Trente-huitième session

14 mai-1er juin 2007

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Pakistan

Le Comité a examiné le rapport unique du Pakistan, valant rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques (CEDAW/C/PAK/1-3) à ses 783e et 784e séances, le 22 mai 2007 (voir CEDAW/C/SR.783 et 784). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/PAK/Q/3, et les réponses du Pakistan dans le document CEDAW/C/PAK/Q/3/Add.1.

Introduction

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes sans formuler de réserves. Il le remercie pour son rapport unique (valant rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques), qui est conforme aux directives en la matière et fait référence aux recommandations générales, tout en regrettant sa présentation tardive.

Le Comité remercie également l’État partie pour les réponses écrites aux points et questions soulevées par son groupe de travail présession, pour sa présentation orale et pour les éclaircissements donnés en réponse aux questions qu’il lui a posées oralement.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, dirigée par la Secrétaire du Ministère de l’émancipation de la femme et composée de représentants d’autres ministères chargés de la mise en œuvre de la Convention. Il apprécie le dialogue constructif qui s’est noué entre ses membres et la délégation de l’État partie, qui a permis de cerner de plus près la situation réelle des femmes au Pakistan.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie pour les réformes juridiques qu’il a récemment engagées en vue de mettre fin à la discrimination à l’encontre des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes. Il se félicite en particulier de l’amendement apporté en 2002 aux articles 51 et 59 de la Constitution, aux termes du décret-loi, de manière à accroître la représentation des femmes à l’Assemblée nationale et au Sénat; de l’amendement apporté en 2000 à la loi de 1951 relative à la citoyenneté pakistanaise, accordant la nationalité aux enfants nés de conjoints étrangers; de l’adoption en 2002 de l’Ordonnance sur la prévention et la répression de la traite des êtres humains, de l’adoption en 2004 de la loi portant amendement de la législation pénale, afin de faciliter les poursuites judiciaires dans les affaires de « crime d’honneur »; et de l’adoption en 2006 de la loi relative à la protection des femmes (amendement à la législation pénale) portant amendement de certaines des ordonnances Hudood.

Le Comité félicite l’État partie pour l’adoption du « Plan d’action national » en 1998 et de la « Politique nationale de progrès et d’émancipation des femmes » en 2002, et pour le lancement, en 2005, du « Plan d’action et de réforme en matière de traitement de chacun des sexes ».

Le Comité accueille avec satisfaction les mécanismes institutionnels mis en place par l’État partie pour faciliter l’application de la Convention, notamment la réorganisation, en 2004, du Ministère de l’émancipation de la femme, et la création, en 2000, de la Commission nationale de la condition de la femme, ainsi que de l’instauration d’un mécanisme de coordination entre les administrations fédérales, provinciales et de district.

Le Comité se réjouit des initiatives prises pour venir en aide aux femmes victimes de violences, notamment la création par le Ministère de l’intérieur d’une cellule de répression des crimes sexuels, au service de la police nationale, et d’une branche chargée des droits de l’homme au sein du Ministère des lois, de la justice et des droits de l’homme, ayant pour mandat de prévenir les violations des droits fondamentaux dans le pays, notamment de ceux des femmes.

Le Comité félicite l’État partie pour la création, en 1989, de la First Women’s Bank, dans le but de promouvoir l’émancipation économique des femmes grâce à des programmes de microcrédit.

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a mis en place un processus de consultation transparent aux fins de l’élaboration du rapport, qui a rassemblé des membres du Gouvernement et de la société civile et a été approuvé par la Commission permanente des femmes de l’Assemblée nationale.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant à l’État partie qu’il est tenu d’appliquer toutes les dispositions de la Convention systématiquement et en permanence, le Comité fait observer que les préoccupations et les recommandations formulées dans les présentes observations finales nécessiteront qu’il leur accorde une attention prioritaire jusqu’à la présentation de son prochain rapport périodique. Il lui demande, en conséquence, de privilégier les domaines d’activité correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte dans son prochain rapport périodique des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Il lui demande aussi de soumettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés et au Parlement de façon à en assurer la pleine application.

