Nations Unies

CMW/C/MRT/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

31 mai 2016

Original : français

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le rapport initial de la Mauritanie *

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Mauritanie (CMW/C/MRT/1) à ses 308e et 309e séances (CMW/C/SR.308 et 309), tenues les 11 et 12 avril 2016, et a adopté les observations finales ci-après à sa 321e séance, tenue le 20 avril 2016.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l’État partie, élaboré en réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport (CMW/C/MRT/QPR/1), ainsi que des informations orales supplémentaires fournies par la délégation de haut niveau dirigée par le Commissaire aux droits de l’homme et à l’action humanitaire, M. Cheikh Tourad Abdel Malick, et composée des représentants de divers ministères, de la Représentante permanente de la Mauritanie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et d’autres membres de la Mission permanente. Le Comité apprécie le dialogue franc, ouvert et constructif qui s’est tenu entre la délégation et les membres du Comité.

3.Le Comité note que les pays où sont employés la plupart des travailleurs migrants mauritaniens ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui constitue un obstacle à la jouissance par ces travailleurs des droits que leur reconnaît la Convention.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2012 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2012 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2012 ;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2007.

5.Le Comité note avec satisfaction les mesures législatives ci-après :

a)L’adoption de la loi no 031-2015 du 15 septembre 2015 incriminant l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes ;

b)L’adoption de la loino2010-021 du 10 février 2010 portant incrimination du trafic illicite des migrants;

c)L’adoption du décret no2009-224 du 29 octobre 2009 fixant les conditions d’emploi de la main-d’œuvre étrangère et instituant le permis de travail pour les travailleurs étrangers.

6.Le Comité note avec satisfaction l’adoption de la stratégie nationale de gestion de la migration en 2010.

7.Le Comité se félicite que l’État partie entretienne une collaboration continue avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et bénéficie de son appui technique en ce qui concerne l’élaboration des rapports.

8.Le Comité félicite l’État partie d’avoir mis en valeur l’effort de mobilisation de la société civile et d’avoir utilisé sa bonne organisation ainsi que son degré de maturité dans le travail associatif.

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

9.Le Comité reconnaît les difficultés auxquelles l’État partie est confronté, notamment la porosité des frontières et les changements climatiques, qui peuvent faire obstacle à la pleine réalisation de tous les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille en vertu de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Législation et application

10.Le Comité est préoccupé par le fait que malgré les dispositions de l’article 80 de la Constitution qui prévoit que « toutes les dispositions relatives aux droits de l’homme issues des Conventions ratifiées peuvent être invoquées devant les juridictions et le juge est tenu de les appliquer », celles-ci sont peu invoquées en pratique.

11. Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son deuxième rapport périodique, des informations sur l’application de la Convention par les tribunaux nationaux ou sur l es obstacle s à cette application, le cas échéant .

Articles 76 et 77

12.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir des communications d’États parties et de particuliers se rapportant à des violations des droits consacrés par la Convention.

13. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Ratification d’instruments pertinents

14.Le Comité note avec satisfaction la ratification par l’État partie de tous les traités relatifs aux droits de l’homme, ainsi que la ratification de plusieurs conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Toutefois, il relève que l’État partie n’a pas encore adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, au Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications. Tout en notant les difficultés énoncées par l’État partie, telles que l’insuffisance de ressources, pour faire face aux obligations qui naîtraient d’une ratification des conventions de l’OIT nos97 (1949) et 143 (1975) sur les travailleurs migrants, le Comité regrette que l’État ne soit pas encore partie à ces deux conventions, ni aux conventions de l’OIT no181 (1997) sur les agences d’emploi privées et no189 (2011) sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

15.Le Comité rappelle à l’État partie que le niveau de développement et l’insuffisance de ressources disponibles ne peuvent justifier l’inaction de l’État pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier les protocoles facultatifs aux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme mentionnés ci-dessus, ainsi que les conventions n os 97, 143, 181 et 189 de l’OIT.

