à l’égard des femmes

* Adopté par le Comité à sa soixante quatrième session (4-22 juillet 2016).

Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques (présentés en un seul document) des Philippines *

1.Le Comité a examiné les septième et huitième rapports périodiques (présentés en un seul document) des Philippines (CEDAW/C/PHL/7-8) à ses 1405e et 1406e séances, le 5 juillet 2016 (voir CEDAW/C/SR.1405 et 1406). La liste des points et des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/PHL/Q/7-8 et les réponses des Philippines dans le document CEDAW/C/PHL/Q/7-8/Add.1

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté, en un seul document, ses septième et huitième rapports périodiques. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste des points et des questions soulevés par le groupe de travail d'avant session, et se félicite de la participation constructive et de l’exposé oral de la délégation, outre les précisions apportées en réponse aux questions que le Comité a posées oralement durant l’échange de vues.

3.Le Comité félicite la délégation multisectorielle de l’État partie, co-dirigée par la Représentante permanente des Philippines auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, Cecilia B. Rebong, et par le conseiller des affaires étrangères Rosario Manalo. La délégation était également composée de représentants de la Commission philippine des femmes, du Ministère de la santé, du Ministère de la protection sociale et du développement social, du Ministère de la justice, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère du travail et de l’emploi, de la Commission régionale des femmes du Bangsamoro, de l’Agence philippine pour l’emploi outre-mer, de la Commission nationale pour les peuples autochtones, de la Commission sur l’enseignement supérieur et de l’Autorité nationale de l’économie et du développement, ainsi que du représentant des Philippines à la Commission de la promotion et de la protection des droits des femmes et des enfants de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2006, du rapport unique valant cinquième et sixième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/PHI/5-6) dans le domaine de la réforme législative, notant en particulier l’adoption des lois suivantes :

a) La Loi élargie contre la traite de 2012 (loi de la République n° 10364), adoptée en 2013 ;

b) La Loi sur les travailleurs domestiques (loi de la République n° 10361), adoptée en 2013 ;

c) La Loi relative à la parentalité responsable et à la santé procréative (loi de la République n° 10354), adoptée en 2012 ;

d) La Grande Charte des femmes (loi de la République n) 9710), adoptée en 2009.

5.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité entre les sexes, en particulier par l’adoption des mesures suivantes :

a) Le plan d’autonomisation et de promotion des femmes et d’égalité des sexes, couvrant la période 2013-2016 ;

b) Le plan d’action national sur les femmes et la paix et la sécurité, couvrant la période 2010-2016 et visant à mettre en œuvre les résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008) du Conseil de sécurité ;

c) La création d’une Commission philippine des femmes chargée de promouvoir la réalisation du Programme législatif prioritaire pour les femmes et de suivre la mise en œuvre du plan d’autonomisation et de promotion des femmes et d’égalité des sexes ;

d) L’attribution à la Commission des droits de l’homme du rôle de médiateur pour l’égalité des sexes.

6.Le Comité se félicite que depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié la Convention (n° 189) de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques de l’Organisation internationale du travail (OIT).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Congrès

7. Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Congrès, conformément à son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport au titre de la Convention.

Contexte général

8.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a accompli des progrès considérables en faveur de l’égalité des sexes, comme en atteste le fait qu’il figure en 2015 au septième rang de l’Indice mondial des disparités entre hommes et femmes, et en vue de réaliser le troisième objectif du Millénaire pour le développement, relatif à l’égalité des sexes. Le Comité note que l’État partie a connu une forte croissance économique au cours de la période considérée, en dépit des dégâts considérables provoqués par une série de catastrophes naturelles, dont des ouragans et des tremblements de terre. Le Comité note également que l’État partie a signé l’accord global sur le Bangsamoro, un accord de paix temporaire avec le Front de libération islamique Moro, afin de mettre un terme à un conflit armé ancien. De plus, une part importante de la population de l’État partie se compose de travailleurs migrants employés à l’étranger, dont de nombreuses femmes. La protection des droits des femmes qui subissent des formes multiples et conjuguées de discrimination est un motif de préoccupation particulier dans l’État partie.

9. Le Comité recommande que l’État partie accélère davantage ses efforts pour donner corps à l’égalité concrète entre les sexes et réaliser pleinement les droits de l’homme pour les femmes, en renforçant notamment la prise en compte de l’égalité hommes-femmes en matière de développement, de paix et de sécurité, de justice transitionnelle, de migrations, de réduction des risques de catastrophe et de préparation et d’intervention en cas de catastrophe, et d’atténuation des effets néfastes des changements climatiques, une attention particulière devant être apportée aux femmes qui subissent des formes multiples et conjuguées de discrimination. Le Comité recommande également que l’État partie garantisse la participation active et constructive des femmes et des organisations de défense des droits des femmes à ces processus.

Cadre législatif

10.Le Comité note que la Constitution dispose que les principes généralement acceptés du droit international et des traités ratifiés par l’État partie forment un élément du droit national (CEDAW/C/PHL/7-8, par. 14). Pour autant, le Comité est préoccupé par le fait qu’en cas de contradiction inconciliable entre les normes contenues dans les traités et le droit national, celui-ci prévaudrait, conformément à la jurisprudence actuelle de la Cour Suprême.