Le Comité est préoccupé par la déclaration formulée par l’État partie au moment de son adhésion à la Convention, par laquelle il a indiqué que cette adhésion était soumise aux dispositions de la Constitution de la République islamique du Pakistan.

Tout en se félicitant que l’État partie ait confirmé que la déclaration faite au moment de son adhésion n’impliquait aucune restriction quant aux obligations qui lui étaient faites d’adhérer pleinement aux dispositions de la Convention, le Comité l’exhorte à retirer sans tarder sa déclaration.

Tout en notant que la Constitution, aux articles 25 (2) et 27, pose le principe de l’égalité devant la loi, y compris l’égalité des sexes, le Comité s’inquiète que ni la Constitution ni aucun autre texte législatif de l’État partie ne contiennent de définition de la discrimination comme le prévoit l’article premier de la Convention, pas plus que de dispositions relatives à l’égalité entre femmes et hommes, visée à l’article 2 a) de la Convention.

Le Comité recommande qu’une définition de la discrimination à l’égard des femmes conforme à l’article premier de la Convention, qui inclu t la discrimination directe et indirecte, ainsi que des dispositions relatives à l’égalité entre femmes et hommes, conformément à l’article 2 a) de la Convention, figurent dans la Constitution ou d’autres textes pertinents.

Le Comité est préoccupé par le fait que la Convention n’a pas encore été pleinement incorporée au droit interne de l’État partie et qu’un certain nombre de lois perpétuent la discrimination de jure à l’encontre des femmes, notamment la loi de 1951 sur la citoyenneté, qui n’autorise pas les Pakistanaises à donner leur nationalité à leur conjoint; la loi de 1984 sur les éléments de preuve, relative à la valeur des témoignages émanant de femmes; et les ordonnances Hudood de 1979, en particulier celles relatives aux délits dits de Zina.

Le Comité engage l’État partie à examiner et à réviser sans délai, intégralement et systématiquement, en consultation avec la société civile, y compris les organisations de femmes, toutes les dispositions discriminatoires, notamment la loi de 1951 sur la citoyenneté, la loi de 1984 sur les éléments de preuve et les ordonnances Hudood de 1979, et d’assortir sans délai cet effort d’échéances claires, de manière à satisfaire à toutes les dispositions de la Convention et aux recommandations générales.

Tout en se réjouissant que l’État partie ait procédé à certaines réformes pour éliminer la discrimination à l’encontre des femmes et promouvoir la parité, le Comité s’inquiète de ce que les mesures prises ne suffisent pas à garantir la mise en œuvre rapide et effective des nouvelles lois, notamment l’existence de voies de recours et leur accessibilité. Le Comité juge préoccupant que l’État partie n’ait pas pris les mesures concrètes voulues pour que les juges, les magistrats et les agents de la force publique soient suffisamment au fait de ces réformes législatives.

Le Comité prie l’État partie de lui présenter, dans son prochain rapport, des données d’information sur les mesures prises pour mettre en œuvre les lois révisées, ainsi qu’une évaluation de leur utilité quant à la meilleure application pratique du principe de l’égalité entre femmes et hommes, comme le prévoit l’article 2 a) de la Convention. Il recommande également que l’État partie organise, en particulier à l’intention des juges, des avocats et des agents de la force publique, des programmes d’éducation et de formation axés sur les réformes législatives visant à mettre fin à la discrimination contre les femmes et à promouvoir la parité. Le Comité recommande aussi d’engager auprès des femmes des campagnes de sensibilisation à la Convention et aux lois connexes, afin qu’elles prennent conscience de leurs droits et utilisent les voies de recours à leur disposition.

Tout en se félicitant des efforts déployés par le Ministère de l’émancipation de la femme et la Commission nationale de la condition de la femme, le Comité est préoccupé par le fait que le mécanisme national de promotion de la femme ne soit pas doté de compétences et de ressources humaines et financières suffisantes pour pouvoir s’acquitter de son mandat et promouvoir la cause des femmes et de la parité. Il est préoccupé également par la capacité limitée du Ministère de l’émancipation de la femme d’agir efficacement en coordination et en coopération avec tous les mécanismes en faveur de l’égalité des sexes aux niveaux fédéral et provincial, ainsi qu’en coopération avec les organisations de femmes. Le Comité s’inquiète en outre de l’absence de mécanisme efficace de surveillance de la mise en œuvre du Plan d’action national et de la Politique nationale de progrès et d’émancipation des femmes fondé sur les normes et dispositions énoncées dans la Convention.

