Observations finales concernant le huitième rapport périodique de l’Éthiopie *

Le Comité a examiné le huitième rapport périodique de l’Éthiopie (CEDAW/C/ETH/8) à ses 1665e et 1666e séances (voir CEDAW/C/SR.1665 et CEDAW/C/SR.1666), le 21 février 2018. La liste de points établie par le Comité figure dans CEDAW/C/ETH/Q/8 et les réponses de l’État partie, dans CEDAW/C/ETH/Q/8/Add.1.

A.Introduction

* Adoptées par le Comité à sa soixante-douzième session (18 février - 8 mars 2019).

Le Comité accueille avec satisfaction le huitième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité note qu’en raison de contraintes financières, la délégation de l’État partie n’a pas pu se rendre à Genève pour assister à l’examen du rapport et que, par conséquent, le dialogue a été mené par visioconférence. Il remercie l’État partie d’avoir composé une délégation de haut niveau, conduite par la Ministre des femmes et de l’enfance, Semegm Wube, et comprenant aussi des représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère des femmes et de l’enfance, du Bureau du Procureur général, du Ministère de l’éducation, du Ministère du travail et des affaires sociales, du Ministère de la santé et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme, ainsi que le Représentant permanent adjoint de l’Éthiopie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès réalisés depuis l’examen, en 2011, du rapport valant sixième à septième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/ETH/6‑7) dans la mise en œuvre de réformes législatives, dont on peut citer plus particulièrement les suivantes :

a)La loi no 1113/2019 du 5 février 2019 relative aux organisations de la société civile ;

b)La loi sur les réfugiés du 17 janvier 2019 ;

c)La loi no 1064/2017 sur les fonctionnaires de l’État fédéral, qui interdit le harcèlement sexuel ;

d)La loi no 1049/2017 sur la modification de l’enregistrement des faits d’état civil et la carte d’identité nationale, qui ouvre l’accès au système normalisé d’enregistrement des faits d’état civil aux réfugiés et autres non-nationaux ;

e)La loi no 923/2016 sur l’emploi à l’étranger, qui garantit les droits, la sécurité et la dignité des Éthiopiens qui prennent un emploi à l’étranger ;

f)La loi no 943/2016 sur la création du Bureau du Procureur général d’Éthiopie, qui prévoit des services juridiques gratuits pour les femmes qui n’en ont pas les moyens ;

g)La loi no 970/2016 portant modification de la loi sur l’administration financière du Gouvernement fédéral de l’Éthiopie, qui intègre les questions de genre dans l’élaboration des programmes budgétaires ;

h)La loi no 909/2015 relative à la prévention et à l’élimination de la traite des personnes et du trafic de migrants.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer ses structures institutionnelles et ses politiques en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption des textes suivants :

a)La stratégie nationale de promotion et d’autonomisation des femmes, en 2017 ;

b)Le plan d’action national éthiopien en faveur des droits de l’homme, qui porte sur la période 2016-2020 ;

c)La stratégie nationale pour la santé procréative, qui porte sur la période 2016-2020 ;

d)La stratégie nationale d’aide juridictionnelle gratuite ;

e)La politique nationale de protection sociale, en 2014 ;

f)La stratégie pour l’égalité des sexes dans le secteur de l’enseignement et de la formation, portant sur la période 2014/15 ;

g)La stratégie nationale et le plan d’action national contre les pratiques traditionnelles préjudiciables à l’égard des femmes et des enfants, en 2013 ;

h)La directive révisée no 2/2012 émise par la Cour suprême fédérale en 2012 relative à la fixation des peines ;

i)La politique de justice pénale, adoptée en 2011, qui prévoit une protection particulière pour les femmes et les enfants.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments internationaux suivants, ou d’y avoir adhéré, au cours de la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2014 ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2014 ;

c)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2012 ;

d)Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2012 ;

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l ’ appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l ’ État partie à réaliser l ’ égalité de jure (dans la loi) et de facto (réelle) des femmes et des hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Le Comité recommande à l ’ État partie de reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et d ’ adopter des politiques et stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre législatif

Le Comité note que la Constitution fait référence au principe de non‑discrimination et d’égalité des sexes et que, conformément à l’article 9.4 de la Constitution, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État partie ont été intégrés au droit éthiopien. Toutefois, les efforts déployés pour promouvoir l’égalité et lutter contre les multiples formes de discrimination à l’égard des femmes impliquent souvent des stratégies et des plans d’action qui ne s’appuient pas sur un cadre juridique spécifique. Le Comité est préoccupé car la législation, notamment le Code pénal de 2005, ne couvre pas toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et n’est pas appliquée comme il convient. Il s’inquiète également du fait que la politique de justice pénale de 2011 ne soit pas mise en œuvre comme il se doit.

Conformément aux articles 1 et 2 de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De revoir et de renforcer son cadre législatif pour que celui-ci couvre toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, et de veiller à ce qu ’ il soit appliqué, suivi et évalué efficacement ;

b) De mettre en œuvre la politique de justice pénale de 2011 sans délai ;

c) De réviser le Code pénal de 2005 afin d ’ y inclure toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes.

