* Adoptées par le Comité à sa soixante et unième session (6-24 juillet 2015).

Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques de l’Espagne, présentés en un seul document *

Le Comité a examiné le rapport unique de l’Espagne valant septième et huitième rapports périodiques (CEDAW/C/ESP/7-8) à ses 1309e et 1310e séances, le 8 juillet 2015 (voir CEDAW/C/SR.1309 et 1310). La liste des questions et des points soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/ESP/Q/7-8 et les réponses de l’Espagne, dans le document CEDAW/C/ESP/Q/7-8/Add1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté dans les délais voulus son rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques et d’avoir apporté des réponses écrites à la liste de questions et points soulevés par son groupe de travail d’avant session. Le Comité salue également l’exposé oral de la délégation et les précisions apportées en réponse aux questions orales qu’il a posées à cette occasion.

Le Comité retient la délégation de l’État partie, conduite par l’Ambassadrice et Représentante permanente de l’Espagne auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, Ana María Menéndez. La délégation comptait des représentants du Bureau du Procureur général, du Ministère des affaires étrangères et de la coopération, du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur, du Ministère du travail et de la sécurité sociale, du Ministère de la santé, des services sociaux et de l’égalité, du Ministère de l’éducation, de la culture et des sports ainsi que de la Mission permanente de l’Espagne auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie depuis l’examen de son sixième rapport périodique en 2009 (CEDAW/C/ESP/6), grâce à certaines réformes législatives, notamment l’adoption de :

a)La loi no 4/2015 sur le statut juridique des victimes de délits;

b)La loi organique no 1/2015 portant modification du Code pénal en ce qui concerne la violence sexiste;

c)La loi no 12/2009 d’octobre 2009 sur l’asile et la protection subsidiaire qui applique dans la législation nationale les directives de l’Union européenne en matière d’asile et reconnaît explicitement la persécution des femmes fondée sur le sexe comme motif d’octroi du statut de réfugié.

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et public en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, grâce notamment à l’adoption :

a)De la Stratégie nationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes 2013-2016;

b)Du Plan stratégique pour l’égalité des chances 2014-2016;

c)Du Plan d’action pour l’égalité des chances entre femmes et hommes dans la société de l’information 2014-2017.

Le Comité note avec satisfaction que, durant la période écoulée depuis l’examen du sixième rapport périodique de l’État partie, celui-ci a adhéré aux instruments internationaux suivants :

a)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en 2014;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2013;

c)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2010;

d)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en 2010;

e)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlements

Le Comité souligne le rôle primordial que doit jouer le pouvoir législatif pour ce qui est d ’ assurer la mise en œuvre intégrale de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur sa relation avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session en 2010). Il invite le Parlement national et les parlements des communautés autonomes à prendre les mesures nécessaires pour que soient mises en œuvre les présentes conclusions finales dans la période menant à la présentation du prochain rapport au titre de la Convention.

Contexte général

Le Comité note avec inquiétude que les mesures d’austérité prises par l’État partie en réponse à la crise financière et économique ont eu des effets négatifs sur les femmes dans tous les domaines de la vie. Il constate aussi avec préoccupation qu’aucune étude ou évaluation n’a été effectuée pour déterminer les incidences de la crise selon le sexe. Le Comité tient compte des circonstances exceptionnelles auxquelles l’État partie a dû faire face ces dernières années, mais lui rappelle que, même en temps de restrictions budgétaires et de crise économique, il convient de faire des efforts particuliers pour respecter les droits des femmes, maintenir et accroître l’investissement social et la protection sociale et suivre une démarche soucieuse d’équité entre les sexes, en donnant la priorité aux femmes en situation vulnérable et évitant les mesures rétrogrades.

Le Comité encourage l ’ État partie à  :

a) E ntreprendre les études et évaluations nécessaires pour déterminer les incidences de la crise financière et économique selon le sexe;

b) Assurer une redistribution interne des ressources pour surmonter les conséquences de la crise, en donnant la priorité aux mesures en faveur de l ’ égalité des sexes dans tous les domaines et à élaborer une stratégie efficace pour assurer la pleine application de la Convention;

c) R ecueillir des statistiques ventilées par sexe dans tous les domaines pertinents, en particulier sur tous les aspects de l ’ emploi dans les secteurs public et privé.