Le Comité recommande que l’État partie renforce le mécanisme national en le dotant des ressources humaines et financières voulues afin d’accroître son efficacité. Cela suppose en particulier une capacité et une autorité suffisantes pour assurer la coordination entre les différents mécanismes de promotion de l’égalité entre les sexes afin de mettre en œuvre activement la Convention, d’encourager et de coordonner l’application de la stratégie d’intégration des questions de parité dans tous les secteurs et à tous les niveaux du Gouvernement, et pour resserrer la coopération avec la société civile. Le Comité recommande aussi de prendre des mesures pour former les fonctionnaires dans le domaine de la parité aux niveaux national, régional et local, et pour renforcer leurs capacités. Il recommande en outre d’établir l’obligation de rendre des comptes aux fins de l’application cohérente des normes et dispositions énoncées dans la Convention dans le cadre de l’exécution du Plan d’action national et de la Politique nationale de progrès et d’émancipation des femmes aux niveaux fédéral, provincial et des districts, grâce au mécanisme de coordination déjà en place.

Le Comité constate avec préoccupation la persistance de la violence à l’encontre des femmes et des filles, notamment la violence au sein de la famille, les viols et les crimes commis au nom de l’honneur. Il juge tout particulièrement inquiétantes les lois du qisas et du diyat, aux termes desquelles la victime, ou son héritier, a le droit de décider si elle souhaite une rétribution (qisat) ou une compensation (diyat), ou encore pardonner l’accusé, assurant ainsi l’impunité à l’auteur de violences à l’encontre d’une femme, en particulier s’il s’agit d’un crime d’honneur. Le Comité note avec inquiétude, à la lecture du rapport, le manque d’informations sur toutes les formes de violence dirigée contre les femmes.

Le Comité exhorte l’État partie à s’employer en priorité à adopter une approche globale pour lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, en tenant compte de sa recommandation générale n°  19 sur la violence à l’égard des femmes. Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les lois du qisas et du diyat ne s’appliquent pas aux cas de violence à l’encontre des femmes et en particulier aux crimes d’honneur et d’adopter le projet de loi sur la violence dans la famille, et ce selon un calendrier précis, de façon à assurer aux femmes et aux filles victimes de la violence l’accès à la protection et à des recours effectifs et à veiller à ce que les auteurs d’actes de violence soient effectivement poursuivis et punis. Le Comité recommande également de dispenser une formation sexospécifique sur la violence à l’égard des femmes, à l’intention des fonctionnaires de l’État, et notamment des forces de police, du personnel judiciaire et des prestataires de services de santé, afin de veiller à ce qu’ils soient sensibilisés à toutes les formes de violence à l’égard des femmes et puissent agir en conséquence. Il prie également l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des données sur la violence à l’encontre des femmes, ventilées par zones (rurales et urbaines).

Le Comité s’inquiète de ce que les instances de règlement informel des différends (jirgas) poursuivent leurs activités et continuent de prendre des décisions appelant à perpétrer des actes de violence contre les femmes, au mépris de la décision rendue par un tribunal supérieur qui exige leur suppression.

Le Comité demande instamment à l’État partie de donner suite sans délai à la décision rendue par le tribunal supérieur tendant à supprimer les instances de règlement informel des différends (jirgas) et de veiller à ce que les membres de ces instances qui ont participé à la prise de décisions appelant à perpétrer des actes de violence contre des femmes soient tenus de rendre des comptes.

Le Comité s’inquiète du fait que le système de justice pénale ne prévoit pas que les auteurs d’actes de violence criminels dirigés contre des femmes aient à en répondre.

Le Comité recommande que l’État partie prenne des mesures pour mettre fin à l’impunité des auteurs d’actes de violence dirigés contre des femmes en veillant à ce qu’ils soient traduits en justice et punis. Il lui demande en outre d’imposer des sanctions à ses agents lorsqu’ils manquent à leurs obligations dans les affaires liées à des crimes dont des femmes sont les victimes.