Accès à la justice

Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 943/2016, qui prévoit que le Bureau du Procureur général est chargé d’offrir des services juridiques gratuits aux femmes qui n’en ont pas les moyens. Cependant, certains éléments constituent des motifs de préoccupation pour le Comité : la stratégie nationale d’aide juridictionnelle gratuite élaborée en 2015 n’a pas encore été adoptée ; les femmes ne connaissent pas bien leurs droits en matière d’accès à l’aide juridictionnelle ; et les programmes de formation pour les juges sur les questions de genre et les droits des femmes ne sont pas suffisamment adaptés aux spécificités des tribunaux islamiques et coutumiers.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter la stratégie nationale d ’ aide juridictionnelle gratuite élaborée en 2015 en tenant compte des spécificités relatives à chaque procédure et de l ’ âge des femmes ;

b) De veiller à allouer un budget suffisant pour dispenser une aide juridictionnelle aux femmes et aux filles ;

c) De redoubler d ’ efforts pour promouvoir l ’ accès des femmes à la justice en les sensibilisant à leur droit à l ’ aide juridictionnelle ;

d) De dispenser des formations appropriées sur les droits des femmes et l ’ égalité des sexes qui soient spécifiquement adaptées aux besoins des tribunaux islamiques et coutumiers.

Mécanismes nationaux de promotion des femmes

Le Comité note que le ministère chargé de la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes a été restructuré de façon à mettre davantage l’accent sur les questions de genre et qu’un organe national de coordination de haut niveau, présidé par le Vice-Premier Ministre, a été créé pour garantir une participation équitable des femmes et des jeunes au développement de l’État partie. Le Comité est cependant préoccupé par le fait que ce ministère se heurte encore à des difficultés en ce qui concerne la coordination et la décentralisation de ses activités mais aussi parce que ses ressources et capacités demeurent limitées.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ETH/CO/6-7 , par.  17), la recommandation générale n o 6 (1988) sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces ainsi que les orientations fournies dans le Programme d ’ action de Beijing, notamment en ce qui concerne les conditions requises pour le fonctionnement effectif des mécanismes nationaux, le Comité engage l ’ État partie :

a) À renforcer les mécanismes nationaux en place à tous les niveaux en les dotant des ressources humaines, techniques et financières appropriées pour les rendre plus efficaces, notamment en coordonnant et en supervisant la préparation et l ’ application des mesures législatives et politiques dans le domaine de l ’ égalité des sexes ainsi qu ’ en intégrant les questions de genre dans toutes les lois et politiques, et à veiller à ce que ces mécanismes couvrent l ’ ensemble du territoire ;

b) À garantir une coordination et une collaboration efficaces dans la mise en œuvre de la Convention entre les différents partenaires impliqués dans la lutte contre la discrimination à l ’ égard des femmes dans l ’ État partie, notamment le Bureau du Procureur général et en particulier les procureurs à tous les niveaux, la Commission éthiopienne des droits de l ’ homme, les organisations de la société civile et les universités.

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 970/2016 portant modification de la loi sur l’administration financière du Gouvernement fédéral de l’Éthiopie, qui prend en compte les questions de genre dans l’élaboration des programmes budgétaires. Toutefois, il reste préoccupé par l’absence de données ventilées sur la mise en œuvre des mesures prévues par cette loi et sur les effets de cette dernière en matière d’élimination des discriminations à l’égard des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour mettre en œuvre efficacement la loi n o 970/2016 en vue d ’ accélérer la réalisation de l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes, tout en veillant à ce qu ’ une formation appropriée soit dispensée aux agents de l ’ État à cet égard. Il recommande également à l ’ État partie d ’ évaluer l ’ application et l ’ efficacité de la loi n o 970/2016 avec des données à l ’ appui.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité se félicite de la création de huit antennes de la Commission éthiopienne des droits de l’homme dans l’État partie, y compris de bureaux spécifiques pour les femmes et les enfants, et de l’ouverture de centres d’aide juridictionnelle par la Commission en collaboration avec les universités et la société civile. Il prend note du fait que l’État partie est actuellement en train de réviser la loi no 210/2000 sur la création de la Commission en vue de renforcer cette institution. Toutefois, le Comité s’inquiète du fait que la Commission ne soit ni indépendante, ni impartiale, et du fait qu’elle manque de ressources.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer le processus de révision de la loi n o 210/2000, afin que la Commission éthiopienne des droits de l ’ homme puisse s ’ acquitter efficacement de son mandat, de manière indépendante et en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), et afin qu ’ elle puisse disposer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour accomplir sa mission.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note que la Constitution prévoit l’adoption de mesures temporaires spéciales et que l’État partie a mis en place ces mesures dans la sphère politique et dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et du logement. Il est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de cadre réglementaire pour assurer la mise en œuvre systématique de mesures temporaires spéciales au sein du système électoral et il s’inquiète également de l’absence d’un système institutionnalisé destiné à promouvoir la représentation des femmes aux postes de décision. Il est préoccupé en outre par le fait que les mesures spéciales ne soient pas étendues à d’autres sphères où les femmes ne sont pas suffisamment représentées et par l’absence de processus de suivi et d’évaluation adéquats de la mise en place des mesures spéciales.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter un cadre réglementaire afin que les mesures temporaires spéciales soient mises en œuvre de manière efficace, harmonisée et obligatoire en vue de parvenir à l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes, en particulier dans la vie politique et publique, tout en veillant à mettre en place des mécanismes de contrôle afin de surveiller que les mesures soient bien respectées ;

b) De prévoir des programmes de renforcement des capacités concernant le caractère non discriminatoire et l ’ importance des mesures temporaires spéciales en vue de parvenir à l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines.