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie comprend mal l’obligation qui lui incombe d’agir avec la diligence voulue et qu’il n’a pas donné suite aux avis du Comité dans la communication nº 47/2012, González Carreño c. Espagne. Il relève l’insuffisance des mesures adoptées par l’État partie pour dispenser aux juges et avocats une formation relative à la Convention et au Protocole facultatif s’y rapportant et pour en incorporer les dispositions dans son cadre juridique. Il constate en outre avec préoccupation que les femmes elles-mêmes, en particulier celles qui vivent en milieu rural ou les femmes migrantes, ne connaissent pas les droits que leur reconnaît la Convention et ne disposent donc pas des informations nécessaires pour s’en prévaloir.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que la Convention, le Protocole facultatif s’y rapportant et les recommandations générales du Comité soient suffisamment connus et appliqués par toutes les autorité s publi que s et le pouvoir judiciaire comme cadre de référence pour les lois, les décisions de justice et les politiques relatives à l’égalité des sexes et à la promotion de la femme;

b) De prendre les mesures appropriée s pour donner suite aux recommandations formulées par le Comité dans l es constatations de la communication nº 47/2012, González Carreño c. Espagne ;

c) De sensibiliser davantage les femmes aux droits que leur reconnaît la Convention et aux voies de recours dont elles disposent en cas de violation de ces droits , et de veiller à ce que toutes les femmes, notamment celles qui vivent dans les zones rurales et les femmes migrantes, reçoivent des information s sur la Convention, le Protocole facultatif s’y rapportant et les recommandations générales du Comité;

d) De s’assurer que les agents de l’État, les juges, les avocats, les magistrats, les procureurs, les membres des forces de police et les autres agents chargé s de faire respecter la loi aie nt accès à un enseignement du droit et à des s t a g es de formation réguli er s portant sur la Convention, le Protocole facultatif et leur application, afin qu’ils puissent servir de cadre effectif pour toutes les lois, décisions de justice et politiques en matière d’égalité des sexes et de promotion de la femme.

Réserves et déclarations

Le Comité note que l’État partie maintient sa déclaration concernant la Convention pour ce qui est des dispositions constitutionnelles visant la succession à la Couronne espagnole.

Le Comité r enouvelle sa recommandation antérieure et encourage l’État partie à envisager le retrait, au moment opportun, de sa déclaration concernant la Convention relative à la succession à la Couronne d’Espagne.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

Nonobstant les explications données par l’État partie, le Comité constate avec préoccupation :

a)La restructuration du mécanisme national pour la promotion de la femme, la suppression du Ministère de l’égalité et le remplacement de l’Institut de la femme par l’Institut pour la femme et l’égalité des chances;

b)Les répercussions que ces mesures de restructuration ont eues sur la capacité de l’État partie à assurer l’élaboration et la mise en œuvre de mesures relatives à l’égalité des sexes, et le possible affaiblissement de la transversalisation de la problématique hommes-femmes qu’elles pourraient entraîner;

c)L’absence d’une stratégie cohérente en faveur de l’égalité des sexes au niveau national, le manque de coordination systématique et institutionnalisée entre les communautés autonomes et le gouvernement central et la diminution des compétences des autorités locales en matière d’égalité des sexes et de lutte contre la violence sexiste résultant de la modification apportée par la loi nº 27/2013 à l’article 27 de la loi nº 7/1985 relative aux bases du pouvoir local;

d)La coopération limitée entre le Conseil de la participation des femmes, organe consultatif en matière d’égalité entre hommes et femmes, et les organisations de la société civile s’occupant des questions relatives aux femmes dans l’État partie.

Conformément à sa recommandation générale nº 6 intitulée « Mécanismes nationaux et publicité efficaces » et aux orientations donné es dans le Programme d’action de Beijing en ce qui concerne les conditions nécessaires au fonctionnement efficace des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’augmenter les ressources allouées à l’Institut de la femme et de l’égalité des chances pour assurer que l’on continuera de mettre l’accent sur les droits des femmes et l’intégration de la problématique hommes-femmes dans toutes ses activités, et d’envisager de rétablir le Ministère de l’égalité, en se dotant d es ressources humaines et financières nécessaires à l’acquittement de son mandat, afin de disposer d’un mécanisme de haut niveau capable de lancer , coordonner et mettre en œuvre des politiques en faveur de l’égalité des sexes;