Le Comité constate avec une grande préoccupation la persistance d’attitudes patriarcales et de traditions culturelles préjudiciables ainsi que de stéréotypes profondément ancrés relatifs aux rôles et aux responsabilités des femmes et des hommes dans la famille, au travail et dans la société, qui constituent des obstacles majeurs à l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux et entravent la pleine mise en œuvre de la Convention. Le Comité est en outre préoccupé par les tendances actuelles au fondamentalisme, à l’intimidation et à la violence encouragées par des acteurs non étatiques, notamment par le biais de médias illégaux, qui compromettent gravement l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux au nom de la religion.

Le Comité exhorte l’État partie à redoubler d’efforts pour concevoir et exécuter de vastes programmes de sensibilisation afin de faire mieux comprendre l’égalité entre les femmes et les hommes à tous les niveaux de la société et d’obtenir un appui à cet égard. Ces efforts devraient viser à modifier les attitudes stéréotypées et les normes traditionnelles relatives aux responsabilités et aux rôles des femmes et des hommes dans la famille, au travail et dans la société, comme l’exigent les dispositions des articles 2 f) et 5 a) de la Convention, et à renforcer l’attachement de la société à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le Comité engage l’État partie à intervenir rapidement pour contrer l’influence des acteurs non étatiques qui, par leur interprétation erronée de l’Islam et en recourant à l’intimidation et à la violence, entravent l’exercice par les femmes et les filles de leurs droits fondamentaux.

Le Comité s’inquiète toujours de ce que le Pakistan soit un pays d’origine, de transit et de destination pour les femmes et les filles victimes de la traite. Il s’inquiète aussi de ce que l’ordonnance de 2002 sur la prévention et la répression de la traite ne tienne pas un compte suffisant de leurs besoins et ne les exempte pas de poursuites pour migration illégale.

Le Comité invite l’État partie à modifier l’ordonnance de 2002 sur la prévention et la répression de la traite afin que les droits des femmes et des filles qui en sont victimes soient protégés. Il encourage l’État partie à ratifier la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Il engage l’État partie à collecter et analyser des données sur la traite et à faire davantage pour poursuivre et punir les trafiquants. Il lui recommande aussi de prendre des mesures pour la réinsertion et l’intégration sociale des femmes et des filles victimes de la traite.

Tout en reconnaissant que 60 sièges à l’Assemblée nationale, 17 sièges au Sénat et 33 % des sièges aux organes locaux sont réservés aux femmes, le Comité s’inquiète de ce que les femmes restent peut représentées dans l’État. Il s’inquiète particulièrement du faible nombre de celles qui sont juges dans les instances supérieures et de leur absence totale à la Cour suprême.

Le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures systématiques, y compris des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25 du Comité, afin d’accélérer l’accroissement de la représentation des femmes élues et nommées à tous les organes de la vie publique et politique. Il invite l’État partie à donner dans son prochain rapport périodique des données sur le nombre et le rang des femmes, par rapport à ceux des hommes, aux niveaux fédéral et provincial de la fonction publique et de la magistrature ainsi que sur les tendances à cet égard. Il prie en outre l’État partie de donner aussi des renseignements sur la possibilité qu’ont les femmes d’exercer sans restrictions de droit ni de fait leur droit de participer à tous les domaines de la vie publique du pays. Enfin, il invite l’État partie à donner des renseignements sur l’effet des mesures prises pour accroître la participation des femmes à la vie publique et politique, notamment au niveau décisionnel.

Le Comité s’inquiète de l’insuffisance de l’enregistrement des naissances et des mariages. Tout en notant que l’État partie s’emploie à remédier au fait que près de 50 % des femmes n’ont pas de carte nationale d’identité, il reste préoccupé par le pourcentage élevé de femmes qui risquent de ne pas pouvoir exercer leur droit de vote ni avoir accès aux systèmes publics d’assistance.

Le Comité engage l’État partie à s’efforcer davantage d’assurer l’enregistrement universel des naissances et des mariages et de faire que les femmes aient toutes une carte nationale d’identité. Il l’invite à donner, dans son prochain rapport périodique, des renseignements sur le pourcentage de femmes et d’hommes qui possèdent une carte nationale d’identité.