Stéréotypes sexistes et pratiques préjudiciables

Le Comité est préoccupé par le fait que la stratégie nationale et le plan d’action national contre les pratiques traditionnelles préjudiciables à l’égard des femmes et des enfants, adoptés en 2013 pour lutter contre les mutilations génitales féminines et les mariages et enlèvements d’enfants, ne soient toujours pas mis en œuvre efficacement ni suivis et évalués de manière appropriée, ainsi que par la non-application des sanctions plus lourdes prévues par le Code pénal de 2005 (arts. 561, 562, 567, 569 et 570) en cas de mutilations génitales féminines. Il s’inquiète également de la sous-déclaration des pratiques traditionnelles préjudiciables, notamment des cas de mariages d’enfants, de mutilations génitales féminines et d’enlèvements, et de la prévalence de ces deux premiers phénomènes. En outre, le Comité est préoccupé car la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes continue de se heurter à certains obstacles : la perpétuation des stéréotypes sexistes, la limitation du rôle des femmes dans la société et certaines valeurs, attitudes et traditions culturelles profondément enracinées, y compris des formes de discrimination croisées, notamment contre les personnes atteintes d’albinisme.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ETH/CO/6-7 , par.  19), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à l ’ application adéquate des sanctions alourdies punissant les mutilations génitales féminines, telles que prévues dans le Code pénal de 2005 (arts. 561, 562, 567, 569 et 570) ;

b) De mettre en œuvre efficacement la stratégie nationale et le plan d ’ action national contre les pratiques traditionnelles préjudiciables à l ’ égard des femmes et des enfants et d ’ en évaluer les effets afin d ’ identifier les lacunes et d ’ apporter des améliorations ;

c) D ’ adopter une stratégie globale et inclusive pour éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes au sein du foyer et de la société, et de suivre et d ’ évaluer régulièrement les mesures en place pour éliminer ces stéréotypes et les pratiques préjudiciables ;

d) D ’ élargir la portée des programmes de sensibilisation sur les stéréotypes discriminatoires destinés au grand public, en ciblant particulièrement les chefs religieux ;

e) D ’ intensifier la collaboration avec les médias afin de sensibiliser le public aux stéréotypes sexistes qui persistent à tous les niveaux de la société, en vue de les éliminer.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité prend note de l’adoption du plan stratégique de réponse intégrée et multisectorielle à la violence à l’égard des femmes et des enfants et pour la justice des enfants en Éthiopie et de la directive révisée no 2/2012 relative à la fixation des peines établie par la Cour suprême fédérale en 2012, qui fait obligation aux juges d’alourdir la peine minimale appliquée pour les infractions de violence fondée sur le genre et de violence sexuelle relevant du Code pénal. Il prend également note de la mise en place d’unités de protection de l’enfance au sein de la police et des bureaux de la justice, ainsi que de la création de tribunaux spécialisés dans la violence sexuelle et de centres polyvalents. Il prend note en outre de ce que des modules sur la violence à l’égard des femmes, le mariage d’enfants et les mutilations génitales féminines ont été intégrés dans l’enquête éthiopienne sur la démographie et la santé de 2016. Cependant, le Comité reste préoccupé par le fait qu’en dépit de ces mesures, les femmes continuent d’être victimes de violence fondée sur le genre, notamment de violence familiale, de viol conjugal et de nouvelles formes de violence telles que les agressions à l’acide et le viol collectif. Il est également préoccupé par les points suivants :

a)Il n’existe pas de loi d’ensemble exhaustive sur la violence fondée sur le genre, le viol conjugal n’a toujours pas été érigé en infraction et les circonstances atténuantes prévues à l’article 557 1) b) du Code pénal peuvent toujours être retenues dans les affaires de violence familiale ;

b)Le plan stratégique ne donne pas de résultats concrets et son efficacité n’a pas été évaluée ;

c)La directive révisée no 2/2012 n’a pas été mise en œuvre ;

d)La formation sur la violence fondée sur le genre dispensée aux magistrats, aux procureurs, aux policiers et aux autres agents de la force publique est insuffisante ;

e)Il n’existe pas de données ventilées sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre.

Le Comité recommande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une loi d ’ ensemble exhaustive sur la violence fondée sur le genre, qui vise toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, notamment les agressions à l ’ acide, la violence familiale, le viol, le viol conjugal, le viol collectif et les autres formes de violence sexuelle ;

b) De mettre en œuvre les précédentes recommandations du Comité ( CEDAW/C/ETH/CO/6-7 , par.  21 a)) tendant à ce que le Code pénal de 2005 soit modifié en vue d ’ alourdir les peines pour les mutilations génitales féminines prévues aux articles 561, 562, 567, 569 et 570, d ’ abroger l ’ article 563, d ’ ériger le viol conjugal en infraction et d ’ exclure l ’ applicabilité des circonstances atténuantes prévue à l ’ alinéa b) du paragraphe 1 de l ’ article 557 dans les cas de violence familiale ;

c) D ’ appliquer effectivement la directive révisée n o 2/2012 ;

d) D ’ accélérer et de renforcer la mise en œuvre du plan stratégique de réponse intégrée et multisectorielle à la violence à l ’ égard des femmes et des enfants et pour la justice des enfants en Éthiopie et de suivre et d ’ évaluer régulièrement les mesures appliquées ;

