NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/ETH/CO/31er novembre 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-troisième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales: ÉTHIOPIE

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’Éthiopie (CRC/C/129/Add.8) à  ses 1162e et 1164e séances (CRC/C/SR.1162 et 1164), tenues le 12 septembre 2006, et a adopté, à sa 1199e séance (CRC/C/SR.1195), le 29 septembre 2006, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec intérêt la présentation du troisième rapport périodique ainsi que les réponses détaillées données par écrit à sa liste de points à traiter (CRC/C/Q/ETH/3 et Add.1) et se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec une délégation multisectorielle de haut niveau.

B. Mesures de suivi prises et progrès accomplis par l’État partie

3.Le Comité se félicite des événements positifs survenus pendant la période considérée, notamment:

a)La mise en place en 2005 d’un programme antirétroviral gratuit;

b)Les dispositions du nouveau Code pénal de 2005 qui criminalisent les pratiques traditionnelles préjudiciables et la plupart des formes de traite des êtres humains;

c)La disposition du Code de la famille révisé qui porte à 18 ans l’âge du mariage tant pour les filles que pour les garçons;

d)L’adoption d’un plan d’action national pour l’enfance (2003-2010).

4.Le Comité se félicite de la présence régionale du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) à Addis‑Abeba qui vise à renforcer la capacité de l’État partie à répondre à ses besoins dans le domaine des droits de l’homme. Le Comité invite instamment l’État partie à continuer de coopérer avec la Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE), notamment en ce qui concerne la situation des enfants.

5.Le Comité se félicite également de la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après:

a)Les Conventions de l’OIT no 29, concernant le travail forcé ou obligatoire, et no 182, concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, le 2 septembre 2003;

b)La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, le 2 octobre 2002;

c)La Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, le 17 décembre 2004.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

6.Le Comité note avec satisfaction que certaines des préoccupations qu’il avait exprimées et des recommandations qu’il avait formulées (voir CRC/C/15/Add.144) à l’issue de l’examen du deuxième rapport de l’État partie en 2001 ont donné lieu à l’adoption de mesures législatives. Toutefois, les recommandations concernant, entre autres, l’affectation de ressources, les pratiques traditionnelles préjudiciables, l’enregistrement des naissances, le travail des enfants, les enfants réfugiés, et la justice pour mineurs, n’ont pas été suivies de mesures suffisantes. Le Comité énonce à nouveau ces préoccupations et recommandations dans le présent document.

7. Le Comité invite instamment l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations formulées dans les observations finales sur son deuxième rapport qui n’ont pas encore été appliquées et pour apporter un suivi approprié aux recommandations formulées dans les présentes observations finales concernant le troisième rapport périodique.

Législation

8.Le Comité note que l’État partie a fait des progrès en ce qui concerne l’harmonisation de la législation nationale avec la Convention, par exemple en criminalisant les pratiques traditionnelles préjudiciables et la traite des enfants dans le Code pénal révisé de 2004. Toutefois, il demeure préoccupé par le fait que la législation n’a toujours pas fait l’objet d’un réexamen systématique et que l’État partie n’a pas encore adopté de code de l’enfance détaillé. Il déplore que la Convention n’ait pas encore été publiée au Journal officiel comme suite à sa recommandation antérieure.

9. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts de manière que la législation nationale soit pleinement compatible avec la Convention. À cet égard, l’État partie devrait envisager de procéder à un réexamen complet de sa législation et d’adopter un code de l’enfance détaillé qui incorpore les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et celles de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant africain. Par ailleurs, le Comité recommande à nouveau à l’État partie de publier le texte de la Convention au Journal officiel, ce qui permettra aux professionnels de l’administration de la justice d’en prendre connaissance et d’y avoir accès plus facilement.

Coordination

10.Le Comité note que le Ministère des affaires féminines qui a été créé récemment est chargé de coordonner les activités de mise en œuvre de la Convention. Toutefois, il est préoccupé de constater que le Ministère n’a pas de ressources suffisantes ni la capacité de mener ses activités de coordination au niveau des régions, des zones et des «woreda».

11. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le Ministère des affaires féminines soit doté de ressources humaines et financières suffisantes, lui permettant de coordonner et de surveiller les activités de mise en œuvre de la Convention au niveau fédéral et au niveau des régions, des zones et des «woreda». À cet égard, le Comité renvoie l’État partie à son Observation générale n o  5 (2003) sur les mesures d’application générales de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Plan d’action national

12.Le Comité se félicite de l’adoption d’un plan d’action national pour l’enfance (2003-2010). Toutefois, il est préoccupé de ce que le précédent plan d’action national en faveur de l’enfance n’ait pas fait l’objet d’un réexamen et d’une évaluation systématiques, dans le but de mieux résoudre les problèmes antérieurs. Il regrette par ailleurs que le plan d’action national n’ait pas été traduit dans les langues locales, ni suffisamment diffusé auprès des autorités chargées de son application.

13. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que l’actuel plan d’action national pour l’enfance couvre tous les domaines visés par la Convention et soit doté, pour sa mise en œuvre, de ressources humaines et financières suffisantes et de mécanismes d’analyse et d’évaluation. Par ailleurs, il recommande qu’il soit traduit dans les langues locales et diffusé largement parmi les autorités locales car celles ‑ci jouent un rôle important dans sa mise en œuvre. Le Comité encourage l’État partie à tenir compte du document final intitulé «Un monde digne des enfants», que l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté lors de sa session extraordinaire sur l’enfance, en mai 2002.

Mécanisme de surveillance indépendant

14.Le Comité note qu’une Commission des droits de l’homme et un bureau de Médiateur pour les droits de l’homme ont été créés en vertu d’une loi adoptée en 2000, et qu’un Commissaire aux droits de l’homme ainsi qu’un Médiateur pour les droits de l’homme ont été nommés (2004). Le Comité croit comprendre que ces deux mécanismes sont devenus opérationnels en 2005 mais déplore l’insuffisance de renseignements sur leurs travaux.

