Nations Unies

CCPR/C/DMA/COAR/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

24 avril 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant la Dominique en l’absence de rapport initial *

1.En l’absence de rapport de l’État partie, le Comité des droits de l’homme a examiné la situation des droits civils et politiques en Dominique au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à ses 3702e et 3703e séances publiques (CCPR/C/SR.3702 et 3703), les 10 et 11 mars 2020. Conformément au paragraphe 1 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, dans le cas où un État partie n’a pas soumis de rapport en application de l’article 40 du Pacte, le Comité peut examiner en séance publique les mesures prises par l’État partie pour donner effet aux droits reconnus dans le Pacte, et adopter des observations finales.

2.Le 27 mars 2020, le Comité a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

3.Le Pacte est entré en vigueur pour la Dominique le 17 juin 1993. L’État partie devait soumettre son premier rapport périodique le 16 septembre 1994. Le Comité regrette que l’État partie ait manqué aux obligations que lui impose l’article 40 du Pacte et qu’en dépit de nombreux rappels, il n’ait pas soumis son premier rapport périodique.

4.Le Comité se félicite toutefois de l’occasion qui lui a été donnée d’engager un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie sur la mise en œuvre du Pacte.Ilremercie l’État partie de ses réponses écrites (CCPR/C/DMA/RQAR/1) à la liste de points (CCPR/C/DMA/Q/1/Add.1), qui ont été complétées oralement par la délégation, et des renseignements supplémentaires donnés par écrit.

5.Compte tenu du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, le Comité considère que les réponses écrites à sa liste de points constituent le premier rapport périodique de l’État partie et prie celui-ci de soumettre un document de base commun pour faciliter les échanges futurs.

B.Aspects positifs

6.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives, institutionnelles et gouvernementales ci-après :

a)Programmes pour l’égalité hommes‑femmes, et nomination de femmes à des postes de responsabilité dans les secteurs public et privé ;

b)Mesures visant à protéger les femmes contre la violence, notamment l’incrimination du viol conjugal dans la loi de 2016 relative aux infractions sexuelles, le développement de la loi de 2001 relative à la protection contre la violence familiale et l’élaboration de programmes visant à prévenir ce type de violence ;

c)Mesures visant à protéger la population contre les effets des changements climatiques, notamment l’adoption de la loi de 2018 relative à la résilience climatique, et programmes d’adaptationaux changements climatiques et d’atténuation de leurs effets ;

d)Lancement d’un processus de révision et de réforme de la législation nationale.

7.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 13 mai 2019 ;

b)Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le 13 mai 2019 ;

c)Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 1er octobre 2012 ;

d)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 20 septembre 2002 ;

e)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 20 septembre 2002.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application et diffusion du Pacte au niveau national

8.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore donné pleinement effet au Pacte dans l’ordre juridique interne et n’a fourni aucune information sur le nombre d’affaires dans lesquelles le Pacte a été invoqué par les tribunaux. Il constate aussi avec préoccupation que la société civile n’est pas associée à l’établissement des rapports. Le Comité renvoie l’État partie à l’obligation qui lui incombe au titre de l’article 2 du Pacte et appelle son attention sur l’observation générale no31 (2004) du Comité sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte. Il se félicite de l’information selon laquelle l’État partie envisage de ratifier le premier Protocole facultatif (art. 2).

9. L ’ État partie devrait :

a) Examiner et modifier, si nécessaire, les dispositions juridiques internes afin de poursuivre leur harmonisation avec les droits garantis par le Pacte et faire en sorte que les lois nationales soient interprétées et appliquées conformément aux obligations découlant du Pacte ;

b) Redoubler d ’ efforts pour sensibiliser le grand public, les représentants de la société civile, les agents publics, les juristes et les agents de l ’ État, dont les juges et les procureurs, aux dispositions du Pacte ;

c) Allouer des ressources budgétaires suffisantes à la mise en œuvre de tous les droits consacrés par le Pacte ;

d) Continuer d ’ envisager d ’ adhérer au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui établit un mécanisme d ’ examen des plaintes émanant de particuliers.

