Nations Unies

CRPD/C/17/D/31/2015

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

22 mai 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 2du Protocole facultatif, concernant la communication no31/2015 * , **

Communication présentée par :

D. L. (représenté par G. L.)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Suède

Date de la communication :

8 juillet 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 70 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 20 juillet 2015 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

24 mars 2017

Objet :

Interdiction d’utiliser la méthode de communication facilitée pour communiquerà l’école

Question ( s ) de procédure :

Non-épuisement des recours internes

Question ( s ) de fond :

Droit à l’éducation ; but de la Convention; aménagement raisonnable; discrimination fondée sur le handicap; accessibilité; reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité; liberté d’expression et d’opinion; accès à l’information

Article ( s ) d e la Convention :

2, 3, 4, 5 (par. 2 et 3), 9, 12, 21, 24 et 25

Article ( s ) du Protocole facultatif :

2 (al. d)

1.1L’auteur de la communication est D. L, ressortissant suédois né le 5 février 1995. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 5, 24 et 25, lus conjointement avec les articles 2, 3, 4, 9, 12 et 21, de la Convention. L’auteur est représenté par G. L., sa mère. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 14 janvier 2009.

1.2Le 15 juillet 2015, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a décidé de ne pas adresser de demande de mesures provisoires au titre de l’article 4 du Protocole facultatif.

1.3Le 29 avril 2016, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a décidé, en application du paragraphe 8 de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, que la recevabilité de la communication devait être examinée séparément du fond.

A.Résumé des renseignements fournis et des argumentsavancés par les parties

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est atteint d’« autisme avec trouble du développement modéré ». Il étudie à l’École secondaire supérieure pour enfants ayant des besoins particuliers de Högsbodal, dans la municipalité de Göteborg, en Suède. Dans cette l’école, l’auteur utilisait la méthode de « communication facilitée » pour communiquer, pendant les horaires scolaires, avec le personnel et les autres élèves.

2.2Par une décision du 19 décembre 2014, l’Inspection scolaire suédoise a ordonné à la municipalité de Göteborg de veiller à ce que la communication facilitée ne soit utilisée dans aucune activité municipale. La municipalité a appliqué cette décision.

2.3L’auteur affirme que la décision de l’Inspection scolaire d’interdire l’utilisation de la communication facilitée, et l’application de cette décision par la municipalité de Göteborg, ont eu directement pour effet de réduire ses possibilités de participer activement aux cours. Il dit que, du fait de cette interdiction, le niveau d’éducation dont il bénéficie est moindre et il n’a pas pu montrer qu’il avait atteint les objectifs du programme. Il soutient que l’interdiction qui lui est faite d’utiliser la communication facilitée fait obstacle à ses progrès scolaires et constitue une violation de son droit à l’éducation.

2.4L’auteur renvoie à un rapport établi par un enseignant spécialisé de l’École secondaire supérieure de Högsbodal. D’après ce rapport, lorsque l’auteur a été admis à l’École, en 2012, il utilisait pour s’exprimer diverses techniques d’aide par l’image. Il restait souvent « bloqué » sur une image et le personnel devait deviner ce qu’il voulait dire. L’année avant qu’il commence à utiliser la méthode de communication facilitée, il avait connu plusieurs accès de colère. Le personnel avait alors dû lui administrer du Valium pour le calmer. L’auteur affirme que la communication facilitée a constitué pour lui un outil amélioré qui lui a permis de communiquer davantage et d’exprimer beaucoup mieux ce qu’il pensait et ce qui l’intéressait.

2.5L’auteur relève que la décision de l’Inspection scolaire de mettre un terme à l’utilisation de la communication facilitée à l’école et l’application de cette décision par la municipalité de Göteborg l’ont obligé à revenir à la technique des pictogrammes pour communiquer avec le personnel enseignant. De ce fait, il n’arrive pas à se faire comprendre et persiste à montrer toujours une même image, frustré de voir que les autres ne parviennent pas à saisir ce qu’il veut dire. L’auteur ajoute qu’il a expressément déclaré, au moyen de la communication facilitée, qu’il ne voulait pas avoir à communiquer par pictogrammes puisqu’il savait écrire. Il fait valoir que la méthode de communication plus restrictive que constitue le recours aux pictogrammes bloque son développement éducatif et l’empêche d’avoir de véritables échanges avec les autres. Elle est contraire à sa volonté, est dégradante et conduit à sous-estimer ses aptitudes et ses capacités.