11. Le Comité recommande à l’État partie de préciser la place qu’occupe la Convention dans l’ordre juridique national et de garantir la primauté de ses dispositions par rapport aux lois nationales en cas de contradiction. Le Comité recommande également à l’État partie de s’assurer que ces lois sont appliquées et interprétées conformément aux dispositions de la Convention.

12.Le Comité salue l’adoption de la Grande Charte des femmes en 2009, mais note qu’il reste à harmoniser le droit national avec la Grande Charte, en amendant notamment le Code de la famille, le Code pénal révisé de 1930, la loi de lutte contre le viol de 1997 (loi de la République n° 8353), la loi de lutte contre le harcèlement sexuel de 1995 (loi de la République n° 7877) et le Code de droit privé musulman. De même, le Comité est préoccupé par le fait que le processus d’adoption d’un certain nombre de projets de loi nécessaires à la mise en œuvre de la Convention – dont un projet relatif au divorce, un autre faisant de la répétition des abus un motif de séparation légale, un projet étendant la définition du harcèlement sexuel et un projet de grande charte des travailleurs dans l’économie informelle – traîne en longueur.

13. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts en faveur de la mise en œuvre intégrale et rapide du programme législatif prioritaire pour les femmes afin d’accélérer l’harmonisation complète du droit national avec la Convention et avec la Grande Charte des femmes, et de créer des mécanismes efficaces de suivi de l’application de ces lois, en s’appuyant sur la participation des organisations de femmes, tant au niveau national qu’au niveau local.

Accès à la justice

14.Le Comité note avec préoccupation :

a) Qu’aucune réparation effective n’a été accordée aux auteurs des communications n° 18/2008 (Vertido c . les Philippines) et n° 34/2011 (R.P.B. c . les Philippines) ;

b) Que les stéréotypes sexistes discriminatoires, la stigmatisation et l’absence de mécanismes de soutien adéquats sont autant d’obstacles à la justice et à des mesures de réparation effectives pour les femmes, en particulier celles qui subissent des formes multiples et conjuguées de discrimination comme les femmes vivant dans la pauvreté, les femmes handicapées, les femmes autochtones et musulmanes, les femmes vivant dans des zones inaccessibles et les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres ;

c) Qu’un certain nombre de décisions judiciaires, y compris des décisions relatives aux droits à la santé sexuelle et procréative et aux violences sexistes à l’égard des femmes, ne sont pas pleinement conformes aux dispositions de la Convention ;

d) Que les procédures judiciaires et légales en vigueur dans les tribunaux, les commissariats de police et les établissements de santé ne sont pas assez accessibles aux personnes handicapées et tiennent rarement compte de l’égalité hommes-femmes.

15.Le Comité exhorte l’État partie à accorder des réparations effectives aux auteurs des communications n° 18/2008 (Vertido c . les Philippines) et n° 34/2011 (R.P.B. c . les Philippines), conformément aux recommandations formulées par le Comité (voir CEDAW/C/46/D/18/2008 et CEDAW/C/57/D/34/2011 ), et l’informer sans plus attendre des mesures prises concernant ces affaires.

16. En référence à sa recommandation générale n° 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande que l’État partie :

a) S’assure que les systèmes judiciaires, formel et informel, ne discriminent pas les femmes et qu’ils soient sûrs, abordables et physiquement accessibles pour les femmes, notamment celles qui subissent des formes conjuguées de discrimination, en institutionnalisant par exemple l’accessibilité pour les femmes souffrant de handicaps de toutes sortes, et en faisant en sorte que les femmes aient une meilleure connaissance de l’ensemble des systèmes judiciaires disponibles ;

b) Prenne des mesures telles que la mise au point de programmes de renforcement des capacités du personnel de la justice, afin de mieux prendre en compte la problématique hommes-femmes et de s’assurer que les différents systèmes judiciaires religieux, coutumiers et autochtones harmonisent leurs normes, leurs procédures et leurs pratiques avec la Convention ;

c) Veille à ce que le système judiciaire, y compris le système judiciaire transitionnel, prévoie et applique en faveur des femmes des réparations qui soient effectives, qui tiennent compte des disparités entre les sexes et qui soient proportionnelles à la gravité du préjudice subi ;

d) Évalue la fonctionnalité et l’efficacité des guichets de protection des femmes et des enfants dans les commissariats de police, en consultation avec l’ensemble des acteurs concernés, y compris les femmes qui sont victimes de violences et les organisations de défense des droits des femmes, afin d’accroître la réactivité de ces guichets.

Mécanisme national de promotion de la femme

17.Le Comité salue l’engagement qu’a pris l’État partie de renforcer les capacités de la Commission philippine des femmes en matière de promotion de l’égalité entre les sexes et de prise en compte de la problématique hommes-femmes dans l’État partie. Cependant, le niveau actuel des ressources dont dispose la Commission ne lui suffit pas à exercer son mandat.

18. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer à la Commission philippine des femmes les ressources techniques, humaines et financières suffisantes pour lui permettre d’exercer effectivement son mandat.