Coordination

16.Le Comité prend note de l’existence du comité interministériel chargé de l’élaboration de rapports et de la mise en œuvre des recommandations du Comité, ainsi que d’autres organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme. Le Comité note également l’existence des 17 services ministériels compétents en matière de migration. Cependant, il constate que l’État partie ne dispose pas d’un département ministériel ou de tout autre organisme chargé de coordonner la migration dans toutes ses dimensions.

17. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De r edoubler d’efforts pour améliorer la coordination entre ministères et organismes à tous les niveaux du Gouvernement, afin de favoriser la mise en œuvre effective des droits protégés au titre de la Convention  ;

b) De r enforcer le comité interministériel chargé de l’élaboration de rapports et de le doter de ressources suffisantes pour la mise en œuvre des recommandations du Comité, ainsi que d’autres organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme .

Collecte de données

18.Le Comité prend note des données statistiques existantes, ventilées par sexe, sur le nombre de migrants en Mauritanie recueillies pour le compte de l’Organisation internationale pour les migrations en 2008. Il regrette cependant l’insuffisance des données statistiques actualisées, ventilées par sexe, âge et origine, sur les flux migratoires à destination et en provenance de l’État partie, incluant les membres des familles des travailleurs migrants. Il rappelle que ces informations sont indispensables pour comprendre la situation migratoire dans l’État partie et pour évaluer le niveau de mise en œuvre de la Convention.

19. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De solliciter l’assistance technique nécessaire en vue de faire en sorte que la base de données existante sur la migration soit centralisée et ventilée par sexe, âge et origine , conformément aux objectifs de développement durable ( cible 17 . 18 ) , en vue :

i) De mieux appréhender le contexte migratoire et la situation des travailleurs migrants dans l’État partie, y compris ceux en situation irrégulière ;

ii) De permettre une mise en œuvre efficace de la politique migratoire ;

iii) De surveiller l’application des dispositions de la Convention ;

b) De fournir des renseignements sur le nombre de travailleurs migrants ma uritan iens et de s membres de leur famille se trouvant à l’étranger, y compris ceux en situation irrégulière , et, dans la mesure du possible, sur leur situation au titre de la Convention. En l’absence d’informations précises, le Comité souhaiterait obtenir des données fiables, fondées sur des sondages ou des estimations crédibles.

Suivi indépendant

20.Le Comité se félicite de constater que la Commission nationale des droits de l’homme de l’État partie a été dotée du statut « A » en mai 2011 par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Néanmoins, le Comité est préoccupé par l’absence de processus de sélection transparent et participatif en ce qui concerne les membres de la Commission.

21. Le Comité recommande à l’État partie de s’assurer que la loi n o 2010-031 relative à la Commission nationale des droits de l’homme garantisse de manière effective l’indépendance de la Commission, en conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) , et de veiller à son bon fonctionnement ainsi qu’à son indépendance effective.

Formation et diffusion de la Convention

22.Le Comité est préoccupé par le manque de documents et de programmes de formation portant spécifiquement sur la Convention et les droits qui y sont consacrés, et par l’absence de diffusion de ces informations auprès des parties prenantes, notamment les autorités nationales, régionales et locales, les tribunaux, les organisations de la société civile, ainsi que les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

23. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des programmes d’éducation et de formation portant sur la Convention et de veiller à ce que cette formation soit dispensée à tous les agents publics , y compris les magistrats et les forces de sécurité, et à toutes les personnes qui travaillent dans les domaines liés aux migrations. Il lui recommande également de veiller à ce que les travailleurs migrants aient accès à l’information sur les droits que leur reconnaît la Convention, et de collaborer avec les organisations de la société civil e et les médias pour diffuser des information s sur la Convention et promouvoir son application.

Corruption

24.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des travailleurs migrants et des membres de leur famille ont été victimes de la corruption pratiquée par des fonctionnaires de diverses institutions ayant des responsabilités dans la mise en œuvre de la Convention.