2.6L’auteur note ensuite qu’en décidant d’interdire l’usage de la communication facilitée, le but de l’Inspection scolaire était de le protéger et d’« agir dans son intérêt supérieur ». Or il considère qu’un tel raisonnement est contraire à l’esprit profond de la Convention. L’auteur renvoie à l’observation générale no1 (2014) du Comité sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité, dans laquelle il est stipulé ce qui suit : « Le principe de l’“intérêt supérieur” n’est pas une garantie conforme à l’article 12 s’agissant d’adultes. Le paradigme “de la volonté et des préférences” doit remplacer le paradigme de l’“intérêt supérieur” pour que les personnes handicapées jouissent de leur droit à la capacité juridique à égalité avec les autres ». L’auteur affirme qu’il a clairement exprimé sa volonté et ses préférences en faveur de la communication facilitée, mais il dit que sa position ne sera pas prise en compte parce qu’elle a été exprimée au moyen de la communication facilitée. Il considère que si l’on rejetait l’expression de sa volonté au motif qu’elle a été faite au moyen de la communication facilitée, on l’empêcherait de faire un choix pour lui-même.

2.7L’auteur affirme en outre que la décision de l’Inspection scolaire d’interdire l’usage de la communication facilitée et l’application de cette décision par la municipalité ont nui à son bien-être. N’étant pas autorisé à communiquer ses pensées, il connaît des accès de colère, ce qui présente un risque pour sa santé et celle d’autrui. Au cours de ces crises, il doit être maintenu de force par deux ou trois assistants de crainte qu’il ne cause de graves préjudices. De plus, il doit prendre du Valium, qui est un puissant narcotique. Quand il pouvait utiliser la méthode de communication facilitée, il avait rarement besoin de ce médicament, alors qu’actuellement, on lui en a prescrit un ou deux comprimés par jour. La décision de l’Inspection scolaire et son application par la municipalité ont entraîné une grave détérioration de son état de santé et accru sa dépendance à un médicament contenant des substances puissantes et susceptibles de créer une accoutumance.

2.8L’auteur a fait appel auprès du Tribunal administratif de Stockholm de la décision de l’Inspection scolaire d’interdire la communication facilitée. Le 21 janvier 2015, le Tribunal a considéré que, en vertu de l’article 18 (chap. 28) de la loi relative à l’éducation, la décision de l’Inspection en date du 19 décembre 2014 n’était pas susceptible d’appel. Il a toutefois fait observer que, conformément à la loi relative à la procédure administrative, cette décision pouvait toujours être contestée si cela était jugé nécessaire pour satisfaire au droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal pour décider des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, conformément au paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la Convention européenne). Mais le Tribunal a considéré que l’utilisation de la communication facilitée n’était pas un droit civil du type de ceux visés au paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne et que la décision de l’Inspection scolaire n’était donc pas susceptible d’appel. L’auteur a alors sollicité l’autorisation de se pourvoir contre la décision du tribunal de première instance auprès du tribunal administratif d’appel. Le 13 février 2015, le tribunal administratif d’appel a rejeté cette demande.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur considère que l’État partie, en l’empêchant d’utiliser la méthode de communication de son choix, à savoir la communication facilitée, a violé les droits qui lui sont garantis à l’article 24, lu séparément et conjointement avec les articles 2, 3, 4, 9, 12 et 21 de la Convention. L’auteur fait valoir qu’il a clairement exprimé sa volonté d’utiliser la méthode de communication facilitée et affirme que, sans cette méthode, il ne profitera pas de son éducation et ne pourra pas atteindre les objectifs éducatifs.

3.2S’agissant des griefs tirés de l’article 24, lu conjointement avec l’article 12, l’auteur affirme qu’il a été privé du droit de choisir personnellement son mode de communication. Premièrement, l’Inspection scolaire et la municipalité ont considéré qu’il avait choisi une méthode éducative, alors qu’il avait en fait choisi un moyen de communication. Deuxièmement, en qualifiant la communication facilitée de méthode éducative, l’Inspection scolaire et la municipalité ont soumis cette méthode de communication à la condition, prévue par la législation suédoise, selon laquelle l’éducation « doit reposer sur une base scientifique et des expériences éprouvées ». Elles ont considéré que la communication facilitée ne répondait pas à cette condition et ont de ce fait privé l’auteur de la possibilité de choisir la méthode de communication qu’il préférait. L’auteur fait valoir que, au lieu de qualifier la communication facilitée de « méthode d’enseignement », l’Inspection scolaire et la municipalité auraient dû reconnaître que c’était un moyen de communication amélioré que l’auteur devrait pouvoir choisir. L’auteur soutient qu’en qualifiant de manière erronée la communication facilitée de méthode d’enseignement, on empêche les personnes handicapées de choisir leur manière de communiquer, d’où une discrimination fondée sur le handicap. L’auteur prétend aussi qu’en mettant en question son choix de méthode de communication au motif qu’il l’avait exprimé au moyen de la communication facilitée, l’État partie pouvait rejeter toutes les expressions de volonté ou de choix faites par des modes de communication non conventionnels sous prétexte qu’il n’y avait pas d’autres moyens fiables de vérification.