Institution nationale des droits de l’homme

19.Le Comité note que la Commission des droits de l’homme fait office de médiateur pour l’égalité des sexes et qu’elle est chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme pour les femmes, notamment d’enquêter sur les plaintes qu’elle reçoit concernant des actes de discrimination et de violation de leurs droits. Il est toutefois préoccupé par l’absence générale de volonté politique de la part des institutions publiques d’agir sans délai pour donner suite aux conclusions et aux résolutions de la Commission concernant les atteintes à la Grande Charte des femmes.

20. Le Comité recommande que l’État partie se dote de mécanismes obligatoires qui protègent et garantissent l’indépendance totale de la Commission et rendent ses résolutions juridiquement contraignantes pour les agences publiques, en particulier celles qui sont chargées d’imposer des sanctions en cas de violation de la Grande Charte des femmes.

Mesures temporaires spéciales

21.Le Comité note avec inquiétude que plusieurs projets de loi visant à mettre en œuvre des mesures spéciales prévues par la Grande Charte des femmes sont encore en suspens et qu’il n’existe aucun mécanisme permettant de suivre l’application de telles mesures temporaires spéciales et d’en évaluer l’impact.

22. En référence à sa recommandation générale n° 25 (2004) portant sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande que l’État partie :

a) Accélère l’adoption des projets de loi en suspens auxquels il est fait référence au paragraphe 21 ci-dessus en vue d’appliquer des mesures temporaires spéciales, notamment l’instauration d’un quota réglementaire concernant la représentation des femmes parmi les candidats aux élections, aux postes pourvus par le Gouvernement et parmi les bénéficiaires de bourses et de possibilités de formation réservées aux fonctionnaires ;

b) Applique celles des mesures temporaires spéciales prévues aux sections 11 (a) et (b) de la Grande Charte des femmes dont la mise en œuvre ne nécessite pas l’adoption d’une loi, s’agissant notamment de la représentation des femmes aux conseils de développement à tous les échelons ;

c) Utilise des mesures temporaires spéciales pour améliorer l’égalité concrète en faveur des filles et des femmes appartenant à des catégories défavorisées, y compris des groupes et communautés minoritaires ;

d) Instaure un mécanisme permettant de suivre l’impact des mesures temporaires spéciales qui sont prises, d’observer les tendances au fil du temps et de prendre les mesures correctives nécessaires, y compris en imposant des sanctions en cas de non-respect, et fournisse dans son prochain rapport des informations détaillées ainsi qu’une évaluation concernant les résultats obtenus.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

23.Le Comité salue les efforts consentis par l’État partie pour éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires des documents pédagogiques utilisés dans les écoles. Il est toutefois préoccupé par les stéréotypes persistants concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, ainsi que par les déclarations et comportements méprisants de certaines personnalités politiques en vue à l’égard des femmes, et de la complaisance avec laquelle les accueille l’opinion publique.

24. Le Comité recommande que l’État partie :

a) Élabore une stratégie globale contenant des mesures énergiques et durables qui visent les femmes et les hommes à tous les niveaux de la société, y compris les dirigeants politiques, traditionnels et religieux, afin d’éliminer les stéréotypes sexistes concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société ;

b) Encourage les médias à présenter des images positives des femmes et illustrer l’égalité de condition entre les femmes et les hommes dans la vie publique comme dans la vie privée, et à éviter les stéréotypes sexistes dans la couverture médiatique des violences sexistes à l’égard des femmes ;

c) Mette en œuvre l’intégralité des recommandations que la Commission des droits de l’homme a formulées dans sa résolution concernant l’affaire n° 2016-078.

Violences sexistes à l’égard des femmes

25.Le Comité prend note de la législation en vigueur dans l’État partie ainsi que du cadre d’action global et des mécanismes interinstitutions visant à lutter contre les violences sexistes à l’égard des femmes, mais demeure préoccupé par :

a) La forte prévalence des violences sexistes à l’égard des femmes et des filles et le faible taux de signalement des cas de violence, en particulier de violence domestique et de violence sexuelle, en raison de la stigmatisation des victimes et des discriminations qu’elles subissent ;

b) La portée limitée de la loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes et de leurs enfants de 2004 (loi de la République n° 9262), qui ne porte pour l’essentiel que sur les violences domestiques au sein du couple ;

c) Le fait qu’aux termes de la loi de lutte contre le viol de 1997, les atteintes sexuelles sur mineurs ne concernent que les cas dans lesquels la victime est âgée de moins de 12 ans ;

d) La prévalence croissante des cas d’exploitation et de d’abus d’enfants en ligne ;

e) L’intensification des violences sexistes commises à l’égard des femmes, en particulier par des membres des forces armées, comme des assassinats et des actes de violence sexuelle et d’abus dans des zones de conflit et dans des zones accueillant des projets de développement de grande envergure ;

f) L’absence de données ventilées sur les violences sexistes à l’égard des femmes dans des situations de déplacement interne, de conflit armé, de catastrophe, de migration et de traite, ainsi que sur les violences sexistes commises à l’égard des femmes handicapées.

