Nations Unies

CAT/C/LVA/CO/3-5

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

23 décembre 2013

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant les troisièmeà cinquième rapports périodiques de la Lettonie,soumis en un seul document *

Le Comité contre la torture a examiné les troisième à cinquième rapports périodiques de la Lettonie, soumis en un seul document (CAT/C/LVA/3-5) à ses 1176e et 1179e séances, les 31 octobre et 1er novembre 2013 (CAT/C/SR.1176 et CAT/C/SR.1179), et a adopté les observations finales suivantes à sa 1199e séance (CAT/C/SR.1199), le 15 novembre 2013.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté d’établir son rapport selon la procédure facultative et d’avoir soumis, en un seul document, ses troisième à cinquième rapports périodiques en temps voulu en réponse à la liste des points à traiter (CAT/C/LVA/Q/5), autant d’éléments qui servent de fil conducteur à l’examen du rapport et au dialogue avec la délégation.

Le Comité se félicite aussi du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et apprécie les informations complémentaires détaillées fournies par la délégation.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen du deuxième rapport périodique, l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après ou y a adhéré:

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 31 août 2010;

b)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le 19 avril 2013.

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour réviser sa législation dans les domaines touchant la Convention, et notamment:

a)Les modifications apportées le 12 mars 2009 à l’article 273 du Code de procédure pénale concernant les motifs de mise en détention de mineurs;

b)L’entrée en vigueur de la nouvelle loi relative à l’asile, le 14 juillet 2009;

c)Les modifications apportées le 23 décembre 2009 à la loi relative aux procédures d’entrée en vigueur et d’application du Code pénal, qui sont venues compléter cette loi en y ajoutant l’article 241, qui porte sur la définition de la torture;

d)L’entrée en vigueur, le 1er mars 2010, de la loi relative aux droits des patients, qui protège en particulier les droits des mineurs et consacre le droit du patient à une indemnisation;

e)Les modifications apportées à la loi relative aux traitements médicaux, entrées en vigueur le 1er janvier 2011, concernant les mesures à prendre par les établissements médicaux dans le cas où leurs patients ont subi des violences;

f)Les modifications apportées le 8 août 2011 à la loi relative à l’exécution des peines, concernant la réadaptation sociale des détenus;

g)L’abolition de la peine de mort dans le Code pénal, le 1er décembre 2011.

Le Comité salue aussi les efforts faits par l’État partie pour modifier ses politiques, programmes et dispositions administratives en vue de donner effet à la Convention, et notamment:

a)L’adoption des principes directeurs fondamentaux visant à l’amélioration de la santé mentale de la population pour 2009-2014, le 6 août 2008;

b)L’adoption par le Gouvernement, le 9 janvier 2009, du document de réflexion sur la réinsertion sociale des personnes condamnées à une peine privative de liberté;

c)L’adoption des Principes directeurs fondamentaux concernant l’exécution des peines de prison et la détention des mineurs pour 2007‑2013, le 2 mars 2010;

d)L’adoption par le Conseil des ministres des dispositions fixant les conditions d’application d’un travail d’intérêt général en tant que mesure de substitution à l’emprisonnement, y compris dans le cas de mineurs, le 9 février et le 3 août 2010;

e)La publication en janvier 2010 par le Bureau des questions de citoyenneté et de migration d’un commentaire de la loi relative à l’asile, visant à améliorer la qualité de la procédure d’asile.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

Tout en prenant note des modifications apportées à la loi relative aux procédures d’entrée en vigueur et d’application du Code pénal, lesquelles complètent cette loi en y ajoutant l’article 241, qui définit la torture, et en rappelant ses précédentes observations finales (CAT/C/LVA/CO/2, par. 5), le Comité s’inquiète de constater que la définition de la torture ne vise pas l’ensemble des éléments énoncés dans l’article premier de la Convention, ce qui pourrait créer un vide juridique ouvrant la voie à l’impunité, comme cela a été souligné par le Comité dans son Observation générale no 2 (2007) concernant l’application de l’article 2 par les États parties (art. 1er).

L’État partie devrait modifier sa législation pour y inclure une définition de la torture conforme à la Convention, qui couvre l’ensemble des éléments énoncés à l’ article premier, notamment le fait d’infliger un acte de torture à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne pour tout motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.

