NATIONS

UNIES

CAT  

Convention contre la torture

et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/39/2

3 mars 2009

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

RAPPORT SUR LE BRESIL ÉTABLI PAR LE COMITÉ

AU TITRE DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION

ET RÉPONSE DU GOUVERNEMENT BRÉSILIEN

TABLE DES MATIERES

Paragraphes Page

Liste d’acronymes 4

PREMIÈRE PARTIE: RAPPORT DU COMITÉ1-1965

INTRODUCTION1-25

II.DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE 3-75

III.LA VISITE AU BRÉSIL DU 13 AU 29 JUILLET 20058-206

A.Activités des membres du Comité durant la visite8-176

B.Conditions générales de déroulement de la visite18-209

IV.INFORMATIONS GÉNÉRALES 21-4310

A.Le Brésil, État fédéral21-2210

B.Répression des infractions23-2710

C.Le Ministère public28-3011

D.Le Bureau du défenseur public3112

E.Le crime de torture32-3612

F.Sauvegardes juridiques et garanties accordées aux suspects d’infractions et aux détenus37-3813

G.Délinquants mineurs39-4315

V.LA TORTURE ET LES MAUVAIS TRAITEMENTS AU BRÉSIL44-17715

A.Informations fournies par les organisations non gouvernementales des droits de l’homme 45-8016

B.Informations obtenues dans les lieux de détention81-15222

C.Informations reçues des gouvernements et autres autorités de la fédération et des États153-17737

VI.CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ178-19642

PARTIE II: COMMENTAIRES DU GOUVERNEMENT BRÉSILIEN SUR LE RAPPORT ÉTABLI PAR LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DEGRADANTS (CAT/C/36/R.1/Add.1197-38749

INTRODUCTION 199-20849

I.Á PROPOS DE LA VISITE AU BRÉSIL DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION209-21450

TABLE DES MATIERES ( suite )

Paragraphes Page

Á PROPOS DES LIEUX DE DETENTION VISITES PAR LE COMITÉ 215-22552

III.COMMENTAIRES DU BRÉSIL SUR LES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ226-22853

IV.LA PRATIQUE SYSTÉMATIQUE DE LA TORTURE EN DROIT INTERNATIONAL229-24154

V.DIFFÉRENCES ENTRE LA TORTURE ET LES AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DEGRADANTS242-38758

Liste d’acronymes

CAJECentro de Atendimiento Juvenil Especializado, Centre de prise en charge spécialisée des jeunes

FEBEMFundação Estadual do Bem-Estar do Menor, Fondation de l’État pour le bien-être des mineurs

DEGASE Departamento Geral de Ações Sócio-Educativas, Département général des actions socio-éducatives

RDD Regime disciplinar diferenciado, régime disciplinaire différencié

RDE Regime disciplinar especial, régime disciplinaire spécial

PREMIÈRE PARTIE: RAPPORT DU COMITÉ

I. INTRODUCTION

Conformément aux dispositions de l’article 20 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (dénommée ci-après « la Convention »), le Comité contre la torture (dénommé ci-après « le Comité »), quand il reçoit des renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d’un État partie, invite ledit État à coopérer à l’examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet. Le Comité peut ensuite charger un ou plusieurs de ses membres de procéder à une enquête confidentielle laquelle peut comporter une visite sur le territoire de l’État partie en question si ce dernier en est d’accord. Tous ces travaux du Comité sont confidentiels et à toutes les étapes desdits travaux, on s’efforce d’obtenir la coopération de l’État partie. Une fois achevés les travaux relatifs à une enquête, le Comité peut, après consultations avec l’État partie intéressé, décider de faire figurer un compte rendu succinct des résultats de ces travaux dans le rapport annuel qu’il présente aux États parties à la Convention et à l’Assemblée générale.

Le Brésil a ratifié la Convention le 28 septembre 1989. Lors de cette ratification, il n’a pas déclaré ne pas reconnaître la compétence accordée au Comité aux termes de l’article 20 de la Convention comme il aurait pu le faire en vertu de l’article 28 de ladite Convention. La procédure prévue à l’article 20 est donc applicable au Brésil.

II. DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE

En novembre 2002, les organisations non gouvernementales Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-Brésil) ont fourni des renseignements au Comité concernant des allégations de pratique systématique de la torture au Brésil et lui ont demandé d’examiner la situation au Brésil en vertu de l’article 20 de la Convention. Ces renseignements constituaient une synthèse d’un précédent rapport établi par sept ONG brésiliennes travaillant dans des prisons et des centres de détention concernant des allégations de torture dans l’État de São Paulo entre 2000 et 2002.

À sa vingt‑neuvième session, en novembre 2002, le Comité a examiné ces renseignements en séances privées et a estimé qu’ils étaient fiables et contenaient des indications fondées selon lesquelles la pratique de la torture était systématique au Brésil.

Le 22 novembre 2002, les renseignements reçus des organisations non gouvernementales (dénommées ci-après « les ONG ») ont été soumis à l’État partie pour qu’il fasse connaître ses observations au plus tard le 28 février 2003. A sa trentième session, en mai 2003, le Comité a noté qu’il n’y avait pas eu de réponse et par une lettre de son président datée du 16 mai 2003, il a réitéré sa demande à l’État partie de faire connaître ses observations au plus tard le 1er septembre 2003. A ce jour, l’État partie n’a pas communiqué d’observations sur ces allégations.

À sa 591e séance (privée) tenue le 21 novembre 2003, le Comité a décidé de procéder à une enquête confidentielle et a confié à MM. Claudio Grossman, Fernando Mariño et Ole Vedel Rasmussen le soin de la conduire. Le Comité a invité le gouvernement brésilien à collaborer avec le Comité dans la réalisation de l’enquête et, en conséquence, à nommer un représentant accrédité auprès des membres désignés par le Comité, à leur fournir toutes les informations qu’eux‑mêmes ou le gouvernement pourraient juger utiles, et à prévoir toute autre forme de coopération susceptible de faciliter la réalisation de l’enquête. Cette décision a été transmise au Ministre brésilien des affaires étrangères le 4 décembre 2003.

Le gouvernement brésilien a demandé le report de la visite à deux reprises étant donné que les dates proposées par le Comité (à savoir juillet 2004 et janvier 2005) étaient trop rapprochées pour qu’il soit possible de préparer un programme de travail adéquat pour les experts. Par une note verbale du 3 février 2005, l’État partie a indiqué au Comité qu’il acceptait sa visite et décidé qu’elle aurait lieu en juillet 2005.

III. LA VISITE AU BRÉSIL DU 13 AU 29 JUILLET 2005

A. Activités des membres du Comité durant la visite

La visite, qui s’est déroulée du 13 au 29 juillet 2005, a été effectuée par M. Fernando Mariño Menendez (président du Comité) et M. Claudio Grossman. M. Rasmussen n’a pas pu y participer. Les membres du Comité étaient assistés par Mme Jane Connors, Mme Mercedes Morales et Mme Marina Narváez, fonctionnaires du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, et par quatre interprètes. De plus, durant leur séjour à Rio de Janeiro et São Paulo, ils étaient accompagnés par M. Duarte Nuno Vieira, expert médical.

Deux équipes d’enquête composées des membres du Comité, des membres du Secrétariat du Comité et des interprètes ont visité les États suivants: District fédéral de Brasilia, São Paulo, Rio de Janeiro, Minas Gerais et Bahia. Le programme d’activités était préparé par les membres du Comité conduisant l’enquête, en coopération avec le Secrétariat du Comité, les autorités brésiliennes et le Représentant résident de l’ONU et son personnel au Bureau du Programme des Nations Unies pour le développement au Brésil.

Dans le District fédéral de Brasilia, les membres du Comité ont rencontré plusieurs membres de la Commission des droits de l’homme de la Chambre des représentants fédérale; le vice-président de la Cour suprême fédérale; le Secrétaire à la protection sociale du District fédéral; des représentants du Ministère de la justice et du Département national des établissements pénitentiaires; des représentants du Secrétaire national à la sécurité publique; le Secrétaire à la sécurité publique du District fédéral; des représentants du Secrétaire spécial aux droits de l’homme, dont le Coordonnateur général de la Commission permanente contre la torture et les violences institutionnelles; le président de la Cour supérieure de justice; des représentants du Ministère des affaires étrangères; le vice-directeur de l’Association des procureurs publics; et le Procureur fédéral pour les droits de l’homme et son personnel.

Á São Paulo (État de São Paulo), ils ont eu des entretiens avec l’Ombudsman de la police (Ouvidor); le Secrétaire à l’administration pénitentiaire et l’Ombudsman (Ouvidor); le Secrétaire adjoint à la sécurité publique; le Surintendant de la police scientifique; le Chef de la Police militaire; le Secrétaire à la justice; des représentants du ministère public; le président de la Cour de justice; le corregedor (chef du bureau des affaires intérieures) de la police civile; et un représentant du Bureau du Procureur pour les enfants et les adolescents.

Á Rio de Janeiro (État de Rio de Janeiro), les membres du Comité ont rencontré le Vice‑Secrétaire pour l’enfance et la jeunesse; le Directeur Général de la police scientifique; le Procureur général et d’autres représentants du Ministère public, un représentant du Secrétaire à la sécurité publique, le corregedor (chef du bureau des affaires intérieures) de la police militaire et un représentant de la police militaire; le Secrétaire d’État aux droits de l’homme; l’Ombudsman de la police (Ouvidor); le Secrétaire d’État à l’administration pénitentiaire et d’autres représentants du Secrétariat, dont l’Ombudsman; la subcorregedora de la police civile et le Chef de la police civile; et le président de la Cour suprême de l’État de Rio de Janeiro.

Á Belo Horizonte (État de Minas Gerais), les membres du Comité ont tenu des réunions avec l’Ombudsman de la police (Ouvidor); le Secrétaire adjoint à la défense sociale et le directeur du contrôle de la qualité du même Secrétariat; le Commandant général de la police militaire; le Chef de la police civile, le chef du personnel de la police civile et des membres du Conseil supérieur de la police civile; et des juges (desembargadores) du Tribunal de justice.

Á Salvador de Bahia (État de Bahia), ils ont rencontré le Surintendant de la police scientifique; le Secrétaire à la justice et aux droits de l’homme du gouvernement de l’État de Bahia, qui était accompagné par le Secrétaire à la sécurité publique, le chef du personnel, le Sous-Secrétaire aux droits de l’homme et le Sous-Secrétaire aux affaires criminelles; le vice‑président du Tribunal de justice de l’État de Bahia; le Procureur général; le Gouverneur de l’État de Bahia; le Chef de la police militaire; le Chef de la police civile et le corregedor (chef du bureaux des affaires intérieures) de la police civile; et le Secrétaire au travail, aux services sociaux et aux sports.

Durant leur séjour au Brésil, les membres du Comité ont visité un grand nombre de lieux de détention. Lors de ces visites, des fonctionnaires de niveau élevé des établissements concernés étaient présents et ont rencontré les membres du Comité. Les centres visités étaient les suivants:

a)Dans le District fédéral de Brasilia:

CAJE Centro de Atendimiento Juvenil Especializado, Centre de prise en charge spécialisée des jeunes

Centre de Papuda « Centro de Internaçao e Ressocializaçao »,

Centre de détention provisoire de Brasilia, et

Prison pour femmes de Brasilia

b)Dans l’État de São Paulo:

Unité « Tietê » de l’ensemble de centres pour mineurs « Vila Maria »;

Centre de détention provisoire Pinheiros I;

Prison publique pour femmes Cadeia Publica Pinheiros 4;

Pénitencier Adriano Marrey à Guarulhos;

Poste de police du 4e district;

Poste de police du 39e district;

Poste de police du 9e district « Delegacia de Policia Participativa ».

c)Dans l’État de Rio de Janeiro:

Centre de détention avant jugement pour mineurs Padre Severino;

Prison Bangu III;

Prison Plácido Sá Carvalho II;

Prison pour femmes Talavera Bruce;

Prison Ary Franco;

Polinter;

Poste de police du 5e district « Delegacia legal »;

Poste de police du 59e district.

d)Dans l’État de Bahia:

Pénitencier Lemos de Brito;

Poste de police « Baixa do Fiscal » pour les auteurs de vols et de vols qualifiés;

Poste de police du district « Pau de Lima »;

Poste de police du district « Rio Vermelho ».

e)Dans l’État de Minas Gerais:

Poste de police pour les auteurs de vols et de vols qualifiés de véhicules;

Poste de police pour les auteurs de vols et de vols qualifiés;

Poste de police pour auteurs d’infractions concernant les substances toxiques et les stupéfiants;

Centre de détention provisoire pour mineurs « CEIP Dom Bosco »;

Pénitencier pour femmes de Belo Horizonte.

Pendant toute la visite, les membres du Comité ont aussi rencontré des victimes alléguées de tortures et/ou des membres de leur famille. La plupart de ces rencontres ont eu lieu dans des centres de détention, et les autres dans les locaux des ONG. Les membres du Comité ont aussi reçu des informations détaillées, oralement et/ou par écrit, de nombreuses ONG, dont: Action des chrétiens contre la torture-Brésil (ACAT-Brésil); Global Justice; Land Pastoral Commission; Centre for Justice and International Law (CEJIL); Mouvement national des droits de l’homme (MNDH).

Les membres du Comité ont en outre rencontré le Représentant résident de l’ONU et son personnel à Brasilia, ainsi que le Directeur exécutif de l’Institut pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en Amérique latine (ILANUD) des Nations Unies à São Paulo.

B. Conditions générales de déroulement de la visite

Avant le début de la visite, le Comité est convenu avec l’État partie qu’elle se déroulerait conformément aux principes suivants:

Liberté de mouvement dans tout le pays et facilitation des transports dans les zones d’accès réglementé, en fonction des besoins de l’exécution du mandat du Comité;

Liberté d’enquêter, concernant en particulier:

L’accès à toutes les prisons et à tous les centres de détention et lieux d’interrogatoire;

Les contacts avec les autorités centrales et locales de tous les pouvoirs;

Les contacts avec les représentants des ONG et autres institutions privées;

Les contacts avec les témoins et autres personnes considérées comme nécessaires à l’exécution du mandat;

Un accès complet à tous les documents utiles à l’enquête.

Assurances du gouvernement qu’aucune personne, qu’il s’agisse d’un fonctionnaire ou d’un particulier, ayant été en contact avec les membres du Comité désignés pour l’enquête ou avec d’autres personnes les accompagnant dans le cadre de leur mandat, ne subirait de menaces, de harcèlement ou de sanction, ou ne ferait l’objet de poursuites judiciaires en relation avec l’enquête. Les mêmes assurances s’appliquent aux familles des personnes ayant été en contact avec les membres du Comité désignés pour l’enquête ou avec les personnes les accompagnant.

Arrangements de sécurité appropriés, sans toutefois restreindre la liberté de mouvement des membres conduisant l’enquête.

Avant, pendant et après la visite, les membres du Comité désignés pour l’enquête, le personnel de l’ONU, ainsi que toutes autres personnes les secondant durant l’enquête doivent avoir droit aux mêmes facilités, privilèges et immunités que ceux qui sont accordés aux membres du Comité en vertu de l’article 23 de la Convention.

Le gouvernement brésilien s’est montré coopératif et a favorisé la visite. Il a respecté les principes susmentionnés et pris, tant dans le District fédéral que dans les États, les mesures nécessaires pour permettre aux membres du Comité de mener à bien leur programme de travail et garantir leur sécurité. En conséquence, les membres du Comité ont pu visiter les lieux de détention et parler en privé avec tous les détenus qu’ils ont demandé de voir. De plus, ils ont pu s’entretenir librement avec les représentants des ONG. Ils ont informé toutes les personnes avec lesquelles ils s’entretenaient du but de leur visite et de son caractère confidentiel.

Les membres du Comité ont rencontré des difficultés le 22 juillet 2005, lorsqu’ils se sont rendus au Pénitencier régional Jason Albergaria, situé dans la municipalité de São Joaquim de Bicas à la périphérie de Belo Horizonte, dont on leur a interdit l’accès en dépit des efforts du représentant du Ministère des affaires étrangères. Voir en outre les paragraphes

120 et 128 du présent rapport.

IV. INFORMATIONS GÉNÉRALES

A. Le Brésil, État fédéral

Le Brésil est une république fédérale composée de 26 États et d’un District fédéral. Les États disposent d’une large autonomie. Ils élisent leur exécutif et leur organe législatif et peuvent donc adopter des lois conformément aux principes de la Constitution de 1988. De plus, ils sont responsables chacun de son Ministère public et de son pouvoir judicaire (avec accès aux tribunaux fédéraux en dernier ressort).

Le Code pénal (Loi N° 2848 du 7 décembre 1940), le Code de procédure pénale (Décret-loi N° 3689 du 30 octobre 1941) et la Loi sur l’exécution des peines (Décret-loi N° 7210 du 11 juillet 1984) sont des lois fédérales. Toutefois, les États sont responsables de leur application et de leur administration, si l’infraction relève de leur juridiction. Il existe certaines infractions fédérales qui relèvent de la compétence de l’État fédéral, et sont donc traitées par les membres de la police fédérale et de la justice fédérale. Cependant, la majorité des infractions continuent à relever de la juridiction des forces de police et des tribunaux des différents États.

B. Répression des infractions

1. Forces de police

Les différentes forces de police et leurs tâches respectives sont décrites à l’article 144 de la Constitution. Le Brésil a une force de police fédérale ainsi qu’une force de police fédérale spécialisée pour les routes et les chemins de fer. Il y aussi des forces de police des États, à savoir une police civile et une police militaire, qui sont chargées de la sécurité et du maintien de l’ordre.

Les États sont responsables de leurs propres forces de police civile et militaire, qui relèvent du gouverneur de l’État. La police civile remplit les fonctions de police judiciaire et enquête sur les infractions pénales, à l’exception des infractions militaires, tandis que la police militaire maintient l’ordre public et exerce les fonctions de police publique. Il s’agit d’une police en uniforme. Les arrestations en flagrant délit sont généralement effectuées par la police militaire, bien que la police civile exerce aussi, semble-t-il, des pouvoirs d’arrestation. La police militaire est parfois chargée de la sécurité externe des centres pénitentiaires. De plus, selon des informations reçues des autorités de police, il arrive que la police militaire soit chargée de la sécurité intérieure de certains centres pénitentiaires, en raison de la gravité des risques sécuritaires. La police civile supervise les postes de police, y compris ceux qui continuent à contenir des prisons publiques. Tous les autres centres sont gérés par des gardiens de prison.

2. Organes de contrôle

Les corregedorias (bureaux de contrôle interne de la police) sont chargés de l’enquête administrative initiale sur les manquements de la police. Dans la plupart des États, il y a une corregedoria pour la police civile et une autre pour la police militaire, ayant pour tâche de contrôler ces deux forces de police. A l’issue de l’enquête, les corregedorias peuvent soit classer l’affaire si les allégations ne sont pas fondées, soit proposer des sanctions disciplinaires, y compris des blâmes ou des suspensions, soit recommander la révocation de l’agent de police concerné, sous réserve de l’approbation du gouverneur de l’État, et renvoyer l’affaire au procureur pour suite à donner.

Les ouvidorias a polícia (bureaux des ombudsmans de la police) sont des organes de contrôle supplémentaires qui suivent les comportements policiers. La première ouvidoria de la police a été créée à São Paulo en 1996. Les ouvidorias de la police peuvent recevoir les allégations de manquement de policiers et les transmettre aux corregedorias de la police, qui décident s’il existe des preuves suffisantes pour ouvrir une enquête administrative. Elles n’enquêtent donc pas sur les allégations qui leur sont soumises. Les ouvidorias de la police peuvent aussi transmettre directement une affaire au ministère public, lorsqu’elles considèrent qu’il existe des preuves suffisantes de ce comportement même si l’affaire a été classée par la police ou par la corregedoria.

3. Instituts médico-légaux

Les Instituts médico-légaux sont chargés de toutes les enquêtes médicales, et ils peuvent dans ce contexte détecter les cas possibles de torture ou de mauvais traitements. Ces instituts relèvent généralement du Secrétaire d’État à la sécurité publique, qui est aussi l’autorité responsable des forces de police de l’État. Il convient de noter que l’Institut médico-légal de Belém, par exemple, s’est vu conférer une certaine indépendance par le gouverneur de l’État.

C. Le Ministère public

Les enquêtes préliminaires sur les allégations d’actes de torture sont conduites par la police civile. Ensuite, les procureurs (promotores) peuvent décider s’il y a lieu de poursuivre sur la base des preuves fournies par les enquêtes de police.

Les procureurs exercent leurs fonctions au sein du Ministère public (Ministério Público) de l’État, sous l’autorité du Procureur général de l’État (Procurador Geral de Justiça). Les fonctions institutionnelles du ministère public, qui sont énumérées à l’article 129 de la Constitution, consistent entre autres à introduire l’action publique en matière pénale, à veiller au respect effectif des droits constitutionnels par les pouvoirs publics et les services relevant de la puissance publique, y compris en introduisant l’action civile publique (ação civil pública) et en prenant les mesures nécessaires pour garantir ces droits, à exercer le contrôle externe des activités de police, et à requérir les moyens d’investigation et l’instauration d’enquêtes de police, en indiquant les fondements juridiques de ces procédures.

Au moment de la visite, la question de savoir si le Ministère public de l’État devrait avoir le pouvoir d’enquêter et d’engager des poursuites sur les cas de torture même si aucune enquête de police n’a été entreprise ou si une enquête de police n’a pas été menée à son terme ou a été classée n’avait pas encore été tranchée par la Cour suprême fédérale. A ce sujet, les procureurs faisaient valoir que la Constitution leur donnait le pouvoir d’engager une enquête pénale indépendante, qu’une enquête de police ait ou non été menée.

D. Le Bureau du défenseur public

Pour de qui est de l’assistance judiciaire, l’article 5 de la Constitution brésilienne stipule que l’État offre une assistance judiciaire gratuite à toutes les personnes qui font la preuve de l’insuffisance de leurs ressources. A cet égard, le Bureau du défenseur public (Defensoria Pública) est l’entité chargée par la Constitution de faire bénéficier ces personnes de l’assistance judiciaire. Cependant, tous les États n’ont pas créé de bureau du défenseur public. C’est le cas, par exemple, de l’État de São Paulo, qui compte environ 40% de la population carcérale du Brésil.

E. Le crime de torture

L’article 5 de la Constitution proclame le droit de chacun de ne pas être soumis à la torture ou à un traitement inhumain ou dégradant. De plus, il stipule que la pratique de la torture fait partie des crimes qui excluent la libération sous caution, la grâce ou l’amnistie, et qu’en répondent tous ceux qui l’ont ordonnée ou commise et quiconque s’est abstenu alors qu’il aurait pu l’empêcher.

L’article premier de la Loi sur la torture de 1997 (Loi N° 9455 du 7 avril 1997) définit comme torture:

« I – le fait de contraindre une personne par la violence ou une menace grave provoquant une souffrance physique ou mentale; dans le but d’obtenir une information, une déclaration ou des aveux de la victime ou d’un tiers; pour susciter un acte ou une omission criminel; en raison d’une discrimination raciale ou religieuse;

II – le fait de soumettre une personne relevant de sa responsabilité, de son pouvoir ou de son autorité à une souffrance physique ou mentale intense, en employant la violence ou une menace grave comme moyen de mettre en œuvre un châtiment personnel ou à titre de mesure préventive. »

La Loi sur la torture s’applique sur tout le territoire du Brésil. Le crime de torture n’est pas un crime fédéral (voir paragraphe 182). En conséquence, chaque État est responsable de l’application de la Loi sur la torture et de l’exécution des jugements rendus conformément à la Loi.

Pour ce qui est des infractions pénales commises par des agents de la police militaire, l’article 9 du Code de procédure pénale militaire (Décret-loi N° 1002 du 21 octobre 1969) dispose que les crimes militaires sont des crimes relevant du Code pénal militaire même s’ils ont la même définition qu’en droit pénal civil, lorsqu’ils sont commis par la police militaire ou avec des armes de la police militaire contre un civil. La Loi N° 9299 du 7 août 1996 a modifié cette disposition en ajoutant que les crimes tombant sous le coup de cet article, lorsqu’ils sont perpétrés délibérément contre la vie d’un civil, relèvent de la compétence des tribunaux pénaux ordinaires. En conséquence, le meurtre d’un civil par un agent de la police militaire relèverait de la compétence des tribunaux pénaux ordinaires. Toutefois, les lésions corporelles, les tortures et les homicides commis par la police militaire contre des civils continuent à relever de la compétence des tribunaux militaires.

Depuis l’adoption de l’amendement constitutionnel 45/2004, les crimes commis par la police militaire contre des civils (à l’exclusion de ceux qui relèvent déjà de la compétence des tribunaux ordinaires) relèvent de la compétence du Juiz Auditor, juge civil de carrière au sein d’un tribunal militaire. Toutefois, le Juiz Auditor ne serait l’autorité judicaire compétente que durant la première phase de la procédure. Le régime des appels diffère selon les États, l’appel pouvant être formé devant les tribunaux militaires ou devant les tribunaux ordinaires, en fonction de la taille des différents corps de police militaire.

F. Sauvegardes juridiques et garanties accordées aux suspects d’infractions et aux détenus

La loi interne prévoit une protection détaillée des droits des suspects d’infractions et des détenus. Comme indiqué ci-dessus, la Loi sur la torture a introduit l’infraction spécifique de torture dans le système pénal brésilien. Il y a en outre un certain nombre de dispositions légales qui assurent à toutes les personnes une protection contre les actes de torture ou les mauvais traitements lors de l’arrestation, durant la détention avant jugement et durant la période d’emprisonnement. Entre autres, nul ne peut être arrêté, hors le cas de flagrant délit, sans un ordre écrit et motivé de l’autorité judiciaire compétente. Toute arrestation est notifiée, ainsi que le lieu de détention, au juge compétent et à la famille de l’intéressé ou à la personne de son choix; toute personne doit être transférée dans un local de détention provisoire au bout de vingt-quatre heures de garde à vue dans un poste de police; les détenus aux ressources financières limitées ont droit à une assistance judiciaire gratuite; les preuves obtenues par des moyens illicites sont irrecevables.

La loi stipule que les conditions de détention et de traitement des détenus doivent être humaines: par exemple, les individus détenus avant jugement doivent être séparés des prisonniers condamnés; ils doivent être détenus dans des centres de détention provisoire; toutes les personnes privées de liberté sont tenues de travailler en fonction de leurs aptitudes et capacités; les peines impliquant une mise au secret doivent être purgées dans des cellules individuelles d’au moins six mètres carrés; les femmes doivent purger leur peine dans des établissements distincts des établissements pour hommes et les personnes de plus de soixante ans doivent être incarcérées dans leur propre établissement pénitentiaire approprié à leur situation pénale; les femmes emprisonnées doivent être surveillées par des surveillantes; les établissements pénitentiaires destinés aux femmes doivent comprendre une pouponnière dans laquelle les détenues puissent allaiter leurs enfants; les prisonniers ont droit à une nourriture et des vêtements adéquats; enfin, les prisonniers ont droit aux traitements médicaux, pharmaceutiques et dentaires.

G. Délinquants mineurs

Conformément au Statut de l’enfant et de l’adolescent (Loi 8069 du 13 juillet 1990), les enfants sont des personnes âgées de moins de 12 ans, et les adolescents des personnes âgées d’au moins 12 ans et de moins de 18 ans.

Le Statut stipule qu’aucun enfant ou adolescent ne doit être soumis à aucune forme de négligence, de discrimination, d’exploitation, de violence, de cruauté et d’oppression, et que toute violation de ses droits fondamentaux, par action ou par omission, sera punie conformément à la loi.

L’article 41 du Statut dispose que tous les enfants et adolescents ont le droit d’accéder au Bureau du défenseur public, au Ministère public et à l’autorité judiciaire, et qu’une assistance judiciaire gratuite doit être fournie à ceux qui en ont besoin.

Le Statut dispose aussi qu’aucun adolescent ou enfant ne doit être privé de sa liberté, hors le cas de flagrant délit ou en vertu d’un ordre écrit et bien fondé d’une autorité judiciaire. La détention provisoire, avant jugement, a une durée maximale de 45 jours. L’incarcération des adolescents ne peut être appliquée que pour des infractions commises au moyen de menaces graves ou de violences sur une personne, en cas de récidive d’autres infractions graves ou en cas de non respect répété et injustifié de la mesure précédemment imposée, auquel cas elle ne peut être imposée que pour une durée maximale de trois mois. Toutefois, l’incarcération n’est pas appliquée s’il est possible d’appliquer une mesure de substitution adéquate. Ces mesures sont décrites à l’article 112 du Statut et comprennent entre autres: le blâme, l’obligation de réparer le dommage et le service communautaire. La durée maximale de l’incarcération est de trois ans, après quoi l’adolescent est libéré ou placé dans un système de semi-liberté ou de liberté assistée. De plus, la poursuite de l’incarcération doit être réexaminée tous les six mois. La libération est obligatoire lorsque l’auteur de l’infraction atteint l’âge de 21 ans.

Les délinquants mineurs sont détenus dans des établissements réservés aux adolescents et séparés en fonction de l’âge, de la constitution physique et de la gravité de l’infraction. L’article 124 du Statut énumère les droits de tous les adolescents privés de liberté, qui comprennent le droit aux loisirs, à la culture et aux activités sportives; le droit de vivre dans des conditions d’hygiène adéquates; le droit à l’éducation et à la formation; le droit d’être incarcérés près du domicile de leurs parents ou autre responsable légal. Le devoir d’assurer le respect des droits et garanties prévus par la loi pour tous les enfants et adolescents incombe au Ministère public, qui est aussi chargé d’inspecter les centres de détention des mineurs.

V. LA TORTURE ET LES MAUVAIS TRAITEMENTS AU BRÉSIL

Les conclusions des membres du Comité sont fondées essentiellement sur les informations recueillies auprès des fonctionnaires, des membres des organes législatifs et judiciaires, des experts médicaux, des agents de la force publique, des ONG et des associations, des détenus et des personnes alléguant avoir été torturées ou maltraitées ainsi que de leurs familles. Les membres du Comité ont aussi reçu des informations précises sur les examens des victimes alléguées de tortures fournies par l’expert médical présent durant l’enquête.

A. Informations fournies par les organisations non gouvernementales des droits de l’homme

1. Informations fournies avant la visite

Les premières informations soumises au Comité par les ONG Organisation mondiale contre la torture et Action des chrétiens contre la torture ACAT-Brésil contenaient le résumé d’un rapport établi comme suite à la visite faite au Brésil par le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture en 2000, ainsi qu’à la présentation par le gouvernement brésilien de son rapport initial au Comité contre la torture en mai 2001. Le rapport était centré sur la situation dans l’État de São Paulo durant la période écoulée entre février 2000 et juin 2002 et contenait, dans une annexe, une description de plus de 1 600 cas de torture alléguée enregistrés au cours de cette période.

Le Comité a aussi reçu un autre rapport d’ONG décrivant les efforts déployés par le gouvernement brésilien pour appliquer la recommandation du Rapporteur spécial de l’ONU sur la question de la torture. L’addendum au rapport décrivait l’état (en 2003) des affaires individuelles de torture alléguée contenues dans le rapport du Rapporteur spécial.

Au Brésil, selon des rapports bien documentés soumis par les ONG, la torture est systématiquement pratiquée par différents agents publics (policiers, gardiens de prison, moniteurs-éducateurs des centres de détention pour mineurs, etc.) lors des interrogatoires et à tous les stades de la détention. Les rapports mettent l’accent sur plusieurs problèmes: les difficultés que rencontrent les victimes et les personnes incarcérées dans les centres de détention pour se faire entendre par les organes officiels en raison du fait que les enquêtes sur les plaintes pour torture sont menées uniquement par des policiers; le défaut d’implication du Ministère public dans les enquêtes sur les allégations de torture; enfin, l’impunité dont jouissent les policiers et autres agents publics accusés à répétition de torture.