26. Le Comité recommande que l’État partie :

a) Adopte une législation complète concernant les violences sexistes à l’égard des femmes et couvrant toutes les formes de violence ;

b) Accélère la révision de la loi de lutte contre le viol de 1997, en faisant de l’absence de consentement l’élément central de la définition du viol et en portant l’âge minimal du consentement sexuel, actuellement fixé à l’âge trop jeune de 12 ans, à 16 ans au moins ;

c) Renforce la lutte contre l’exploitation et l’abus sexuel d’enfants en ligne, notamment en appliquant la déclaration d’action par les gouvernements en vue de s’attaquer à l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, publiée au sommet #WePROTECT Children Online qui s’est tenu à Abou Dhabi en 2015, et adopte les projets de loi en attente visant à étendre la définition du harcèlement sexuel afin d’englober le harcèlement sexuel au travail et le cyberharcèlement ;

d) Prévienne, élucide et punisse toutes les formes de violence sexiste, en particulier les actes de violence sexuelle commis par des acteurs étatiques et non étatiques, applique une politique de tolérance zéro afin de lutter contre l’impunité, et apporte le soutien nécessaire aux femmes et aux filles qui subissent ou risquent de subir de telles violences, y compris en période de conflit armé, conformément à la recommandation générale n° 30 (2013) du Comité sur les femmes dans la prévention des conflits et dans les situations de conflit et d’après-conflit ;

e) S’attaque aux causes profondes de la vulnérabilité des femmes et des filles face à la violence, notamment la pauvreté, l’inégalité dans les relations familiales, l’insécurité et les stéréotypes discriminatoires ;

f) Collecte systématiquement des données complètes et ventilées sur les violences sexistes à l’égard des femmes en situation de déplacement interne, de conflit armé, de catastrophe, de migration et de traite, ainsi que sur les violences sexistes à l’égard des femmes handicapées.

Traite et exploitation de la prostitution

27.Le Comité salue les efforts accomplis par l’État partie afin de prévenir et de combattre la traite des personnes, en particulier les femmes et les filles, notamment l’adoption de la loi élargie contre la traite de 2012 qui prévoit des sanctions plus sévères à l’encontre des trafiquants et qui décriminalise les victimes de la traite, la création du Conseil interinstitutions de lutte contre la traite et le lancement de la base de données nationale concernant la lutte contre la traite. Cependant, le Comité note avec préoccupation que l’État partie demeure un pays d’origine de la traite internationale et intérieure, y compris à des fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé, d’esclavage domestique et de transplantation d’organes. De ce point de vue, le Comité est préoccupé par le fait que :

a) Le cadre législatif actuel de la lutte contre la traite des êtres humains ne couvre pas explicitement les méthodes modernes, comme les sites de mise en relation en ligne, qui peuvent être utilisés à des fins de traite ;

b) La prévention de la traite demeure insuffisante, surtout pendant et après les catastrophes et les conflits armés ;

c) Il n’existe pas de centres d’accueil spécialement destinés aux victimes de la traite et aucun programme de soutien à leur réadaptation et à leur réinsertion n’est prévu.

28. Le Comité recommande que l’État partie :

a) Applique effectivement la loi élargie contre la traite de 2012 ;

b) Se dote d’un cadre juridique s’attaquant explicitement aux méthodes modernes de traite, qui s’appuient sur les technologies de l’information et des communications ;

c) S’attaque à la vulnérabilité des femmes face à la traite et aux causes profondes de ce phénomène, en particulier dans les situations de catastrophe, de conflit et de déplacement ;

d) Crée des centres d’accueil spécialement destinés aux victimes de la traite et s’assure que celles-ci bénéficient de programmes d’aide, de réadaptation et de réinsertion ;

e) Intensifie ses efforts de coopération bilatérale, régionale et internationale afin de prévenir la traite, notamment en échangeant des informations et en harmonisant les procédures légales de poursuites des trafiquants.

29.Le Comité est préoccupé par le fait qu’un nombre important de femmes sont victimes d’exploitation par la prostitution dans l’État partie, et que les femmes prostituées sont criminalisées par le Code pénal, peu d’efforts étant consentis pour s’attaquer à la demande de prostitution.

30. Le Comité recommande à l’État partie de réviser le Code pénal afin de décriminaliser les femmes prostituées, d’adopter des mesures visant à réduire la demande masculine de prostitution, d’accélérer l’adoption des projets de loi de lutte contre la prostitution encore en suspens, de s’attaquer aux causes profondes de la prostitution, d’offrir aux femmes des possibilités alternatives de revenus et de mettre au point des programmes d’aide, de réadaptation et de réinsertion à l’intention des femmes et des filles exploitées par la prostitution, en plus des programmes de sortie destinés aux femmes souhaitant abandonner la prostitution.

Participation à la vie publique et politique

31.Le Comité accueille avec satisfaction la hausse de la représentation des femmes au Gouvernement, dans la fonction publique et dans la magistrature, y compris aux postes à responsabilités. Le Comité salue également l’adoption par l’État partie du plan d’action national sur les femmes et la paix et la sécurité, qui vise à appliquer les résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008) du Conseil de sécurité, et la participation active des femmes aux processus de paix et de justice transitionnelle. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par la sous-représentation dans tous les domaines de la vie publique et politique des femmes issues de groupes vulnérables telles que les femmes autochtones et musulmanes, et par l’absence d’informations relatives à l’adoption d’une loi sur le développement des partis politiques, qui obligerait les partis à soumettre le choix de leurs candidats à des quotas.

