United Nations

CAT/C/46/D/395/2009

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. restreinte*

1 July 2011

Original: Français

Comité contre la torture

Quarante- six ième session

9 mai – 3 juin 2011

Décision

Communication no 395/2009

Présentée par:

H. E-M. (représenté par un conseil, Maître Marie-Hélène Giroux)

Au nom de:

Le requérant

État partie:

Canada

Date de la requête:

17 Août 2009 (lettre initiale)

Date de la présente décision:

23 mai 2011

Objet:

Expulsion du requérant vers le Liban

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes

Questions de fond:

Non-refoulement

Articles de la Convention:

3, 22 (par. 2 et 5 b))

Article du Règlement intérieur:

107 b), c) et e)

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Quarante-sixième session)

concernant la

Communication no 395/2009

Présentée par:

H. E-M.(représenté par un conseil, Maître Marie-Hélène Giroux)

Au nom de:

Le requérant

État partie:

Canada

Date de la requête:

17 Août 2009 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 23 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 395/2009, présentée par M. H. E.M. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision sur la recevabilité

1.1Le requérant est M. H. E-M. né en 1966, ressortissant libanais et résidant au Canada. Il soutient que sa déportation vers le Liban constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil, Marie-Hélène Giroux.

1.2Le 24 août 2009, le Comité, à la demande du requérant, et par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers le Liban tant que sa requête serait à l’examen.

Exposé des faits

2.1 Le requérant occupait un rôle important au sein du parti « Shia » au Liban, dont son frère, M. H. E-M., était un leader important. En 1989, dans la ville de Bouj-El-Barajnieh (Sud-Ouest du Liban), son frère et lui-même ont été assaillis de coups de feu par des forces du Hezbollah. Quelque mois plus tard, des membres de l’armée syrienne se sont rendus à la maison familiale et ont menacé la famille du requérant. Suite à cela, son frère a quitté le pays et s’est installé au Canada. Le requérant a quant à lui fui la région et s’est réfugié à Beyrouth. En 1993, les tensions avec l’armée syrienne se sont intensifiées. Le frère du requérant qui résidait au Canada, l’a alors appelé et lui a demandé de récolter des informations sur les activités de l’armée syrienne dans Beyrouth Ouest. En novembre de la même année, le requérant a été arrêté par des membres de l’armée syrienne et détenu à Ramle-El-Baida (Beyrouth) pendant sept jours. Durant sa détention, le requérant a été sévèrement battu. En juillet 1994, le frère du requérant est revenu au Liban pour une visite familiale et une semaine après son arrivée, l’arme syrienne l’a arrêté. Il a été détenu à Adra en Syrie pendant plus de deux ans. Suite à cet événement et sachant que l’armée syrienne le recherchait également, le requérant s’est caché pendant deux ans chez une sœur au sud du pays. En avril 1996, le requérant a quitté le pays avec les deux enfants de son frère pour se réfugier au Canada. Le 18 décembre 1998, le Canada lui a accordé le statut de réfugié et le 8 décembre 2000, il a obtenu le statut de résident permanent dans le pays.

2.2Le 15 novembre 2007, le requérant a été condamné à deux ans d’emprisonnement pour voies de fait graves suite à l’agression au couteau contre son ex-conjointe. Le 13 décembre 2007, alors qu’il était en prison pour purger sa peine, le requérant a reçu une condamnation de 30 jours d’emprisonnement supplémentaire pour harcèlement contre son ex-conjointe par téléphone mobile.

2.3Le 19 juin 2008, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a informé le requérant de son intention de demander un Avis du ministre de la Citoyenneté et Immigration Canada sur la question de savoir si le requérant présentait un danger pour le public au Canada au titre de l’alinéa 115(2)(a) de la LIPR. L’opinion du Ministre a été rendue le 20 mars 2009, aboutissant à un avis de danger contre le requérant. L’avis de danger a évalué sa propension à la violence et a cité des instances de violence contre son ex-conjointe pendant leur mariage, ainsi que des allégations de menaces contre son frère en 1998 (qui n’ont pas abouti à une condamnation), et trois infractions de discipline dont il a été l’auteur pendant son incarcération. Selon l’article 33(2) de la Convention sur le statut de réfugié, de telles condamnations et comportements permettraient au pays d’accueil de l’exclure de la protection du statut de réfugié. S’agissant du risque de torture encouru par le requérant en cas de renvoi au Liban, l’Avis note que la situation au Liban est différente de celle qui prévalait au moment de l’octroi du statut de réfugié au requérant. Le Hezbollah serait aujourd’hui la force protectrice des musulmans chiites au Liban (or le requérant est chiite) et les forces syriennes se sont retirées du Liban en 2005 et n’ont dès lors plus de contrôle sur le territoire libanais. De ce fait, selon l’Avis, la balance entre le danger que le requérant représente pour le public au Canada et le risque qu’il encourrait s’il était renvoyé au Liban, penche pour son renvoi au Liban et l’annulation de son statut de résident permanent.