Incrimination de la torture comme infraction pénale spécifiqueet prescriptiondes actes de torture

Le Comité est préoccupé par le fait que la torture ne constituant pas une infraction distincte selon le Code pénal, les peines applicables aux actes de torture ont été intégrées dans divers articles du Code pénal et que celles-ci ne constituent pas des peines appropriées pour de telles infractions pénales, compte tenu de leur gravité. Il constate également avec préoccupation que les actes de torture et la tentative de pratiquer la torture, ainsi que les actes constituant une complicité ou une participation à un acte de torture sont soumis à un délai de prescription de dix ans dans la plupart des cas, ce qui fait que de tels actes risquent de demeurer impunis (art.2 et4).

L’État partie devrait modifier sa législation afin que la torture soit érigée en infraction spécifique dans le Code pénal et assortie de peines appropriées prenant en considération la gravité des actes de torture, comme le prévoit l’article 4 2), de la Convention. En outre, l’État partie devrait faire en sorte que l’interdiction de la torture soit absolue et que les actes de torture soient imprescriptibles, de sorte que les actes de torture et la tentative de pratiquer la torture, ainsi que les actes constituant un e complicité ou une participation à un acte de torture puissent donner lieu à une enquête, à des poursuites et à des sanctions, sans qu’il y ait prescription.

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité est préoccupé par le fait que les personnes privées de liberté ne jouissent pas, dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales contre la torture et les mauvais traitements qui devraient être offertes dès le début de la privation de liberté, telles que l’accès à un avocat et à un médecin indépendant et le droit d’aviser un proche ou un tiers de leur choix, dès le moment où elles sont privées de liberté. Il s’inquiète aussi de certaines informations faisant état d’une pénurie d’avocats et de la réticence des avocats à assurer «l’aide juridictionnelle d’État», faute d’une rémunération suffisante (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait:

a) Prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que toutes les personnes détenues bénéficient, en droit et dans la pratique, de l’ensemble des garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté, en particulier le droit d’avoir accès sans délai à un avocat et, si nécessaire, à une aide juridictionnelle; le droit d’avertir un proche ou un tiers de leur choix; le droit de se faire examiner par un médecin indépendant, si possible de leur choix, conformément aux normes internationales;

b) Veiller à l’application du règlement n o  1493 relatif aux types d’aide juridictionnelle assurée par l’État et à la portée de cette aide, au montant des paiements, aux frais remboursables liés à la fourniture de l’aide juridictionnelle et aux procédures de paiement, adopté par le Conseil des ministres le 22 décembre 2009 afin d’accroître le nombre de membres du barreau susceptibles d’assister toutes les personnes ayant besoin de l’aide juridictionnelle d’État, y compris dans les régions rurales reculées.

Détention provisoire

Le Comité prend note de la réduction du nombre de prisonniers et de détenus depuis l’adoption du document de politique pénale qui est entré en vigueur le 1er avril 2013, mais relève avec inquiétude que, pendant la période considérée, aucune modification n’a été apportée à la durée de la détention provisoire, y compris la garde à vue. Il est également préoccupé par le fait que la législation nationale ne fixe aucune limite, définie en nombre de jours ou d’heures, à la durée de détention d’une personne dans les petits postes de police (art.2, 10 et16).

L’État partie devrait:

a) Adopter toutes les mesures nécessaires pour réduire la durée de détention provisoire et concevoir des mesures de substitution à l’incarcération;

b) Faire en sorte qu’il n’y ait pas de placement en détention provisoire dans des locaux de la police et mettre en place des mesures de substitution, non privatives de liberté, à l’incarcération, en tenant compte des dispositions des Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) lors de la conception de mesures de substit ution à la détention provisoire ;

c) Veiller à ce que les personnes placées en détention provisoire soient toujours transférées rapidement vers un centre de détention;

d) Prendre des mesures, notamment d’ordre législatif, pour garantir que le retour de détenus à des locaux de détention de la police ne soit demandé et autorisé qu’à titre exceptionnel, pour des raisons précises et pour la durée la plus courte possible. Un tel retour devrait dans tous les cas être soumis à l’autorisation d’un procureur ou d’un juge, et il ne devrait jamais y être procédé sur la seule décision d’un enquêteur de police;

e) Instaurer des règles strictes concernant la durée de détention dans les locaux de la police, veiller à ce qu’elles soient effectivement appliquées par les autorités judiciaires et concevoir des mesures de substitution à l’incarcération.

Administration de la justice

Le Comité est préoccupé par l’inefficacité du système judiciaire, la lenteur excessive des procédures tant civiles que pénales et l’arriéré judiciaire (art. 2).

