NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/ATG/CO/911 avril 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑dixième session19 février‑9 mars 2007

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

ANTIGUA ‑ET ‑BARBUDA

1.Le Comité a examiné le rapport initial et les deuxième à neuvième rapports périodiques d’Antigua‑et‑Barbuda − attendus respectivement en 1989, 1991, 1993, 1995, 1997, 1999, 2001, 2003 et 2005, et présentés en un seul document (CERD/C/ATG/9) − à ses 1802e et 1803e séances (CERD/C/SR.1802 et 1803), tenues les 28 février et 1er mars 2007. À sa 1813e séance (CERD/C/SR.1813), tenue le 8 mars 2007, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial et les deuxième à neuvième rapports périodiques d’Antigua‑et‑Barbuda et se félicite de l’occasion qui lui a été ainsi donnée d’entamer un dialogue ouvert et constructif avec l’État partie. Le Comité remercie la délégation pour le complément d’information qu’elle lui a fourni par écrit, ainsi que pour les réponses complètes et détaillées qu’elle a apportées au large éventail de questions posées par les membres du Comité.

3.Le Comité note qu’il s’agissait du premier rapport présenté au Comité par l’État partie depuis qu’il a ratifié la Convention en 1988. Le Comité invite l’État partie à ne ménager aucun effort pour respecter à l’avenir les délais fixés par le Comité pour la présentation de ses rapports.

4.Le Comité apprécie le fait que le rapport, dont la forme et le contenu respectent les principes directeurs du Comité en la matière, soit le fruit d’une coopération entre les institutions publiques compétentes. Il regrette cependant le manque de renseignements suffisants sur la mise en œuvre concrète de la Convention.

B. Aspects positifs

5.Le Comité note avec satisfaction qu’outre la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale l’État partie a ratifié trois des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, à savoir la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant et son Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Le Comité ne doute pas que l’État partie prendra les mesures nécessaires pour ratifier les autres instruments relatifs aux droits de l’homme.

6.Le Comité souhaite féliciter l’État partie pour la création du bureau de l’Ombudsman. Il note également avec satisfaction la création d’un service d’aide judiciaire destiné à aider les pauvres et les personnes défavorisées à avoir accès à la justice.

7.Le Comité se félicite que l’État partie se soit engagé à tout mettre en œuvre pour garantir aux non‑ressortissants, y compris les migrants économiques, la possibilité d’exercer leurs droits fondamentaux sans discrimination. Il tient à féliciter l’État partie pour les diverses mesures prises pour offrir à tous les non‑ressortissants qui contribuent au développement d’Antigua‑et‑Barbuda la possibilité d’obtenir la citoyenneté.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité note avec préoccupation la déclaration formulée par l’État partie lors de la ratification de la Convention, selon laquelle l’acceptation de la Convention par Antigua‑et‑Barbuda n’implique de sa part ni l’acceptation d’obligations qui outrepassent les limites de la Constitution, ni l’acceptation de l’obligation d’adopter des procédures judiciaires allant au‑delà de celles prévues dans la Constitution.

Le Comité encourage l’État partie à envisager de retirer la déclaration faite lors de l’adhésion à la Convention.

9.Le Comité déplore le manque d’informations sur l’application de l’article 16 de la Constitution, qui permet de déroger aux dispositions de la Constitution, y compris celles qui ont trait à l’interdiction de la non‑discrimination, en période d’état d’urgence.

Le Comité invite l’État partie à fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements sur ce sujet, y compris, le cas échéant, sur les cas concrets de dérogation, ainsi que sur les garanties constitutionnelles existantes.

10.Le Comité déplore l’absence d’une institution nationale des droits de l’homme qui soit conforme aux Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de créer une institution nationale des droits de l’homme, conformément à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale (annexe).

11.Le Comité se déclare préoccupé par la définition de la discrimination raciale figurant à l’article 14 de la Constitution, qui n’est pas exactement conforme à l’article premier de la Convention en ce sens qu’elle ne mentionne pas «l’origine nationale ou ethnique» parmi les motifs de discrimination interdits (art. 1).

Le Comité invite l’État partie à aligner son droit interne sur la Convention en inscrivant, à l’article 14 de la Constitution, «l’origine nationale ou ethnique» au nombre des motifs de discrimination interdits.