2.4 Le 7 juillet 2009, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire introduite par le requérant, et ce, pour défaut de déposer le dossier. Le 13 août 2009, le requérant a été informé que dès le 17 août 2009, l’Agence des services frontaliers du Canada serait en mesure de procéder au renvoi. Depuis le 13 mars 2009, le requérant est maintenu en détention préventive par les services de l’immigration en attendant son renvoi.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant soutient que son renvoi engendrerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention. Lui ayant octroyé le statut de réfugié en 1998, l’Etat partie est conscient des risques que le requérant encourrait s’il devait être expulsé vers le Liban. En tant que membre connu du parti « Shia » opposé au mouvement politique du Hezbollah, il serait exposé à la torture et à des traitements dégradants puisque les membres du parti « Shia » sont des victimes de violations systématiques, graves et flagrantes de leurs droits. Le requérant précise que le Secrétaire général des Nations Unies a souligné dans un de ses rapports que le maintien par le Hezbollah d’une capacité paramilitaire constitue un défi majeur pour le gouvernement libanais. Les forces de sécurité au Liban sont dès lors incapables de contenir le Hezbollah et ne pourraient pas prévenir des violations contre le requérant.

3.2Le requérant remarque que la mesure de renvoi est disproportionnée au crime qu’il a commis et contredit l’évaluation d’experts selon laquelle il ne représenterait qu’un risque modéré de récidivité. Il prétend également que le crime qu’il a commis a été un incident isolé commis en état d’ébriété et de dépression suite à sa rupture avec sa femme.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans une note du 14 décembre 2009, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête pour incompatibilité de la plainte avec la Convention, non-étayement et non-épuisement des voies de recours internes. Sur le fond, l’Etat partie réfute la violation de l’article 3 de la Convention.

4.2 L’Etat partie rappelle que le requérant qui a obtenu le statut de réfugié en 1998 et un titre de résidence permanente au Canada en 2000, a été reconnu coupable de voies de fait graves et condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans en plus des 25 mois qu’il avait déjà passé en détention. En conséquence de cette condamnation, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a émis un rapport d’interdiction de territoire contre le requérant et a déféré son cas à la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) pour enquête. Le 25 avril 2008, après une audition dans le cadre de laquelle l’auteur a eu l’opportunité de se faire entendre, la SI a déterminé que le requérant était effectivement interdit du territoire canadien pour cause de grande criminalité conformément à législation interne, et a pris une mesure de renvoi contre lui. Du fait de cette mesure de renvoi, le requérant a perdu son statut de résident permanent au Canada. Il a porté appel de cette décision devant la Section d’Appel de l’Immigration (SAI) mais son appel a été rejeté pour défaut de compétence.

4.3 Lorsque l’ASFC a informé le requérant de son intention de demander un Avis du Ministre de la Citoyenneté et Immigration Canada sur la question du danger que pourrait constituer le requérant vis-à-vis du public au Canada, il était précisé que le requérant pouvait soumettre dans les 15 jours des observations écrites et des preuves documentaires sur les risques encourus en cas de retour au Liban. Le requérant a refusé d’accuser réception de cette lettre. Le 8 août 2008, la conseillère du requérant a demandé à l’ASFC de lui accorder un délai supplémentaire pour formuler des observations écrites. Ce délai a été refusé puisque la demande avait déjà été transférée au Ministre. La conseillère avait néanmoins été informée qu’elle pouvait soumettre ces observations directement au Ministre. Le 11 février 2009, l’ASFC a donné au requérant une nouvelle opportunité de soumettre des observations, ce qu’il n’a pas fait. Ainsi, lorsque l’Avis du Ministre fut émis le 20 mars 2009, le requérant n’avait toujours pas soumis ses observations sur le risque encouru en cas de retour au Liban. Le Ministre s’est donc basé sur les informations mises à sa disposition pour conclure à l’absence d’un risque contraire à l’article 3 de la Convention. Se fondant sur plusieurs sources documentaires, l’Avis du Ministre a considéré que depuis la fin de la guerre civile au Liban en 1990, le Hezbollah ne représente pas un danger pour la population civile, particulièrement en ce qui concerne la communauté chi’ite. L’Etat partie insiste sur le fait que le cas du requérant n’est pas celui d’une personne qui est sujette au renvoi pour des raisons de criminalité malgré les dangers auxquels elle serait vraisemblablement exposée, mais bel et bien d’une personne qui, selon les vérifications des autorités canadiennes, ne court aucun risque de torture en cas de retour dans son pays d’origine.