L’État partie devrait:

a) Réformer le système judiciaire en vue d’accélérer les procédures judiciaires et de les rendre plus efficaces, en particulier en ce qui concerne la justice pénale;

b) Prendre des mesures pour renforcer la magistrature dans l’exercice de ses fonctions et améliorer encore le régime de nomination, de promotion et de révocation des juges au regard des normes internationales pertinentes, notamment des Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistratu re.

Recours excessif à la force

Le Comité est préoccupé par les allégations de recours excessif à la force et de mauvais traitement par des policiers lors d’arrestations et pendant des interrogatoires dans les locaux de la police. Il s’inquiète en outre de l’absence d’un système de collecte de données sur les cas de mauvais traitements et du nombre peu élevé de sanctions disciplinaires et pénales. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les plaintes et les allégations relatives à des violences et des sévices physiques infligés par des policiers sont examinées par le Bureau de la sécurité intérieure de la Police nationale, qui fait partie des forces de police, et par l’absence d’informations sur l’issue de ces investigations et sur l’octroi d’une quelconque réparation aux victimes (art. 2, 10, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce que tous les cas signalés de mauvais traitement ou de recours excessif à la force par un membre de la police fassent l’objet d’une enquête rapide, effective et impartiale, tant au niveau disciplinaire que pénal, menée par un mécanisme indépendant, et à ce qu’il n’y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs et l’auteur présumé des faits;

b) Veiller à ce que les personnes soupçonnées d’acte de torture ou de mauvais traitement soient immédiatement suspendues de leurs fonctions et à ce que cette suspension soit maintenue tout au long de l’enquête ;

c) Poursuivre les personnes soupçonnées d’avoir infligé des violences physiques et des mauvais traitements et, lorsqu’elles sont reconnues coupables, veiller à ce qu’elles soient condamnées à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes et à ce que leurs victimes obtiennent une réparation adéquate, conformément à l’article 14 de la Convention ;

d) Veiller à ce que les membres de s forces de l’ordre soient formés à des techniques professionnelles qui réduisent autant que possible le risque d’atteinte à l’intégrité physique des personnes appréhendées et à ce qu’ils reçoivent une formation sur les normes internationales relatives à l’usage de la force et des armes à feu, sur l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements et sur leur responsabilité en cas d’usage excessif de la force.

Institution nationale des droits de l’homme

Rappelant ses précédentes observations finales (par. 6) adoptées en novembre 2007, le Comité exprime sa préoccupation quant aux informations jetant le doute sur l’indépendance du Médiateur, la portée de son mandat et les moyens financiers et humains dont il dispose pour s’acquitter de son mandat et assumer sa charge de travail ainsi que pour exercer les fonctions d’une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

L’État partie devrait mettre en place une institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme, dotée de ressources financières et humaines suffisantes, en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), et présenter une demande d’accréditation au Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

Violence familiale

Tout en prenant note des modifications introduisant des circonstances aggravantes pour les actes de violence et les menaces de violence à l’article 48 du Code pénal, et rappelant ses précédentes observations finales (par. 20), le Comité reste préoccupé par le fait que la violence familiale n’est pas érigée en infraction spécifique dans le Code pénal et que le viol conjugal n’est pas reconnu comme une infraction pénale distincte. Il est aussi préoccupé par l’absence de mesures de protection telles que des mesures d’éloignement des auteurs d’actes de violence familiale et de sévices, par l’appui insuffisant de l’État partie à la gestion des foyers destinés spécifiquement aux femmes maltraitées et le fait que les services de réadaptation psychosociale et d’aide juridique sont pour la plupart fournis par des organisations non gouvernementales (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait:

a) Adopter une législation complète relative à la violence faite aux femmes, qui érigerait en infraction spécifique la violence familiale et le viol conjugal dans le Code pénal;

b) Veiller à ce que tous les signalements d’actes de violence familiale, y compris de violence sexuelle et de violence faite aux enfants, soient enregistrés par la police, que tous les cas de violence fassent rapidement l’objet d’enquêtes impartiales et efficaces, et que leurs auteurs soient poursuivis et, lorsqu’ils sont reconnus coupables, punis proportionnellement à la gravité de leurs actes;

c) Sensibiliser les forces de l’ordre et les former à la conduite d’enquêtes sur les cas de violence familiale et à l’engagement de poursuites;

d) Veiller à ce que les victimes de violence familiale, y compris de violence sexuelle, bénéficient d’une protection, y compris de mesures d’éloignement des auteurs des faits, et aient accès à des services médicaux et juridiques, y compris un soutien psychosocial, obtiennent réparation, notamment sous forme de mesures de réadaptation, et aient accès à des foyers sûrs et dotés de moyens financiers suffisants , destinés expressément aux femmes maltraitées , qui soient administrés et appuyés directement par l’État.