32. Le Comité recommande que l’État partie poursuive ses efforts afin d’aboutir à une représentation égale des femmes et des hommes dans la vie publique et politique. Il recommande en particulier que l’État partie :

a) Accélère l’adoption de quotas réglementaires concernant la représentation des femmes sur les listes de candidats présentés par les partis politiques aux élections législatives, en les assortissant de niveaux de référence mesurables ;

b) Garantisse la diversité de la représentation des femmes dans les organes législatifs, administratifs et judiciaires, en incluant les femmes musulmanes, les femmes autochtones et les femmes handicapées ;

c) Adopte des plans d’action régionaux et locaux dans la Région autonome musulmane de Mindanao afin de mettre en œuvre le plan d’action national sur les femmes et la paix et la sécurité, et garantisse l’entière participation des femmes musulmanes et autochtones à la vie publique et politique à tous les échelons de la Région.

Éducation

33.Le Comité félicite l’État partie d’avoir réalisé le deuxième objectif du Millénaire pour le développement visant à assurer l’éducation primaire pour tous, d’avoir atteint un taux d’alphabétisation plus élevé chez les filles que chez les garçons – qu’il s’agisse d’alphabétisation élémentaire ou fonctionnelle – et d’avoir intégré l’éducation à la santé sexuelle et procréative dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a) Le nombre de filles scolarisées dans l’enseignement préscolaire et primaire, moins important que celui des garçons, et l’absence d’informations relatives aux filles déscolarisées ;

b) La ségrégation entre les sexes dans l’enseignement supérieur, où le taux d’inscription des femmes et des filles est faible dans les domaines d’étude non traditionnels tels que les sciences, les technologies, l’ingénierie, les mathématiques et l’agriculture ;

c) La forte prévalence de la violence sexuelle et du harcèlement sexuel à l’égard des filles dans les écoles ;

d) L’absence de directives opérationnelles et de formation des enseignants leur permettant de délivrer un enseignement concernant les droits et la santé en matière de sexualité et de procréation qui soit adapté aux élèves en fonction de leur âge.

34. Le Comité recommande que l’État partie :

a) Favorise la scolarisation des filles dans l’enseignement préscolaire et primaire ;

b) Analyse et traite les obstacles auxquels se heurtent les filles non scolarisées ou déscolarisées, dans le cadre d’une action visant à faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons achèvent les cycles primaire et secondaire d’enseignement, y compris au moyen de mesures temporaires spéciales à l’intention de ceux qui proviennent de communautés minoritaires ;

c) Intensifie ses efforts visant à mettre fin à la ségrégation entre les sexes dans l’enseignement supérieur, en vue d’augmenter le taux d’inscription des filles dans les domaines d’étude non traditionnels tels que les sciences, les technologies, l’ingénierie, les mathématiques et l’agriculture ;

d) Enquête sur les cas de violence sexuelle et de harcèlement à l’égard des filles à l’école, engage des poursuites effectives contre leurs auteurs et les punisse de manière adéquate, et veille à ce que les comités d’enquête sur la bonne conduite qui sont habilités à se saisir des plaintes pour harcèlement sexuel n’entravent pas en réalité les enquêtes et les poursuites engagées à l’encontre des auteurs de violences et de harcèlement sexuel à l’école par des organes formels de justice pénale ;

e) Mette au point des directives opérationnelles à l’intention des écoles et organise des formations d’enseignants afin qu’ils délivrent un enseignement de qualité et adapté à l’âge des élèves sur les droits et la santé en matière de sexualité et de procréation à toutes les filles et à tous les garçons – y compris ceux qui sont handicapés.

Emploi

35.Le Comité salue l’abrogation de l’interdiction du travail de nuit pour les femmes et l’adoption de la loi relative aux travailleurs domestiques, mais demeure préoccupé par :

a) La surreprésentation des femmes dans le secteur informel ;

b) La persistance d’une ségrégation professionnelle entre les sexes, les femmes étant concentrées dans les emplois sociaux et le secteur des soins ;

c) L’importance de l’écart de salaire entre les hommes et les femmes dans l’État partie et l’interprétation restrictive qui est faite du principe du salaire égal pour un travail de valeur égale ;

d) L’ampleur du phénomène de harcèlement sexuel au travail et la prévalence de l’impunité.

36. Le Comité recommande que l’État partie :

a) Intensifie les mesures prises pour protéger les droits de l’homme des femmes travaillant dans le secteur informel et les initiatives visant à faciliter l’entrée des travailleuses dans le secteur formel, y compris au moyen de mesures temporaires spéciales en faveur des femmes appartenant à des groupes minoritaires ;

b) Élimine la ségrégation horizontale et verticale entre les sexes qui existe sur le marché du travail en adoptant des mesures temporaires spéciales visant à promouvoir l’accès des femmes à l’emploi ;

c) Accélère la révision du Code du travail afin d’étendre la liste des actes interdits de discrimination fondée sur le sexe à l’égard des femmes, et l’adoption des projets de loi en suspens qui visent à étendre la définition du harcèlement sexuel au harcèlement sexuel au travail et à renforcer les sanctions encourues pour de tels délits ;

d) Renforce les efforts déployés pour enquêter et imposer des sanctions en cas d’actes de harcèlement sexuel au travail, qu’ils soient commis dans le secteur public ou dans le secteur privé, conformément à la recommandation générale n° 19 (1992) du Comité sur la violence à l’égard des femmes ;

e) Établisse des mécanismes objectifs d’évaluation des postes en vue d’appliquer le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale, conformément à la Convention et à la Convention (n° 100) de 1951 sur l’égalité de rémunération de l’OIT.