e) De dispenser plus avant aux membres de l ’ appareil judiciaire, aux procureurs, aux policiers et aux autres agents de la force publique des formations adéquates sur les droits des femmes et sur les procédures d ’ enquête et d ’ interrogatoire adaptées à la sensibilité des femmes qu ’ il convient de suivre dans les affaires de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre ;

f) De recueillir des données sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, ventilées par âge, appartenance ethnique, race, situation géographique et handicap, notamment sur le nombre de cas de violence à l ’ égard des femmes et le nombre de plaintes déposées, sur les sanctions imposées aux auteurs des faits, sur le nombre de femmes victimes de violence qui ont bénéficié d ’ une aide juridique et de services d ’ appui pertinents et sur le nombre de celles qui ont été indemnisées.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité est préoccupé par le fait que le projet de loi portant révision de la loi no 909/2015 relative à la prévention et à l’élimination de la traite des personnes et du trafic de migrants n’ait toujours pas été adopté. Il demeure aussi préoccupé par :

a)Le manque de données sur la traite des femmes et des filles et l’absence de données sur l’ampleur du problème de l’exploitation de la prostitution des femmes et des filles dans l’État partie ;

b)Le manque d’informations sur les programmes menés en faveur des femmes et des filles victimes de la traite et de l’exploitation de la prostitution ;

c)L’insuffisance des contrôles et des inspections, et la faible protection apportée aux femmes et aux filles éthiopiennes victimes de la traite à l’intérieur de l’État partie ;

d)L’insuffisance de la coopération régionale et internationale en matière de traite des femmes et des filles, ainsi que des programmes de formation et de sensibilisation à cette question.

Le Comité engage instamment l ’ État partie :

a) À adopter, à titre de priorité, le projet de loi portant révision de la loi n o 909/2015 relative à la prévention et à l ’ élimination de la traite des personnes et du trafic de migrants, conformément à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en en précisant l ’ application aux réfugiés et aux nationaux ;

b) À renforcer la protection des femmes et des filles qui ont été victimes de traite, notamment des citoyennes éthiopiennes et des réfugiées concernées, à leur donner un accès gratuit et immédiat à des foyers, des soins médicaux, des services de soutien psychosociaux, une assistance juridique et des services de réadaptation et de réinsertion spécialisés, et à mettre à disposition des ressources suffisantes afin d ’ offrir un appui inclusif et des services accessibles ;

c) À poursuivre son action de sensibilisation à la question de la traite des femmes et des filles, et à former les membres des forces de l ’ ordre et les agents chargés de la surveillance des frontières pour qu ’ ils puissent repérer de manière précoce les femmes et les filles qui sont victimes de traite, savoir comment les aiguiller vers les services appropriés et appliquer strictement les dispositions pertinentes du droit pénal, et à veiller à ce que les travailleurs sociaux et le personnel médical qui apportent un appui à ces victimes reçoivent également une formation ;

d) À renforcer la coopération bilatérale, régionale et internationale afin de prévenir la traite.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a pris des mesures pour accroître la représentation des femmes, notamment au sein du Parlement, et pour instaurer la parité des sexes au sein du Cabinet, notamment en élisant la première femme Présidente, ainsi qu’en nommant des femmes à la présidence de la Cour suprême fédérale et du Conseil électoral national. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que les femmes soient encore sous-représentées au sein des postes permanents de la fonction publique, aux postes de direction et dans les corps diplomatique et judiciaire.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De continuer à s ’ assurer que les mesures temporaires spéciales soient bien mises en œuvre, conformément à l ’ article 4 1) de la Convention, à la recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales et à la recommandation générale n o 23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique du Comité, et de renforcer l ’ application de ces mesures, en particulier dans la fonction publique, aux postes de direction et dans le corps diplomatique et judiciaire ;

b) De prendre des mesures spécifiques pour renforcer les capacités des femmes candidates et d ’ inciter les partis politiques à désigner un nombre égal d ’ hommes et de femmes comme candidats aux élections ;

c) D ’ améliorer la représentation des femmes au niveau international et aux postes diplomatiques ;

d) De mener des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des politiciens, des dirigeants communautaires et religieux, des médias et du grand public sur l ’ importance de la participation des femmes à la vie politique et de leur présence aux postes de décision.

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la nouvelle loi no 1113/2019 relative aux organisations de la société civile le 5 février 2019. Cependant, il est préoccupé par, notamment, les limites placées au champ d’activité des organisations non gouvernementales internationales et par certains obstacles administratifs créés par cette nouvelle loi.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les organisations de la société civile, ainsi que les défenseuses et les militantes des droits de l ’ homme, puissent librement exercer leurs activités en faveur de la protection des droits de l ’ homme des femmes.