Les ONG dénonçaient l’absence de politiques publiques efficaces pour mettre fin à la pratique systématique de la torture au Brésil. Elles notaient que la Campagne nationale contre la torture, lancée en juin 2001, a été très critiquée au motif qu’il s’agissait d’une stratégie de marketing du gouvernement, se limitant à la création d’un centre national d’enregistrement des plaintes. Elles soutenaient que la ligne directe disque denuncia était ainsi conçue qu’elle faisait peser sur la victime un fardeau injustifié en lui demandant de se manifester pour dénoncer une violation. Les ressources allouées par le gouvernement pour financer la campagne étaient aussi insuffisantes, selon elles.

En ce qui concerne la loi de 1997 proscrivant la torture, les ONG la considéraient comme une mesure importante, mais elles faisaient observer que la définition de la torture figurant dans la loi couvrait aussi les actes commis par des particuliers, et détournait ainsi des agents publics le centre de gravité de l’interdiction de la torture.

Les ONG soulignaient qu’un petit nombre d’agents publics étaient condamnés pour avoir commis des actes de torture, alors qu’il était établi que la torture était couramment pratiquée au Brésil. De plus, selon elles, jusqu’à novembre 2002, aucun agent de l’État n’avait été condamné pour avoir commis des actes de torture visés par cette loi. Elles relevaient l’absence d’indépendance des organes chargés d’enquêter sur les actes de torture et les mauvais traitements commis par la police, à savoir les ouvidorias et les corregedorias, qui étaient placés sous l’autorité même de l’institution accusée de ces pratiques. Les ouvidorias de la police étaient liées au gouvernement de l’État, vu que l’ouvidor était nommé par le pouvoir politique. Le corregedor pouvait être déchargé de ses fonctions à tout moment. Apparemment, il pouvait arriver qu’à l’expiration de leur mandat, des personnes ayant précédemment exercé les fonctions d’ouvidor ou de corregedor travaillent sous l’autorité de quelqu’un qu’elles auraient pu dénoncer pour torture durant leur mandat. Pour aggraver les choses, les ouvidorias n’ont pas d’autonomie budgétaire, dépendant financièrement de l’État.

Les ONG dénonçaient aussi l’absence d’indépendance des instituts médico-légaux relevant du Secrétaire à la sécurité publique, qui est aussi responsable des forces de police, situation qui renforce le sentiment d’impunité dans les affaires de torture.

Il était indiqué qu’il est inhabituel que les policiers accusés soient suspendus de leurs fonctions en attendant l’issue de l’enquête, ainsi que toute procédure judiciaire ou disciplinaire subséquente. Tout au plus, les agents faisant l’objet d’une enquête sont affectés ailleurs.

Il a aussi été expliqué au Comité que bien que la Constitution brésilienne fasse du Ministère public un organe indépendant ayant, entre autres responsabilités, celle de contrôler les activités de police, en pratique, dans la plupart des États, le Ministère public ne s’acquitte pas de ces fonctions. Dans la majorité des États, et même dans les États où les procureurs enquêtent directement sur certaines affaires, c’est la police elle-même, via ses corregedorias ou par des enquêtes de police, qui est chargée d’enquêter sur les allégations de pratiques de torture de la police.

Il semble qu’il n’y ait pas eu d’améliorations notables concernant les pratiques policières illicites. A ce sujet, les ONG appelaient l’attention sur la pratique du « mandat générique de perquisition et d’arrestation » qui est apparemment courante à Rio de Janeiro et aurait entraîné des irrégularités policières. Ce mandat consiste en une injonction judiciaire qui permet à la police d’inspecter tout établissement ou résidence dans une zone, un district, etc. De plus, le Comité a reçu des informations selon lesquelles le poste de la police civile pour la protection de l’enfant et de l’adolescent mènerait depuis novembre 2004 une campagne temporaire d’arrestation et d’éloignement appelée « Opération de sécurisation du tourisme » (Operaçao Turismo Seguro). Les groupes de défense des droits soutiennent que cette opération a entraîné le ciblage arbitraire des enfants et des adolescents considérés comme « suspects » ou « abandonnés » principalement dans les rues du quartier aisé de la Zona Sul de Rio de Janeiro. Selon les sources des ONG, la police interpelle, enregistre et répertorie ces enfants et adolescents aux postes de police, après quoi ils sont confiés à des centres d’accueil de la ville et peuvent partir. Un groupe de défense des droits de l’homme de Rio de Janeiro a contesté la constitutionnalité de cette pratique et le Tribunal suprême fédéral reste saisi de l’affaire.

Pour ce qui est du contrôle des centres de détention, la Loi sur l’exécution des peines énumère au moins six organes qui sont habilités à conduire des visites pour contrôler et superviser les conditions de détention des prisonniers; en pratique, néanmoins, il a été allégué que ces visites sont rares.

En ce qui concerne les pénitenciers, les ONG ont déploré que les conditions de détention soient inadéquates, et le surpeuplement, qui est endémique, reste une constante préoccupation. Selon des informations communiquées en juin 2003, il y avait en tout 180 726 places pour un total de 284 989 détenus au Brésil. Dans l’État de São Paulo, il manquait 43 659 places (41,8% du total) et il en manquait 17 194 dans l’État de Minas Gerais.

Il a été indiqué que le surpeuplement dans les postes de police était un autre problème. Un certain nombre de centres de détention provisoire ont été construits dans l’État de São Paulo pour recevoir les détenus en attente de jugement, de manière à réduire le surpeuplement dans les postes de police. Toutefois, ces centres de détention provisoire sont déjà surpeuplés. Les conditions matérielles de détention demeurent précaires.

Les ONG expliquaient aussi que des « postes de police propres » connus sous le nom de delegacias legais ont été créés à Rio de Janeiro, dans le but de désactiver toutes les prisons des postes de police et de construire des casas de custódia (maisons de détention) pour recevoir les détenus précédemment incarcérés dans les postes de police. Cependant, en pratique, il a été construit trop peu de maisons de détention. Les détenus restent incarcérés dans les postes de police, même une fois condamnés, et relèvent de la responsabilité du Secrétaire à la sécurité publique et non du Secrétaire à l’administration pénitentiaire, sous l’autorité duquel ils auraient accès à plus d’avantages.

De plus, les ONG se sont référées au Regime Disciplinar Diferenciado (RDD), régime disciplinaire différencié en place dans les États de Rio de Janeiro et de São Paulo. Dans ce régime, il semblerait que les détenus qui n’obéissent pas à un ordre et/ou au régime disciplinaire interne du pénitencier puissent être assujettis à un régime de châtiments sévères pouvant aller jusqu’à 360 jours de mise au secret.

Il a été indiqué que les membres de leur famille ne reçoivent pas d’informations sur le lieu où se trouvent les détenus, y compris des informations sur les transferts. De plus les fouilles très intrusives pratiquées sur les membres des familles et les visiteurs, en particulier sur les femmes, restent courantes.

Les ONG ont fait observer que l’assistance judiciaire gratuite n’est pas garantie aux personnes qui sont privées de leur liberté et n’ont pas les moyens de recourir aux services d’un avocat privé. Six États n’ont pas de Bureau du défenseur public et les bureaux du défenseur public existants manquent de personnel. Les déclarations faites hors de la présence d’un juge ou d’un avocat continuent d’être recevables devant les tribunaux s’il n’y a pas de preuve explicite qu’un acte de torture a été commis. La charge de la preuve incombe à la victime alléguée de la torture ou des mauvais traitements. Les allégations de torture formulées par des personnes suspectées d’avoir commis une infraction pénale ou par des détenus n’ont pas de poids dans la jurisprudence brésilienne. En conséquence, les ONG ont déploré qu’il n’y ait pratiquement pas de possibilité de plainte efficace contre les comportements illicites des agents publics.

Selon les informations fournies, environ 60% des détenus pourraient bénéficier de l’application de peines de substitution, mais les juges ont tendance à refuser de les appliquer.

Enfin, il a été indiqué que l’autorité judiciaire ne parvient pas à contrôler adéquatement la durée des peines purgées par les détenus. Cela est particulièrement évident dans l’État de Rio de Janeiro, où il n’y a qu’un seul tribunal chargé de cette tâche, à savoir la vara de execuções penais.

2. Informations fournies durant la visite

Durant la visite au Brésil, les membres du Comité ont rencontré plus de quinze ONG. En général, les ONG ont affirmé que la situation ne s’était pas améliorée au cours des dernières années et réitéré les préoccupations mentionnées dans leurs rapports soumis avant la visite du Comité. Les représentants des ONG ont souligné la gravité de la situation et l’incapacité des autorités à prendre des mesures adéquates pour combattre la pratique de la torture. Ils ont affirmé que souvent la torture était infligée en partie en raison de la culture dominante de la police, et que rares étaient les actes de torture faisant l’objet d’enquêtes et encore plus rares ceux dont étaient saisis les tribunaux.

Au cours de la visite, les ONG ont fourni des informations par écrit sur d’autres cas de torture portés à leur attention par les victimes alléguées. Cependant, selon elles, un grand nombre de cas de torture ne sont pas signalés. Les représentants des ONG ont fait observer que la plupart des actes de torture sont commis par la police militaire et la police civile. Très peu d’allégations ont été reçues concernant la police fédérale.

Les représentants des ONG ont aussi affirmé que les mécanismes de contrôle existants de la police demeurent inefficaces, étant donné que les corregedorias sont toujours privées d’autonomie opérationnelle et financières et que les ouvidorias continuent à dépendre des gouverneurs des États. Un meilleur contrôle de la police par le gouverneur de l’État contribuerait à la prévention des actes illicites.

Ils ont affirmé en outre que les autorités compétentes n’avaient ni de politiques adéquates ni la volonté politique nécessaire pour améliorer les conditions de détention; le problème n’était donc pas seulement un problème d’insuffisance des ressources financières.

Le représentant d’une ONG a aussi fait observer qu’au Brésil le taux de criminalité ne justifiait pas un nombre de détenus aussi élevé. En fait, il semble que dans bien des cas la sanction imposée ne soit pas proportionnée à la gravité de l’infraction. L’exemple a été donné de personnes appréhendées avec de petites quantités de drogue qui peuvent être mises en examen en application de l’article du code pénal relatif au trafic de drogues.

Les ONG ont indiqué que d’autres exigences de la loi touchant les peines d’emprisonnement, dont celle que les prisonniers soient détenus à proximité de leurs familles, sont couramment bafouées. Les lois régissant les visites sont aussi bafouées, les familles étant souvent soumises à des fouilles corporelles et autres traitements dégradants qui souvent les dissuadent de rendre visite aux prisonniers. Il a aussi été allégué que les vêtements et autres articles apportés par des membres de leur famille aux détenus sont confisqués par le personnel de la prison qui les vend lui-même aux détenus ou à des tiers. Des griefs ont aussi été exprimés concernant les restrictions touchant les articles que les détenus peuvent recevoir de leur famille, en particulier les restrictions concernant les fruits, les autres produits alimentaires et les objets de toilette.

Les ONG ont dit aux membres du Comité que dans la plupart des lieux de détention il n’y a pas de registres complets soit pour indiquer quand les détenus entrent dans les centres ou en sortent soit concernant les informations médicales de toute nature, y compris en cas de blessures. Les ONG ont aussi indiqué que les dossiers sur la notation, la formation et le recrutement des membres du personnel, ainsi que leurs antécédents disciplinaires, sont souvent introuvables ou n’existent pas.

Les griefs étaient aussi généralisés concernant les difficultés rencontrées par les ONG pour suivre les centres de détention et formuler des plaintes officielles. Beaucoup d’ONG ont affirmé qu’on leur avait interdit d’accéder à divers centres de détention en maintes occasions, souvent sans donner de motif.

Il a été indiqué que les défenseurs publics des États sont mal payés et ont des charges de travail excessives. Ils sont peu nombreux et ne parviennent pas à répondre aux besoins existants. De plus, il a été dit aux membres du Comité que l’impression générale est que les défenseurs publics ne sont pas très bien considérés et que leur travail est vu comme un pis-aller. Dans ces conditions, il est difficile aux défenseurs publics de rester motivés et mobilisés.

Les représentants des ONG ont affirmé que le crime organisé continue à sévir dans les établissements pénitentiaires. En fait, il a été dit aux membres du Comité que les gangs criminels organisés continuent à opérer et à mener des activités criminelles à partir des centres de détention.

Les ONG ont aussi fait observer que les détenus assujettis au régime disciplinaire différencié RDD sont tenus au secret et que dans bien des cas ils sont soumis à ce régime en raison du manque de place dans les cellules ordinaires. Il semble que les détenus aient des problèmes mentaux causés par ce régime de détention. Les ONG ont aussi informé les membres du Comité au sujet du Regime Disciplinar Especial (RDE) ou régime disciplinaire spécial, en application duquel les détenus sont placés dans des cellules collectives selon des modalités similaires au régime RDD.

Il a été indiqué que le système de détention des mineurs est identique au système de détention des adultes pour ce qui est de l’impunité. Les ONG ont fourni des informations sur les cas allégués de mauvais traitements et de torture dans les centres de détention pour mineurs. Elles ont affirmé que les tabassages étaient fréquemment utilisés pour punir les mineurs qui semblaient ne pas avoir respecté les règles de discipline, et parfois avoir simplement fait du bruit. Souvent, ces tabassages étaient pratiqués par des personnes portant des cagoules; en conséquence l’identité du coupable demeurait inconnue.

Les membres du Comité ont aussi pu prendre connaissance du rapport final de la Campagne contre la torture et l’impunité. Selon le rapport, 2 206 plaintes pour torture ont été enregistrées par la ligne directe « SOS Tortura » au cours de la période écoulée d’octobre 2001 à juillet 2003. Sur ce total, 1 336 cas seulement étaient considérés comme relevant de la torture institutionnelle. La plupart des plaintes venaient des États suivants: São Paulo, Minas Gerais, Pará et Bahia. Il semblerait que la torture ait été infligée essentiellement dans les postes de police (47,2%), suivis des unités pénitentiaires (26,9%). Cependant, les ONG connaissant bien les pratiques de torture ont informé le Comité que les cas de violences physiques sévères sont en fait beaucoup plus nombreux que ne le donnent à penser ces chiffres.

Le Comité a reçu de nombreuses indications selon lesquelles les centres de détention contiennent presque toujours des cellules de punition (castigo) utilisées par les autorités. Les cellules seraient des lieux où les détenus sont soumis à des châtiments corporels sévères et à des conditions de détention cruelles et inhumaines. Ces cellules ne sont pas montrées aux personnes extérieures et leur existence a déjà été dénoncée par le Rapporteur spécial sur la torture. L’État partie n’a pas répondu adéquatement à ces allégations.

3. Témoignages directs

Les membres du Comité ont aussi rencontré plusieurs victimes alléguées de torture et des membres de leur famille qui assistaient aux réunions des ONG. Les membres du Comité ont été informés par les ONG que certaines victimes avaient refusé de les rencontrer par crainte de représailles. Elles ont rappelé en particulier le décès de deux témoins qui avaient produit des témoignages pour un Rapporteur spécial de l’ONU. Un certain nombre de ceux qui ont volontairement accepté de rencontrer les membres du Comité ont demandé que leurs cas personnels restent confidentiels pour diverses raisons, avant tout pour protéger leur sécurité et prévenir des représailles de leurs employeurs.

La majorité des interviewés ont affirmé avoir été victimes de torture et/ou de mauvais traitements lors de l’arrestation. Un certain nombre se sont plaints de la façon dont la police les avait traités au moment de l’arrestation; ils ont dit en particulier que la police les avait qualifiés de criminels et non de suspects. A plusieurs occasions, les membres du Comité ont entendu dire que les personnes arrêtées n’étaient pas directement amenées aux postes de police et que les transferts prenaient plus de temps que nécessaire; c’était pendant cet intervalle que ces personnes affirmaient avoir été soumises à des mauvais traitements ou des tortures. Il semblait aussi que l’emploi d’une force excessive durant les arrestations soit une pratique courante.

Les interviewés ont mentionné les actes illicites commis tant par la police civile que par la police militaire. Ils ont dit qu’ils se sentaient sans défense et sans protection de l’État et convenu qu’ils vivent dans un climat d’impunité. Beaucoup se sont plaints que les procédures légales soient extrêmement longues, que les auteurs des actes incriminés soient rarement poursuivis et reconnus coupables de crimes de torture et que l’indemnisation financière, s’il y en a, mette beaucoup de temps à être accordée. De plus, certains ont indiqué qu’ils avaient été soumis à des châtiments (castigos) non autorisés par la loi.

B. Informations obtenues dans les lieux de détention

Les lieux de détention, à l’exception des centres de détention fédéraux, relèvent de la responsabilité des différents États. Dans la plupart des États, le Secrétaire à la sécurité publique est responsable des postes de police (delegacias) et le Secrétaire à l’administration pénitentiaire est responsable du système pénitentiaire. Certains États comme ceux de Rio de Janeiro et de São Paulo ont un secrétariat autonome pour l’administration pénitentiaire. Dans le District fédéral, le système pénitentiaire relève de la responsabilité du Secrétaire à la sécurité publique.

Les centres de détention pour mineurs relèvent de juridictions différentes, comme le Centre de prise en charge spécialisée des mineurs (Centro de Atendimento Juvenil Especializado,CAJE) à Brasilia, la Fondation de l’État pour le bien-être des mineurs (Fundação Estadual do Bem-Estar do Menor, FEBEM) à São Paulo, le Département général des actions socio-éducatives (Departamento Geral de Ações Sócio-Educativas, DEGASE) à Rio de Janeiro ou le Bureau des mesures socio-éducatives (Superintendência de Atendimento às Medidas Sócio-Educativas) dans le Minas Gerais.

1. Conditions matérielles de détention

Dans la majorité des centres visités, en particulier les delegacias qui n’ont pas été fermées et les centres de détention provisoire, les conditions matérielles de détention étaient exécrables (voir paragraphe 178). De plus, les autorités, qui sont pleinement conscientes de la situation, continuent à détenir des personnes dans ces conditions durant de longues périodes. En fait, ces conditions contribuent de manière décisive à la destruction du bien-être physique et affectif des détenus. La précarité des conditions de détention a aussi des effets sur les familles des détenus, du fait des conditions dans lesquelles se déroulent les visites dans la plupart des établissements.

2. Centres visités

a) Centres de détention pour mineurs

En vertu de la loi, les centres de détention pour mineurs sont censés offrir des installations éducatives, médicales et récréatives destinées à faciliter la réintégration des délinquants mineurs dans la société. Toutefois, l’infrastructure et les conditions matérielles des centres visités font que cette tâche est pratiquement impossible à accomplir. De fait, selon un plan d’action présidentiel de 2003 sur la protection de l’enfance, dans 71% des centres de détention, l’installation matérielle était jugée « inadéquate » pour répondre aux fins socioéducatives requises par la loi. Les membres du Comité ont aussi remarqué que les enfants n’étaient pas séparés en fonction de l’âge et de la constitution physique comme la loi l’exige.

Le 15 juillet 2005, les membres du Comité ont visité un centre de détention pour mineurs à Brasilia placé sous la responsabilité du CAJE. Alors que la capacité d’accueil du centre était d’environ 240 mineurs, il en accueillait 370. Les filles représentaient moins de 10% de la population du centre. Comme dans d’autres centres pour mineurs, ceux-ci étaient supervisés par des moniteurs-éducateurs. Il y avait en tout 16 policiers divisés en équipes pour garder le centre. Il a été dit aux membres du Comité que ces policiers n’ont pas de contact direct avec les enfants. Le centre est doté d’une école comprenant 42 enseignants et les mineurs peuvent mener différentes activités, y compris faire des études supérieures. Les cellules où étaient détenus les garçons étaient surpeuplées, avec une population deux fois supérieure à la capacité. Les membres du Comité ont été informés que l’un des problèmes du centre est constitué par les rivalités entre enfants appartenant à des gangs différents. Bien que des efforts soient faits pour séparer les gangs rivaux, les membres du Comité ont été informés du récent meurtre d’un garçon par d’autres détenus partageant sa cellule.

Le 19 juillet 2005, les membres du Comité ont visité Vila Maria à São Paulo, placé sous la responsabilité de la FEBEM. Le corregedor de la FEBEM était aussi présent. Les membres du Comité ont visité les locaux et parlé avec plusieurs enfants. Ils ont été informés qu’une mutinerie avait eu lieu récemment et qu’un certain nombre de mineurs avaient été transférés dans un pénitencier pour adultes. Ils ont aussi été informés que de nouvelles unités dans lesquelles les groupes de détenus seront plus petits vont être construites.

Le 22 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le Centro de Intenação Provisoria (CEIP), centre pour mineurs de Belo Horizonte dont il avait été question dans la presse pour des allégations de torture pratiquée sur des mineurs. Le directeur du centre avait été suspendu et remplacé par un nouveau directeur la veille de la visite du Comité. Les membres du Comité ont noté des contradictions dans les raisons qui leur ont été données de la révocation du précédent directeur. Le centre était surpeuplé, ayant une capacité de 62 détenus, alors qu’il y en avait 86. Trente enfants plus jeunes (âgés de 12 à 14 ans) étaient hébergés dans une annexe plus confortable à proximité. Le directeur a indiqué que les locaux réservés aux filles, que les membres du Comité n’ont pas visités, étaient beaucoup plus récents. Les membres du Comité se sont entretenus avec plusieurs enfants qui ont affirmé avoir été battus, en particulier la nuit, et que plusieurs moniteurs-éducateurs étaient « brutaux ». Les enfants paraissaient intimidés et répugnaient à donner des détails. Il y avait deux enfants par cellule et les matelas étaient de très mauvaise qualité. L’annexe des enfants les plus jeunes était un local moderne, mieux équipé, et les enfants étaient très vifs d’esprit et questionneurs, ce qui a conduit les membres du Comité à demander pourquoi les locaux pour les enfants plus âgés ne pourraient pas être mis au même niveau.

Le 26 juillet 2005, les membres du Comité ont visité Padre Severino, centre de détention provisoire pour mineurs à Rio de Janeiro, placé sous la responsabilité du DEGASE. Le centre avait une capacité d’accueil de 180 mineurs mais il en accueillait 283. Il y avait 15 moniteurs‑éducateurs, alors que selon le vice-directeur du DEGASE il en faudrait au moins 35 par équipe. Faute de personnel, seulement 120 mineurs ont accès aux activités éducatives et récréatives. Les visites des familles sont autorisées une fois par semaine. En principe, les mineurs ne peuvent être détenus à Padre Severino que pour une durée maximale de 45 jours avant d’être transférés dans d’autres établissements du DEGASE. Cependant, un certain nombre d’enfants interviewés, en particulier ceux qui n’habitaient pas Rio de Janeiro, ont affirmé être au centre depuis quatre ou cinq mois. Les membres du Comité ont noté que les conditions matérielles de détention étaient extrêmement précaires: les cellules étaient surpeuplées et elles contenaient des lits en ciment insuffisants. Il n’était pas fourni de livres ni de matériels de lecture aux jeunes détenus. Les enfants se plaignaient que leurs cellules étaient envahies par la vermine et qu’ils étaient souvent frappés et giflés par les moniteurs‑éducateurs. Les ONG ont indiqué que ces tabassages impliquaient souvent l’utilisation de matraques en bois, fait qui a été confirmé au Comité par certains enfants.

b) Postes de police

Les postes de police (delegacias) sont gérés par la police civile et dirigés par un delegado, qui est un fonctionnaire de la police civile de niveau élevé, titulaire d’un diplôme de droit. Les membres du Comité ont visité les postes de police « désactivés » qui servent le public et où les personnes arrêtées ne sont détenues que 24 heures au maximum, ainsi que les cellules de police qui n’ont pas été mises hors service et qui continuer à servir de prisons publiques.

En principe, une personne peut être détenue dans une cellule de police pendant une durée maximale de 24 heures, après quoi il faut qu’un juge délivre un mandat de détention provisoire et que la personne soit transférée dans un centre de détention provisoire. Les détenus en attente de jugement doivent être placés dans des centres de détention avant jugement connus sous le nom de cadeias publicas. Pour qu’un détenu soit transféré dans un établissement pénitentiaire, il faut une autorisation des autorités pénitentiaires. Toutefois, il semble que comme les établissements pénitentiaires sont déjà surpeuplés et les risques de mutineries élevés, les autorisations de transferts dans ces établissements ne sont pas toujours accordées.

Les membres du Comité ont observé que de nombreux détenus continuent d’être incarcérés dans des postes de police au lieu d’être transférés dans des centres de détention avant jugement et des prisons. Dans ces conditions, il est clair que les dispositions du Code de procédure pénale concernant la séparation des détenus en fonction de leur statut au regard de la loi, à savoir les détenus en attente de jugement et les détenus condamnés, ne sont pas respectées. Les policiers sont obligés d’assumer de nouvelles fonctions en tant que gardiens de prison dans les postes de police, sans avoir reçu aucune formation pour cela. De plus, le fait que la police civile est chargée des enquêtes préliminaires et que les cellules de police sont gardées par la police civile facilite, semble-t-il, les violences commises sur les personnes en détention provisoire par les enquêteurs de la police cherchant à obtenir des aveux ou autres informations pertinentes.

Les membres du Comité ont observé qu’aucun des postes de police opérant comme prisons publiques n’était équipé pour de longues périodes de détention, étant donné que les infrastructures étaient inadéquates et les conditions matérielles dégradantes. Le surpeuplement sévère était chose courante. Les membres du Comité ont observé que les détenus des prisons publiques sont privés de nombre de leurs droits. Il est par exemple impossible à ces détenus d’obtenir des réductions de peine par le travail, droit prévu par la loi. Ils n’ont pas non plus accès à aucune activité récréative et ne peuvent généralement pas recevoir de visites conjugales. Les visites ordinaires semblent très difficiles et sont découragées.

Les membres du Comité ont constaté que dans la plupart des cas les détenus n’étaient pas examinés par un médecin après l’arrestation, vu qu’il appartenait à l’agent ayant procédé à celle‑ci de décider si un tel examen était nécessaire. Il n’y a pas d’examen systématique des détenus lors de l’arrestation, de la condamnation, du transfert entre centres ou de la libération.

São Paulo

Le 19 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le poste de police du 4e district à São Paulo, où environ 66 détenus accusés de délits sexuels étaient incarcérés dans une prison publique. Les membres du Comité ont été informés que la prison publique de ce poste de police était en voie d’être mise hors service; en conséquence, il n’y avait pas de nouveaux détenus depuis 2003. En raison d’un extrême surpeuplement, les membres du Comité ont observé qu’un détenu tétraplégique était détenu dans le couloir à l’extérieur de la cellule.

Les membres du Comité ont aussi visité le poste de police du 39e district à São Paulo, où ils ont constaté que 150 détenus étaient enfermés dans un espace unique comprenant plusieurs cellules faisant face à une cour avec un éclairage naturel très réduit. Les détenus n’avaient pas de lits et ils devaient se relayer pour dormir à même le sol en béton. Les membres du Comité ont été informés que la cellule avait précédemment contenu 230 détenus. Les conditions d’hygiène étaient lamentables. Un des détenus avait un doigt atteint de gangrène pour lequel il ne bénéficiait d’aucun soin. Beaucoup avaient des plaies et donnaient des signes évidents de mauvaise santé.

Les membres du Comité ont aussi eu la possibilité de visiter le poste de police du 9e district Delegacia de Polícia Participativa,dans le quartier de Carandiru de São Paulo. Ce poste de police, inauguré en avril 2004, est un poste modèle sans prison. Les installations étaient modernes et propres, adéquatement structurées pour servir le public 24 heures sur 24.

Salvador de Bahia

Le 19 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le poste de police du 7e district Rio Vermelho de Salvador de Bahia, accueillant 11 détenus bien qu’il en ait dans le passé accueilli jusqu’à 38. Les détenus arrivaient chaque jour, après avoir été arrêtés en flagrant délit pour des infractions tels que vols qualifiés, meurtres ou infractions en matière de drogues. Les détenus peuvent sortir en plein air chaque jour, deux heures le matin et l’après‑midi, mais ils ne peuvent pas quitter leur cellule le week-end car il n’y a pas suffisamment de gardiens.

Il a été noté qu’il n’y avait pas de matelas, lesquels selon le delegado avaient été enlevés parce que les prisonniers y mettaient le feu. Bien que leurs familles leur envoient des vêtements, les prisonniers n’avaient pas de couvertures, parce que celles-ci étaient difficiles à transporter. Les autorités de la prison ne fournissaient pas de couvertures, le motif invoqué étant la rotation des prisonniers.

Les locaux étaient rébarbatifs mais pas surpeuplés, bien que les membres du Comité aient eu l’impression qu’ils avaient été nettoyés et que quelques prisonniers avaient été transférés parce que le delegado avait été prévenus de la visite prochaine des membres du Comité. Les prisonniers ont en fait indiqué qu’ils n’étaient pas mal traités, bien que les aliments soient froids, mal cuisinés et en quantité insuffisante. Ils avaient bien des toilettes mais pas de serviettes. Les détenus ont indiqué qu’ils pouvaient recevoir des visites, mais une fois par semaine et de courte durée. Un détenu originaire de Rio a affirmé que sa famille ne savait pas qu’il était en prison à Salvador. Les détenus ont indiqué qu’ils ne recevaient qu’une assistance judicaire limitée. Aucun détenu n’a formulé d’allégation de violence. Toutefois, les détenus ont indiqué que bien que le directeur les ait informés que l’église avait des droits d’accès, aucun de ses représentants n’avait jamais été vu dans le couloir du poste de police.

Belo Horizonte

Le 22 juillet 2005, les membres du Comité ont visité la Delegacia de Repressão ao Furto et Roubo de Veículos à Belo Horizonte. Le delegado lui-même a parlé de la précarité des conditions de détention, les prisonniers étant rarement libérés. Il a indiqué qu’il fournissait des médicaments par l’entremise de sa femme, qui est médecin et fonctionnaire de police. Il y avait 155 détenus au moment de la visite des membres du Comité, mais 168 deux semaines auparavant. A un moment, l’établissement avait accueilli 189 détenus. La durée maximale de séjour d’un détenu avait été de deux ans. On compte parmi les détenus des individus condamnés et des individus en attente de jugement, la plupart étant des condamnés, dont certains purgent des peines de 600 ans. Comme l’établissement est axé sur les vols de véhicules, les peines sont beaucoup moins longues. Les détenus sont constamment enfermés. Le delegado lui-même a reconnu que les conditions de détention pouvaient être considérées comme équivalant à des violations des droits de l’homme des détenus et que dans certains cas elles pouvaient être assimilées à la torture. Il faisait très chaud dans l’établissement du fait du surpeuplement, le toit était en amiante et il n’y avait pas de visites des ONG ou des églises. Les installations pour se laver et les sanitaires étaient inexistants. Le Comité a pu constater de lui-même l’impact déplorable de ces conditions sur la santé des détenus, étant donné que la plupart étaient émaciés et pâles et que certains avaient des plaies ouvertes.