Travailleuses migrantes

37.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption en 2010 de la loi amendée sur les travailleurs migrants et les Philippins d’outre-mer (loi de la République n° 10022) visant à protéger les travailleurs migrants employés dans l’État partie. Il est toutefois préoccupé par la situation répandue d’exploitation et d’abus que subissent les travailleuses migrantes philippines, en particulier les employées de maison, et par l’insuffisance du soutien qui est fourni afin de réinsérer celles qui reviennent au pays. Le Comité note également que la protection des travailleuses migrantes telle qu’elle est prévue par les politiques migratoires de l’ASEAN ne couvre pas les travailleuses non qualifiées, qui constituent la majorité des travailleuses migrantes philippines.

38. Le Comité recommande que l’État partie :

a) Intensifie ses efforts en vue de protéger concrètement les droits des travailleuses migrantes philippines employées à l’étranger, au moyen d’accords bilatéraux et de mémorandums d’entente conclus avec des pays et des régions vers lesquels les femmes philippines émigrent en quête d’un emploi ;

b) Renforce la réglementation et le contrôle des agences de recrutement de travailleuses migrantes ainsi que les sanctions applicables en cas de violation des règles ;

c) Poursuive ses efforts de sensibilisation des travailleuses migrantes concernant leurs droits, les risques auxquelles elles peuvent être exposées et les canaux qu’elles peuvent utiliser pour obtenir réparation en cas d’atteinte à leurs droits, au moyen de réunions d’information avant leur départ et de campagnes publiques d’information ;

d) Procède à des enquêtes, engage des poursuites et prononce des sanctions concernant les auteurs de faits d’exploitation et d’abus de travailleuses migrantes, en particulier les employées de maison, qui se trouvent sur le territoire relevant de sa compétence ;

e) Apporte un soutien tenant compte de l’égalité hommes-femmes aux travailleuses migrantes qui rentrent au pays en vue de leur réinsertion.

Santé

39.Le Comité note qu’en 2014, la Cour Suprême a reconnu la constitutionnalité de la loi sur la parentalité responsable et la santé procréative, suite à quoi celle-ci est entrée en vigueur. Il note également que la loi en question avait abrogé certaines dispositions, y compris des ordonnances locales qui n’y étaient pas conformes. Toutefois, le Comité est préoccupé par le fait que l’accès des femmes aux services de santé sexuelle et procréative demeure gravement limité et :

a) Que les grossesses précoces, les avortements non médicalisés et les cas d’infection par le VIH/sida sont en hausse, en particulier parmi les adolescentes ;

b) Qu’aucune mesure spécifique n’a été prise pour donner suite aux recommandations de l’enquête que le Comité a conduite en 2012 (CEDAW/C/OP.8/PHL/1), s’agissant notamment de l’accès à des moyens contraceptifs modernes et de la légalisation de l’avortement dans certaines circonstances ;

c) Que l’application de la loi relative à la parentalité responsable et à la santé procréative est inégale selon les régions de l’État partie, qu’aucun mécanisme de suivi de sa mise en œuvre n’a été établi et que les moyens consacrés à l’application de cette loi ont été considérablement réduits ;

d) Que l’abrogation des ordonnances n° 003 et n° 030 de la ville de Manille, rendue nécessaire par l’adoption de la loi relative à la parentalité responsable et à la santé procréative, n’a pas été expressément annoncée, d’où la confusion qui règne parmi les professionnels de santé et l’impossibilité persistante pour les femmes et les filles de la ville de Manille d’accéder à des services et à des informations sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation ;

e) Que la ville de Sorsogon a adopté en février 2015 l’ordonnance n° 3, qui s’est traduite par le retrait de moyens contraceptifs modernes des établissements de santé municipaux et sociaux.

40. Le Comité recommande que l’État partie donne immédiatement suite à l’intégralité des recommandations formulées par le Comité en 2015 dans le rapport concernant son enquête ( CEDAW/C/OP.8/PHL/1 , par. 49 à 52), s’agissant en particulier de l’accès aux moyens contraceptifs modernes et de la légalisation de l’avortement dans certaines circonstances.

Autonomisation économique des femmes

41.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie afin d’établir un socle de protection sociale, mais est préoccupé par le fait que les femmes vivant dans la pauvreté dans des zones rurales et urbaines, en particulier celles qui travaillent dans le secteur informel, n’ont pas accès à la sécurité sociale.