b) De renforcer la coordination entre l’État central et les communautés autonomes en définissant clairement leurs mandats et responsabilités en ce qui concerne les droits des femmes, et d’e n assurer régulièrement le suivi et l ’évaluation;

c) D’allouer aux différents mécanismes du dispositif nationa l de promotion de la femme des ressources humaines, financières et techniques adéquates, compte tenu de leur mandat, et de renforcer l a coopération et l a coordination entre ces mécanismes et les organisations de la société civile qui défendent les intérêts des femmes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité exprime de nouveau sa préoccupation devant la compréhension limitée qu’a l’État partie de la notion de mesures temporaires spéciales, telles qu’elles sont mentionnées au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et dans sa recommandation générale nº 25 sur le sujet, et s’inquiète de l’absence d’une stratégie globale pour l’application de telles mesures afin d’instaurer une égalité réelle entre les hommes et les femmes dans l’État partie, dans tous les domaines visés par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées.

Rappelant le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et s a recommandation générale nº 25, le Comité recommande à l’État partie :

a) De fa ire connaître à tous les agents de l’État et tous les décideurs concernés la définition des mesures temporaires spéciales et d’adopter et de mettre en œuvre de telles mesures, notamment assorties d’objectifs limités dans le temps et de quotas, en vue de réaliser l’égalité de fait ou réelle entre les hommes et les femmes dans tous les domaines où ces dernières sont sous-représentées ou défavorisées;

b) De s’attaquer aux causes profondes de l’application peu satisfai sante des mesures temporaires spéciales existantes et d’introduire dans sa législation des dispositions visant à encourager l e recours à de telles mesures, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Stéréotypes

Le Comité salue la création de l’Observatoire de l’image des femmes, qui est notamment chargé de recevoir les plaintes relatives aux publicités sexistes et d’interdire diverses campagnes de publicité considérées comme sexistes. Il demeure toutefois préoccupé par la persistance des attitudes et stéréotypes traditionnels bien ancrés concernant les rôles et responsabilités de la femme et de l’homme dans la famille et dans la société, et rappelle que ces stéréotypes sont l’une des causes profondes de la violence à l’égard des femmes. Il exprime de nouveau par ailleurs sa préoccupation devant le fait que les médias ne présentent pas d’images et de portraits suffisamment positifs des femmes appartenant à des minorités ethniques roms, migrantes ou handicapées. Il demeure également préoccupé par le fait qu’aucune mesure n’a été prise pour éliminer les stéréotypes dans le système éducatif et que les programmes et manuels scolaires n’ont pas été révisés.

Le Comité engage vivement l’État partie :

a) À mettre en place une stratégie globale prévoyant des mesures dynamiques et durables pour éliminer les stéréotypes sexistes, en révisant la législation sur l’enseignement et en adoptant des programmes ciblés dans le système éducatif, en révis ant les manuels et programmes scolaires et en menant des campagnes de sensibilisation à l’intention des femmes et des hommes en général et des médias et agences de publicité en particulier;

b) À prendre des mesures novatrices ciblant l es médias pour mieux faire comprendre l’égalité réelle entre hommes et femmes et à utiliser le système éducatif pour promouvoir une image positive et non stéréotypée de la femme;

c) À suivre et revoir les mesures prises pour en évaluer l ’impact et prendre les décisions qui s’imposent.

Violence à l’égard des femmes

Tout en prenant note de l’existence d’une loi interdisant la violence à l’égard des femmes (loi organique nº 1/2004) et de l’élaboration par le Ministère de l’intérieur d’un système de suivi des cas de violence sexiste (Sistema VioGén), le Comité s’alarme du nombre élevé de cas de violences à l’égard des femmes, et notamment de violence sexuelle, dans l’État partie, ainsi que du pourcentage élevé de femmes qui sont décédées à la suite de violences sexistes dans le cadre de relations entre proches. Il est particulièrement préoccupé par :

a)Le fait que la loi organique 1/2004 ne couvre pas toute la gamme de violence sexiste en dehors des violences au sein du couple;

b)Le nombre d’enfants tués par un père exerçant son droit de visite (20, entre 2008 et 2014);

c)La détérioration des services de protection des femmes victimes de violence au foyer dans plusieurs communautés autonomes, notamment le nombre limité de refuges pour les femmes et les enfants.