Institution nationale des droits de l’homme

10.Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas un organisme indépendant conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il prend note que l’État partie a fait part de son intention de mettre en place une telle institution pendant leur dialogue constructif et reconnaît que celui-ci doit faire face à des problèmes de capacités, mais il regrette que des précisions ne lui aient pas été données sur les mesures concrètes qui avaient été prises et sur les délais d’exécution qui avaient été fixés pour mener à bien cette entreprise. De plus, le Comité constate avec préoccupation que le poste de Commissaire parlementaire, s’il a bien été créé par l’État partie, n’est toujours pas pourvu (art. 2).

11. L ’ État partie devrait se doter rapidement d ’ une institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme qui soit conforme aux Principes de Paris. Il devrait prendre des mesures afin que le poste de Commissaire parlementaire soit pourvu dans les meilleurs délais et que la personne qui en sera titulaire exerce son mandat efficacement.

Cadre juridique de lutte contre la discrimination

12.Le Comité prend note que la Constitution interdit la discrimination, mais constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de législation complète de lutte contre la discrimination couvrant tous les motifs de discrimination interdits par le Pacte. En outre, l’État partie n’a pas dit s’il comptait élaborer les dispositions juridiques qui permettraient de remédier à cette situation (art. 2 et 26).

13. L ’ État partie devrait :

a) Accorder une protection pleine et effective contre la discrimination, à la fois dans la sphère publique et dans la sphère privée, et proscrire la discrimination directe et indirecte ;

b) Adopter une loi qui contienne la liste complète des motifs de discrimination interdits par le Pacte ;

c) Mettre en place un mécanisme de plaintes et des recours utiles et accessibles pour toutes les formes de discrimination, et recueillir des données ventilées sur lesdites plaintes et leur issue.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

14.Le Comité est préoccupé par le fait que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre n’est pas interdite par la Constitution, ni par les lois de l’État partie, et que les relations homosexuelles entre adultes consentants continuent d’être incriminées par la loi de 1998 relative aux infractions sexuelles, qui prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à vingt-cinq ans et un traitement psychiatrique forcé. Le Comité prend note de la position de l’État partie selon laquelle, dans la pratique, les relations homosexuelles entre hommes (sodomie) ne sont pas réprimées, mais s’inquiète de ce que pour l’heure, l’État partie entend conserver cette loi, et de l’effet discriminatoire que celle-ci continue d’avoir pour les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. Le Comité est également préoccupé par le fait que dans l’affaire Clem Philbert v . the State (2009), une condamnation pour meurtre a été annulée parce que les juges ont estimé que la victime avait fait « des avances contre nature » à l’accusé, ce qui avait mis celui-ci en situation de légitime défense (art. 2, 6, 7, 17 et 26).

15. L ’ État partie devrait prendre les mesures voulues pour :

a) S ’ attaquer aux comportements discriminatoires envers les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres ainsi qu ’ à la stigmatisation de ces personnes, notamment grâce à un éventail complet d ’ activités d ’ information et de sensibilisation ;

b) Adopter une législation complète qui protège pleinement et efficacement contre la discrimination dans tous les domaines et qui comporte une liste exhaustive des motifs de discrimination interdits, y compris l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre ;

c) Modifier toutes les lois pertinentes, notamment les articles 14 et 16 de la loi de 1998 relative aux infractions sexuelles, afin de dépénaliser les relations sexuelles consenties entre adultes du même sexe ;

d) Envisager de restreindre toute invocation de moyens de défense qui se fondent uniquement sur la sexualité ou l ’ identité de genre de la victime.

Égalité entre hommes et femmes

16.Le Comité prend note et se félicite des mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’égalité des sexes et du fait que des femmes occupent des postes de haut niveau dans les secteurs public et privé, et que les femmes ont accès à l’éducation à tous les niveaux, ainsi que des progrès notables réalisés dans les élections législatives de 2019 en ce qui concerne les candidatures féminines. Toutefois, il est préoccupé de ce qu’il n’y ait pas de législation complète visant à lutter contre la discrimination et prévoyant le sexe comme motif de discrimination, ainsi que par l’absence d’informations sur le point de savoir si l’État partie entend élaborer des dispositions législatives à cet effet. Il est également préoccupé par la persistance d’une certaine sous‑représentation des femmes et par l’absence de renseignements sur les mesures prises pour garantir qu’à travail égal corresponde un salaire égal et pour venir à bout des stéréotypes concernant le rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société (art. 2, 3, 25 et 26).