Les membres du Comité ont constaté qu’il y avait 40 ou 50 détenus par cellule, et que deux de ces cellules mesuraient 5 mètres sur 6 et deux autres 4 mètres sur 5 et ressemblaient à des cages. La hauteur sous plafond était au maximum de 4 mètres. Les cellules étaient dépourvues d’électricité et il n’y avait pas d’espace pour que les détenus puissent lire. Il n’y avait pas de lits et les détenus couchaient à même le béton ou dans des hamacs. Le toit était ouvert, et les détenus n’étaient pas abrités de la pluie. Il faisait très chaud ou très froid dans les cellules et les détenus étaient pâles. La nourriture, que les membres du Comité ont pu voir, était inadéquate et les détenus ont indiqué qu’ils doivent la payer à leur départ. Il y avait un robinet par cellule pour se laver, alimenté par des réservoirs placés sur le toit et un lavabo, protégé par un mince rideau. Il n’était pas possible aux détenus de dormir tous en même temps, vu l’espace disponible, et ils devaient se relayer pour dormir, et aussi se servir de hamacs pour créer des niveaux permettant de dormir. Le couloir extérieur reste toujours éclairé, et un caniveau rudimentaire coule dans ce couloir à partir des cellules.

Les détenus ont droit à une visite de 30 minutes tous les 30 jours, mais ils ne sont pas autorisés à se servir du téléphone, et les visites sont actuellement suspendues par crainte des mutineries. Un détenu a indiqué qu’il était là depuis 20 mois et qu’il n’avait pas pu recevoir de visites. Les détenus ont indiqué qu’il leur fallait attirer l’attention en faisant du bruit pour recevoir une assistance médicale et que les surveillants utilisent les bombes à gaz et les aérosols capsiques pour maîtriser les détenus. Nombre de détenus ont fourni aux membres du Comité des notes sur leur situation, et beaucoup ont indiqué qu’ils avaient été maintenus en détention bien au-delà de la durée de leur peine. D’autres ont indiqué qu’ils n’étaient toujours pas mis en examen. Certains ont affirmé avoir été tabassés, outre l’utilisation fréquente des bombes à gaz, des aérosols capsiques et du bruit.

Les membres du Comité ont aussi visité la Delegacia de Furtos e Roubos à Belo Horizonte. Il leur a été dit qu’il y avait 400 détenus dans la delegacia et qu’on ne les laissait jamais sortir de leurs cellules. Il y avait 22 cellules, les petites mesurant 10 mètres carrés de surface et accueillant 10, 20, 28 et 30 personnes et les grandes mesurant 15 mètres carrés. Au moins deux détenus étaient séropositifs et au moins trois ont indiqué qu’ils souffraient de syphilis. Il y avait l’eau courante dans les cellules et de la lumière dans le couloir mais pas dans les cellules. Là aussi, les membres du Comité ont pu parler librement aux détenus. Le jour de la visite des membres du Comité, les hommes étaient debout dans le patio, par groupes de 50, totalement nus pour des raisons de sécurité, aux dires du directeur. La nourriture, que les membres du Comité ont pu voir, était de très mauvaise qualité, fréquemment non cuisinée, toujours froide, et insuffisante. Aucun détenu n’a déclaré avoir subi d’agression physique, mais les détenus ont laissé entendre que les gaz lacrymogènes et les aérosols incapacitants sont utilisés et que les gardiens pratiquent l’intimidation en se servant du bruit et en tapant sur les barreaux des cellules avec des bâtons. Il n’y a pas de visites de dentiste ni de services juridiques, et certains détenus ont affirmé avoir déjà purgé l’intégralité de leur peine. Aucun enfant ne peut faire de visite, le delegado considérant que les conditions ne le permettent pas. Celui-ci a aussi indiqué que sa formation avait porté sur les enquêtes et non sur la prise en charge des détenus.

Les membres du Comité ont aussi visité la Delegacia Tóxicos and Entopecentes à Belo Horizonte, qui accueille à la fois les individus condamnés et les détenus en détention avant jugement mis en examen pour des infractions en rapport avec les drogues. Cette delegacia souffrait aussi d’un extrême surpeuplement, ayant une capacité de 28 détenus et en accueillant 215. Dans le passé, 259 détenus s’y trouvaient, situation qui avait provoqué des mutineries. Soixante pour cent purgent une peine, contrairement aux autres. Certains détenus se trouvent dans cet établissement depuis 3 ou 4 ans. Il y avait des cellules de 4 mètres sur 4 comptant 28 et 38 détenus. La nourriture fournie est suffisante en quantité mais d’une faible valeur en calories. Il n’y a pas de traitement médicaux assurés par l’État, mais un bénévole assure partiellement des soins chaque semaine. Des juges viennent dans cette delegacia dans le cadre de leur formation. Les visites des familles sont difficiles à organiser sur le plan logistique, mais deux sont prévues par mois. Il n’y a pas de toilettes pour les visiteurs, ce qui est un facteur dissuasif. Les détenus restent toujours enfermés, sauf durant les visites. Les conditions d’hygiène et les conditions sanitaires sont déplorables. Il n’y pas de traitement pour les toxicomanes et rares sont les familles qui peuvent en dispenser. Il y a de nombreuses tentatives d’évasion. Les détenus dorment par roulement, ne sortent jamais et la discipline est maintenue par les bombes à gaz et le bruit. Les détenus portent des uniformes consistant en un T-shirt blanc et un pantalon bleu qui sont achetés par les familles et ils semblent relativement satisfaits malgré les conditions de détention; le jour de la visite, le delegado avait organisé une séance de vaccination contre la grippe pour les détenus.

Rio de Janeiro

Le 22 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le poste de police du 5e district de Rio de Janeiro, qui est un exemple de delegacia legal, similaire au modèle de la delegacia de policia participativa de São Paulo. La première delegacia legal a été ouverte dans l’État de Rio de Janeiro en mars 1999. Les installations étaient aussi modernes et propres. Toutefois, les membres du Comité ont été surpris de constater qu’il y avait deux cellules sans éclairage et d’entendre la police affirmer avoir oublié qu’il y avait quelqu’un dans les cellules bien que celles-ci soient fermées à clé.

Le 23 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le poste de police du 59e district à Duque de Caixas dans l’État de Rio de Janeiro. Le poste de police contient toujours une prison publique accueillant 279 détenus bien que sa capacité ne soit que de 250 détenus. Au moment de la visite, aucune date n’était prévue pour la mise hors de service de la prison publique du poste de police. Les membres du Comité ont été informés que la delegacia détenait aussi des prisonniers purgeant leur peine, mais il s’agissait en général de courtes peines. Il n’était pas prévu d’activités pour les détenus, mais certains étaient employés à des tâches de nettoyage. Les détenus étaient séparés en fonction du gang criminel auquel ils appartenaient. Pour cette raison, le nombre de détenus de chaque cellule était variable. Les conditions d’hygiène étaient déplorables et créaient de sérieux problèmes de santé pour les détenus. De plus, il y avait des griefs persistants et généralisés concernant la mauvaise qualité de la nourriture et le défaut d’assistance médicale.

c) Centres de détention avant jugement et prisons

Le Code pénal prévoit différents types de régimes pénitentiaires – fermé, semi-ouvert et ouvert – aux articles 34, 35 et 36 respectivement. Les membres du Comité ont observé que la séparation des détenus sur la base de la nature du régime auquel ils avaient été condamnés (ouvert/semi-ouvert ou fermé) n’est pas toujours respectée. Ceux qui sont détenus pour des crimes violents sont parfois mêlés à de petits délinquants. Au moins dans un État, les autorités pénitentiaires s’efforcent de séparer les prisonniers en fonction du gang criminel auquel ils appartiennent. Bien que le but recherché soit de prévenir les violences entre prisonniers, un certain nombre de détenus ont exprimé leurs craintes d’être agressés par d’autres prisonniers. De plus, il est fréquemment allégué que les conditions de détention précaires et inhumaines créent une situation dans laquelle les prisons deviennent des « écoles du crime ».

Dans certains centres pénitentiaires, les membres du Comité ont aussi rencontré des détenus qui affirmaient avoir fini de purger leur peine sans pour autant avoir été libérés. Un grand nombre de détenus ont témoigné qu’ils n’étaient pas assistés par un avocat.

Les membres du Comité ont remarqué qu’un certain nombre de détenus affirmaient avoir été condamnés pour des infractions mineures n’impliquant pas de menace sérieuse pour la société. Si les membres du Comité n’entendent pas tirer de conclusions concernant toute décision de justice de cette nature, ils tiennent néanmoins à exprimer la préoccupation qui leur a été transmise concernant le fait que la police, les procureurs et même les juges ont tendance à qualifier les infractions au niveau de gravité le plus élevé. Par exemple, ils peuvent qualifier un vol simple de vol qualifié. En conséquence, la liberté sous caution n’est pas accordée. De plus, le surpeuplement ne fera que s’aggraver si cette tendance se poursuit.

Les femmes purgent leurs peines dans des établissements distincts. Les centres pénitentiaires pour femmes qui ont été visités par les membres du Comité avaient une pouponnière, dans laquelle les détenues pouvaient allaiter leur enfant pendant une durée déterminée, variant selon les centres. Les femmes étaient séparées des hommes dans tous les centres de détention.

Brasilia

Le 16 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le Centre CIR de Papuda à Brasilia, construit en 1979. Le jour de la visite, le Centre avait une population de 1 434 détenus bien que sa capacité d’accueil ne soit que de 900 détenus. La plupart des détenus sont placés sous un régime semi-ouvert. Chaque semaine, de 30 à 40 détenus entrent au Centre. Son directeur a reconnu que le Centre était fortement surpeuplé, en partie du fait de la détérioration de l’infrastructure. En fait, les cellules visitées par les membres du Comité étaient inadéquates compte tenu du nombre des détenus qui les occupaient. Comme dans d’autres centres pénitentiaires, la police militaire est chargée de la sécurité externe, tandis que la police civile est chargée de la sécurité interne. Le directeur s’est plaint du nombre insuffisant de gardiens pour surveiller tous les détenus. Durant le week-end, il n’y avait que 19 gardiens. C’est pourquoi il ne peut pas y avoir de visites le week-end et il n’est permis aux détenus de sortir de leurs cellules que peu de temps. Environ 600 à 700 détenus ont la possibilité de participer à différents ateliers et d’acquérir des compétences professionnelles. L’assistance judiciaire est généralement assurée par un service d’aide judiciaire de l’Université de Brasilia. Le Centre est doté de services médicaux et dentaires. Depuis la mise en place de ces services, le nombre d’incidents graves a diminué dans la prison. Toutefois, ces services ne sont pas disponibles le week-end et le médecin ne vient que deux jours par semaine.

Les membres du Comité ont aussi visité le Centre de détention provisoire de Brasilia. Le Centre accueillait 2 230 détenus, en attente de jugement ou condamnés, avec un régime semi‑ouvert, alors que sa capacité d’accueil est de 1 500 personnes. Sur la suggestion d’ONG, les membres du Comité ont visité le pavillon disciplinaire. Ils ont été informés par le personnel du centre que les détenus de ce pavillon étaient logés dans des cellules individuelles pendant une durée maximale de 30 jours. Les membres du Comité ont observé qu’il y avait plus d’un détenu dans chaque cellule.

Ils ont enfin visité la Prison pour femmes, qui détenait 310 femmes alors que sa capacité d’accueil était de 380 détenues. Le centre, converti en prison pour femmes en 1996, consistait en trois pavillons, le premier accueillant des femmes sous un régime semi-ouvert, le deuxième accueillant aussi les femmes sous un régime fermé et le troisième étant réservé aux hommes souffrant de maladies mentales, accueillant environ 68 hommes. Les femmes en attente de jugement étaient également détenues dans le centre. Selon les indications fournies par le directeur de la prison, 127 femmes au total ont accès à des activités, contrairement aux 83 autres. Les détenues en attente de jugement n’étaient pas prises en compte dans ces statistiques. Les membres du Comité ont visité les différents ateliers du centre dans lesquels se déroulent ces activités. Le directeur du centre a informé les membres du Comité que la plupart des femmes étaient détenues pour des infractions en rapport avec le trafic de drogues et pour homicide. Les membres du Comité ont aussi visité la pouponnière. Dans l’ensemble, il n’y avait pas de plaintes de torture. Toutefois, il y avait des griefs concernant la qualité de la nourriture et des allégations selon lesquelles la nourriture était souvent indigeste. Le centre tient un registre de tous les incidents qui surviennent. Les membres du Comité ont visité le pavillon de détention psychiatrique pour les hommes et reçu des plaintes de détenus concernant principalement le défaut d’assistance judiciaire.

Salvador de Bahia

Le 19 juillet 2005, les membres du Comité ont visité une nouvelle prison en cours de construction à Salvador de Bahia. Le bâtiment, qui à l’époque de la visite était vide, est très moderne avec une salle d’entretiens sophistiquée et des unités de contrôle sécurisées. Les cellules sont construites pour accueillir quatre prisonniers et la capacité de la prison sera de 324 détenus. Il y aura des locaux séparés pour les détenus en attente de jugement et les détenus purgeant une peine. La prison coûtera 6 millions de reais.

Les membres du Comité ont visité le Penitentiária Lemos de Brito (PLB) qui a une capacité de 1 422 détenus mais en accueillait 1 920, tous condamnés. Il s’agit d’une installation fermée d’où il serait difficile de s’évader. Vingt pour cent des détenus travaillaient et recevaient 80% du salaire minimum. Les détenus, qui étaient tous jeunes et noirs, travaillaient à l’intérieur et à l’extérieur de la prison huit heures par jour et recevaient 30 à 40 reais par mois. Les conditions de détention paraissaient bonnes, bien que la nourriture, préparée dans la prison par une entreprise de restauration extérieure et consommée par les prisonniers comme par le personnel, était qualifiée de médiocre et fréquemment indigeste. La prison comprenait une installation scolaire relativement agréable. Les prisonniers pouvaient recevoir des visites de leur famille le week-end, et leur épouse avait le droit de leur rendre visite le vendredi.

Un certain nombre de prisonniers ont décrit les mauvais traitements infligés au moment de l’arrestation, y compris les coups de bâton, par la police, et alors qu’ils attendaient l’assistance judiciaire. Ils ont affirmé que les traitements médicaux dans la prison laissaient à désirer. Un prisonnier a indiqué qu’il avait été blessé par balle lors de l’arrestation, que la blessure n’avait jamais été convenablement soignée et qu’il avait dû acheter lui-même ses médicaments. Un certain nombre de prisonniers ont indiqué que bien qu’ils aient fini de purger leur peine, ils restaient emprisonnés. En réponse à des questions posées sur les soins de santé et les soins dentaires, les autorités de la prison ont laissé entendre que ces soins étaient limités, vu que les autorités fédérales n’avaient pas fourni l’aide financière requise, en dépit de leurs obligations à cet égard.

Les membres du Comité ont visité la rangée 4 du centre, sur la suggestion des ONG. Ils ne sont pas entrés dans les lieux, vu que les autorités invoquaient des raisons de sécurité, mais ils ont parlé avec les prisonniers à l’entrée. Il y avait parmi eux un certain nombre de prisonniers étrangers, dont deux parlaient anglais. Ils ont dit aux membres du Comité que si les conditions d’hygiènes et autres étaient très médiocres, aucun n’avait directement été agressé physiquement. Plusieurs ont cependant indiqué qu’ils restaient en prison alors que leur peine était déjà purgée, et il a été dit aux membres du Comité que les tabassages par la police lors de l’arrestation étaient chose courante. Ils se sont aussi plaints au sujet des cellules de punition, affirmant qu’il y en avait dans toutes les prisons brésiliennes.

Les membres du Comité ont visité la delegacia Baixa Fiscal à Salvador de Bahia, accueillant des individus ayant été mêlés à des vols qualifiés et à des vols simples. Les détenus ont indiqué qu’ils avaient passé de 6 à 8 mois dans des delegacias avant de venir dans cet établissement. Il y avait six prisonniers dans chaque cellule (4 mètres sur 3 et 10 mètres de hauteur), qui n’était pas équipée d’éclairage ni de matelas. Il a été indiqué qu’il n’y avait pas de soins médicaux. Les prisonniers passaient 20 heures par jour dans les cellules, et quatre heures dans un espace à l’air libre qui était humide et sale. Comme il n’y avait que cinq gardiens dans l’établissement le week-end, ils restaient enfermés 24 heures d’affilée. Le bâtiment était très froid et une unité n’avait pas l’eau potable. Elle était couverte de détritus et les prisonniers paraissaient en mauvais état, avec des problèmes de peau. Les conditions d’hygiène étaient très médiocres, avec 170 prisonniers dépourvus d’évacuation des eaux usées. La nourriture était semblait-il très mauvaise. On ne donnait aux détenus que deux shorts et deux T-shirts pour éviter les suicides. Les détenus semblaient craindre de parler, par peur de la violence et de la suppression des visites, et ils indiquaient qu’il y avait une pièce de punition qui accueillait sept personnes. Quatre vingt prisonniers venaient de régions situées à 500 km de Salvador et n’avaient pas reçu de visite de leur famille.

Les membres du Comité ont visité une delegacia appelée Pau de Lima à Salvador de Bahia. Ils ont été informés que cet établissement couvrait un grand nombre de quartiers et que beaucoup de détenus venaient d’Ilhéus, où il y avait eu une mutinerie et une grande partie de la prison avait été détruite. Les prisonniers qui étaient là purgeaient des peines pour « crimes patrimoniaux », « crimes d’honneur » et « crimes de sang ». A l’époque, sept personnes seulement étaient détenues dans cet établissement: elles avaient été reconnues coupables de trafic de drogues, d’homicide ou de possession illicite d’une arme. Les détenus pouvaient recevoir des visites le mercredi et durant la semaine ils étaient habituellement dans le patio et ne passaient que les nuits dans leurs cellules. Durant les week-ends, lorsque le personnel était moins nombreux, ils passaient moins de temps hors des cellules. Il n’y avait pas de limitation du nombre de vêtements que pouvaient avoir les détenus. L’État était responsable de la nourriture mais les membres de la famille pouvaient aussi apporter de la nourriture, que les détenus pouvaient recevoir une fois effectuées les vérifications de sécurité.

Lors de la visite des cellules, les membres du Comité ont constaté que l’établissement était moins surpeuplé. Cependant, les cellules étaient très humides, la pluie tombant du toit, et il n’y avait pas d’éclairage. Les détenus ont indiqué qu’il y avait eu jusqu’à neuf personnes par cellule et qu’après l’incident d’Ilhéus, un certain nombre de prisonniers avaient été transférés dans l’établissement. Plusieurs ont indiqué que leur famille ne savaient pas où ils se trouvaient, bien qu’ils soient là depuis plus d’un mois. Les familles de ces individus se trouvaient à plus de huit heures de trajet. Plusieurs détenus portaient des marques d’eczéma et les conditions d’hygiène étaient inacceptables. Les récits des détenus concernant le temps qu’ils ont le droit de passer dans le patio extérieur différaient de ceux du personnel de la prison. Tous les détenus sauf un ont indiqué qu’ils avaient été tabassés par la police à la delegacia. Les membres du Comité ont aussi vu un graffiti qui disait « essayant de rester vivant dans cet enfer ».

São Paulo

A São Paulo, les membres du Comité ont visité le centre de détention provisoire Pinheiros I le 20 juillet 2005. Il y avait 865 détenus bien que la capacité d’accueil soit de 570. Le centre était très surpeuplé et il semblait que les détenus devaient dormir par rotation. Les détenus arrivent au centre à mesure qu’ils sont transférés des delegacias. Les membres du Comité ont été informés que le centre avait une salle de vidéoconférence au moyen de laquelle les prisonniers transmettaient des informations au tribunal, ce qui permettait d’éviter de les transporter au tribunal. Il y avait 12 gardiens au total. Les membres du Comité ont été informés qu’une mutinerie avait éclaté récemment, en mars 2005, durant laquelle deux gardiens avaient été tués.

Ils ont aussi visité la caldeia publica pour femmes Pinheiros IV. Il y avait 1 248 femmes détenues dans le centre de détention provisoire, alors qu’il ne peut en accueillir que 512. De plus, bien que le centre ne soit prévu que pour la détention provisoire, il y avait 759 détenues provisoires et 489 prisonnières purgeant leur peine. La prison n’était pas gardée uniquement par des femmes. Les membres du Comité ont été informés que le centre est appelé à devenir un centre de détention avant jugement pour les hommes au plus tard fin 2005.

Enfin, les membres du Comité ont visité la prison de Guarulhos dans l’État de São Paulo. Quatre-vingt-dix pour cent de la population de la prison consistait en détenus avant jugement. En fait, il a été expliqué aux membres du Comité que la prison serait transformée en centre de détention provisoire. Il y avait au total 2 007 personnes détenues dans le centre, conçu pour en accueillir 1 170. Il y avait 280 détenus étrangers. Les membres du Comité ont remarqué que les terrains entourant les unités de détention étaient couverts de détritus. Les responsables de la prison ont expliqué que les détenus jetaient les ordures par la fenêtre de leur cellule de telle sorte que lorsqu’on les laissait sortir pour les ramasser, ils pouvaient profiter de l’occasion pour transmettre des informations d’une unité à une autre.

Belo Horizonte

Le 22 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le Pénitencier pour femmes de Belo Horizonte, qui accueillait 158 détenues dans des locaux bien entretenus et bien équipés. Les détenues produisaient des vêtements de sport et des uniformes d’infirmiers, en partie en vertu d’un accord avec le Ministère des sports, travail pour lequel elles perçoivent un salaire équivalant à 75% du profit. Toutes les détenues vivent dans un environnement agréable et toutes travaillent. Il y a un espace pour isoler les prisonnières posant des problèmes de comportement. Cette prison a été qualifiée de prison modèle pour le Brésil en 2002. Aucune prisonnière n’a été interviewée mais les conditions observées par la délégation amenaient à poser la question: pourquoi ces conditions ne pourraient-elles pas être reproduites dans les établissements détenant des prisonniers hommes?

Rio de Janeiro

Le 23 juillet 2005, les membres du Comité ont aussi visité le centre de détention provisoire Polinter à Rio de Janeiro. Les conditions dans lesquelles les détenus sont emprisonnés étaient extrêmement médiocres et elles ont choqué les membres du Comité. Au moment de la visite, le centre accueillait environ 1 405 hommes détenus dans le sous-sol du poste de police, conçu pour en accueillir 500. Le subdelegado a expliqué que jusqu’à une date récente, il y avait 1 600 détenus. Quelque 150 détenus avaient déjà été condamnés mais ils n’avaient pas encore été transférés dans un pénitencier. Certains détenus se sont plaints en privé aux membres du Comité de devoir payer pour être transférés dans un autre centre. Beaucoup de détenus ont fourni aux membres du Comité des notes sur leur situation sollicitant une aide.

Á Polinter, les membres du Comité ont observé que quelque 90 hommes étaient détenus dans des cellules surpeuplées mesurant 30 mètres carrés, qui ressemblaient à des cages dans lesquelles il leur était impossible de bouger ou de faire de l’exercice. Il n’y avait pas de lits (les détenus couchaient à même le béton et dans des hamacs superposés) et les installations sanitaires étaient déplorables (un trou servait de douche et de toilette et il n’était pas fourni de savon ni de papier hygiénique). Il n’y avait pas d’éclairage naturel (l’électricité était allumée 24 heures sur 24) et en conséquence les détenus perdaient la notion du temps. Des ventilateurs fonctionnaient mais la température restait très élevée, bien que la visite ait lieu en hiver. Les détenus étaient autorisés à sortir de leur cellule pour aller dans un espace commun au sous‑sol une fois par jour durant 40 minutes.

Les membres du Comité ont considéré que la situation à Polinter est aussi inacceptable pour les six gardiens qui doivent surveiller tous les détenus. Comme beaucoup d’autres policiers et gardiens de prison qu’ont rencontrés les membres du Comité, ces gardiens ont décrit leur situation comme dégradante et dangereuse. Les membres du Comité ont aussi été stupéfaits de constater que des policiers détenus faisaient office de gardiens pour pallier le manque de personnel.

Les membres du Comité avaient reçu des allégations d’un détenu concernant l’existence d’une pièce insonorisée près du bureau du delegado, pièce dans laquelle des détenus avaient été torturés. Cependant, comme la visite a eu lieu un samedi, jour où une partie des locaux du poste de police sont fermés, le subdelegado n’avait pas les clés des bureaux et les membres du Comité n’ont pas pu vérifier ces allégations.

Les membres du Comité ont appris avec satisfaction qu’au début de 2006 le centre de détention provisoire Polinter a été fermé, conformément à une injonction de novembre 2005 relative à des mesures de précaution adressée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme.

Le 25 juillet 2005, les membres du Comité ont visité la prison Bangu III à Rio de Janeiro où étaient incarcérés 448 détenus sous un régime fermé de haute sécurité. La prison n’était pas surpeuplée. Toutefois, les ONG avaient affirmé qu’il y a de nombreuses plaintes concernant des violences et des mauvais traitements subis dans ce centre et que le directeur était aussi le directeur de la prison de Benfica en mai 2004 lorsqu’un incident s’était soldé par la mort de 30 prisonniers et d’un gardien. Les membres du Comité ont été informés que tous les détenus de ce centre appartiennent au même gang criminel (Comando Vermelho) et ont été condamnés pour des délits en rapport avec le trafic de drogues. Le complexe de Bangu comprend une infirmerie et les détenus ayant le sida sont transférés au Pénitencier de Niterói. Seule une minorité de détenus peut travailler. Ceux qui travaillent peuvent obtenir des réductions de peine. Les membres du Comité ont aussi été informés que certains ateliers ont été détruits en décembre 2003 après une mutinerie. Le régime disciplinaire différencié n’est pas appliqué dans la prison. S’il était appliqué par un juge, il faudrait transférer le détenu au centre pénitentiaire Bangu I de Rio de Janeiro. Il n’y a généralement que quatre défenseurs publics pour fournir une assistance judiciaire aux détenus, chiffre totalement insuffisant. Alors que la Defensoria Publica de l’État de Rio de Janeiro était en grève, des mesures ont été prises pour fournir une assistance aux détenus. Toutefois, de nombreux prisonniers ayant fini de purger leur peine n’avaient pas été libérés, la grève servant de prétexte pour ne pas les libérer.

Les membres du Comité ont aussi visité le pavillon A de l’établissement pénal Placido Sá Carvalho II à Rio de Janeiro. Les détenus étaient soumis à un régime semi-ouvert. Il y avait huit cellules d’environ 50 mètres carrés où étaient détenus 38 hommes. Les visites ont lieu deux fois par semaine. Il y avait des allégations selon lesquelles l’eau n’est pas propre et est souvent rationnée. Une assistance judiciaire est fournie mais une vingtaine seulement de détenus peuvent en bénéficier chaque jour. Cela signifie, comme dans les autres prisons, que les détenus restent en prison bien qu’ils aient purgé leurs peines. Les prisonniers se sont plaints de la qualité et de la quantité de la nourriture. Les prisonniers n’ont pas tous de matelas pour dormir.

Les membres du Comité ont visité la prison pour femmes de Talavera Bruce à Rio de Janeiro. Il y avait 310 détenues; 60% avaient accès au travail et seulement 40% suivaient des études faute de place dans l’école. Comme dans les autres prisons pour femmes visitées, il y avait une pouponnière qui était bien équipée. La majorité des détenues étaient emprisonnées pour trafic de drogues. Les visites ont lieu trois fois par semaine. Les visites conjugales sont aussi autorisées. Les installations de la prison comprennent une école, un théâtre, divers ateliers, et les détenues publient un journal.

Le 26 juillet 2005, les membres du Comité ont visité la prison Ary Franco à Rio de Janeiro. Bien que la majorité de la population de la prison (1 122 détenus) soit composée de condamnés soumis à un régime fermé, il y avait aussi quelques détenus en attente de jugement. Des groupes de tous les gangs criminels sont présents dans la prison. Les détenus n’ont pas accès à l’éducation, vu qu’il n’y a pas d’école. Ils n’ont pas la possibilité de travailler, mais au moment de la visite 100 détenus étaient employés à des tâches de nettoyage. La nourriture était préparée sur place, et non apportée par une entreprise de restauration extérieure.

Les membres du Comité ont visité le couloir A, en sous-sol. Une partie du couloir était réservée aux détenus étrangers, tandis que les détenus brésiliens occupaient le reste. Tous les détenus étrangers avaient demandé à purger leur peine dans leur propre pays, à l’exception de ceux dont la famille vivait au Brésil. Ils ont indiqué que les conditions d’hygiène et autres conditions étaient mauvaises mais que les détenus brésiliens étaient beaucoup plus mal lotis. Les membres du Comité ont observé la grande précarité des conditions matérielles, particulièrement là où étaient détenus les Brésiliens. Les détenus se sont plaints que l’éclairage était souvent défaillant et qu’ils étaient donc laissés dans l’obscurité. Il n’y avait pas d’éclairage naturel. Certaines cellules étaient extrêmement surpeuplées, avec un manque important d’espace pour dormir. Il n’y avait pas de matelas. Les membres du Comité ont aussi reçu des demandes de certains détenus tendant à ce qu’ils soient transférés dans une autre cellule car ils craignaient pour leur vie. Certains détenus se sont plaint qu’on les garde en détention alors qu’ils avaient purgé leur peine. La majorité des détenus se sont plaint d’être privés de toute assistance judiciaire. Ils se sont aussi plaint que les visiteurs soient soumis à des traitements et châtiments dégradants lors de leur enregistrement à l’entrée.

3. Entretiens avec les victimes alléguées de torture et constatations médicales

Les membres du Comité ont aussi eu des entretiens confidentiels avec des personnes privées de leur liberté. Certains de ces entretiens ont été individuels et d’autres ont été collectifs. Cependant, tous ont eu lieu hors de la présence des responsables des lieux de détention et la confidentialité a été respectée à tout moment.

Les interviewés ont été choisis en fonction des critères suivants: des informations avaient déjà été reçues au sujet du fait qu’ils avaient été torturés; et de manière aléatoire, notamment en choisissant les plus récemment arrivés ou ceux qui étaient détenus depuis le plus longtemps. Il n’a pas été possible de les sélectionner sur la base des dossiers médicaux tenus dans les lieux de détention, vu que ces dossiers ne sont pas tenus dans tous les centres visités.

L’expert médical, qui était présent lors des entretiens réalisés à São Paulo et Rio de Janeiro, a procédé à 19 examens cliniques médico-légaux. L’âge des détenus examinés variait de 15 à 49 ans; deux avaient moins de 20 ans, sept étaient âgés de 21 à 30 ans, trois de 31 à 40 ans et sept avaient plus de 40 ans. Dix-sept des détenus examinés étaient de sexe masculin et deux de sexe féminin. La durée de détention variait de moins de 24 heures (un seul cas) à environ 16 ans. Parmi les détenus examinés, cinq étaient en attente de jugement. Les peines purgées par les prisonniers condamnés allaient de quatre à 70 ans (ces dernières impliquant des homicides). Presque tous les détenus étaient des personnes qui avaient précédemment vécu dans des conditions socio-économiques difficiles, avaient un faible niveau d’instruction et appartenaient à des groupes sociaux vulnérables.

Neuf des 19 détenus examinés ont déclaré qu’ils avaient été traités d’une manière dont les membres du Comité ont considéré qu’elle pouvait relever de la définition donnée par l’article premier de la Convention. Ils ont affirmé avoir été soumis à des tortures par des policiers au début de leur détention, en particulier pour obtenir des aveux. Les mauvais traitements infligés durant cette phase de la détention étaient normalement de courte durée et ne provoquaient pas d’hémorragies ni de pertes de conscience, mais principalement des traumatismes dus à des instruments contondants (essentiellement des coups de poing, des coups de pied, des gifles et occasionnellement des coups au moyen d’objets). Dans la majorité des cas, les résultats étaient des contusions et des hématomes qui n’avaient pas besoin d’être traités médicalement et guérissaient tous seuls.

Un des détenus examinés, qui avait été arrêté la veille, avait un hématome sur la partie droite de la lèvre supérieure, avec une petite coupure horizontale d’un-demi centimètre à l’intérieur de la lèvre. Il a déclaré que c’était le résultat d’un coup de poing reçu d’un policier au moment de l’arrestation, explication que l’expert médical a estimée parfaitement compatible avec la blessure examinée.