15. Le Comité recommande à l’État partie de veiller, à titre prioritaire, au bon fonctionnement de la Commission des droits de l’homme et du bureau du Médiateur, en respectant pleinement les principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/13 de l’ Assemblée générale, annexe). Ces organes devraient en outre disposer des ressources humaines et financières nécessaires (y compris, éventuellement, l’assistance de donateurs) pour recevoir des plaintes émanant d’enfants ou présentées en leur nom concernant la violation de leurs droits, en assurer le suivi et mener des enquêtes à leur sujet. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o  2 (2002) relative au rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la promotion et la protection des droits de l’enfant. Il demande à l’État partie de fournir des informations sur les activités de ces institutions, en particulier celles qui découlent de la Convention relative aux droits de l’enfant, et de les encourager à présenter des rapports complémentaires directement au Comité des droits de l’enfant.

Ressources au profit des enfants

16.Le Comité se félicite de la hausse des crédits budgétaires alloués à l’éducation et à la santé, mais il constate avec préoccupation que les ressources pour la mise en œuvre du plan d’action national sont insuffisantes pour permettre d’améliorer effectivement les activités de promotion et de protection des droits de l’enfant. Il constate en particulier que les dépenses militaires sont considérables par rapport aux crédits alloués à l’éducation et à la santé.

17. À la lumière de l’article 4 de la Convention, le Comité invite instamment l’État partie à allouer des crédits budgétaires en priorité à l’enfance et à accroître ces crédits, tant à l’échelon national qu’à l’échelon local, pour améliorer la mise en œuvre des droits de l’enfant dans l’ensemble du pays et, en particulier, à s’attacher à protéger les droits des enfants appartenant à des groupes vulnérables, notamment les enfants des minorités ethniques, les enfants handicapés, les enfants touchés et/ou atteints par le VIH/sida et les enfants vivant dans la pauvreté et dans des zones reculées.

Collecte de données

18.Le Comité est préoccupé par le manque de données dans certains domaines, y compris l’adoption nationale, les enfants des rues, les enfants impliqués dans des conflits armés, les enfants privés de soins parentaux, les enfants ayant affaire à la justice et les enfants victimes de violences sexuelles et de la traite.

19. Le Comité encourage l’État partie, compte tenu de la nécessité d’améliorer sensiblement l’enregistrement des naissances, à renforcer son système de collecte de données ventilées, notamment pour les domaines indiqués dans le paragraphe précédent, et  à s’en servir comme base pour évaluer les progrès accomplis en ce qui concerne le respect des droits de l’enfant et pour élaborer des politiques axées sur la mise en œuvre de la Convention. Le Comité recommande par ailleurs à l’État partie de demander une assistance technique à l’UNICEF à cet égard.

Diffusion, formation et sensibilisation

20.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour diffuser la Convention par le biais de ses publications en plusieurs langues locales et d’événements publics. Néanmoins, il estime qu’il conviendrait de s’employer plus activement à faire connaître la Convention auprès des catégories professionnelles concernées, des parents et des enfants eux‑mêmes, en particulier dans les régions rurales. Il est préoccupé notamment par le manque de connaissance des droits de l’enfant dont la police a fait preuve lors des événements qui ont suivi les élections, bien qu’une formation approfondie leur ait été dispensée sur ces questions.

21. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour diffuser largement les dispositions de la Convention auprès des parents et des enfants et s’assurer qu’ils les connaissent et les comprennent. Il lui recommande aussi de renforcer les activités de formation, en veillant à ce qu’elles soient suffisantes et systématiques, à l’intention de tous les groupes professionnels travaillant pour et avec des enfants, en particulier les responsables de l’application des lois ainsi que les enseignants, notamment ceux des zones rurales et reculées, le personnel de santé, les travailleurs sociaux et le personnel des établissements accueillant des enfants. Le Comité recommande que les droits de l’homme soient inscrits au programme scolaire officiel de tous les degrés de l’enseignement et que l’État partie mène des campagnes de sensibilisation auprès du public en accordant une attention particulière aux personnes ayant un faible niveau d’alphabétisation. Le Comité suggère à l’État partie de solliciter l’assistance technique de l’UNICEF et du HCDH pour donner suite aux recommandations ci-dessus.

Coopération avec la société civile

22.Tout en notant que, dans son rapport, l’État partie reconnaît l’importance du rôle des organisations non gouvernementales (ONG) dans la mise en œuvre de la Convention, le Comité est très préoccupé par les restrictions dont la société civile fait l’objet depuis les élections de 2005, et déplore, en particulier, la pratique des détentions massives arbitraires, y compris d’enfants, qui porte gravement atteinte à la liberté d’expression, élément fondamental d’une société civile libre.

23. Le Comité recommande vivement à l’État partie de respecter le rôle joué par la société civile dans la mise en œuvre de la Convention en Éthiopie et encourage la participation active, concrète et systématique de la société civile, y compris des ONG, à la promotion des droits de l’enfant, notamment leur participation à la suite donnée aux observations finales du Comité.

2. Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination

24.Le Comité est préoccupé de constater que certains groupes d’enfants sont victimes de discrimination, notamment les filles, les enfants handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants réfugiés, les enfants touchés ou atteints par le VIH/sida et les enfants appartenant à des minorités ethniques. Le Comité prend acte des mesures positives qui ont été prises pour améliorer la situation des filles, telles que la criminalisation des mutilations génitales féminines et le relèvement de l’âge minimum du consentement au mariage, mais il demeure néanmoins préoccupé de constater que des groupes vulnérables de filles sont toujours victimes de pratiques traditionnelles préjudiciables, privés d’éducation (primaire et secondaire) et victimes de violences sexuelles et physiques et d’exploitation à des fins commerciales.