17. L ’ État partie devrait :

a) Adopter une législation complète qui offre une protection efficace contre la discrimination fondée sur le genre ;

b) Poursuivre et renforcer les efforts visant à assurer la représentation des femmes aux postes de haut niveau dans les secteurs public et privé et au Parlement national ;

c) Redoubler d ’ efforts pour éliminer l ’ écart de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale ;

d) Renforcer les activités d ’ information et de sensibilisation du public visant à mettre fin aux stéréotypes sexistes et promouvoir le respect de l ’ égalité entre hommes et femmes en matière de rôles et de responsabilités dans la famille et dans la société ;

e) Recueillir des données complètes en vue d ’ évaluer l ’ efficacité des mesures visant à parvenir à l ’ égalité des sexes.

Violence à l’égard des femmes

18.Le Comité prend note des mesures positives prises par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, notamment l’incrimination du viol conjugal par la loi de 2016 relative aux infractions sexuelles, l’adoption de la loi de 2001 relative à la protection contre la violence familiale et la mise en place d’un certain nombre de programmes visant à prévenir ce type de violence. Le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence d’informations concernant le nombre de cas de violence à l’égard des femmes, les poursuites engagées contre les auteurs de tels actes, les déclarations de culpabilité et les peines prononcées, par le manque d’accès à la justice et l’absence de services de réadaptation pour les victimes, et par l’absence persistante de dispositions juridiques incriminant le harcèlement sexuel (art. 2, 3, 6, 7, 25 et 26).

19. L ’ État partie devrait :

a) Modifier rapidement ses lois afin d ’ assurer aux femmes une protection adéquate contre toutes les formes de violence, y compris le harcèlement sexuel ;

b) Encourager les victimes à dénoncer les infractions et garantir que les cas de violence à l ’ égard des femmes fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, que les auteurs soient poursuivis et condamnés et que les victimes aient accès à des recours utiles ;

c) Veiller à ce que les victimes de violence familiale ou de violence fondée sur le genre reçoivent l ’ assistance juridictionnelle, médicale et psychologique voulue et améliorer les services et mécanismes d ’ aide aux victimes ;

d) Recueillir des données complètes sur le nombre de cas de violence à l ’ égard des femmes.

Droits en matière de sexualité et de procréation

20.Le Comité prend note de l’explication de l’État partie selon laquelle les dispositions de l’article 8 de la loi de 1992 relative aux atteintes à la personne qui incriminent l’interruption volontaire de grossesse ne sont pas appliquées dans la pratique, mais est préoccupé par le fait que ces dispositions restent en vigueur et puissent être appliquées à l’avenir. Le Comité constate qu’actuellement, l’interruption de grossesse est autorisée dans les cas où la vie de la mère est en danger, mais s’inquiète de ce que les restrictions en vigueur puissent obliger les femmes et les filles qui souhaitent avorter pour d’autres raisons légitimes à le faire dans des conditions peu sûres, qui mettent leur vie et leur santé en danger (art. 3, 7 et 26).

21. L ’ État partie devrait envisager :

a) De modifier sa législation afin de garantir l ’ accès effectif, en toute légalité et dans des conditions sûres, à l ’ avortement lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger ou lorsque le fait de mener la grossesse à son terme risquerait de causer à celle-ci des souffrances ou un traumatisme importants, et en particulier dans les cas où la grossesse est le résultat d ’ un viol ou d ’ un inceste ou n ’ est pas viable ;

b) Veiller à ce que les femmes et les filles qui ont recours à l ’ avortement et les médecins qui leur prêtent assistance n ’ encourent pas de sanctions pénales, car de telles sanctions contraignent les femmes et les filles à se faire avorter dans de mauvaises conditions.

Mortalité infantile

22.Le Comité est préoccupé par les taux élevés et croissants de mortalité infantile dans l’État partie. Il prend note des informations fournies par l’État partie sur les effets qu’ont eus des catastrophes naturelles successives sur les infrastructures de soins de santé et sur les investissements qu’il prévoit de faire dans le système de santé. Il reste toutefois préoccupé par la gravité du problème de la mortalité infantile et par le manque de renseignements précis sur les mesures prises par l’État partie pour y remédier (art. 6 et 24).