Le Comité s’inquiète du taux élevé d’analphabétisme chez les femmes, du faible taux d’inscription scolaire des filles et de leur taux d’abandon élevé, notamment dans les zones rurales. Il s’inquiète aussi de la persistance de la ségrégation sexiste dans la pédagogie et de ses conséquences pour les débouchés professionnels des femmes. Enfin, il s’inquiète de la persistance des stéréotypes dans les programmes et manuels scolaires.

Le Comité invite l’État partie à donner la priorité à la réduction du taux d’analphabétisme des femmes, notamment rurale. Il l’engage à mieux appliquer l’article 10 de la Convention et à faire comprendre l’importance de l’éducation, droit fondamental et base de l’habilitation des femmes. Il l’encourage à prendre des mesures pour surmonter les attitudes traditionnelles qui font obstacle à l’éducation des filles et des femmes et recommande que l’État partie mette en œuvre les mesures nécessaires pour qu’elles aient le même accès que les hommes à tous les niveaux de l’enseignement et pour que les filles restent à l’école. Il recommande aussi que les femmes soient activement encouragées à diversifier leurs choix d’études et de carrières. Enfin, il prie l’État partie d’entreprendre un examen systématique des programmes et manuels scolaires pour en éliminer les stéréotypes sexistes et pour introduire une sensibilité sexospécifique dans la formation des enseignants.

Le Comité juge inquiétante la discrimination à l’égard des travailleuses du secteur structuré, qui se manifeste par un chômage plus élevé que pour les hommes, l’écart salarial entre les sexes et la ségrégation au travail. Il s’inquiète aussi dans le secteur non structuré de la situation des travailleuses, notamment à domicile, que les lois du travail ne protègent pas.

Le Comité engage l’État partie à assurer aux femmes et aux hommes l’égalité des chances sur le marché du travail, conformément à l’article 11 de la Convention. Il l’invite à donner, dans son prochain rapport, des informations précises sur l’emploi des femmes dans les secteurs tant structuré que non structuré, sur les mesures prises (législation, programmes, mécanismes de suivi), sur les remèdes et sur leur effet quant à l’égalité d’accès des femmes et des hommes à l’emploi. Enfin, le Comité invite l’État partie à ratifier la Convention n°  177 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur le travail à domicile.

Le Comité s’inquiète du manque d’accès des femmes aux soins de santé, et notamment aux services de santé sexuelle et génésique, surtout dans les zones rurales, et du lien entre le taux d’avortement et le faible emploi des préservatifs. Les avortements clandestins étant une cause fondamentale de la mortalité maternelle, le Comité s’inquiète beaucoup de ce qu’en droit pakistanais l’avortement soit une infraction, ce qui risque d’inciter les femmes à vouloir des avortements dangereux et illégaux, au risque de leur vie et de leur santé.

Le Comité invite l’État partie à prendre des mesures concrètes pour renforcer l’accès des femmes aux soins de santé, notamment sexuelle et génésique, conformément à l’article 12 de la Convention et à la recommandation générale 24 du Comité relative aux femmes et à la santé. Il le prie de prendre des mesures pour la prévention des grossesses involontaires, notamment par la meilleure diffusion, sans aucune restriction, d’une gamme complète de préservatifs et de méthodes de planification familiale d’un coût abordable et en faisant mieux connaître et comprendre la planification familiale aux femmes et aux hommes. Le Comité invite aussi l’État partie à réduire la mortalité maternelle en en diagnostiquant les causes et en s’y attaquant. Il l’invite à prendre des mesures pour que les femmes n’aient pas recours à des méthodes médicalement dangereuses comme l’avortement illégal faute de moyens appropriés de la limitation des naissances. Le Comité recommande que l’État partie révise ses lois sur l’avortement afin d’en éliminer les dispositions punitives visant les femmes avortées et de donner à celles-ci accès à des services de qualité pour traiter les complications provoquées par les avortements dangereux et pour réduire les taux de mortalité maternelle conformément à la recommandation générale 24 sur les femmes et la santé et à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing. Notant l’amélioration des indicateurs de santé féminine là où le programme dit Lady Health Worker est appliqué, le Comité recommande que des mesures soient prises pour l’étendre aux zones notamment rurales où il est le plus nécessaire. Il encourage l’État partie à solliciter une assistance auprès des institutions spécialisées des Nations Unies, notamment le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour la population et l’Organisation mondiale de la santé, pour mettre en œuvre des mesures visant à faciliter l’accès des femmes aux soins de santé.