25. Le Comité encourage l’État partie à continuer de prendre des mesures pour faire face à tous les cas de corruption et lui recommande d’enquêter de manière approfondie sur toute affaire dans laquelle semblent être impliqués des fonctionnaires concernés par la mise en œuvre de la Convention, et de leur imposer les sanctions adaptées, selon que de besoin. Le Comité recommande également à l’État partie de mener des campagnes d’information afin d’encourager les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui prétendent être victimes de corruption à porter plainte, et de sensibiliser davantage les travailleurs migrants et les membres de leur famille aux services mis gratuitement à leur disposition.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

26.Le Comité note que le Code du travail établi par la loi no2004-017 s’applique à tous les travailleurs migrants et que les conditions d’emploi de la main-d’œuvre étrangère (art. 388) fixent l’obligation d’octroyer un permis de travail dont les modalités d’acquisition sont déterminées par le décret no 2009-224. Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que les conditions d’obtention du permis de travail manquent de souplesse, poussant les travailleurs migrants à opter pour des travaux non contractuels ou à accepter de travailler sans permis, ce qui accroît leur vulnérabilité et les expose à des situations d’exploitation et de traite des personnes.

27. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les travailleurs migrants et les membres de leur famille , qu’ils soient pourvus de documents ou non, se trouv a nt sur son territoire ou sous sa juridiction, jouissent sans discrimination des droits consacrés dans la Convention, conformément à l’article 7. Il lui recommande également de fournir dans son deuxième rapport périodique des informations sur les mesures prises à cet égard, en citant des exemples concrets et pertinents.

Droit à un recours utile

28.Tout en notant les informations reçues de l’État partie concernant l’adoption, en 2015, de la loi relative à l’accès à l’aide judiciaire, qui offre la possibilité aux justiciables d’obtenir une aide juridique gratuite, le Comité constate avec préoccupation que la loi n’est pas encore en application en raison de l’absence de textes d’application et du fait qu’aucun budget n’a pour l’instant été alloué à sa mise en œuvre. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que, malgré l’existence d’une disposition du Code de procédure pénale qui prévoit la commission d’office d’un avocat en matière criminelle quelle que soit la nationalité de l’auteur présumé du crime, cette disposition est rarement mise en œuvre, et que les avocats sont disponibles seulement à Nouakchott.

29. Le Comité engage l’État partie  :

a) À f aire en sorte que, dans la loi et dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, aient la même possibilité que ses nationaux de porter plainte et d’obtenir réparation devant les tribunaux, lorsque leurs droits consacrés par la Convention ont été violés ;

b) À i nformer les travailleurs migrants et les membres de leur famille des recours judiciaires et autres qui leur sont ouverts en cas de violation des dispositions de la Convention et à traiter leurs plaintes le plus efficacement possible ;

c) À f ournir dans son prochain rapport périodique des informations sur les cas de travailleurs migrants ayant bénéficié de l’assistance judiciaire.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Travail forcé et autres formes d’exploitation

30.Le Comité prend note des efforts fournis par l’État partie concernant la prévention du travail forcé. Cependant, il est préoccupé par la continuité et la persistance de cette pratique, en particulier à l’encontre des travailleurs migrants, souvent victimes de travail forcé, d’abus et d’autres formes d’exploitation telles qu’une rémunération insuffisante ou des heures de travail excessives. Le Comité relève avec préoccupation la situation des femmes migrantes en situation irrégulière, qui travaillent comme employées domestiques et qui sont exposées à l’exploitation mais également à la prostitution. Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises à l’encontre des employeurs recourant au travail forcé et à d’autres formes d’exploitation.

31. Le Comité exhorte l’État partie :

a) À s ’assurer que l’inspection du travail contrôle de manière plus régulière les conditions de travail des travailleurs migrants en situation régulière et irrégulière, en étendant l’application de la Convention au secteur informel , y compris les travailleuses et les travailleurs domestiques, et en rapportant systématiquement les cas d’abus aux autorités , conformément aux objectif s de développement durable ( cible 8.8 )  ;

b) À v eiller à ce que tous les travailleurs migrants, en particulier les travailleuses migrantes employées comme domestiques, aient accès à des mécanismes efficaces pour porter plainte contre ceux qui les exploitent et violent leurs droits et soient dûment informés des procédures disponibles pour sanctionner les auteur s et permettre aux victimes d’ obtenir réparation ;

c) À i ntensifier ses efforts pour mettre en œuvre son dispositif juridique et infliger des amendes et autres peines plus sévères aux employeurs contrevenants .