23. Afin de protéger le droit des enfants à la vie, l ’ État partie devrait prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour réduire la mortalité infantile.

Changements climatiques

24.Le Comité se félicite que l’État partie, petit État insulaire particulièrement vulnérable aux effets des changements climatiques, exprime la volonté de mettre en œuvre des mesures d’adaptation auxdits changements et d’atténuation de leurs effets, et prend note des difficultés importantes auxquelles il fait face à cet égard. Il félicite l’État partie pour les mesures prises à ce jour, mais relève que celui-ci n’a rien dit de ce qu’il fait pour assurer la participation effective, concrète et éclairée de la population aux projets qui ont une incidence sur le développement durable et la résilience climatique (art. 6 et 25).

25. L ’ État partie devrait poursuivre et intensifier les efforts louables qu ’ il déploie pour accroître sa résilience aux changements climatiques par des mesures d ’ adaptation et d ’ atténuation. Tous les projets qui ont une incidence sur le développement durable et sur la résilience climatique devraient être conçus avec la participation concrète et éclairée de la population. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur le paragraphe 62 de son observation générale n o  36 (2018) sur le droit à la vie.

Peine de mort

26.Le Comité se félicite de ce qu’il y ait un moratoire de fait sur l’application de la peine de mort dans l’État partie, celui-ci n’ayant procédé à aucune exécution depuis sa ratification du Pacte en 1993. Il félicite en outre l’État partie pour les mesures qu’il a prises récemment, qui témoignent de sa volonté d’instaurer un moratoire absolu, à l’exemple de son vote en faveur d’une résolution à ce sujet, à la soixante‑treizième session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’article 5 de la loi portant Code pénal et Code de procédure pénale, qui autorise la pendaison en cas de meurtre, reste en vigueur, et par les informations indiquant que de nombreuses personnes dans l’État partie continuent d’être favorables à cette forme de peine. À cet égard, le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort(art. 6).

27.Conformément à l ’ observation générale n o  36 (2018) du Comité sur le droit à la vie, dans laquelle il est réaffirmé que les États parties qui ne sont pas encore totalement abolitionnistes devraient être engagés de manière irréversible vers l ’ élimination complète de la peine de mort, de facto et de jure, l ’ État partie devrait :

a) Envisager de réviser l ’ article 5 de la loi portant Code pénal et Code de procédure pénale, dans le cadre de ses travaux actuels de révision et de réforme de la législation nationale ;

b) Continuer de s ’ employer à promouvoir un dialogue au sein de la société sur les droits consacrés par le Pacte, notamment le droit à la vie, énoncé à l ’ article 6 ;

c) Ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Usage excessif de la force

28.Le Comité est préoccupé par le fait que le paragraphe 2 de l’article 2 de la Constitution autorise le recours à la force meurtrière pour la défense des biens. Le Comité est en outre préoccupé par les allégations de recours excessif à la force contre des manifestants, notamment lors des manifestations qui ont eu lieu à Roseau en février et mai 2017, les forces de l’ordre étant accusées d’avoir utilisé des gaz lacrymogènes et d’avoir tiré des coups de semonce. Le Comité regrette l’absence de toute information sur les enquêtes et les poursuites auxquelles ces faits auraient pu donner lieu, ainsi que sur les éventuelles sanctions imposées aux auteurs et réparations accordées aux victimes (art. 6, 7, 9 et 14).

29. L ’ État partie devrait :

a) Revoir la législation et les politiques relatives à l ’ usage de la force par les membres des forces de l ’ ordre, en particulier les dispositions qui autorisent le recours à la force meurtrière pour la protection des biens, en tenant dûment compte de l ’ observation générale n o  36 (2018) du Comité sur le droit à la vie et des Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois ;

b) Dispenser aux membres des forces de l ’ ordre une formation sur leurs responsabilités en matière de droits de l ’ homme et mettre en place des mécanismes visant à contrôler et à mesurer l ’ efficacité de cette formation et à l ’ actualiser en conséquence ;

c) Veiller à ce que des mécanismes de plainte et de contrôle indépendant accessibles soient mis en place, et à ce que tous les signalements de violences donnent lieu à une enquête approfondie débouchant, s ’ il y a lieu, sur des sanctions proportionnées ;

d) Accorder une réparation appropriée aux victimes de violence policière, y compris une indemnisation, et des garanties de non-répétition.

