COMITÉ CONTRE LA TORTUREQuarantième et unième session(3‑21 novembre 2008)
DÉCISION
Communication n o 323/2007
Présentée par: |
J. H. A. |
Au nom de: |
P. K. et consorts |
État partie: |
Espagne |
Date de la requête: |
7 mai 2007 (lettre initiale) |
Date de la présente décision: |
10 novembre 2008 |
Objet: Expulsion, sous le contrôle de l’Espagne, de 23 migrants indiens vers la Mauritanie
Questions de fond: Néant
Questions de procédure: Défaut de compétence de l’État partie; défaut d’intérêt pour agir; non-épuisement des recours internes
Article de la Convention: 22
[ANNEXE]
ANNEXE
DÉCISION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS
− Quarante et unième session −
concernant la
Communication n o 323/2007
Présentée par: |
J. H. A. |
Au nom de: |
P. K. et consorts |
État partie: |
Espagne |
Date de la requête: |
7 mai 2007 (lettre initiale) |
Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Réuni le 11 novembre 2008,
Ayant achevé l’examen de la requête no 323/2007, présentée par J. H. A. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,
Adopte:
La d écision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture
1.1Le requérant est J. H.A., de nationalité espagnole, membre de l’organisation non gouvernementale «Colectivo por la Justicia y los Derechos Humanos». Il agit au nom de P. K. et consorts, toutes personnes de nationalité indienne, qui étaient détenues en Mauritanie au moment où la requête a été présentée.
1.2Par une note verbale du 22 juin 2007, le Comité a transmis la requête à l’État partie, conformément au paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention, en le priant de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour garantir que les intéressés soient détenus dans des conditions satisfaisantes, et notamment qu’ils puissent consulter un avocat, et que leur cause soit entendue par une autorité compétente.
Rappel des faits
2.1Le 31 janvier 2007, le remorqueur Luz de Mar de la Société espagnole de sauvetage en mer est parti de Tenerife (îles Canaries, Espagne) pour venir en aide au cargo Marine I, naufragé dans les eaux internationales avec à son bord 369 migrants originaires de différents pays d’Asie et d’Afrique.
2.2Le 4 février 2007, le Luz de Mar a rejoint le Marine I et l’a remorqué. À ce moment, des négociations diplomatiques ont commencé entre l’Espagne, le Sénégal et la Mauritanie pour décider du sort du cargo, ce qui a obligé les deux navires à rester au mouillage près des côtes mauritaniennes pendant huit jours.
2.3Le 9 février, un patrouilleur de la Guardia Civil espagnole a tenté de se rendre au point de mouillage des deux navires, avec à son bord des membres de l’organisation non gouvernementale (ONG) Médecins du monde, l’attaché du Ministère de l’intérieur espagnol et des agents de la Guardia Civil, accompagnés d’une délégation du Gouvernement de la République de Guinée (Guinée Conakry) qui venait identifier les personnes d’origine africaine à bord du Marine I. La tentative a cependant échoué en raison des mauvaises conditions maritimes. L’opération a été renouvelée le 11 février, avec la présence supplémentaire de membres de la Croix-Rouge espagnole et de personnels de santé mauritaniens. Une fois le Marine I abordé, ses passagers, qui se trouvaient dans un état grave, ont reçu des soins médicaux.
2.4Le 12 février, les Gouvernements espagnol et mauritanien sont parvenus à un accord, en vertu duquel les passagers du cargo ont pu être débarqués le même jour au port de Nouadhibou (Mauritanie). Au cours des heures suivantes, des agents de la Police nationale espagnole ont procédé à l’identification des migrants débarqués. Parmi ceux-ci, 35 personnes d’origine asiatique ont été transférées aux îles Canaries pour y faire une demande d’asile avec l’aide de la Commission espagnole d’aide aux réfugiés. Trente-cinq autres personnes d’origine africaine ont été transférées aux îles du Cap‑Vert le 13 février, à bord d’un avion affrété par l’Espagne. Le requérant affirme que ce transfert a été effectué au mépris des règles de procédure et des garanties prévues par la législation espagnole sur les étrangers. Il ajoute que, selon des sources officielles espagnoles, la destination de ces personnes devait être tenue secrète pour des raisons de sécurité. Le 16 mars, ces personnes ont été transférées dans un endroit inconnu, en République de Guinée.