Un détenu a mentionné des blessures ouvertes résultant d’une agression par la police lors de l’arrestation et un autre a dit avoir subi le même type de blessures après avoir été frappé avec le dos d’une pelle par un gardien de prison. L’examen physique a clairement montré l’existence de diverses tailles et formes de cicatrices, dont certaines presque ovales, avec pigmentation et hypertrophie, sur la face postéro-interne de l’avant-bras, dont la plus grande mesurait environ deux centimètres et demi de diamètre et les autres linéaire et en oblique du haut vers le bas et de l’extérieur vers l’intérieur, la plus grande mesurant 12 centimètres, étant située sur son dos. Ces zones du corps étaient celles mentionnées comme ayant été les cibles de l’agression.

Dans un cas, il a été fait référence à la pratique des chocs électriques, administrés deux fois, à l’occasion d’une arrestation survenue dans la deuxième moitié des années 1980, mais il n’a pas été constaté de trace de cette pratique.

Dans un autre cas, la pratique d’un mauvais traitement consistant à tordre le pouce de manière répétée a été alléguée. L’examen médical a révélé une rigidité du pouce.

Dans deux cas, le médecin a trouvé des cicatrices superficielles sur le dos des détenus compatibles avec une agression au moyen d’instruments contondants utilisés par la police lors des arrestations. Les cicatrices étaient linéaires, parfois doubles et parallèles, certaines obliques du haut vers le bas et de l’extérieur vers l’intérieur, d’autres presque horizontales, la plus grande mesurant 11 centimètres.

Dans le cas d’un jeune détenu, le médecin a trouvé une cicatrice sur la fesse gauche mesurant 3 centimètres qui était compatible avec l’indication selon laquelle il avait été frappé par une balle en caoutchouc tirée par un gardien lors d’une rébellion dans le centre de détention pour mineurs où il était détenu.

L’expert médical a observé un cas où le détenu alléguait avoir été victime de tortures répétées. Cela s’était passé durant une détention antérieure, dans les années 1980. Le détenu se rappelait avoir été amené dans une pièce, peut-être un bureau, où il avait été placé dans une position appelée pau de arara, tandis que des policiers le frappaient sur le dos et sur la tête. Durant la torture, il avait été continuellement insulté et menacé. L’examen physique du détenu a révélé une neuropathie motrice et sensorielle des membres inférieurs, avec altération de la fonction motrice, c’est-à-dire une pathologie compatible avec son récit.

En conséquence, l’expert médical a observé que certaines des lésions corporelles pouvaient être liées à des traumatismes, tandis que d’autres étaient forcément liées à de mauvais traitements. Ces derniers signes prouvaient clairement et sans équivoque l’existence de situations de mauvais traitements répétés.

Tous les détenus examinés ont nié avoir subi d’autres types de torture, à savoir l’asphyxie à l’aide de méthodes humides ou sèches, les lésions par pénétration, écrasement, exposition à des substances chimiques, brûlures ou torture pharmacologique. Ils ont aussi nié avoir été humiliés par des injures verbales ou au moyen d’actes humiliants, de menaces contre eux ou leurs familles, de techniques psychologiques d’humiliation personnelle ou de comportement forcé.

Onze des détenus examinés donnaient des signes d’une altération psychologique nettement supérieure à celle à laquelle on pouvait s’attendre étant donné leur contexte culturel et social, résultant du stress de leur situation de détenus. L’expert médical a observé des éléments indicatifs d’une dépression et de stress post-traumatique, appelant une évaluation neuropsychologique et psychiatrique plus approfondie, à laquelle il était impossible de procéder dans le contexte de ces examens. En dehors des états dépressifs, parmi les symptômes les plus fréquents, l’expert médical a constaté l’absence de plaisir, l’anxiété, l’insomnie, la labilité émotionnelle, le sentiment d’inutilité (très souvent lié à l’ennui éprouvé quand on n’a rien à faire), le manque de confiance en soi, la dissociation et la dépersonnalisation. Les troubles psychosomatiques, plus ou moins intenses, consistaient principalement en migraines chroniques, mal de dos, douleurs musculaires ou osseuses, et symptômes gastro‑intestinaux.

L’expert médical a noté que le système de détention est inefficient pour ce qui est des soins et des services médicaux, psychiatriques et dentaires aux détenus, et que dans certains cas les détenus ne pouvaient pas accéder aux services. Un grand nombre de détenus souffraient de maladies de la peau (gale, psoriasis, infections, etc.) qui dans la plupart des cas n’étaient pas traitées médicalement. Il n’y avait pas d’installations adéquates et séparées pour les détenus souffrant de maladies infectieuses contagieuses, à savoir la tuberculose, qui vivent avec les autres détenus. L’absence de soins médicaux réguliers et satisfaisants, tant en ce qui concerne les soins médicaux généraux que les soins dentaires, a aussi été constatée.

Les membres du Comité et l’expert médical ont reçu une bande vidéo contenant des images prises lors de visites inopinées effectuées par les procureurs du tribunal pour enfants et mineurs de São Paulo dans les centres de détention pour mineurs relevant de la responsabilité de la FEBEM à São Paulo. La bande vidéo contenait entre autres des images sur lesquelles l’expert médical a constaté l’existence de lésions importantes et intenses de nature traumatique produites par des instruments contondants chez de nombreux mineurs. Il s’agissait essentiellement d’ecchymoses, d’hématomes et d’abrasions, situées dans la plupart des cas dans la région dorsolombaire mais aussi dans d’autres parties du corps, à savoir le dos de la main et l’avant-bras, les fesses et les cuisses. Quelques unes ont été produites par des balles en caoutchouc. Il s’agissait généralement de lésions dont l’emplacement et la typologie (dans certains cas elles ressemblaient à l’évidence à des blessures de défense) permettaient à l’expert médical de conclure sans hésitation qu’elles étaient le résultat d’agressions violentes. Le fait que des lésions récentes et plus anciennes étaient simultanément observées le conduisait à penser qu’il s’agissait d’une situation d’agressions répétées et pas seulement d’un épisode ponctuel d’agression.

La bande vidéo montrait aussi divers instruments contondants trouvés au cours des visites aux centres de détention pour mineurs en question, instruments qui selon l’expert médical étaient parfaitement compatibles avec le type de lésions observé chez les jeunes détenus. Autrement dit, les instruments étaient probablement la cause de ces lésions. Dans certains cas, les lésions traumatiques reproduisent presque exactement la forme des instruments.

Les ONG ont communiqué aux membres du Comité et à l’expert médical des photographies de lésions traumatiques récentes (principalement des hématomes, des ecchymoses et des excoriations) sur la tête, le visage, le dos et les membres supérieurs, causées par des instruments contondants, qui semblaient compatibles avec des agressions délibérées. L’expert médical a remarqué que dans certains cas les blessures se produisaient alors que la victime tentait d’esquiver les coups qui lui étaient infligés. Selon l’expert médical, les caractéristiques de ces blessures sont totalement compatibles avec les matraques utilisées par les forces de police, qui sont aussi visibles sur les photographies.

C. Informations reçues des gouvernements et autres autorités de la fédération et des États

Durant les réunions avec les représentants gouvernementaux, les membres du Comité ont été informés de la situation dans le pays, ainsi que des mesures législatives, administratives et judiciaires prises dans leurs domaines d’activité respectifs pour prévenir les actes de torture et répondre aux allégations de torture. Globalement, les représentants gouvernementaux ont reconnu qu’il y a des actes de torture au Brésil, mais que ces actes étaient isolés et ne constituaient pas une pratique institutionnalisée.

1. Suite donnée à la visite du Rapporteur spécial sur la question de la torture

La Commission des droits de l’homme de la Chambre des représentants fédérale a mis les membres du Comité au courant de la mise en œuvre des recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la question de la torture à la suite de sa visite de 2000, qui reflétaient les préoccupations décrites ci-dessus par les ONG. Entre autres, la pratique policière consistant à arrêter les gens sans mandat judiciaire se poursuit et les établissements de détention ne se sont globalement pas améliorés. La valeur probante des aveux obtenus par la police en l’absence d’un juge ou d’un avocat n’a pas changé. Toutefois, une proposition de loi actuellement en discussion à la Commission parlementaire pour la Constitution et la justice de la Chambre des députés établirait que les aveux n’auront valeur de preuve que s’ils sont faits devant un tribunal en présence d’un avocat de la défense. La proposition tendant à transférer la charge de la preuve à l’accusation dans les cas où le défendeur allègue que les preuves ont été obtenues par la torture n’a pas été examinée. La protection des témoins ayant un casier judiciaire n’est toujours pas assurée. Le contrôle indépendant des établissements de détention a été pour l’essentiel le fait de la société civile, bien que ces groupes aient souvent eu du mal à obtenir les informations nécessaires. Les autorités des États n’ont pas mis en place d’autre système indépendant.

Les membres du Comité ont pu prendre connaissance de deux propositions de loi actuellement en discussion au Congrès national, qui prévoient diverses mesures pour la prévention de la torture, telles que la création d’un Système national de prévention de la torture. Les membres du Comité considèrent que l’adoption de ces propositions de loi pourrait constituer un important pas en avant dans la lutte contre la pratique de la torture.

2. L’application de la Loi sur la torture de 1997

Les membres du Comité ont demandé des statistiques sur l’application de la Loi sur la torture de 1997. Il a été indiqué par certaines autorités que le nombre de condamnations est limité, en partie faute de rapports médico-légaux prouvant qu’un acte de torture a été commis. Toutefois, les membres du Comité ont été informés qu’il n’y a pas de compilation des données au niveau national concernant l’application de la Loi sur la torture. Chaque État a ses propres données. Par exemple, le représentant du Ministère public à São Paulo a dit que six agents publics avaient été condamnés en première instance en application de la Loi sur la torture à São Paulo. Une recherche réalisée par une ONG internationale a démontré l’existence d’une seule condamnation connue pour torture du personnel depuis 1994 dans le système, connu pour ses abus, de détention pour mineurs de Rio de Janeiro.

Le vice-président de la Cour suprême fédérale a informé les membres du Comité qu’il y a actuellement plusieurs projets de loi sur la fédéralisation du crime de torture qui sont examinés par le Congrès national. Des représentants du Ministère de la justice du District fédéral ont informé les membres du Comité de l’adoption par le Congrès national de l’amendement constitutionnel N° 45/2004 en vertu duquel la Cour supérieure de justice a compétence, sur demande du Procureur général fédéral, pour transférer une affaire concernant des violations graves des droits de l’homme (dont la torture) des tribunaux locaux aux tribunaux fédéraux.

3. Indemnisation

Selon l’Association des juges pour la démocratie, l’indemnisation, même s’il y a une décision judiciaire établissant le droit à celle-ci, n’a été accordée dans aucune affaire depuis 1998. De plus, les présidents des organes judiciaires supérieurs qu’ont rencontrés les membres du Comité ont exprimé leur préoccupation devant l’inefficience et la lenteur de la mise en œuvre des décisions judiciaires qui prévoient une indemnisation par l’État.

4. Plaintes pour torture et enquêtes administratives

Le nombre de plaintes pour tortures reçues est faible. Par exemple, l’ouvidor de la police de São Paulo a indiqué qu’en 2004, il a reçu 3 300 plaintes, dont 1,26% seulement avaient trait à des tortures. L’ouvidor a indiqué que la torture est infligée principalement dans les postes de police qui contiennent des prisons publiques. Selon les données fournies par l’ouvidor de la police de Rio de Janeiro, 104 plaintes pour torture ont été reçues au cours des 75 derniers mois, soit environ 1% des plaintes reçues. Les plaintes concernaient la police militaire dans 66 cas et la police civile dans 34 cas.

L’ouvidor de la police de Belo Horizonte a indiqué qu’il était difficile de collecter des statistiques sur les condamnations de policiers à la suite de plaintes pour torture, étant donné que la procédure était essentiellement administrative avec jusqu’à six possibilités de recours. Il a indiqué que huit cas allégués de torture avaient été signalés à l’ouvidoria en 1998, 162 en 2002, 48 en 2003, 56 en 2004 et 18 au cours du premier trimestre de 2005. Les signalements avaient concerné la police militaire dans 355 cas, pour un effectif de 37 890 policiers, ce qui indiquait qu’environ 1% des agents de la police militaire avaient fait l’objet de plaintes, tandis que 351 cas concernaient la police civile. Les signalements concernaient essentiellement la police hors des zones métropolitaines (272 sur 351 et 220 sur 355).

La corregedoria de la police civile de São Paulo a fourni des informations sur le nombre de procédures engagées contre des agents de la police civile pour des actes de torture. De 2003 à 2005, il y avait un total de 12 procédures administratives pour torture et un agent de la police civile avait été suspendu de ses fonctions, tandis que trois avaient démissionné. Au cours de la même période, il y a eu au total 175 procédures administratives pour violences policières.

Les membres du Comité ont été informés que quelque 1 700 moniteurs-éducateurs de la FEBEM avaient été suspendus, mais que certains avaient fini par être réintégrés à la suite d’enquêtes officielles pour des incidents graves et travaillaient dans d’autres centres de détention.

5. Le système pénitentiaire

Le président de la Commission des droits de l’homme de la Chambre des représentants fédérale a affirmé que le système pénitentiaire était déficient et que le gouvernement n’avait pas de stratégie pénitentiaire pour résoudre tous les problèmes qui se posent. Comme l’ont expliqué plusieurs représentants gouvernementaux, chaque État a sa propre politique pénitentiaire. Il semble que souvent les politiques des États soient axées sur la création de nouveaux centres de détention. En fait, les membres du Comité ont été informés qu’au cours des dix années écoulées, le nombre de centres de détention a doublé par rapport au début des années 1980.

Cinq nouveaux pénitenciers doivent être ouverts au niveau fédéral, à raison d’un par région fédérale. Deux seront terminés au plus tard fin 2005 et les trois autres au plus tard fin 2006. Cela réduira dans une certaine mesure le besoin existant de centres de détention fédéraux, étant donné qu’actuellement de nombreux détenus condamnés pour des crimes fédéraux ou des prisonniers étrangers sont détenus dans des pénitenciers des États. Un centre de formation sera aussi mis en place pour former tout le personnel des nouveaux centres pénitentiaires fédéraux, et il est escompté qu’il pourra aussi former le personnel des pénitenciers des États.

Un nouveau centre pénitentiaire sera aussi établi à Brasilia, ce qui réduira de 1 500 personnes le surpeuplement actuel. Au moment de la visite, il a été dit aux membres du Comité qu’il y avait une surpopulation de 3 000 détenus dans le District fédéral. Concernant les centres de détention pour mineurs à Brasilia, le Secrétaire à la protection sociale du District fédéral a informé les membres du Comité qu’un nouveau centre pour mineurs, qui pourra accueillir 144 mineurs, sera inauguré à Brasilia en octobre.

Le Secrétaire à l’administration pénitentiaire de l’État de São Paulo a fourni aux membres du Comité une liste de tous les pénitenciers de l’État: sur un total de 134 centres, 77 avaient été construits depuis 2000. Au cours de la mission d’enquête, le pénitencier de Carandiru a été démoli. Le Secrétaire à la justice de l’État de São Paulo a aussi assuré que le centre de Tautapé pour mineurs serait fermé avant la fin de l’année.

6. Centres de détention avant jugement et postes de police ( delegacias )

Le nombre de détenus avant jugement est très élevé. Selon les informations fournies par le Secrétaire à l’administration pénitentiaire de l’État de São Paulo, cela est dû au grand nombre d’arrestations, qui se monte dans l’État de São Paulo à 1 000 par mois. La population carcérale de l’État de São Paulo relevant du Secrétaire à l’administration pénitentiaire atteint près de 120 000 détenus, et le nombre de détenus avant jugement près de 35 000; 51,17% de la population carcérale a accès au travail, 23,82% accès à l’éducation et le reste (25,01%) n’a pas d’activité.

Il a été reconnu devant les membres du Comité que les postes de police ne devraient pas accueillir de détenus. Les delegacias de policia participativa à São Paulo ou les delegacias legais à Rio de Janeiro sont des postes de police sans prisons publiques qui ont remplacé les cellules de police existantes. La procédure devrait maintenant se dérouler comme suit: lorsqu’un suspect est arrêté, il devrait être amené dans ce type de delegacia où son identité serait établie et où serait effectuée une enquête préliminaire. Il serait ensuite amené dans une « maison de détention » où il continuerait d’être interrogé. Le Secrétaire à l’administration pénitentiaire de l’État de São Paulo comme le Secrétaire adjoint à la sécurité publique de l’État de São Paulo ont assuré que tous les postes de police dotés de prisons seraient fermés au plus tard fin septembre 2005. Le Secrétaire adjoint à la sécurité publique de l’État de São Paulo a aussi informé les membres du Comité qu’il y a encore 16 districts de police comprenant des prisons publiques, alors que 56 ont déjà été fermés.

Selon le chef de la police civile de Rio de Janeiro, il y a au total 166 postes de police dans l’État de Rio de Janeiro, dont 83 sont des delegacias legais; 5 500 détenus sont incarcérés dans des postes de police placés sous l’autorité de la police civile. La population carcérale totale de l’État de Rio de Janeiro est de 26 000 détenus. L’État alloue 700 reais par mois par détenu.

Le Secrétaire adjoint à la défense sociale du Minas Gerais a exprimé sa préoccupation au sujet du fait qu’il y avait jusqu’à 25 000 détenus dans l’État, et jusqu’à 17 000 dans les delegacias, alors que leur capacité d’accueil n’était que de 8 000 détenus. Il a indique que des prisons supplémentaires étaient en construction et qu’il en faudrait beaucoup d’autres. Il a exprimé le souhait de fermer toutes les delegacias ayant des détenus et de veiller à ce que toutes les delegacias soient désormais construites sans cellules, spécialement à l’intérieur de l’État.

Le Secrétaire aux droits de l’homme et à la justice de l’État de Bahia a indiqué qu’il y avait 11 000 détenus dans cet État, 6 000 entre les mains de la justice et 5 000 dans des delegacias sous la garde de la police. L’État dépense 1 200 reais par mois par détenu.

7. Formation des agents de la force publique

Les membres du Comité ont été informés des efforts déployés pour former les agents de la force publique aux droits de l’homme. Le Programme des Nations Unies pour le développement et l’Ambassade britannique avaient collaboré à la fourniture de formations et à l’élaboration d’un manuel à l’intention des agents pénitentiaires. Une matrice de programme de formation des policiers a aussi été créée. Le Comité n’a pas reçu d’informations similaires concernant des plans de formation pour les gardiens des centres de détention pour mineurs.

8. Régimes disciplinaires (RDD et RDE)

Les membres du Comité ont aussi été informés de la création du régime disciplinaire différencié (RDD), institué par une loi fédérale en décembre 2003. Ce régime, qui a été inauguré dans l’État de São Paulo, prévoit que les détenus peuvent être enfermés, sur décision de justice, en isolement complet dans des cellules spéciales. Ils n’ont pas le droit d’avoir la radio ou la télévision et sont aussi privés du droit aux visites conjugales. Ils ne peuvent pas avoir d’activités ni obtenir de réductions de peine. Le Secrétaire à l’administration pénitentiaire de l’État de São Paulo a confirmé que le directeur d’un centre pénitentiaire peut ordonner le transfert d’un détenu dans un centre de RDD même sans décision de justice en cas de mutinerie. Le directeur dispose alors de 24 heures pour informer le juge compétent.

A ce sujet, les membres du Comité voudraient se référer à un document établi par le Conseil national de politique pénale et pénitentiaire daté d’août 2004, qui dénonce le régime disciplinaire différencié. Le document attire l’attention sur l’observation générale N° 20 du Comité des droits de l’homme qui dit que « l’emprisonnement cellulaire prolongé d’une personne détenue ou incarcérée peut être assimilé aux actes de torture ».

Les membres du Comité ont aussi été informés de l’établissement du régime disciplinaire spécial (RDE), qui est mis en œuvre dans l’État de São Paulo. Dans ce régime, les détenus sont incarcérés dans des cellules collectives, ils ont droit à la radio et à la télévision, et ils peuvent faire quatre heures d’exercice. Le Secrétariat à l’administration pénitentiaire peut décider de transférer ou non un détenu dans un centre de RDE mais il doit ensuite informer le juge compétent.

9. Autres faits nouveaux

Au cours de la mission d’enquête, les membres du Comité ont aussi été informés que le Secrétariat spécial aux droits de l’homme n’a plus rang de ministère. Les membres du Comité ont jugé cette décision regrettable, considérant le rôle important joué par cette institution dans la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques visant à promouvoir et protéger les droits de l’homme.

Enfin, il a été noté que le Brésil avait signé le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et qu’il est prévu que le Congrès national se prononcera sur sa ratification dans les mois à venir. Le Brésil devrait aussi accepter le droit d’adresser des communications individuelles au Comité, en faisant la déclaration envisagée à l’article 22 de la Convention.

VI. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

Le Comité a constaté, comme indiqué aux paragraphes qui précèdent, un surpeuplement endémique, des conditions d’incarcération repoussantes, une chaleur extrême, l’absence d’éclairage et des enfermements permanents (facteurs ayant de graves conséquences pour la santé des détenus), ainsi qu’une violence omniprésente et le défaut de contrôle approprié, qui conduit à l’impunité. En fait, les coupables d’actes illicites jouissent d’une large impunité. De plus, en plusieurs occasions, le Comité a reçu des allégations témoignant de la nature discriminatoire de ces conditions, étant donné qu’elles affectent les groupes vulnérables et en particulier les personnes d’origine africaine. Le Comité note que le gouvernement brésilien a pleinement coopéré avec la visite du Comité, constamment indiqué qu’il avait conscience et était préoccupé par la gravité des problèmes existants, et manifesté sa volonté politique d’améliorer les choses. Cependant, des dizaines de milliers de personne sont toujours détenues dans des delegacias et ailleurs dans le système pénitentiaire où la torture et les mauvais traitements similaires continuent d’être « infligés largement et systématiquement ». Le Comité a défini la torture systématique en déclarant que « le Comité considère qu’il y a pratique systématique de la torture lorsqu’il apparaît que les cas de torture rapportés ne se sont pas produits fortuitement en un endroit ou à un moment donné, mais revêtent un caractère habituel, généralisé et délibéré, au moins dans une partie considérable du pays en cause. D’autre part, la torture peut avoir un caractère systématique sans qu’elle résulte de l’intention directe d’un gouvernement. En effet, celle‑ci peut être la conséquence de facteurs que le gouvernement peut avoir des difficultés à contrôler et son existence peut signaler un décalage entre la politique déterminée au niveau du gouvernement central et son application au niveau de l’administration locale. Une législation insuffisante qui laisse en fait la possibilité de recourir à la torture peut encore ajouter au caractère systématique de cette pratique ».

Les enquêtes policières sur les actes de torture ou mauvais traitements allégués ont été critiquées pour leur inefficacité. Les actes illicites commis par la police dans la réalisation de ces enquêtes seraient chose courante. Les policiers seraient peu enclins à enquêter sur d’autres policiers. A ce sujet, la nature collégiale des corregedorias pourrait conduire les policiers à ne pas vouloir enquêter sur leurs collègues. Il a été indiqué à maintes reprises qu’il faut généralement beaucoup de temps avant que les informations sur les allégations de torture parviennent des corregedorias au Ministère public et qu’une enquête pénale soit ouverte.

De plus, le débat constitutionnel sur le pouvoir du Ministère public d’engager des enquêtes indépendantes sur les allégations de torture est toujours ouvert. La Constitution a été interprétée par certains comme attribuant au Ministère public un rôle plus actif et lui permettant de mener des enquêtes pénales et de mettre en examen des fonctionnaires mêlés à des activités criminelles, telles que la torture, dans les cas où il existe des présomptions suffisantes. D’autres commentateurs, dont la police, soutiennent que les dispositions constitutionnelles exigent une enquête policière et qu’il serait plus approprié de prévenir les causes de la torture. Les membres du Comité estiment que les procureurs devraient pouvoir engager des actions au lieu de devoir dépendre des éléments de preuve réunis et transmis par la police.

Il a été proposé de remplacer l’enquête de police préliminaire par une enquête conduite par un procureur et contrôlée par un juge d’instruction: toutes les personnes arrêtées seraient présentées à un juge d’instruction et seuls les aveux obtenus devant celui-ci seraient considérés comme recevables. Les membres du Comité appuient cette proposition, mais notent qu’à ce jour aucune mesure n’a été prise dans ce sens.

Un autre facteur qui contribue à l’impunité est que les juges n’appliquent pas la Loi sur la torture de 1977 et préfèrent retenir pour les actes de torture la qualification de lésions corporelles ou d’abus de pouvoir. La fédéralisation du crime de torture a été proposée comme un moyen de surmonter les difficultés d’application de la Loi sur la torture. Les membres du Comité ont jugé regrettable que la procédure établie par l’amendement constitutionnel 45/2004, en vertu duquel la Cour supérieure de justice a compétence pour transférer, à la demande du Procureur général fédéral, une affaire concernant des violations graves des droits de l’homme (dont la torture) des tribunaux locaux aux tribunaux fédéraux, ait rarement été utilisée.

Il semble que la société et les politiciens exercent de très fortes pressions et demandent instamment que tous les criminels se voient infliger des peines sévères et restent enfermés dans des centres de détention à l’écart de la population. Il semble aussi que les juges imposent des peines plus lourdes qu’il ne serait nécessaire et n’appliquent pas les peines de substitution prévues par le Code pénal, telles que le paiement de dommages et intérêts, un travail d’intérêt général ou la suspension temporaire de droits. L’application de ces peines atténuerait dans une certaine mesure le surpeuplement des centres de détention.

Certains commentaires de responsables gouvernementaux de haut niveau ont suscité la préoccupation des membres du Comité; il s’agit entre autres de l’opinion selon laquelle les délinquants mineurs récidivistes ne devraient pas être protégés par le Statut de l’enfant et de l’adolescent, et de celle selon laquelle les policiers qui commettent un crime de torture ne devraient pas être traités de la même façon que les civils qui commettent ce crime, car les premiers peuvent se réinsérer plus facilement dans la société vu qu’ils ont reçu une formation.

Les membres du Comité ont noté que la protection des personnes en état d’arrestation, en détention avant jugement et en détention est bien garantie par la législation nationale. Toutefois, de sérieuses difficultés surgissent dans la mise en œuvre de la loi. Les membres du Comité ont aussi estimé que, généralement, les dispositions de la loi dans ce domaine sont mal connues. Cette constatation a été confirmée quand le président de la Cour suprême de l’État de Rio de Janeiro a affirmé aux membres du Comité que le crime de torture était un crime fédéral. Connaissant mal le droit pénal dans ce domaine, le président s’est estimé dans une position inconfortable et a abruptement interrompu le dialogue avec les membres du Comité.

Les membres du Comité ont aussi noté qu’en pratique, beaucoup de détenus qu’ils ont rencontrés ne bénéficiaient pas de l’assistance judiciaire gratuite bien qu’ils n’aient pas les moyens de recourir aux services d’un avocat. Il n’y a pas de bureau du défenseur public dans une grande partie du pays et il semble que lorsqu’il existe, il n’a pas les ressources nécessaires pour remplir ses fonctions. Par exemple, l’État de São Paulo n’a toujours pas de bureau du défenseur public. Au moment de la visite, le bureau du défenseur public de Rio de Janeiro était en grève pour diverses raisons, dont le manque de personnel, la précarité des conditions de travail et la faiblesse des rémunérations (un défenseur public percevrait un tiers de la rémunération d’un juge ou d’un procureur).

Les membres du Comité ont aussi observé que des initiatives spécifiques ont été prises au niveau des États et au niveau fédéral pour combattre la pratique de la torture, telles que la « Campagne nationale permanente de lutte contre la torture et l’impunité » lancée par le gouvernement fédéral et la société civile mais malheureusement arrêtée en 2003. La campagne a été critiquée par de nombreuses ONG pour son inefficacité.

L’extrême précarité des conditions dans les lieux de détention observée partout pendant toute la visite a été jugée profondément préoccupante par les membres du Comité. Il y a une menace constante de mutineries violentes dans les centres de détention, avec le risque que ces incidents ne se multiplient, conséquence directe de ces conditions. Le surpeuplement est endémique et la plupart des centres visités n’avaient pas d’installations adéquates. De plus, les membres du Comité ont observé que les centres de détention n’ont pas de programmes visant à faciliter la réinsertion des détenus dans la société. Un fort pourcentage de détenus n’a pas accès à l’éducation ou à la moindre activité de formation professionnelle. Cette situation affecte particulièrement les personnes aux faibles revenus appartenant à des groupes défavorisés. Leur détention prolongée réduit leurs possibilités de réintégration sociale, aggravant leur marginalisation et les exposant au risque de retomber dans la délinquance.

Les membres du Comité ont noté que le gouvernement brésilien a tenté de réduire le surpeuplement en construisant des centres de détention supplémentaires qui eux-mêmes sont devenus surpeuplés en peu de temps. Il est très urgent de trouver d’autres solutions. Le surpeuplement cause aux détenus des dommages physiques et psychologiques irréparables. Tant que ce problème ne sera pas résolu, l’État pourra être accusé de tolérer une situation inhumaine dans de nombreux centres de détention.

Le nombre de surveillants qui gardent les détenus est extrêmement faible. Les membres du Comité ont observé que le manque de personnel avait un effet négatif non seulement sur la sécurité et le respect des droits des détenus, mais aussi sur la sécurité et le moral des gardiens. Ils ont aussi constaté un manque de travailleurs sociaux, de psychologues et autres personnels. De plus, le personnel ne reçoit pas une formation suffisante concernant les droits de tous les détenus et leur obligation de respecter ces droits.

Il continue d’y avoir des prisons dans les postes de police. Bien que l’initiative tendant à décharger les postes de police de la fonction de détention ait été partiellement mise en œuvre, comme il a été observé à la Delegacia de Polícia Participativa du 9e district de São Paulo et à la Delegacia Legal du 5e district de Rio de Janeiro, il y a encore un grand nombre de postes de police où se trouvent toujours des détenus. Les membres du Comité recommandent instamment que toutes les prisons des postes de police soient immédiatement supprimées.

Les membres du Comité considèrent que les nouveaux régimes disciplinaires (RDD/RDE) risquent de conduire à des violations des droits de l’homme des détenus auxquels sont appliqués ces régimes, en particulier lorsqu’ils sont détenus au secret pendant de longues périodes. Ils regrettent de ne pas avoir pu visiter de centres de RDD/RDE en raison de leur éloignement des capitales des États. A ce propos, les membres du Comité sont préoccupés par le fait que l’éloignement géographique de ces centres par rapport aux lieux où habitent les familles de la plupart des détenus empêche les visites des membres de la famille.

Les membres du Comité ont reçu des ONG de nombreuses allégations concernant des violences dans les centres de détention psychiatriques. Toutefois, les membres du Comité n’ont pas visité ces centres car ils ne disposaient pas de l’expertise médicale nécessaire pour les évaluer et ils ne peuvent donc pas formuler de conclusions fondées sur leurs propres observations.

En général, les instituts médico-légaux et leurs médecins dépendent financièrement des autorités de police. En conséquence, la plupart des États n’ont pas d’institut médico‑légal indépendant. Si l’on considère que la plupart des allégations de torture et de mauvais traitements visent des policiers, ce manque d’indépendance peut sérieusement compromettre un examen médico‑légal diligent et prompt donnant des résultats exacts. De plus, il a été indiqué à maintes reprises que tous les instituts médico-légaux ne disposent pas de ressources financières, techniques et humaines suffisantes pour bien s’acquitter de leurs fonctions.