Traite des êtres humains

Le Comité salue les accords bilatéraux de coopération en matière de lutte contre la traite des êtres humains que l’État partie a conclus avec 20 pays et l’adoption du programme national de prévention de la traite des êtres humains, mais est préoccupé par le fait que l’État partie reste un pays d’origine de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail (art. 2, 10, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait:

a) Prendre des mesures efficaces pour prévenir la traite des êtres humains, notamment appliquer rigoureusement la législation réprimant la traite et renforcer la coopération internationale , ainsi qu’ intensifier l’action menée pour combattre les mariages de complaisance, qui peuvent être à l’origine de la traite;

b) Ouvrir rapidement des enquêtes impartiales et efficaces, engager des poursuites et punir la traite des personnes et les pratiques analogues ;

c) Renforcer la protection des victimes de la traite et leur fournir réparation, notamment une assistance d’ordre juridique, médical et psychologique, mettre en place des services de réadaptation destinés spécifiquement aux victimes de la traite ainsi que des foyers adaptés, et les aider à signaler les cas de traite à la police;

d) Renforcer la formation spécialisée destinée aux policiers , aux procureurs, aux juges, aux fonctionnaires de l’immigration et aux agents de la police des frontières, concernant notamment le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, la prévention de la traite, la conduite d’enquêtes, l’engagement de poursuites et la répression des actes de traite, et mener des campagnes nationales de sensibilisation, notamment dans les médias, sur le caractère criminel de ces actes.

Résidents non ressortissants

Le Comité accueille avec satisfaction la réduction sensible du nombre de personnes dites «résidents non ressortissants», dont la proportion est passée de 29 % en 1995 à 13 % actuellement, et les modifications apportées à la loi sur la nationalité en mai 2013, qui prévoient l’établissement d’une procédure simplifiée de naturalisation, mais est préoccupé par le grand nombre de non‑ressortissants qui résident de manière permanente dans l’État partie (art. 2 et16).

L’État partie devrait:

a) Inviter les résidents non ressortissants à utiliser la procédure de naturalisation simplifiée prévue par la loi sur la nationalité, telle que modifiée en mai 2013, et faciliter l’octroi de la nationalité aux non ‑ressortissants ainsi que leur naturalisation et leur intégration;

b) Redoubler d’efforts pour informer les parents dont les enfants peuvent se faire naturaliser et envisager d’accorder automatiquement la nationalité à la naissance, sans enregistrement préalable de la part des parents, aux enfants de parents non ressortissants qui n’ont pas obtenu d’autre nationalité, afin de prévenir les cas d’apatridie;

c) Envisager de proposer gratuitement des cours de langue à tous les résidents non ressortissants et aux personnes apatrides qui souhaitent demander la nationalité lettone.

Situation des demandeurs d’asile

Le Comité est préoccupé par les faits suivants:

a)Les demandeurs d’asile ne bénéficient pas toujours de toutes les garanties procédurales, notamment en ce qui concerne l’accès à un conseil et le droit de faire appel des décisions négatives les concernant;

b)Il peut exister un risque de refoulement dans les cas où l’appel d’une décision négative rendue dans le cadre de la procédure d’asile accélérée n’a pas d’effet suspensif;

c)La détention de demandeurs d’asile n’est pas toujours décidée en dernier recours et les demandeurs d’asile mineurs peuvent être placés en détention dès l’âge de14 ans (art. 3 et16).