2.5Le 14 février 2007, la procédure d’identification des migrants était terminée. Selon le requérant, tous hormis les 23 victimes alléguées ont demandé l’asile ou ont été renvoyés en Inde ou au Pakistan, avec l’aide de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), après avoir signé un accord de rapatriement volontaire. Au cours de la procédure d’identification, les victimes alléguées ont déclaré qu’elles avaient fui l’Inde de crainte d’être persécutées en raison du conflit au Cachemire.
2.6Les 23 personnes qui ont refusé de signer un accord de rapatriement volontaire ont été détenues dans une ancienne conserverie de poisson de Nouadhibou, sous le contrôle des autorités espagnoles. Selon le requérant, l’entrepôt n’était pas suffisamment ventilé ni éclairé et les migrants détenus n’avaient pas le droit d’en sortir. Ils étaient obligés de rester entassés dans une zone délimitée de l’entrepôt, pourtant vaste, et de dormir par terre sur des bâches en plastique et des couvertures. Ils devaient demander l’autorisation à leurs gardiens pour se rendre aux toilettes et aux douches, et ont parfois été contraints d’uriner dans des bouteilles.
2.7Le 4 avril 2007, le requérant a déposé une plainte auprès du ministère public espagnol, qui l’a rejetée.
2.8Le 6 avril, les 23 personnes ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur situation, et l’ont arrêtée trois jours plus tard, après être apparemment parvenues à un accord avec les autorités espagnoles, lesquelles leur auraient proposé trois solutions: rester détenues au même endroit pour une durée indéterminée, être rapatriées, ou être transférées vers un pays tiers, le Maroc, le Sénégal, le Mali, l’Égypte ou l’Afrique du Sud. Le requérant affirme que les détenus ont choisi la troisième option.
2.9Au moment où la présente requête a été soumise, trois mois après le débarquement des passagers du Marine I, les victimes alléguées étaient toujours détenues à l’endroit mentionné et dans les conditions décrites. Le requérant affirme que bien qu’elles fussent détenues en Mauritanie, ces personnes étaient en fait placées sous le contrôle des autorités espagnoles. Selon lui, l’Espagne a assumé la responsabilité de ces personnes en les secourant dans les eaux internationales et a assuré leur surveillance durant toute la durée de leur détention à Nouadhibou.
2.10Le requérant affirme que les intéressés n’ont pas pu présenter eux-mêmes leur requête au Comité parce qu’ils étaient détenus en Mauritanie, sans possibilité de consulter un avocat ou de contacter leurs familles. Il fait observer que la plupart sont peu instruits et ne connaissent donc pas leurs droits.
Teneur de la plainte
3.1Le requérant affirme que l’Espagne a violé les dispositions du paragraphe 1 de l’article premier, des articles 3, 11, 12 et 13, du paragraphe 1 de l’article 14 et du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention.
3.2.Il affirme que le traitement subi par les 23 personnes constitue une torture au sens de l’article premier.
3.3Il invoque une violation de l’article 3 au motif que ces personnes, si elles étaient renvoyées en Inde, seraient soumises à des actes de torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, vu la situation de conflit qui règne au Cachemire et la persécution dont elles auraient été victimes en raison de ce conflit.
Observations de l ’ État partie sur la recevabilité de la requête
4.1Dans une note verbale en date du 21 août 2007, l’État partie fait valoir que la requête est irrecevable du fait que le requérant n’a pas la capacité légitime pour représenter les victimes alléguées. Il fait observer que le requérant lui-même reconnaît n’être pas investi d’un pouvoir de représentation pour saisir le Comité.
4.2L’État partie affirme que la requête est également irrecevable pour non-épuisement des recours internes, le requérant n’ayant à aucun moment cherché à engager une procédure en Espagne. Il indique qu’une procédure portant sur les mêmes faits a été engagée devant les juridictions internes par la Commission espagnole d’aide aux réfugiés, avec l’autorisation des intéressés, et a débouché sur le recours administratif du 5 mars 2007, en attente d’examen par l’Audiencia Nacional.