42. En référence à ses recommandations générales n° 16 (1991) sur les femmes travaillant sans rémunération dans des entreprises familiales rurales et urbaines et n° 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande que l’État partie :

(a) S’assure que les femmes travaillant sans rémunération ou dans le secteur informel, en milieu rural comme en milieu urbain, aient accès à une protection sociale non contributive, et que celles qui sont employées dans le secteur formel aient accès à des prestations de sécurité sociale de plein droit, quelle que soit leur situation matrimoniale ;

(b) Établisse des socles de protection sociale tenant compte des inégalités entre femmes et hommes afin de veiller à ce que toutes les femmes rurales aient accès aux soins de santé essentiels, aux structures d’accueil des enfants et à la sécurité du revenu, conformément aux points b), c) et h) du deuxième alinéa de l’article 14 de la Convention et à la Recommandation (n° 202, 2012) de l’OIT sur les socles de protection sociale.

Femmes rurales

43.Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes résidant dans les zones rurales sont particulièrement touchées par la pauvreté et par l’insécurité alimentaire et hydrique en raison des discriminations qu’elles subissent en termes de revenus, d’accès à la propriété foncière, de services de vulgarisation et de formation, et de participation aux prises de décisions. Le Comité s’inquiète particulièrement du fait que les femmes profitent beaucoup moins des résultats des réformes agraires, ce qui les prive de l’accès aux ressources productives. En outre, il est préoccupé par le fait que l’appropriation des terres due aux activités extractives, aux projets de développement et aux catastrophes ainsi que les déplacements de population qui en résultent continuent d’affecter les femmes rurales de manière disproportionnée.

44. En référence à sa recommandation générale n° 34, le Comité recommande que l’État partie :

a) S’assure que les femmes rurales bénéficient d’un accès adéquat à l’alimentation, à la nutrition, à l’eau et à l’assainissement, en tenant compte des normes internationales en matière de droits de l’homme qui s’appliquent à ces droits ;

b) Élimine les discriminations que subissent les femmes rurales en termes de revenus par rapport aux hommes ruraux, et améliore les conditions de travail en milieu rural en instaurant un salaire minimum vital, une attention urgente devant être accordée au secteur informel ;

c) Veille à l’intégration et à la généralisation d’une démarche soucieuse d’égalité entre les sexes dans toutes les politiques, les stratégies, les plans et les programmes de développement agricole et rural, de sorte que les femmes rurales puissent agir de manière visible en tant que parties prenantes qui participent aux prises de décisions et en bénéficient ;

d) Diffuse en langues locales le texte de la recommandation générale dans les communes afin de faire connaître les recommandations qui y figurent, en particulier parmi les organisations non gouvernementales locales.

Catégories de femmes défavorisées

45.Le Comité est préoccupé par le fait :

a) Que les femmes musulmanes, les femmes autochtones, les femmes handicapées, les travailleuses migrantes employées à l’étranger ou qui en reviennent, les personnes déplacées et les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres sont exposées à un risque accru de violence, d’exploitation et d’abus, ainsi que de discriminations dans la vie publique et politique, dans le mariage et les relations familiales, dans l’emploi, l’éducation, l’accès à la justice et les soins de santé ;

b) Que les femmes musulmanes et autochtones et les autres femmes résidant dans les zones rurales font l’objet d’expulsions et de mesures de relogement forcé liées à des projets de développement et à des activités minières ;

c) Que les dispositions du projet de loi fondamentale sur le Bangsamoro sont susceptibles de nuire aux droits des peuples autochtones sur les terres et domaines ancestraux ;

d) Qu’il se serait produit des cas d’assassinats extrajudiciaires de militantes des droits de l’homme provenant de populations autochtones, et de violences sexistes commises à leur égard.

46. Le Comité recommande que l’État partie :

a) Prenne des mesures visant à garantir l’égalité des droits et des chances et la protection des femmes subissant des formes multiples et conjuguées de discrimination, en tenant compte des risques spécifiques et des besoins particuliers des différents groupes et en assurant la participation intégrale et constructive des femmes les représentant ;

b) S’assure que les politiques, les projets et les pratiques concernant le développement et la gouvernance foncière, y compris ceux qui s’accompagnent de mesures de relogement, respectent pleinement les normes internationales applicables, notamment les principes de base et directives sur les expulsions forcées et les déplacements liés au développement (voir A/HRC/4/18 , annexe I), et que les victimes d’expulsions et de déplacements forcés bénéficient en temps opportun de réparations effectives, y compris sous forme de mesures d’indemnisation ;

c) Consulte toutes les populations autochtones musulmanes (Bangsamoro) et non musulmanes afin de déterminer et d’appliquer des solutions innovantes en matière de gestion foncière, de sorte que les droits des femmes soient garantis conformément aux droits des peuples autochtones non musulmans tels qu’ils sont édictés dans la loi relative aux droits des peuples autochtones de 1997 (loi de la République n° 8371) et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ainsi qu’aux droits des populations Bangsamoro ;

d) Enquête et intente des poursuites concernant tout acte de violence commis à l’égard de militantes autochtones des droits de l’homme, prévoie des mesures concrètes de réparation pour les victimes et prévienne la répétition de tels actes ;

e) Protège les femmes déplacées contre la violence et garantisse leur accès effectif aux services sociaux et au développement économique.