L’État partie devrait:

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention et s’abstenir d’expulser, de refouler ou d’extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture;

b) Veiller à ce que toutes les personnes demandant l’asile dans l’État partie, y compris aux postes de frontière, jouissent de toutes les garanties procédurales, notamment l’accès à l’aide juridictionnelle et à un interprète, et le droit de faire appel en cas de décision négative;

c) Faire en sorte que les décisions concernant l’asile, y compris dans le cadre de la procédure accélérée, puissent faire l’objet d’un recours avec effet suspensif afin d’éviter le risque de refoulement;

d) Recourir au placement en détention des demandeurs d’asile uniquement en dernier recours et pour une période aussi courte que possible, s’abstenir de placer des mineurs en détention et réexaminer la politique en la matière afin de la rendre conforme aux Principes directeurs relatifs aux critères et aux normes applicables à la détention des demandeurs d’asile et alternatives à la détention, établis par le Haut ‑ Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Formation

Le Comité est préoccupé par l’absence de méthodes spécifiques permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement sur l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements et sur les dispositions de la Convention, qui sont destinés aux forces de l’ordre, au personnel pénitentiaire, aux gardes frontière, au personnel médical, aux juges et aux procureurs, ainsi que leur incidence sur la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements. Il s’inquiète aussi de ce qu’une formation sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) n’est pas dispensée à tous les professionnels de la santé qui s’occupent des personnes privées de liberté et des demandeurs d’asile (art. 10 ).

L’État partie devrait:

a) Élaborer des méthod es spécifiques pour évaluer l’efficacité et les effets des programmes de formation et d’enseignement sur l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements qui sont destinés aux forces de l’ordre, au personnel pénitentiaire, aux gardes frontière, au personnel médical, aux juges et aux procureurs;

b) Veiller à ce que le Protocole d’Istanbul constitue un élément central de la formation dispensée à tous les professionnels de la santé et autres agents de la fonction publique qui travaillent auprès de personnes privées de liberté et de demandeurs d’asile.

Conditions de détention

Le Comité est préoccupé par les faits suivants (art. 11, 13 et 16):

a)Les conditions matérielles de détention dans les lieux de privation de liberté, en particulier dans ceux qui sont vétustes, ne sont toujours pas conformes aux normes internationales en ce qui concerne l’infrastructure, l’hygiène et les conditions sanitaires, les espaces de vie et le régime d’activités, en particulier pour les détenus exécutant une peine de réclusion à perpétuité et les personnes en détention provisoire;

b)Les graves carences et les retards considérables dans la fourniture des soins médicaux, psychologiques et dentaires, étant donné, surtout, que ces derniers sont à la charge des détenus;

c)Les conditions matérielles dans la plupart des locaux de détention de la police, notamment l’accès limité ou inexistant à la lumière naturelle et à la ventilation, l’insalubrité des cellules et le caractère inadéquat des installations sanitaires, qui ne sont pas conformes aux normes internationales;

d)La loi relative à la procédure de placement en détention provisoire dispose que l’espace dans les cellules conçues pour accueillir plusieurs personnes ne doit pas être inférieur à 3 mètres carrés par personne.

L’État partie devrait:

a) Continuer à prendre des mesures pour améliorer les conditions matérielles dans tous les établissements pénitentiaires et tous les centres de détention de la police en ce qui concerne l’infrastructure, l’hygiène et les conditions sanitaires, le chauffage, les espaces de vie et le régime d’activités, en particulier pour les détenus exécutant une peine de réclusion à perpétuité et les personnes en détention provisoire, conformément à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus;

b) Veiller à ce que des soins médicaux, psychologiques et dentaires soient fournis gracieusement et rapidement à tous les détenus;

c) Faire en sorte que la rénovation des lieux de détention existants se poursuive conformément au calendrier prévu;

d) Garantir l’existence de mécanismes impartiaux et indépendants permettant de contrôler les lieux de privation de liberté, d’examiner les plaintes des détenus concernant leurs conditions de détention et d’assurer le suivi efficace de ces plaintes;

e) Veiller à ce que l’espace dont dispose chaque détenu dans les cellules conçues pour accueillir plusieurs personnes ne soit pas inférieur à 4  mètres carrés, conformément aux normes du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Violence entre détenus

Le Comité est préoccupé par la persistance de la violence entre détenus et par l’absence d’enquêtes sur ces actes de violence, compte tenu en particulier du nombre élevé de cas. Il est en outre préoccupé par les informations faisant état de décès en détention consécutifs à des violences (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait:

a) Améliorer les mesures visant à réduire la violence entre détenus, notamment en renforçant le suivi et l’encadrement des prisonniers vulnérables et autres prisonniers à risques;

b) Poursuivre et parfaire la formation du personnel pénitentiaire et du personnel médical concernant la communication avec les détenus, l’encadrement des détenus et les moyens de repérer les signes de vulnérabilité;

c) Renforcer l’effic acité des mécanismes de plainte permettant de signaler les cas de violence et autres sévices , et accroître les ressources financières et humaines du Bureau du Médiateur et des autres mécanismes indépendants chargés d’effectuer des visites régulières dans tous les lieux de détention;

d) Ouvrir rapidement des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les cas de violence entre détenus et de décès en détention, engager des poursuites, condamner les personnes reconnues coupables à des peines appropriées et accorder réparation aux victimes ou aux membres de leur famille.