3.3En ce qui concerne les griefs qu’il tire de l’article 24, lu conjointement avec les articles 2, 9 et 21, l’auteur fait observer que, conformément au paragraphe 3 de l’article 24 de la Convention, les États parties sont tenus de donner aux personnes handicapées la possibilité d’acquérir les compétences pratiques et sociales nécessaires. Cette obligation suppose qu’ils prennent des mesures appropriées pour faciliter l’apprentissage du braille, de l’écriture adaptée et des modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative. L’auteur fait valoir que l’obligation de faciliter diverses formes de communication est également au cœur de l’article 9 de la Convention et que le droit de choisir ses moyens de communication est expressément reconnu à l’article 21 de la Convention. L’auteur affirme que cette liberté de choix devrait s’appliquer également au choix de la méthode de communication dans l’éducation, et fait observer que la définition de la communication donnée à l’article 2 de la Convention plaide pour une approche inclusive de ce terme.

3.4L’auteur affirme que l’État partie n’a pas pris les mesures appropriées pour lui offrir des aménagements raisonnables quant à la méthode de communication qu’il avait choisie, en violation des droits qui lui sont garantis au paragraphe 3 de l’article 5 de la Convention. Il soutient que l’adoption des dispositions nécessaires pour respecter son choix de communication dans l’école qu’il fréquente n’imposerait pas une charge disproportionnée ou indue à l’État partie, puisqu’il communiquait avec le personnel de son école au moyen de la communication facilitée avant le 19 décembre 2014, date de la décision de l’Inspection scolaire. S’adapter à son choix de méthode de communication n’entraînerait donc pas de dépenses supplémentaires. L’auteur affirme aussi qu’exiger que les méthodes de communication satisfassent à des critères scientifiques constitue une violation des droits qui lui sont garantis au paragraphe 2 de l’article 5 de la Convention. Il considère que, puisque la condition voulant que les méthodes de communication se fondent sur des critères scientifiques ne s’applique pas pour évaluer la validité des préférences des personnes non handicapées en matière de communication, le fait de qualifier d’une manière erronée la communication facilitée de méthode d’enseignement fait obstacle au choix de communication des personnes handicapées, mais non à celui des personnes qui ne sont pas handicapées, ce qui est discriminatoire.

3.5L’auteur fait valoir en outre que, n’étant pas autorisé à communiquer ses pensées, il souffre d’accès de colère, ce qui présente un risque pour sa santé et celle d’autrui et accroît sa dépendance à un médicament qui contient des substances puissantes et susceptibles de créer une accoutumance, en violation des droits qu’il tient de l’article 25 de la Convention.

3.6L’auteur prie le Comité de faire en sorte que l’État partie lui permette d’utiliser la méthode de la communication facilitée à l’École secondaire supérieure pour enfants ayant des besoins particuliers de Högsbodal.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 21 septembre 2015, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité de la communication. Il considère que la communication devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 2 d) du Protocole facultatif et de l’article 68 du règlement intérieur du Comité, pour non-épuisement des recours internes.

4.2L’État partie note que, le 21 janvier 2015, le Tribunal administratif de Stockholm a débouté l’auteur de l’appel qu’il avait formé contre la décision de l’Inspection scolaire en date du 19 décembre 2014. Il note en outre que l’auteur a formé un pourvoi contre la décision du Tribunal administratif auprès du tribunal administratif d’appel, lequel a refusé d’autoriser l’appel le 13 février 2015. L’État partie note que l’auteur, dans sa lettre initiale, a affirmé que la décision du tribunal administratif d’appel n’était pas susceptible de recours et qu’il avait donc épuisé tous les recours internes.