Rappelant les dispositions de la Convention et s a recommandation générale nº 19 sur la violence à l’égard des femmes, le Comité engage vivement l’État partie :

a) À réviser sa législation sur la violence à l’égard des femmes pour y inclure d’autres formes de violence sexiste comme la violence exercée par les prestataire s de soins, la violence policière et la violence dans les espaces publics, sur le lieu de travail et à l’école;

b) À dispens er aux juges, procureurs, policiers et autres agents chargés de faire appliquer la loi une formation obligatoire relative à la Convention et au Protocole facultatif s’y rapportant et à l’application rigoureuse des dispositions du droit pénal traitant de la violence à l’égard des femmes et d es procédures particulières à appliquer pour l’écoute et la prise en charge de s femmes victimes de violences;

c) À mettre en place des mesures détaillé es pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et des filles et à veiller à ce que les femmes et les filles victimes de violences aient immédiatement accès à des voies de recours et à des mesures de protection et à ce que leurs agresseurs soient poursuivis et punis comme il convient;

d) À encourager les femmes à signaler les actes de violence familiale et sexuelle aux forces de l’ordre, en mettant fin à la stigmatisation des victimes, en sensibilisant les membres des forces de police et du corps judiciaire et en faisant bien comprendre que de tels actes sont punis par la loi;

e) À fournir une assistance et une protection adéquat es aux femmes victimes de violences, en prévoyant suffisamment de refuges, notamment dans les zones rurales, et en développant la coopération de l’État avec les organisations non gouvernementales qui proposent hébergement et services de réadaptation aux victimes;

f) À recueillir des données statistiques sur la violence familiale et sexuelle (ventilées par sexe, âge, nationalité et nature de la relation entre victime et agresseur).

Traite et exploitation de la prostitution

Tout en prenant acte de l’adoption par l’État partie en 2011 du Protocole-cadre pour la protection des victimes de la traite des êtres humains et des efforts qu’il a déployés pour l’élaboration de stratégies et l’amélioration du cadre juridique de protection des victimes de la traite et de l’assistance qui leur est fournie, conformément à ses précédentes observations finales (CEDAW/C/ESP/CO/6, par. 22), le Comité demeure préoccupé par l’ampleur de la traite des femmes et des filles à destination de l’État partie, par l’absence de législation complète contre la traite ainsi que par le fait que l’État partie n’a pas érigé en infraction pénale la traite sous toutes ses formes. Il est également préoccupé par la définition restrictive du proxénétisme, laquelle est susceptible d’empêcher de poursuivre adéquatement en justice ceux qui exploitent la prostitution, ainsi que par la faible quantité de données actuellement disponibles pour déterminer l’ampleur du phénomène.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter , conformément aux normes internationales, une législation exhaustive de lutte contre la traite, tenant compte de la problématique hommes-femmes et défini ssan t de manière explicite la traite des êtres humains ;

b) De continuer d’intensifier ses efforts de coopération bilatérale, régionale et internationale en vue de prévenir la traite et de poursuivre ceux qui s’y livrent;

c) D’adopter une approche globale de la lutte contre l’exploitation de la prostitution, de recueillir des données et d’entreprendre une analyse d u phénomène, de prévoir un nombre suffisant de foyers d’accueil et de centres de crise, ainsi que de programmes de réinsertion et des possibilités d’activités génératrices de revenus pour les femmes qui veulent sortir de la prostitution et de prendre des mesures pour réduire la demande de prostitution;

d) D ’ adopter une définition exhaustive du proxénétisme afin de permettre que ceux qui exploitent la prostitution soient dûment poursuivis.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité se félicite de la représentation accrue des femmes au Parlement (35,5 %) et dans les assemblées législatives des communautés autonomes (44,6 %). Il est toutefois préoccupé par leur participation généralement faible à la vie politique et publique, en particulier aux postes de prise de décisions au niveau des communautés autonomes (seules 4 des 17 présidents de communauté autonome sont des femmes), dans le corps diplomatique (sur les 199 ambassadeurs, 12 seulement sont des femmes) et dans l’appareil judiciaire.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accroître la participation des femmes à la vie politique et publique à tous les niveaux, notamment en adoptant des mesures temporaires spéciales telles que la fixation de quotas, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à s a recommandation générale n o  25;

b) D’augmenter la capacité de financement des campagnes des femmes candidates et d’améliorer leur accès à un tel financement pour leur permettre de rivaliser efficacement avec leurs homologues masculins;

c) De mener , à l’intention des hommes politiques, des responsables locaux, des journalistes et du grand public, des activités de sensibilisation concernant l ’ importance de la participation des femmes à la prise de décisions afin de mieux leur faire comprendre que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, y compris en matière de représentation internationale, est indispensable pour donner plein effet à la Convention.