25. Le Comité recommande à l’État partie de faire de la lutte contre la discrimination à l’égard des filles vulnérables une priorité nationale, de mettre au point des programmes permettant aux filles d’exercer leurs droits sans discrimination, et de faire prendre conscience de la valeur de la fillette auprès de toutes les parties prenantes. Par ailleurs, en ce qui concerne les autres formes de discrimination, le Comité invite instamment l’ État  partie à prendre des mesures appropriées afin d’assurer l’application pratique des dispositions visant à garantir le principe de non ‑discrimination et le respect intégral de l’article 2 de la Convention, et à adopter une stratégie globale visant à éliminer la discrimination, quel qu’en soit le motif, à l’encontre de tous les groupes vulnérables.

26. Le Comité regrette que le rapport ne contienne pas d’informations sur les mesures et les programmes en rapport avec la Convention relative aux droits de l’enfant qu’il a entrepris pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés à la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, compte tenu de l’Observation générale n o  1 (2001) sur les buts de l’éducation. Le Comité demande à l’État partie de fournir ces informations dans son prochain rapport périodique.

Droit à la vie, à la survie et au développement

27.Le Comité est vivement préoccupé par les informations concernant les répercussions qu’ont eues sur les enfants les événements survenus après les manifestations de novembre 2005, y compris les incarcérations massives et arbitraires et le recours excessif à la force par la police et l’armée qui a fait un grand nombre de morts et de blessés, y compris par armes à feu, parmi les enfants. Le Comité est particulièrement préoccupé d’apprendre que des écoles ont été attaquées au motif que des enfants auraient participé aux manifestations. Le Comité constate que, parmi les enfants victimes, il y a eu un nombre important d’enfants vulnérables appartenant à des minorités ethniques ainsi que des enfants des rues.

28. Le Comité invite instamment l’État partie à prendre d’urgence des mesures pour que la population civile soit respectée et pour que les groupes vulnérables, tels que les enfants des minorités ethniques et les enfants des rues, soient protégés d’un recours excessif à la force. Le Comité rappelle à l’État partie qu’il est tenu de prendre des mesures pour empêcher la violation des droits de l’homme et garantir que les auteurs de violations soient traduits en justice.

Respect des opinions de l’enfant

29.Le Comité prend acte avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour mettre en œuvre le principe du respect des opinions de l’enfant, en créant par exemple le Forum des enfants, mais il demeure préoccupé par le fait que les traditions et la société semblent limiter la possibilité pour les enfants d’exprimer librement leurs opinions au sein de la communauté, à l’école, devant les tribunaux ou au sein de la famille.

30. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts visant à garantir qu’il soit tenu dûment compte des opinions de l’enfant au sein de la communauté, dans la famille, à l’école, devant les tribunaux et instances administratives ou dans d’autres contextes, conformément à l’article 12 de la Convention. À cet égard, il l’encourage à tenir compte des recommandations qu’il a adoptées à l’issue de sa journée de débat général sur le droit de l’enfant à être entendu, en 2006.

3. Droits et libertés civils (art. 7, 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

Enregistrement des naissances

31.Le Comité déplore l’absence de structures institutionnelles et d’un cadre juridique approprié pour assurer l’enregistrement des naissances. Il est vivement préoccupé par le fait qu’un très grand nombre d’enfants ne sont inscrits à l’état civil ni à la naissance, ni ultérieurement.

32. Le Comité rappelle les préoccupations qu’il a exprimées lors de l’examen du précédent rapport périodique de l’État partie et invite instamment celui ‑ci à renforcer et étoffer davantage les mesures prises pour que tous les enfants nés sur le territoire national soient inscrits à l’état civil, en adoptant un cadre juridique approprié. Le Comité invite aussi instamment l’État partie à créer des structures institutionnelles, d’un accès facile et gratuit, pour procéder à l’enregistrement des naissances, sous la forme, par exemple, d’unités itinérantes, en particulier dans les régions rurales et reculées et dans les camps de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Le Comité recommande à l’État partie de solliciter l’assistance technique de l’UNICEF pour donner suite à ces recommandations.

Châtiments corporels

33.Le Comité prend acte de la disposition constitutionnelle interdisant les châtiments corporels à l’école mais il demeure préoccupé par le fait que des «châtiments raisonnables» sont autorisés par le Code pénal et que les châtiments corporels sont toujours largement pratiqués dans le milieu familial, à l’école et dans d’autres contextes.

34. Le Comité recommande à l’État partie d’interdire explicitement les châtiments corporels dans le foyer familial et de faire appliquer cette interdiction dans tous les contextes, y compris dans la famille, à l’école et dans les structures de protection de remplacement. Il lui recommande également d’organiser des campagnes de sensibilisation en faveur d’autres formes de sanctions, respectueuses de la dignité de l’enfant et conformes aux dispositions de la Convention, en particulier le paragraphe 2 de l’article 28, compte étant dûment tenu de l’Observation générale n o  8 du Comité concernant le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments (2006). Le Comité recommande en outre à l’État partie de solliciter l’assistance technique de l’UNICEF pour mettre en œuvre les programmes pertinents à l’école.

Torture et châtiments dégradants

35.Le Comité est également très préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants continuent d’être victimes de torture et de traitements cruels et dégradants de la part de la police et de l’armée. Il est préoccupé en particulier par la situation des groupes d’enfants vulnérables, tels que ceux qui appartiennent à des minorités ethniques, et juge inquiétant le fait que des étudiants aient été pris pour cible à l’école. Il est préoccupé en particulier par la violence sexuelle et les nombreuses informations faisant état de viols commis par des membres de l’armée. Il est préoccupé aussi par le fait que le fonctionnement régulier des unités de police chargées de faire respecter les droits de l’enfant n’est pas assuré.

36. Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures effectives pour protéger tous les enfants de la torture et des traitements cruels et dégradants. Il insiste sur la nécessité de procéder d’urgence à des enquêtes sur les cas signalés et de sanctionner leurs auteurs afin de rompre le cycle de l’impunité en ce qui concerne les violations graves des droits de l’homme. Le Comité invite en particulier instamment l’État partie à maintenir les unités de police chargées de faire respecter les droits de l’enfant, ainsi qu’à démettre de leurs fonctions et à tenir pour responsables de leurs actes les membres de la police et des forces armées ayant commis des actes de violence. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que tous les enfants victimes de torture ou de traitements cruels et dégradants bénéficient d’une réadaptation physique et psychologique, d’une réinsertion sociale et d’une indemnisation, compte étant dûment tenu des obligations énoncées à l’article 39 de la Convention.

4. Milieu familial et soins de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4) et 39 de la Convention)

Enfants privés de protection parentale

37.Le Comité est très préoccupé par les conséquences de l’extrême pauvreté et du taux élevé de VIH/sida sur les enfants et insiste sur la nécessité impérative de leur fournir des soins de remplacement appropriés. Le Comité prend acte du rôle important joué par des ONG dans le domaine des soins de remplacement aux enfants orphelins.

38. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits des enfants privés de protection parentale et répondre à leurs besoins en mettant l’accent sur:

a) Des programmes efficaces d’aide aux enfants des familles vulnérables, par exemple celles qui sont touchées par le VIH/sida, les familles monoparentales et les familles vivant dans la pauvreté;

b) Une assistance aux familles élargies qui s’occupent des enfants dont les parents sont morts du sida et aux familles dont le chef est un enfant;

c) La promotion et le soutien des soins de remplacement de type familial pour les enfants privés de soins parentaux, afin de diminuer les placements en institution;

d) L’allocation de ressources suffisantes pour les soins institutionnels fournis par des ONG, sans perdre de vue la responsabilité de l’État pour tous les enfants privés de protection parentale;

e) La formation du personnel des structures de soins de remplacement et la possibilité pour les enfants d’avoir accès à des mécanismes de réception des plaintes;

f) La surveillance appropriée des structures de soins de remplacement;

g) La réunion avec leur famille de naissance, le cas échéant, pour les enfants bénéficiant de soins de remplacement.

Adoption

39.Le Comité déplore le manque de renseignements sur les adoptions nationales et le fait qu’elles ne sont pas signalées aux tribunaux, ce qui donne lieu à des pratiques d’adoption illégale. D’autre part, le Comité craint que les enfants qui n’ont pas été officiellement adoptés souffrent de discrimination.

40. Le Comité recommande à l’État partie de fournir davantage de renseignements sur les adoptions nationales et d’assurer un meilleur suivi des enfants adoptés. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant devrait guider le processus d’adoption.

41.Le Comité prend acte du nombre croissant d’adoptions internationales et constate que l’État partie n’a pas ratifié la Convention de 1993 de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

42. Le Comité recommande à l’État partie d’encourager les adoptions nationales officielles plutôt que les adoptions internationales et lui recommande à nouveau de ratifier la Convention de La Haye (1993) sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

43.Le Comité constate avec inquiétude que l’article 195 du Code de la famille autorise l’annulation d’une adoption, ce qui peut priver l’enfant de soins parentaux ou de représentants légaux.

44. Le Comité recommande que la disposition relative à l’annulation des adoptions soit modifiée de manière que, si elle est appliquée, l’enfant ait des tuteurs de remplacement.

Sévices à enfant

45.Le Comité prend note avec satisfaction de la création de plusieurs unités de protection de l’enfance au sein de la police mais il est préoccupé par le grand nombre de cas d’enfants victimes de sévices, sexuels en particulier, et déplore l’absence de statistiques et de mécanismes pour enregistrer ces violations et analyser leurs causes fondamentales. Il déplore par ailleurs qu’il n’y ait pas de politique globale axée sur la lutte contre les sévices à enfants.

46. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre les mesures nécessaires pour prévenir les sévices à enfants et le délaissement des enfants;

b) De créer des mécanismes efficaces pour recevoir et examiner les informations faisant état de sévices à enfants, mener des enquêtes à cet égard et, le cas échéant, engager des poursuites contre les auteurs de ces actes, en respectant la sensibilité de l’enfant et l’intimité des victimes;

c) De faire en sorte que les enfants victimes de violences sexuelles ou autres aient le soutien psychologique et autre nécessaires à leur pleine réadaptation et réinsertion sociale;

d) De mener des campagnes d’éducation du public à des fins de prévention sur les conséquences de la violence et des mauvais traitements infligés aux enfants;

e) De fournir un soutien pour la mise en place d’une permanence téléphonique gratuite à trois chiffres pour les enfants.

47. À propos de l’étude approfondie du Secrétaire général sur la question de la violence à l’égard des enfants et du questionnaire connexe envoyé aux gouvernements, le Comité prend acte avec satisfaction des réponses écrites apportées par l’État partie au questionnaire et de sa participation à la Consultation régionale pour l’Afrique de l’Est et l’ Afrique australe, qui s’est tenue en Afrique du Sud du 18 au 20 juillet 2005. Le Comité recommande à l’État partie de s’appuyer sur les résultats de ces consultations régionales comme moyen d’action, en partenariat avec la société civile, pour garantir que chaque enfant soit protégé contre toute forme de violence physique, sexuelle ou mentale, et susciter une dynamique en faveur d’une action concrète, assortie, s’il y a lieu d’un calendrier, en vue de prévenir et de combattre la violence et la maltraitance.