4.3L’État partie fait observer que, conformément à l’article 33 de la loi relative à la procédure du Tribunal administratif, la décision du tribunal administratif d’appel aurait pu être contestée devant la Cour administrative suprême. Cela ressortait aussi clairement de cette décision même, qui faisait notamment référence à une annexe contenant des informations sur la procédure d’appel. L’État partie affirme qu’en ne saisissant pas la Cour administrative suprême, l’auteur n’a pas donné aux autorités nationales toute latitude pour examiner les circonstances invoquées. L’État partie souligne que, si elle avait abouti, la saisine de la Cour administrative suprême aurait pu déboucher sur la conclusion que l’auteur était en droit de contester la décision de l’Inspection scolaire et, au bout du compte, sur un examen de sa requête tendant à ce que cette décision soit révoquée. Selon l’État partie, rien ne laisse penser qu’une procédure d’appel devant la Cour administrative suprême aurait excédé les délais raisonnables ou n’aurait pas été susceptible de déboucher sur une réparation effective.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 18 décembre 2015, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. L’auteur estime qu’il n’était pas nécessaire, pour épuiser les recours internes conformément à l’article 2 d) du Protocole facultatif, qu’il conteste la décision du tribunal administratif d’appel devant la Cour administrative suprême. Il affirme qu’un recours devant la Cour administrative suprême aurait prolongé la procédure au-delà des délais raisonnables et qu’il aurait été « très peu probable » qu’il lui donne satisfaction. Selon lui, il est quasiment certain qu’un tel recours n’aurait eu d’autre effet qu’une nouvelle dénégation d’action en appel tandis que son état de santé aurait pâti encore davantage du déni des droits qui lui sont garantis par la Convention.

5.2L’auteur indique que, d’après l’article 36 de la loi relative à la procédure du Tribunal administratif, l’autorisation de faire appel devant la Cour administrative suprême ne peut être accordée que dans deux sortes de cas : si l’examen de l’appel par la Cour est important pour guider l’application de la loi, ou si un tel examen est justifié par des raisons exceptionnelles, par exemple un motif d’examen extraordinaire, ou parce que la décision du tribunal administratif d’appel a manifestement été entachée d’une omission ou erreur grave. L’auteur affirme que la Cour administrative suprême accorde rarement l’autorisation de faire appel. Il renvoie au site Web officiel de la Cour, où il est indiqué que celle-ci est saisie chaque année d’environ 8 000 demandes mais n’autorise un appel que dans 2 % des cas. Le site indique aussi que « dans la pratique, les tribunaux administratifs d’appel sont dans la plupart des cas les juridictions de dernière instance ».

5.3L’auteur renvoie à la jurisprudence du Comité, soulignant que la Cour administrative suprême suédoise n’examine qu’une série très limitée et exceptionnelle de circonstances, analogues aux quatre cas exceptionnels pour lesquels la Cour de cassation italienne était compétente dans l’affaire A. F. c. Ital ie. L’auteur dit que son affaire ne relevait d’aucun des deux cas dans lesquels la Cour administrative suprême peut autoriser un appel et que, par conséquent, il n’avait pas besoin de se prévaloir, pour épuiser les recours internes, d’une possibilité aussi hypothétique.

5.4L’auteur affirme en outre qu’un recours qui n’avait aucune chance raisonnable d’aboutir n’aurait fait que prolonger les graves souffrances que l’interdiction discriminatoire de la communication facilitée lui avait déjà causées. Il fait observer que ces souffrances ont eu des répercussions sur son intégrité psychologique et physique puisque le refus de le laisser utiliser la communication facilitée a conduit à une situation où il était considéré comme présentant un risque pour lui-même et pour autrui à moins de se voir administrer de puissants médicaments.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 23 juin 2016, l’État partie a fait part de nouvelles observations sur la recevabilité de la communication. L’État partie relève que l’auteur n’a pas démenti le fait qu’il ne s’était pas pourvu contre la décision du tribunal administratif d’appel, alors que, selon la législation suédoise, il est possible de contester devant la Cour administrative suprême le refus d’accorder une autorisation de faire appel auprès du tribunal administratif d’appel.

6.2L’État partie conteste l’affirmation de l’auteur selon laquelle un recours devant la Cour administrative suprême aurait constitué une procédure excessivement longue et aurait eu peu de chances de lui donner satisfaction. Il considère que la présente communication diffère de l’affaire A. F. c. Italie, puisque, dans celle-ci, il était évident que la Cour de cassation italienne ne pouvait être saisie que sur des points formels ou des erreurs de droit, à l’exclusion de tout réexamen au fond. L’État partie indique que la législation suédoise applicable autorise un réexamen au fond si les conditions permettant d’accorder une autorisation de faire appel sont satisfaites, puisque l’article 36 de la loi relative à la procédure du Tribunal administratif stipule que l’autorisation de saisir la Cour administrative suprême est accordée si l’examen de l’appel par la Cour est important pour guider l’application de la loi, ou si un tel examen est justifié par des raisons exceptionnelles, par exemple un motif d’examen extraordinaire, ou parce que la décision du tribunal administratif d’appel a manifestement été entachée d’une omission ou erreur grave. Compte tenu de ce qui précède, l’État partie fait observer que les dispositions de la législation suédoise concernant la procédure d’appel et les conditions d’octroi de l’autorisation de faire appel sont différentes de celles de la législation italienne évoquée dans l’affaire A. F. c. Italie.