4.3L’État partie affirme que la relation des faits par le requérant est biaisée et tendancieuse. Il nie que les détenus aient été «entassés» à Nouadhibou, affirmant au contraire que l’entrepôt était spacieux et adapté à un séjour prolongé. Il ajoute que les 369 migrants à bord du Marine I se trouvaient dans un grave état d’hygiène (gale) et de santé (déshydratation et maladies) lorsqu’ils ont été secourus dans les eaux internationales, et qu’ils ont reçu d’urgence une assistance humanitaire et médicale à bord du navire.
4.4L’État partie souligne qu’à tout moment il a agi conformément aux Conventions SOLAS etSAR, afin que le Sénégal, qui était géographiquement responsable du sauvetage maritime dunavire, autorise le transfert de celui-ci au port sûr le plus proche, en l’occurrence celui deNouadhibou en Mauritanie. L’accord diplomatique conclu d’urgence avec les autorités mauritaniennes a permis à l’Espagne d’offrir un appui technique à la Mauritanie en matière d’assistance humanitaire et sanitaire.
4.5L’État partie fait observer que des représentants du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et de l’OIM ont participé à l’identification et au rapatriement des passagers du Marine I, et que ces organisations ont félicité le Gouvernement espagnol pour la manière dont il avait mené ces opérations. Il ajoute qu’au cours de la procédure d’identification, le personnel de l’OIM a informé individuellement chacune des personnes interrogées de son droit de demander l’asile et le statut de réfugié. Sur décision du Gouvernement espagnol, celles qui étaient considérées comme susceptibles de relever des catégories prévues par la législation relative à l’asile et au statut de réfugié ont été transférées aux îles Canaries, où elles ont eu un nouvel entretien avec des représentants du HCR.
4.6Pour ce qui est des 23 victimes alléguées, l’État partie indique que tant le personnel de l’OIM que les délégations de l’Inde et du Pakistan envoyées aux fins d’identification ont essayé à plusieurs reprises de les interroger, mais qu’elles ont refusé. D’après un porte-parole du HCR en Espagne, une équipe d’avocats de cette organisation s’est entretenue avec elles. Le HCR a ensuite publié un communiqué indiquant que ces 23 migrants ne remplissaient guère les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié et n’avaient fourni aucun élément solide donnant à penser que leur vie serait en danger s’ils retournaient dans leur pays d’origine. À son tour, dans une lettre du 20 avril 2007 au Président du Gouvernement espagnol, le Haut‑Commissaire pour les réfugiés a indiqué qu’il «n’y [avait] dans ce groupe aucune personne nécessitant une protection internationale».
4.7D’après l’État partie, dès le moment où les passagers du Marine I ont été débarqués, le Gouvernement espagnol a veillé à ce qu’ils soient transférés dans un centre d’accueil satisfaisant, qui a été pourvu à cette fin de tentes et de lits provisoires. Les naufragés ont reçu trois repas chauds par jour, adaptés à leur régime alimentaire. Ils ont également reçu des soins médicaux ponctuels dispensés par la Croix-Rouge et Médecins du monde, notamment un traitement contre la gale et des interventions chirurgicales lorsque cela était nécessaire. Ils ont pu se doucher quotidiennement et changer de vêtements chaque semaine.
4.8Enfin, l’État partie fait valoir que, conformément à l’accord diplomatique conclu avec la Mauritanie, des membres des forces de sécurité espagnoles ont été temporairement détachés dans ce pays pour apporter un appui technique aux autorités mauritaniennes et pour veiller au bon déroulement des opérations d’accueil et de rapatriement. Par conséquent, aucun migrant n’a été détenu de manière irrégulière.
Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie
5.1Dans une lettre en date du 18 octobre 2007, le requérant réitère ses arguments en ce qui concerne sa capacité pour représenter les 23 personnes et l’épuisement des recours internes. Il fait valoir que l’existence d’une procédure engagée devant les juridictions espagnoles par la Commission espagnole d’aide aux réfugiés n’empêche pas le Comité de se prononcer sur la présente requête, d’autant que le recours en question a été rejeté.