Détention provisoire

30.Le Comité reconnaît que les catastrophes naturelles ont entamé les capacités de l’État partie, y compris celles du système judiciaire. Il prend note des mesures législatives visant à résorber l’arriéré des affaires, dans le cadre de la loi relative à la mise en liberté sous caution, mais s’inquiète de la forte proportion de personnes maintenues en détention provisoire et de la durée excessive de cette détention dans certains cas. Il s’inquiète également de l’absence d’informations sur des mesures de substitution non privatives de liberté (art. 9).

31. Le Comité recommande que l ’ État partie prenne toutes les mesures nécessaires pour empêcher le recours excessif à la détention provisoire. L ’ État partie devrait réduire la durée de la détention provisoire, accélérer l ’ adoption de la loi relative à la mise en liberté sous caution, qui fixe les normes de procédure pour le traitement des affaires, et développer le recours à des mesures de substitution non privatives de liberté, en gardant à l ’ esprit les obligations que lui impose l ’ article 9 du Pacte, tel qu ’ il est interprété par le Comité dans son observation générale n o  35 (2014) sur la liberté et la sécurité de la personne, ainsi que l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo).

Traite des personnes et travail des enfants

32.Le Comité se félicite que l’État partie s’emploie à lutter contre la traite des personnes, notamment en incriminant ces pratiques dans la loi de 2013 relative à la criminalité transnationale organisée (prévention et contrôle) et d’autres textes législatifs, et en fixant des sanctions proportionnées à la gravité du crime. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations visant des personnes impliquées dans des activités de traite et sur le soutien dont peuvent bénéficier les victimes.

33.Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant que des enfants sont mis au travail et que la législation n’interdit pas toutes les formes d’exploitation des enfants, en particulier l’utilisation d’enfants à des fins de prostitution, de pornographie ou d’activités illicites, notamment le trafic de drogues, et qu’elle n’est pas pleinement conforme aux normes de l’Organisation internationale du Travail (OIT), notamment à la Convention de 1973 sur l’âge minimum (no138) et à la Convention de 1999 sur les pires formes de travail des enfants (no182). Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les mesures positives qui ont été prises pour renforcer le système global de protection de l’enfance, dont l’élaboration de plusieurs projets de loi portant respectivement surle statut des enfants, la prise en charge et l’adoption d’enfants, la justice pour mineurs, le tribunal des affaires familiales et l’entretien des enfants, ainsi que la réforme du principal organisme de protection de l’enfance et l’élaboration d’un plan d’action national pour lutter contre les abus sexuels sur enfants. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que les projets de loi nécessaires n’ont pas encore été promulgués et que d’autres mesures sont encore en suspens (art. 6, 7, 8 et 24).

34. L ’ État partie devrait envisager :

a) De redoubler d ’ efforts pour prévenir la traite des personnes et le travail des enfants ;

b) De renforcer le cadre juridique de protection contre toutes les formes d ’ exploitation, notamment en promulguant les projets de loi destinés à renforcer le système de protection de l ’ enfance, en mettant la législation en pleine conformité avec les conventions pertinentes de l ’ OIT et en interdisant explicitement l ’ utilisation d ’ enfants à des fins de prostitution, de pornographie ou d ’ activités illicites, y compris le trafic de drogues ;

c) De mener rapidement des enquêtes approfondies sur toutes les affaires de traite, de poursuivre les auteurs présumés et, s ’ ils sont reconnus coupables, de leur infliger des peines appropriées et dissuasives ;

d) De veiller à ce que les victimes de toute forme d ’ exploitation aient accès à de véritables moyens de protection et services d ’ aide adaptés à leur âge, et à une réparation intégrale comprenant des mesures de réadaptation et une indemnisation adéquate.