4.4 Le 22 avril 2009, le requérant a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale du Canada à l’encontre de l’Avis du Ministre. Cette demande a été rejetée le 7 juillet 2009 en raison du défaut du requérant de déposer le dossier. Le 12 août 2009, le requérant a présenté une requête en annulation de l’ordonnance du 7 juillet 2009, alléguant la négligence de ses conseillers. La Cour fédérale a rejeté cette requête le 17 août 2009 suite à une audience dans le cadre de laquelle la conseillère du requérant a eu la chance de se faire entendre. Les motifs du rejet étaient liés au fait que la négligence des avocats ne sauraient constituer un motif d’annulation d’une décision de la Cour fédérale.

4.5 L’Etat partie soutient que la communication du requérant devant le Comité est irrecevable en ce qu’elle est incompatible avec la Convention puisque les risques allégués par le requérant ne constituent pas la torture telle que définie par son article 1; elle n’est pas suffisamment étayée ; et le requérant, par manque de diligence, n’a pas épuisé les recours internes disponibles. Sur le premier motif, l’Etat partie rappelle que la torture telle que définie par l’article 1 de la Convention requiert que les souffrances soient infligées par un agent de la fonction publique, ou par une autre personne agissant à titre officiel ou à l’instigation ou avec le consentement d’un tel agent. Or, selon l’Etat partie, rien ne suggère que le requérant risque quoi que ce soit de la part des autorités libanaises. En outre, la communication ne serait pas assez étayée aux fins de la recevabilité compte tenu du fait qu’elle ne révèle aucune preuve de risque personnel. Aucun document fourni par le requérant ne permet d’identifier le « parti Shia » auquel il est fait référence. Il n’est pas non plus fait référence à la nature de la prétendue participation du requérant dans ce parti. Celui-ci n’explique pas non plus pourquoi en tant que chi’ite, il aurait à craindre du Hezbollah qui est lui-même un parti chi’ite. Aucun des documents fournis par le requérant ne fait référence à un conflit existant entre le Hezbollah et un parti nommé « Shia » ou à la persécution des chi’ites par le Hezbollah.

4.6 L’Etat partie fait valoir que pour étayer ses allégations, le requérant se fonde surtout sur le fait que le Canada lui a octroyé le statut de réfugié en 1998. Or le statut de réfugié a été octroyé au requérant sur la base d’allégations tout à fait différentes de celles avancées dans sa requête devant le Comité. En particulier, la demande d’asile soumise en 1996 ne fait aucune mention du « parti Shia » ou d’une quelconque affiliation politique du requérant. Au contraire, cette demande laisse entendre que sa famille n’était justement pas impliquée dans la politique et que c’est précisément le refus de son frère d’être impliqué qui a conduit à l’attaque par le Hezbollah. La demande suggère que le requérant n’était pas personnellement ciblé mais qu’il aurait été blessé parce qu’il se trouvait à proximité de son frère. En outre, le seul risque allégué par le requérant dans sa demande d’asile en 1996 était celui de persécution par les forces syriennes. Même si le requérant avait refusé de se joindre au Hezbollah pendant la guerre civile, rien n’indique que cela représente toujours, après plus de dix ans, un risque à sa sécurité. Même la preuve fournie par le requérant dans sa requête devant le Comité indique que le Hezbollah ne recrute pas de force et ne s’adonne pas aux représailles. Cette même preuve indique que la protection de l’Etat est généralement adéquate, particulièrement en dehors du Sud du pays.

4.7 Rappelant la jurisprudence du Comité ainsi que son Observation générale No 1, l’Etat partie souligne que c’est au requérant qu’il incombe d’établir qu’à première vue sa communication est recevable au titre de l’article 22 de la Convention. En l’occurrence, l’Etat partie soutient que ces conditions ne sont pas remplies.

4.8 L’Etat partie soutient également que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes disponibles et n’a pas diligemment poursuivi les recours dont il s’est prévalu. Le requérant avait plusieurs occasions et plusieurs mois pour faire valoir ses allégations auprès du Ministre de la Citoyenneté et Immigration Canada dans le cadre de l’examen par ce dernier du danger que représente le requérant pour le public au Canada et les risques auxquels le requérant pourraient être exposé au Liban. Or le requérant n’a soumis aucune observation écrite dans le cadre de cet examen. En outre, le requérant n’a pas poursuivi sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire avec la diligence voulue en omettant de déposer le dossier à l’appui de sa demande devant la Cour fédérale. L’Etat partie souligne que conformément à la jurisprudence du Comité, la simple négligence des conseillers ne constitue pas une justification au non-épuisement des recours internes.