Éducation

Le Comité note avec préoccupation que les femmes et les filles continuent de choisir des filières d’enseignement à prédominance traditionnellement féminine (seulement 26,4 % des étudiants qui suivent des études d’ingénieur ou d’architecte et 9,8 % des étudiants inscrits dans les filières sportives sont des femmes) et qu’elles demeurent sous-représentées dans l’enseignement technique et professionnel. Le Comité est également préoccupé par le faible taux de fréquentation scolaire et le taux d’abandon élevé de leurs études par les filles roms, malgré quelques résultats positifs en 2013 au niveau de l’enseignement de base. Il note également avec préoccupation que les cours consacrés à l’« éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme » ont été remplacés par des cours facultatifs sur les « valeurs civiques et sociales » ou sur les « valeurs éthiques » et qu’actuellement, il n’y a dans les écoles aucun cours obligatoire complet et adapté à chaque âge d’éducation sexuelle ou portant sur la santé génésique et les droits s’y rapportant.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ intensifier ses efforts visant à dispenser une formation spécifique aux hommes et aux femmes et à élargir leurs choix de formation universitaire et professionnelle, et de prendre en outre des dispositions pour encourager les femmes et les hommes à s ’ orienter vers des filières d ’ enseignement et des carrières non traditionnelles;

b) De veiller à éliminer des manuels scolaires tous les stéréotypes sexistes et à ce que les programmes scolaires et universitaires ainsi que la formation des enseignants couvrent les droits des femmes et contribuent à promouvoir l ’ égalité des sexes;

c) D’organiser, dans le cadre des programmes scolaires normaux, un enseignement obligatoire, approprié selon l’âge, sur la santé sexuelle et génésique et les droits dans ce domaine, qui soit dispensé aux filles et aux garçons par un personnel qualifié et mette notamment l ’ accent sur les comportements sexuels responsables et la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles;

d) De prendre des mesures efficaces pour assurer le maintien à l ’ école des jeunes filles roms et d ’ augmenter leur taux de scolarisation, par des m esures temporaires spéciales telles que l ’ octroi de bourses et la fourniture gratuite de manuels.

Emploi

Le Comité est préoccupé par le fait que les mesures d’austérité prises pour faire face à la crise économique et financière ont eu des effets graves et disproportionnés sur les femmes, en particulier les femmes handicapées, âgées ou employées de maison. Les femmes se sont trouvées en butte au chômage, à des réductions des prestations de sécurité sociale et versements pour soins aux personnes dépendantes, à des gels de salaires et à la transformation d’emplois à plein temps en emplois à temps partiel avec des heures supplémentaires. Il est particulièrement préoccupé par les constats suivants :

a)La persistance d’un écart de rémunération entre les sexes, lequel, à 17,8 %, est supérieur à la moyenne de l’Union européenne, la ségrégation verticale et horizontale sur le marché du travail et la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel, situation qui nuit à leurs perspectives de carrière et affecte leurs prestations de retraite;

b)La faible représentation des femmes aux postes de direction et de prise de décisions, ainsi que dans les conseils d’administration (18,2 %) et le fait que ni la loi organique nº 3/2007 sur l’égalité effective entre les femmes et les hommes ni la loi nº 31/2014 portant modification de la loi sur les sociétés ne prévoient de sanctions en cas de non-respect de l’équilibre prescrit entre les sexes dans les conseils d’administration des grandes sociétés;

c)La non-ratification par l’État partie de la Convention (n° 189) de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De revoir sa législation et ses grandes orientations , afin de promouvoir l ’ égalité de s chances et l ’ égalité de traitement des femmes qui travaillent, y compris en ce qui concerne les possibilités de carrière, et de faire en sorte qu ’ elles soient moins exposées à la ségrégation professionnelle et à la précarité de l’emploi ;

b) De rétablir le financement nécessaire pour l ’ application de la loi nº 39/2006 relative à la promotion de l ’ autonomie personnelle et de l ’ assistance aux personnes dépendantes;