32.Le Comité est préoccupé par la vulnérabilité particulière des enfants migrants talibés forcés à mendier, séparés de leur famille ou non accompagnés, et par le manque de mesures pour les prendre pleinement en compte dans le plan d’action. Le Comité relève avec préoccupation la situation des filles utilisées pour des « mariages temporaires » et sexuellement exploitées, et s’inquiète de l’absence de mesures visant à leur offrir une protection et une assistance spécialisées.

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour identifier les enfants mendiants et en situation de servitude , les protéger conformément aux objectif s de développement durable ( cibles 8.7 et 16.2 ) et mettre en place une stratégie de réhabilitation et de réintégration de ces enfants, y compris une assistance psychologique, ainsi que garantir aux intéressés l’accès à la justice.

Procès équitable, détention et égalité devant les tribunaux

34.Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures de substitution à la détention des travailleurs migrants. Il est également préoccupé par le fait qu’il est rare de voir une séparation des travailleurs migrants, arrêtés pour des raisons liées à l’irrégularité de leur situation administrative, des détenus de droit commun. Le Comité constate également avec préoccupation que bien qu’il existe une prison pour femmes à Nouakchott, au niveau des commissariats de police ou brigades de gendarmerie, les détenues sont surveillées par des surveillants de sexe masculin.

35. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’indiquer, dans son prochain rapport périodique, le nombre de migrants, ventilés par âge, sexe, nationalité et/ou origine, actuellement placés en détention pour avoir violé la législation relative à la migration, en précisant le lieu, la durée moyenne et les conditions de détention et en donnant des informations sur les décisions prises à leur encontre , ainsi que des informations sur l es mesures prises pour garantir une alternative à la détention ;

b)De ne procéder à la détention de travailleurs migrants pour violation de la législation relative à la migration que de façon exceptionnelle et en dernier recours , et de s’assurer que, dans tous les cas, ils soient séparés des détenus de droit commun, et que les femmes soient séparées des hommes et les mineurs des adultes.

Procédures de régularisation

36.Le Comité prend note du décret no2012-031 (2012), qui établit la procédure de régularisation du séjour pour les étrangers souhaitant vivre en Mauritanie. Il s’inquiète néanmoins du prix élevé (30 000 ouguiya ou 93 dollars des États-Unis), qui correspond à un mois de salaire minimum dans l’État partie, ce qui constitue pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille un obstacle à la régularisation de leur situation.

37. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts afin d’élaborer et de mettre en œuvre des procédures simples de régularisation de la situation des migrant s , et de veiller à ce que ces procédures soient conformes au principe de non-discrimination et aisément accessible s aux travailleurs migrants en situation irrégulière et aux membres de leur famille .

Expulsion

38.Le Comité note avec préoccupation les expulsions des migrants en situation irrégulière, ainsi que le manque d’informations sur l’accès effectif des travailleurs migrants en situation irrégulière aux voies de recours leur permettant de contester la décision d’expulsion prise à leur encontre.

39. Le Comité invite l’État partie à fournir des informations plus précises sur le nombre de migrants ayant fait l’objet d’une procédure d’expulsion. Par ailleurs, il prie l’État partie de fournir des informations sur les dispositions légales et les mesures existantes reconnaissant aux migrants sous le coup d’une procédure d’expulsion, en dehors des cas où la décision finale est prononcée par une autorité judiciaire, le droit :

a) De faire valoir les raisons de ne pas les expuls er  ;

b) De faire examiner leur cas par l’autorité compétente ;

c) D e demander , en attendant cet examen, la suspension de la décision d’expulsion, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

Assistance consulaire

40.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie manque de moyens pour fournir une assistance consulaire efficace, et, malgré les dispositions législatives permettant aux représentations diplomatiques d’être informées, de rendre visite aux détenus ou d’intervenir en leur faveur, les cas d’intervention sont rares.

41. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faciliter le recours des travailleurs migrants mauritaniens vivant à l’étranger à l’assistance consulaire ou diplomatique de l’État partie, notamment en cas de détention ou d’expulsion ;

b) De s’assurer que ses services consulaires s’acquittent plus efficacement de leur mission de protection et de promotion des droits d es travailleurs migrants mauritaniens et des membres de leur famille et, en particulier, fournissent l’assistance requise à ceux qui sont privés de liberté ou visés par une décision d’expulsion ;

c) De prendre les mesures nécessaires afin que les autorités consulaires ou diplomatiques des États d’origine, ou d’un État représentant les intérêts de ces États, soient systématiquement informées de la mise en détention dans l’État partie de l’un de leurs ressortissants, et que cette information soit dûment inscrite dans le registre de garde à vue (personnes contactées, date, heure, etc.) ;

d) De f ournir des informations sur les services consulaires disponibles dans son deuxième rapport périodique .

Rémunération et conditions de travail

42.Le Comité note que les travailleurs migrants sont soumis au régime de la convention collective de 1974 qui leur confère les mêmes droits que les nationaux. Il est cependant préoccupé par les informations faisant état de violations et de pratiques discriminatoires en ce qui concerne les salaires. Le Comité s’inquiète de ce que les inspections du travail porteraient davantage sur le statut des travailleurs migrants que sur les conditions de travail.

43. Le Comité recommande à l’État partie de garantir en droit et dans la pratique, conformément à la Convention, les droits liés au travail de tous les travailleurs migrants résidant sur son territoire. Le Comité recommande également à l’État partie de veiller à ce que les inspecteurs du travail soient indépendants d’autres organismes, notamment des services de l’immigration, afin que les travailleurs migrants puissent signaler aux autorités chargées des questions de travail les cas de mauvais traitement s et d’exploitation sans craindre d’attirer l’attention des services de l’immigration.

Soins médicaux d’urgence

44.Le Comité note l’insuffisance des informations reçues sur l’accès, en droit et en pratique, des travailleurs migrants et des membres de leur famille, quel que soit leur statut migratoire, aux soins médicaux, y compris aux soins médicaux d’urgence nécessaires pour préserver leur vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État partie.

45. Le Comité recommande à l’État partie de fournir des informations, dans son prochain rapport périodique, sur la possibilité pour tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille − quel que soit leur statut migratoire − de jouir en droit et en pratique de l’accès aux soins médicaux , y compris aux soins d’urgence nécessaires pour préserver leur vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État partie, conformément à l’article 28 de la Convention.

Enregistrement des naissances et nationalité

46.Bien que l’État partie ait indiqué que l’était civil biométrique comprend des registres réservés aux étrangers qui peuvent enregistrer leurs enfants à la naissance, le Comité note avec préoccupation des informations qui indiquent que beaucoup d’enfants nés en Mauritanie n’ont pas pu se voir délivrer un acte de naissance.

47. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour s’assurer que tous les enfants de travailleurs migrants nés en Mauritanie sont enregistrés à la naissance et pourvus de documents personnels d’identité , conformément à l’article 29 de la Convention et aux objectif s de développement durable ( cible 16.9 ) . Le Comité recommande également à l’État partie de sensibiliser les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux en situation irrégulière, à l’importance de l’enregistrement des naissance s .

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Programmes de pré-départ, droit d’être informé

48.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de programmes de pré-départ permanents pour les ressortissants mauritaniens.

49. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures qui s’imposent pour diffuser des informations sur les droits reconnus aux travailleurs migrants au titre de la Convention, ainsi que sur les conditions de leur admission et de leur emploi, et sur leurs droits et obligations en vertu de la législation et des usages des États d’emploi. Il lui recommande également de mettre en place des consultations avec les organisations non gouvernementales intéressées, les employés des agences de recrutement reconnu e s et fiables, et les médias.