48. En outre, le Comité tient à appeler l’attention de l’État partie sur le rapport de l’expert indépendant chargé de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants (A/61/299) et à l’encourager à prendre toutes les mesures appropriées pour donner suite aux recommandations générales et particulières contenues dans ce rapport.

Enfants en détention avec leur mère

49.Le Comité prend acte avec préoccupation du grand nombre de jeunes enfants, y compris des nourrissons, en détention avec leur mère.

50. Le Comité recommande à l’État partie de rechercher des formules de remplacement à l’internement des mères ayant de jeunes enfants et, en cas d’internement, de prévoir des structures adéquates, en tenant compte de l’article 30 de la Charte africaine des droits et du bien ‑être de l’enfant africain.

5. Santé de base et bien ‑être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26 et 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

51.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour fournir un soutien aux enfants handicapés, par le biais d’une assistance directe ou indirecte. Toutefois, il est préoccupé par la persistance d’une discrimination de fait, par le manque de données statistiques sur le nombre d’enfants handicapés et par l’insuffisance des possibilités en matière d’éducation. Il est préoccupé par ailleurs de ce que les enfants sont doublement défavorisés lorsqu’ils vivent dans des régions rurales et reculées.

52. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, en tenant compte des Règles de l’ONU pour l’égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l’Assemblée générale) et des recommandations adoptées par le Comité lors de sa journée de débat général sur les droits des enfants handicapés, tenue le 6 octobre 1997 (voir CRC/C/66):

a) Pour améliorer l’information sur les enfants handicapés, y compris leurs droits, leurs besoins particuliers et leur potentiel, afin de faire évoluer les mentalités à leur égard;

b) Pour recueillir suffisamment de statistiques ventilées sur les enfants handicapés afin d’élaborer des politiques et des programmes visant à promouvoir l’égalité des chances pour ces enfants dans la société, en particulier pour les enfants vivant dans les régions les plus reculées du pays;

c) Pour que les enfants handicapés aient accès à des services sociaux et sanitaires appropriés ainsi qu’à un enseignement de qualité;

d) Pour garantir que les professionnels qui travaillent avec et pour les enfants handicapés, tels que le personnel médical et paramédical et celui des professions apparentées, les enseignants et les travailleurs sociaux, reçoivent une formation suffisante.

Santé et services de santé

53.Tout en notant que l’adoption des plans de développement du secteur sanitaire est une mesure positive, le Comité déplore le manque d’informations sur les ressources allouées aux services sanitaires et constate avec préoccupation que les structures médicales sont concentrées dans les zones urbaines, ce qui exclut de l’accès aux services sanitaires nécessaires la majeure partie de la population. Le Comité est vivement préoccupé en particulier par le taux de mortalité des nourrissons, des enfants de moins de 5 ans et des mères qui demeure très élevé. Il est préoccupé également par la faible couverture vaccinale, la prévalence du paludisme, le faible taux d’allaitement au sein et la forte incidence de la malnutrition.

54. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer ses programmes d’amélioration des soins de santé, en dotant ces programmes de ressources suffisantes, en en précisant clairement la destination et en accordant d’urgence une attention particulière aux taux de mortalité, aux taux de vaccination, à la nutrition, à l’allaitement au sein et à la prise en charge des maladies transmissibles et du paludisme. Le Comité recommande tout particulièrement à l’État partie d’accorder une attention accrue au clivage entre zones urbaines et zones rurales.

VIH /sida

55.Le Comité se félicite de l’introduction d’un traitement antirétroviral gratuit et prend note des problèmes que cela pose d’en faire bénéficier tous ceux qui en ont besoin. Il est très préoccupé par les taux d’infection au VIH/sida et par le fait que les enfants et les femmes en âge d’enfanter sont extrêmement vulnérables au VIH/sida. Le Comité constate avec préoccupation que les tests et les services de conseils sont inexistants et qu’il n’y a pas de stratégie pour soutenir les enfants qui ont contracté le virus ou ont perdu leurs parents atteints du sida et lutter contre la discrimination dont ils sont l’objet.

56. Se référant à son Observation générale n o  3 (2003) sur le VIH/sida et les droits de l’enfant ainsi qu’aux Directives internationales concernant le VIH/sida et les droits de l’homme, le Comité recommande à l’État partie:

a) D’intensifier ses efforts de lutte contre le VIH/sida, notamment par des campagnes de sensibilisation;

b) D’assurer la mise en œuvre intégrale et effective d’une politique globale de prévention du VIH/sida;

c) D’élaborer une politique de lutte contre la discrimination à l’égard des enfants infectés par le VIH/sida ou atteints du sida;

d) D’assurer aux enfants l’accès, sans qu’ils aient à obtenir le consentement de leurs parents, à des services de conseils si ceux ‑ci se révèlent nécessaires et de nature à garantir leur intérêt supérieur;

e) De continuer à intensifier ses efforts pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant;

f) De solliciter à cet effet une assistance internationale, auprès d’ ONUSIDA et de l’UNICEF, notamment.

Santé des adolescents

57.Le Comité relève avec préoccupation que les questions liées à la santé des adolescents, et qui touchent notamment leur développement, leur santé mentale et la santé procréative, n’ont pas bénéficié d’une attention suffisante. Il constate avec préoccupation que l’abus de substances toxiques est important. Il est tout particulièrement préoccupé par la situation des filles, en raison notamment du pourcentage élevé de mariages et de grossesses précoces qui ont des répercussions préjudiciables sur leur santé.