c) De continuer à prendre des mesures spécifiques et actives pour éliminer les écarts de rémunération entre les sexes, et d ’ offrir aux femmes davantage de possibilités d ’ accès à des emplois à plein temps;

d) De prendre des mesures pour assurer la participation égale et entière des femmes à la prise de décisions dans la sphère économique, en particulier dans les conseils d ’ administration des grandes sociétés, moyennant l ’ introduction de quotas obligatoires;

e) D ’ adopter des mesures temporaires spéciales pour accélérer la participation égale au marché du travail des femmes appartenant à des groupes défavorisés, tels que les femmes migrantes, les Roms, les mères célibataires et les femmes âgées ou handicapées, et d ’ entreprendre des études approfondies sur l ’ emploi et les conditions de travail de ces groupes de femmes, assorties de recommandations pour promouvoir leur accès effectif au marché du travail;

f) D ’ améliorer la situation des travailleuses domestiques dans l ’ optique de la ratification de la Convention nº 189 de l ’ Organisation internationale du T ravail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.

Santé

Le Comité est préoccupé :

a)Par le fait que la modification apportée au décret-loi royal nº 16/2012 a privé les migrants en situation irrégulière de la couverture de santé universelle et a eu un effet disproportionné sur les femmes migrantes, ainsi privées de l’accès gratuit aux services de soins de santé sexuelle et génésique. C’est là une occasion manquée d’identifier des victimes de violences sexistes et de la traite et d’apporter un soutien aux victimes de violences sexuelles;

b)Par le fait qu’en février 2015, l’Assemblée nationale a approuvé un projet de loi visant à rendre l’avortement des filles âgées de 16 à 18 ans tributaire du consentement de leurs parents, des personnes qui en ont la charge ou de leurs tuteurs légaux;

c)Par la forte réduction du poste budgétaire consacré aux femmes vivant avec le VIH/sida.

Le Comité, rappelant l ’ article 12 de la Convention et sa recommandation générale nº 24 sur les femmes et la santé, recommande à l ’ État partie :

a) De rétablir l ’ accès universel aux soins de santé, notamment en abrogeant l ’ amendement au décret-loi royal nº 16/2012, afin d ’ assurer l ’ accès aux soins de santé à toutes les femmes se trouvant sur son territoire, quel que soit leur statut migratoire ;

b) D e veiller à ce que le projet de loi sur le droit à l ’ avortement des filles âgées de 16 à 18 ans ne soit pas adopté;

c) D ’ assurer la fourniture d’un traitement adéquat à toutes les femmes vivant avec le VIH .

Femmes rurales

Le Comité note avec satisfaction l’augmentation des subventions pour la promotion des femmes vivant en milieu rural, les prix récompensant l’excellence en matière d’innovation les formations professionnelles rurales. Il relève toutefois avec préoccupation qu’en dépit des dispositions de la loi nº 35/2011 sur la cotitularité des exploitations agricoles, plus de 70 % des propriétaires sont des hommes.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ éliminer les obstacles à l ’ application de la loi nº 35/2011 sur la cotitularité des exploitations agricoles .

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité note certes que l’État partie a pris diverses mesures, notamment législatives, pour améliorer la situation des groupes de femmes défavorisés, mais s’inquiète des coupes budgétaires et des réformes législatives récentes qui risquent de compromettre ces avancées. Le Comité est particulièrement préoccupé par la situation des femmes migrantes, roms, âgées ou handicapées.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales au sens du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et de s a recommandation générale nº 25, pour assurer l’éga lité des droits et des chances aux femmes qui subissent des formes croisées de discrimination, en particulier les femmes migrantes, roms, âgées ou handicapées;

b) D ’ adopter les mesures législatives et les politiques ciblées nécessaires pour lutter contre les formes multiples de discrimination et de promouvoir l ’ intégration dans la société des groupes de femmes défavorisés et marginalisés qui subissent des discrimination s croisée s .

Femmes réfugiées et demandeuses d’asile

Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles le statut de réfugié a été accordé dans 48 cas au motif de persécutions fondées sur le sexe, en application de la loi nº 12/2009 sur l’asile et la protection subsidiaire, mais il est gravement préoccupé par la pratique consistant à expulser les personnes ayant franchi la frontière à Ceuta ou Melilla, dont des femmes et des filles, sans qu’il n’y eût, dans chaque cas, d’évaluation des spécificités liées au sexe de la personne.

