (art. 18).

L’État partie devrait faire en sorte que la durée du service de substitution au service militaire n’ait pas un caractère punitif, et envisager de confier l’évaluation des demandes de statut d’objecteur de conscience aux autorités civiles.

16.Le Comité note que le Parlement est actuellement saisi d’un amendement législatif visant à interdire les châtiments corporels dans les établissements d’enseignement secondaire, mais il n’en est pas moins préoccupé par les informations faisant état de la pratique largement répandue des châtiments corporels à l’école (art. 24).

Le Comité recommande à l’État partie d’interdire toutes les formes de violence à l’égard des enfants où qu’elles se produisent, y compris les châtiments corporels dans les établissements scolaires, et d’entreprendre des campagnes d’information concernant la protection contre la violence dont doivent bénéficier les enfants.

17.La négligence dont ferait preuve l’État à l’égard de la situation des mineurs isolés demandeurs d’asile ou résidant clandestinement dans le pays préoccupe également le Comité (art. 24).

Le Comité recommande à l’État partie d’établir une procédure pour répondre aux besoins particuliers des enfants étrangers isolés et pour garantir que leur intérêt supérieur soit pris en considération dans toute procédure d’immigration, d’expulsion et autre.

18.Le Comité s’inquiète de ce que les Roms soient toujours défavorisés dans de nombreux aspects de la vie visés par le Pacte (art. 26 et 27).

a) L’État partie devrait redoubler d’efforts pour améliorer la situation des populations roms tout en veillant à respecter leur identité culturelle, en particulier en adoptant des mesures positives dans le domaine du logement, de l’emploi, de l’éducation et des services sociaux;

b) L’État partie devrait donner des renseignements détaillés sur les résultats obtenus par les institutions publiques et privées responsables de l’amélioration des conditions de vie et de la protection sociale des Roms.

19.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la persistance d’une discrimination à l’égard de certaines personnes du fait de leur orientation sexuelle (art. 17 et 26).

L’État partie devrait offrir des recours contre les pratiques discriminatoires fondées sur l’orientation sexuelle, et prévoir des campagnes d’information pour lutter contre les préjugés et la discrimination.

20.Le Comité note que l’État partie s’est engagé à ce que tous les citoyens grecs jouissent de l’égalité de droits indépendamment de leur religion ou de leur origine ethnique. Il note toutefois avec préoccupation la réticence que semble manifester le Gouvernement à autoriser les groupes ou associations privés à utiliser dans le nom de leur association les vocables «turc» ou «macédonien», arguant de ce qu’il n’existe en Grèce d’autres minorités ethniques, religieuses ou linguistiques que celle des musulmans de Thrace. Le Comité note que les individus appartenant à des minorités ont, en vertu du Pacte, le droit de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion et d’utiliser entre eux leur propre langue (art. 27).

L’État partie devrait reconsidérer sa pratique à la lumière de l’article 27 du Pacte.

21.Le Comité fixe au 1er avril 2009 la date à laquelle la Grèce devra lui présenter son deuxième rapport périodique. Il demande à l’État partie de rendre public le texte de son rapport initial et les présentes observations finales et leur donner une large diffusion dans tout le pays, et de porter son deuxième rapport périodique à l’attention des organisations non gouvernementales présentes dans le pays.

22.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devra lui donner, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 10 b) et 11 ci‑dessus. L’État partie est prié de lui fournir des renseignements sur la suite donnée à ses autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble dans son prochain rapport.

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