Le Comité s’inquiète particulièrement de la situation des rurales qui souvent manquent d’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux services d’adduction d’eau potable et d’assainissement ainsi qu’aux moyens et possibilités d’ordre économique, notamment l’accès aux terres. Il déplore le manque d’information sur les femmes handicapées et sur les mesures dont elles font l’objet.

Le Comité engage l’État partie à se pencher particulièrement sur les besoins des rurales en veillant à ce qu’elles soient habilitées à participer aux décisions et à ce qu’elles aient accès aux soins de santé, à l’éducation, aux services d’adduction d’eau potable et d’assainissement ainsi qu’aux moyens et possibilités d’ordre économique, notamment l’accès aux terres. Le Comité prie également l’État partie de donner, dans son prochain rapport, des renseignements précis sur la situation des femmes handicapées et sur les mesures dont elles font l’objet.

Le Comité se déclare inquiet de ce que, selon la loi de 1939 sur la dissolution du mariage musulman, les femmes n’aient pas les mêmes droits que les hommes lors de la dissolution du mariage. Il note aussi avec inquiétude que, selon la loi de 1929 interdisant le mariage des enfants, l’âge minimum du mariage est de 18 ans pour les garçons et de 16 ans pour les filles. Enfin, le Comité s’inquiète de la persistance des mariages forcés et précoces.

Le Comité prie l’État partie de réviser la loi de 1939 sur la dissolution du mariage musulman afin d’en éliminer toutes dispositions discriminatoires, s’agissant notamment de porter à 18 ans l’âge légal minimum du mariage pour les filles afin de se conformer à l’article 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, au paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à la recommandation générale 21 du Comité sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales. Il demande aussi que des mesures soient mises en œuvre pour éliminer les mariages forcés.

Tout en prenant note des divers programmes exécutés pour promouvoir les droits de la femme, le Comité regrette que le rapport manque de renseignements sur leur effet.

Le Comité invite l’État partie à donner, dans son prochain rapport, des renseignements précis sur l’étendue, la portée et surtout l’effet de tous les programmes exécutés pour promouvoir les droits de la femme.

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à accepter dès que possible l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la périodicité des réunions du Comité.

Le Comité engage l’État partie à tenir le plus grand compte, dans l’exécution de ses obligations selon la Convention, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing qui renforcent les dispositions de la Convention et il le prie de donner, dans son prochain rapport périodique, des renseignements à cet égard.

Le Comité souligne aussi que l’exécution intégrale et efficace de la Convention est indispensable pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Dans tous les efforts visant à les réaliser, il préconise donc l’inclusion d’une perspective sexospécifique et la prise en compte explicite des dispositions de la Convention, et il prie l’État partie de donner des renseignements à cet égard dans son prochain rapport périodique.

Le Comité note que l’adhésion des États aux sept grands instruments internationaux concernant les droits de l’homme aide les femmes à en jouir ainsi que de leurs libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie. Il encourage donc le Gouvernement pakistanais à envisager de ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité demande que soient largement diffusées au Pakistan les présentes observations finales afin de faire connaître à la population, et notamment aux fonctionnaires, aux politiques, aux parlementaires et aux organisations de défense des femmes et des droits de l’homme, les mesures prises pour instaurer en droit et en fait l’égalité des sexes ainsi que les autres mesures voulues à cet égard. Le Comité prie l’État partie de continuer de diffuser largement, notamment auprès des organisations de défense des femmes et des droits de l’homme, la Convention, son protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et le texte issu de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale et intitulé « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Le Comité prie l’État partie de tenir compte des préoccupations exprimées dans les présentes observations finales lorsque, conformément à l’article 18 de la Convention, il établira son prochain rapport périodique attendu en avril 2009.