5.2Le requérant affirme que le port sûr le plus proche où transférer les migrants du Marine I ne pouvait être qu’un port des îles Canaries (Espagne), compte tenu des conditions de vie dans les pays côtiers africains. Il indique qu’il s’est écoulé deux semaines entre la localisation du Marine I et son remorquage jusqu’en Mauritanie et que, pendant cette période, les passagers du navire n’ont pas reçu d’assistance médicale ni humanitaire, aucun d’entre eux n’a été évacué pour raisons de santé, et ce n’est qu’une fois débarqués qu’ils ont bénéficié des premiers secours «sérieux» qui doivent être dispensés immédiatement selon la loi. Le requérant affirme qu’au cours de ces deux semaines, les 369 migrants sont restés entassés à bord du Marine I, la nourriture leur était envoyée à l’aide de cordages, et aucun personnel médical n’a pu leur porter assistance ni monter à bord pour vérifier leur état de santé.
5.3Le requérant fait valoir que la Mauritanie n’est pas signataire de la Convention SAR et n’est donc pas obligée de recevoir les migrants sur son sol, et que l’Espagne l’a dédommagée de cet accueil. Selon des sources journalistiques, les migrants sont restés sous le contrôle des autorités espagnoles et mauritaniennes.
5.4Enfin, le requérant réaffirme que les 23 personnes ont été détenues dans les conditions qu’il a décrites dans sa lettre initiale.
Observations de l ’ État partie sur le fond de la requête
6.1Dans ses notes en date du 18 décembre 2007 et du 3 janvier 2008, l’État partie réitère ses arguments en ce qui concerne la recevabilité, à savoir que le requérant n’aurait pas la capacité légitime de saisir le Comité au titre de l’article 22 de la Convention et que les recours internes n’ont pas été épuisés. Il affirme également que la responsabilité de l’Espagne n’est pas engagée puisque les faits se sont produits en dehors de sa juridiction. Il fait observer que son intervention est allée bien au-delà de ses obligations internationales en matière de secours et de sauvetage en mer, en vertu desquelles il devait seulement secourir et transférer le cargo jusqu’à un port sûr, sans être tenu de s’occuper des personnes à bord, ni de leur porter assistance ou de les rapatrier.
6.2L’État partie informe le Comité que l’Audiencia Nacional, par une décision en date du 12 décembre 2007, a rejeté le recours administratif présenté par la Commission espagnole d’aide aux réfugiés en vertu de la loi spéciale pour la protection des droits fondamentaux de la personne. L’Audiencia Nacional a estimé que les faits en cause constituaient des activités politiques du Gouvernement, en l’occurrence des actes d’aide humanitaire effectués en application de la réglementation internationale, et qu’ils bénéficiaient de l’immunité judiciaire conformément à la loi 29/1988 du 13 juillet portant règlement de la juridiction contentieuse administrative. Le tribunal a estimé également que les mesures concernant les personnes débarquées à Nouadhibou avaient été prises par les autorités de la Mauritanie, en application de leur législation nationale, et qu’il appartenait par conséquent aux juridictions de ce pays de connaître le cas échéant des irrégularités alléguées par la Commission espagnole d’aide aux réfugiés. L’État partie fait observer que la décision de l’Audiencia Nacional est susceptible d’appel, ce qui confirme que des recours internes peuvent encore être exercés au sujet de cette affaire. Il affirme que l’intervention du requérant est inopportune et constitue un abus du droit de présenter des communications.
6.3Dans son rapport final publié le 29 juillet 2007, l’ONG Médecins du monde a indiqué que 6 des 23 personnes avaient été transférées à Melilla (Espagne), où l’une d’elles allait obtenir le statut de réfugié tandis que les 5 autres obtiendraient le statut de résident pour raisons humanitaires.
6.4Enfin, l’État partie réitère ses arguments antérieurs en ce qui concerne les conditions de détention des intéressés et conteste la version des faits donnée par le requérant.
Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie
7.1Dans une lettre en date du 18 février 2008, le requérant confirme ses déclarations antérieures quant à la recevabilité et au fond de la requête.
7.2Le requérant maintient que l’État partie n’a pas agi pour des raisons humanitaires mais en application d’une obligation internationale, assumant la responsabilité des intéressés du début à la fin de son intervention.