Nationalité

Le Comité prend note des progrès accomplis par l’État partie dans la mise en place d’un système normalisé d’enregistrement des faits d’état civil, notamment de l’adoption de la loi no 760/2012 relative à l’enregistrement des faits d’état civil et à la carte nationale d’identité, qui prévoit l’enregistrement et la certification obligatoires, permanents et universels des faits d’état civil, et de la création, en vertu du règlement no 278/2013, du Service d’enregistrement des faits d’état civil. Le Comité est préoccupé par les difficultés qui se posent s’agissant d’assurer une couverture territoriale adéquate de ce système d’enregistrement, en particulier dans les régions reculées, et par les risques de falsification de documents d’état civil, laquelle peut avoir des conséquences sur les droits des femmes et des filles. Il s’inquiète également de ce que l’État partie n’ait pas encore ratifié la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) d ’ assurer une couverture territoriale adéquate du système d ’ enregistrement des faits d ’ état civil ;

b) de sécuriser le système d ’ enregistrement afin d ’ empêcher la falsification des documents d ’ état civil ;

c) d ’ envisager de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité prend acte du cinquième programme de développement du secteur de l’éducation, couvrant la période 2015/16 à 2019/20 et de la stratégie révisée pour l’égalité des sexes dans l’éducation, qui visent à éliminer les obstacles auxquels se heurtent les femmes dans ce secteur. Toutefois, il constate de nouveau avec préoccupation que :

a)L’enseignement primaire n’est toujours pas obligatoire, que le taux d’abandon scolaire est élevé chez les filles dès l’école primaire et que la proportion de filles qui achèvent leur scolarité est inférieure à celle des garçons ;

b)Les infrastructures scolaires ne sont pas suffisamment adaptées aux besoins des filles et qu’il n’existe pas suffisamment d’installations sanitaires propres et non mixtes ;

c)Le taux d’analphabétisme demeure élevé chez les femmes par rapport aux hommes ;

d)Les stéréotypes sexistes discriminatoires qui perpétuent la prépondérance masculine dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques persistent ;

e)Le harcèlement sexuel, la violence et la discrimination fondée sur le genre existent dans le milieu scolaire, et sont parfois le fait des autorités éducatives elles-mêmes.

Rappelant sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation et ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ETH/CO/6-7 , par.  31), le Comité recommande à l ’ État partie de promouvoir l ’ éducation des filles à tous les niveaux afin de favoriser leur autonomisation et :

a) De rendre l ’ enseignement primaire obligatoire et de faire en sorte qu ’ il soit ouvert à tous les enfants, et de réduire les coûts indirects de la scolarisation en vue de les éliminer ;

b) De redoubler d ’ efforts pour assurer la scolarisation, le maintien à l ’ école et l ’ achèvement des études des filles et des femmes à tous les niveaux de l ’ enseignement ;

c) De veiller à ce que chaque école soit équipée d ’ installations sanitaires adéquates et accessibles pour les filles afin d ’ éviter qu ’ elles n ’ abandonnent l ’ école ou en soient absentes en raison de difficultés liées à la gestion de l ’ hygiène menstruelle ;

d) De garantir un environnement scolaire sûr pour les filles et de renforcer les mécanismes de signalement et de la justice afin que les faits de violence ou de harcèlement sexuel commis contre des filles en milieu scolaire donnent lieu à des enquêtes et à des poursuites ;

e) D ’ intensifier les efforts visant à éradiquer l ’ analphabétisme en réduisant l ’ écart existant entre le taux d ’ analphabétisme des femmes et celui des hommes ;

f) De renforcer les mesures visant à éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires et les obstacles structurels à la scolarisation des filles dans des disciplines non traditionnelles comme les sciences, la technologie, l ’ ingénierie et les mathématiques, ainsi que dans le domaine du numérique, mais pas au détriment des arts et des sciences sociales.

Emploi

Le Comité prend note de la mise en application de la loi no 1064/2017 sur les fonctionnaires de l’État fédéral, qui interdit le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et garantit un congé de maternité de quatre mois. Le Comité prend note également de l’adoption de la politique nationale de protection sociale, en 2014, qui vise à promouvoir les droits socioéconomiques des femmes et la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales visant à encourager l’emploi des femmes. Il est néanmoins préoccupé par :

a)L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans le secteur privé et la proportion importante de femmes travaillant dans le secteur informel qui ne bénéficient d’aucune protection sociale ni de protection de leurs droits en tant que travailleuses ;

b)L’absence de protection adéquate des travailleuses domestiques, qui sont particulièrement vulnérables face aux abus et à l’exploitation ;

c)Les préjugés, la discrimination et le harcèlement sexuel dont les femmes font l’objet sur leur lieu de travail ;

d)Le manque de structures d’accueil pour enfants dans les secteurs public et privé.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De poursuivre la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales afin de lutter efficacement contre la ségrégation professionnelle horizontale et verticale dans les secteurs public et privé ;

b) De faire appliquer effectivement le principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, en particulier dans le secteur privé, afin de réduire et de combler l ’ écart de rémunération entre les sexes ;

c) D ’ accélérer l ’ adoption du plan d ’ action national sur les entreprises et les droits de l ’ homme visant à renforcer la protection des droits de l ’ homme, y compris ceux des femmes, dans le secteur privé ;

d) D ’ élargir l ’ accès des femmes à un travail décent, de promouvoir leur transition vers le secteur formel et de veiller à ce que les femmes employées dans le secteur informel bénéficient réellement d ’ une protection sociale et d ’ une protection de leurs droits dans le domaine du travail ;

e) De mettre réellement en application la loi n o 1064/2017, notamment en veillant à ce que les victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail aient accès à des procédures de plainte, des mesures de protection et des recours efficaces, et de faire en sorte que les auteurs soient poursuivis et dûment punis ;

f) De veiller à ce que les travailleuses domestiques bénéficient du même niveau de protection et de prestations que les autres travailleurs, et de redoubler d ’ efforts pour les protéger contre les conditions de travail abusives et l ’ exploitation ;

g) De mettre en œuvre efficacement la protection de la maternité, de mettre à disposition des structures de garde d ’ enfants adéquates et en nombre suffisant et de faire en sorte que le secteur privé fasse de même ;

h) De poursuivre le perfectionnement des systèmes de collecte de données sur l ’ emploi des femmes tenant compte de la question de l ’ égalité hommes-femmes.