Droit de voter et d’être élu dans l’État d’origine

50.Le Comité félicite l’État partie d’avoir promulgué la loi organique no2009-22 (2009) fixant les dispositions spéciales relatives au vote des Mauritaniens établis à l’étranger. Le Comité demeure cependant préoccupé par l’insuffisance des informations reçues sur la jouissance effective de ce droit, notamment sur le taux de participation des Mauritaniens résidant à l’étranger.

51. Le Comité invite l’État partie à fournir dans son prochain rapport périodique des informations concernant le taux de participation à l’ensemble des consultations de portée nationale ( référend aires , législatives, sénatoriales et présidentielles) des nationaux m auritaniens vivant à l’étranger et des précisions sur l’application concrète de ce droit de vote.

Transferts bancaires des revenus et de l’épargne

52.Le Comité note avec satisfaction que les transferts bancaires sont régis par la législation nationale et ne relève aucune objection spécifique. Il est toutefois préoccupé par le fait que les transferts bancaires doivent se faire par le biais d’agences privées qui fixent des coûts de transaction très élevés ou d’agences informelles qui soumettent les transferts à des risques.

53.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour faciliter le transfert des revenus d u travail et de l’épargne des travailleurs migrants résidant en Mauritanie en leur concédant des frais de transfert et de réception préférentiels , conformément aux objectif s de développement durable ( cible 10.c ).

54.Le Comité note avec satisfaction la conclusion d’accords par l’État partie avec la France et le Mali permettant de transférer les allocations familiales destinées aux enfants des travailleurs migrants résidant dans ces pays. Toutefois, le Comité est préoccupé par l’absence d’informations disponibles sur les partenariats mis en place avec les institutions financières et sur les accords bilatéraux avec d’autres pays permettant de faciliter les transferts de fonds et de l’épargne, notamment par l’application de taux préférentiels.

55. Le Comité invite l’État partie :

a) À c ommuniquer des informations sur les partenariats mis en place avec les institutions financières pour faciliter l’envoi de fonds par les travailleurs migrants mauritaniens vivant à l’étranger vers l’État partie ;

b) À p rendre des mesures pour réduire les coûts d’envoi et de réception des fonds ;

c) À r endre l’épargne plus accessible.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Conditions saines, équitables et humaines concernant les migrations internationales

56.Le Comité salue l’existence des accords bilatéraux entre l’État partie et huit autres pays dans le domaine de la migration. Le Comité regrette cependant que, malgré le nombre très important de travailleurs migrants mauritaniens vivant à l’étranger, l’État partie n’ait signé aucun accord bilatéral et multilatéral afin de leur garantir des conditions saines, équitables et humaines, conformément à l’article 64 de la Convention.

57. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour la signature d’accords bilatéraux et multilatéraux qui favoriseraient la migration régulière, garantiraient des conditions saines, équitables et humaines pour les travailleurs migrants mauritaniens vivant à l’étranger, et prévoiraient des garanties procédurales en leur faveur pour faire valoir leurs droits et obtenir réparation , le cas échéant .

Retour et réinsertion

58.Le Comité note avec satisfaction l’existence de projets de réinsertion de migrants mauritaniens retournés dans l’État partie. Cependant, le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les garanties pour les migrants mauritaniens de retour dans l’État partie de recevoir un appui suffisant et adéquat.

59. Le Comité encourage l’État partie :

a) À faire en sorte que les accords de réadmission existants et à venir entre l’État partie et les pays hôtes garantissent durablement la réinsertion économique, sociale et culturelle des travailleurs migrants de retour dans l’État partie, comportent des garanties procédurales en faveur des travailleurs migrants et des membres de leur famille et garantissent que les travailleurs migrants mauritaniens expulsés ne soient pas l’objet de mauvais traitements ;

b) À s’assurer que les migrants mauritaniens de retour dans l’État partie aient effectivement accès aux fonds qui leur sont destinés et reçoivent un appui suffisant et adéquat.

Mouvements et emploi illégaux ou clandestins de travailleurs migrants en situation irrégulière

60.Le Comité accueille avec satisfaction les importantes mesures législatives et réglementaires prises par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes. Le Comité est cependant préoccupé par :

a)L’absence d’études, d’analyses et de données ventilées qui permettraient d’évaluer l’ampleur de la traite aussi bien vers l’État partie qu’à travers et à partir de celui‑ci ;

b)L’absence d’accords spécifiques dans ce domaine.

61. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De collecter systématiquement des données ventilées par sexe, âge et origine en vue de mieux combattre le trafic et la traite des personnes ;

b) D’intensifier les campagnes de prévention du trafic et de la traite de travailleurs migrants, et de prendre des mesures appropriées contre la diffusion d’informations trompeuses concernant l’émigration et l’immigration ;

c) De renforcer la formation à la lutte contre le trafic et la traite d’êtres humains des policiers et autres membres des forces de l’ordre, des gardes frontière, des juges, des procureurs, des inspecteurs du travail, des enseignants, ainsi que du personnel des services de santé et des ambassades et consulats de l’État partie ;

d) De renforcer ses mécanismes pour enquêter sur les cas de traite des personnes et poursuivre et punir les trafiquants ;

e) De fournir protection et assistance à toutes les victimes de la traite, en particulier en leur offrant des centres d’accueil et en élaborant et mettant en œuvre des projets visant à les aider à reconstruire leur vie ;

f) De renforcer sa coopération internationale, régionale et bilatérale afin de prévenir et combattre le trafic et la traite des personnes.

6.Suivi et diffusion

Suivi

62. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son deuxième rapport périodique des informations détaillées sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures appropriées pour que lesdites recommandations soient mises en œuvre, notamment en les soumettant aux membres du Gouvernement et du Parlement, ainsi qu’aux autorités locales pour examen et suite à donner.

63. Le Comité prie l’État partie d’associer les organisations de la société civile à la mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales.

Rapport de suivi

64. Le Comité invite l’État partie à lui fournir d ’ ici deux ans, c’est-à-dire le 1 er mai 2018 au plus tard, des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 17, 23, 29, 31 et 43 ci-dessus.

Diffusion

65. Le Comité prie également l’État partie de diffuser largement la Convention et les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics, du pouvoir judiciaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, de manière à sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, ainsi que la société civile, les médias et le public en général à la Convention.

Assistance technique

66. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies, y compris le Haut-Commissariat aux droits de l’homme , pour continuer à bénéficier de son appui technique et d ’ un renforcement des capacités en ce qui concerne l’élaboration des rapports .

7.Prochain rapport périodique

67. Le Comité invite l’État partie à soumettre son deuxième rapport périodique le 1 er mai 2021 au plus tard, et à y faire figurer des informations concernant la mise en œuvre des présentes observations finales. L’État partie peut par ailleurs opter pour la procédure simplifiée de soumission de rapports, selon laquelle le Comité élabore à l’intention de l’État partie une liste de points à traiter qui lui est communiquée avant la présentation de son rapport suivant. Les réponses de l’État partie à cette liste constituent son rapport aux fins de l’article 73 de la Convention, ce qui le dispense de soumettre un rapport périodique traditionnel.

68. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur les directives pour l’établissement des rapports périodiques (CMW/C/2008/1) et lui rappelle que ceux-ci ne devraient pas excéder 21 200 mots, conformément aux dispositions de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale. Dans l’éventualité où un rapport dépasserait le nombre de mots prévus, l’État partie serait invité à le réduire conformément aux directives susmentionnées. Si l’État partie n’est pas en mesure de revoir son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de celui-ci aux fins de son examen par les organes conventionnels ne saurait être garantie.

69. Le Comité prie l’État partie d’assurer une large participation de tous les ministères et des organes publics à l’élaboration du prochain rapport périodique (ou des réponses à la liste de points, dans le cas de la procédure simplifiée d e soumission de rapport s ) et, parallèlement, de consulter largement toutes les parties prenantes concernées, notamment la société civile, les organisations de défense des droits des travailleurs migrants et celles de défense des droits de l’homme.

70. Le Comité invite également l’État partie à lui soumettre un document de base commun actualisé, ne dépassant pas 42 400 mots, conformément aux critères établis dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme , englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/ MC/2006/3 ), approuvés à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en juin 2006.