12.Le Comité est préoccupé par le fait qu’en vertu de l’article 14 de la Constitution, l’interdiction de la discrimination «ne s’applique pas aux lois […] qui visent les étrangers». Il note également qu’en vertu de l’article 8 de la Constitution, une loi ne peut être considérée inconstitutionnelle au seul motif qu’elle restreint la liberté de mouvement des non‑ressortissants (art. 1 et 5).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale  n o  XXX (2004) concernant la discrimination contre les non ‑ressortissants et lui recommande de revoir sa Constitution et sa législation afin de garantir aux ressortissants et aux non ‑ressortissants l’exercice des droits consacrés dans la Convention dans des conditions d’égalité, tel que le prescrit le droit international.

13.Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel même si le paragraphe 4 de l’article 14 de la Constitution permet d’adopter des mesures spéciales, comme le prévoient le paragraphe 4 de l’article premier et le paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, aucune mesure de cette nature n’a été prise car aucun des groupes raciaux ou ethniques d’Antigua‑et‑Barbuda nécessite une telle protection spéciale (art. 1 par. 4 et art. 2 par. 2).

Le Comité encourage l’État partie à collecter des données pour s’assurer que sa conviction qu’il n’y a pas besoin de mesures spéciales ne résulte pas d’un manque d’informations sur les groupes ethniques et raciaux en question.

14.Tout en notant la relative homogénéité de la population à ce jour, le Comité est préoccupé par le manque de données statistiques ventilées sur le nombre de personnes de toutes origines ethniques et nationales à Antigua‑et‑Barbuda, ainsi que sur la situation économique de ces personnes. En l’absence de telles données, le Comité juge difficile d’évaluer l’ampleur de la discrimination raciale et ethnique sur le territoire de l’État partie et d’apprécier la manière dont la Convention est appliquée concrètement (art. 2).

Le Comité invite l’État partie à poser, dans le cadre du recensement de la population, des questions plus détaillées qui permettraient d’avoir une idée plus précise de la composition de la population en termes d’origine nationale ou ethnique et, à cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur le paragraphe 8 de ses Principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports (CERD/C/70/Rev.5). Il recommande que la question de l’origine nationale ou ethnique soit systématiquement posée dans le cadre de la collecte de données, comme c’est le cas pour l’initiative pour l’évaluation de la pauvreté actuellement mise en œuvre.

15.Le Comité note que, selon l’État partie, la «ségrégation» présumée de groupes d’immigrants dans certaines communautés d’Antigua‑et‑Barbuda procède en réalité de la «volonté» des immigrants concernés, non pas d’une politique de ségrégation de l’État. Il est néanmoins préoccupé à l’idée que cette ségrégation de fait puisse résulter de pratiques individuelles ou de certaines conditions socioéconomiques, auxquelles l’État partie ne cherche pas à mettre un terme (art. 3).

Le Comité prie l’État partie de procéder à une analyse des raisons pouvant expliquer la concentration de groupes d’immigrants dans certaines zones d’Antigua ‑et ‑Barbuda et de contrer toute action émanant de particuliers susceptible d’instaurer une ségrégation de fait, en gardant à l’esprit sa recommandation générale  n o  XIX (1995) concernant l’article 3 de la Convention (Ségrégation raciale et apartheid).

16.Le Comité déplore qu’Antigua‑et‑Barbuda ne juge pas nécessaire pour l’heure d’intensifier les efforts d’harmonisation du droit interne avec les dispositions de la Convention, ni d’adopter une législation qui soit conforme à l’article 4 de la Convention, et qui couvre d’autres infractions que celles visées par le Code du travail (art. 4).

Le Comité encourage l’État partie à se conformer aux dispositions de l’article 4 de la Convention, notamment en déclarant délit punissable par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, ainsi qu’à déclarer illégales et à interdire les organisations qui incitent à la discrimination raciale et qui l’encouragent.

17.Le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne fournisse aucune information qui permette au Comité d’évaluer si les membres des divers groupes qui composent la population, y compris les travailleurs migrants (art. 5), jouissent de tous les droits fondamentaux dans des conditions d’égalité.

Le Comité recommande à l’État partie de rendre compte de la mise en œuvre sans discrimination des droits et libertés visés à l’article 5 de la Convention et définis plus précisément dans la recommandation générale XX (1996) concernant l’article 5 de la Convention (mise en œuvre sans discrimination des droits et des libertés), en s’attachant en particulier à l’éducation, à la santé et au logement, et plus particulièrement à la situation des migrants.

18.Tout en saluant l’abolition de la pratique qui consistait à ne pas admettre les enfants de non‑ressortissants dans les écoles publiques pendant les deux premières années de leur séjour à Antigua‑et‑Barbuda, le Comité note que des enfants ne sont toujours pas scolarisés en raison du manque de ressources de certaines écoles et qu’aucun mécanisme n’a été mis en place pour vérifier les raisons de telles exclusions et pour veiller à ce qu’aucun enfant ne se voie refuser l’accès à l’éducation (art. 5 e) v)).