Santé

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer la situation sanitaire du pays, notamment le lancement du plan quinquennal de transformation du secteur de la santé et de la stratégie nationale pour la santé procréative qui couvre la période 2016-2020. Il prend note des programmes d’assurance santé communautaires et sociaux. Il reste cependant préoccupé par :

a)Les écarts en termes de coûts et d’accès aux services de santé et aux services de planification familiale d’une région à l’autre, et par le nombre limité de médecins et de sages-femmes dans les zones rurales en particulier ;

b)L’absence d’informations sur toute évaluation de la stratégie nationale pour la santé procréative menée sur la période 2005-2015, et sur ses effets ;

c)L’absence d’informations concernant le budget alloué à la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la santé procréative pour 2016-2020 ;

d)L’absence de programmes de traitements des fistules et la pénurie de personnel médical qualifié pour pratiquer des avortements ;

e)Le fait que les femmes, en particulier les femmes handicapées, rencontrent des difficultés pour accéder aux services de santé de la procréation, et par le fait que le système de santé ne dispense pas ces services de manière appropriée et ne puisse pas assurer des aménagements raisonnables pour les femmes handicapées.

Le Comité invite instamment l ’ État partie :

a) À améliorer l ’ accès à des services de santé à faible coût et la couverture de ces services sur l ’ ensemble de son territoire, en allouant des ressources budgétaires suffisantes à la mise en place d ’ hôpitaux, en particulier dans les zones rurales et les zones reculées, qui devraient être dotés de médecins et équipés de manière adéquate afin d ’ assurer aux femmes l ’ accès à des soins de santé accessibles et de qualité, en particulier les soins obstétriques, y compris l ’ avortement ;

b) À mobiliser davantage de moyens pour faire en sorte que les femmes souffrant de fistule bénéficient de programmes et de services de santé adéquats ;

c) À développer et à améliorer la communication de l ’ information sur la santé sexuelle et procréative et la prestation de services dans ce domaine de santé pour les femmes et les filles, y compris en ce qui concerne les méthodes de contraception modernes, en particulier dans les zones rurales, en respectant les principes d ’ inclusion et d ’ accessibilité ;

d) À veiller à ce que toutes les femmes et les filles handicapées aient accès aux services de santé, y compris aux services en matière de santé sexuelle et procréative, et à assurer des aménagements raisonnables ;

e) À fournir davantage de renseignements, dans son neuvième rapport périodique, sur le budget alloué à la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la santé procréative pour la période 2016-2020, ainsi que sur les mesures prises pour évaluer la précédente stratégie et les résultats de l ’ évaluation.

Le Comité relève que l’État partie a pris des mesures pour améliorer l’accès aux services de santé des femmes et des filles touchées par la lèpre, mais constate cependant avec préoccupation que ces femmes et ces filles sont l’objet de discrimination, de stigmatisation et d’exclusion sociale. Il est également préoccupé par l’insuffisance des programmes de prévention et de sensibilisation concernant la lèpre.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en œuvre des programmes visant à éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes et des filles touchées par la lèpre ;

b) D ’ assurer à ces femmes et à ces filles des droits égaux et des chances égales dans la vie politique, sociale et économique ;

c) De mettre en œuvre des programmes de sensibilisation et de prévention concernant la lèpre.

Autonomisation et prestations économiques et sociales

Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur, en 2017, de la stratégie nationale de promotion et d’autonomisation des femmes, qui vise à promouvoir la participation des femmes et leur autonomisation. Il constate toutefois avec préoccupation que le nombre de femmes qui bénéficient de services de microcrédit et de prêts plus importants reste faible, et s’inquiète également de l’absence d’évaluation de l’impact des services de microcrédit mis en place. Il est également préoccupé par l’absence de mécanisme assurant la coordination entre les structures qui interviennent dans l’attribution des microcrédits au niveau fédéral.

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer d ’ élargir l ’ accès des femmes aux prêts et à d ’ autres formes de financement, notamment en leur accordant des prêts à des conditions favorables et en améliorant leurs connaissances commerciales et financières, et de promouvoir l ’ accès des femmes aux activités génératrices de revenus, comme la création de petites entreprises et la commercialisation de produits locaux.

Femmes rurales

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour garantir l’accès aux services et aux infrastructures dans les zones rurales, notamment en matière de santé, d’éducation, de logement, d’accès à l’eau et d’assainissement, ainsi que des efforts de sensibilisation des femmes pastorales mis en œuvre par l’intermédiaire du programme de développement des communautés pastorales, lequel intègre un volet sur les droits des femmes. Il prend note également de la proposition de révision de la législation sur la propriété foncière. Il demeure toutefois préoccupé par la féminisation de la pauvreté dans les zones rurales et par le fait que de nombreux services ne soient pas disponibles ou soient difficilement accessibles pour les femmes vivant dans ces zones, en particulier dans les régions pastorales. Le Comité s’inquiète également du fait que la procédure de délivrance des certificats fonciers aux noms des deux époux ne soit pas encore mise en œuvre à une échelle suffisante pour contribuer à l’autonomisation économique des femmes rurales.