Catastrophes naturelles et changements climatiques

47.Le Comité note avec satisfaction que le cadre juridique et politique concernant les catastrophes naturelles et les changements climatiques généralise les mesures tenant compte des disparités entre les sexes dans l’ensemble des agences publiques. Il s’inquiète toutefois que ce cadre n’ait pas trouvé de traduction concrète dans les faits.

48. Le Comité recommande que l’État partie :

a) Fasse une priorité systématique de la protection des droits des femmes, en particulier la protection contre les violences sexistes, dans les analyses de situation, les évaluations des besoins et les mesures de réduction des risques de catastrophe, de préparation et d’intervention en cas de catastrophe naturelle et d’atténuation des effets néfastes des changements climatiques ;

b) Assure la participation intégrale et constructive des femmes, notamment celles qui subissent des formes de discrimination multiples et conjuguées, à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des cadres juridiques et politiques applicables ;

c) Évalue régulièrement l’efficacité des cadres juridiques et politiques relatifs à la protection des droits des femmes en s’appuyant sur des niveaux de référence précis et des indicateurs mesurables, et fournisse dans le prochain rapport périodique des renseignements concernant les résultats obtenus.

Mariage et relations familiales

49.Le Comité se réjouit de l’adoption de la loi de la République n° 10655, qui décriminalise le « mariage prématuré », c’est-à-dire le remariage d’une femme pendant une certaine période faisant suite au décès de son mari ou à la dissolution de son mariage. Le Comité prend également note de la fatwa sur le modèle familial de l’islam, adoptée en 2015, qui encourage les jeunes musulmans à se marier après l’âge de 18 ans et qui réprouve les violences sexistes, les jugeant contraires à la charia. Toutefois, le Comité est préoccupé par le fait que la loi fait perdurer des inégalités dans le mariage et les relations familiales, et note avec une inquiétude particulière :

a) Le report de l’adoption d’une loi visant à abroger la disposition du Code de la famille qui accorde au mari la primauté des décisions par rapport à sa femme concernant les biens en propriété commune, l’exercice de l’autorité parentale et la tutelle d’un enfant ;

(b)L’interdiction du divorce dans l’État partie, sauf dans le Code de droit privé musulman, ainsi que le coût et la longueur des procédures de séparation légale et d’annulation du mariage, qui peuvent avoir pour effet de contraindre des victimes de violences sexuelles et sexistes, en particulier celles qui sont démunies, à demeurer liées par des relations violentes ;

(c)Les contradictions qui existent entre les dispositions de la Grande Charte des femmes et celles du Code de droit privé musulman et des lois coutumières applicables aux communautés musulmanes et autochtones, qui prévoient des relations inégalitaires entre mari et femme et autorisent notamment des pratiques préjudiciables telles que la polygamie, le mariage des enfants et le mariage forcé, ainsi que des pratiques inégalitaires en matière de succession.

50. Le Comité recommande que l’État partie :

a) Accélère l’harmonisation du Code de la famille et d’autres lois sur le mariage et les relations familiales avec la Convention et la Grande Charte des femmes et garantisse l’égalité entre les femmes et les hommes, tant pendant le mariage qu’après sa dissolution, en hâtant notamment l’adoption du projet de loi sur le divorce, attendu de longue date, et en tenant compte des recommandations générales n° 21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n° 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution ;

b) Intensifie ses efforts afin de mieux faire connaître la Convention parmi les populations musulmanes, notamment les femmes, les hommes et les chefs traditionnels et religieux, en diffusant particulièrement des informations relatives aux bonnes pratiques en vigueur dans d’autres pays musulmans concernant l’application de la charia dans le respect de la Convention ;

c) Harmonise le Code de droit privé musulman et les lois coutumières autochtones et musulmanes avec la Convention et la Grande Charte des femmes, y compris en déconseillant explicitement la polygamie en vue de l’interdire, en interdisant le mariage des enfants et le mariage forcé, et en consultant les populations concernées et les organisations de défense des droits des femmes ;

d) Élimine les causes profondes du mariage des enfants et du mariage forcé, notamment la pauvreté, les conflits et l’insécurité, ainsi que la vulnérabilité face aux effets des catastrophes naturelles ;

e) Garantisse la pleine participation des femmes aux processus de prise de décision et aux processus législatifs aux niveaux national, local et communautaire, notamment à la codification et à l’interprétation des normes religieuses et des coutumes relatives au mariage et aux liens familiaux.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

51. Le Comité demande à l’État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans ses initiatives visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

52. Le Comité appelle à la réalisation de l’égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

53. Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient diffusées rapidement, dans ses langues officielles, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier d u Gouvernement, des ministères, du p arlement et de l’appareil judiciaire , afin d’ en assurer l’application intégrale .

Assistance technique

54. Le Comité recommande à l’État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et, à cet égard, de recourir à l’assistance technique régionale et internationale.

Ratification d’autres traités

55. Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme renforcerait l’exercice par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage dès lors l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à laquelle il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

56. Le Comité demande à l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux alinéas a) et c) du paragraphe 26 et au paragraphe 40 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

57. Le Comité invite l’État partie à soumettre son neuvième rapport périodique en juillet 2020.

58. Le Comité invite l’État partie à suivre les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment le document de base commun et l es documents pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).