6.3L’État partie déclare qu’il n’est pas en mesure de dire si un appel de l’auteur aurait ou non abouti, mais conclut néanmoins qu’un réexamen du fond de l’affaire aurait pu avoir lieu si la Cour administrative suprême avait jugé bon d’autoriser l’appel. Il fait valoir que même si la Cour administrative suprême n’autorise les pourvois que dans des cas relativement peu nombreux, cela ne signifie pas en soi qu’un recours contre la décision du tribunal administratif d’appel aurait excédé les délais raisonnables ou aurait eu peu de chances de déboucher sur une réparation effective.

B.Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte formulée dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 2 c) du Protocole facultatif, que la même affaire n’avait pas déjà été examinée par le Comité et qu’elle n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 d) du Protocole facultatif puisque l’auteur n’a pas contesté la décision du tribunal administratif d’appel devant la Cour administrative suprême. Le Comité prend note également de l’argument de l’auteur selon lequel il est peu probable qu’un recours devant la Cour administrative suprême lui eût donné satisfaction. Le Comité rappelle qu’il n’est pas nécessaire d’épuiser les voies de recours interne s’il n’y a objectivement aucune chance de les voir aboutir, mais que de simples doutes sur l’efficacité des recours internes ne dispensent pas l’auteur de l’obligation de les épuiser. Le Comité prend note de l’argument de l’auteur selon lequel la Cour administrative suprême n’autorise l’appel que dans 2 % des affaires dont elle est saisie et uniquement dans des circonstances exceptionnelles. Le Comité note aussi que, d’après l’auteur, son affaire ne relevait d’aucun des deux cas dans lesquels la Cour administrative suprême peut autoriser un appel, à savoir : a) si l’examen de l’appel par la Cour est important pour guider l’application de la loi ; ou b) si un tel examen est justifié par des raisons exceptionnelles, par exemple un motif d’examen extraordinaire, ou parce que la décision du tribunal administratif d’appel a manifestement été entachée d’une omission ou erreur grave. Le Comité observe aussi que, bien que la Cour administrative suprême n’autorise l’appel que dans 2 % des affaires dont elle est saisie, aucun élément figurant au dossier ne permet au Comité de conclure que l’affaire de l’auteur n’aurait pas pu relever de l’un des deux cas dans lesquels la Cour administrative suprême peut accorder son autorisation de faire appel. Dans ces circonstances, le Comité ne saurait conclure qu’un recours de l’auteur devant la Cour administrative suprême n’aurait eu aucune chance objective d’aboutir.

7.4Le Comité prend note de l’argument de l’auteur qui affirme que se prévaloir de cette voie de recours interne aurait été excessivement long. Il relève que la décision de l’Inspection scolaire date du 19 décembre 2014 et que l’appel formé par l’auteur contre cette décision devant le Tribunal administratif de Stockholm a été rejeté le 21 janvier 2015. Il note aussi que le pourvoi de l’auteur auprès du tribunal administratif d’appel a été rejeté le 13 février 2015. Par conséquent, lorsque le tribunal administratif d’appel a pris sa décision, moins de deux mois s’étaient écoulés depuis l’adoption de la décision de l’Inspection scolaire. Le Comité ne considère pas que ce délai soit excessif. De plus, l’auteur n’a avancé aucun autre argument pour expliquer pourquoi il estime qu’un recours devant la Cour administrative suprême aurait été excessivement long. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que le grief portant sur le délai excessif de la procédure n’a pas été suffisamment étayé et que cette partie de la communication est irrecevable au regard de l’article 2 d) du Protocole facultatif.

7.5Le Comité conclut donc que les éléments figurant au dossier ne lui permettent pas de conclure qu’un pourvoi auprès de la Cour administrative suprême constituerait un recours inutile ou excessivement long, et constate donc que les recours internes n’ont pas été épuisés au regard de l’article 2 d) du Protocole facultatif.

C.Conclusion

8.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 2 d) du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.