Justice pour mineurs

35.Le Comité est préoccupé par l’âge précoce de responsabilité pénale applicable aux enfants, par la détention d’adultes et d’enfants ensemble dans les mêmes locaux et par le fait que des enfants peuvent être condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Il note que l’État partie a exprimé l’intention de réformer le système de justice pour mineurs, notamment en interdisantla condamnation d’enfants à la réclusion criminelle à perpétuité dans le projet de loi relatif à la justice pour mineurs, mais reste préoccupé par les lacunes actuelles dans la protection des mineurs en conflit avec la loi (art. 9, 10, 14 et 24).

36. L ’ État partie devrait veiller à ce que son système de justice pour mineurs respecte les droits énoncés dans le Pacte et dans d ’ autres instruments internationaux. Il devrait promulguer des réformes juridiques, et en particulier revoir les dispositions permettant de condamner des mineurs à la réclusion criminelle à perpétuité, fixer des limites à la durée de la peine d ’ emprisonnement à laquelle les enfants peuvent être condamnés et relever l ’ âge de la responsabilité pénale. Il devrait veiller à ce que les enfants en conflit avec la loi soient traités d ’ une manière qui favorise leur intégration dans la société et observer le principe qui veut que la détention d ’ un enfant ne soit qu ’ une mesure de dernier ressort et que les enfants détenus soient séparés des prisonniers adultes.

Réfugiés, demandeurs d’asile et apatrides

37.Le Comité s’inquiète de ce qu’aucune législation en vigueur dans l’État partie ne garantit les droits des non-ressortissants, notamment des réfugiés et des demandeurs d’asile. Il constate également l’absence d’informations sur le nombre de réfugiés, de demandeurs d’asile et d’apatrides dans l’État partie. Il prend note des efforts que l’État partie met en œuvre pour lutter contre l’apatridie, mais relève que celui-ci n’a pas ratifié la Convention de 1954 relative au statut des apatrides ni la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie (art. 6, 7, 12 et 13).

38. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que toutes les personnes qui demandent une protection internationale aient accès à une procédure équitable et effective de détermination du statut de réfugié, quel que soit leur pays d ’ origine, et soient traitées de façon appropriée et équitable à tous les stades de cette procédure, comme l ’ exige le Pacte ;

b) Recueillir et publier des données sur la situation des réfugiés, des demandeurs d ’ asile et des apatrides se trouvant sur son territoire ;

c) Adopter rapidement une législation garantissant les droits des étrangers, y compris des réfugiés et des demandeurs d ’ asile, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du Pacte et à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ;

d) Envisager d ’ adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Administration de la justice et droit à un procès équitable

39.Le Comité reconnaît que l’État partie doit faire face à de sérieuses difficultés en raison des effets des catastrophes naturelles sur son système judiciaire. Il constate toutefois avec préoccupation qu’il y a toujours un grand nombre d’affairesen suspens et de longs retards dans les procédures de jugement. Il se félicite que l’État partie s’emploie à fournir une aide juridictionnelle, mais craint qu’il ne dispose pas de capacités suffisantes pour permettre à tous les défendeurs de bénéficier d’un avocat, et regrette qu’il n’ait pas fourni davantage de renseignements à ce sujet. Il regrette aussi que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations sur les mesures prises pour mieux garantir l’indépendance et l’impartialité du système judiciaire (art. 2 et 14).

40. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre effectivement à exécution ses projets de renforcement des capacités du système judiciaire et d ’ intensifier les mesures destinées à réduire le nombre d ’ affaires pendantes devant les tribunaux et le parquet ainsi que les délais d ’ attente dans chaque affaire. L ’ État partie devrait également accroître la capacité du service d ’ aide juridictionnelle et prendre toutes les mesures voulues pour garantir l ’ indépendance et l ’ impartialité du système judiciaire.

Liberté d’expression et de réunion

41.Le Comité prend note des informations de l’État partie selon lesquellesla diffamation n’a pas donné lieu récemment à des poursuites pénales dans la pratique et les dispositions qui l’incriminent vont être réexaminées dans le cadre de la réforme juridique entreprise au niveau national. Il s’inquiète néanmoins de ce que la diffamation reste une infraction pénale au titre de la loi de 1979 relative à la diffamation et la calomnie, qui prévoit des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement ou une amende. LeComité s’inquiète également de ce que ces dispositions punitives disproportionnées et les menaces de poursuites judiciaires peuvent avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté d’expression par le grand public, les partis politiques et les médias. Il est préoccupé par le fait que les rassemblements pacifiques dans l’État partie sont soumis à un système d’autorisation préalable et par les informations selon lesquelles des rassemblements pacifiques liés aux activités de partis d’opposition n’ont pas reçu l’autorisation requise (art. 2, 9, 19 et21).