Conformément aux dispositions de la Convention et de s a recommandation générale nº 32 sur les femmes et les situations de réfugiés, d ’ asile, de nationalité et d ’ apatridie, le Comité engage l ’ État partie :

a) À améliorer la protection des femmes et des filles demandeuses d ’ asile dans les villes autonomes de Ceuta et Melilla en veillant à ce qu’il n’y ait aucun recours à la violence lors des contrôles frontaliers, en garantissant l ’ accès aux procédures d ’ asile à tous les demandeurs, quel s que soi en t leur pays d ’ origine ou mode d ’ entrée , en mettant en place une procédure d ’ asile équitable et efficace, en améliorant les conditions d ’ accueil et en s ’ assurant de la prise en compte des spécificités hommes-femmes;

b) À mettre en place des plans d ’ urgence et à être prêt à intervenir en cas d ’ arrivée s terrestres ou maritimes, afin de pouvoir faire face aux flux croissants et mélangés de migrants, tout en assurant que les systèmes d ’ admissions soient attentifs à la question de la protection et prennent en compte le sexe et l ’ âge des migrants;

c) À fournir un traitement approprié aux femmes et filles demandeuses d’asile ayant des besoins particuliers, et à adopter une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes dans l’élaboration des p rogrammes d ’ assistance.

Mariage et rapports familiaux

Tout en prenant acte du fait que, dans ses directives de 2013 relatives aux procédures liées à la violence sexiste, le Conseil général du pouvoir judiciaire a rejeté le bien-fondé du « syndrome dit d’aliénation parentale », le Comité constate avec préoccupation que cette notion continue d’être utilisée dans un certain nombre de décisions judiciaires de l’État partie pour retirer à une mère la garde de ses enfants et la confier à un père accusé de violence domestique. Le Comité s’inquiète du fait que les mécanismes législatifs existants et à venir n’accorderont pas l’attention qui convient à l’existence de violences domestiques dans les affaires relatives à la détermination de la garde de l’enfant. Il est également préoccupé par les tentatives visant à l’adoption d’une législation qui ferait de la garde conjointe la règle par défaut dans ce genre d’affaires.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que des droit s de visite sans surveillance ne soi en t pas accordé s au père dans les cas où les droits, le bien-être et la sécurité des enfants peuvent être en danger ;

b) D’assurer que la législation qui définit la garde conjointe en tant que règle par défaut en matière de garde d’enfants ne soit pas adoptée et de prendre des mesures permettant, en cas de violence domestique, d ’ accorder l ’ attention nécessaire aux besoins spécifiques des femmes et des enfants lors de la détermination de la garde de ceux-ci.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l ’ État partie d’invoquer la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans ses efforts de mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pour l’après -2015

Conformément aux dispositions de la Convention, le Comité préconise d’intégrer une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes dans tous les efforts visant à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement ainsi que dans le cadre de développement pour l ’ après-2015.

Diffusion

Le Comité rappelle l ’ obligation qu ’ a l ’ État partie d ’ appliquer de façon systématique et suivie les dispositions de la Convention. Il lui demande instamment de s ’ attacher, en priorité , à donner suite aux présentes observations finales et recommandations avant la présentation de son prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que les présentes observations finales soient diffusées en temps opportun dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement national, aux parlements des communautés autonomes et à l’appareil judiciaire, en vue d ’en permettre la pleine application. Il encourage l ’ État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes, dont les organisations patronales, les syndicats, les organisations de défense des droits de l ’ homme et les organisations féminines, les universités, les établissements de recherche, les médias, etc. Il recommande également de diffuser les présentes observations finales sous une forme appropriée dans les collectivités locales afin d ’ en permettre l ’ application. En outre, le Comité demande à l ’ État partie de continuer de diffuser à toutes les parties prenantes la Convention, le Protocole facultatif s ’ y rapportant et la jurisprudence connexe, ainsi que les reco mmandations générales du Comité.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l ’ État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à laquelle il n ’ est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées plus haut, aux alinéas a), b) et f) du paragraphe 21, et à l’alinéa c) du paragraphe 37.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à présenter son neuvième rapport périodique en juillet 2019.

Le Comité demande à l ’ État partie de suivre les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris les directives relatives au document commun de base et au document spécifique à un instrument international (HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I).