58. Compte tenu de son Observation générale n o  4 (2003) sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Comité recommande à l’État partie:

a) De mener une étude approfondie visant à déterminer la nature et l’ampleur des problèmes de santé des adolescents et, avec la participation de ces derniers, de formuler, à partir des conclusions de cette étude, des politiques et des programmes axés sur la santé des adolescents, en portant une attention particulière à la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles (IST), notamment par des activités d’éducation en matière de santé procréative;

b) De mener des campagnes de prévention pour lutter contre l’abus des substances toxiques et de faire en sorte que les jeunes aient accès à des services consultatifs;

c) De renforcer les services de conseils en matière de santé mentale, en les adaptant aux besoins des adolescents, de leur en faire connaître l’existence et de les leur rendre accessibles.

Pratiques traditionnelles préjudiciables

59.Le Comité se félicite de la criminalisation des pratiques traditionnelles préjudiciables dans le Code pénal révisé de 2005 et prend acte avec satisfaction des efforts déployés par le Comité national sur les pratiques traditionnelles préjudiciables en Éthiopie pour documenter et combattre la pratique des mutilations génitales féminines. Toutefois, le Comité demeure préoccupé de constater que les MGF, les mariages forcés et les mariages précoces des filles victimes d’enlèvement sont toujours largement pratiqués et qu’une stratégie globale de lutte contre ces pratiques n’a toujours pas été établie.

60. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une stratégie globale visant à prévenir et à combattre les pratiques traditionnelles nuisibles et de consacrer des ressources à sa mise en œuvre, en particulier dans les régions rurales. Des campagnes de sensibilisation aux effets négatifs de ces pratiques sur la santé des enfants, en particulier les filles, devraient être menées auprès du grand public ainsi qu’auprès des chefs communautaires, traditionnels et religieux. La législation interdisant les pratiques traditionnelles nuisibles, les mariages forcés et les mariages précoces devrait être strictement appliquée. Le Comité recommande en outre à l’État partie de donner la possibilité, le cas échéant, aux personnes qui pratiquent les mutilations génitales féminines de se reconvertir et de les aider à trouver des sources de revenus autres.

Niveau de vie

61.Le Comité est vivement préoccupé par la pauvreté généralisée qui sévit dans l’État partie et par le nombre de plus en plus élevé d’enfants qui ne jouissent pas du droit à un niveau de vie suffisant, en ce qui concerne notamment l’accès à la nourriture, à de l’eau potable salubre, à un logement décent et à des latrines.

62. Le Comité recommande à l’État partie, conformément à l’article 27 de la Convention, d’intensifier ses efforts en vue d’apporter un soutien et une assistance matérielle, en particulier aux familles les plus marginalisées et les plus défavorisées, et de garantir le droit des enfants à un niveau de vie suffisant. À cet égard, il lui recommande d’accorder une attention particulière aux droits et aux besoins des enfants en élaborant et en mettant en œuvre des plans nationaux de développement et des documents de stratégie sur la réduction de la pauvreté.

6. Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31 de la Convention)

63.Le Comité se félicite de la hausse du taux d’inscription à l’école primaire et de l’augmentation des crédits budgétaires alloués à l’éducation ainsi que des progrès réalisés en ce qui concerne la collecte de statistiques sur la fréquentation scolaire. Toutefois, il continue d’être très préoccupé de constater que l’enseignement primaire n’est toujours ni gratuit ni obligatoire et que le taux de scolarisation net est toujours très bas. Il est préoccupé en outre de constater que les abandons scolaires sont nombreux, que l’enseignement primaire est payant, que les écoles sont surpeuplées, que les possibilités de formation professionnelle sont limitées, que le taux de passage dans l’enseignement secondaire est faible, que le nombre d’enseignants formés et d’établissements scolaires est insuffisant, qu’il n’y a pas de crédits budgétaires pour les établissements préscolaires et que la qualité de l’enseignement est médiocre. Beaucoup reste à faire pour éliminer les inégalités qui se répercutent sur l’accès des enfants à l’éducation, en particulier dans les régions rurales, et qui sont fondées sur l’appartenance ethnique et le sexe.

64. Le Comité recommande à l’État partie, en tenant compte de son Observation générale  n o  1 (2001) sur les buts de l’éducation:

a) De faire en sorte que l’enseignement primaire soit gratuit et obligatoire et de prendre les mesures nécessaires pour garantir que tous les enfants soient inscrits à l’école primaire;

b) D’augmenter les dépenses publiques consacrées à l’éducation, en particulier aux niveaux préscolaire, primaire et secondaire, en s’attachant notamment à améliorer l’accès au droit à l’éducation et à éliminer les disparités à cet égard, qu’elles soient régionales ou socioéconomiques ou fondées sur l’appartenance ethnique ou le sexe;

c) De former davantage d’enseignants, de sexe féminin notamment, et d’ouvrir davantage d’écoles, en particulier dans les régions rurales;

d) De faire de nouveaux efforts pour garantir l’accès à l’éducation extrascolaire pour les groupes vulnérables, y compris les enfants des rues, les orphelins, les enfants handicapés, les enfants qui travaillent comme domestiques et les enfants se trouvant dans des zones de conflit ou des camps, notamment en supprimant les coûts indirects et cachés de la scolarité;

e) De renforcer l’enseignement professionnel, y compris pour les enfants qui ont abandonné leurs études;

f) De solliciter l’assistance technique de l’UNICEF, notamment pour améliorer l’accès des filles à l’éducation.

7. Mesures spéciales de protection (art. 22, 30, 38, 39 et 40, 37 (al. b à d ) et 32 à 36 de la Convention)

Enfants réfugiés

65.Le Comité note qu’il y a quelque 115 000 réfugiés venus de pays voisins en Éthiopie et que l’État partie applique en matière d’asile des politiques qui, dans une large mesure, sont conformes aux obligations internationales. Cependant, il regrette que l’État partie n’ait pas retiré sa réserve à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés qui porte sur le droit à l’éducation. D’autre part, il est préoccupé par le faible taux de scolarisation des enfants réfugiés et notamment par le taux élevé d’abandon scolaire parmi les filles, le manque de personnel féminin dans les écoles et les centres médicaux dans les camps, l’insuffisance de l’enseignement en matière de santé procréative et le risque élevé de sévices et d’exploitation sexuels, dont les filles en particulier sont victimes.