4.9 Subsidiairement à ses observations sur la recevabilité et pour les mêmes motifs, l’Etat partie soutient que la communication du requérant devrait être rejetée sur le fond puisqu’elle ne révèle aucune violation de l’article 3 de la Convention.

Commentaires du requérant

5.1Dans sa réponse du 23 décembre 2009 aux observations de l’Etat partie sur la recevabilité et le fond de la requête, le Conseil soutient que le risque encouru par le requérant demeure encore aujourd’hui. Malgré le départ officiel des forces syriennes du Liban, le Hezbollah a connu une croissance et un niveau d’influence de plus en plus grand, surtout depuis la fin du récent conflit avec Israël en 2006. Le danger pour le requérant n’en est donc aucunement diminué puisque c’est son refus de participer aux milices, dont le Hezbollah, qui a été la cause de ses blessures en 1989. Malgré la participation des branches du Hezbollah dans le gouvernement du Liban, les actes de cette milice se sont pas moins violents ou arbitraires quand elle fait face aux personnes qui lui sont opposées. Le Conseil rapporte plusieurs cas de détention abusive par les forces du Hezbollah rapportés en 2008 dans le rapport annuel du US Department of State. Le Conseil en cite trois, l’un contre un membre du parti socialiste français, l’un contre des journalistes brésiliens et le dernier contre cinq employés d’une entreprise effectuant une étude dans les quartiers sud de Beyrouth.

5.2 Le Conseil ajoute que la participation actuelle du Hezbollah dans le gouvernement ne permet plus à l’Etat partie d’exclure que le requérant s’il est détenu au Liban pourra être soumis à des pratiques prohibées par l’article 1 de la Convention puisqu’elles pourraient être perpétrées par des agents de l’Etat qui pourraient être du Hezbollah ou être infligées à l’instigation de ceux-ci.

5.3 S’agissant de l’épuisement des voies de recours internes, le Conseil note que le requérant a agi avec diligence mais c’est son avocat qui, lors de le demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, a omis de déposer le dossier du demandeur devant la Cour fédérale.

5.4Le 29 janvier 2010, le Conseil a soumis au Comité la copie d’une demande d’évaluation criminologique du requérant. Cette demande provient du Conseil et avait pour but d’estimer le risque que représente le requérant. L’évaluation conclut à un risque de récidive réduit par des facteurs encourageants liés à l’environnement familial du requérant et son manque d’antécédent. Le rapport mentionne le fait que le requérant serait prêt à s’engager dans un processus clinique qui aurait pour but de réduire d’avantage le risque qu’il représente.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une plainte qui fait l’objet d’une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Conformément à l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, le Comité doit s’assurer que le requérant a épuisé les voies de recours internes disponibles, cette règle ne s’appliquant pas lorsque les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donneraient satisfaction à la victime présumée.

6.3Le Comité note que selon l’État partie, la requête devrait être déclarée irrecevable puisque malgré les nombreuses opportunités qui lui ont été données d’apporter la preuve d’un risque personnel d’être torturé en cas de retour au Liban, le requérant n’a jamais soumis d’observations écrites lors de la procédure ; et qu’il n’a ensuite pas poursuivi sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire avec la diligence voulue en omettant de déposer le dossier à l’appui de sa demande devant la Cour fédérale. Le Comité note que selon l’Etat partie le requérant ne saurait se prévaloir d’une négligence de ses conseillers pour s’exonérer de sa responsabilité d’épuiser les voies de recours internes. Le Comité prend note par ailleurs de l’argument du requérant selon lequel celui-ci a agi avec diligence mais que c’est son conseiller qui a omis de déposer le dossier devant la Cour fédérale et que par conséquent, cette négligence ne saurait lui être imputable.

6.4 Le Comité rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les erreurs commises par un conseil dont le requérant s’est attaché les services à titre privé ne peuvent normalement pas être imputées à l’État partie. Le Comité note en outre que le requérant a, à plusieurs reprises au cours de la procédure interne, été sollicité pour apporter la preuve d’un risque actuel et personnel de torture en cas d’expulsion vers le Liban ; que le requérant ne s’est jamais prévalu de telles opportunités sans, par ailleurs, en apporter les motifs. Dès lors, et sans qu’il ait à se prononcer sur les autres griefs présentés par les parties, le Comité conclut que le requérant ne s’est pas prévalu des opportunités qui lui ont été ouvertes pour épuiser les voies de recours internes, recours qui sont maintenant clos du fait de la prescription des recours en droit interne

6.5 Le Comité est donc d’avis que les recours internes n’ont pas été épuisés conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

7.En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a)Que la requête est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.

[Adopté en anglais, en espagnol et en français (version originale). Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]