7.3D’après des informations de source journalistique fournies par le requérant, en juillet 2007, 13 des 23 personnes ont été rapatriées, 4 ont été envoyées au Portugal et 5 ont été transférées au Centre de rétention pour immigrés de Melilla (Espagne). Le requérant invite le Comité à se rendre dans ce centre pour y interroger les cinq détenus. Il fait valoir qu’étant lui-même un militant social bénévole, il ne dispose pas des moyens et des autorisations nécessaires pour aller à Melilla et participer à cette enquête.
Délibérations du Comité
8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si celle-ci est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention.
8.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie, qui affirme que l’Espagne n’est pas compétente à l’égard des personnes citées étant donné que les faits en cause se sont produits en dehors de son territoire. Il rappelle cependant son Observation générale no 2, dans laquelle il indique que la juridiction de l’État partie s’étend à tout territoire sur lequel celui-ci exerce directement ou indirectement, en tout ou en partie, de fait ou de droit, un contrôle effectif, conformément au droit international. En particulier, cette juridiction s’étend aux situations dans lesquelles l’État partie exerce, directement ou indirectement, de fait ou de droit, un contrôle sur des détenus. Cette interprétation de la notion de juridiction s’applique non seulement à l’article 2, mais également à toutes les dispositions de la Convention, y compris l’article 22. En l’espèce, le Comité relève que l’État partie a exercé un contrôle sur les passagers du Marine I dès le moment du sauvetage et tout au long de la procédure d’identification et de rapatriement qui a eu lieu à Nouadhibou. En particulier, l’État partie a exercé en permanence, en vertu d’un accord diplomatique passé avec la Mauritanie, un contrôle de fait sur les intéressés pendant que ceux-ci étaient détenus à Nouadhibou. Par conséquent, le Comité considère que les 23 personnes relèvent de la compétence de l’Espagne pour ce qui est de la plainte soumise dans la présente requête.
8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie, qui affirme que le requérant n’aurait pas la capacité légitime pour agir au nom des 23 personnes, puisque que celles-ci ne l’ont pas autorisé à cet effet. Le requérant a affirmé que les intéressés ne pouvaient pas présenter eux‑mêmes une plainte au Comité en raison des conditions dans lesquelles ils étaient détenus en Mauritanie. Le Comité fait observer que, conformément à l’alinéa a de l’article 107 de son règlement intérieur, la personne autorisée à présenter une plainte en vertu de l’article 22 de la Convention est la victime elle-même, ses proches ou des représentants désignés, ou encore d’autres personnes en son nom s’il est évident qu’elle n’est pas en mesure de la présenter personnellement et pour autant qu’une autorisation appropriée soit présentée par écrit au Comité. Dans la présente affaire, les victimes alléguées devaient autoriser expressément le requérant pour qu’il agisse en leur nom devant le Comité, sauf si cela était impossible du fait de leur situation. Le Comité relève que les intéressés, pendant leur détention à Nouadhibou, ont été interrogés par des représentants du HCR, de l’OIM et de Médecins du monde. Il relève également que la Commission espagnole d’aide aux réfugiés a engagé avec leur autorisation une action devant les juridictions espagnoles au sujet des mêmes faits. Au vu des informations dont il dispose, le Comité ne peut donc pas conclure qu’il n’aurait pas été possible à un moment ou à un autre de rencontrer les intéressés pour obtenir leur consentement pour être représentés devant le Comité, d’autant qu’une procédure est en cours devant les juridictions internes au sujet des mêmes faits. Le Comité ne peut pas conclure non plus que le manque de moyens financiers invoqué par le requérant dispense celui-ci d’obtenir des victimes alléguées, postérieurement transférées à Melilla, leur autorisation pour agir en leur nom. Le Comité considère par conséquent que le requérant n’a pas la capacité requise pour agir en représentation des victimes alléguées conformément au paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention.
8.4Ayant conclu que le requérant n’avait pas capacité pour agir, le Comité estime qu’il n’a pas à se prononcer sur la question de l’épuisement des recours internes.
9.Par conséquent, le Comité contre la torture décide:
a)Que la requête est irrecevable;
b)Que la présente décision sera communiquée au requérant et à l’État partie.
[Adopté en espagnol (version originale), en anglais, en français et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]
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