Conformément à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité invite l ’ État partie :

a) À v eiller à ce que le projet de révision de la législation sur la propriété foncière aborde la question de la discrimination à l ’ égard des femmes, notamment à l ’ égard des femmes rurales, conformément à la Convention ;

b) À redoubler d ’ efforts pour faire en sorte que les femmes rurales aient un réel accès aux soins de santé, à l ’ éducation, à l ’ emploi, au logement, à une eau sans risque pour la santé, à l ’ assainissement et aux services de planification de la famille, en particulier dans les zones pastorales ;

c) À continuer de renforcer et d ’ assurer la mise en œuvre effective des politiques et programmes existants en faveur de l ’ autonomisation économique des femmes rurales, y compris en continuant de promouvoir leur accès à la propriété foncière et en faisant en sorte qu ’ elles occupent les terres en toute sécurité, et à veiller à ce que les femmes rurales participent à l ’ élaboration et à la mise en œuvre des politiques agricoles, notamment en ce qui concerne les décisions relatives à l ’ utilisation des terres ;

d) À élargir l ’ accès des femmes rurales à la microfinance et au microcrédit à des taux d ’ intérêt faibles afin de leur permettre de s ’ engager dans des activités génératrices de revenus et de créer leurs propres entreprises en vue de lutter contre la pauvreté et de promouvoir leur autonomisation.

Le Comité note que l’État partie a fermé temporairement la mine de Lega Dembi dans l’État d’Oromiya et évalue l’impact de cette fermeture. Toutefois, il est préoccupé par la gravité des effets sanitaires, environnementaux et socioéconomiques entraînés par le fonctionnement de la mine sur les femmes rurales Guji et sur leurs familles.

Le Comité recommande à l ’ État partie de réellement garantir la transparence et l ’ indépendance au cours du processus d ’ évaluation, notamment en publiant les résultats et en les partageant avec le peuple Guji, de réparer les dommages entraînés sur l ’ environnement et la santé et d ’ accorder des réparations et des indemnisations adéquates aux victimes.

Femmes rastafaries

Le Comité prend note du fait que certains Rastafaris ont reçu des papiers d’identité nationaux en 2017, mais que les femmes rastafaries ont un accès limité aux services publics de base et sont exposées à la discrimination et à la violence fondée sur le genre.

Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attaquer à la question de la nationalité des femmes et des filles rastafaries nées en Éthiopie et de mettre en œuvre des mesures visant à éliminer la discrimination à leur égard et à les protéger de la violence.

Femmes et filles handicapées

Le Comité est préoccupé par les discriminations multiples auxquelles font face les femmes et les filles handicapées, par le manque d’informations suffisantes sur leur situation dans tous les aspects de la vie, par la restriction de leur capacité juridique et par leur risque accru d’être exposées à la violence et à la maltraitance.

Conformément à sa recommandation générale n o 18 (1991) sur les femmes handicapées, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les femmes handicapées et les mesures qui ont été prises pour tenir compte de leur situation dans tous les aspects de la vie ;

b) D ’ inclure les droits des femmes et des filles handicapées dans la législation sur l ’ égalité des sexes en consultation avec les organisations qui les représentent ;

c) D ’ abroger toutes les dispositions du Code Civil et du droit qui limitent la capacité juridique des personnes handicapées ;

d) De garantir un accès approprié à la justice pour les femmes handicapées.

Femmes réfugiées, demandeuses d’asile et déplacées

Le Comité se félicite de l’adoption, le 17 janvier 2019, de la loi révisée sur les réfugiés, laquelle contient une clause de non-discrimination et des dispositions relatives à l’égalité des droits et à la protection des femmes, y compris des mesures spécifiques visant à les protéger contre la violence fondée sur le genre. Le Comité prend également note de la loi no 1049/2017, qui ouvre le système normalisé d’enregistrement des faits d’état civil aux réfugiés et autres non-nationaux. Il est cependant préoccupé par le fait que les femmes et les filles réfugiées continuent d’être victimes de la violence fondée sur le genre, notamment de la violence sexuelle. Il s’inquiète également des taux d’abandon scolaire élevés chez les filles en raison des déplacements forcés et du fait que dans certaines régions, par exemple dans l’État de Sumale, l’absence de documents d’identité puisse déboucher sur des mariages d’enfants et des mariages forcés parce que l’âge d’une fille peut ne pas être connu, et peut donc être ignoré.