Recours à des moyens de contrainte dans les établissements pénitentiaires

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de l’utilisation injustifiée de moyens de contrainte dans les prisons, notamment la pratique courante consistant à menotter les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité lorsqu’ils sont hors de leur cellule (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait:

a) Abolir la pratique courante consistant à menotter les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité;

b) Veiller à ce que toutes les plaintes pour violation concernant l’usage des menottes fassent rapidement l’objet d’enquêtes indépendantes et efficaces, et que les responsables soi ent tenus de rendre des comptes .

Réparation, y compris l’indemnisation et la réadaptation

Le Comité est préoccupé par l’absence, dans la législation interne, de dispositions expresses qui établissent le droit de toute victime d’actes de torture et de mauvais traitements d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris en obtenant les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible, conformément à l’article 14 de la Convention. Il constate aussi avec inquiétude qu’il n’a pas été mis en place de services de réadaptation spécifiques, et regrette le manque de données sur le montant des indemnités accordées par les tribunaux à des victimes de violations de la Convention et sur les traitements et services de réadaptation sociale, y compris d’ordre médical et psychosocial, fournis aux victimes (art. 14).

L’État partie devrait modifier sa législation pour y inclure des dispositions expresses établissant le droit de toute victime d’actes de torture et de mauvais traitement s d’obtenir réparation et d’être notamment indemnisée équitablement et de manière adéquate conformément à l’article 14 de la Convention. Il devrait, dans la pratique, fournir à toutes les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements des moyens de réparation, notamment une indemnisation équitable et adéquate, ainsi qu’une réadaptation la plus complète possible, indépendamment du fait que les auteurs de tels actes aient été ou non poursuivis en justice. Il devrait allouer les ressources nécessaires à la mise en place de programmes de réadaptation.

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o  3 (2012) concernant l’application de l’article 14 par les États parties, qui précise le contenu et la portée de l’obligation qui incombe aux États partie s de fournir une réparation complète aux victimes de la torture.

Personnes handicapées

Tout en prenant note des modifications apportées à la loi relative aux traitements médicaux et de la tendance à la désinstitutionnalisation dans l’État partie, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des patients défavorisés ou à faible revenu placés dans des établissements médicaux psychoneurologiques, et qui sont autorisés à les quitter, ne peuvent le faire faute d’espace de vie, de travail et de moyens de subsistance (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait:

a) Garantir des conditions de vie décentes, notamment en ce qui concerne l’espace de vie, le travail et les moyens de subsistance, aux patients défavorisés ou à faible revenu placés dans un établissement médical pour leur permettre de quitter cet établissement ;

b) Établir un mécanisme de plainte indépendant ainsi que des services de conseil et ouvrir rapidement des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les plaintes pour mauvais traitements de personnes souffrant de troubles mentaux et psychosociaux placées en établissement psychiatrique, traduire en justice les responsables et fournir réparation;

c) Assurer le respect effectif des garanties légales applicables à toutes les personnes atteintes de troubles mentaux et psychosociaux et mettre en œuvre les recommandations du Médiateur concernant la tenue des dossiers dans les établissements psychiatriques, de sorte que le consentement du patient soit requis s’agissant tant de son hospitalisation que de la mise au point du traitement médical psychiatrique qui lui est dispensé dans l’établissement.

Autres questions

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les autres instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, notamment en russe, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

L’État partie est invité à mettre à jour son document de base commun, conformément aux instructions figurant dans les Directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6).

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, d’ici au 22 novembre 2014, desrenseignements sur la suite donnée aux recommandations relatives: a) au renforcement des garanties légales applicables aux personnes privées de liberté; b)aux conditions de détention; c) à l’utilisation de moyens de contrainte, qui figurent respectivement aux paragraphes 9, 19 et21 du présent document.

L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport, qui sera le sixième, le 22 novembre 2017 au plus tard. À cet effet, le Comité adressera en temps voulu à l’État partie une liste préalable de points à traiter, l’État partie ayant accepté de soumettre son rapport au Comité conformément à la nouvelle procédure facultative.