En pratique, l’examen médico-légal des détenus n’est réalisé que sur la demande de la police ou d’une autorité judicaire, juge ou procureur. Cela réduit la possibilité qu’une victime éventuelle de torture soit soumise à un examen médical. Dans bien des cas, les examens médicaux sont superficiels ou effectués longtemps après l’agression, lorsque les signes externes de cet acte ont déjà disparu. Beaucoup de médecins n’ont pas reçu de formation professionnelle à la médecine légale et sont incapables d’identifier les lésions caractéristiques des mauvais traitements ou de la torture.

Á la lumière de ces considérations, le Comité fait les recommandations suivantes:

Les plaintes concernant des actes de torture imputables à des agents publics devraient faire l’objet d’enquêtes promptes, complètes et impartiales et les auteurs des infractions devraient être poursuivis en vertu de la Loi sur la torture de 1977 et dûment sanctionnés;

Les ministères publics des États devraient avoir le pouvoir d’engager et de mener des enquêtes sur toutes les allégations de torture et se voir accorder les ressources financières et humaines nécessaires pour s’acquitter de cette responsabilité;

Il faudrait assurer une application effective de la garantie constitutionnelle de fédéralisation des crimes contre les droits de l’homme, en particulier de la torture, qui permet au Procureur général fédéral de demander le transfert de certaines violations des droits de l’homme (dont la torture) des juridictions des États aux juridictions fédérales;

Les agents accusés devraient être suspendus de leurs fonctions en attendant l’issue de toute enquête sur les actes de torture et mauvais traitements allégués et de toute procédure judiciaire ou disciplinaire subséquente;

Les autorités judiciaires devraient être encouragées à imposer des peines de substitution à la détention comme prévu par la loi. L’imposition de longues périodes de détention ou d’emprisonnement pour des infractions relativement mineures devrait être évitée, de même que l’imposition du régime de détention fermé;

La charge de la preuve devrait incomber à l’accusation dans les cas où il est allégué que les aveux ont été obtenus par la torture;

Seuls les déclarations ou les aveux faits en présence d’un juge devraient être recevables en tant qu’éléments de preuve dans les procédures pénales;

Afin de garantir l’impartialité des enquêtes et de protéger les droits de toutes les personnes privées de liberté, l’État partie devrait envisager la création de la fonction de juge d’instruction;

En cas d’allégations de violations des droits de l’homme imputées à la police militaire et dont les victimes sont des civils, les enquêtes et les poursuites devraient être menées par les tribunaux pénaux ordinaires, à tous les stades de la procédure pénale, et non par des tribunaux militaires;

Toutes les victimes de torture devraient être indemnisées. L’État partie devrait veiller à ce que des fonds suffisants soient alloués pour effectuer les paiements appropriés. Le système existant de mise en œuvre des décisions de justice qui accordent une indemnité de l’État aux victimes de torture devrait être réformé dans les meilleurs délais de façon que ces personnes puissent recevoir les indemnités auxquelles elles ont droit;

L’État partie devrait mener des campagnes de sensibilisation s’adressant à tous les secteurs de la société sur la question de la torture et des mauvais traitements et sur les conditions régnant dans les centres de détention;

Le droit à un avocat doit être garanti à tous les stades de la détention, c’est-à-dire à partir de la garde à vue. Un service du défenseur public (Defensoria Pública)aux ressources adéquates, doté de pouvoirs appropriés pour enquêter et introduire les actions en justice nécessaires, devrait exister dans tous les États de la Fédération afin d’assurer la représentation en justice de tous les suspects d’infractions pénales. Les défenseurs publics devraient être rémunérés adéquatement et recevoir une formation appropriée pour bien s’acquitter de leurs tâches;

Un organe indépendant, disposant de ressources adéquates pour s’acquitter de ses fonctions, devrait enquêter sur les allégations de comportements illicites de la police;

L’État partie devrait enquêter sur les allégations relatives aux cellules de castigo;

L’État partie devrait veiller à ce que les ouvidorias de la police disposent de ressources humaines et financières suffisantes pour accomplir leurs tâches en toute indépendance;

Tous les organes des États et fédéraux chargés d’enquêter sur les comportements illicites de la police devraient établir des statistiques ventilées par âge, sexe et race sur le nombre de plaintes pour torture reçues et d’enquêtes menées. Ces statistiques devraient figurer dans un document public qui serait soumis au Parlement chaque année;

Les conditions matérielles dans les centres de détention doivent être améliorées sans délai, s’agissant d’une question de la plus grande urgence et de la plus haute importance. Il faut que l’État partie alloue des ressources financières suffisantes pour améliorer ces conditions de façon que tous les détenus soient traités avec humanité;

Il est aussi urgent d’améliorer les conditions matérielles dans les centres de détention pour mineurs. L’État partie devrait veiller à l’application du Statut de l’enfant et de l’adolescent et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une éducation et une formation professionnelle et fournir des moyens médicaux et des installations de loisirs pour faciliter la réintégration des enfants et des adolescents dans la société;

Il faut résoudre le problème du surpeuplement des centres de détention en prenant d’urgence des mesures consistant par exemple à sensibiliser les organes judiciaires à la possibilité d’appliquer des peines de substitution;

Les délinquants mineurs devraient être séparés en fonction de l’âge, de la constitution physique et de la gravité de l’infraction, comme le prévoient le Statut de l’enfant et de l’adolescent et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;

Il ne faudrait pas utiliser les postes de police pour accueillir les détenus avant jugement et les détenus purgeant une peine au-delà du délai de 24 heures prescrite par la loi;

Il faudrait séparer les détenus selon qu’ils attendent d’être jugés ou ont déjà été condamnés, selon qu’ils ont été condamnés à un emprisonnement en régime ouvert, semi‑ouvert ou fermé, ainsi qu’en fonction de la gravité de l’infraction;

L’État partie devrait dégager des fonds adéquats pour recruter suffisamment de personnel pénitentiaire. De plus, tous les personnels de la force publique, dont les policiers et les gardiens de prison, devraient recevoir une formation relative aux droits des suspects et des détenus et à leur obligation de respecter ces droits, y compris les dispositions de la Convention et des autres instruments internationaux applicables;

L’État partie devrait revoir les régimes disciplinaires des détenus (RDD/RDE) en vigueur. Il est rappelé à l’État partie que l’isolement prolongé peut être assimilé à la torture;

Un système adéquat permettant à tous les détenus d’obtenir des réductions de peine par le travail, sans distinction ni discrimination, devrait être mis en place dans tous les centres pénitentiaires;

Dans tous les cas où une personne formule des allégations de torture, les autorités compétentes devraient veiller à ce qu’un examen médical soit pratiqué conformément au Protocole d’Istanbul – Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les médecins devraient être formés à identifier les lésions qui sont caractéristiques de la torture ou des mauvais traitements conformément au Protocole d’Istanbul. Les examens médico-légaux des détenus devraient être pratiqués systématiquement et ne pas dépendre d’une demande de la police;

L’indépendance technique et scientifique des médecins légistes dans l’exécution de leurs fonctions devrait être garantie, notamment en les plaçant sous l’autorité de la justice ou d’une autre autorité indépendante et en les séparant de toutes les structures policières;

L’État partie est encouragé à ratifier le Protocole facultatif à la Convention, ce qui permettrait l’établissement d’un mécanisme national de protection ayant le pouvoir de visiter périodiquement les lieux de détention;

L’État partie est aussi encouragé à accepter le droit de présenter des communications individuelles au Comité, en faisant la déclaration envisagée à l’article 22 de la Convention.

PARTIE II: COMMENTAIRES DU GOUVERNEMENT BRÉSILIEN SUR LE RAPPORT ÉTABLI PAR LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS (CAT/C/36/R.1/Add.1)

Le 8 juin 2006, les conclusions de l’enquête menée par le Comité contre la torture au Brésil, figurant dans les documents CAT/C/36/R.1/Add.1, « Rapport sur le Brésil établi par le Comité contre la torture au titre de l’article 20 de la Convention », ont été transmises au Gouvernement brésilien.

Tenant compte en particulier des observations et recommandations formulées par le Comité, le présent document commente et clarifie certains des points contenus dans le rapport et actualise les informations sur les mesures prises par le Gouvernement brésilien pour prévenir et combattre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Introduction

Le Gouvernement brésilien remercie le Comité contre la torture de lui avoir transmis le rapport sur le Brésil, établi au titre de l’article 20 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le rapport comme la visite sur les lieux de la délégation du Comité contre la torture qui l’a précédé (13-19 juillet 2005) représentent des éléments importants de la coopération pour renforcer la prévention et la lutte contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants au Brésil.

Le Gouvernement brésilien remercie le Comité d’avoir reconnu dans son rapport le degré d’ouverture et de coopération de ses autorités pour l’organisation et la réalisation de la visite. Le Gouvernement brésilien est convaincu qu’un dialogue franc, constructif et permanent avec le Comité peut contribuer à faire progresser encore les droits de l’homme dans le pays.

Etant donné que le Brésil est un des pays qui ont reçu le plus de visites au titre des procédures spéciales de la Commission/du Conseil des droits de l’homme, la mission d’un organe créé en vertu d’un instrument international comme le Comité contre la torture au Brésil a aussi été utile pour renforcer le dialogue transparent et de bonne foi entre le Brésil et tous les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme.

Depuis le 28 septembre 1989, le Brésil est partie à la Convention contre la torture. La Convention et l’instrument régional correspondant – la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture, ratifiée en juin 1989 – ont été les premiers traités relatifs aux droits de l’homme auxquels le Brésil a adhéré après le rétablissement de la démocratie et l’adoption de la Constitution de 1988. Leur ratification a précédé l’adhésion aux instruments plus généraux de promotion et de protection des droits de l’homme, tels que les Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Il est donc évident que la lutte contre la torture est une des premières priorités de la politique brésilienne en matière de droits de l’homme.

La Constitution du 5 octobre 1988 a fait sienne la répudiation de la torture dans plusieurs de ses dispositions, en stipulant que « nul ne peut être soumis à la torture ou à un traitement inhumain ou dégradant » (art. 5, III) et que la loi considère la pratique de la torture comme un crime excluant la libération sous caution, la grâce ou l’amnistie et comme un crime dont répondent ceux qui l’ont ordonné ou commis et quiconque s’est abstenu alors qu’il aurait pu l’empêcher (art. 5, XLIII). Les peines cruelles sont également interdites (art. 5, XLVII, e).

Pour le Brésil, la priorité de la prévention de la torture et de la lutte contre la torture procède à la fois de son caractère de violation grave des droits fondamentaux et, malheureusement, des circonstances qu’a connues le pays durant la période de la dictature, entre 1965 et 1985.

A l’époque, en particulier après la promulgation de l’Acte institutionnel N° 5 (AI-5) en décembre 1968, les droits et garanties indispensables à l’État de droit démocratique ont été abolis et la pratique des arrestations arbitraires, suivies de tortures et de mauvais traitements pratiqués par des agents publics, est devenue chose courante. Les opposants au régime autoritaire étaient persécutés et violemment châtiés, souvent par la mort.

La lutte contre la dictature a donc été marquée par la torture, si bien que la lutte contre la torture est aujourd’hui emblématique pour le Gouvernement brésilien et la société brésilienne, symbolisant la consolidation du régime démocratique.

A ce propos, outre les conventions et les garanties constitutionnelles susmentionnées, le Gouvernement brésilien a lancé fin 2005 un plan d’action intégré contre la torture, dont l’axe central est constitué par les trente recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la torture lors de sa dernière visite au Brésil. Le plan vise à associer les trois pouvoirs et la société civile dans la prévention des pratiques de torture et la lutte contre ces pratiques.

Jusqu’à mars 2007, huit États de la Fédération avaient adhéré au plan. Parmi les mesures proposées pour enrayer la torture figurent l’enregistrement vidéo des interrogatoires et de fréquentes visites inopinées dans les pénitenciers et les postes de police par des comités et organisations indépendants, la création de groupes spécialisés de procureurs publics pour lutter contre la torture et l’organisation d’une campagne nationale permanente contre la torture dans les médias.

I. Á PROPOS DE LA VISITE AU BRÉSIL DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION

Le point de départ de la procédure d’enquête du Comité contre la torture au titre de l’article 20 de la Convention a été les informations transmises au Comité par des organisations non gouvernementales en novembre 2002. Il convient de mentionner que selon les paragraphes 3 et 45 du rapport du Comité, ces informations se rapportaient à des pratiques alléguées de torture dans un seul État de la Fédération. Une partie de ces informations avaient déjà été transmises au Rapporteur de la Commission des droits de l’homme sur la question de la torture, Sir Nigel Rodley, à l’occasion de sa visite au Brésil en 2000.

Les informations reçues par le Comité ont été transmises au Brésil en novembre 2002. Le processus de changement de gouvernement au niveau fédéral et au niveau des États à l’époque a empêché de répondre rapidement aux informations et aux demandes de renseignements écrites envoyées par le Comité. En revanche, la priorité accordée par l’administration Lula à la promotion et à la protection des droits de l’homme – illustrée par la création de trois Secrétariats spéciaux de rang ministériel sur la question et l’approfondissement du dialogue et de la coopération avec les mécanismes internationaux de protection – a conduit le Brésil a accepter sans délai la demande de visite adressée par le Comité en décembre 2003; il a seulement demandé un changement de dates, nécessaire pour que la visite soit bien préparée et se déroule dans les meilleures conditions.

Le Gouvernement brésilien est satisfait que le Comité ait reconnu, au paragraphe 19 de son rapport, la coopération et l’appui apportés par le gouvernement brésilien à la visite et son respect des principes convenus avec le Comité pour sa réalisation. Durant toute la visite, le gouvernement brésilien a accordé au Comité toute latitude pour se déplacer et enquêter, en ayant accès aux fonctionnaires compétents à tous les niveaux des pouvoirs de la Fédération et en pouvant rencontrer et avoir des contacts avec les représentants des organisations non gouvernementales, les témoins éventuels et les personnes privées de liberté. Le gouvernement brésilien a aussi pris les mesures de sécurité nécessaires aux membres du Comité et aux autres membres de sa délégation pendant toute la durée de la visite. En cas de conflit apparent entre les impératifs de sécurité et la liberté d’enquêter, les autorités brésiliennes s’en sont remises au jugement des membres du Comité, par exemple lorsque des membres de la délégation ont décidé d’entrer sans escorte dans des cellules et des pavillons où se trouvaient de nombreux détenus.

Comme le mentionne le Comité, il y a un seul centre de détention que sa délégation n’a pas pu visiter: le pénitencier régional Jason Soares Albergaria, à São Joaquim de Bicas, Minas Gerais. Le Gouvernement brésilien remercie le Comité de reconnaître les efforts déployés par un fonctionnaire du Ministère des relations extérieures pour permettre à la délégation du Comité d’accéder à ce centre de détention et regrette le défaut de communication entre le Secrétariat à la défense sociale du Minas Gerais et l’administration de cette unité carcérale, qui a rendu impossible la réalisation de la visite. Il souligne la coopération des autorités de l’État pour les visites de tous les autres centres de détention désignés par le Comité dans cet État et le caractère isolé de l’incident. Il fait observer que la délégation du Comité a voulu visiter le pénitencier régional durant un week-end, lorsque d’une part les visites des familles des détenus se déroulaient et d’autre part la communication avec les autorités compétentes de l’État pour assurer l’accès du Comité était plus difficile. Il rappelle que le pénitencier régional Jason Albergaria, ouvert en novembre 2003, est un établissement carcéral moderne, de construction récente, et qu’il avait même été mentionné au Comité dans ses réunions avec les autorités de l’État comme un exemple des efforts déployés pour améliorer les conditions de détention.

Le gouvernement brésilien remercie la délégation du Comité d’avoir informé toutes les personnes qu’elle a rencontrées au Brésil que la visite avait un caractère confidentiel, conformément à l’article 20 de la Convention. Il regrette cependant que certains représentants des organisations non gouvernementales que l’équipe de Salvador de Bahia a rencontrés à Salvador de Bahia n’aient pas respecté la confidentialité de la procédure. Selon les documents en annexe, la visite du Comité à Salvador a été annoncée par la presse locale, qui a même reproduit les déclarations de personnes qui pouvaient avoir eu des contacts avec la délégation du Comité. Dans certains cas, les photographes d’un des principaux journaux locaux ont suivi les membres de la délégation. Le gouvernement brésilien souligne l’importance de l’article 81.3 du Règlement intérieur du Comité, relatif au serment et à la déclaration solennelle concernant la véracité du témoignage et au respect de la confidentialité demandés à toutes les personnes dont les membres du Comité peuvent obtenir des témoignages.

Le Gouvernement brésilien souligne l’attitude de transparence et de dialogue constructif généralement adoptée par les autorités brésiliennes avec lesquelles la délégation du Comité s’est entretenue durant sa visite du pays. Il regrette néanmoins qu’il ait été mis fin prématurément à une des réunions tenues par la délégation du Comité. Il regrette en particulier que dans son rapport, le Comité ait rendu compte de manière incomplète et partiale de cet incident (paragraphe 185 du rapport). Le rapport omet, à propos de cet incident, de mentionner l’attitude d’un des membres du Comité présents à la réunion, attitude difficilement compatible avec la dignité de la fonction occupée par le haut fonctionnaire interviewé et avec celle du membre du Comité en question. Pour rétablir la vérité, le gouvernement brésilien souligne que le haut fonctionnaire a mis fin prématurément à la réunion parce qu’il se sentait « en accusation » en raison de la façon dont il était interrogé  par le membre susmentionné du Comité, qui avait eu à plusieurs reprises un comportement inquisitorial et ironique. Il souligne qu’une telle attitude avait été adoptée dans des entretiens précédents, heureusement sans le même résultat, et qu’elle n’a jamais été partagée par aucun autre membre du Comité présent durant la visite ou par les autres membres de la délégation du Comité. Le gouvernement brésilien souligne la nécessité d’assurer le plein respect de l’engagement solennel prévu à l’article 14 du Règlement intérieur du Comité.

II. Á PROPOS DES LIEUX DE DÉTENTION VISITES PAR LE COMITÉ

Dans le cadre de leurs travaux au Brésil, les membres du Comité ont visité des lieux de détention dans cinq États de la Fédération. L’État brésilien présente des informations actualisées sur certains des lieux visités par le Comité.

Le 16 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le centre Vila Maria, à São Paulo, dépendant de la FEBEM, maintenant rebaptisé Centre de prise en charge socio-éducative de la Fondation pour les adolescents (CASA) de São Paulo. A présent, la Fondation CASA a environ 1 100 places disponibles. Il n’y a donc pas de surpeuplement, mais d’autres unités doivent être construites en dehors de la ville de São Paulo pour permettre d’accueillir les jeunes dans les municipalités où vivent leurs parents.

L’État brésilien informe que la Fondation CASA est dotée d’un corrregedor (ombusman)permanent, outre la vigilance exercée par l’autorité judicaire et les services du procureur public. Dans chaque procédure, lorsqu’il existe des preuves convaincantes de participation à des irrégularités, le fonctionnaire est suspendu. Les adolescents sont groupés selon l’âge et la nature de l’infraction. Des activités pédagogiques sont régulièrement organisées.

Le 19 juillet 2005, les membres du Comité ont visité les postes de police des 4e et 39e districts et le poste participatif du 9e district de São Paulo. L’État brésilien précise que les prisons des 4e et 9e districts ont été fermées et que leurs détenus ont été transférés dans des centres de détention provisoire.

Le 22 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le poste de police pour les auteurs de vols simples et de vols qualifiés, le poste de police pour les auteurs de vols et de vols qualifiés de véhicules et le poste de police pour les auteurs d’infractions liées aux drogues, tous à Belo Horizonte. L’État brésilien indique que les prisons des deux premiers postes de police mentionnées ont été totalement fermées et que leurs détenus ont été transférés dans de nouvelles unités carcérales de la région métropolitaine. La prison du poste de police pour les auteurs d’infractions liées aux drogues est en cours de fermeture. Depuis septembre 2006, aucun nouveau détenu n’y a été admis et on attend pour la fermer totalement la construction de nouvelles unités carcérales.

Le 22 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le poste de police du 5e district de Rio de Janeiro. A l’époque, ce poste de police faisait déjà partie du programme de delegacia legal et n’avait plus de détenus. Aujourd’hui, il y a d’autres postes de police de ce type dans l’État.

Le 22 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le Centre d’internement provisoire (CEIP) de Belo Horizonte, qui avait donné lieu à des allégations de la presse concernant des actes de torture sur des mineurs. Le directeur du Centre avait été suspendu et remplacé la veille de la visite du Comité. L’État brésilien informe que la procédure mise en route à l’époque a été conclue le 8 août 2005 et qu’elle a abouti à la révocation du directeur. La documentation concernant la procédure a été envoyée au Procureur public, qui a engagé une action pénale le 22 juillet 2005 (Prc. N° 0024.05.573.362-0).

Les locaux du CEIP ont été rénovés et le problème de surpeuplement est peu à peu résolu. Il est prévu qu’au cours du deuxième semestre de cette année, le nombre de places offert sera le triple de celui de 2003, passant de 420 à 1 141. La sélection de l’équipe technique est effectuée avec soin et il y a une formation continue, y compris sur la question des droits de l’homme. Un nouveau modèle socio-éducatif fondé sur l’intervention éducative a été adopté.

Le 23 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le siège de Polinter à Rio de Janeiro. L’État brésilien informe que la prison de Polinter a été fermée et ne sert aujourd’hui que de centre de tri et de classement des détenus, et aussi de foyer de transit pour les détenus envoyés dans les centres de détention. Les détenus n’y passent pas plus d’une journée, sur un total de 10 à 50 personnes détenues.

Le 26 juillet 2005, les membres du Comité ont visité le centre de détention provisoire Padre Severino à Rio de Janeiro, placé sous l’autorité du DEGASE. L’État brésilien informe qu’actuellement, 100% des adolescents sont scolarisés.

Le 29 juillet 2005, les membres du Comité ont visité Bangu III à Rio de Janeiro. Le pénitencier comprend deux unités distinctes et il n’y a pas de surpeuplement. La dernière mutinerie s’est produite en 2003.

III. COMMENTAIRES DU BRÉSIL SUR LES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

« Paragraphe 178. Le Comité a constaté, comme indiqué aux paragraphes qui précèdent, un surpeuplement endémique, des conditions d’incarcération repoussantes, une chaleur extrême, l’absence d’éclairage et des enfermements permanents (facteurs ayant de graves conséquences pour la santé des détenus), ainsi qu’une violence omniprésente et le défaut de contrôle approprié, qui conduit à l’impunité. En fait, les coupables d’actes illicites jouissent d’une large impunité. De plus, en plusieurs occasions, le Comité a reçu des allégations témoignant de la nature discriminatoire de ces conditions, étant donné qu’elles affectent les groupes vulnérables et en particulier les personnes d’origine africaine. Le Comité note que le gouvernement brésilien a pleinement coopéré avec la visite du Comité, constamment indiqué qu’il avait conscience et était préoccupé par la gravité des problèmes existants, et manifesté sa volonté politique d’améliorer les choses. Cependant, des dizaines de milliers de personne sont toujours détenues dans des delegacias et ailleurs dans le système pénitentiaire où la torture et les mauvais traitements similaires continuent d’être « infligés largement et systématiquement ». Le Comité a défini la torture systématique en déclarant que « le Comité considère qu’il y a pratique systématique de la torture lorsqu’il apparaît que les cas de torture rapportés ne se sont pas produits fortuitement en un endroit ou à un moment donné, mais revêtent un caractère habituel, généralisé et délibéré, au moins dans une partie considérable du pays en cause. D’autre part, la torture peut avoir un caractère systématique sans qu’elle résulte de l’intention directe d’un gouvernement. En effet, celle ‑ci peut être la conséquence de facteurs que le gouvernement peut avoir des difficultés à contrôler et son existence peut signaler un décalage entre la politique déterminée au niveau du gouvernement central et son application au niveau de l’administration locale. Une législation insuffisante qui laisse en fait la possibilité de recourir à la torture peut encore ajouter au caractère systématique de cette pratique ».

Le gouvernement brésilien note la conclusion du Comité selon laquelle la pratique de la torture pourrait être systématique dans le pays. Il se félicite que le Comité déclare que « le gouvernement brésilien a pleinement coopéré avec la visite du Comité, constamment indiqué qu’il avait conscience et était préoccupé par la gravité des problèmes existants, et manifesté sa volonté politique d’améliorer les choses ». Le gouvernement brésilien note à ce sujet que le Comité contre la torture considère généralement que la torture est systématique « lorsqu’il apparaît que les cas de torture rapportés ne se sont pas produits fortuitement en un endroit ou à un moment donné, mais revêtent un caractère habituel, généralisé et délibéré, au moins dans une partie considérable du pays en cause. D’autre part, la torture peut avoir un caractère systématique sans qu’elle résulte de l’intention directe d’un gouvernement. En effet, celle ‑ci peut être la conséquence de facteurs que le gouvernement peut avoir des difficultés à contrôler et son existence peut signaler un décalage entre la politique déterminée au niveau du gouvernement central et son application au niveau de l’administration locale. Une législation insuffisante qui laisse en fait la possibilité de recourir à la torture peut encore ajouter au caractère systématique de cette pratique » (souligné par les auteurs).

Comme il sera clairement montré plus loin, le Brésil applique déjà ou envisage d’appliquer les recommandations contenues dans le rapport établi par le Comité au titre de l’article 20. Nombres de mesures répondant aux recommandations du Comité ont déjà été prises à l’initiative des autorités gouvernementales brésiliennes. Le gouvernement brésilien estime que les recommandations du Comité sont notablement utiles pour la prévention et la lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en toutes circonstances et espère approfondir et développer son dialogue avec le Comité à cet effet.

Toutefois, il y a lieu de présenter certaines observations concernant les conclusions de l’enquête menée par le Comité au titre de l’article 20 de la Convention.

IV. LA PRATIQUE SYSTÉMATIQUE DE LA TORTURE EN DROIT INTERNATIONAL

Le Brésil rappelle que la Convention contre la torture mentionne la pratique systématique de la torture à son article 20, qui dispose que « Si le Comité reçoit des renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d’un État partie, il invite ledit État à coopérer dans l’examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet ». Rien n’indique dans le texte de la Convention que les États parties aient eu l’intention d’attacher une signification particulière au concept de pratique systématique de la torture tel qu’énoncé dans la Convention.

L’interprétation susmentionnée donnée à la pratique systématique de la torture est le fait du Comité lui-même, à l’occasion de sa première enquête au titre de l’article 20, relative à la Turquie (A/48/44/Add.1, paragraphe 39). La définition de la pratique systématique de la torture envisagée par le Comité semblait attribuer une signification particulière à l’expression, sans qu’il ait été établi que telle était l’intention des parties à la Convention.

L’emploi du mot « systématique », comme dans les violations systématiques des droits de l’homme, est courant dans le langage du droit international des droits de l’homme, le droit international humanitaire et le droit international pénal.

Lorsqu’elle a traité des « violations graves d’obligations découlant des normes impératives du droit international général », la Commission du droit international de l’ONU a pris en considération le terme systématique durant l’élaboration du projet d’articles sur la responsabilité internationale de l’État. Lors de la deuxième lecture du projet d’articles sur la responsabilité internationale de l’État, les violations graves ont été définies comme celles survenant dans un contexte de violations pratiquées systématiquement et souvent massivement.

Les violations étaient considérées comme ayant été commises de manière systématique quand il y a des preuves d’un certain schéma dans les actions de l’État, conduisant à la violation de certains droits, et comme massives lorsqu’elles sont notoires. Ainsi, l’existence d’un schéma des violations conduit à la question de l’intention et des motifs pour lesquels l’auteur des violations les a commises. Les objectifs poursuivis par l’État lorsqu’il commet certaines violations peuvent être essentiels pour déterminer l’existence d’une « violation grave d’obligations découlant des normes impératives du droit international général ».

Lorsqu’elle a commenté le projet d’articles sur la responsabilité internationale de l’État, la Commission du droit international a été particulièrement précise en disant que « pour être considérée comme systématique, une violation doit avoir été commise de façon organisée et délibérée ».

En droit international humanitaire, les termes « massif » et « systématique » sont employés pour distinguer les « crimes contre l’humanité » de la catégorie générale des « crimes de guerre ». Pour être considérée comme un « crime contre l’humanité », l’action constituant la violation doit avoir été « massive » et « systématique ». L’article 3 du Statut du Tribunal pour le Rwanda et l’article 7 du Statut de Rome disposent que les crimes contre l’humanité énumérés doivent avoir été commis dans le cadre d’une attaque « généralisée » et « systématique » contre une population civile. Selon la jurisprudence de ces tribunaux, le terme « systématique » se réfère à une attaque menée conformément à un plan commun et méthodique. Dans l’affaire Le Procureur c. Akayesu, le TPIR a dit: « Le caractère « systématique » tient, quant à lui, au fait que l’acte est soigneusement organisé selon un modèle régulier en exécution d’une politique concertée mettant en œuvre des moyens publics considérables. Il n’est nullement exigé que cette politique soit officiellement adoptée comme politique d’État. Il doit cependant exister une espèce de plan ou de politique préconçus ». (souligné par les auteurs).

En résumé, il faut comprendre que l’on parle normalement de violation « systématique » pour caractériser des violations des droits de l’homme qui sont commises de manière délibérée et planifiée. A cet effet, les violations doivent avoir été commises suivant un certain schéma, en application d’un plan ou d’une politique, bien que ce plan ou cette politique ne soit pas explicitement reconnu.

Dans ce contexte, la définition que donne le Comité de la pratique systématique de la torture paraît s’écarter de la signification habituelle de l’expression et donc de la règle générale d’interprétation des traités, selon laquelle un traité doit être interprété conformément à la signification ordinairement attribuée à ses termes, règle énoncée comme suit à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités:

« Article 31 Règle générale d’interprétation

Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus:

Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité;

Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.

Il sera tenu compte, en même temps que du contexte:

De tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions;

De toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité;

De toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.

Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties. »

La règle générale d’interprétation décrite ci-dessus est incontestablement reconnue comme l’expression du droit international ordinaire, y compris par la Cour internationale de justice. En fait, dès 1931, la Cour permanente de justice internationale reconnaissait qu’une règle fondamentale d’interprétation est qu’il faut attribuer aux mots le sens ordinaire qu’ils ont dans leur contexte, à moins qu’une telle interprétation ne conduise à des résultats déraisonnables ou absurdes.

La CIJ a édifié une jurisprudence importante sur le respect de la règle générale d’interprétation. Déjà dans son avis consultatif sur la compétence de l’Assemblée générale pour l’admission d’un État aux Nations Unies, elle déclarait que « (…)le premier devoir d’un tribunal, appelé à interpréter et à appliquer les dispositions d’un traité, est de s’efforcer de donner effet, selon leur sens naturel et ordinaire, à ces dispositions prises dans leur contexte. Si les mots pertinents, lorsqu’on leur attribue leur signification naturelle et ordinaire, ont un sens dans leur contexte, l’examen doit s’arrêter là. En revanche, si les mots, lorsqu’on leur attribue leur signification naturelle et ordinaire, sont équivoques ou conduisent à des résultats déraisonnables, c’est alors – et alors seulement – que la Cour doit rechercher par d’autres méthodes d’interprétation ce que les parties avaient en réalité dans l’esprit quand elles se sont servies des mots dont il s’agit ». La Cour de La Haye a aussi souligné que l’interprétation ne saurait réviser les traités ou leur faire dire ce qu’ils ne contiennent pas explicitement ou par implication nécessaire.