Le Comité engage l ’ État partie :

a) À enquêter efficacement sur les cas de violence fondée sur le genre, notamment de violence sexuelle à l ’ égard des femmes et filles réfugiées, ainsi que sur les cas de mariages d ’ enfants et de mariages forcés parmi les femmes et les filles déplacées, et à engager des poursuites en vue de traduire les auteurs en justice ;

b) À mettre en place des formations adéquates à l ’ intention des agents de l ’ État, y compris des garde-frontières, sur les procédures de sélection et d ’ évaluation individuelles en vue d ’ assurer l ’ identification systématique et précoce des réfugiés et demandeurs d ’ asile, en particulier des femmes et des filles qui ont été victimes ou qui sont exposées au risque de violence fondée sur le genre ;

c) À augmenter le nombre de programmes de sensibilisation, en particulier parmi les femmes déplacées à l ’ intérieur du pays, sur les effets préjudiciables des mariages d ’ enfants et des mariages forcés sur la santé, le développement et l ’ éducation des filles, et à prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les filles déplacées aient accès à l ’ éducation ;

d) À accélérer la ratification de la Convention de l ’ Union africaine sur la protection et l ’ assistance aux personnes déplacées en Afrique de 2009, le processus étant déjà engagé.

Femmes migrantes

Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 923/2016 sur l’emploi à l’étranger, qui a été promulguée dans le but de protéger les droits des migrants éthiopiens qui travaillent à l’étranger. Il note que l’État partie a levé l’interdiction de voyager vers le Moyen-Orient, laquelle avait été mise en place afin de prévenir les abus à l’égard des femmes éthiopiennes se rendant dans la région en tant que travailleuses domestiques ou aidantes informelles. Le Comité note également que l’État partie a conclu des accords bilatéraux avec trois pays d’accueil et qu’il a ouvert des centres de formation en vue d’inculquer aux migrants potentiels des compétences dont ils pourraient avoir besoin pour assurer leur protection. Il est préoccupé par l’absence d’informations sur les femmes et les filles migrantes, y compris celles en situation irrégulière, ainsi que par l’absence de programmes visant à lutter contre la discrimination à leur égard.

Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et de lui fournir de plus amples informations sur la situation des femmes et filles migrantes en situation régulière et irrégulière.

Femmes en détention

Le Comité note que des milliers de prisonniers politiques, y compris des femmes, ont été libérés et que la détention arbitraire est interdite par la Constitution et par la loi. Toutefois, il est préoccupé par la prévalence de la violence fondée sur le genre envers les femmes en détention, notamment par celle des viols, et par le fait que, dans certains cas, des actes de torture et de maltraitance ainsi que des viols aient été commis sur des femmes par les forces de sécurité gouvernementales dans des lieux de détention. Le Comité s’inquiète également en raison des motifs suivants : a) les prisonniers politiques et les prisonniers d’opinion feraient face à des conditions difficiles et n’auraient pas accès aux services de base ; b) certains centres de détention sont mixtes ; et c) les données sur le nombre de femmes en détention ne sont pas rendues publiques.

Le Comité invite instamment l ’ État partie :

a) À enquêter rapidement sur toutes les allégations de mauvais traitements, de tortures, de viols et de violences impliquant des femmes en détention, y compris sur des actes commis par les forces de sécurité gouvernementales, et à veiller à ce que les femmes en détention, y compris les prisonnières politiques et d ’ opinion, bénéficient d ’ une procédure régulière et puissent consulter un conseiller juridique ;

b) À veiller à ce que les femmes en détention aient un accès adéquat à des soins de santé et à l ’ hygiène et puissent adopter une nutrition adéquate et à ce que les femmes et les hommes soient séparés dans tous les lieux de détention ;

c) À faire en sorte que la Commission éthiopienne des droits de l ’ homme ait un accès effectif et sans restriction aux lieux de détention afin de vérifier les conditions de détention des femmes .

Mariage et rapports familiaux

Le Comité prend note des mesures législatives prises par l’État partie pour éliminer les mariages d’enfants, y compris de l’article 35 (4) de la Constitution, de l’article 648 du Code pénal révisé de 2005 et du Code de la famille révisé de 2000. Il prend note de la mise en œuvre de la loi relative à l’enregistrement des faits d’état civil et à la carte nationale d’identité, qui prévoit le recensement de toutes les naissances, des mariages, des divorces et des décès et devrait renforcer les efforts déployés par l’État partie en vue d’éliminer les mariages d’enfants. Le Comité est préoccupé par le fait que l’article 7 du Code de la famille révisé contienne encore une exception à l’âge minimum du mariage, fixé à 18 ans, et que les dispositions juridiques relatives aux mariages bigames et polygames n’aient pas été harmonisées au niveau fédéral. Il réitère son inquiétude concernant les États d’Afar et de Sumale, qui n’ont pas encore adopté de lois relatives à la famille en conformité avec le Code révisé de la famille.

Le Comité recommande à l ’ État partie : a) de supprimer la clause d ’ exception à l ’ âge minimum pour se marier ; b) d ’ harmoniser les dispositions juridiques relatives aux mariages bigames et polygames au niveau fédéral ; et c) de lever ses réserves au Protocole à la Charte africaine des droits de l ’ homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique au sujet du viol conjugal et de la polygamie. Il rappelle sa recommandation précédente ( CEDAW/C/ETH/CO/6-7 , par.  15) et invite l ’ État partie à s ’ assurer que les États d ’ Afar et de Sumale adoptent des lois relatives à la famille conformes au Code fédéral de la famille et à la Convention et prennent des mesures, notamment des initiatives de sensibilisation et d ’ éducation, pour informer la population et mettre les pouvoirs publics en mesure d ’ appliquer comme il convient le Code révisé de la famille.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans l ’ action qu ’ il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, au Parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 22 a) et b) et 24 a) et b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son neuvième rapport périodique en mars 2023. Le rapport devra être présenté dans les délais et devra couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).