66. Le Comité invite instamment l’État partie:

a) À retirer sa réserve à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, concernant le droit à l’éducation;

b) De prendre des mesures concrètes pour relever les taux de scolarisation, en particulier parmi les filles, notamment en favorisant l’accès à l’éducation et en augmentant le nombre d’enseignants de sexe féminin;

c) De faire en sorte qu’il y ait davantage de femmes parmi le personnel médical et de répondre aux besoins en matière d’enseignement dans le domaine de la santé procréative;

d) D’améliorer la sécurité dans les camps de réfugiés et de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants, en particulier les filles, contre l’exploitation sexuelle, d’instaurer des mécanismes accessibles en matière de plainte, d’enquêter pleinement sur les cas de sévices et de poursuivre les auteurs des actes de violence;

e) De prendre toutes les mesures voulues pour garantir aux enfants réfugiés une protection conforme au droit international relatif aux droits de l’homme et aux réfugiés en tenant compte de l’Observation générale n o  6 (2005) du Comité relative au traitement des enfants séparés de leur famille ou non accompagnés en dehors de leur pays d’origine;

f) De continuer à coopérer avec le Haut ‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à cet égard.

Enfants impliqués dans des conflits armés

67.Le Comité note que l’État partie a fixé à 18 ans l’âge minimum pour être recruté dans les forces armées. Il est toutefois préoccupé par les erreurs possibles au stade du recrutement dues à l’insuffisancedu système d’enregistrement des naissances. Il est préoccupé en outre par l’insuffisance de la réadaptation physique et psychologique des enfants touchés par des conflits armés, en particulier ceux qui ont été déplacés et séparés de leurs parents et ceux qui ont été touchés par des mines terrestres.

68. Le Comité invite instamment l’État partie:

a) À prendre toutes les mesures possibles pour lutter contre le recrutement d’enfants et à appliquer sa législation strictement;

b) À prendre des mesures pour garantir la réadaptation physique et psychologique de tous les enfants touchés par les conflits armés, y compris ceux qui ont été séparés de leurs parents et les victimes des mines terrestres, en accordant une attention particulière aux ménages dont le chef de famille est une femme;

c) À envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

d) À soutenir la Mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE) pour instaurer une paix durable dans la région.

Enfants des rues

69.Le Comité est profondément préoccupé par le nombre croissant d’enfants des rues, en particulier dans les grands centres urbains, qui sont également victimes de toxicomanie, d’exploitation sexuelle, de harcèlement et de victimisation de la part de membres de la police. Il est aussi préoccupé par la stigmatisation des enfants des rues et les attitudes négatives de la société à leur égard fondées sur leur condition sociale.

70. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De faire une évaluation systématique de la situation des enfants des rues afin de se faire une idée exacte de ses causes profondes et de son ampleur;

b) D’élaborer et d’appliquer, avec la participation active des enfants des rues eux ‑mêmes, une politique d’ensemble qui devrait s’attaquer aux causes profondes du phénomène, afin de le prévenir et de l’atténuer;

c) De doter les enfants des rues, en coordination avec des ONG, de la protection nécessaire, de services en matière de soins de santé et d’éducation ainsi que d’autres services sociaux appropriés;

d) De soutenir les programmes de regroupement familial, lorsque ce regroupement est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Exploitation économique, y compris travail des enfants

71.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que beaucoup de jeunes enfants travaillent, y compris des enfants de moins de 5 ans, et que l’État partie n’a pris aucune mesure d’ensemble pour prévenir et combattre cette exploitation économique massive des enfants.

72. Le Comité invite instamment l’État partie à élaborer et à appliquer, avec le concours de l’OIT, de l’UNICEF et d’ONG, un plan d’action de grande ampleur pour prévenir et combattre le travail des enfants, conformément aux Conventions n os 138 et 182 de l’OIT que l’État partie a ratifiées.

Exploitation et violence sexuelles

73.Le Comité se félicite des initiatives prises par l’État partie pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants, notamment l’introduction de dispositions dans le Code pénal révisé imposant des peines plus lourdes pour ce type d’infraction et l’élaboration d’un plan d’action national contre l’exploitation sexuelle des enfants. Il n’en reste pas moins préoccupé par le fait que beaucoup d’enfants, en particulier des filles, sont victimes d’exploitation et de sévices sexuels et que ces actes restent pour la plupart impunis. En outre, le Comité est vivement préoccupé par le manque d’informations dans le rapport de l’État partie sur l’ampleur du problème et le nombre d’enfants touchés.

74. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre des mesures éducatives et de sensibilisation pour prévenir et éliminer l’exploitation sexuelle, notamment en soutenant les efforts que déploient actuellement des ONG;

b) De consacrer des ressources supplémentaires à l’appui des activités favorisant la réadaptation physique et psychologique de tous les enfants touchés par l’exploitation sexuelle, dont s’occupent aujourd’hui principalement des ONG;

c) De former les professionnels, en particulier ceux qui travaillent dans l’administration de la justice, pour qu’ils soient à même de recevoir et d’examiner des plaintes, et d’enquêter sur celles ‑ci, d’une manière qui respecte la sensibilité des enfants ainsi que l’intimité de la victime;

d) D’allouer des ressources suffisantes pour permettre d’enquêter sur les cas de violence et d’exploitation sexuelles, de poursuivre les auteurs de ces crimes et d’imposer des peines appropriées;

e) De mettre en œuvre une politique globale, en coordination avec des ONG, à des fins de prévention, de réadaptation et de réinsertion sociale des enfants victimes, conformément à la Déclaration, au Programme d’action et à l’Engagement mondial adopté en 1996 et 2001 par le Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Vente et traite d’enfants

75.Le Comité est préoccupé de constater qu’un nombre élevé d’enfants sont enlevés et vendus chaque année à des fins que l’on ignore en Éthiopie et en dehors du pays. Le Comité est vivement préoccupé par le manque d’informations, dans le rapport de l’État partie, sur l’ampleur du phénomène et le nombre d’enfants touchés.

76. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre des mesures éducatives à des fins de sensibilisation pour prévenir et éliminer le phénomène de la vente et de la traite d’enfants, notamment en appuyant les efforts que déploient actuellement les ONG;

b) D’allouer des ressources supplémentaires pour soutenir les activités visant la réadaptation physique et psychologique de tous les enfants victimes de vente ou de traite;

c) D’allouer des ressources suffisantes pour permettre de mener des enquêtes sur les cas de sévices, de poursuivre les auteurs des crimes et d’imposer des peines appropriées;

d) De ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000).

Justice pour mineurs

77.Le Comité prend acte des efforts qui ont été faits, notamment grâce au Bureau chargé du projet relatif à la justice pour mineurs, dont l’action cependant a été entravée par un manque de ressources. Il déplore par ailleurs l’absence d’un système de justice pour mineurs réellement adapté aux besoins de ceux‑ci dans la plupart des régions du pays et le manque de personnes chargées de représenter les enfants victimes d’infractions ainsi que les enfants inculpés et de leur apporter une aide juridictionnelle. Le Comité est préoccupé de constater que la privation de liberté n’est pas une mesure de dernier recours, que les enfants ne sont pas séparés des adultes en détention provisoire et que la détention de longue durée et le placement en institution sont pratiqués. En outre, le Comité est préoccupé de constater que l’âge minimum de la responsabilité pénale est très bas (9 ans).

78. Le Comité invite instamment l’État partie à veiller à ce que les normes relatives à la justice pour mineurs soient intégralement appliquées, en particulier les articles 37 b), 40 et 39 de la Convention, ainsi que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) ainsi que les Règles minima des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane), en tenant compte des recommandations formulées par le Comité lors de sa journée de débat général sur l’administration de la justice pour mineurs, tenue le 13 novembre 1995 (CRC/C/46, par. 203 à 238). En particulier, le Comité recommande à l’État partie:

a) De relever l’âge minimum de la responsabilité pénale pour qu’il soit à un niveau acceptable au regard des normes internationales;

b) De continuer à améliorer en quantité et en qualité les tribunaux et les juges spécialisés dans la justice pour mineurs, les officiers de police et les magistrats du parquet, notamment par la formation systématique des professionnels;

c) De doter les tribunaux pour mineurs à l’échelon du comté de ressources financières, humaines et techniques suffisantes;

d) De renforcer le rôle des autorités locales, notamment en ce qui concerne les délits mineurs;

e) De fournir aux enfants, victimes ou inculpés une aide juridictionnelle appropriée dès le début de la procédure judiciaire;

f) De tenir compte à cet égard des Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social);

g) D’améliorer les programmes de formation sur les normes international es pertinentes à l’intention de l’ensemble des professionnels opérant dans le cadre de la justice pour mineurs;

h) De faire en sorte que la mise en détention et le placement en institution des enfants délinquants ne soient que des mesures de dernier recours;

i) De solliciter l’assistance technique et la coopération sous d’autres formes du Groupe de coordination interinstitutions dans le domaine de la justice pour mineurs.

Enfants appartenant à une minorité ou à un groupe autochtone

79.Le Comité observe que le rapport de l’État partie ne contient pas d’informations sur les minorités ethniques. Il est préoccupé par la situation des enfants appartenant à des minorités, en particulier les minorités oromo et anuak, qui sont stigmatisées et persécutées par l’armée et victimes de tortures, de viols et d’assassinats, en raison de la présence de groupes d’opposition sur leurs territoires.

80. Le Comité invite instamment l’État partie:

a) À respecter la vie des membres des groupes minoritaires et en particulier celle des enfants, en tenant dûment compte du principe de protection des civils qui fait partie du droit humanitaire;

b) À consacrer une attention suffisante aux enfants des minorités ethniques dans le prochain rapport périodique.

8. Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant

81. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant, l’un, la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants et l’autre, l’implication d’enfants dans les conflits armés.

9. Suivi et diffusion

Suivi

82. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour garantir la mise en œuvre intégrale des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Conseil des ministres, du cabinet ou d’un organe analogue, du Parlement et des gouvernements et parlements locaux, selon le cas, pour examen et suite à donner.

Diffusion

83. Le Comité recommande également que le deuxième rapport périodique et les réponses écrites présentés par l’État partie, de même que les recommandations que le Comité a adoptées à leur propos (observations finales) soient très largement rendus accessibles, dans les langues du pays, y compris (mais pas exclusivement) par l’Internet, au public en général, aux organisations de la société civile, aux groupements de jeunesse, aux organisations professionnelles et aux enfants, en vue de faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi, et de susciter un débat à cet égard.

10. Prochain rapport

84. Le Comité invite l’État partie à présenter en un seul document ses quatrième et cinquième rapports avant le 12 décembre 2011 (soit 18 mois avant la date à laquelle il devrait présenter son cinquième rapport). Il s’agit d’une mesure exceptionnelle due au grand nombre de rapports reçus par le Comité chaque année. Ce rapport ne devrait pas dépasser 120 pages (voir CRC/C/118). Le Comité compte que l’État partie présentera ensuite un rapport tous les cinq ans, comme le prévoit la Convention.

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