Il convient de mentionner, en particulier, que la règle générale d’interprétation peut jouer un rôle fondamental dans la protection des droits de l’homme, comme dans la reconnaissance par la Cour internationale de justice du droit individuel d’être informé des droits à l’assistance consulaire prévus à l’article 36.1.b de la Convention de Vienne sur les relations consulaires et, plus récemment, dans le cas de l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, à propos de laquelle la CIJ a reconnu que l’article premier interdit aux États de commettre eux-mêmes le crime de génocide, ce qui a pour effet de ne pas limiter la perpétration de ce crime aux individus.

A la lumière des considérations qui précèdent, l’État brésilien affirme l’absence de tout plan ou politique délibéré concernant la pratique de la torture dans le pays. Au contraire, comme le Comité contre la torture l’a lui-même reconnu, il souligne que les autorités gouvernementales sont conscientes de la gravité du problème et ont la volonté politique d’améliorer les choses. Il est donc en désaccord avec l’opinion selon laquelle la torture est systématiquement pratiquée au Brésil, compte tenu du sens ordinairement donné à cette expression.

VI. DIFFÉRENCES ENTRE LA TORTURE ET LES AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS

Le gouvernement brésilien prend note des commentaires du Comité sur les situations de surpeuplement endémique, de saleté repoussante, de chaleur extrême, d’absence de lumière et d’enfermement permanent dans les lieux de détention au Brésil, et de leur relation avec les conclusions auxquelles est parvenu le Comité au titre de l’article 20. Il fait néanmoins observer que le Comité n’a pas accordé une attention suffisante à la distinction entre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, d’une part, et au défaut de respect concernant le traitement humain des personnes privées de liberté.

Dans son article premier, la Convention contre la torture définit la torture comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. » (souligné par les auteurs).

Cependant la Convention contre la torture n’a pas défini les « autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » mentionnés à son article 16 (« Tout État partie s’engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu’elle est définie à l’article premier lorsque de tels actes sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. » (souligné par les auteurs).

Quoi qu’il en soit, il est clair que la Convention a voulu distinguer les violations des droits de l’homme considérées comme relevant de la torture de celles qui constitueraient d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, même si dans tous les cas il s’agit de violations graves des droits de l’homme qu’il faut prévenir et réprimer. On peut noter, à la lecture des dispositions de la Convention, que les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants seraient des violations d’un degré différent, inférieur (« qui ne sont pas des actes de torture »), recevant un traitement différent dans le Convention conformément à son article 16.

Le gouvernement brésilien note que le Comité n’a pris en considération la distinction entre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ni dans le cadre de l’analyse des rapports périodiques ni dans l’examen des communications individuelles. Une plus grande clarté dans ces distinctions serait importante pour mieux élucider les obligations des États et le contenu normatif des termes de la Convention, de manière à parvenir à une protection plus adéquate des individus et des groupes.

Bien qu’il ait également employé une « approche globale » à propos de l’application de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui interdit aussi la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Comité des droits de l’homme a reconnu, dans son Observation générale N° 20, que bien qu’il ne juge pas nécessaire d’établir une liste des actes interdits ni de fixer des distinctions très nettes entre les différentes formes de peines ou traitements interdits, ces distinctions dépendent de la nature, du but et de la gravité du traitement infligé. Il est en outre utile de faire observer que le Pacte contient différentes dispositions relatives à l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 7) et au droit des personnes privées de liberté d’être traitées avec humanité (article 10), qui font l’objet de deux observations générales distinctes (observations générales N° 20 et N° 21). Cela montre bien qu’il y a une différence de nature entre les violations découlant de la pratique de la torture et d’autres formes de mauvais traitements et les conditions inadéquates de privation de liberté.

Jusqu’ici, c’est dans le système européen des droits de l’homme que la question a été le plus approfondie, dans l’interprétation et l’application de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, que l’on peut utiliser, mutatis mutandis, pour mieux comprendre les dispositions de la Convention contre la torture. La reconnaissance du fait que la distinction entre la torture et les autres traitements inhumains tient principalement à la « différence dans l’intensité des souffrances infligées » mérite d’être soulignée. La torture serait donc « une forme aggravée et délibérée de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants » (souligné par les auteurs). La Cour européenne a estimé important de distinguer les autres traitements cruels ou inhumains de la torture car cette dernière est marquée d’une « spéciale infamie ». Il est aussi nécessaire, pour sa caractérisation, que les traitements cruels ou inhumains soient délibérés et aient un but spécifique. Plusieurs affaires examinées par le système européen des droits de l’homme approfondissent cette compréhension, comme l’affaire Irlande c. Royaume-Uni, l’ « affaire grecque » et aussi les affaires Selmouni c. France et Ihlan c. Turquie, dans lesquelles la Cour européenne a mentionné la Convention des Nations Unies contre la torture.

A la lumière des distinctions entre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, principalement les éléments de degré particulier de sévérité et de but spécifique, qui marquent les actes de torture d’une spéciale infamie, il semblerait erroné de tenter de mettre la torture sur le même plan que les conditions problématiques de détention. Le gouvernement brésilien a pris note des observations sur les graves conditions de privation de liberté dans les centres de détention visités par le Comité, problème sérieux et complexe que le Brésil s’efforce de résoudre. Le Brésil apprécie hautement les recommandations du Comité relatives à cette question.

Les problèmes du surpeuplement et des conditions inadéquates de privation de liberté dans les centres de détention sont des questions graves des droits de l’homme qui exigent des solutions adéquates, y compris à l’aide de la coopération des mécanismes internationaux pertinents. Ces problèmes résultent généralement d’un ensemble complexe de facteurs, pouvant comprendre le recours excessif à la privation de liberté comme peine, l’accroissement de la criminalité parfois lié à des problèmes économiques et sociaux et le manque de ressources publiques suffisantes – en particulier dans les pays en développement – pour construire et rénover les lieux de détention et recruter et former du personnel. Le processus d’amélioration des conditions de privation de liberté au Brésil – pays en développement – ne peut afficher de résultats immédiats, mais plusieurs améliorations ont déjà été apportées, telles que la suppression progressive des prisons dans les postes de police, la construction de centres de détention neufs et améliorés, le plan en cours visant à établir des unités du Système de santé unifié dans les centres de détention, etc., outre plusieurs actions de prévention qui visent à éviter la privation de liberté et à encourager les peines de substitution comme on le verra plus en détail dans le présent document.

Il semble donc inapproprié de considérer qu’il existe un système délibéré, ayant des fins punitives et discriminatoires, de privation de liberté dans des situations de surpeuplement et de conditions de détention malsaines. De telles situations perdurent dans certains cas en dépit de tous les efforts des autorités brésiliennes et non avec leur consentement explicite ou tacite. Ces situations ne sont pas marquées par la « spéciale infamie » qui s’attache aux violations aggravées et au but d’obtenir des renseignements ou d’infliger un châtiment qui caractériserait la torture. Durant la visite de la délégation du Comité au Brésil, les autorités nationales ont toujours reconnu les problèmes posés par les conditions de privation de liberté, mais aussi exposé les mesures en train d’être prises pour les résoudre.

Le caractère général de la situation, qui affecte des populations entières dans les centres de détention, l’absence d’agressions physiques et psychologiques contre les détenus et l’absence de buts punitifs ou d’obtention d’aveux ou de renseignements indiquent qu’on ne saurait identifier le degré particulier de gravité et le but spécifique qui définirait la torture. Cela est d’autant plus évident que les autorités de l’État reconnaissent le problème et s’efforcent de le surmonter. Un raisonnement contraire conduirait à la conclusion que l’ensemble du système de privation de liberté dans un État donné pourrait être organisé dans le but de violer les droits de l’homme des détenus, ce qui est hautement improbable dans une société démocratique qui s’emploie à améliorer son profil au regard des droits de l’homme dans ce domaine.

« 179. Les enquêtes policières sur les actes de torture ou mauvais traitements allégués ont été critiquées pour leur inefficacité. Les actes illicites commis par la police dans la réalisation de ces enquêtes seraient chose courante. Les policiers seraient peu enclins à enquêter sur d’autres policiers. A ce sujet, la nature collégiale des corregedorias pourrait conduire les policiers à ne pas vouloir enquêter sur leurs collègues. Il a été indiqué à maintes reprises qu’il faut généralement beaucoup de temps avant que des informations sur les allégations de torture parviennent des corregedorias au Ministère public et qu’une enquête pénale soit ouverte. »

Le gouvernement brésilien est très soucieux d’améliorer ses systèmes d’enquêtes internes sur les policiers. Le Ministère de la justice a, par l’intermédiaire de son Secrétariat national à la sécurité publique (SENASP-MJ), organisé les 30 et 31 mai 2006 la Réunion nationale des Corregedores de la police au Brésil, en vue de débattre des problèmes existants et de proposer des politiques publiques pour renforcer les Corregedorias.

A la Réunion, il a été constaté qu’il serait possible d’améliorer le travail des Corregedorias en prenant les mesures suivantes: i) autonomie administrative et financière; ii) structure organisationnelle efficace; iii) organisation de cours de formation et de perfectionnement pour les agents et les responsables; iv) ressources humaines et logistiques (un corps spécifique qualifié d’agents, dont le nombre devrait atteindre environ 2% du nombre total des agents de l’établissement); v) application adéquate de la législation existante par des instruments normatifs et la standardisation des procédures; vi) pénitenciers spéciaux pour les policiers; vii) création d’unités de renseignement et d’enquête; viii) échanges entre les Corregedorias; ix) institution de rémunérations spéciales pour les fonctionnaires des Corregedorias; x) création du Collège national des Corregedores de la police.

Le SENASP a aussi mené la première Recherche sur le profil organisationnel des Corregedorias de la police, dont le rapport devrait être publié sous peu. Cette recherche visait à mieux connaître les structures des Corregedorias de la police existantes (structures générales et structures spécifiques de la police civile et de la police militaire); sur la base de l’analyse de ce rapport, le SENASP évaluera la mise en œuvre des actions suivantes: i) acquisition du matériel pour un kit à distribuer directement aux Corregedorias durant le premier semestre de l’année prochaine; ii) formation des policiers aux procédures administratives/disciplinaires par l’intermédiaire du Réseau national d’éducation à distance, encore pendant l’année en cours; iii) création par arrêté ministériel d’un groupe de travail composé de dix corregedores de la police civile et de la police militaire, représentant les cinq régions du pays, pour donner effet à la standardisation nécessaires des textes et des procédures, entre autres propositions qui pourraient être considérées comme faisables et pragmatiques.

« 180. De plus, le débat constitutionnel sur le pouvoir du Ministère public d’ouvrir des enquêtes indépendantes sur les allégations de torture est toujours ouvert. La Constitution a été interprétée par certains comme attribuant au Ministère public un rôle plus actif et lui permettant de mener des enquêtes pénales et de mettre en examen des fonctionnaires mêlés à des activités criminelles, telles que la torture, dans les cas où il existe des présomptions suffisantes. D’autres commentateurs, dont la police, soutiennent que les dispositions constitutionnelles exigent une enquête policière et qu’il serait plus approprié de prévenir les causes de la torture. Les membres du Comité estiment que les procureurs devraient pouvoir engager des actions au lieu de devoir dépendre des éléments de preuve réunis et transmis par la police. »

Le Ministère public est l’institution chargée de la défense de l’ordre public, du régime démocratique et des intérêts sociaux et individuels intangibles. Il est doté de l’autonomie fonctionnelle, administrative et budgétaire. Ses membres jouissent des mêmes immunités et garanties que les magistrats. En matière pénale, le Ministère public est habilité à exercer l’action pénale publique et à cet effet ses membres se voient accorder des privilèges tels que ceux d’« exercer le contrôle externe des activités de police » et de «  requérir les moyens d’investigation et l’instauration d’enquêtes de police en indiquant les fondements juridiques de ces procédures » (art. 127 et 129 VII et VIII de la Constitution fédérale). Il ne fait donc aucun doute que le Ministère public peut, s’il a connaissance d’une possible infraction pénale, ordonner que soit menée une enquête, demander les perquisitions nécessaires et, s’il est déjà en possession d’éléments suffisants, dénoncer cette infraction (c’est-à-dire engager un processus judiciaire) indépendamment de l’enquête de police.

Ainsi, les procureurs peuvent dénoncer une infraction (c’est-à-dire déclencher une action en justice) indépendamment de l’enquête de police s’ils possèdent des éléments suffisants indiquant la matérialité de l’infraction et son auteur. La question du pouvoir du Ministère public d’enquêter directement sur les infractions pénales, sans participation de la police, reste controversée. Cette question est actuellement examinée par la Cour suprême. Malgré cette situation de vide juridique, il y a des exemples concrets d’équipes spéciales de policiers qui travaillent directement avec le Ministère public.

« 181. Il a été proposé de remplacer l’enquête de police préliminaire par une enquête conduite par un procureur et contrôlée par un juge d’instruction: toutes les personnes arrêtées seraient présentés à un juge d’instruction et seuls les aveux obtenus devant celui-ci seraient considérés comme recevables. Les membres du Comité appuient cette proposition, mais notent qu’à ce jour aucune mesure n’a été prise dans ce sens. »

Le système judiciaire brésilien ne prévoit pas d’enquête judiciaire ni de « juges d’instruction ». La création du Ministère public, jouissant des mêmes immunités et garanties que les juges, vise précisément à charger une autre institution de mener les poursuites pénales. La tâche consistant à juger, avec indépendance et impartialité, est réservée aux magistrats. Ce concept s’inspire du modèle accusatoire de procédure pénale.

Le système d’évaluation des éléments de preuve adopté dans le droit brésilien, connu sous le nom de persuasion rationnelle des juges, n’établit pas de relation de valeur entre les éléments de preuve et exige du juge qu’il donne les raisons de sa décision. Par ailleurs, « … l’aveu du défendeur cesse d’être la preuve concluante de sa culpabilité. Toutes les preuves sont relatives; aucune n’a de valeur décisive ou nécessairement plus de prestige qu’une autre. » (Exposé sur le Code de procédure pénale, point VII). Ainsi, même l’aveu obtenu durant l’enquête, considéré en soi, non accompagné d’autres éléments de preuve indiquant que c’est le défendeur qui a commis l’infraction, peut ne pas suffire à entraîner sa condamnation.

182. Un autre facteur qui contribue à l’impunité est que les juges n’appliquent pas la Loi sur la torture de 1977 et préfèrent retenir pour les actes de torture la qualification de lésions corporelles ou d’abus de pouvoir. La fédéralisation du crime de torture a été proposée comme un moyen de surmonter les difficultés d’application de la Loi sur la torture. Les membres du Comité ont jugé regrettable que la procédure établie par l’amendement constitutionnel 45/2004, en vertu duquel la Cour supérieure de justice a compétence pour transférer, à la demande du Procureur général fédéral, une affaire concernant des violations graves des droits de l’homme (dont la torture) des tribunaux locaux aux tribunaux fédéraux, ait rarement été utilisée.

Le gouvernement ne dispose pas de données qui lui permettraient de reconnaître que la « Lei contra a Tortura » (Loi contre la torture) n’est pas effectivement appliquée par les autorités judiciaires. De même, il n’y a pas de données disponibles sur le résultat des dénonciations (procédures pénales) de crimes de torture et sur le résultat des verdicts de culpabilité pour ce crime ou un crime moins grave (tel que les lésions corporelles). A partir des questions soulevées dans le rapport du Comité, il sera important d’examiner cette situation et de rechercher des solutions adéquates de concert avec le pouvoir judiciaire.

La réforme du pouvoir judiciaire a réservé un traitement particulier aux violations graves des droits de l’homme en prévoyant la possibilité de transférer la compétence à la justice fédérale. Aux termes du paragraphe 5 de l’article 109 de la Constitution fédérale, « dans les cas de violations graves des droits de l’homme, le procureur général peut, en vue d’assurer le respect des obligations découlant des traités internationaux sur les droits de l’homme auxquels le Brésil est partie, demander à la Cour supérieure de justice à tout moment durant l’enquête ou la procédure de transférer la compétence à la Justice fédérale. » Cette proposition figurait dans le Programme national relatif aux droits de l’homme, compte tenu du fait que les violations graves sont une question qui intéresse tout le pays et que leurs répercussions internes et externes dépassent les limites territoriales des États de la Fédération. La norme est auto-applicable, selon une décision de la Cour suprême fédérale, mais la réglementation détaillée de la question est proposée dans le Projet de loi 6.647, de 2006, déjà approuvé par le Sénat fédéral et en attente d’examen par la Commission de la Constitution et de la justice de la Chambre des représentants.

Il convient néanmoins de réaffirmer que tout citoyen peut présenter au procureur général une demande en vue d’engager la procédure de transfert de compétence au système de Justice fédérale. Le procureur général se prononcera sur la pertinence de la demande.

Il convient aussi de souligner l’existence d’un projet d’amendement constitutionnel (PEC N° 487 05) visant à habiliter le Défenseur public général de l’Union à engager le transfert de compétence, en tant que moyen d’accentuer encore la fédéralisation de ces violations graves.

183. Il semble que la société et les politiciens exercent de très fortes pressions et demandent instamment que tous les criminels se voient infliger des peines sévères et soient enfermés dans des centres de détention à l’écart de la population. Il semble aussi que les juges imposent des peines plus lourdes qu’il ne serait nécessaire et n’appliquent pas les peines de substitution, telles que le paiement de dommages et intérêts, un travail d’intérêt général ou la suspension temporaire de droits, prévues par le Code pénal. L’application de ces peines atténuerait dans une certaine mesure le surpeuplement des centres de détention.

Le gouvernement brésilien fait le nécessaire pour encourager l’application des peines de substitution étant donné que ces mesures répondent à l’idéal de resocialisation de l’auteur de l’infraction et qu’elles contribuent aussi à atténuer le problème du surpeuplement. Le gouvernement brésilien estime que la privation de liberté n’est pas toujours le meilleur moyen de punir les crimes.

Comme le dit le Comité, les peines de substitution ne pas encore complètement acceptées par la société et par les autorités chargées de leur application. Le gouvernement brésilien juge donc indispensable de mettre en place des programmes pour surmonter cette difficulté.

Ainsi, à côté de la création du Système pénitentiaire fédéral, adapté aux crimes à haut risque, un certain nombre de mesures visant à diffuser et encourager l’application des peines de substitution ont été adoptées. Le Ministère de la justice a mis en place, par l’intermédiaire du Département pénitentiaire national (DEPEN), un programme d’incitations dans ce domaine. Certain des États bénéficiant d’incitations financières ont obtenu des résultats notables.

A titre d’exemple, le cas de l’État de Pernambouc mérite d’être mentionné. Entre mars 2005 et septembre 2006, la Gestion des peines de substitution et de l’intégration sociale (GEPAIS) – rattachée au Secrétariat à la justice et aux droits de l’homme de l’État de Pernambouc – a été à l’origine de l’installation de dix nouvelles unités de la Centrale de soutien aux mesures et peines de substitution (CEAPAS). Ce sont là les points focaux qui suivent les mesures de substitution dans l’État.

Il faut souligner que l’application des mesures et peines de substitution est une opération complexe étant donné que l’État doit conserver un certain contrôle sur le condamné bien qu’il soit en liberté.

Les résultats obtenus dans l’État de Pernambouc illustrent l’efficacité de l’adoption de ces mesures. Au cours des treize premiers mois de leur mise en œuvre, l’emprisonnement de 869 personnes a pu être évité.

Une autre mesure prise pour élargir le débat sur la question est la tenue du Congrès national sur l’exécution des peines et mesures de substitution (CONEPA). L’objectif du CONEPA est de débattre des questions centrales concernant la réalité nationale de l’exécution des peines de substitution et de produire les bases stratégiques et la guidance fondamentale d’une politique durable d’encouragement des peines et mesures de substitution au Brésil. Cela nécessite la coopération entre l’État, à travers les institutions qui composent le système de justice – pouvoir judiciaire, Ministère public et Bureau du défenseur public – le pouvoir exécutif, la société civile et les médias. Le Congrès est organisé chaque année et le troisième se tiendra en novembre dans l’État de Minas Gerais.

De plus, le Ministère de la justice a créé la Commission nationale sur les peines de substitution, organisme qui se consacre au dialogue avec les États pour diffuser l’application des mesures de substitution.

La restructuration du Département pénitentiaire national, avec la création de la Coordination générale des peines de substitution, est aussi un facteur important qui montre l’importance que le gouvernement brésilien attache à cette question.

Toutes les actions décrites ci-dessus ont entraîné une progression de l’application des peines de substitution au Brésil: en 2002, 21 560 personnes ont purgé des peines de substitution ou ont été soumises à des mesures de substitution; le nombre estimé pour la fin de 2006 est d’environ 170 000 personnes. Ces chiffres – en augmentation de près de 700% en quatre ans – témoignent du succès de la politique de développement et d’acceptation des peines et mesures de substitution par les organismes chargés de l’exécution des peines et par la société en général.

Il faut aussi mentionner l’adoption de la Loi N° 10.259/2001 qui, outre qu’elle a créé les tribunaux pénaux fédéraux spéciaux, a aussi élargi l’éventail des infractions pénales pouvant donner lieu à l’application de peines de substitution, en établissant un nouveau paradigme pour les infractions les moins choquantes, désormais définies comme celles passibles d’une peine maximale inférieure à deux années d’emprisonnement.

« 184. Certains commentaires de responsables gouvernementaux de haut niveau ont suscité la préoccupation des membres du Comité; il s’agit entre autres de l’opinion selon laquelle les délinquants mineurs récidivistes ne devraient pas être protégés par le Statut de l’enfant et de l’adolescent, et de celle selon laquelle les policiers qui commettent un crime de torture ne devraient pas être traités de la même façon que les civils qui commettent ce crime, car les premiers peuvent se réinsérer plus facilement dans la société vu qu’ils ont reçu une formation. »

Le gouvernement brésilien tient à réaffirmer sont engagement total en faveur de la mise en œuvre et du respect le plus strict du Statut de l’enfant et de l’adolescent, et du châtiment des policiers accusés et reconnus coupables du crime de torture. Il ne reconnaît en conséquence aucune valeur aux déclarations contraires de toutes personnes ²occupant des postes de responsabilité à tout niveau de la Fédération.

« 185. Les membres du Comité ont noté que la protection des personnes en état d’arrestation, en détention avant jugement et en détention est bien garantie par la législation nationale. Toutefois, de sérieuses difficultés surgissent dans la mise en œuvre de la loi. Les membres du Comité ont aussi estimé que les dispositions de la loi dans ce domaine sont mal connues. Cette constatation a été confirmée quand le président de la Cour suprême de l’État de Rio de Janeiro a affirmé aux membres du Comité que le crime de torture était un crime fédéral. Connaissant mal le droit pénal dans ce domaine, le président s’est estimé dans une position inconfortable et a abruptement interrompu le dialogue avec les membres du Comité. »

Le Ministère de la justice a, par l’intermédiaire du Secrétariat national à la sécurité publique (SENASP-MJ), mis en œuvre des mesures court, moyen et long terme visant à changer la culture des forces de police des États concernant la nécessité de protéger les détenus lors de leur arrestation.

Pour le court terme, le SENASP a tenu des Réunions sur les droits de l’homme destinées à motiver, sensibiliser et mobiliser des leaderships à effet multiplicateur sur la culture des droits de l’homme dans le contexte de la sécurité publique, contribuant ainsi à la formation d’une Culture nationale des droits et des devoirs des personnes, de solidarité active et de paix sociale, et collaborant à la construction d’une police nouvelle, consciente de son rôle dans la promotion des droits de l’homme et de la paix. En quatre ans, 2 480 professionnels de la sécurité publique ont été formés dans les États de Bahia, Paraná, São Paulo, Amazonas, Paraíba, Pernambouc, Rio Grande do Norte et Sergipe.

Une autre initiative a été la création d’une Ecole itinérante de hautes études de sécurité publique, ayant pour but de développer la conscience citoyenne des agents de la sécurité publique, de promouvoir la réflexion sur les techniques d’action employées dans leurs activités, de renforcer le caractère professionnel des actions de la police, de favoriser le partage des responsabilités et l’intégration des actions de toutes les organisations en rapport avec la sécurité publique et d’élargir les responsabilités de la police au-delà des questions strictement pénales.

Un partenariat a été établi avec le Comité international de la Croix-Rouge afin de promouvoir la formation des policiers aux droits de l’homme, ce dont ont profité 1 030 policiers. En 2006, le partenariat a été renouvelé en vue d’intégrer la question de l’enseignement transversal des droits de l’homme dans les programmes d’enseignement des unités fédérées. En 2006, le premier Congrès interaméricain sur l’éducation aux droits de l’homme s’est tenu avec la participation de policiers, de représentants d’ONG, de professionnels du domaine des droits de l’homme et de représentants d’universités.

Des normes quantitatives et qualitatives ont été établies pour la répartition des ressources entre les secrétariats à la sécurité publique des États. Il est important de souligner que les normes qualitatives comprennent l’application concrète par les États des politiques de contrôle externe des activités de la police, les investissements dans la formation continue, l’autonomie des corregedorias ainsi que les politiques publiques qui promeuvent l’adoption des principes de respect des droits de l’homme et un rôle de premier plan pour la police dans ces questions.

Une rubrique spéciale a été incluse pour le crime de torture dans la classification des événements du Système national de statistiques de la sécurité publique et de la justice pénale.

Il convient aussi de souligner que la Politique nationale de police de proximité a été lancée en 2005, avec la tenue du premier Congrès latino-américains sur la sécurité des citoyens. Des professionnels et des spécialistes ont débattu avec un public de plus de 500 personnes sur le thème de la police de proximité en Amérique latine. Des représentants de plus de dix pays d’Amérique latine et des Caraïbes (Costa Rica, Nicaragua, Guatemala, Honduras, Mexique, Pérou, République dominicaine, Argentine, Chili, Paraguay, Uruguay, Venezuela et Colombie) y ont participé, exposant leurs expériences en matière d’introduction d’une police de proximité. Cet événement a marqué le lancement d’une enquête sur les expériences nationales afin de soutenir l’élaboration d’une Matrice nationale des programmes de police de proximité, alignée sur les matrices des programmes nationaux de formation des professionnels de la sécurité publique des États, ainsi que des professionnels des gardes municipales. Une autre activité stratégique a été l’organisation en 2005 du Concours des polices de proximité, dont l’objectif était la reconnaissance de la réussite des programmes de police de proximité mis en œuvre dans toutes les unités de la Fédération et la diffusion des expériences réussies.

Le 26 avril 2006, un groupe de travail a été constitué au sein du SENASP-MJ, en vertu d’un arrêté ministériel, avec pour mission d’élaborer la « Matrice nationale des programmes de formation de la police de proximité », dont l’objectif premier est de présenter des propositions pour la description des matières à inclure dans le programme du Cours de police de proximité pour les multiplicateurs qui guidera la formation des professionnels dans le domaine de la sécurité publique, en conformité avec la philosophie de la police de proximité et de la mobilisation sociale des leaderships communautaires. 421 professionnels de la sécurité publique de tout le Brésil ont été formés, dont des agents de la police militaire et de la police civile, des dirigeants communautaires et des inspecteurs des gardes municipales.

Pour ce qui est du moyen terme, le gouvernement investit dans un partenariat entre le Secrétariat spécial aux droits de l’homme et le SENASP-MJ, un investissement qui se monte à ce jour à 6,6 millions de reais, pour renforcer les ouvidorias de la police existantes et aussi pour créer de telles ouvidorias dans les États où il n’y en pas encore, en particulier dans les États de Sergipe, Amapá et Paraíba, par voie d’accord, et dans les États de Rondônia, Acre, Mato Grosso do Sul et Tocantins. Il convient de souligner que le modèle adopté pour les ouvidorias de la police, approuvé par le Forum national des ouvidores de la police, non seulement assure le suivi des dénonciations de pratiques ou d’actes arbitraires ou illégaux de la part des policiers, mais vise aussi à promouvoir l’action préventive, envisageant des investissements dans les qualifications et dans le contrôle par l’État avant que ne se produisent des faits de cette nature.

Enfin, en ce qui concerne le long terme, le gouvernement investit dans la formation continue de tous les professionnels de la sécurité publique des États (police civile et militaire) et des municipalités (gardes municipales) - gardiens de prison, médecins, experts et policiers – à travers les projets de Matrice nationale des programmes d’éducation des policiers, de Réseau national de la sécurité publique et de Réseau d’éducation à distance pour la sécurité publique.

La Matrice nationale des programmes de formation est une référence nationale pour la formation des agents de la sécurité publique, fondée sur les principes des droits de l’homme et de la citoyenneté, l’intégration, l’interdisciplinarité, la continuité et la qualité, visant à normaliser les activités de formation à la sécurité publique centrées sur la formation humaniste et technique dans toutes les unités de la Fédération. La mise en œuvre de cette référence pédagogique pour les professionnels de la sécurité publique a entraîné des changements importants concernant la formulation des politiques qui guident la formation, le perfectionnement professionnel et l’éducation permanente de ces professionnels.

Le Réseau national de spécialisation en sécurité publique est constitué d’établissements publics et privés d’enseignement supérieur, dûment accrédités par le SENASP-MJ pour promouvoir les cours de spécialisation (au sens large) en sécurité publique afin de diffuser parmi les professionnels de la sécurité publique, et par conséquent parmi les institutions où ils travaillent, les connaissances et les capacités d’appréciation nécessaires pour construire une nouvelle façon de mettre en œuvre la sécurité publique, par un engagement en faveur de la citoyenneté, des droits de l’homme et de la construction de la paix sociale, et articulé avec le progrès scientifique et les connaissances accumulées.

Le Réseau d’éducation à distance pour la sécurité publique est un environnement d’enseignement-apprentissage qui vise à informer, former, mettre à niveau et spécialiser, gratuitement, les agents de la sécurité publique au Brésil – agents civils, fédéraux, policiers de la route et militaires, pompiers et gardes municipaux – en utilisant l’Internet.

Il y a aussi des programmes qui ciblent spécifiquement les membres du pouvoir judiciaire et du Ministère public, avec pour objectif d’améliorer les performances de ces professionnels en matière de lutte contre la torture. En décembre 2005, lors d’un séminaire sur la « construction d’une politique nationale de lutte contre la torture », un manuel destiné aux magistrats et aux membres du Ministère public a été lancé, contenant une description des devoirs et responsabilités des juges et des procureurs afin de prévenir et d’enquêter sur les actes de torture et autres formes de mauvais traitements. Le manuel offre aussi des indications tirées des meilleures pratiques sur les moyens de lutter contre la torture au niveau procédural, sur les instruments juridiques en vigueur et sur la jurisprudence nationale et internationale. A ce séminaire, le thème de « la lutte contre la torture dans la formation des magistrats et des procureurs » a été débattu.

Concernant l’épisode de Rio de Janeiro, le gouvernement brésilien rappelle les observations qu’il a formulées dans la section relative aux observations générales sur la visite du Comité.