Le Comité recommande à l’État partie de procéder à un examen systématique de toutes les exclusions du système scolaire et d’en déterminer le motif, de créer un mécanisme indépendant chargé de cette procédure d’examen et de veiller à ce que tous les enfants, quelle que soit leur origine sociale ou nationale, jouissent du droit à l’éducation.

19.Tout en prenant note des informations relatives à la présence de femmes dans la fonction publique et au gouvernement, le Comité reste préoccupé par l’absence de données statistiques sur la représentation des minorités ethniques dans ce type d’emplois (art. 5 c) et e) i)).

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que toutes les minorités ethniques aient la possibilité de participer à la direction des affaires publiques à tous les échelons. Il le prie notamment de fournir dans son prochain rapport périodique des données statistiques actualisées sur le pourcentage de représentants des minorités titulaires dans la fonction publique ou au Gouvernement, ainsi que sur les fonctions occupées par ces personnes.

20.Le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui est difficile de prendre pour argent comptant les affirmations des États parties selon lesquelles il n’y a aucune discrimination raciale sur leur territoire. Il déplore le manque d’informations sur la protection et les voies de recours effectives offertes par les tribunaux nationaux compétentes, contre tous actes de discrimination raciale ainsi que sur le droit de demander à ces tribunaux satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage subi par suite d’une telle discrimination (art. 6).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique, des données statistiques sur les mesures qui ont été prises dans les cas d’infractions liées à la discrimination raciale et qui ont donné lieu à l’application des dispositions pertinentes de la législation interne en vigueur. Il lui rappelle que l’absence de plaintes et d’actions en justice émanant de victimes de discrimination raciale peut, dans une large mesure, être le signe de l’absence de législation appropriée, de l’ignorance de l’existence de voies de recours ou d’un manque de volonté de la part des autorités d’engager des poursuites, ou encore la preuve que les autorités font peu cas des affaires de discrimination raciale ou ont été peu sensibilisées à la question ou insuffisamment formées (y compris en ce qui concerne les juges et les avocats). Le Comité demande à l’État partie de prévoir les dispositions nécessaires dans la législation nationale, et d’informer le public sur toutes les voies de recours possibles dans le domaine de la discrimination raciale.

21.Le Comité regrette le manque d’informations sur le type d’affaires dont l’Ombudsman est saisi et voudrait notamment savoir si des plaintes pour discrimination raciale ont été portées à son attention. Il note également que l’Ombudsman dispose de peu de pouvoirs pour veiller à ce que ses conclusions soient respectées (art. 6).

Le Comité invite l’État partie à fournir des informations sur toute plainte pour discrimination raciale dont l’Ombudsman a été saisi et à envisager de renforcer la mise en œuvre des conclusions et recommandations dudit Ombudsman.

22.Le Comité constate avec préoccupation que la teneur de la Convention n’a pas été expliquée au public, même s’il se félicite de l’organisation en mai 2007 de la Journée de la diversité destinée à sensibiliser le public aux avantages d’une société pleinement intégrée et prônant la diversité ethnique (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement la Convention et d’intensifier ses efforts pour sensibiliser la population aux moyens dont elle dispose pour dénoncer les actes de discrimination raciale.

23.Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier la modification du paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptée le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvée par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité renvoie à la résolution 59/176 du 20 décembre 2004, dans laquelle l’Assemblée générale a prié instamment les États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de la modification et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cette modification.

24.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et le prie instamment d’envisager de le faire.

25.Le Comité recommande à l’État partie d’adhérer à la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

26.Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans son ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration du Programme d’action de Durban et d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action ou autres mesures supplémentaires adoptés pour appliquer cette déclaration et ce programme d’action au niveau national.

27.Le Comité recommande à l’État partie de présenter un document de base qui soit conforme aux principes applicables au document de base commun énoncés dans le document intitulé «Directives harmonisées pour l’établissement de rapports», récemment approuvé par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

28.Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports périodiques accessibles au public dès leur soumission et de diffuser de la même manière les observations du Comité formulées au sujet de ces rapports.

29.Le Comité recommande à l’État partie de mener de larges consultations avec les organisations de la société civile luttant contre la discrimination raciale, dans la perspective de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

30.L’État partie devrait, dans un délai d’un an, fournir des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations que le Comité a formulées aux paragraphes 10, 14 et 16 ci‑dessus, conformément au paragraphe 1 de l’article 65 du Règlement intérieur du Comité.

31.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dixième et onzième rapports périodiques en un seul document, attendu le 24 novembre 2009, et de veiller à traiter dans ce rapport tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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