42. Compte tenu de l ’ observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression, l ’ État partie devrait rendre sa législation pleinement conforme à l ’ article 19 du Pacte et, d ’ ici là, continuer de garantir qu ’ aucune personne ne soit emprisonnée pour diffamation. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ envisager de modifier la loi de 1954 relative à l ’ ordre public, de sorte qu ’ elle n ’ exige, tout au plus, que la notification préalable des rassemblements pacifiques.

Droits de l’enfant

43.Le Comité constate avec préoccupation que les châtiments corporels ne sont pas encore expressément interdits, ni à la maison, ni dans les garderies et les structures de protection de remplacement,ni dans les établissements pénitentiaires (art. 7 et 24).

44. L ’ État partie devrait interdire les châtiments corporels dans tous les contextes.

Participation à la conduite des affaires publiques

45.Le Comité prend note des informations de l’État partie selon lesquelles les observateurs électoraux ont conclu que les élections générales de 2019 étaient l’expression de la volonté du peuple, mais constate avec préoccupation que les tailles des différentes circonscriptions électorales varient considérablement. Il prend acte des informations fournies par l’État partie indiquant que des réformes ont été proposées pour l’identification des électeurs et la rationalisation des listes électorales et que le rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales, qui recommande une réduction du nombre de circonscriptions, est à l’étude. Il est également préoccupé par les informations signalant que des poursuites pénales sont fréquemment engagées contre des membres de partis d’opposition pour des activités qui semblent liées à leur participation aux affaires publiques (art. 19 et 25).

46. L ’ État partie devrait adopter un système électoral garantissant que tous les citoyens jouissent de leurs droits dans des conditions d ’ égalité, conformément au Pacte et en particulier à l ’ article 25, notamment en assurant des élections totalement transparentes et un régime politique pluraliste, en s ’ abstenant de recourir à des dispositions de droit pénal pour restreindre le droit des partis d ’ opposition à participer aux affaires publiques, et en enquêtant sur toute allégation de malversation.

Peuples autochtones

47.Le Comité salue les efforts déployés pour promouvoir les droits des peuples autochtones, notamment la désignation d’un ministère responsable, les programmes d’éducation et de logement et le soutien aux entreprises autochtones. Il relève toutefois l’absence d’informations détaillées sur les cadres politique et juridique qui régissent la propriété et l’utilisation des terres autochtones et sur les mesures qui ont été prises pour faire systématiquement respecter le droit des peuples autochtones au consentement libre, préalable et éclairé à l’égard de tous les programmes les concernant (art. 2 et 27).

48. L ’ État partie devrait envisager :

a) De poursuivre et d ’ étendre les mesures visant à promouvoir les droits des peuples autochtones ;

b) D ’ adopter une législation antidiscriminatoire complète, qui protège contre la discrimination fondée sur le statut d ’ autochtone ;

c) De veiller à la tenue de véritables consultations avec les populations autochtones afin d ’ obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé à l ’ adoption et à la mise en œuvre de toute mesure susceptible d ’ avoir des incidences importantes sur leur mode de vie et leur culture.

D.Diffusion et suivi

49. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des Protocoles facultatifs s ’ y rapportant, de son rapport initial et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu ’ auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L ’ État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

50. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 75 du règlement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir, le 27 mars 2022 au plus tard, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 23 (mortalité infantile), 31 (déten tion provisoire) et 46 (participation à la conduite des affaires publiques).

51. En conformité avec le cycle d ’ examen prévisible du Comité, l ’ État partie recevra en 2026 la liste de points à traiter avant soumission du rapport et aura un an pour soumettre ses réponses, qui constitueront son deuxième rapport périodique. Le Comité demande également à l ’ État partie, lorsqu ’ il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l ’ État partie se tiendra en 2028, à Genève.