« 186. Les membres du Comité ont aussi noté qu’en pratique, beaucoup de détenus qu’ils ont rencontrés ne bénéficiaient pas de l’assistance judiciaire gratuite bien qu’ils n’aient pas les moyens de recourir aux services d’un avocat. Il n’y a pas de bureau du défenseur public dans une grande partie du pays et il semble que lorsqu’il existe, il n’a pas les ressources nécessaires pour remplir ses fonctions. Par exemple, l’État de São Paulo n’a toujours pas de bureau du défenseur public. Au moment de la visite, le Bureau du défenseur public de Rio de Janeiro était en grève pour diverses raisons, dont le manque de personnel, la précarité des conditions de travail et la faiblesse des rémunérations (un défenseur public percevrait un tiers de la rémunération d’un juge ou d’un procureur). »

La Constitution fédérale garantit le droit à une assistance judiciaire complète et gratuite à ceux qui font la preuve de l’insuffisance de leurs ressources. Les bureaux du défenseur public de l’Union, des États et du District fédéral doivent fournir cette assistance. Pour élargir la portée des services du Défenseur public, améliorer leur structure et accroître le nombre de leurs membres, le gouvernement fédéral a adopté des mesures importantes au cours des quatre années écoulées. Un des changements majeurs dus à la Réforme constitutionnelle du pouvoir judiciaire a été l’octroi de l’autonomie administrative, financière et budgétaire aux bureaux du défenseur public. Les effets pratiques de cette autonomie ont été évalués dans le 2e Diagnostic des services des défenseurs publics, lancé par le Ministère de la justice en décembre 2006. Des progrès notables ont été accomplis dans tous les bureaux du défenseur public, avec une augmentation des dépenses publiques, un accroissement du nombre des cours de circuit et des sections judiciaires assistées, un accroissement du nombre des examens publics pour devenir défenseur public et une augmentation concomitante du nombre de défenseurs publics. En 2004, trois États n’avaient pas de bureau du défenseur public. Après l’adoption de l’Amendement constitutionnel 45/2004, deux de ces États ont établi leur bureau du défenseur public (São Paulo et Rio Grande do Norte) et le seul État qui en reste dépourvu est Santa Caterina. Les États de Paraná et de Goiás ont des services d’aide judiciaire mais ils ne sont pas organisés sous la forme de bureaux du défenseur public. Au sein du Bureau du défenseur public de l’Union, 169 postes de défenseur public ont été créés et pourvus.

Dans les États où la question continue à dépendre de la réglementation et où il n’existe pas encore de bureau du défenseur public, la défense de ceux qui sont dans le besoin est assurée par des avocats de l’assistance judiciaire ou des organismes similaires, ou par des avocats désignés par le juge pour remplir cette fonction.

Des lois importantes ont été adoptées au niveau infra-constitutionnel, en particulier l’habilitation explicite des bureaux du défenseur public à engager des actions en justice collectives pour défendre leurs clients et la modification du Code de procédure pénale pour obliger l’autorité de police à communiquer immédiatement au juge, à la famille de l’intéressé (ou à la personne qu’il a désignée) et au Défenseur public toute arrestation en flagrant délit dans les cas où la personne arrêtée n’a pas d’avocat.

« 187. Les membres du Comité ont aussi observé que des initiatives spécifiques ont été prises au niveau des États et au niveau fédéral pour combattre la pratique de la torture, telles que la « Campagne nationale permanente de lutte contre la torture et l’impunité » lancée par le gouvernement fédéral et la société civile mais malheureusement arrêtée en 2003. La campagne a été critiquée par de nombreuses ONG pour son inefficacité. »

Tenant compte des limites et des insuffisances détectées durant la Campagne nationale permanente de lutte contre la torture et les violences institutionnelles, le gouvernement brésilien a élaboré et met en œuvre dans huit États pilotes (AC, AL, PB, PE, RS, DF, ES et PI) le plan d’action intégré contre la torture.

Les principes directeurs du plan d’action contre la torture sont les suivants: actions visant à rendre plus difficile la pratique de la torture, à accroître le risque d’être puni et à rejeter les prétextes pour la pratiquer; adoption de mesures visant à renforcer la victime, à éviter ou atténuer les frictions dans les confrontations et les relations, à permettre une vigilance efficace (personnelle et environnementale) et à faire en sorte que l’auteur de l’infraction risque moins de la commettre; mise en place d’actions intégrées, coordonnant les initiatives prises dans les différents corps de police, bureaux du procureur, bureaux du défenseur public, organismes judiciaires, prisons, centres de détention, pénitenciers, unités d’internement des adolescents et société civile.

Dans ce contexte, le plan a produit un profond changement dans les stratégies précédemment en vigueur en adoptant une approche intersectorielle, intégrée et systémique en vue d’opérer dans la gestion et l’organisation, les procédures professionnelles, les pratiques, les attitudes, les normes et les valeurs, des changements qui permettent de développer et de consolider une culture de l’intégrité au sein des institutions. L’intention est de renforcer les tendances des agents publics à résister aux tentations d’abuser de leurs pouvoirs et de leur force et à ne pas tolérer les abus associés à leur travail et à leurs fonctions. En ce sens, la déclaration d’adhésion que doivent signer les institutions publiques et privées dans les lieux où le plan est mis en œuvre requiert l’engagement de créer un Comité intersectoriel de l’État pour suivre l’exécution du plan au niveau local.

Le plan prévoit une action préventive visant à ce que les agresseurs rendent des comptes et à recevoir, aider, protéger et indemniser les victimes. Les mesures répressives suivantes ont été prévues:

Une déclaration des hautes autorités contre la torture, disant clairement qu’il n’y a pas place pour cette pratique dans la structure politique de l’institution. L’engagement d’adopter des mesures efficaces en vue de la répression de la torture. La coordination avec les gouvernements des États et le gouvernement fédéral en vue de la signature d’un document répudiant la torture et contenant l’engagement de l’éliminer. Une large publicité dans les médias. Porter attention aux événements susceptibles de susciter des déclarations de représentants de la sécurité publique et à ce qui peut les inciter à faire de telles déclarations, en particulier lorsque la presse publie des informations sur la torture;

Lier le financement fédéral des moyens pénaux et de police à l’existence de structures et de programmes visant à garantir le respect des droits des détenus;

Créer et diffuser une bibliothèque de base de documents, études, recherches et manuels nationaux et internationaux concernant l’intégrité des institutions du Système de justice pénale, une attention particulière étant accordée à la prévention et à la lutte contre la torture;

Développer les études, les recherches et les manuels concernant l’intégrité des institutions du Système de justice pénale, une attention particulière étant accordée à la prévention et à la lutte contre la torture;

Elaborer un module sur les droits de l’homme et la torture destiné à être appliqué dans les écoles de formation des policiers et des agents pénitentiaires. Recruter des spécialistes pour créer des matériels didactiques sur la question. Etablir des cours de formation à l’intention des instructeurs des policiers et des agents pénitentiaires. Evaluer l’impact du module sur les élèves, en association avec les écoles de formation susmentionnées;

Créer une banque de données des bonnes pratiques en matière de prévention et de lutte contre la torture. Faire largement connaître cette intention afin de collecter des données et de les afficher sur l’Internet;

Créer un numéro d’appel « Droits de l’homme », en s’appuyant sur les progrès obtenus par SOS Torture et en corrigeant ses défauts, en analysant à cet effet l’expérience du numéro d’appel « Exploitation sexuelle » et des systèmes similaires de réception et de traitement des dénonciations et des plaintes concernant les institutions des systèmes de justice pénale existant dans d’autres pays;

(h) Classifier les données et informations existantes relatives à la structure et aux opérations des institutions du Système de justice pénale et les entrer dans des banques de données;

Offrir des conditions et des incitations aux organismes responsables du suivi des lieux de privation de liberté pour qu’ils se conforment à la loi. Les juges et les procureurs ont compétence pour procéder à des inspections mensuelles. Pour les autres organismes (Conseil pénitentiaire, Conseil national de la politique pénale et pénitentiaire, Conseil des communautés, Département pénitentiaire national pour l’exécution des peines et Conseils de tutelle, pour les établissements d’internement des adolescents), il n’y pas de calendrier établi. En tout cas, il est essentiel pour la promotion de l’intégrité dans le Système de justice pénale et pour la prévention de la torture que les inspections puissent avoir lieu aussi souvent que possible, sans notification préalable, avec l’assurance que les visiteurs puissent avoir accès aux détenus et que les contacts soient confidentiels;

Créer, pour les membres des entités responsables du suivi de l’application des peines dans les pénitenciers, un programme ouvert de formation à l’application de mesures socioéducatives dans les unités d’internement des adolescents et au traitement des personnes dans les autres lieux de privation de liberté, conformément aux directives contenues dans le Protocole facultatif. La formation doit aussi permettre aux agents de mener des inspections plus efficaces, conformément aux critères internationaux pour la protection et la promotion des droits de l’homme et la prévention de la torture;

Encourager et promouvoir la qualification du personnel pour la création de Conseils des communautés, comme prévu dans la Loi sur l’application des peines;

Elargir, améliorer, professionnaliser et favoriser à tous les niveaux la pratique de l’assistance judiciaire gratuite aux personnes privées de liberté. Ces mesures garantissent les droits des individus de suivre les enquêtes et les procédures et empêchent la torture.

Les actions suivantes ont été prévues pour que les agresseurs soient contraints de rendre des comptes:

Création de corregedorias spécifiques pour le Système de police et le Système pénitentiaire;

Création d’ouvidorias indépendantes dans les deux systèmes pour recevoir les dénonciations de torture et suivre les enquêtes. Il est possible de collecter les lois existantes sur la question – par exemple celle qui a créé l’ouvidoria de la police de São Paulo – et d’élaborer un projet de loi qui puisse être adopté dans les différents États ou voté par le Congrès national. Coordination avec les gouvernements des États et le gouvernement fédéral pour soumettre le projet aux organes législatifs;

Création de groupes spécialisés de procureurs pour combattre la torture, en leur faisant prendre conscience qu’au moment de la dénonciation, l’incident doit être recevoir la qualification pénale de torture. Inclure la question dans les réunions du Collège national des procureurs généraux. Organiser des expériences nationales et formuler des propositions à faire soumettre par les bureaux du procureur au niveau des États et au niveau fédéral ainsi que dans le District fédéral;

(d) Sensibiliser les bureaux du procureur au besoin d’inverser la charge de la preuve dans les cas d’allégations de torture. Lorsque des accusations de torture ou d’autres formes de mauvais traitements sont formulées par un défendeur lors d’un procès, la charge de la preuve devrait être transférée au ministère public de façon qu’il prouve que l’aveu n’a pas été obtenu par des moyen illicites, dont la torture ou les mauvais traitements;

Adoption de mesures destinées à accélérer les enquêtes sur les signalements de torture et de mauvais traitements et à obtenir la révocation des agents en cause;

Former les professionnels de la santé qui travaillent dans le système pénitentiaire à consigner les incidents et à adopter des procédures juridiques appropriées dans les cas de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus. Lancement, le 2 décembre 2005, du Protocole brésilien des examens d’experts, qui contient entre autres les recommandations principales du « Code international d’éthique » du Protocole d’Istanbul pour les médecins légistes;

Sensibiliser le Conseil fédéral de la médecine à la nécessité que les médecins communiquent aux autorités compétentes la pratique du crime de torture, en soulignant le caractère d’infraction pénale illustré par l’article 66, II, du décret-loi 3688-41.

Enfin, les actions suivantes visant à héberger, aider, protéger et indemniser les victimes sont envisagées:

Développer les capacités techniques et scientifiques des Instituts de médecine légale (IML) ou Instituts de criminalistique en leur conférant l’autonomie budgétaire, administrative et opérationnelle vis-à-vis des départements de police;

Elargir la coopération avec les organismes dépendant des universités publiques pour procéder à des examens du corps du délit ;

Rationaliser la réalisation des examens du corps du délit lors de l’entrée en prison du détenu ou de sa sortie de prison, en prévoyant un calendrier de disponibilité des médecins professionnels;

Développer et améliorer les services d’hébergement, d’assistance et de protection des victimes;

Adopter des mesures visant à indemniser les préjudices causés aux victimes du fait des abus de pouvoir et de l’emploi excessif de la force par des agents publics.

« 188. L’extrême précarité des conditions dans les lieux de détention observée partout pendant toute la visite a été jugée profondément préoccupante par les membres du Comité. Il y a une menace constante d’émeutes violentes dans les centres de détention, avec le risque que ces incidents prennent de l’ampleur, conséquence directe des mauvaises conditions. Le surpeuplement est endémique et la plupart des centres visités n’avaient pas d’installations adéquates. De plus, les membres du Comité ont observé que les centres de détention n’ont pas de programmes visant à faciliter la réinsertion des détenus dans la société. Un fort pourcentage de détenus n’a pas accès à l’éducation ou à aucune activité professionnelle. Cette situation affecte particulièrement les personnes aux faibles revenus appartenant à des groupes défavorisés. Leur détention prolongée réduit leurs possibilités de réintégration sociale, aggravant leur marginalisation et les exposant au risque de retomber dans la délinquance. »

Le gouvernement brésilien s’efforce d’allouer des ressources pour accélérer le rééquipement des établissements pénitentiaires des États – accords pour l’achat de détecteurs de métaux, matériels à rayons X, véhicules pour le transport des détenus, ordinateurs, matériel médical et clinique, etc. – à côté des achats directs en faveur des États. Il y a donc une meilleure utilisation des ressources, résultant de projets intégrés, avec des équipements de pointe et des résultats immédiats dans les systèmes locaux. Rien qu’en 2006, environ 75,5 millions de reais ont été investis dans le rééquipement des établissements pénitentiaires; il faut insister sur l’allocation de 45 millions de reais à l’État de São Paulo et l’achat de 62 véhicules pour le transport des détenus dans 11 États.

De plus, des investissements importants ont été consentis pour gagner de l’espace dans le système pénitentiaire. En 2006, quelque 170,1 millions de reais ont été consacrés aux politiques de financement des États pour créer 7 720 nouvelles places dans les systèmes pénitentiaires des États. Il convient de mentionner en particulier la création de 6 992 nouvelles places résultant d’accords conclus précédemment dont l’exécution a été poursuivie en 2006. Il y a aussi eu un investissement de 12,3 millions de reais dans la réforme des établissements pénitentiaires des États.

En ce qui concerne son action multisectorielle, le Ministère de la justice conclut des accords de coopération technique et des protocoles d’intention avec d’autres ministères en vue d’établir des politiques publiques intégrées pour le système pénitentiaire. Le Plan national de santé dans le système pénitentiaire a été poursuivi en 2006, en partenariat avec le Ministère de la santé. Il y a 140 équipes enregistrées dans dix États pour les soins de santé de base aux détenus.

La Loi interministérielle (Portaria) 1.777, du 9 septembre 2003, a institué le Plan national de santé dans le système pénitentiaire (PNSSP). Ce plan vise à permettre à la population carcérale d’accéder au Système unifié de santé (SUS) par des actions et des services de soins de santé de base dans les unités pénitentiaires et l’utilisation des niveaux suivants de soins de santé. Des actions de promotion de la santé et de soins de base doivent être menées dans les unités pénitentiaires concernant la santé bucco-dentaire, la santé des femmes, les maladies sexuellement transmissibles et le sida, la santé mentale, l’hépatite, la tuberculose, l’hypertension, le diabète et la lèpre, outre l’assistance pharmaceutique de base, les vaccinations et les examens de laboratoire.

Un mécanisme de financement et d’évaluation permanente du travail effectué par l’équipe dans ces espaces a été mis en place. Il convient de souligner que la participation des États au PNSSP doit être demandée par les unités fédérées elles-mêmes. Pour empêcher qu’il ne soit pas donné suite aux intentions de participer, le Ministère de la santé a établi des normes pour l’adhésion au titre de Portaria 1.777.

Une autre initiative notable est le Protocole d’intention conclu avec le Ministère de l’éducation. Depuis 2005, les ministères de la justice et de l’éducation travaillent en tandem pour établir ensemble une politique publique visant à enseigner à la population carcérale à lire et à écrire et à améliorer son niveau d’instruction en général. Cette action s’étend à ceux qui sortent de prison, aussi dans le cadre de la politique d’éducation des jeunes et des adultes. Cette entreprise conjointe a généré la résolution 23/2005 du « Programme brésilien de lecture et d’écriture », faisant de la population carcérale une des cibles prioritaires du plus grand programme d’alphabétisation jamais mené dans le pays.

Ce partenariat interministériel est lié à une action politique pour le rachat de la période d’emprisonnement par l’éducation. Des démarches sont en cours au Congrès national pour obtenir l’approbation du projet de loi qui contiendrait une telle disposition dans la Loi sur l’exécution des peines.

« 189. Les membres du Comité ont noté que le gouvernement brésilien a tenté de réduire le surpeuplement en construisant des centres de détention supplémentaires qui eux-mêmes sont devenus surpeuplés en peu de temps. Il est très urgent de trouver d’autres solutions. Le surpeuplement cause aux détenus des dommages physiques et psychologiques irréparables. Tant que ce problème ne sera pas résolu, l’État pourra être accusé de tolérer une situation inhumaine dans de nombreux centres de détention. »

Comme indiqué dans les commentaires sur les paragraphes 183 et 188, le gouvernement brésilien investit dans des actions visant à encourager l’application de peines de limitation des droits et à remplacer les peines privatives de liberté, et investit aussi dans la construction de nouvelles unités dans le système pénitentiaire.

« 190. Le nombre de surveillants qui gardent les détenus est extrêmement faible. Les membres du Comité ont observé que le manque de personnel avait un effet négatif non seulement sur la sécurité et le respect des droits des détenus, mais aussi sur la sécurité et le moral des gardiens. Ils ont aussi constaté un manque de travailleurs sociaux, de psychologues et autres personnels. De plus, le personnel ne reçoit pas une formation suffisante concernant les droits de tous les détenus et leur obligation de respecter ces droits. »

Le gouvernement brésilien est résolu à bâtir une politique solide de formation, de qualification et de valorisation des agents des systèmes pénitentiaires des États, en vue d’améliorer les services d’application des peines dans le pays. En 2006, un examen public a été organisé pour recruter des agents pénitentiaires fédéraux. Ces agents seront chargés de prendre soin, de garder, d’aider et de guider les détenus des prisons fédérales.

En dehors des cours de formation et de l’organisation du Registre national des spécialistes de la connaissance et de l’enseignement des questions d’application des peines, le Ministère de la justice a encouragé la création d’écoles de la fonction pénitentiaire dans tout le pays. En 2006, l’installation d’écoles dans cinq États à bénéficié de financements, portant à dix-neuf le nombre total de ces écoles dans les vingt-sept États du pays. Il faut rappeler qu’avant 2005 il n’y avait que cinq établissements de ce genre au Brésil.

A travers son Département pénitentiaire national, le Ministère de la justice se préoccupe aussi de la professionnalisation des agents de la sécurité dans le domaine des droits de l’homme, au moyen des projets suivants: « Etablissement de l’Observatoire des droits de l’homme », « Les droits de l’homme occupent la scène », « Théâtre des opprimés dans les prisons ». Pris ensemble, tous ces projets visent à impartir des connaissances sur la question aux agents de la sécurité, aux directeurs d’unités pénitentiaires et même aux détenus.

Dans ce but, le Bureau de l’amélioration de la gestion des établissements pénitentiaires (EMPG) a été établi par l’arrêté ministériel (Portaria) 67, du 29 novembre 2005, qui vise à donner une formation sur les méthodes pratiques et théoriques de promotion et de défense des droits de l’homme dans les établissements pénitentiaires déjà adoptées au niveau international.

« 191. Il continue d’y avoir des prisons dans les postes de police. Bien que l’initiative tendant à décharger les postes de police de la fonction de détention ait été partiellement mise en œuvre, comme il a été observé à la Delegacia de Polícia Participativa du 9 e  district de São Paulo et à la Delegacia Legal du 5 e district de Rio de Janeiro, il y a encore un grand nombre de postes de police où se trouvent toujours des détenus. Les membres du Comité recommandent instamment que toutes les prisons des postes de police soient immédiatement supprimées. »

Chaque année, le gouvernement fédéral alloue des ressources financières aux secrétariats à la sécurité publique et à la défense sociale en vue d’investir dans la formation et la valorisation professionnelles, dans la prévention et la réduction de la violence, dans la gestion des connaissances, dans la réorganisation institutionnelle, dans la structuration de l’expertise et du contrôle externe et dans la participation sociale. Dans le cadre de ces objectifs, les États peuvent aussi recevoir des fonds pour la construction d’unités fonctionnelles (postes de police, écoles de police, etc.). Les projets architecturaux de construction ou de rénovation de postes de police qui prévoient la construction de cellules pour les détenus ne sont pas acceptés. Il ne faut pas oublier que la Constitution fédérale confère l’autonomie aux unités fédérées. Le gouvernement fédéral agit pour susciter des politiques publiques dans le domaine de la sécurité, établissant des normes de récompense pour les États qui se conforment aux orientations données. Nous soulignons que les États de Rio Grande do Sul et de Ceará, ainsi que le District fédéral, ne gardent pas de détenus dans les postes de police.

Concernant les postes de police mentionnés dans ce paragraphe – la Delegacia de Polícia Participativadu 9e district de São Paulo et la Delegacia Legal du 5e district de Rio de Janeiro – le gouvernement brésilien précise que ces postes de police ne gardent plus de détenus. Ceux-ci ont été transférés dans des établissements de détention ou des centres de détention provisoire dans les États concernés.

« 192. Les membres du Comité considèrent que les nouveaux régimes disciplinaires (RDD/RDE) risquent de conduire à des violations des droits de l’homme des détenus auxquels sont appliqués ces régimes, en particulier lorsqu’ils sont détenus au secret pendant de longues périodes. Ils regrettent de ne pas avoir pu visiter de centres de RDD/RDE en raison de leur éloignement des capitales des États. A ce propos, les membres du Comité sont préoccupés par le fait que l’éloignement géographique de ces centres par rapport aux lieux où habitent les familles de la plupart des détenus empêche les visites des membres de la famille. »

La politique de sécurité publique du gouvernement fédérale relative aux pénitenciers cherche à résoudre par de multiples actions les graves problèmes du surpeuplement, des mutineries et de la récidive. Comme il a déjà été mentionné, un des objectifs est d’élargir l’application des peines de substitution et de plusieurs mesures de précaution différentes de la détention provisoire. L’incarcération devrait être appliquée aux crimes les plus graves.

Les prisons fédérales spéciales de sécurité maximale, prévues depuis 1984 dans la Loi sur l’exécution des peines, sont aujourd’hui en construction (deux ont déjà été ouvertes et deux autres sont en construction).

Il est bien connu qu’entre autres causes, les mutineries dans les prisons sont déclenchées par des groupes organisés de criminels qui maintiennent la structure hiérarchique de leurs bandes dans les prisons. Les pénitenciers fédéraux détiendront les criminels à haut risque, qui risquent de compromettre la sécurité de l’établissement ou d’être les cibles de tentatives d’assassinat dans la prison même. Le but du gouvernement est d’isoler davantage les patrons du crime organisé et en même temps de réduire la tension dans le système pénitentiaire des États. N’ayant plus à faire face aux mutineries généralement provoquées par les individus les plus dangereux, les autorités locales pourront accorder plus d’attention à la réadaptation de la population carcérale et à la réinsertion des détenus une fois purgée leur peine.

Toutefois, les prisons fédérales ne sont pas conçues pour que les détenus y purgent l’intégralité de leur peine. Ce n’est que durant une certaine période (deux ans au maximum) et sur justification que les détenus à haut risque sont gardés dans les prisons fédérales.

En conséquence, les régimes disciplinaires différenciés ne peuvent être appliqués qu’en cas d’extrême nécessité, afin de maintenir l’ordre public, toujours pendant une durée limitée. Seul un juge peut décider de les appliquer, après avoir entendu l’avis du procureur public et permis au défendeur d’exercer tout son droit à la défense. La construction de ces établissements dans des lieux éloignés est due dans une large mesure aux difficultés rencontrées pour trouver des sites en raison de la résistance constante des communautés.

C’est pourquoi, si l’on prend en considération le caractère exceptionnel de ces régimes, il n’y a pas de raison de soulever la question de la violation des droits de l’homme. Le gouvernement brésilien n’a aucun intérêt à élargir l’application des régimes différenciés, qui requièrent des opérations complexes et sont coûteux; toutefois, dans certaines circonstances concrètes, ces régimes se sont révélés constituer la meilleure solution pour contenir les situations graves dans les prisons.

Bien que ce ne soit pas une situation idéale, lorsqu’on est confronté à des conditions extrêmes, par exemple des risques pour les vies humaines, il faut réfléchir aux valeurs en présence et en sacrifier quelque peu certaines pour que les autres puissent prévaloir. Il est donc nécessaire d’appliquer un régime plus strict à certaines personnes pendant un certain temps de façon à les empêcher de continuer à échafauder des projets criminels de l’intérieur des prisons, à provoquer des mutineries, à causer des morts et des dommages physiques, comme il arrive habituellement lorsque des mesures plus strictes ne sont pas en place.

Il faut aussi souligner qu’il n’y a pas de but punitif dans l’isolement auquel le détenu peut être astreint, et encore moins l’objectif d’infliger de mauvais traitements. Comme il a été dit, ces mesures sont exceptionnelles et leur finalité est de protéger des valeurs individuelles primordiales, principalement le droit à la vie. De plus, les pénitenciers fédéraux où ces régimes sont ordinairement appliqués sont dotés d’excellentes structures, conformes aux normes internationales applicables aux personnes privées de liberté. Il est aussi fondamental de souligner que la législation relative au RDD garantit le droit des détenus à deux heures par semaine de visite de deux personnes, sans compter les enfants, à deux heures par jour en plein air et ce sans préjudice de leurs droits de contacter leur avocat.

« 193. Les membres du Comité ont reçu des ONG de nombreuses allégations concernant des violences dans les centres de détention psychiatriques. Toutefois, les membres du Comité n’ont pas visité ces centres car ils ne disposaient pas de l’expertise médicale nécessaire pour les évaluer et ils ne peuvent donc pas formuler de conclusions fondées sur leurs propres observations. »

Le gouvernement s’abstient de commenter ce paragraphe étant donné que le Comité n’a pas vérifié le bien-fondé de ces allégations.

« 194. En général, les instituts médico-légaux et leurs médecins dépendent financièrement des autorités de police. En conséquence, la plupart des États n’ont pas d’institut médico ‑légal indépendant. Si l’on considère que la plupart des allégations de torture et de mauvais traitements visent des policiers, ce manque d’indépendance peut sérieusement compromettre un examen médico-légal diligent et prompt donnant des résultats exacts. De plus, il a été indiqué à maintes reprises que tous les instituts médico-légaux ne disposent pas de ressources financières, techniques et humaines suffisantes pour bien s’acquitter de leurs fonctions. »

Outre les investissements déjà réalisés ou prévus dans la formation des professionnels de la sécurité publique, le gouvernement brésilien a constitué au Ministère de la justice un groupe de travail chargé d’élaborer un plan de modernisation de la police civile au Brésil. Ce groupe est composé de représentants de la police civile des États et a proposé de réorganiser les méthodes procédurales et de redéfinir les doctrines afin de parvenir à une harmonisation au niveau national. Dans cette perspective, l’autonomie des instituts médico-légaux est en discussion, à la fois avec les professionnels de la médecine légale et avec les syndicats.

De plus, des investissements ont été réalisés en vue d’établir des laboratoires régionaux d’analyse de l’ADN, d’appliquer la microscopie électronique à la balistique légale, d’établir un Centre national d’entomologie médico-légale et d’assurer des formations à la génétique légale, à la phonétique légale et à la toxicologie légale, et d’apporter une assistance technique aux États pour qu’ils mettent en place des structures dans le domaine de l’expertise.

Il convient de noter que des projets de loi sont actuellement examinés par les deux organes législatifs en vue d’accorder l’autonomie et l’indépendance fonctionnelle aux instituts médico‑légaux et à d’autres organismes spécialisés. Il faut signaler en particulier le projet de loi N° 3.653/1997, qui répond aux recommandations du Comité, comme on peut le constater à la lecture de la section suivante du rapport du Comité de la sécurité publique et de la lutte contre le crime organisé:

« Le présent projet de loi traite des examens officiels pratiqués par des experts et dispose que ces examens seront pratiqués par des experts qui font partie du personnel permanent d’un organisme spécialisé divisé en départements techniques dont les postes sont pourvus par concours public, les candidats devant être titulaires d’un diplôme spécifique.

Il définit comme experts officiels les experts en criminalistique et les experts en médecine légale, qui seraient soumis à un régime de travail spécial eu égard à la nature de leurs fonctions spécifiques et des lieux où ces fonctions doivent être exercées, conformément à la loi.

Cet organisme jouirait de l’autonomie scientifique et fonctionnelle, il ne pourrait être subordonné à un organisme de police et les carrières respectives seraient considérées comme propres aux fonctions de l’État.

L’auteur du projet de loi justifie la proposition en rappelant que l’examen pratiqué par un expert est indispensable à toute enquête sur des actes illicites, tâche qui exige l’impartialité et l’encouragement à l’exactitude du travail. Les recommandations formulées par des organisations nationales et internationales en faveur de l’autonomie des examens pratiqués par les experts sont mentionnées.  »

« 195. En pratique, l’examen médico-légal des détenus n’est réalisé que sur la demande de la police ou d’une autorité judicaire, juge ou procureur. Cela réduit la possibilité qu’une victime éventuelle de torture sera soumise à un examen médical. Dans bien des cas, les examens médicaux sont superficiels ou effectués longtemps après l’agression, lorsque les signes externes de cet acte ont déjà disparu. Beaucoup de médecins n’ont pas reçu de formation professionnelle à la médecine légale et sont incapables d’identifier les lésions caractéristiques des mauvais traitements ou de la torture. »

En 2003, un important investissement a été fait dans la production qualifiée des preuves (voir la réponse au paragraphe 194). La Coordination de l’expertise est en train de préparer un cours spécifique à l’intention des experts en criminalistique, en vue d’identifier les tortures et mauvais traitements physiques, conformément à une demande émanant du Forum national des ouvidores de la police.

De plus, le gouvernement brésilien annonce un important progrès dans ce domaine. En mai 2007, le Conseil fédéral de la médecine publiera une résolution qui ajoute de nouveaux points au rapport établi par les experts sur le corps du délit. Conformément au Protocole d’Istanbul, ces points sont formulés en vue d’identifier dans le rapport d’expertise les traces de torture, permettant ainsi aux experts de vérifier l’occurrence spécifique de ce crime.

Jusqu’alors, dans les rapports d’expertise, les cas dans lesquels des indications de torture sont détectées ont été identifiés comme des lésions corporelles, ce qui produit une distorsion des faits et risque de compromettre l’enquête pénale. Il est escompté que ce changement résoudra ce problème. Il est en outre précisé que les experts médicaux sont formés à répondre correctement et adéquatement aux nouveaux points.

« 196. Á la lumière de ces considérations, le Comité fait les recommandations suivantes:

a) Les plaintes concernant des actes de torture imputables à des agents publics devraient faire l’objet d’enquêtes promptes, complètes et impartiales et les auteurs des infractions devraient être poursuivis en vertu de la Loi sur la torture de 1977 et dûment sanctionnés; »

On constate un accroissement notable du nombre d’enquêtes et de procédures judicaires engagées contre des policiers accusés de crimes de torture, en vertu de la Loi contre la torture. Le gouvernement brésilien est convaincu que cet accroissement sera essentiel pour décourager cette pratique, en raison de l’effet de démonstration déjà visible alors que les policiers impliqués sont sanctionnés.

« b) Les ministères publics des États devraient avoir le pouvoir d’engager et de mener des enquêtes sur toutes les allégations de torture et se voir accorder les ressources financières et humaines nécessaires pour s’acquitter de cette responsabilité; »

Sur ce point, voir les commentaires relatifs au paragraphe 180. Il faut ajouter qu’en principe l’application de cette recommandation peut dépendre de modifications de la législation du pays, à savoir un amendement constitutionnel, étant donné que la Constitution fédérale confie à la police judiciaire et à la police fédérale les enquêtes sur les infractions pénales et au Procureur public le contrôle externe des forces de police. Toutefois, la question n’est pas réglée et une décision de la Cour suprême fédérale est attendue.

« c) Il faudrait assurer une application effective de la garantie constitutionnelle de fédéralisation des crimes contre les droits de l’homme, qui permet au Procureur général fédéral de demander le transfert de certaines violations des droits de l’homme (dont la torture) des juridictions des États aux juridictions fédérales; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 182 du rapport.

«  d) Les agents accusés devraient être suspendus de leurs fonctions en attendant l’issue de toute enquête sur les actes de torture et mauvais traitements allégués et de toute procédure judiciaire ou disciplinaire subséquente; »

Par l’intermédiaire du SENASP, le gouvernement fédéral recommande déjà, compte tenu de l’autonomie et de l’indépendance des unités fédérées, que les professionnels impliqués dans des situations où il y a des allégations de torture et de mauvais traitements, ainsi que d’homicide involontaire, soient suspendus de leurs activités ordinaires.

« e)Les autorités judiciaires devraient être encouragées à imposer des peines de substitution à la détention comme prévu par la loi. L’imposition de longues périodes de détention ou d’emprisonnement pour des infractions relativement mineures devrait être évitée, de même que l’imposition du régime de détention fermé; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 183 du rapport.

« f) La charge de la preuve devrait incomber à l’accusation dans les cas où il est allégué que les aveux ont été obtenus par la torture; »

Au Brésil, le système des preuves est un système de libre conviction motivée ou de persuasion rationnelle. Pour sa part, la jurisprudence a établi l’idée que la décision judiciaire doit être fondée sur les preuves produites conformément au principe du contradictoire. C’est pourquoi les enquêtes de police, dont les preuves ne sont pas produites conformément à ce principe, sont très utiles pour la formation de l’opinio delicti, et en conséquence pour le déclenchement de l’action judiciaire, mais elles ne sont pas suffisantes pour servir de fondement à la décision du tribunal. Le projet de loi N° 4.202/2001, qui reformule les procédures ordinaire et simplifiée prévues dans le Code de procédure pénale brésilien, dispose que le verdict de culpabilité ne peut être exclusivement fondé sur les preuves produites durant la phase d’enquête, confirmant ainsi une position déjà affirmée par la jurisprudence.

En conséquence, un aveu obtenu au poste de police, en toutes circonstances, n’a qu’une valeur relative en tant que preuve. Dans les cas où le défendeur allègue avoir été torturé, il appartient au Ministère public d’agir pour enquêter sur l’allégation, y compris en vue de sanctionner les responsables.

« g) Seuls les déclarations ou les aveux faits en présence d’un juge devraient être recevables en tant qu’éléments de preuve dans les procédures pénales; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs aux paragraphes 181 et 196 du rapport.

« h) Afin de garantir l’impartialité des enquêtes et de protéger les droits de toutes les personnes privées de liberté, l’État partie devrait envisager la création de la fonction de juge d’instruction; »

Le gouvernement brésilien apprécierait des clarifications supplémentaires du Comité sur la compatibilité entre cette recommandation et celle du point « b » relative à la reconnaissance des pouvoirs d’enquête du Procureur public dans les cas d’allégations de torture. Les deux recommandations paraissent contradictoires quand elles suggèrent d’attribuer à des autorités différentes le pouvoir de conduire et de diriger les enquêtes. De plus, sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 181.

Toujours à propos de la question des « juges d’instruction », le gouvernement brésilien note que leur compatibilité avec le respect des droits de l’homme pourrait être controversée même dans les mécanismes internationaux de protection. Il se réfère en particulier à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la régularité de la procédure et l’impartialité des juges, dans le cadre de l’interprétation et de l’application de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne. La Cour de Strasbourg a déjà déclaré que cette impartialité « se définit d’abord par l’absence de préjugé ou de parti pris » et qu’ « elle peut (…) s’apprécier de diverses manières. On peut distinguer sous ce rapport entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle circonstance, et une démarche objective amenant à rechercher s’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime. ». En ce sens, le développement de la « théorie des apparences » est remarquable, et sa validité transcende ce système régional de protection des droits de l’homme. Selon la CEDH, certaines apparences, même si elles ne correspondent pas à la réalité, peuvent susciter chez des sujets demandant justice un doute légitime quant à l’indépendance et l’impartialité du juge. « Justice must not only be done, but be seen to be done” [il ne suffit pas que la justice soit rendue, mais il faut aussi qu’elle apparaisse comme ayant été rendue] comme le dit la maxime anglaise, ce qui montre l’importance des apparences face à la sensibilité exacerbée du public concernant l’administration régulière de la justice. Pour le Brésil, la confusion des rôles entre l’autorité qui enquête sur les faits, parvenant à déterminer un suspect/défendeur, et l’autorité qui juge, à la manière d’un système inquisitoire, compromettrait gravement l’indépendance et l’impartialité de la justice au lieu de garantir les droits et une enquête impartiale.

« i) En cas d’allégations de violations des droits de l’homme imputées à la police militaire et dont les victimes sont des civils, les enquêtes et les poursuites devraient être menées par les tribunaux pénaux ordinaires, à tous les stades de la procédure pénale, et non par des tribunaux militaires; »

Selon la jurisprudence de la Cour suprême fédérale, étant donné que le crime de torture n’est pas prévu dans la législation pénale militaire, il doit être jugé par la justice ordinaire (celle des États, dans la majorité des cas, et la justice fédérale dans les cas prévus par la Constitution fédérale). Le même raisonnement vaut pour les cas d’abus de pouvoir ou tous autres cas non prévus dans le Code pénal militaire. La compétence de la justice militaire se limite aux crimes commis par un soldat dans l’exercice de ses fonctions.

De plus, depuis l’entrée en vigueur de la Loi 9.299/96, les crimes intentionnels contre la vie commis par un militaire contre des civils, même dans l’exercice de ses fonctions, relèvent désormais de la compétence de la justice ordinaire. La même loi a abrogé la disposition du Code pénal militaire qui attribuait à la justice militaire compétence pour juger les crimes commis par un soldat en permission à l’aide d’une arme appartenant à son unité.

Le plus important précédent judiciaire est reproduit ci-après:

« Le crime de torture, lorsqu’il est commis contre un enfant ou un adolescent, constitue une infraction autonome dont le pronostic typique a pour fondement juridique l’article 233 de la Loi N° 8069/90. Il s’agit d’une prescription normative contenant une pénalité ouverte qui peut être intégrée par le magistrat, vu que le crime de torture (du fait qu’il admet de multiples formes d’exécution) est caractérisé par des souffrances qui exacerbent, par la dimension physique, morale ou psychique de leurs effets, la douleur de la victime par des actes d’une cruauté inutile, abusive et inacceptable. En définissant le crime de torture contre un enfant ou un adolescent, la norme de l’article 233 de la Loi N° 8069/90 est entièrement fidèle au principe constitutionnel de spécificité des infractions pénales (art. 5, XXXIX de la Constitution fédérale). La simple référence normative à la torture contenue dans la description spécifique de l’article 233 du Statut de l’enfant et de l’adolescent montre un univers conceptuel imprégné des notions avec lesquelles le sens commun et les sentiments de décence des gens identifient les comportements dégradants qui dans la pratique suscitent le geste sinistre d’atteinte à la dignité de la personne humaine. La torture signifie la négation arbitraire des droits de l’homme car elle reflète (en tant que pratique illégitime, immorale et abusive) une tentative inacceptable de l’État qui tend à étouffer et même annihiler la dignité, l’autonomie et la liberté qui ont été conférées à titre inaliénable à l’individu par l’ordre positif. En définissant le crime de torture contre les enfants et les adolescents, le Brésil a démontré sa fidélité aux engagements pris dans l’ordre international, en particulier ceux qui découlent de la Convention relative aux droits de l’enfant (1990), de la Convention contre la torture adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies (1984), de la Convention interaméricaine contre la torture adoptée à Cartagena (1985) et de la Convention américaine relative aux droits de l’homme (Pacte de San José de Costa Rica, formulé dans le cadre de l’OEA (1969)). De plus, en donnant une définition spécifique à cette modalité d’infraction pénale, le législateur brésilien a effectivement appliqué le texte de la Constitution fédérale qui impose à la puissance publique l’obligation de protéger les mineurs contre toutes les formes de violence, de cruauté et d’oppression (art. 227, caput, in fine). Un policier qui, sous prétexte de réprimer la criminalité au nom de l’État, inflige, par une pratique professionnelle illicite, des lésions corporelles à un mineur éventuellement placé sous son pouvoir de coercition, usant de ce moyen d’exécution pour intimider sa victime et la contraindre à avouer une infraction donnée, pratique sans équivoque le crime de torture, tel qu’il est défini à l’article 233 du Statut de l’enfant et de l’adolescent, s’exposant ainsi, de par son comportement arbitraire, à toutes les conséquences juridiques découlant de la Loi N° 8072/90 (art. 2°), dont le fondement est l’article 5, XLIII de la Constitution fédérale. Le crime de torture contre un enfant ou un adolescent, dont la pratique englobe le crime de lésions corporelles légères, relève de la compétence de la justice ordinaire de l’État membre, vu que cette infraction pénale, qui n’a d’équivalent spécifique dans aucun des comportements visés par le Code pénal militaire, se situe hors du domaine de compétence de la justice militaire des États. » (Cour suprême fédérale plénière – Habeas corpus N° 70.389-5-São Paulo – 23 juillet 1994 v.u. rel. Décision (Acórdão) Mins. Celso de Mello, dans B.AASP, 1881/13, -j. 11 janvier 1995).

« j) Toutes les victimes de torture devraient être indemnisées. L’État partie devrait veiller à ce que des fonds suffisants soient alloués pour effectuer les paiements appropriés. Le système existant de mise en œuvre des décisions de justice qui accordent une indemnité de l’État aux victimes de torture devrait être réformé dans les meilleurs délais de façon que ces personnes puissent recevoir les indemnités auxquelles elles ont droit; »

L’ordre juridique brésilien assure, également en vertu d’une disposition expresse de la Constitution, une réparation morale et matérielle à toute personne qui subit un dommage causé par l’État par l’intermédiaire de ses agents. Il s’agit d’une responsabilité objective, qui ne dépend pas de la vérification de la culpabilité. La condamnation pénale sert aussi de mandat d’exécution pour l’action civile d’indemnisation.

« k) L’État partie devrait mener des campagnes de sensibilisation s’adressant à tous les secteurs de la société sur la question de la torture et des mauvais traitements et sur les conditions régnant dans les centres de détention; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 187 du rapport.

« l) Le droit à un avocat doit être garanti à tous les stades de la détention, c’est-à-dire à partir de la garde à vue. Un service du défenseur public ( Defensoria Pública) aux ressources adéquates, doté de pouvoirs appropriés pour enquêter et introduire les actions en justice nécessaires, devrait exister dans tous les États de la Fédération afin d’assurer la représentation en justice tous les suspects d’infractions pénales. Les défenseurs publics devraient être rémunérés adéquatement et recevoir une formation appropriée pour bien s’acquitter de leurs tâches; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 186 du rapport.

« m) Un organe indépendant, disposant de ressources adéquates pour s’acquitter de ses fonctions, devrait enquêter sur les allégations de comportements illicites de la police; »

Les ouvidorias de la police, qui exercent le contrôle externe sur l’institution qui a le monopole de l’emploi de la force et peut restreindre les libertés individuelles les plus précieuses, doivent avoir la confiance absolue de la société. D’où la reconnaissance par le gouvernement fédéral de la nécessité de leur totale indépendance et absence d’engagements vis-à-vis des secrétariats ou des gouvernements, de façon que l’ordre démocratique légal et les pouvoirs et obligations de l’État d’assurer la sécurité publique puissent coexister.

C’est pourquoi le gouvernement brésilien, en coopération bilatérale avec l’Union européenne, met en œuvre un Programme de soutien institutionnel aux ouvidorias de la police et à la police de proximité, et héberge le Forum national des ouvidores de la police, auquel ne peuvent participer que ceux qui n’ont pas ou n’ont pas eu de lien avec la police. Il y a onze États brésiliens représentés au Forum et le nombre des ouvidores nommés par les gouverneurs des États sur une liste de trois noms fournis par le Conseil de l’État pour les droits de l’homme augmente (SP, MG, MT et RN).

Pour ce qui est de l’autonomie budgétaire, indispensable au développement indépendant des activités des ouvidorias, l’activité de l’ ouvidoria de Polícia de l’État de Paraíba servira de norme pour le Brésil. Le projet de loi de l’État portant création de cette ouvidorias, actuellement examiné par l’Assemblée législative de l’État, envisage aussi une autonomie administrative et fonctionnelle. L’ouvidor doit être un représentant de la société civile engagé dans la défense des droits de l’homme, vu que la proposition des noms suit le modèle susmentionné. Le projet de loi garantit aussi à l’ouvidoria son propre siège, distinct des locaux du Secrétariat à la sécurité publique, et lui donne compétence pour exiger la production de documents de tout organisme de l’État.

La création de cette ouvidoria, qui peut déjà être considérée comme un modèle, est sans nul doute le résultat de l’attention soutenue que l’État brésilien porte à la question du contrôle des forces de police.

Pour ce qui est du contrôle interne assuré par les corregedorias de la police, il est vrai que les progrès sont plus lents, mais ils sont réels: dans l’État de Ceará, il y a un corregedor général et six corregedores, tous nommés par le gouverneur de l’État et non par le Secrétaire à la sécurité publique, et placés sous la supervision du Ministère public, qui intervient dans toutes les procédures engagées.

Cette compétence additionnelle du Ministère public facilite en fin de compte l’exercice d’une de ses tâches, à savoir le contrôle des forces de police, car c’est l’institution la mieux placée pour faire ce travail en raison de sa structure fonctionnelle particulière, qui n’est subordonnée à aucun des trois pouvoirs, ce qui lui confère indépendance et autorité pour exercer la fonction de contrôle.

« n) L’État partie devrait enquêter sur les allégations relatives aux cellules de castigo; »

Le gouvernement brésilien s’est déjà préoccupé d’enquêter sur les celas de castigo (cellules de punition). Il y a deux organismes pour remplir cette fonction, dont l’activité à l’intérieur des prisons est essentielle pour empêcher que ces cellules continuent d’exister.

Un de ces organismes est l’ouvidoria du Système pénitentiaire national (DEPEN), qui est dotée d’un service institutionnel de courrier électronique (ouvidoria@depen.mj.gov.br) permettant à tout citoyen d’acheminer sa communication. Généralement, les messages reçus ont trait à des demandes de renseignements sur l’état des procédures de grâce, ou les dénonciations de mauvais traitements et les demandes de transfert. Il est répondu à tous les messages, qui sont archivés.

En 2006, l’ouvidoria a effectué trente visites d’inspection dans des établissements pénitentiaires de dix États, dont certaines conjointement avec le Conseil national de la politique pénale et pénitentiaire ou avec le Secrétariat spécial aux droits de l’homme. Les informations recueillies ont permis de rédiger des rapports envoyés au Conseil national de la politique pénale et pénitentiaire et à d’autres organismes chargés de l’exécution des peines dans leurs États respectifs.

Le Conseil national de la politique pénale et pénitentiaire a compétence pour inspecter et contrôler les établissements pénitentiaires et peut proposer des mesures en vue de les améliorer. Il peut aussi demander à la justice ou à l’autorité administrative d’engager une enquête ou une procédure administrative en cas de violation des normes relatives à l’exécution des peines.

« o) L’État partie devrait veiller à ce que les ouvidorias de la police disposent de ressources humaines et financières suffisantes pour accomplir leurs tâches en toute indépendance; »

Un des piliers de l’action du gouvernement fédéral en matière de sécurité est l’établissement d’ouvidorias autonomes et indépendantes par l’intermédiaire du SENAPS-MJ, conformément aux orientations du Forum national des ouvidores de la police, en tant que moyen de garantir les conditions permettant aux activités des ouvidores de se développer. De plus, le gouvernement fédéral a, par l’intermédiaire du Secrétariat spécial aux droits de l’homme, conclu un accord de coopération technique avec l’Union européenne en vue de renforcer les ouvidorias de la police.

« p) Tous les organes des États et fédéraux chargés d’enquêter sur les comportements illicites de la police devraient établir des statistiques ventilées par âge, sexe et race sur le nombre de plaintes pour torture reçues et d’enquêtes menées. Ces statistiques devraient figurer dans un document public qui serait soumis au Parlement chaque année; »

La compilation des données aux fins de l’établissement d’indicateurs statistiques sur les violences policières est un facteur fondamental pour le contrôle des forces de police. Ces indicateurs sont utiles pour faire connaître le travail des organismes de contrôle mais aussi pour bien formuler et appliquer les politiques de sécurité publique. Les données des ouvidorias de la police seront systématisées et mises à disposition cette année dans une banque de données se trouvant au Secrétariat spécial aux droits de l’homme.

Ce système permettra de standardiser les modalités de travail et les catégories utilisées pour classifier les dénonciations, les procédures et les résultats obtenus. Il possédera des données sur l’âge, le sexe et la couleur, de façon à permettre de mener des recherches sur ces bases. Enfin, il représentera un énorme progrès qualitatif en comparaison avec le rapport annuel des ouvidorias de la police actuellement publié, notamment parce qu’il distinguera la torture des emplois abusifs de la force dans les interventions de la police, aspect qui dans la majorité des cas figure sous la rubrique « violences policières ».

Il est également important de comparer ces données à d’autres indicateurs. En fait, le nombre de dénonciations et les crimes auxquels elles se rapportent dépendent de variables telles que la conscience qu’a la population de l’existence d’organismes de contrôle, le degré de confiance dont ils jouissent et la publicité qui leur est donnée dans la presse. A ce propos, le gouvernement brésilien investit dans le développement méthodologique de la recherche sur la victimisation et la létalité policière.

De plus, le Ministère de la justice, par l’intermédiaire de son Département pénitentiaire national, a mis en place le Système d’information pénitentiaire – Infopen, qui sert d’instrument pour l’intégration des organismes d’administration pénitentiaire de tout le Brésil, avec pour objectif de permettre une action coordonnée des agents en matière de proposition de politiques publiques.

Le système comprend deux composantes: Infopen Statistiques et Infopen Gestion. La première est un logiciel à la disposition de toutes les unités fédérées moyennant un accord en vertu duquel elles deviennent responsables de l’alimentation mensuelle du système. Le logiciel est composé d’indicateurs statistiques qui permettent de créer des banques de données sur les établissements pénitentiaires et les populations carcérales. La deuxième est un nouveau logiciel composé de plusieurs modules qui traitent de tous les aspects de l’administration d’un établissement pénitentiaire, du suivi de l’exécution des peines et de l’extraction de données individuelles et collectives. Ce programme rassemble toutes les applications du système, relie les données individuelles sur la population carcérale à entrer automatiquement dans les indicateurs statistiques, outre le contrôle en temps réel des procédures et modalités administratives des établissements pénitentiaires.

« q) Les conditions matérielles dans les centres de détention doivent être améliorées sans délai, s’agissant d’une question de la plus grande urgence et de la plus haute importance. Il faut que l’État partie alloue des ressources financières suffisantes pour améliorer ces conditions de façon que tous les détenus soient traités avec humanité; »

Comme indiqué dans la réponse au paragraphe 188, le gouvernement fédéral investit dans le rééquipement des établissements pénitentiaires en allouant des ressources financières aux États de la Fédération, outre la construction de nouveaux centres de détention.

«  r) Il est aussi urgent d’améliorer les conditions matérielles dans les centres de détention pour mineurs. L’État partie devrait veiller à l’application du Statut de l’enfant et de l’adolescent et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une éducation et une formation professionnelle et fournir des moyens médicaux et des installations de loisirs pour faciliter la réintégration des enfants et des adolescents dans la société; »

Par l’intermédiaire du Sous-Secrétariat à la promotion des droits de l’enfant et de l’adolescent, organisme chargé de coordonner la politique de protection des enfants et des adolescents, le gouvernement brésilien a ces dernières années mis en place, dans le domaine de la protection des adolescents en conflit avec la loi, le Système national de services socio-éducatifs (SINASE). Ce système représente la politique nationale du gouvernement fédéral dans ce domaine, où il cherche à définir les compétences des unités fédérées et atteindre ainsi l’objectif de renforcement du système socio-éducatif. La mise en place du SINASE a été réalisée au moyen de partenariats avec les États, les municipalités, la société civile, le système judiciaire et les ministères qui s’occupent directement de ces problèmes.

S’agissant d’encourager la prise en charge des adolescents dans un réseau et conformément aux principes de spécialisation institutionnelle, de décentralisation, de municipalisation et d’intégration opérationnelle ente les organismes du système judiciaire, il faut espérer qu’un bond qualitatif important sera obtenu avec l’établissement d’un dialogue avec les gouvernements des États. Le gouvernement fédéral assume la responsabilité de la gestion du système de services socio-éducatifs des États, principalement en ce qui concerne la municipalisation des mesures socio-éducatives en milieu ouvert.

L’objectif premier du SINASE est donc de rassembler un ensemble ordonné de principes, de règles et de normes à observer dans le processus d’enquête sur les infractions, ainsi que dans l’exécution des mesures socio-éducatives, en standardisant les politiques de prise en charge socio-éducative dans le pays et en établissant des prescriptions que doivent respecter les unités fédérées.

Il institue aussi des règles normatives et explicatives relatives aux programmes et définit des critères s’adressant strictement aux organismes gouvernementaux et non gouvernementaux qui ont l’intention d’exécuter les mesures socio-éducatives, outre l’aide financière aux programmes en milieu ouvert et en milieu fermé, avec des exigences spécifiques pour chaque type de programmes.

Pour structurer le SINASE, il a été fait appel aux normes nationales et internationales (conventions, Constitution, Statut de l’enfant et de l’adolescent, résolutions du CONANDA et plans des gouvernements des États), ainsi qu’à diverses études, propositions et expériences qui ont mis en pratique le nouveau paradigme juridique.

Il faut ajouter à tout cela les efforts déployés durant cette période pour élaborer le projet de loi sur l’exécution des mesures socio-éducatives, actuellement examiné par le Congrès national. Ce projet de loi vise à combler les lacunes normatives grâce au SINASE, sous la coordination de l’Union avec la participation des États, du District fédéral et des municipalités.

«  s) Il faut résoudre le problème du surpeuplement des centres de détention en prenant d’urgence des mesures consistant par exemple à sensibiliser les organes judiciaires à la possibilité d’appliquer des peines de substitution; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 183 du rapport.

«  t) Les délinquants mineurs devraient être séparés en fonction de l’âge, de la constitution physique et de la gravité de l’infraction, comme le prévoient le Statut de l’enfant et de l’adolescent et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant; »

Dans les commentaires relatifs au paragraphe 196 (r) du rapport, des informations ont été données sur le SINASE, y compris l’ensemble de principes à respecter dans l’exécution des meures socio-éducatives à appliquer aux mineurs en conflit avec la loi. Parmi les directives, on peut trouver les paramètres architecturaux à observer dans les locaux d’internement des mineurs afin de rendre possible la séparation en fonction de l’âge, du sexe, de la gravité de l’infraction, de la phase de l’internement (initiale, intermédiaire ou finale) et de l’existence d’espaces permettant de mettre en œuvre adéquatement les activités socio-éducatives.

En mars de cette année, le Centre de prise en charge spécialisée des mineurs (CAJE) à Brasilia, centre de détention pour mineurs visité par le Comité, a demandé à participer au SINASE. L’initiative est venue de la direction du CAJE, qui a adopté des mesures socioéducatives conformes aux principes pédagogiques du SINASE pour les services individuels et interdisciplinaires.

La séparation des mineurs en fonction de leurs spécificités et de leur développement est donc un élément de la politique nationale pour les mineurs en conflit avec la loi et est mise en œuvre avec pour point de départ l’introduction des mesures proposées par le SINASE.

Le Centre de prise en charge socio-éducative des adolescents (Fondation Casa) répartit les adolescents par âge et par infraction et dispose d’unités pour les mineurs ayant commis une première infraction de gravité moyenne, pour les récidivistes (deuxième et troisième infraction) et pour ceux qui ont commis des infractions graves (quatre catégories: « primaires-moyens », « primaires-graves », « récidivistes moyens » et « récidivistes graves »). Les mineurs sont aussi séparés en fonction du lieu de résidence des parents.

« u) Il ne faudrait pas utiliser les postes de police pour accueillir les détenus avant jugement et les détenus purgeant une peine au-delà du délai de 24 heures prescrit par la loi; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 191 du rapport. Il convient d’ajouter que le gouvernement fédéral évaluera, par l’intermédiaire du SENASP-MJ, la possibilité d’inclure ce point dans les normes qualitatives de répartition des ressources financières entre les États. Actuellement, les projets de construction ou de rénovation de postes de police contenant des prisons ne sont pas acceptés.

«  v) Il faudrait séparer les détenus selon qu’ils attendent d’être jugés ou ont déjà été condamnés, selon qu’ils ont été condamnés à un emprisonnement en régime ouvert, semi-ouvert ou fermé, ainsi qu’en fonction de la gravité de l’infraction; »

Comme il a déjà été observé, des mesures concrètes ont été prises pour résoudre de problème, par exemple les mesures incitatives prises par le gouvernement fédéral pour mettre hors service les prisons publiques et les importants investissements dans le Système pénitentiaire fédéral avec pour objectif de séparer les individus considérés comme à haut risque.

« w) L’État partie devrait dégager des fonds adéquats pour recruter suffisamment de personnel pénitentiaire. De plus, tous les personnels de la force publique, dont les policiers et les gardiens de prison, devraient recevoir une formation relative aux droits des suspects et des détenus et à leur obligation de respecter ces droits, y compris les dispositions de la Convention et des autres instruments internationaux applicables; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 190 du rapport.

« x) L’État partie devrait revoir les régimes disciplinaires des détenus (RDD/RDE) en vigueur. Il est rappelé à l’État partie que l’isolement prolongé peut être assimilé à la torture; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 192 du rapport.

« y) Un système adéquat permettant à tous les détenus d’obtenir des réductions de peine par le travail, sans distinction ni discrimination, devrait être mis en place dans tous les centres pénitentiaires; »

Sur cette question, voir les commentaires relatifs au paragraphe 188 du rapport.

« z) Dans tous les cas où une personne formule des allégations de torture, les autorités compétentes devraient veiller à ce qu’un examen médical soit pratiqué conformément au Protocole d’Istanbul – Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les médecins devraient être formés à identifier les lésions qui sont caractéristiques de la torture ou des mauvais traitements conformément au Protocole d’Istanbul. Les examens médico-légaux des détenus devraient être pratiqués systématiquement et ne pas dépendre d’une demande de la police; »

Le gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du SENASP-MJ, est résolu à élaborer un cours de formation de professionnels de l’expertise pénale afin de procéder à des examens médicaux en cas d’allégations de torture ou de châtiments cruels, inhumains et dégradants.

« aa) L’indépendance technique et scientifique des médecins légistes dans l’exécution de leurs fonctions devrait être garantie, notamment en les plaçant sous l’autorité de la justice ou d’une autre autorité indépendante et en les séparant de toutes les structures policières; »

Le projet de loi N° 3.653/1997 est actuellement examiné par la Chambre des députés, après avoir été débattu et obtenu le consensus des organismes spécialisés de tout le pays; ce projet de loi propose l’autonomie de ces institutions au niveau des États. Il devrait être mis aux voix par l’assemblée législative fédérale.

«  bb) L’État partie est encouragé à ratifier le Protocole facultatif à la Convention, ce qui permettrait l’établissement d’un mécanisme national de protection ayant le pouvoir de visiter périodiquement les lieux de détention; »

Durant sa visite au Brésil, la délégation du Comité a pu constater les efforts déployés par le gouvernement brésilien, les membres du Congrès et la société civile pour faire ratifier par le Brésil le Protocole facultatif à la Convention contre la torture, alors examiné par le Congrès national. Celui-ci, par le Décret législatif N° 483, du 20 décembre 2006, a approuvé le texte du Protocole comme l’exige la Constitution brésilienne. Après cette approbation, le Brésil a fait parvenir son instrument de ratification du Protocole au Secrétaire général de l’ONU, à New York, le 11 janvier 2007.

En conséquence, le Protocole facultatif est déjà en vigueur pour ce qui est du Brésil, pays qui a participé de façon intensive et constructive à sa négociation. Le gouvernement brésilien est actuellement engagé dans des consultations internes entre les services gouvernementaux concernés et dans un dialogue avec les organisations de la société civile en vue d’assurer le respect du Protocole, en particulier l’identification et la réglementation des mécanismes nationaux de prévention, en tenant spécialement compte de la situation de privation de liberté ainsi que des dimensions et du caractère fédéral du pays.

Il faut faire observer qu’il existe déjà au niveau fédéral et dans certains États des lois comportant des dispositions qui permettent des visites inopinées de représentants des organismes publics et de la société civile en vue de décourager et de réprimer la pratique de la torture et des autres formes de mauvais traitements – Ministère public, Défenseurs publics, Conseils pénitentiaires et communautaires, Conseils des droits de l’enfant et de l’adolescent et Conseils de tutelle, dans le cas des adolescents en conflit avec la loi, entre autres. Le Plan national déjà mentionné, lancé le 26 juin, prévoit aussi la mise en œuvre de mesures figurant dans le texte du Protocole.

Même avant de ratifier le Protocole, le gouvernement brésilien entretenait un dialogue utile avec les organisations de la société civile telles que l’Association pour la prévention de la torture, le Center for Justice and International Law (CEJIL) et la Commission Teotônio Vilela (CTV) pour échanger des idées sur la future mise en œuvre du Protocole dans le pays. A ce propos, des représentants du Secrétariat spécial aux droits de l’homme et du Ministère des relations extérieures ont participé au séminaire sur le thème « Le Protocole facultatif à la Convention contre la torture: application dans les États fédéraux ou décentralisés », organisé par les organisations susmentionnées du 22 au 24 juin 2005, juste avant la visite de la délégation du Comité. Depuis sa création, le Comité national contre la torture entretient un dialogue régulier avec plusieurs institutions publiques et organisations non gouvernementales sur l’application du Protocole.

«  cc) L’État partie est aussi encouragé à accepter le droit de présenter des communications individuelles au Comité, en faisant la déclaration envisagée à l’article 22 de la Convention. »

Le 27 juin 2006, Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, le Brésil a déposé la déclaration facultative prévue à l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, reconnaissant ainsi la compétence du Comité contre la torture pour recevoir et évaluer les dénonciations de violations des dispositions de la Convention. La réalisation de la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention a été rendue possible une fois acquise l’approbation préalable du Congrès national aux termes du décret législatif N° 57, du 17 avril 2006.

L’acceptation de la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications individuelles renforce la reconnaissance par le Brésil de la légitimité de la préoccupation internationale concernant les droits de l’homme et l’intérêt supérieur des victimes éventuelles, qui peuvent désormais compter sur un mécanisme supplémentaire de protection contre les éventuelles violations. La reconnaissance de cette compétence répond aussi aux recommandations de l’ancien Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, Sir Nigel Rodley, et du Comité lui-même, à la suite de l’examen du rapport initial du Brésil sur l’application de la Convention, en 2001.

Il est important de souligner qu’avant même que le Brésil ait fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention contre la torture, tout individu qui se considérait comme victime de torture ou de traitements cruels et inhumains imputables à l’État brésilien pouvait déjà compter sur des mécanismes internationaux de protection. Comme il a déjà été mentionné, le Brésil est partie à la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture depuis 1988. Depuis septembre 1992, le Brésil est aussi partie à la Convention américaine relative aux droits de l’homme, dont l’article 5.2 interdit la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La combinaison de ces deux instruments régionaux garantit à tout individu ou groupe le droit de porter son cas devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme en cas de violations alléguées relatives à la torture et aux autres peines et ou traitements proscrits. Dans le système régional, les victimes éventuelles peuvent en outre communiquer dans la langue nationale, le portugais, langue officielle de l’Organisation des États américains.

Depuis le 10 décembre 1998, date à laquelle le Brésil a reconnu la compétence contentieuse de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, les communications individuelles soumises à la Commission interaméricaine des droits de l’homme peuvent être portées devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

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